OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 On achève bien les agences photo http://owni.fr/2011/07/07/on-acheve-bien-les-agences-de-photo/ http://owni.fr/2011/07/07/on-acheve-bien-les-agences-de-photo/#comments Thu, 07 Jul 2011 09:45:37 +0000 Capucine Cousin http://owni.fr/?p=72969

Tout un symbole. L’annonce a été officialisée la semaine dernière : l’agence photo Sipa Press est sur le point d’être vendue à une agence allemande, DAPD, au prix de 34 licenciements sur les 92 salariés, dont 16 des 24 photographes, d’après Le Monde. Une véritable saignée à blanc, où l’activité de photojournalisme d’une des dernières prestigieuses agences survivantes est sacrifiée. À terme, toujours d’après le quotidien, l’agence DAPD (deuxième agence de presse outre-Rhin), contrôlée par un fonds d’investissement, vise à transformer Sipa en agence filaire généraliste, donc en concurrence directe avec l’AFP et autres Reuters.

L’annonce est loin d’être anecdotique, et révèle une fois encore l’évolution (la disparition annoncée ?) dans la douleur des fleurons du photojournalisme, en déconfiture depuis une dizaine d’années, pêle-mêle face au média Internet, la montée en puissance des agences filaires, la crise de la presse, et la dégringolade des prix de la photo. Alors que la plupart des titres de presse magazine mettent fin peu à peu à leurs services photo internes.

Une annonce de mauvais augure, à la veille de l’ouverture de deux des rendez-vous photo les plus cotés pour la profession, les Rencontres de la photo d’Arles – ouvertes le 4 juillet, elles porteront sur la photo au Mexique et la guerre d’Espagne vue par Robert Capa – et le Festival Visa pour l’image de Perpignan, qui ouvrira fin août.

La dégringolade pour Sipa Presse avait commencé en 2001. Son légendaire fondateur, le volcanique photographe Gökşin Sipahioğlu, qui l’avait fondée en 1973 (allez lire cet entretien de folie réalisé en 2005 par Frédéric Joignot sur son blog), s’est alors résolu à la revendre à Sud Communications (groupe Pierre Fabre). Malgré ses 25 photographes, ses 600 correspondants, ses 500 reportages photo vendus chaque mois dans plus de 40 pays, elle affiche 2 millions d’euros de pertes en 2010.

Concurrence des agences filaires

Concurrencées par les agences d’information généralistes (dites agences filaires) comme l’AFP et AP, lâchées par une presse mag qui consacre davantage de couv’ vendeuses aux people (ou politiques peopolisés) qu’au photoreportage, les trois “A” ont toutes perdu leur indépendance, avant de déposer les objectifs photo. Quant au photojournalisme, il périclite.

Les autres agences-stars des années 70, Sygma et Gamma, sont en voie d’extinction. Sygma, fondée en 1973 par Hubert Henrotte après un conflit avec l’agence Gamma, rachetée en 1999 par le groupe américain Corbis (propriété personnelle de Bill Gates), était en cours de reconversion en avril 2001. En agence qui ne produirait plus de reportages photo, pour se concentrer sur la diffusion de ses fonds numériques.

Comme je l’écrivais alors dans cette enquête pour Les Échos : forte des fonds de 65 millions d’images issus des collections Bettmann (photos historiques, dont celles de l’agence United Press International), de la National Gallery de Londres, du photographe Yann Arthus Bertrand, et des agences Sygma (actualité), TempSport (sport) ou Stopmarket (photos d’illustration), elle ambitionnait alors de vendre sur Internet ses prestigieuses archives une fois numérisées. Avec une facture déjà douloureuse : 90 personnes, dont 42 photographes, avaient été licenciées dans le cadre d’un plan social. Las, elle a déposé le bilan en 2010, suite à un contentieux avec un de ses ex-photographes.

Gamma-Rapho sera elle aussi emportée dans le sillage de la mise en liquidation du groupe Eyedea Presse, en 2010. Créée en 1966 par des photographes dont Raymond Depardon et Jean Lattès. Le groupe de presse Hachette Filipacchi Médias (HFM) a pris 75% de participation en 1999, en misant sur la vente de ses fonds numérisés, et sur un e-commerce BtoB. Elle a été rachetée par le photographe François Lochon en avril 2010, et concentrée sur la seule vente d’archives.

Tentatives de virages numériques

Il y a bien eu des tentatives pour renouveler le photojournalisme indépendant à l’ère du numérique. En 1999, Floris de Bonneville – un des cofondateurs de Gamma – lance GlobalPhoto, qui propose alors aux agences et aux photographes indépendants de gérer la vente de leurs images, surtout dans le secteur de la presse magazine. Une manière de trouver la parade pour maintenir l’indépendance des agences, alors que Floris de Bonneville avait proposé – en vain – à Gamma, Sygma et Sipa de s’unir sur Internet. Un an après, GlobalPhoto est rachetée par PR Direct, spécialisée dans la photo d’illustration. Le projet ne semble pas avoir survécu.

En décembre 2002, même le National Geographic inaugure une stratégie de commerce en ligne et tente de se placer sur le même créneau que les agences photo, en lançant en partenariat avec IBM, un site web baptisé Ngsimages.com, dédié à la vente en ligne de son catalogue de photographies.

Alors, quel avenir pour les agences photo, face aux agences filaires géantes, telles l’AFP et Reuters, spécialisées dans la seule photo d’actualité (quitte à tirer vers le people) ? Un des seuls recours semble être la photo d’illustration. Seules les agences de photo d’illustration tirent encore leur épingle du jeu : des banques d’images en ligne gratuites ou à moins d’un dollar telles que Stock.XCHNG, ou encore Shutterstock, les magazines et autres journaux ont à disposition des photos d’amateurs ou de professionnels à des prix défiant toute concurrence.

L’agence Getty Images a tôt choisi ce virage. Fondée en 1995 à Seattle, initialement banque d’images pour agences publicitaires, elle s’est diversifiée dans la photo d’actualité à coup d’acquisitions, devenant premier fournisseur d’images (photos et vidéos) pour les agences publicitaires et groupes média. Pour contrer la concurrence d’Internet, elle acquiert en 2006 le site de vente de photos à bas prix iStockphoto, banque d’images bon marché mais de moins bonne qualité. L’agence a aussi revu ses tarifs à la baisse et proposé des ristournes sur ses photos en offrant par exemple ses photos basse résolution à seulement 49 dollars.

Je connais quelques photographes qui œuvrent en agence filaire, et s’en tirent plutôt bien (mais se contentent de faire des photos d’actu, sans trop se poser de questions, plus de reportages…), d’autres qui galèrent. Même des signatures, comme Reza, qui semble faire moins de reportages qu’avant faute de budget alloué par les magazines.

Restent quelques initiatives notables, telle l’agence britannique VII (lire “Seven”), lancée en septembre 2001 lors du Festival Visa pour l’image de Perpignan en septembre 2001. Mais un projet porté par sept pointures du photojournalisme, transfuges d’agences traditionnelles – que ce soit le président de VII Gary Knight (ex-Saba), James Nachtwey (ex-Magnum), ou la Française Alexandra Boulat (ex-Sipa – décédée depuis). Dotée d’une structure légère, l’agence opère uniquement sur Internet et mise sur une valeur ajoutée technologique. Disséminés dans différentes villes du monde, les photographes-fondateurs numérisent les sélections de leurs photos, ce qui permet de réduire les frais de gestion et d’archivage. Sans doute un des derniers vrais projets d’agence à l’ancienne, encore active, menée par des stars du photojournalisme.

On trouve aussi des collectifs désormais installés comme Tendance Floue (L’Oeil Public a fermé l’an dernier me signale un lecteur), et une fédération de pigistes comme Fede Photo. Mais pour tous, le renouveau doit inclure des activités rémunératrices – comme la publicité ou le “corporate“ pour financer les reportages. Et une patte, une personnalité face au ton photographique toujours plus standardisé des grandes agences.

Billet initialement publié sur Miscellanées sous le titre “L’agence Sipa en difficulté, dernier fleuron d’un photojournalisme qui périclite ?”

Image Flickr CC PaternitéPas d'utilisation commerciale blentley et PaternitéPas d'utilisation commercialePartage selon les Conditions Initiales rachel a. k.

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Pottermore.com: bye bye les libraires old school ? http://owni.fr/2011/07/02/j-k-rowling-lance-son-pottermore-com-bye-bye-les-libraires-old-school/ http://owni.fr/2011/07/02/j-k-rowling-lance-son-pottermore-com-bye-bye-les-libraires-old-school/#comments Sat, 02 Jul 2011 13:43:47 +0000 Capucine Cousin http://owni.fr/?p=72410

Encore un peu de Harry Potter ?… Welcome in Pottermore.com (jeu de mots facile, j’en conviens ;). Et voilà, J. K. Rowling, devenue auteure à succès avec sa gentille série fantasy pour ados (et grands enfants) Harry Potter, nous en propose un peu plus, avec le lancement du site Pottermore.com [en], dévoilé à la presse à Londres jeudi dernier. J’y reviens un petit peu tardivement (reportage à Cannes oblige, à l’occasion de la grand-messe annuelle de nos pubeux – j’y reviendrai dans un billet ultérieur), mais l’initiative est importante, car elle ouvre une (grande) brèche dans l’univers du livre. Et préfigure peut-être nos modes de lecture futurs.

Les aventures d’Harry Potter, c’est donc fini, alors que le septième tome, Harry Potter et les reliques de la mort, scellait ses aventures de petit sorcier. Pourtant, la série revient déjà sous forme d’e-book. de fait, le site interactif commercialisera aussi les sept volumes d‘Harry Potter sous format d’e-books, alors qu’ils n’étaient disponibles jusqu’à présent qu’en version papier et audio. « Je voulais apporter quelques chose de plus aux fans qui ont suivi Harry à travers les années, et le rendre accessible aux nouveaux digital natives », a résumé en substance J. K. Rowling, citée par le New York Times [en].

Le plus, ce sont bien sûr les nouvelles expériences de lecture qu’offriront ces e-books : son auteure le promet, ils comporteront des illustrations et des éléments interactifs. Le site regroupera aussi un réseau social, une aventure à découvrir et lire, tout en interagissant. De fait, il proposera de redécouvrir l’ensemble de l’aventure Potter, en incarnant un personnage, sous la forme d’un avatar, qui aura pour mission de rentrer dans l’une des maisons de l’école Poudlard.

Auteur du futur : tes droits numériques tu ne cèderas jamais

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Maligne, au fil de la publication de ses blockbusters, elle a pris soin de ne jamais céder ses droits numériques à son éditeur, malgré ses demandes répétées en vue d’éditer ses livres en format numérique, comme on peut l’imaginer. Elle a fait bien mieux : alors que les ventes électroniques des livres populaires ont explosé ces dernières années, à la faveur des premiers eReaders disponibles (comme le Kindle d’Amazon), puis des tablettes comme l’iPad, elle proposera les siens sur sa propre boutique en ligne à partir d’octobre, intégrée au sein de Pottermore.com.

Réseau de distribution virtuel exclusif

Mieux, elle se réserve l’exclusivité de la vente en ligne de ses e-books, en plusieurs langues. Les vendeurs en ligne Amazon et Barnes & Noble ne disposeront pas des droits de vente en ligne. Ces deux géants, tout comme les vendeurs indépendants, responsables en partie de l’essor de Harry Potter – dont ils ont assuré la promo, au prix de lancements nocturnes -, sont ainsi de facto exclus de ce nouveau réseau de distribution, la vente en ligne. Tss, quel cynisme… Dont J. K. Rowling s’assure l’exclusivité – une première pour une auteure. Seuls ses éditeurs, Scholastic et Bloomsbury, percevront une part des revenus (d’un montant non dévoilé). Elle devient de facto la seule gestionnaire en ligne de la marque Harry Potter.

Du même coup, J. K. Rowling a réservé un petit uppercut au géant Amazon, en contournant sa politique commerciale. Les fichiers numériques des livres seront commercialisés en EPUB et pour le lecteur Kindle d’Amazon (certes peu vendu en France, mais qui jouit d’un joli succès outre-Atlantique). Sans, bien sûr, qu’Amazon ne touche de commission sur la vente, puisque l’on ne passera pas du tout par sa boutique en ligne. Mais Jeff Bezos pourra difficilement interdire de lire les fichiers sur son appareil…

Elle enterre avec le sourire les libraires, qui ont conscience. « Nous sommes déçus que, ayant été des facteurs-clefs dans la croissance du phénomène Harry Potter depuis la publication du premier livre, le marché soit effectivement exclu de la commercialisation de l’édition tant attendue des versions numériques », lâchait ait un porte-parole de la chaîne Waterstone, cité par Actualitté.com.

En se réservant le monopole du circuit de distribution numérique de ses livres, l’auteure espère aussi donner un coup de frein au piratage de ses livres, parmi les plus téléchargés sur des sites de partage de contenus. Elle les proposera en format EPUB, tatoués numériquement (watermarking) afin de lier l’identité d’un acheteur à la copie d’un e-book. Cela n’empêchera nullement le partage illicite des ouvrages numérisés, mais cela aura le mérite de faciliter le traçage des copies.

Reste à voir si l’auteure, forte de son succès hollywoodien (400 millions d’exemplaires vendus !) ouvre réellement une brèche dans l’univers impitoyable de l’édition, et si elle sera suivie par d’autres…

Billet initialement publié sur Miscellanées sous le titre “J. K. Rowling lance son Pottermore.com: bye bye les libraires old school ?”

Image CC Flickr PaternitéPas d'utilisation commerciale jovike

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Les concerts de moins en moins accessibles ? http://owni.fr/2011/04/26/les-concerts-de-moins-en-moins-accessibles/ http://owni.fr/2011/04/26/les-concerts-de-moins-en-moins-accessibles/#comments Tue, 26 Apr 2011 15:11:57 +0000 Capucine Cousin http://owni.fr/?p=31657 Il y a quelques semaines, j’ai assisté à un concert de PJ Harvey à La Maroquinerie, une petite salle parisienne de quelques centaines de places, très prisée pour la qualité de son acoustique. Joli concert, j’étais à 4 mètres de PJ, que j’écoute depuis 15 ans et ses débuts avec le très énervé et jouissif Dry. Je n’ai pas boudé mon plaisir, malgré l’auditoire un peu froid…

Nous étions une poignée de privilégiés à voir la grande dame trash british, qui mêlait punk-rock et mélodies folk. D’autant plus privilégiés que la lady n’a donné que deux concerts en France ce printemps, à l’occasion de la sortie de son dernier album, Let England shake : l’un, à l’Olympia – tarifs prohibitifs (60 € la place) – , et l’autre, à La Maroquinerie, auquel j’ai donc eu la chance d’assister en tant qu’invitée… Comme l’ensemble de l’auditoire. Il s’agissait en effet d’un “concert privé”, auquel n’assistaient que des invités, et des gagnants à un jeu-concours organisé par les partenaires, Deezer et Arte Live Web. Eh oui ! Car ce concert organisé par la plateforme d’écoute de musique à la demande Deezer était réservé aux heureux internautes membres de sa communauté ayant gagné des places via un jeu-concours en ligne – et bien sûr aux habituels invités de ce genre d’événements.

Des prix prohibitifs

En résumé, outre un concert à prix prohibitif pour le commun des mortels (non-invités donc), bien loin derrière les places à 30 € de sa tournée de 2002 – preuve que la star néo-punk s’est embourgeoisée ? – ce concert très privé était la seule alternative. Les concerts seraient-ils devenus un loisir de luxe ?

Ou tout simplement, ce n’est peut-être plus une activité rentable pour les maisons de production… Une étude menée sur quatre ans par le Centre national de la chanson, des variétés et du jazz (CNV), publiée cette semaine, montre en effet la galère pour les jeunes artistes à se produire en tournées. Sur 650 demandes d’aide à la production déposées entre 2006 et 2009 (par de jeunes artistes, mais aussi par des musiciens confirmés comme Thomas Dutronc et Jean-Louis Murat), l’étude révèle une baisse de 22% de la durée moyenne par projet et un recul de 21% de la fréquentation. Ouch…

En fait, les “concerts privés” sont un format, une sorte de package de luxe très marketé en plein développement. Terriblement révélateur d’une industrie musicale en pleine déconfiture. En quête de nouvelles recettes. Depuis quelques années, ce nouveau format de concert se fait discrètement sa place dans les grilles de concerts. Il y a le cas particulier de concerts privés au premier degré – ces cas caricaturaux de chanteurs qui se produisent lors d’anniversaires de milliardaires, payés rubis sur l’ongle, ou qui font des sortes de gigantesques ménages, assurant l’ambiance musicale lors de défilés de mode ou de soirées corporate, comme le cas récent de Sting lors d’une teuf pour la lancement de l’Audi A8 (hélas… tout se perd).

Mais une autre sorte de “concert privé” commence à avoir les faveurs des majors : organisé par une marque, il est destiné à sa seule communauté, formé des gagnants à un jeu-concours en ligne, tirage au sort ou autre. On est bien loin du modèle de concerts simplement sponsorisés par des marques – radios, majors musicaux, marques de produits high-tech..

Des concerts qui relèvent autant de l’offre musicale que d’un nouveau package marketing, organisé – certes toujours par des radios et chaînes musicales, mais aussi des marques qui ont plus ou moins à voir avec cet univers : Deezer (le site de streaming musical) et Arte Live Web pour le concert privé de PJ Harvey, la Fnac pour ses Fnac Live (prochain jeu-concours : Moriarty…). L’occasion de générer des contenus exclusifs, qui seront accessibles en ligne à sa seule communauté : ce que propose SFR sur son portail SFR Live Concerts. Car l’opérateur téléphonique s’est lui aussi engouffré dans la brèche, en ouvrant son Studio SFR et ses showcases en 2008.

Co-branding et charity-business

Pour d’autres, les concerts privés sont un produit d’appel marketing pour attirer la clientèle prisée des djeuns… Jackpot pour la Société Générale, qui s’est associée à Universal Music pour organiser les concerts So Music. C’est en septembre 2008, lorsqu’ils ont lancé une carte bancaire co-brandée (un “nouvel espace publicitaire”, comme j’en parlais alors dans ce billet), “So’ Music”, destinée aux djeuns (important de les fidéliser.. pour qu’ils restent ensuite dans ladite banque), leur offrant entre autres des places de concerts à tarifs réduits… Concerts privés organisés exclusivement pour eux. Une forme de sponsoring d’un nouveau genre, en somme.

Même le charity business s’empare de ce format de micro-show exclusifs. Depuis le 4 avril, plusieurs chanteurs – Raphaël ouvrait le bal au Grand Palais – se sont succédés à des concerts privés réservés aux bénéficiaires d’un tirage au sort parmi des prêteurs (au minimum 20 euros) de MicroWorld, une plateforme de mircrocrédit qui met en relation prêteurs et entrepreneurs.


Article publié initialement sur Miscellanees.net sous le titre Les “concerts privés”: les concerts sont-ils devenus un loisir de luxe ?

Illustrations Flickr CC Christing-O K-Meron et Silent(e)

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Et si les concerts devenaient un luxe? http://owni.fr/2011/04/24/et-si-les-concerts-devenaient-un-luxe/ http://owni.fr/2011/04/24/et-si-les-concerts-devenaient-un-luxe/#comments Sun, 24 Apr 2011 11:00:29 +0000 Capucine Cousin http://owni.fr/?p=58895 Il y a quelques semaines, j’ai assisté à un concert de PJ Harvey à La Maroquinerie, une petite salle parisienne de quelques centaines de places, très prisée pour la qualité de son acoustique. Joli concert, j’étais à 4 mètres de PJ, que j’écoute depuis 15 ans et ses débuts avec le très énervé et jouissif Dry. Je n’ai pas boudé mon plaisir, malgré l’auditoire un peu froid…

Nous étions une poignée de privilégiés à voir la grande dame trash british, qui mêlait punk-rock et mélodies folk. D’autant plus privilégiés que la lady n’a donné que deux concerts en France ce printemps, à l’occasion de la sortie de son dernier album, Let England shake : l’un, à l’Olympia – tarifs prohibitifs (60 € la place) – , et l’autre, à La Maroquinerie, auquel j’ai donc eu la chance d’assister en tant qu’invitée… Comme l’ensemble de l’auditoire. Il s’agissait en effet d’un “concert privé”, auquel n’assistaient que des invités, et des gagnants à un jeu-concours organisé par les partenaires, Deezer et Arte Live Web. Eh oui ! Car ce concert organisé par la plateforme d’écoute de musique à la demande Deezer était réservé aux heureux internautes membres de sa communauté ayant gagné des places via un jeu-concours en ligne – et bien sûr aux habituels invités de ce genre d’événements.

Des prix prohibitifs

En résumé, outre un concert à prix prohibitif pour le commun des mortels (non-invités donc), bien loin derrière les places à 30 € de sa tournée de 2002 – preuve que la star néo-punk s’est embourgeoisée ? – ce concert très privé était la seule alternative. Les concerts seraient-ils devenus un loisir de luxe ?

Ou tout simplement, ce n’est peut-être plus une activité rentable pour les maisons de production… Une étude menée sur quatre ans par le Centre national de la chanson, des variétés et du jazz (CNV), publiée cette semaine, montre en effet la galère pour les jeunes artistes à se produire en tournées. Sur 650 demandes d’aide à la production déposées entre 2006 et 2009 (par de jeunes artistes, mais aussi par des musiciens confirmés comme Thomas Dutronc et Jean-Louis Murat), l’étude révèle une baisse de 22% de la durée moyenne par projet et un recul de 21% de la fréquentation. Ouch…

En fait, les “concerts privés” sont un format, une sorte de package de luxe très marketé en plein développement. Terriblement révélateur d’une industrie musicale en pleine déconfiture. En quête de nouvelles recettes. Depuis quelques années, ce nouveau format de concert se fait discrètement sa place dans les grilles de concerts. Il y a le cas particulier de concerts privés au premier degré – ces cas caricaturaux de chanteurs qui se produisent lors d’anniversaires de milliardaires, payés rubis sur l’ongle, ou qui font des sortes de gigantesques ménages, assurant l’ambiance musicale lors de défilés de mode ou de soirées corporate, comme le cas récent de Sting lors d’une teuf pour la lancement de l’Audi A8 (hélas… tout se perd).

Mais une autre sorte de “concert privé” commence à avoir les faveurs des majors : organisé par une marque, il est destiné à sa seule communauté, formé des gagnants à un jeu-concours en ligne, tirage au sort ou autre. On est bien loin du modèle de concerts simplement sponsorisés par des marques – radios, majors musicaux, marques de produits high-tech..

Des concerts qui relèvent autant de l’offre musicale que d’un nouveau package marketing, organisé – certes toujours par des radios et chaînes musicales, mais aussi des marques qui ont plus ou moins à voir avec cet univers : Deezer (le site de streaming musical) et Arte Live Web pour le concert privé de PJ Harvey, la Fnac pour ses Fnac Live (prochain jeu-concours : Moriarty…). L’occasion de générer des contenus exclusifs, qui seront accessibles en ligne à sa seule communauté : ce que propose SFR sur son portail SFR Live Concerts. Car l’opérateur téléphonique s’est lui aussi engouffré dans la brèche, en ouvrant son Studio SFR et ses showcases en 2008.

Co-branding et charity-business

Pour d’autres, les concerts privés sont un produit d’appel marketing pour attirer la clientèle prisée des djeuns… Jackpot pour la Société Générale, qui s’est associée à Universal Music pour organiser les concerts So Music. C’est en septembre 2008, lorsqu’ils ont lancé une carte bancaire co-brandée (un “nouvel espace publicitaire”, comme j’en parlais alors dans ce billet), “So’ Music”, destinée aux djeuns (important de les fidéliser.. pour qu’ils restent ensuite dans ladite banque), leur offrant entre autres des places de concerts à tarifs réduits… Concerts privés organisés exclusivement pour eux. Une forme de sponsoring d’un nouveau genre, en somme.

Même le charity business s’empare de ce format de micro-show exclusifs. Depuis le 4 avril, plusieurs chanteurs – Raphaël ouvrait le bal au Grand Palais – se sont succédés à des concerts privés réservés aux bénéficiaires d’un tirage au sort parmi des prêteurs (au minimum 20 euros) de MicroWorld, une plateforme de mircrocrédit qui met en relation prêteurs et entrepreneurs.


Article publié initialement sur Miscellanees.net sous le titre Les “concerts privés”: les concerts sont-ils devenus un loisir de luxe ?

Illustrations Flickr CC Christing-O et Silent(e)

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Le live s’impose http://owni.fr/2011/04/07/le-live-simpose/ http://owni.fr/2011/04/07/le-live-simpose/#comments Thu, 07 Apr 2011 10:00:19 +0000 Capucine Cousin http://owni.fr/?p=55577 À côté des articles, billets, vidéos, chats, diaporamas, webdocumentaires et autres infographies (datajournalism oblige), il s’est imposé comme un format journalistique à part entière, prisé des rédactions web. Une consécration au bout de 3/4 ans d’existence, au gré d’une actualité internationale en plein bouillonnement – de l’Afrique du Nord au Proche-Orient, en passant par le Japon, et, ces tous derniers jours, la Côte d’Ivoire. Le live donc, entre live-blogging et live-tweet, se présente sous forme d’enchaînements de phrases courtes, où le journaliste commente en direct un événement, tout en interagissant en direct avec les internautes qui peuvent y publier leurs commentaires.

Cela faisait un certain temps que je ne m’étais pas penchée sur les nouvelles pratiques journalistiques sur le web, et ces nouveaux formats qu’utilisent – voire créent – les médias en ligne, comme le webdocumentaire, que j’avais décrypté ici. Car les rédactions web sont les mieux placées pour inventer de nouvelles pratiques journalistiques online, mêlant des écritures journalistiques propres au web (écriture simple et factuelle, brièveté des articles, journalisme de liens avec liens hypertextes pour partager ses sources), une organisation du travail propre (avec des journalistes de permanence à tour de rôle jusque tard en soirée, les weekend, et jours fériés) une ligne éditoriale propre (culte de l’instantanéité, du grand public, voire du popu – on y reviendra), des impératifs de mise en page et d’infographie…

Nouvelles pratiques

Une nouveau format journalistique, avec ses travers, mais particulièrement innovant, qui m’avait déjà frappée lors de mon (bref ;) passage par la rédaction de 20minutes.fr l’année dernière, clairement la rédac web qui y recourt le plus, sous diverses déclinaisons. L’occasion était rêvée pour décrypter ce format du live, un concentré de compétences parfois d’un nouveau type que revêtent les rédactions web. Un format également révélateur des nouvelles pratiques des internautes : ils vont sur des sites d’info pour suivre des événements en direct lorsqu’ils sont au bureau, et interroger en direct le journaliste qui le “couvre”. Le soir, ils commentent depuis leur laptop ou leur smartphone une émission qu’ils suivent sur leur téléviseur.

Le Monde a frappé fort en ouvrant un live de cinq jours, du 14 au 17 mars, pour couvrir les événements au Japon. Cinq jours ! Imaginez : durant cinq journées d’affilée, des journalistes se sont succédés pour assurer la couverture en permanence des événements au Japon. Une première dans les pratiques liées à cet outil, le live – quitte à en essuyer les plâtres, en comme l’a longuement décrypté Vincent Glad dans ce billet, reprenant André Gunthert.

Captures d'écran des sites de France 24 et So Foot

Ces dernières semaines, plusieurs média en ligne ont aussi monté des lives spéciaux, autour des événements en Libye et dans le monde arabe (comme par exemple France 24, sur l’Egypte, puis la Libye), Slate France, ou encore Owni, puis à propos du séisme du Japon et la centrale nucléaire de Fukushima. Des médias plus confidentiels l’ont adopté aussi, comme le site web de Jeune Afrique depuis vendredi dernier, à propos de la Côte d’Ivoire et l’entrée à Abidjan des pro-Ouattara.

C’est là, à la lumière de ces soubresauts de l’actu internationale, que l’on a pu prendre toute la mesure de l’adaptabilité de ce format journalistique : complémentaire des articles en ligne et des longues enquêtes publiées sur le print, le live permet d’informer le lecteur en temps réel des bribes d’information. Comme le souligne Vincent Glad, les médias en ligne y trouvent un format qui se rapproche dans sa forme des éditions spéciales des chaînes d’infos en continu qui associent les images à un bandeau défilant de breaking news, alimenté par des dépêches d’agences, “avec une insistance sur l’événementialité avec un logo ‘édition spéciale’”.

Pourquoi le recours à un tel dispositif ?

Sur de gros événements internationaux, les live sont un outil assez fantastique, ils permettent de suivre rapidement et dans les détails un événement, d’agréger rapidement des sources issues d’autres médias, d’être très précis, de relativiser ou de corriger immédiatement une information, me précise Samuel Laurent, journaliste politique au Monde.fr, ex-Figaro.fr.

Et d’évoquer “tous les apports que nous donne l’audience, que ce soit en posant des questions qui nous obligent à préciser des infos, en apportant des informations locales (pour des événements comme le conflit des retraites), en donnant des liens (lives “internationaux”), des éclairages techniques spécialisés (Fukushima…) et même de l’information brute lorsque les personnes sont sur place (Tunisie, Égypte…). Il y a un travail à faire pour vérifier l’info, évidemment, mais l’apport est fantastique”.

Un outil ouvert

Le live, c’est donc un flux continu d’infos, de l’ordre des infos factuelles ou des commentaires, publié sur un outil de publication ad hoc. Le journaliste publie donc en direct des infos concernant un événement, très souvent à partir d’un direct en télé, via une chaîne généraliste ou d’infos continues. D’autres médias, comme Owni, l’utilisent surtout pour partager des ressources – articles, blogs, vidéos.

Sur cet outil de publication “ouvert”, comme pourrait l’être un blog, les internautes peuvent publier en direct (donc sans modération à priori) leurs commentaires et questions, auxquels le journaliste répond, autant que possible en y ajoutant à l’envi des compléments d’infos glanées dans les dépêches, des liens hypertextes vers des articles publiés par son média sur le sujet, ou vers d’autres sources. Un flux d’infos qui constitue une sorte d’article évolutif, complété au fil de l’eau par les commentaires et compléments des internautes. Le journalisme participatif dans toute sa splendeur, associé à une certaine transparence, et à un crowdsourcing

Les premiers lives ont débarqué sur les sites web d’information en 2006. On en était alors encore au stade d’expérimentation: la technologie était encore lourde. Du côté du Figaro, “les journalistes de sport24 devaient utiliser un back office spécifique aux live, qui étaient des modules javascript assez pénibles. A l’époque, il y avait les chats du Monde.fr ou de 20minutes.fr où l’on utilisait des technologies pour faire du temps réel, mais elle était peu employée ailleurs et pas pour faire des suivis d’actus”, me raconte Samuel Laurent. CoverItLive, l’outil maintenant utilisé par la majorité des rédacs pour monter des “live”, n’existait alors pas.

Après 20minutes.fr, LeFigaro, puis leMonde.fr, d’autres médias en ligne l’ont adopté. Marianne2.fr (par exemple ici pour les Européennes de juin 2009 – où l’on observe que le live n’est pas ouvert aux commentaires extérieurs)

Du sport à l’international, de la télé-réalité trash à l’actu politique

Les thèmes concernés ? Depuis quelques années, progressivement, 20minutes.fr l’a étendu à divers sujets : du sport à des actus politiques, en passant par l’international, et bien sûr des émissions de télé-réalité trash. Le Figaro.fr, lui, s’est toujours cantonné à l’actu sportive. En 2006, c’est à la faveur du rachat du site Sport24.fr que le groupe Figaro y a lancé ses premiers lives sport.

Chez 20minutes.fr, le sport s’imposait d’emblée : c’est l’un des thèmes qui génère le plus d’audience sur le site d’informations de 20 Minutes (à côté des sujets people, télé, et des faits divers). Durant des matchs-clés (de foot et rugby essentiellement, mais le basket et le tennis s’y prêtent aussi bien), un des journalistes du service sport, devant son ordi, et en regardant la rediffusion en direct à la télé, devient commentateur sportif sur le web. Après avoir publié un avant-papier pour annoncer l’événement, et un chapeau d’introduction, il se lance dans le live, racontant en direct le match, les passes de balles entre tel et tel joueur, les réactions du public… Sans manquer d’y ajouter ses émotions, retranscrites dans le texte, ou via une typographie ad hoc (typo couleurs par exemple).

Le genre est prisé des services sports depuis belle lurette, comme le décryptent Florian Vautrin et Laure Gamaury sur Journalismes.info :

Le principal site généraliste sportif, lequipe.fr, utilise ce procédé quotidiennement pour éviter la diffusion en streaming qui est très coûteuse. Mais il n’est pas le seul à s’être lancé dans l’aventure : notons football 365, France football, rugbyrama, etc. C’est le cas également du site eurosport.fr.

Durant le Mondial de foot en été 2010, 20minutes.fr avait imaginé des compléments à ce dispositif. Notamment en faisant venir des invités de marque pour commenter certains matches: j’ai vu passer des journalistes spécialisés qui venaient commenter un live avec leur propre regard, mais aussi des people ou politiques footeux, comme Jean-Paul Huchon.

20minutes.fr a également testé, très tôt, les live des émissions de télé-réalité. Logique: le genre était en pleine éclosion sur les chaines de télé. Et c’est l’occasion rêvée de traiter du people trashy, gros vecteur d’audience pour le site d’infos généralistes. Là, on demande au journaliste – pas forcément spécialisé en médias, mais doté d’un semblant de culture télé – de commenter en direct le déroulement de l’émission, les personnalités des participants à l’émission. Pas besoin d’analyse pointue, juste du commentaire léger et déconnant, pour être dans le même mood que l’internaute…

Le format se prête aussi très bien à la couverture d’événements politiques: soirées électorales, discours, meetings, émissions politiques…

Le format est très efficace pour une soirée électorale, il permet de suivre le fil des déclarations, réactions, chiffres qui tombent de toute la France… Pour une émission ou une interview présidentielle, par exemple, on tente généralement de fournir à la fois le verbatim des propos tenus et de décrypter rapidement, de vérifier les chiffres donnés, de fournir du contexte à telle ou telle annonce… En politique aussi, la participation de l’audience fait l’essentiel de la richesse du live. D’une part elle peut elle aussi apporter des précisions ou du contexte, d’autre part elle peut réagir et nous poser des questions, estime Samuel Laurent.

La quintessence du journalisme web

Ce format permet de restituer de manière incroyablement vivante un événement, une actualité immédiate, de le faire vivre à l’internaute, offrant une grande variété de registres, entre info factuelle et commentaire (sérieux ou total déconnant, selon le sujet traité.

À défaut de voir le grand reporter sur une zone de conflits raconter, images à l’appui, sur une chaîne de télé, ce qui se passe, l’internaute peut “vivre” l’info en direct, poser des questions au journaliste, qui lui apportera ses infos et son expertise sur le sujet. Cet exercice journalistique requiert des compétences d’un nouveau type du côté du journaliste : ultra-réactivité, bonne expertise sur son sujet (du moins dans le cas d’actus pointues : actu internationale, politiques, ou encore scientifique dans le cas de Fukushima) pour pouvoir répondre en temps réel aux questions des internautes, et aussi capacité à adapter son ton (son “angle” dans un sens) au ton de l’actu commentée – et des internautes.

Accessoirement, il consacre le “journalisme de bureau” qui se pratique de plus en plus dans les rédactions, par économie, et pour faire face aux manques d’effectifs. Dans certains cas, le journaliste “live” parfois en direct depuis l’événement (conférence de presse, Assemblée Nationale…), mais dans les effets, en général, grâce aux diffusions télé en direct (surtout sur les chaînes d’information), il “live” souvent depuis son bureau, en regardant le direct depuis un des écrans télé disséminés dans la rédaction. Revers de la médaille, l’info risque d’y être schématisée, à du consommable, de l’écume, au détriment de l’analyse.

Autre grain de sable, un tel dispositif qui met l’accent sur le caractère exceptionnel de ces actus, les met en scène, crée la surenchère dramatique (par rapport aux autres médias), leur donne un côté (trop ?) spectaculaire.


>> Article initialement publié sur Miscellanees sous le titre : Crowdsourcing + direct + journalisme “de bureau” = Le “live”, un format journalistique confirmé

Crédits Photo FlickR : Peco CC BY-SA

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http://owni.fr/2011/04/07/le-live-simpose/feed/ 6
Pirat@ge: du hacktivisme au hacking de masse http://owni.fr/2011/03/31/piratge-du-hacktivisme-au-hacking-de-masse/ http://owni.fr/2011/03/31/piratge-du-hacktivisme-au-hacking-de-masse/#comments Thu, 31 Mar 2011 08:30:55 +0000 Capucine Cousin http://owni.fr/?p=54336 Ils sont quatre, dont trois frères, jeunes et (à première vue ;) innocents, et leur clip, “Double Rainbow song“, bidouillé non pas au fond d’un garage mais dans le salon familial, avec un piano, a attiré plus de 20 millions de visiteurs. Un clip parodique qui a généré un buzz énorme, à partir d’une simple vidéo amateur d’un homme à la limite de la jouissance devant un phénomène rare : deux arcs en ciel… Au point – le comble – que Microsoft a recruté le “Double Rainbow guy” pour sa nouvelle pub pour Windows Live Photo Gallery. Ou quand l’industrie pirate les pirates…

Les Gregory Brothers ont réalisé sans le faire exprès quelques tubes par la seule voie numérique grâce à un petit outil, Auto-Tune the News (Remixe les infos en français dans le texte), qui permet à tout un chacun de détourner des reportages TV en y superposant des montages de sons, avec le logiciel de correction musicale Auto-Tune. Comme “Bed intruder song”, un remix de reportage qui montre Antoine Dodson interviewé par une chaîne TV suite à un fait divers (l’intrusion d’un inconnu dans la chambre de sa sœur). Un témoignage qui va le propulser en superstar du web lorsque les Gregory Brothers transforment ses paroles en une mélodie hip-hop vraiment efficace. Plein d’internautes ont été prêts à la voir – et la payer en ligne – une fois qu’elle était disponible sur iTunes – CQFD. Je vous laisse le plaisir de déguster cette mise en bouche…

Cliquer ici pour voir la vidéo.

“La propriété c’est le vol”

De détournement satirique à piratage, il n’y a qu’un pas. J’ai eu la chance, cette semaine, de voir en avant-première le documentaire “Pirat@ge”, réalisé par les journalistes Étienne Rouillon (magazine “Trois couleurs”) et Sylvain Bergère, diffusé le 15 avril sur France 4 Pour la première fois, un docu retrace l’histoire du piratage, avec un parti-pris du côté des hackers, parfaitement assumé.

A quoi ressemblerait Internet sans les pirates ? Au Minitel ! Depuis cinquante ans, des petits génies ont façonné le web, souvent en s’affranchissant des lois. Des pirates ? Ils sont à la fois grains de sable et gouttes d’huile dans les rouages de la grosse machine Internet

Voilà le postulat des auteurs de ce docu.

Un docu malin, forcément un peu brouillon à force de vouloir englober tout ou presque de la culture du hacking (en effleurant l’hacktivisme et les engagements citoyens qu’il implique) en 1 heure 30, parfois en surface. Mais il offre une plongée assez passionnante dans cette culture des flibustiers des temps modernes, apparus dans les années 80 – bien avant l’Internet. Dès 1983, lorsque lorsque les premiers ordinateurs font leur apparition dans les foyers (remember l’Apple I de Steve Wozniak et Steve Jobs en 1976…), les hackers font leurs débuts en essayant de casser les protections anti-copie ou en détournant les règles des jeux informatiques. Ils font leur le dicton de Pierre-Joseph Proudhon“La propriété c’est le vol”.

Dans un esprit très post-70s, l’éthique du hack, élaborée au MIT (mais que l’on peut retrouver dans le Hacker Manifesto du 8 janvier 1986), prône alors six principes:

  • L’accès aux ordinateurs – et à tout ce qui peut nous apprendre comment le monde marche vraiment – devrait être illimité et total.
  • L’information devrait être libre et gratuite.
  • Méfiez-vous de l’autorité. Encouragez la décentralisation.
  • Les hackers devraient être jugés selon leurs œuvres, et non selon des critères qu’ils jugent factices comme la position, l’âge, la nationalité ou les diplômes.
  • On peut créer l’art et la beauté sur un ordinateur.
  • Les ordinateurs sont faits pour changer la vie.

Eh oui! Car dès ses débuts, le hacking a été théorisé au mythique MIT:

Au MIT, le besoin de libérer l’information répondait à un besoin pratique de partager le savoir pour améliorer les capacités de l’ordinateur. Aujourd’hui, dans un monde où la plupart des informations sont traitées par ordinateur, ce besoin est resté le même

résume ce billet chez Samizdat. Dans l’émission, Benjamin Mako Hill, chercheur au MIT Media Lab, ne dit pas autre chose: développeur, membre des bureaux de la FSF et Wikimedia, pour lui,“l’essence du logiciel libre est selon moi de permettre aux utilisateurs de micro-informatique d’être maître de leur machine et de leurs données”.

Pour ce docu, Étienne Rouillon et Sylvain Bergère sont allés voir plusieurs apôtres du hacking, tel John Draper, hacker, alias “Captain Crunch”, un des pionniers hackers en télécoms. Un détournement qui tient du simple bidouillage, mais qui a contribué à créer la légende, la blue box. Il s’agissait d’un piratage téléphonique qui consistait à reproduire la tonalité à 2600 Hz utilisée par la compagnie téléphonique Bell pour ses lignes longue distance, à partir d’un simple sifflet ! Une propriété exploitée par les phreakers pour passer gratuitement des appels longue distance, souvent via un dispositif électronique – la blue box – servant entre autres à générer la fameuse tonalité de 2600 hertz.

“Napster a ouvert la voie à l’iPod”

Leur théorie ? Internet a été construit par des hackers pour faire circuler l’information. Mais peut-être Internet a-t-il marqué la fin du hacking et son éthique d’origine. Car avec Internet, après l’ère idéaliste d’un Internet libertaire, l’industrialisation des réseaux prend vite le dessus. Les pirates du net, cybercriminels et contrefacteurs en ligne prennent le pas sur les hackers, la confusion est largement entretenue…

1999: Napster, cette immense plateforme d’échange de fichiers musicaux en ligne à tête de chat, débarque sur la Toile. Elle est fermée deux ans après mais a ouvert une brèche: le partage de fichiers musicaux entre internautes.

“Napster a ouvert la voie à l’iPod”, ose le documentaire.

Vincent Valade bidouillera eMule Paradise – presque par hasard, comme il le raconte aux auteurs du docu, encore étonné. Sa fermeture avait fait grand bruit – initialement simple site de liens Emule, Vincent Valade est poursuivi pour la mise à disposition illégale de 7 113 films, son procès doit avoir lieu cette année. D’autres s’engouffrent dans la brèche, comme The Pirate Bay, entre autres sites d’échanges de fichiers torrents.

Les industriels de l’entertainment s’emparent aussi de ce modèle naissant. TF1 – face au piratage massif de ses séries TV ? – lance sa plateforme de vidéo à la demande – payante bien sûr, à 2,99 euros puis 1,99 euro l’épisode. “C’était un projet de marketing. C’est mon job”, lance face à la caméra Pierre Olivier, directeur marketing de TFI Vidéo et Vision. Rires dans la salle.

Hacktivisme journalistique…

Et aujourd’hui? Le culture hacktiviste a imprégné plusieurs pratiques: dans le domaine du logiciel libre bien sûr, même si le docu aborde à peine ce sujet. Mais elle rayonne aussi sur de nouvelles pratiques journalistiques.Indymedia, né en 1999 pour couvrir les contre-manifestations de Seattle, lors de la réunion de l’OMC et du FMI, fut un des précurseurs: ce réseau de collectifs, basé sur le principe de la publication ouverte et du “journalisme citoyen” en vogue au début des années 2000 (“Don’t hate the media, become the media”), permet à tout un chacun de publier sur son réseau.

Un vent nouveau dû à l’éclosion ces derniers mois de Wikileaks – là encore, son impact est effleuré dans “Pirat@ges” – dont l’ADN réside dans l’ouverture des frontières numériques – rendre accessibles à tous des données publiques, et son double, OpenLeaks. Car Wikileaks a instauré la “fuite d’informations” en protégeant ses sources, et a remis au goût du jour la transparence et le partage de données si chères aux premiers hackers. Au point que, courant 2010, les révélations de WikiLeaks ont été relayées par une poignée de grands quotidiens nationaux (dont Le Monde), qui en ont eu l’exclusivité, au prix de conditions fixées en bonne partie par Julian Assange, comme j’en parlais dans cette enquête pour Stratégies.

Parmi les dignes successeurs des premiers hacktivistes, citons bien sûr les Anonymous, des communautés d’internautes anonymes qui prônent le droit à la liberté d’expression sur internet (j’y reviendrai dans un billet ultérieur…). Une de leurs dernières formes d’actions (évoquées sur la page Wikipediadédiée) rappelle bien celles des premiers hackers: les attaques par déni de service (DDOS) “contre des sites de sociétés ciblées comme ennemis des valeurs défendues par le mouvement”. Ce fut le cas avec le site web de Mastercard en décembre 2010, qui avait décidé d’interrompre ses services destinés à WikiLeaks.

… et le hacking, culture de masse

La donne a changé: le hacking n’est plus l’affaire de seuls bidouilleurs de génie. L’arrivée de plusieurs industries de l’entertainment sur le numérique, et de nouvelles barrières sur les contenus mis en ligne, implique que tout le monde est aujourd’hui concerné par le piratage numérique. Comme des Mr Jourdain qui s’ignorent, nombre d’internautes ont déjà été confrontés, de près ou de loin, au piratage numérique, en le pratiquant (qui n’a jamais téléchargé illégalement de films, de musique ou de logiciels ?), ou y étant confrontés (fishing).

De culture underground, le hacking frôle la culture de masse, avec une certaine représentation cinématographique, entre MatrixTronMillenium et Lisbeth Salander, geekette neo-punk qui parvient à rassembler des données personnelles en ligne en un tournemain..

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Et bien sûr The social network, qui a fait de la vie du fondateur de Facebook un bioptic. Qui a même sa version parodique, consacrée à… Twitter. En bonus, un petit aperçu du trailer de “The twitt network” ;).

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Car Facebook, après tout, est un lointain dérivé de la culture du hacking, né d’une association de piraterie + industrie numérique: son fondateur l’avait créé en bidouillant un réseau local affichant les plus jolies filles de son campus… Mais pas sûr que Mark Zuckerberg ait retenu ces deux principes de la culture des hackers :

  • Ne jouez pas avec les données des autres.
  • Favorisez l’accès à l’information publique, protégez le droit à l’information privée.

Article intitalement publié par le blog miscellanees.net

Crédit Photo FlickR CC : CenzTelomi / Bixentro

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http://owni.fr/2011/03/31/piratge-du-hacktivisme-au-hacking-de-masse/feed/ 8
Le plagiat, c’est branché http://owni.fr/2011/02/08/le-plagiat-cest-branche/ http://owni.fr/2011/02/08/le-plagiat-cest-branche/#comments Tue, 08 Feb 2011 09:30:56 +0000 Capucine Cousin http://owni.fr/?p=45604 La petite question provoc’, lâchée par un des humoristes-maison de Canal +, lui a valu une réponse cinglante, d’une sincère colère. Et ça rassure. Jeudi dernier, pour sa pastille d’ interview quotidienne dans le “Grand Journal” de Canal, Mouloud Achour a décroché cette semaine une interview avec James Ellroy, une des légendes vivantes de la littérature américaine, à l’origine de polars sombres et ultra-documentés. Lequel vient de publier un livre passionné, La Malédiction Hilliker, une esquisse d’autobiographie sous-titrée “mon obsession des femmes”, et était de passage à Paris pour l’occasion (mon confrère et ami Jean-Christophe Féraud relate cela avec passion).

Le plagiat, un “crime”

En bon comique, Mouloud Achour chute son interview sur cette petite question : “Avez-vous déjà copié un livre de quelqu’un d’autre ?”. LA réponse fuse, telle un uppercut : “C’est une question très offensante ! Au point que nous avons presque terminé cette interview. Vous me demandez si je suis un plagieur ! Non, je ne suis pas un plagieur ! Ce serait un crime ! Cette interview est finie”. Visiblement, le comique ne s’y attendait pas.

Une petite question, qui montre que le sujet du plagiat s’est imposé dans l’actualité littéraire, voire banalisé. Il est dans l’air du temps, parce que plusieurs cas de plagiat ont égratigné les milieux littéraires ces derniers mois. Les auteurs des dits trahisons *écarts* démentent, ou se taisent, ou parfois laissent passer de manière décomplexée. Contrairement à James Ellroy, qui exprime une froide colère à cette simple saillie. Une “réaction de vrai écrivain quand on lui parle de plagiat”, remarque Mouloud Achour, ce qui est totalement juste.

Cela peut simple désinvolte, cynique, mais le plagiat s’est-il imposé comme une pratique branchée ? Sur ces derniers mois, plusieurs cas de plagiats, discrets ou grossiers, ont émaillé l’actu culturelle.

Houellebecq adore Wikipedia

Septembre 2010. La carte et le territoire de Michel Houellebecq commence à faire parler de lui, il se murmure qu’il pourrait – enfin – décrocher le prix Goncourt . Pourtant, un accroc apparaît : quelques jours avant sa sortie, Vincent Glad, journaliste à Slate.fr, révèle que Houellebecq, un des écrivains français contemporains les plus connus, a carrément repris des extraits de Wikipedia pour certaines pages de son livre.

Une encyclopédie en accès libre en ligne comme source ! Le scoop du jeune journaliste est totalement avéré, l’écrivain ni la maison d’édition ne démentent. Loin de parler d’un “plagiat” gratuit, il nuance dans son article : il s’agit de “reprises” pouvant “s’apparenter à des «collages» littéraires”, et qu’elle n’ont “rien de scandaleux en regard du style de Michel Houellebecq”. Ce qui est juste, mais donc consacre la “reprise” d’extraits de textes antérieurs comme étant inhérente à un genre littéraire

Cerise sur le gâteau, on a découvert que le titre du dernier opus de Michel Houellebecq était lui-même celui d’un autre ouvrage : il a été accusé de contrefaçon par Michel Levy, auteur d’un texte au titre homonyme, auto-édité en 1999 et déposé officiellement à la BNF. L’éditeur du livre aurait donc décidé de ressortir le recueil agrémenté d’un bandeau rouge où l’on peut lire “Édition Originale” (joli argument marketing)… En attendant, la justice tranchera sur ce “plagiat de titre” – Flammarion revendique estime tout à fait banale “l’association de deux mots de la langue courante”.

Un exemple plus léger ? Pour le mondial de foot, l’été dernier, la très sexy chanteuse latino Shakira est retenue pour écrire le titre officiel du Mondial : elle sort, “Waka waka”, un morceau aux tons africains, exotiques, léger, qui sera évidemment un tube. Juste, on découvre qu’elle s’est fortement inspirée du groupe camerounais Zangalewa (je vous laisse comparer les deux par ici). Bon, finalement, tout est bien qui finit bien, le groupe n’y voit qu’une simple “adaptation”. Après quelques (juteuses) négociations entre son avocat et Sony Music.

Hemingway / PPDA

Le 19 janvier 2011, Jérôme Dupuis, journaliste à L’Express révèle une petite bombe : pour sa biographie – pavé consacrée à Ernest Hemingway, Hemingway, la vie jusqu’à l’excès, Patrick Poivre d’Arvor a purement et simplement plagié une centaine de pages d’une autre biographie de l’écrivain, écrite par Peter Griffin et publiée en 1985, épuisée en France depuis. Nous ne sommes plus là dans l’habile reprise de quelques passages, mais une centaine de pages, avec des passages parfois réécrits: L’Express propose des comparatifs sur son site web, puis enfonce le clou le 31 janvier, en comparant de nouveaux extraits (vous noterez en bas de cette page web la pub Fnac.com… pour acheter ledit livre de PPDA ;).

La biographie, qui sort en librairies le 21 janvier, est du coup précédée d’une publicité bien peu flatteuse. Et l’on découvre l’existence d’un nègre (pardon, une “lectrice”) sur cet ouvrage, que PPDA charge bien peu élégamment. D’après l’”auteur” donc, le livre envoyé à la presse avant sa mise en librairie n’était qu’une version provisoire que PPDA n’avait pas validée… même s’il avait dédicacé de nombreux exemplaires. O tempora ! O Mores ! (oui, je pille là Ciceron sans crainte).

Certes, tout est loin d’être éclairci. Mais sans complexes, PPDA réplique à longueur d’émissions radio et de plateaux télé : toute la vérité sera éclaircie, et il entend bien déposer plainte pour diffamation pour ces infamies, assure-t-il. Encore jeudi soir, il joue le rôle de “réhabilitateur” de feu Hemingway – vous comprenez, il faut passer outre ces fausses polémiques, ce qui compte est de remettre en lumière l’œuvre de Hemingway, raconte-t-il tranquillement, dans l’émission de François-Olivier Giesbert jeudi soir.

Johnny écoute de la musique réunionnaise…

Le plus fou, donc, étant que même des monstres sacrés de la littérature ou de la musique empruntent à d’autres en “oubliant” de citer leur source d’inspiration. La semaine dernière, on a découvert que même Johnny, notre rockeur national, avait repompé un morceau antérieur pour le premier single de son dernier album, “Jamais seul”, co-signé avec Matthieu Chedid. Il y a quelques jours, le patron de la radio Tropic FM, Claudy Siar, affirmait que la nouvelle chanson de Johnny Hallyday présentait une “similitude frappante” avec le morceau “Madagascar” du groupe réunionnais Ziskakan. Pas besoin d’être un musicos avertis pour entendre, à l’écoute, cette très forte “similitude”

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Reste qu’il est fort probable que ce plagiat cette coïncidence sera réglée par une généreuse transaction financière – Le Figaro révélait le 28 janvier que ses membres se refuseraient à intenter une action en justice… par amitié. D’autant que les musiciens connaissent une gloire inattendue, leur chanson fait actuellement le tour d’Internet… Merci Johnny.

Article initialement publié sur le blog Miscellanées

>> photos flickr CC Dullhunk ; Jared Stein

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La science-fiction en voie de disparition? http://owni.fr/2011/01/12/la-science-fiction-en-voie-de-disparition/ http://owni.fr/2011/01/12/la-science-fiction-en-voie-de-disparition/#comments Wed, 12 Jan 2011 09:21:15 +0000 Capucine Cousin http://owni.fr/?p=41967 J’y ai passé près de 3 heures dimanche matin, j’en ai pris plein les yeux; Tous ces personnages, ces images me renvoyaient à mon enfance… ma culture SF en quelque sorte – accumulée dans les bouquins, séries et films. Il faut absolument courir voir l’expo “Sciences & fiction”, qui se tient en ce moment à la Cité des Sciences. Comme souvent à La Villette, l’expo est d’une richesse inouïe, autant scientifique que culturelle.

La boutique de produits dérivés, à quelques pas de l’expo, vaut aussi le détour: mugs Star Wars, sabre laser grandeur nature (déboursez 150 €), DVD, BD, et même affiche de Star Wars en effet 3D…

C’est assez touchant, car notre culture SF rejoint forcément notre culture geek: quel techie n’est pas fan de Star Wars, ne voue pas un culte absolu à Blade Runner, Terminator ou encore Minority Report ?

Un couloir pédagogique impressionnant, où j’ai de nouveau 12 ans, des étoiles plein les yeux: entre ces exemplaires de livres de Mary Shelley, Edgar Poe et Jules Verne, qui ont été les premiers auteurs à s’emparer de la science comme support à des récits réalistes, les premiers films de science-fiction qui tournent en boucle (Voyage dans la Lune de Méliès en 1902, La femme dans la lune de Fritz Lang, 1919, Métropolis de Fritz Lang, 1929…), la culture SF a été jalonnée de plusieurs œuvres fondatrices… jusqu’aux premiers pas d’Armstrong sur la lune, où tout devenait possible. Pour Isaac Asimov, la SF est

la branche de la littérature qui se soucie des réponses de l’être humain aux progrès de la science et de la technologie.

Elle tient autant du divertissement, qui nous permet de nous évader, de rêver, que du récit d’anticipation, avec en creux une réflexion sur l’avenir de l’humanité (rien que cela…).

Une culture SF nourrie, donc, par une pléiade de livres anciens, mais aussi, véritables jalons pour une culture de fan, d’affiches, et des premiers produits dérivés et premières revues – les pulps, dont Science Wonder Stories, revue où apparaît pour la première fois le terme “science-fiction”, en 1929.

Le cinéma hollywoodien s’est emparé à merveille de la culture SF. Au fil des couloirs que l’on parcourt, on prend conscience de ces films et sagas (intergalactiques) qui ont nourri un imaginaire collectif, ont façonné notre univers mental. Les combinaisons et les robots conçus pour le cinéma s’alignent dans les couloirs, alors que des extraits des films-cultes tournent en boucle. Ils sont tous devenus cultes, font partie de la culture SF de l’honnête homme du XXIème siècle: Star Wars, la Planète des singes, Star Trek, Terminator

Culture SF muséifiée

Est-ce que la culture SF parvient encore se renouveler, alors que ce qu’elle préfigurait – l’ère du numérique, des mondes virtuels, des nanotechnologies, des robots – se concrétise plus vite que l’on aurait pu le croire ? Il semblerait bien que la vraie culture SF soit en train de s’éteindre. Et que cette gigantesque expo, qui présente manuscrits, romans, pulps, storyboards (celui de Star Wars a déjà une valeur historique), extraits de films en pagaille, et vaisseaux grandeur nature retracent une culture SF (déjà) muséifiée, en voie d’extinction.

Expo_SF_La_Vilette_008.jpg

Provoc’ de ma part, vu le succès gigantesque qu’a rencontré en 2010 Avatar, incarnation d’une nouvelle génération de films de SF en 3D ? Par vraiment. Si on regarde la chronologie des films de science-fiction, la production hollywoodienne de ce genre en devenir connaît un pic dans les années 60-70, grâce à ce bon vieux Neil Armstrong qui en a fait rêver plus d’un en foulant de quelques pas sur la Lune – et surtout à la Guerre Froide, où les extraterrestres et autres petits hommes verts menaçants permettaient de symboliser l’Ennemi, l’hydre communiste…

Années 80-90 : sortie de sagas comme Star Wars, Terminator, Star Trek, Alien… Des films d’actions hollywoodiens certes, mais où s’entremêlent récits d’anticipation, une réelle réflexion sur notre avenir, les enjeux environnementaux et humains.

Philip K. Dick, génial inspirateur de scénarios hollywoodiens

Dans cette même période sortent trois films cultes pour moi (mais pas que ;): Blade Runner de Ridley Scott, sombre film où Harisson Ford incarne un flic face à des androïdes / répliquants qui semblent de plus en plus humains… Et qui sait, peuvent mimer manifester des émotions.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Mais aussi Total Recall de Paul Verhoeven, et Minority Report de Steven Spielberg (en 2002, certes). Leur point commun: tous trois sont tirés de romans de Philip K. Dick. Seulement voilà, le maître des récits d’anticipation est décédé en 1982 – une source d’inspiration non négligeable pour l’industrie du cinéma s’est alors tarie.

Les films qui s’ensuivent sont plutôt des dérivés de SF : des space operas tirés de Star Wars. Mais aussi des récits d’heroic fantasy, films à grand spectacle pour enfants qui sortent souvent lors des fêtes de fin d’année – tels Le seigneur des anneaux ou Les contes de Narnia.

La culture SF condamnée ?

Les derniers films dans le sillage de la culture SF d’anticipation: Minority Report donc, qui anticipait plusieurs innovations technologiques qui commencent à s’inscrire dans notre quotidien – Steven Spielberg s’était d’ailleurs entouré de scientifiques du MIT entre autres.

Mais aussi le très sous-estimé Starship Troopers de Paul Verhoeven (1997): il y dénonce avec une ironie subtile une société dirigée par des militaires, et une diffusion en masse de la propagande par les médias: le film, d’avant-garde, qui sort à peine quelques années après la Guerre du Golfe, et coïncide avec l’arrivée du phénomène de l’internet dans les foyers, et injustement décrié par la presse US.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Ou encore la trilogie Matrix, entamée par les frères Washowski en 1999 – alors que le grand public commençait à s’emparer de l’univers du Net et des réseaux virtuels.

Les derniers en date ? 2012, qui tient plutôt du film-catastrophe (et blockbuster, avec plus de 225 millions de dollars de recettes), carrément épinglé par la Nasa comme “pire film de science-fiction” d’un point de vue scientifique… Laquelle a dû ouvrir un site pour contrebalancer les contre-vérités qu’il véhiculait !

Inception, certes gros succès outre-Atlantique, relevait plutôt du film complexe que du film qui nous projetait vers le futur. Avatar a avant tout installé la 3D sur le grand écran… Mais repose sur un scénario gentillet et écolo.

Comme me le signale @tiot en commentaire, il y a eu aussi le surprenant District 9 (qui avait pour particularité de se dérouler en Afrique du Sud), et surtout Moon, un Ovni cinématographique hommage à 2001, L’Odyssée de l’espace (réalisé par le fils de David Bowie, pour la petite histoire), que j’avais beaucoup aimé. Le pitch: Sam Bell vit depuis plus de trois ans dans la station lunaire de Selene, où il gère l’extraction de l’hélium 32, seule solution à la pénurie d’énergie sur Terre. Implanté dans sa «ferme lunaire», ce fermier du futur souffre en silence de son isolement et de la distance le séparant de sa femme, avec laquelle il communique par web-conférences. Il a pour seul compagnon un robot futé et (trop) protecteur… Jusqu’à ce que, à quelques semaines de l’échéance de son contrat, il se découvre un clone. Un film peut-être trop strangfe pour l’industrie du cinéma… Malgré deux ans de buzz sur la toile, le film est sorti au printemps 2010… directement en DVD!

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Les sorties de films SF prévues ces prochains mois ? Pour l’essentiel des remakes ou suites des chefs d’œuvres passés… Preuve que l’industrie du cinéma a du mal à se renouveler dans ce registre. Il y a bien sûr Tron : Legacy, suite du cultissime Tron de… 1980. Et, pour 2012 est annoncé une réadaptation par Pierre Morel de Dune… En attendant Avatar 2 et Avatar 3

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Article initialement publié (et commenté) sur Miscellanées

Photo cc Flickr : Rufus Gefangenen / Alex No Logo / Jovick /

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http://owni.fr/2011/01/12/la-science-fiction-en-voie-de-disparition/feed/ 63
L’industrie du porno va-t-elle contribuer au décollage de la 3D ? http://owni.fr/2010/11/20/lindustrie-du-porno-va-t-elle-contribuer-au-decollage-de-la-3d/ http://owni.fr/2010/11/20/lindustrie-du-porno-va-t-elle-contribuer-au-decollage-de-la-3d/#comments Sat, 20 Nov 2010 08:57:47 +0000 Capucine Cousin http://owni.fr/?p=36310 L’industrie du porno va-t-elle faire décoller la 3D ? J’en parlais il y a quelques semaines, si les images en relief commencent à séduire les spectateurs, prêts à mettre le prix pour s’en offrir plein les yeux, le temps d’une séance, au cinéma, il n’est pas sûr qu’ils soient prêts à faire entrer des téléviseurs compatibles 3D dans leur salon de sitôt.

En France, c’est la PME du X (par ailleurs n°1 du secteur en Europe) de Marc Dorcel qui a déjà saisi le filon. En mai dernier, sur la Croisette, en plein Festival de Cannes, il faisait sensation en dévoilant les premières images de l’un de ses prochains films… tourné en 3D. En mars dernier, il entamait en effet le tournage de son premier film en 3D, en travaillant avec une des startups françaises expertes en la matière, la société 3Dlized, qui travaille avec le cinéma et la télévision pour la production de contenus 3D.

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Comme le disait alors Grégory Dorcel, fils de Marc :

Comme si elle était assise sur vos genoux, c’est vachement ludique ! Il s’agit d’exploiter le phénomène de jaillissement (sic) permis par la 3D, l’impression que des choses sortent de l’écran.

Cela coûte certes deux fois plus qu’un film classique en moyenne.

Le petit français est carrément en train de monter un nouvel écosystème autour des films X en 3D, en essayant de multiplier les circuits de distribution, en proposant de la 3D en vidéo à la demande (VoD) et en téléchargement. Comme le détaille Romain Thuret dans cette enquête très fouillée (il s’est même fendu d’un “test produit” ;), plus de 100 contenus seront ainsi disponibles d’ici à la fin de l’automne sur Dorcel Vision, et sur les chaînes VOD de Dorcel chez Free et Numericable. VOD qui représente aujourd’hui 50 % du chiffre d’affaires de 20 millions d’euros d’une société qui contrôle également 80 % du marché du DVD en France et concentre une soixantaine de studios européens sous sa coupe. Déjà les heureux abonnés de Numericable pourront apprécier la vidéo mettant en scène le strip-tease 3D d’Aleska Diamond, sur le Canal19 dédié aux démos 3D tournantes et gratuites ;)

À venir aussi, bientôt, la possibilité de télécharger des contenus coquins en 3D sur son PC via le portail direct Dorcel Vision – contenus compatibles avec la technologie NVidia, et avec les téléviseurs 3D.

Nouveaux réseaux de distribution de contenus avec la TV connectée

Malin, Dorcel anticipe donc déjà sur les réseaux de distribution de la télé de demain, qui s’esquissent déjà avec la télé connectée : il délaisse les DVD au profit de chaînes dédiées, qui proposent directement les programmes via des box, ainsi que de la vidéo à la demande, bien pratique pour s’acheter un film X en toute discrétion. Et la VoD risque d’exploser : plusieurs constructeurs ont noué des partenariats avec des prestataires de VoD à l’occasion du lancement de leurs premières TV connectées à Internet.

Outre ce marché que développe Dorcel avec un sens aiguisé du business, le format 3D s’associe particulièrement bien avec les films porno, par essence destinés à exciter les sens du téléspectateur ;) Rien de tel que des films coquins proposés en images en relief pour les convertir à ce nouveau format… Parce que l’image en relief – à l’effet tellement réaliste que l’on se prend parfois à vouloir saisir un objet qui se distingue de l’image – se prête à ce type de films, qui donnent envie de toucher les corps (virtuels mais presque réels par la magie de l’effet 3D) qui s’offrent à l’écran…

Billet initialement publié sur Miscellanées

Image CC Elsa Secco pour OWNI /-)

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http://owni.fr/2010/11/20/lindustrie-du-porno-va-t-elle-contribuer-au-decollage-de-la-3d/feed/ 3
Ikea: cliquez c’est acheté http://owni.fr/2010/10/22/ikea-cliquez-cest-achete/ http://owni.fr/2010/10/22/ikea-cliquez-cest-achete/#comments Fri, 22 Oct 2010 10:26:29 +0000 Capucine Cousin http://owni.fr/?p=32731 Titre original: Clip-vidéo Ikea + liens “on video” YouTube : cliquez c’est acheté

On vient peut-être de franchir un seuil avec ce nouveau format publicitaire qui débarque sur YouTube, les liens “on video”. Des sortes de liens “invisibles” insérés dans une vidéo YouTube, qui s’affichent sous forme de petits rectangles par-dessus tel ou tel objet ou vêtement de la vidéo lorsque vous y passez votre souris.

Cela m’intéressait d’autant plus que je planche en ce moment sur les nouvelles formes d’affichage publicitaire, et les nouveaux formats qui émergent (d’ailleurs, si vous avez des éléments sur le sujet, n’hésitez pas à en faire part dans les commentaires).

Cliquez c’est acheté… Le précédent “Plus belle la vie” + Quelle

C’est le blog Influencia qui en parlait il y a quelques jours : à l’occasion de sa dernière campagne de pub en ligne, Ikea prend un coup d’avance en matière de communication, en testant ces liens “on video” dans un clip diffusé sur YouTube. C’est le rêve de tout annonceur : cette technologie permet à l’internaute de cliquer sur la vidéo pour acheter en direct le meuble ou la robe de l’actrice qui lui fait envie. Une forme de placement de produit à la sauce 2.0, en somme.

Il y avait déjà eu quelques expérimentations en la matière, notamment la société de production TelFrance, qui avait testé en 2007, pendant 5 mois, le concept d’”achat au clic” pour sa série Plus belle la vie (qui a toujours été assez innovante en termes de merchandising), en partenariat avec la société de vente par correspondance nordiste Quelle. Certains comédiens portaient des vêtements Quelle dans certains épisodes, que l’internaute pouvait acquérir en quelques clics, en visionnant les épisodes de « PBLV » en vidéo à la demande sur Internet.

Clip publicitaire (non brandé) Ikea + achat en direct



Cliquer ici pour voir la vidéo.

Mais là, Ikea va plus loin. Dans ce clip-vidéo publicitaire de 3 minutes, le test des liens “on video” est discret. On a plutôt l’impression de voir un clip branché, “You’ll Always Find Me In The Kitchen At Parties” (“Dans les soirées, vous me trouverez toujours dans la cuisine”), musique sympa, qui montre une teuf avec des trentenaires so cool, qui se déroule bien sûr dans une cuisine entièrement meublée Ikea. Mais cela, on le devine plutôt qu’on ne le voit, à écouter aussi les paroles décalées du clip. La marque est discrète : de facto, ce clip n’est pas brandé Ikea, aucun gros plan suggestif sur un objet nous souligne avec lourdeur que l’on est dans une pub Ikea.

Lorsque l’on promène sa souris sur le clip vidéo, de temps en temps, un rectangle noir s’affiche en surimpression d’un objet. En cliquant dessus, la vidéo s’interrompt, et on arrive sur une autre page YouTube, avec la photo, le prix et la fiche de l’objet qui nous intéresse. Un lien vers la boutique en ligne Ikea permet de l’acheter directement en ligne.

Pub à la demande

C’est grâce à ces intégrations de liens “on video” sur YouTube que l’annonceur Ikea peut se permettre de ne pas être affiché nommément dans ce clip. On imagine les perspectives prometteuses qu’ouvre pour les annonceurs ce type de format publicitaire : pour monter des pubs en ligne d’un nouveau genre où ils apparaîtront discrètement – d’un clic de souris si l’internaute le souhaite… L’internaute pourra choisir ou pas d’afficher l’annonceur – de la pub à la demande en quelque sorte. L’internaute-consommateur devient maître (la fameuse interactivité…), et ne se contente plus de subir des pop-ups et autres bannières publicitaires.

Résultat: en utilisant simplement les intégrations de liens “on video” de YouTube, les marques peuvent proposer un contenu avec une véritable valeur ajoutée tout en laissant la possibilité de découvrir des biens de consommation, décrypte le planneur stratégique Alexandre Ribichesu sur Influencia.

Cela ouvre aussi un boulevard dans le domaine très enviable du placement de produits, une pratique connue au cinéma, qui débarque en télévision… On pourrait aisément imaginer, à l’avenir, du placement de produits réalisé par des marques dans des web-séries diffusées sur YouTube, courts-métrages, émissions… Voire des films.

C’est assez révolutionnaire : c’est la première fois que YouTube, à l’origine “simple” plateforme de partage de contenus en ligne, va aussi loin en proposant un tel format publicitaire..

Ikea, symbolique du consumérisme dans “Fight Club”

Sur le fond, ce type de pub que l’on affiche si on veut sera loin de déplaire aux anti-pubs… Je trouve cela d’autant plus savoureux que ce soit Ikea, marque suédoise devenue LA marque de mobilier standardisé et bon marché… Qui incarnait d’ailleurs le consumérisme dans Fight Club, film de David Fincher de 1999, trash et culte dans sa dénonciation de la publicité et de la société de consommation. Avec cette scène hallucinante où le narrateur, au début jeune cadre dynamique, énumère ses objets et meubles de son appart’ tout Ikea…

En chute de ce billet, pour le plaisir, je vous livre ce petit bonus inédit : cet extrait “surtitré” par un internaute qui y a légendé tous les objets Ikea que commente le personnage incarné par Edward Norton (oui oui je sais les sous-titres sont quelque peu exotiques)…

Une manière de souligner tout le paradoxe de Fight Club : un peu comme Bret Easton Ellis dans American Psycho, David Fincher y dénonce la société de consommation, alors que la publicité et les marques sont très présentes dans le film (une trentaine, dénombrées dans la fiche Wikipedia du film).

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Article initialement publié sur Miscellanées

Crédit Photo CC FlickR Listen Missy!

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