OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Google inscrit les données aux Beaux-Arts http://owni.fr/2012/08/30/google-inscrit-les-donnees-aux-beaux-arts/ http://owni.fr/2012/08/30/google-inscrit-les-donnees-aux-beaux-arts/#comments Thu, 30 Aug 2012 12:32:17 +0000 Camille Gicquel http://owni.fr/?p=118989

Des données chiffrées utilisées comme matériel artistique. Ça s’appelle du Data-Art. Une démarche innovante poussée par Google pour soigner sa com’ et flatter l’efficacité de ses produits. Ainsi, cet été, Google adaptait neuf expérimentations artistiques de ce type aux navigateurs de smartphone. Pour mettre en valeur les possibilités offertes par une navigation sur tablette notamment la sienne, la nouvelle Nexus 7, qui sera mise en vente en France le 3 septembre prochain.

Au-delà de ces effets d’annonce, Google fait du Data-Art un de ses principaux sujets de R&D, comme le raconte son service presse :

Le Creative Lab est une équipe de designers, de rédacteurs, de technologues créatifs, de producteurs, de directeurs créatifs et de directeurs marketing dont la mission est de travailler sur des projets créatifs très divers qui font vivre l’image de Google.

Outre la réalisation de projets comme le YouTube Symphony Orchestra, le laboratoire cherche à mettre en valeur toutes les possibilités offertes par JavaScript, et ceci en fédérant différentes initiatives : les désormais institués “Chrome Experiments” sont une série de projets artistiques sur le web, la plupart étant réalisés par les internautes eux-mêmes. Ces projets intronisent les “artistes de données” et veulent faire de Chrome le navigateur internet du partage et de la création artistique. Parmi les artistes de l’équipe l’on retrouve REAS, Mr Doob, Ryan Alexander, Josh Nimoy, Toxi et surtout, Aaron Koblin, directeur de la création, qui explique sur le blog Data Visions :

Les analyses et les visualisations de données sont devenus des outils indispensables en science et dans le business, mais dans les mains d’une nouvelle génération d’artistes digitaux, la data subit une métamorphose, d’une unité d’information vers un moyen d’expression fascinant, beau et expressif.

Not your mother’s JavaScript

La Google Data Arts Team est à la pointe de la technologie et repousse les barrières de l’utilisation de JavaScript, d’où leur devise “Pas le JavaScript de ta mère”. Elle a recours à différents outils notamment le HTML5 Canvas, SVG et WebGL, mais cherche surtout à faire de l’un des navigateurs les plus avancés une vitrine pour ses projets.

L’open source comme credo, le Creative Lab donne la possibilité aux internautes de récupérer les codes en ligne afin de se les réapproprier et de contribuer aux Chrome Experiments. Les internautes-artistes peuvent d’ailleurs commenter les projets et faire part des difficultés qu’ils rencontrent. Le Creative Lab relaie ensuite une sélection des créations JavaScript les plus réussies.

Expérimental et avant-gardiste. Certes. Mais l’entreprise californienne ne s’est pas lancée sur cette voie par hasard. Alors que Microsoft se positionne sur le marché de l’éducation, Google a donc placé une partie de ses pions dans un domaine encore négligé par ses concurrents : le Data Art.

Stratégie marketing

L’entreprise de San Francisco soigne l’aspect marketing, et met en valeur ses plus gros projets par des partenariats prestigieux. Outre les musées new-Yorkais ou londoniens avec lesquels elle coopère, elle fait une sélection stricte des chansons qui accompagnent ses travaux.

La musique, autant que l’internaute et les partenaires culturels, joue en effet un rôle primordial dans ses expérimentations. On y retrouve des grands noms comme Arcade Fire, Norah Jones, Danger Mouse, ou Daniele Luppi. Mais il n’est pas étonnant de voir une telle stratégie se mettre en place.

Le service de presse de Google France rappelle que ces projets ne rapportent financièrement que très peu à la compagnie : “Nous ne nous faisons pas d’argent là dessus“. Le mode de rétribution principal reste donc la visibilité, d’où la participation d’artistes reconnus, en espérant que les téléchargements de Google Chrome suiveront.

Si ces derniers sont gratuits, ils représentent un aspect économique important de la compagnie. Plus les internautes utiliseront Chrome, plus Google aura de publics cibles à revendre aux entreprises publicitaires. Sans remettre en cause la haute qualité des expérimentations, Google semble avoir fait d’une pierre deux coups : se vendre comme une entreprise innovante dans le domaine de l’art et conquérir de nouveaux marchés de publicitaires.

Collaboratif

L’équipe avisée de professionnels du secteur cherchent donc à surfer sur les tendances de demain et valorisent certaines pratiques plébiscitées, notamment le crowdsourcing.

Aaron Koblin, directeur de la création, artiste geek diplômé de l’Université de Californie de Los Angeles (UCLA), n’en était pas à son premier essai en intégrant le Creative Lab. Il s’était déjà fait remarquer lors de la réalisation du clip 3D de Radiohead “House of Cards” en 2008. De même, ses réalisations The Sheep Market et The Single Lane Superhighway, deux projets collaboratifs invitant les internautes à dessiner un mouton et une voiture, avaient été salués pour leur aspect innovant.

Dans ses premiers projets comme dans ceux réalisés au sein du Creative Lab, Koblin s’est donc attaché à placer l’internaute au cœur des expériences en lui offrant une palette d’outils. Partout dans le monde, derrière son écran, chacun peut donc contribuer à ces projets collaboratifs. Quoi de mieux que de valoriser la participation des internautes, les impliquer dans un projet précurseur et attractif pour les attirer et les fidéliser à un produit, Chrome.

Le temps du rêve

Si tous les projets présents sur Chrome Experiments révèlent les capacités saisissantes du navigateur et de JavaScript, “3 dreams of Black” est certainement le plus abouti. À mi-chemin entre le jeu vidéo et le clip musical, le Creative Lab reste fidèle à son ambition de placer l’internaute au cœur de ses projets et en fait l’acteur principal de cette vidéo interactive.

Plongé dans trois rêves différents, il découvre les mondes imaginés par la Google Data Arts Team et peut les explorer, le tout au son de la chanson Black tirée de l’album “Rome” de Danger Mouse, Daniele Luppi et Norah Jones. Le projet se fait remarquer par l’esthétisme de son travail graphique, tout autant que sa programmation.

Savez-vous planter les arbres, à la mode, à la mode…

Même chose dans “This Exquisite Forest” mis en ligne le 19 juillet dernier, et dont vous pouvez voir la vidéo d’introduction ci-dessous. Le projet réutilise un concept développé par les surréalistes français dans les années vingt : le cadavre exquis. Les internautes collaborent donc autour d’un même projet (ou autour d’un même arbre dans le cas présent), qu’ils peuvent eux-mêmes créer, sans tenir compte de ce que font les autres. Ils peuvent interagir autour du même arbre au même moment “d’un même début vers plusieurs fins différentes”. Tous les outils sont mis à la disposition de l’internaute : les consignes concernant le thème de l’arbre, le choix des couleurs, les effets etc. (pour les moins aguerris, les deux/trois heures passées sur Paint il y a quelques années devraient vous aider).

Mais le projet ne s’arrête pas là. Google s’est associé au Tate Modern de Londres dans lequel les visiteurs pouvaient également participer via des tablettes numériques, et découvrir le travail des internautes. Comme l’explique Jane Burton, directrice de la création du musée :

Il s’agit d’une collaboration créative entre des artistes, les visiteurs du Tate et une large communauté en ligne.

On retrouve aujourd’hui une véritable forêt aux sujets variés : “le feu”, “briser un mur”, “la ligne”, “l’histoire du savon” ou encore “d’une goutte d’eau…”

Cinq applications dans un labo

Tout aussi impressionnant, nous retiendrons le Web Lab réalisé en partenariat avec le musée des sciences de Londres. Le projet permet aux utilisateurs de collaborer autour de cinq expérimentations de Chrome : l’orchestre universel qui permet de jouer de la musique avec toute la communauté en ligne ainsi que les visiteurs du musée. Le téléporteur offre lui une visite en direct de certains lieux de la planète, et permet de prendre des photos pour ensuite les partager.

L’application sketchbot de son côté vous tire le portrait, ce qui permettra à un robot de reproduire votre visage en direct dans le musée de la capitale britannique. De plus, une recherche par mot-clé vous permet de tracer des données, et de découvrir où sont stockées les images issues de votre exploration. L’application permet d’appréhender l’étendu du réseau internet. Enfin, l’explorateur LabTag ouvre la voie vers les créations des autres visiteurs.

Flashback

Retour en enfance et plongée au cœur de sa ville natale dans “The Wilderness Downtown“, projet pour lequel la Data Arts Team a remporté le Grand Prix Interactif de Cannes en 2011. Après avoir entré le nom de la ville de son enfance, le navigateur offre une véritable chorégraphie de fenêtres pop-up, chacune dévoilant de nouvelles vidéos au rythme de “We used to wait” du groupe anglais Arcade Fire. L’équipe mobilise ici toutes les facultés de Chrome ainsi que Google Earth.

L’on peut voir un enfant courir dans une rue pendant qu’une autre fenêtre survole la ville, et qu’une troisième laisse voir des oiseaux se déplaçant en groupe. Une dernière fenêtre propose un mode street view pour une immersion totale.

L’expérience a ensuite donné lieu à une exposition au Musée d’Art Moderne de New-York. Si le projet demeure impressionnant, le bruit du ventilateur de votre ordinateur portable risque de masquer le son de la musique. Et si, comme moi, vous êtes originaire d’une petite ville (pour ne pas dire une ville “paumée” comme on me l’a soufflé à l’oreille) la qualité de Google Earth peut laisser à désirer.

Petit bémol, ces réalisations transforment souvent votre petit ordinateur portable en chauffage d’appoint, et vous font monopoliser toutes les bandes passantes de votre réseau.


À lire aussi : Google Art Project : Tout n’est pas rose
Illustration : capture d’écran issue du film ROME réalisé par Aaron Koblin

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Tragédie sanitaire en Grèce http://owni.fr/2012/07/26/tragedie-sanitaire-en-grece/ http://owni.fr/2012/07/26/tragedie-sanitaire-en-grece/#comments Thu, 26 Jul 2012 14:27:53 +0000 Camille Gicquel http://owni.fr/?p=116976

Une banque de sang réservée aux Grecs. Le parti d’extrême droite Aube Dorée, qui a fait son entrée au Parlement le 16 juin dernier en obtenant 7 % des voix, mène actuellement une campagne de “préférence nationale” poussée à l’extrême. Le parti tente d’encourager les donneurs de sang grecs à réserver leurs dons pour leurs seuls compatriotes.

“Tous les flacons de sang que nous recueillerons seront destinés à des patients que nous aurons nous-mêmes choisis et à personne d’autre” a déclaré le parti dans un communiqué le 11 juin dernier.

Des affiches ont ainsi été placardées dans le quartier athénien de Loutsa, et de nombreux donneurs de l’hôpital Sotiria ont exprimé le souhait que leur sang soit réservé aux “Grecs d’origine”, rapporte le journal Athens News dans un article du 12 juillet. Les autorités ainsi que le directeur de l’hôpital, Yiannis Stefanou, se sont opposés à ces demandes, rappelant que le sang serait donné à tous les patients dans le besoin “sans considération de race, de couleur ou d’opinions politiques”.

Cette provocation est d’autant plus inquiétante qu’elle arrive alors que le pays connaît depuis plusieurs mois une crise économique sans précédent, à laquelle s’est ajoutée violente une crise sanitaire et sociale.

Le retour de la malaria

Selon le Centre de contrôle et de prévention des maladies (Keelpno) , la Grèce voit une augmentation notable du nombre de malades depuis 2009. Entre 120 et 130 cas de malaria ont été rapportés en 2011. “Les patients atteints de cette maladie n’ont pourtant pas quitté le pays durant les cinq dernières années” précise Reveka Papadopoulos, directrice de Médecins Sans Frontières (MSF) en Grèce. La maladie avait disparu du pays depuis une quarantaine d’année.

Le virus du Nil occidental a également fait des ravages, tuant 35 personnes en 2010 selon Reveka Papadopoulos. Le Keelpno a même été enregistré un pic de contamination à l’automne 2011, 101 cas de contamination et 9 décès ont été comptabilisés. Les chiffres de l’OMS montrent une forte propagation de la rougeole et de la coqueluche entre 2009 et 2010. Si les nations européennes se sont engagées à éradiquer ces maladies par des campagnes de vaccination, le nombre de cas rapportés ont respectivement augmenté de 7 350 % et 137 % sur la période, passant de 2 à 149 et de 27 à 64.

Représentatif du malaise social de la société grecque, le nombre de suicides a très rapidement progressé ces dernières années. Le Ministère de la santé grec a observé une augmentation de 40% au premier semestre 2011 par rapport à 2010. Le pays est passé de 2,8 suicides pour 100000 habitants en 2007 à 3,5 pour 100000 en 2009, alors même qu’il occupait les derniers rangs des pays pour cette statistique.

Explosion du VIH

L’augmentation la plus inquiétante concerne le VIH. Entre 2010 et 2011, le nombre de nouvelles contaminations a augmenté de 57% dans l’ensemble du pays selon le rapport d’activité 2012 des Nations-Unies concernant la Grèce. Sur la même période, le centre ville d’Athènes a même connu un bond record de 1 250% selon Médecins Sans Frontières (MSF). Les toxicomanes sont particulièrement concernés : avec 20% de consommateurs d’héroïne en plus en 2010 selon le centre de contrôle et de prévention des maladies, et la suspension du programme gouvernemental permettant aux drogués de disposer de seringues stériles, le constat n’est malheureusement pas surprenant. Coupes budgétaires obligent, la distribution de préservatifs aux travailleuses du sexe a également été suspendue.

La situation de la Grèce est d’autant plus préoccupante quand on la compare à un pays ayant été brisé par la rigueur : en pleine crise de la dette souveraine en 2008, l’Irlande n’a pas connu une telle poussée des maladies infectieuses et du Sida. Le graphique ci-dessous représente le nombre de nouveaux cas de VIH depuis 2007 en Grèce et en Irlande. (Il est possible de sélectionner des couleurs différentes afin de distinguer les deux pays.)

Contacté par Owni à l’occasion de la conférence internationale sur le sida qui se tenait du 23 au 27 juillet à Washington, Eric Fleutelot, directeur général adjoint de Sidaction assure que le cas grec est unique en Europe :

Les politiques de répression ont toujours favorisé le développement des épidémies. C’est la conséquence d’un appauvrissement de la population et de la baisse des dépenses de santé de l’État. Mais maintenant la Grèce fait marche arrière dans l’accès à la santé, elle régresse. Concernant le VIH, sa situation est semblable à celle des nouveaux entrants comme la Roumanie et la Bulgarie. C’est la première fois en Europe que l’on voit ce phénomène. L’Irlande, qui a connu une crise très grave en 2008, n’a pourtant pas connu de telles conséquences. Les mesures ont été moins difficiles et ont été appliquées moins longtemps.

Rigueur budgétaire

La crise économique qui frappe actuellement la Grèce n’est en effet pas étrangère à cette situation. Le pays accumulait une dette de 165.3 % en 2011 contre 142.8 % l’année précédente. Le déficit pour sa part était revenu à 9.1 % en 2011 contre 10,5 % l’année précédente sous l’effet de la “cure d’austérité” imposée par la Banque Centrale Européenne (BCE), la commission européenne et le Fonds Monétaire International (FMI).

Le gouvernement n’épargne donc aucun poste budgétaire. Suite à une augmentation annuelle moyenne de 6 % des dépenses de santé (publiques et privés cumulées) entre 2000 et 2009, les experts estiment que celles-ci ont diminué de 6.5% dans le pays en 2010. Plus concrètement, les dépenses de santé par habitant sont passées de 3 078 $ en 2008 à 3 015 $ en 2009, et à 2 729 $ en 2010 selon la banque mondiale. Des chiffres sans commune mesure avec ceux de la France qui affichait 4 941 $ en 2008, 4 840 $ en 2009 et 4 691 $ en 2010. (cf. le graphique ci-dessous qui présente les dépenses de santé entre 2007 et 2010 en Europe).

Grecs d’ethnie grecque

Porté par la situation économique difficile, le parti d’extrême droite Aube Dorée joue de la crise sanitaire pour stigmatiser les populations migrantes. Outre la campagne concernant le don du sang, il propose d’autres initiatives afin de privilégier les “Grecs d’ethnie grecque” telles que les épiceries solidaires pour les personnes en difficultés. Mais comme l’explique Eric Fleutelot, directeur général adjoint de Sidaction :

Dans la crise grecque, certaines populations sont stigmatisées. Les photos des travailleuses du sexe séropositives publiées dans les médias ont renforcé ce sentiment. Ce genre d’évènement consolide l’idée que le sida ne concerne que les prostituées, les usagers des drogues et les étrangers, ce qui est évidemment faux. Le VIH est toujours la maladie des étrangers, c’est une représentation qui ne change pas. C’est la maladie de l’autre. En Afrique noire, le VIH est la maladie apportée par les blancs, en Grèce ils considèrent qu’elle vient des étrangers.


Photographie par Agelakis (CC-byncsa)

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