OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Les juges financiers rhabillés en secret http://owni.fr/2011/07/05/les-juges-financiers-rhabilles-en-secret/ http://owni.fr/2011/07/05/les-juges-financiers-rhabilles-en-secret/#comments Tue, 05 Jul 2011 06:55:02 +0000 David Servenay http://owni.fr/?p=72550 Cette semaine, les magistrats financiers partent au combat contre quelques parlementaires. La déclaration de guerre remontre au mercredi 29 juin, lorsque le président de la commission des lois de l’Assemblée nationale Jean-Luc Warsmann (UMP) a introduit en catimini une discrète réforme de fonds des Chambre régionale des comptes (CRC). Des instances chargées de surveiller les opérations menées à l’échelle des collectivités locales par les notables de la République.

L’amendement Warsmann sera débattu dans la semaine et promet de relancer la très controversée réforme des juridictions financières. Le texte proposé (voir p.17 du Pdf) bouleverse l’organisation et le fonctionnement des Chambres régionales des comptes (CRC). Le texte autorise le gouvernement à définir par décret le nombre de CRC et, surtout, instaure la responsabilité de fait des gestionnaires publics.

Ainsi, à le lire, les élus auraient à répondre de leurs erreurs de gestion et pourront être condamnés pour de tels agissements. Jusqu’à hauteur de deux années de salaire.

“La méthode n’est pas très orthodoxe”

La méthode n’est pas appréciée par les experts de la procédure de l’Assemblée. D’autant que ce n’est pas la première fois qu’une telle tentative est menée (la dernière fois, le sénateur Jean Arthuis avait essuyé les plâtres). Le très pugnace René Dosière (PS) a remis en cause une telle démarche :

Il me semble que la Cour des comptes et les chambres régionales des comptes mériteraient un autre traitement, plus global. Puisque vous avez fait allusion à la loi de finances rectificative, je dois rappeler que deux amendements ont été déposés au dernier moment, dont un en séance par le Gouvernement pour modifier le recrutement des magistrats des CRC. Ce n’est pourtant pas une mince affaire !

Suivi de cet aveu du très sérieux Charles de Courson (Nouveau Centre), qui nous avait habitué (dans les débats sur le contentieux Adidas/Tapie) à plus de rigueur :

Ce qui importe, c’est d’avancer, même si la méthode n’est pas très orthodoxe.

Soit. C’est donc l’avenir des juridictions financières qui est en jeu et tout simplement les mécanismes de responsabilité qui sanctionneront les élus. Tout cela fera l’objet d’un débat a minima: en particulier demain mercredi dans le cadre de la commission mixte paritaire. Pas de quoi fouetter l’opposition…

“On porte un coup sévère au contrôle des finances publiques locales”

Du côté des magistrats financiers, l’avis est tranché. Dans un communiqué cinglant, le Syndicat des juridictions financières (SJF) a pris position à la fois contre la méthode, mais surtout contre les axes de réforme envisagée.

Cette réforme suscite une opposition unanime car elle va conduire à un affaiblissement des chambres régionales des comptes par le refus de leur confier le jugement de la responsabilité financière des élus locaux et par la réduction de leur présence sur le territoire. C’est ainsi que de façon délibérée, on va porter un coup sévère au contrôle des finances publiques locales en amoindrissant les forces des chambres régionales qui démontrent pourtant chaque jour qu’elles sont indispensables à la démocratie locale.

Autrement dit, en l’état, les Chambres régionales des comptes n’auraient aucune compétence en matière de discipline budgétaire, laissant à la seule Cour la prérogative d’exercer ce pouvoir. Ce texte a des chances d’être voté, à condition que le gouvernement maintienne sa position, puisque Michel Mercier, le ministre de la Justice, a soutenu l’amendement de Jean-Luc Warsmann. Si cette réforme passe, à quoi pourrait donc ressembler les décisions des juridictions financières ? Imaginons :

  • Christine Lagarde est rattrapée par le règlement arbitral du contentieux Adidas/Tapie ; la directrice générale du FMI est condamnée à rembourser les 240 millions d’€ aux contribuables (dans la limite de deux ans de salaire, rappelons-le)
  • Claude Bartolone, président du Conseil général de Seine-St-Denis, collectivité endettée sur des emprunts toxiques, doit lui aussi rembourser les frais financiers contractés auprès des banques
  • N’importe quel maire ou député condamnés pour abus de biens sociaux auraient aussi à passer à la caisse, en cas de condamnation pénale

Chiche ?

Photo FlickR Paternité jastrow75.

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[ebook] L’encombrant cadavre de la République http://owni.fr/2011/06/24/affaire-boulin-chirac-sarkozy-ollier-gueant-encombrant-cadavre/ http://owni.fr/2011/06/24/affaire-boulin-chirac-sarkozy-ollier-gueant-encombrant-cadavre/#comments Fri, 24 Jun 2011 10:30:17 +0000 David Servenay http://owni.fr/?p=71584 Pour la famille Boulin, c’est une course contre la montre qui dure depuis 31 ans. Pour la droite, c’est un fantôme qui hante les couloirs et les mémoires des anciens du Rassemblement pour la République (RPR). Pour la justice, c’est un suicide.

Le 30 octobre 1979, à 8h40 du matin, une patrouille de gendarmes motocyclistes découvre le corps sans vie de Robert Boulin, flottant dans l’étang Rompu, en pleine forêt de Rambouillet. Le ministre du Travail et de la participation est “dans la position de prière du Mahométan” précise le PV de constatation, dans 50 centimètres d’eau.

Noyé, ajoute l’Agence France Presse, dont la première dépêche tombe à 9h34, évoquant d’emblée la piste du suicide comme étant la plus vraisemblable. Dans l’après-midi, l’AFP avance comme plausible la prise de barbituriques… pour expliquer la mort du ministre. Alors même que le corps est encore entre les mains des légistes de l’Institut médico-légal (IML) de Paris.

Trente ans plus tard, que sait-on de l’affaire Boulin ? Depuis 1992, la justice a prononcé un non-lieu dans l’information judiciaire ouverte pour “homicide”. L’enquête a duré huit ans. A partir des années 2000, la presse qui -à de rares exceptions près- est restée très timorée mène de longues contre-enquêtes très fructueuses.

Deux ministres du gouvernement en savent beaucoup

Les journalistes parviennent à démontrer que le « suicide était un crime » pour reprendre le titre d’un documentaire de Canal+. Non seulement ils livrent des incohérences majeures dans l’enquête conduite par les policiers du SRPJ de Versailles, mais ils démontrent aussi que les plus hautes autorités de l’État étaient au courant de la mort de Robert Boulin bien avant que celui-ci ne soit retrouvé dans les eaux de l’étang Rompu (voir l’extrait de notre enquête).

OWNI apporte aujourd’hui sa pierre à l’édifice en racontant comment deux actuels ministres du gouvernement sont liés à cette affaire. Le premier (Claude Guéant, alors en poste au cabinet du ministre de l’Intérieur comme conseiller pour les affaires de sécurité) a très vite su que la version officielle n’était pas la véritable histoire racontée par les autorités. Le second (Patrick Ollier, alors conseiller du ministre de la Justice) a participé à l’opération d’intoxication montée après la mort de Boulin.

Dans ce récit, Francis Christophe (l’un des journalistes qui suit l’affaire depuis ses débuts) relate point par point les failles de la “légende” Boulin ou comment la classe politique, aidée par l’appareil judiciaire, est parvenue à étouffer le plus gros scandale de la Ve République : la liquidation d’un ministre en exercice. Pour lire la suite de ces bonnes feuilles, rendez-vous sur l’OWNI shop.

Extrait

Début 2007, le journaliste Benoît Collombat publie Un homme à abattre, contre-enquête sur la mort de Robert Boulin (édition Fayard), où il révèle un fait majeur, un véritable scoop.

Alors qu’il était gravé dans le marbre depuis 1979 que le corps du ministre avait été découvert par une patrouille de gendarmes motocyclistes à 8 h 40, l’enquête du journaliste révèle que le cadavre de Boulin a été découvert une première fois vers une heure du matin. Il établit que le Premier ministre, Raymond Barre, son directeur de cabinet Philippe Mestre, le ministre de l’Intérieur Christian Bonnet, son directeur de cabinet Jean Paolini, le permanencier chargé de la sécurité et le procureur général de Versailles, Louis-Bruno Chalret, en ont été avertis dans l’heure. Entre 1 heure et 2 heures du matin, toute la tête de l’État apprend la nouvelle de la mort de Robert Boulin.

En février 2007 paraissent les mémoires de Raymond Barre, où l’ancien Premier ministre confirme ce qu’il avait confié à Benoît Collombat :

Dans la nuit du 29 au 30 octobre, vers 3 heures du matin, un coup de téléphone m’apprend qu’on vient de trouver le corps de Robert Boulin, qui s’est suicidé.

Le 25 août 2007, Raymond Barre meurt à Paris.

Le 16 octobre 2007, le procureur général de Paris, Laurent Le Mesle refuse la réouverture de l’instruction pour homicide. Pour se justifier, ce haut magistrat réfute l’heure de la découverte du corps de Boulin. Pour cela, il recourt à une méthode éprouvée : considérer les témoignages des morts comme faux et/ou relevant du gâtisme tout en s’abstenant d’entendre les vivants qui les confirment.

M. Le Mesle a été saisi de la requête de Fabienne Boulin en avril 2007, mais – hasard ou coïncidence ? – il attend la mort de Raymond Barre pour rendre sa décision.

Le décalage d’au moins cinq heures entre la première découverte du corps, dont est informé le Premier ministre, et l’heure de la découverte officielle, est capital. Il prouve que les plus hautes autorités de l’état connaissaient la mort de Robert Boulin avant que les gendarmes ne retrouvent le corps.

Une préscience qui justifie à elle seule l’ouverture d’une nouvelle enquête. Mais Laurent Le Mesle s’y oppose avec un argument incroyable : Barre se trompe, il aurait confondu l’heure du lancement des recherches et l’heure de la découverte du corps. Ce qui est une contre-vérité grossière, car l’alerte aux services de gendarmerie est fixée (sur procès-verbal) à 6h30.

Cette grossière tentative de réécriture de l’histoire s’appuie sur le choix très particulier des témoins. Le magistrat du parquet a décidé de ne tenir compte que du seul témoignage de Philippe Mestre, alors directeur de cabinet de Raymond Barre et candidat au poste de directeur du SDECE, les services secrets extérieurs. Ce farouche gardien de la raison d’État a depuis le premier jour milité avec acharnement pour que jamais la version officielle du suicide ne soit remise en cause, n’hésitant pas à qualifier de mensonge le témoignage du propre directeur de cabinet de Boulin, Yann Gaillard, qui, lui aussi, affirme avoir appris la découverte du corps du ministre… de Mestre en personne, vers 2 heures dans la nuit du 29 au 30 octobre. Le procureur général s’est abstenu aussi d’interroger Christian Bonnet, alors ministre de l’Intérieur, qui, lui aussi, affirme avoir été réveillé entre 2 heures et 3 heures dans la nuit du 30 octobre 1979, pour le même motif que Raymond

Barre : “on” avait découvert le cadavre de Boulin. Qui est ce “on” ? Un mystère de plus, jamais élucidé par l’enquête.

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OWNI, eBooks editor http://owni.fr/2011/06/07/owni-edition-ebook%e2%80%99s-editor-livre-numerique/ http://owni.fr/2011/06/07/owni-edition-ebook%e2%80%99s-editor-livre-numerique/#comments Tue, 07 Jun 2011 06:29:30 +0000 David Servenay http://owni.fr/?p=65944

Retrouvez notre premier ebook, La véritable histoire de WikiLeaks, dans la boutique d’OWNI.

Our eBook on WikiLeaks is also available in English and Arabic.

Chaque jour, OWNI tente de sélectionner, de produire et de diffuser les meilleures informations sur ce qui fait l’ADN de notre aventure rédactionnelle, et notamment la société, les pouvoirs et les cultures à l’heure du numérique.

Notre ambition est également d’utiliser au mieux les outils du web (ses « data » et instruments de visualisations, l’interaction permise par le HTML5 et le web social, etc.) dans le but de réconcilier Internet et information. Contrairement à ce que soutiennent souvent les porte-paroles traditionnels de la presse et des médias, Internet est un merveilleux terrain d’expériences pour renouveler notre métier de journalistes, d’éditeurs et de médiateurs culturels. Il remet par exemple le reporter en phase avec ses lecteurs, il autorise l’éditorialiste à se confronter directement aux opinions contraires, il « augmente » l’information par l’apport des internautes et des technologies. Le web n’est pas le paradis des news, mais il nous fait collectivement sortir du purgatoire fossilisé dans lequel la profession s’était un tant soit peu enlisée.

Avec OWNIbooks, et nos offres « Pulps » (la pulpe d’OWNI, disponible en objets numériques inédits) nous voulons pousser plus loin encore ce pari de mieux faire circuler l’information de qualité, au bénéfice du plus grand nombre. Etre éditeur, nous dit le dictionnaire, c’est « faire paraître au public », c’est « prendre soin » rappellent les anciens. Littéralement, c’est même le « manger » du latin edo, edere. La nourriture de l’esprit.

La sélection des mets doit donc être parfaite. C’est pourquoi notre premier livre numérique se penche sur WikiLeaks. Le sujet nous tient à cœur ; OWNI ayant été le partenaire technologique de l’organisation lors de la publication des Warlogs irakiens ; mais c’est d’abord notre curiosité journalistique et le traitement décevant qui en était fait ailleurs qui  nous ont emmené vers ces contrées.

Les fuites de WikiLeaks sont vraisemblablement de ces événements dont les historiens diront dans quelques décennies qu’ils ont profondément bouleversé les codes de l’information et de la diffusion du savoir, mais aussi ceux de la conception du secret et de la puissance de l’Etat moderne. D’un certain point de vue, l’organisation emmenée par Julian Assange clôt – ou rouvre – le débat initié par les philosophes des Lumières du XVIIIe. L’enquête en profondeur d’Olivier Tesquet permet de comprendre cette filiation.

Trois collections innovantes

Si l’édition numérique est encore à l’état embryonnaire en France (elle représente à peine 1% du chiffre d’affaires de l’édition papier, contre 5% au Royaume-Uni et 15% aux Etats-Unis), cela tient en partie à l’exception culturelle française :

  • Un réseau de librairies indépendantes très dense et qui veut survivre (il existe autant de librairies dans le quartier Latin que dans tout Manhattan) ;
  • Le poids des éditeurs qui ne veulent pas scier la branche sur laquelle ils sont solidement assis ;
  • La conception que l’objet « livre » a un statut à part dans notre mentalité, irremplaçable pour les « convertis »

A cela, il faut aussi ajouter que l’offre numérique d’eBooks n’est pas à la hauteur des attentes des lecteurs – et sa gamme de prix comme son processus d’élaboration sont mal adaptés à la réalité des usages d’aujourd’hui. Notre conviction est que les plus jeunes ou les plus geeks de nos lecteurs, les « natives », ont aussi un véritable appétit pour de l’écrit long, enrichi, participatif, relié à tout ce qui fait la richesse du web, tous contenus pour lesquels « un onglet de plus dans le navigateur » n’est pas forcément la recette la plus satisfaisante.

Nous proposerons donc trois types d’eBooks pour l’essentiel en 3 langues (français, anglais et arabe dans un premier temps) :

  • Les OWNIbasics, livres enrichis consacrés entre autres à tout ce qui fait la vie numérique aujourd’hui. Les techniques (un peu), mais surtout les usages et les nouveaux enjeux qu’ils soulèvent dans nos sociétés contemporaines.
  • Les OWNIover, livres d’enquête qui prolongeront les articles et thématiques traités sur le site, avec l’idée que les sujets les plus ardus peuvent aussi intéresser les plus exigeants, comme les plus jeunes ou les moins geeks de nos lecteurs, à condition de s’adapter à leurs habitudes.
  • Les OWNIbeyond, livres d’expérimentation qui utiliseront l’ensemble des fonctionnalités innovantes des objets numériques (interaction, géolocalisation, réalité augmentée, etc.) d’une manière la plus originale possible. ePub3, webapps, apps, nous irons au-delà du déjà vu…

La véritable histoire de WikiLeaks, notre premier eBook (après les 11 tests réalisés en 24h en décembre dernier, que vous pouvez retrouver sur notre boutique) sort donc d’emblée en trois langues : français, anglais et arabe. Une version anglaise peut sembler logique pour un tel sujet : WikiLeaks et son Cablegate ont touché directement l’ensemble de la sphère anglo-saxonne. Pourquoi se priver d’un lectorat numériquement dix fois plus important que celui des francophones ?

Pour la version arabe, ce sont nos partenaires d‘Immateriel.fr (partenaire qui distribue nos eBooks sur toutes les plates-formes de diffusion, hors celle que représente le Shop d’OWNI, qui ouvre ses portes ce jour ;) qui, les premiers, nous ont alerté sur l’absence quasi-totale d’offre éditoriale en arabe, en dehors du Coran et des ouvrages religieux. Lié à la dynamique de notre projet d’OWNImaghreb, dont l’ambition porte à terme sur l’ensemble du Middle East & North Africa (MENA), l’intérêt de donner à lire ce travail, ces œuvres, en arabe littéraire nous a paru tenir de l’évidence. Une évidence qui accompagnera dorénavant l’ensemble du travail éditorial d’OWNI.

Ce long hiver inachevé des révolutions arabes nous a montré – pour qui en doutait – qu’il existe, de l’autre côté de la Méditerranée, une soif et une exigence de savoir, de démocratie, d’ouverture au monde et de compréhension des enjeux bien supérieurs à tout ce que l’essentiel de nos contemporains avaient pu imaginer. C’est aussi pour être à l’écoute de ce nouveau souffle démocratique qu’OWNIbooks prend tout son sens – et son envol. Et nous, nos responsabilités.

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DSK, Marine Le Pen et les harcelés anonymes http://owni.fr/2011/05/27/dsk-marine-le-pen-et-les-harceles-anonymes/ http://owni.fr/2011/05/27/dsk-marine-le-pen-et-les-harceles-anonymes/#comments Fri, 27 May 2011 16:39:43 +0000 David Servenay http://owni.fr/?p=64823 Elle est gonflée Marine Le Pen. Gonflée, habile, mais elle a la mémoire courte. Lundi 23 mai, dix jours après le « coup de tonnerre » elle s’est bien lâchée dans une vidéo diffusée sur le site du Front National sous le titre :

Marine Le Pen « décrypte » l’affaire DSK

Pour ceux qui n’ont pas le courage d’écouter les 10’34 de la présidente du FN, voici le résumé de son argumentaire :

Cliquer ici pour voir la vidéo.

1. Les premières minutes, elle reste assez factuelle sur la « sidération » liée à cette « nouvelle étourdissante » : « Incontestablement, il y aura un avant et un après Strauss-Kahn [...] Cette affaire a mis à nu le système. [...] En France, l’affaire DSK n’aurait jamais été portée à notre connaissance. »

2. Puis elle passe à l’attaque contre le « système » : « Ce qui m’a profondément choqué, c’est qu’il n’y a pas eu un mot pour la victime ». Et de citer les dérapages de Jack Lang, BHL, Jean-François Kahn, Harlem Désir… Puis elle se positionne : « Je suis désolée de le dire, mais j’ai été la seule à exprimer immédiatement ma compassion pour la victime présumée, une simple femme du peuple. »

3. Et enfin, elle assène une double assertion ambiguë :

Parce que je crois que la sincérité est une marque de loyauté et de considération, j’ai, dès les premières minutes de l’affaire tenu à dénoncer l’omerta de la classe politique et médiatique qui préservait un silence complice autour des penchants peut-être pathologiques de Dominique Strauss-Kahn, tout en rappelant la présomption d’innocence à laquelle l’avocat que je suis, est très attachée. [...] Pourtant, beaucoup savait pertinemment que Strauss-Kahn n’était pas, comme on le présentait, un séducteur… mais un harceleur. Non pas un homme qui aime les femmes, mais un homme qui en fait l’objet de pulsions qu’il ne peut apparemment contenir.

Ce faisant, la future candidate à la présidentielle suppose donc qu’un « harceleur » puisse sans hésiter devenir un « violeur ». Que tout le monde (comprenez tous les « puissants ») le savait. Que la « caste » est donc complice, au sens de celui qui n’a pas dénoncé un crime qu’il savait devoir se produire. Syllogisme idéal…

Un tas de petits secrets bien enfouis

Mais Marine Le Pen a la mémoire courte. Septembre 2006, moi qui n’ai jamais suivi un meeting politique, je reçois pour mission de couvrir la campagne présidentielle de Jean-Marie Le Pen pour ma rédaction (RFI). Travailler sur le Front National est une sorte d’exception dans le paysage des relations complexes qu’entretiennent les journalistes et le monde politique. Une exception vertueuse, puisque nous n’avons pas à nous forcer pour garder la distance critique qui sied à un bon suivi de l’actualité politique.

En clair, les journalistes qui suivent le FN sont plus incisifs, plus distants vis-à-vis de leurs sources que dans les autres partis. Précision : dès qu’ils se présentent au Paquebot (le siège du FN) la plupart des consœurs et confrères sont étiquetés « ennemis » par les responsables frontistes. Du coup, peu d’infos font l’objet d’un silence complice de la part de la presse qui couvre l’extrême droite. J’y reviendrai.

Officiellement, Marine Le Pen a toujours refusé de médiatiser sa vie privée. Pour de bonnes raisons : elle garde un souvenir très amer de l’épisode obscène et trash de la séparation de ses parents qui avait fait la joie des lecteurs de Playboy (Pierrette Le Pen y posait nue en… bonne faisant le ménage). Tout juste sait-on qu’elle est deux fois divorcée, mère de trois enfants (dont des jumeaux) et qu’elle vit chez papa, dans un loft aménagé à côté de la grande maison bourgeoise de Montretout, un domaine privé de Saint-Cloud. On est loin de la France qui se lève tôt. Mais peut-être que cette réticence à la people-isation s’explique par une différence entre son discours public et son comportement privé.

Pendant la campagne de 2007, les journalistes-suiveurs étaient en possession d’informations précises, informations jamais publiées, car relevant pour l’essentiel de la vie privée de Marine Le Pen. À l’époque, la vice-présidente du FN a donc bénéficié, comme DSK et d’autres, de cette “omerta” qui tient pour l’essentiel au respect d’un article du code pénal qui sanctionne les atteintes à la vie privée.

Nous entrons là dans la zone grise, car Marine Le Pen est aussi un personnage public.

Je m’explique: imaginez que ces informations précises sur la vie privée de Marine Le Pen aient pu avoir une incidence forte sur la vie du parti. Que la montée en puissance de la « génération télé » du FN, qui provoqua de nombreux départs, à commencer par la mise à l’écart de Jean-Claude Martinez, poisson pilote et boite à idées historique de Le Pen père, soit liée à cette situation publique/privée.

Face à une telle configuration, quelle devrait être l’attitude de la presse ? Se taire ? Tout déballer ? Quitte à provoquer un drame à la fois personnel (pour les intéressés) et collectif (pour les adhérents/sympathisants)… Fallait-il ne rien dire ? Pas sûr. Nous n’avons rien dit et parfois, j’en viens à le regretter.

Hommes/Femmes vs Droite/Gauche

Si je fais allusion à cette omerta dont bénéficia aussi Marine Le Pen, c’est parce qu’un grand hebdomadaire populaire a levé le «secret», en novembre 2010, quelques semaines avant sa triomphale élection à la tête du FN. Sans que l’intéressée ne s’en émeuve. C’était à voir – et à lire – dans Paris-Match, sur 10 pages en couleurs. Un détail insignifiant? En tout cas, depuis ce coming-out, le «compagnon» est devenu l’une des figures de proue de l’entreprise de séduction entamée par la Madone de la droite extrême pour élargir son électorat.

Si j’avais à suivre sa campagne 2012, que dirais-je sur la candidate FN? Sans doute un peu plus qu’en 2007, mais pas vraiment beaucoup plus. Je lui poserais certainement la question:

Allez-vous vous marier ?

Car le storytelling d’un candidat à l’élection présidentielle ne peut se faire en dehors de la dimension du couple. C’est devenu un passage obligé des politiques. Surtout si vous êtes un candidat de droite. Je n’irais sans doute pas plus loin dans l’enquête de personnalité, comme disent nos confrères anglo-saxons.

Pourquoi? Parce que je crois à la sincérité du propos de Marine Le Pen sur « une simple femme du peuple » et à son refus de (trop) médiatiser sa vie privée. Comme j’ai cru à la sincérité du propos de Martine Aubry qui a très vite pris la mesure du séisme et fait le service minimum dans la phase brève mais intense de « défense du DSK ». De même, la réaction de Clémentine Autain fustigeant le machisme des réactions des éléphants m’a paru aussi sincère que salutaire.

Il est d’ailleurs tout à fait remarquable de constater que Marine Le Pen, Martine Aubry et Clémentine Autain (ex élue communiste) ont tenu à peu près le même discours. Comme si leur statut de femme avait instinctivement primé dans leur perception de la situation, chacune tirant ensuite des conclusions tactiques différentes. La logique politique a vite repris le pas. Mais, pendant quelques jours, le cadre ordinaire du clivage idéologique a volé en éclat.

Ce n’était plus droite contre gauche, mais hommes contre femmes, accusation vs défense. Marine Le Pen n’y échappe pas et tant mieux. Elle peut aussi être très agressive avec les journalistes, sur le mode « tu m’aimes ou tu me détestes ». Un jour, dans son fief d’Hénin-Beaumont, j’ai ainsi eu l’insigne honneur de me faire traiter de « punaise » devant témoins. Voilà aussi où tombe parfois le débat politique.

Omerta médiatique?

Revenons sur cette accusation d’omerta médiatique. La présidente du FN cite, comme référence et exception, l’excellent blog du journaliste de Libération Jean Quatremer. Là encore, pour mémoire, ce confrère fait d’abord un très bon post au moment de la nomination de DSK au FMI. Nous sommes en juillet 2007 :

Le seul vrai problème de Strauss-Kahn est son rapport aux femmes. Trop pressant, il frôle souvent le harcèlement. Un travers connu des médias, mais dont personne ne parle (on est en France). Or, le FMI est une institution internationale où les mœurs sont anglo-saxonnes. Un geste déplacé, une allusion trop précise, et c’est la curée médiatique. Après Jacques Attali et ses goûts somptuaires qui lui ont coûté la présidence de la BERD, la France ne peut pas se permettre un nouveau scandale.

Pas plus, pas moins. C’est suffisant et très juste avec ce simple mot : « harcèlement ». Un papier tristement prophétique, d’autant plus que l’alerte se répète en 2008 lors du scandale provoqué par une autre incartade du directeur général du FMI. Mais là encore, la presse fait son travail. Peut-on sérieusement parler d’omerta? Alors que l’information sera reprise et débattue dans plusieurs médias, on et off line.

Abus de pouvoir ordinaire à l’Assemblée

À cette époque (janvier 2008), l’élection présidentielle passée, je mène pour Rue89 une enquête à l’assemblée nationale. Au départ, il s’agit de vérifier comment les députés respectent (assez mal pour certains d’entre eux) le droit du travail en tant qu’employeurs. Tous les parlementaires ont un statut d’entité économique indépendante. A ce titre, ils sont comme un chef d’entreprise, libre de recruter/licencier et gérer leurs collaborateurs (trois à quatre assistants par député).

Souvent, cette position de force donne lieu à des abus classiques : heures supplémentaires non payées, conditions de travail au rabais, sur-diplômés sous-payés. Mais parfois, l’abus franchit un pas, celui du harcèlement. Un indice ne trompe pas : celui du turn-over des assistants parlementaires. Certains et certaines députés(ées) sont connus pour user de quarteron de collaborateurs, les uns après les autres. Quel type de harcèlement ? Voici ce qu’en dit aujourd’hui Jean-François Cassant, le secrétaire général de l’Union syndicale des collaborateurs parlementaires (USCP-UNSA) :

Rien n’a changé depuis 2008, c’est même pire. Or, je me suis rendu compte que le harcèlement moral et le harcèlement sexuel vont rarement l’un sans l’autre. En général, les collègues concernées vont aux Prud’hommes pour obtenir réparation, mais sur du droit social, pas sur du droit pénal. Quand on a un rapport hiérarchique, c’est « tu baises ou tu te casses » et comme on ne crache pas dans la soupe…

Parler de ces abus, c’est prendre le risque d’être exclu définitivement du microcosme. Un petit village de 577 députés et quelques 2.000 assistants :

La loi du silence n’est pas totalement hermétique, mais les gens se taisent au moment où ils devraient parler. Ils finissent toujours par en parler, même des années après, car garder le secret sur ces choses-là, c’est assez affreux.

Les femmes (18,5% des élus à l’Assemblée) sont-elles moins harceleuses que les hommes ? Jean-François Cassant :

Du harcèlement moral commis par les femmes, j’en ai à la pelle. Il y a des femmes très, très dures qui, pour défendre leur image, vont négocier le licenciement de leurs assistants. Je ne fais plus de syndicalisme aujourd’hui, mais du coaching psychologique avec une très forte angoisse que quelqu’un se foute en l’air. Une collègue, licenciée deux fois après deux grossesses par deux députés différents, m’a dit : « C’est comme les rats qui se tiennent par la queue. »

Illustrations Flickr CC Respontour

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[ITW] Golo: “La réaction citoyenne des Egyptiens” http://owni.fr/2011/05/06/itw-golo-la-reaction-citoyenne-des-egyptiens/ http://owni.fr/2011/05/06/itw-golo-la-reaction-citoyenne-des-egyptiens/#comments Fri, 06 May 2011 16:53:58 +0000 David Servenay http://owni.fr/?p=61545 De passage à Paris pour la sortie de leur album “Chroniques de la Nécropole” (éditions Futuropolis), Golo et Dibou livrent leur vision de l’Égypte d’aujourd’hui. Une Égypte à la fois libérée et anxieuse, une Égypte qui a “retrouvé son sens de l’humour”, précise le dessinateur.

Dans cette histoire, le couple retrace la chronique d’un véritable Disneyland pharaonique au bord du Nil. Un projet qui, par sa démesure, provoque l’expulsion des paysans du village de Gournah, chassés par un pouvoir concevant le tourisme comme une industrie de masse. Dans ces pages, il y a beaucoup d’humour et d’autodérision. Pas mal de noirceur et un soupçon d’espoir. L’occasion de faire le point sur les vertus de la bande dessinée appliquée à un sujet éminemment politique.

Vous êtes toujours installés à Gournah?

Golo : Oui, on habite au village, à 700 kms au sud du Caire. Face à la colline qui a été rasée, il reste quelques maisons de l’autre côté de la route. C’est la dernière tranche qui doit être détruite. C’est une zone des antiquités, où les autorités veulent racheter les terres cultivées par les paysans depuis des siècles. Toute la partie agricole du village va donc passer dans la zone du « Disney pharaonique ». C’est le « plus grand musée à ciel ouvert du monde » comme ils disent.

Dibou : Et qui dit musée, dit « pas d’habitant ».

Avant de parler de Gournah, vous vous attendiez à cette Révolution égyptienne?

Dibou : Je l’ai découvert sur Facebook, avec des vidéos montrant des dizaines de milliers de manifestants.

Golo : Le premier jour où les gens ont manifesté, c’était officiellement la fête de la police ! La réaction des autorités a été d’une brutalité inimaginable et ça a provoqué la Révolte. Il y avait alors dans l’air l’exemple de la Tunisie qui a montré aux gens que « oui, c’est possible ». Et puis, après avoir fait le premier pas, la première manif, les gens ne pouvaient plus reculer.

Dans votre village, comment s’est déroulée la Révolution ?

Golo : Dès les premiers jours, toutes les communications ont été coupées : plus d’internet, plus de téléphone portable, plus de trains, plus d’avions… Tout cela pour éviter la contagion de la révolte. Il restait juste la télé, alimentée par les antennes paraboliques. Nous n’avons pas la télé, on allait chez les voisins où les gens regardaient la Révolution. Pendant toute cette période, la police a disparu ! Dans toute l’Egypte, on ne voyait plus un uniforme. Ils étaient tous en civil ou alors c’était les truands servant d’agent provocateur.

La population s’est donc organisée spontanément dans les quartiers. Ils assuraient la sécurité, la circulation… dans les grandes villes comme au village.

Et aujourd’hui, la police est revenue ?

Dibou : Oui, mais les policiers savent que la population n’a plus peur. Les gens ne sont plus rackettés par les policiers dans la rue. Ni les chauffeurs de bus, ni les petits vendeurs de poupée… Cela a rendu aux gens leur fierté et l’espoir.

Golo : Au quotidien, il y a encore beaucoup d’inquiétude, liée à l’incertitude de la situation. Les gens attendent les élections. Et puis, il a y a des vols et de la provocation de la part de ceux qui étaient au pouvoir.

Peut-on craindre un retour des Frères musulmans ?

Dibou : Les Frères musulmans ont complètement raté le coche. Ils n’ont rien vu venir et heureusement… De toute façon, les Egyptiens n’en veulent pas.

Golo : Au sein des Frères musulmans, les gens ne sont pas d’accord entre eux. Il y a eu des élections à l’université où les FM ont nettement reculé. Les Français sont obsédés par cette question, pas les Égyptiens.

La BD est-elle en train de vivre une phase de retour vers les sujets politiques, comme vous le faites dans ces Chroniques de la nécropole ?

Golo : J’ai toujours pensé que la BD est un moyen d’expression à part entière. On peut être historique, personnel, onirique… Je ne connais pas de limite à la BD.

Dibou : Cela se veut un témoignage de ce qui a été et qui n’est plus. Sans cet album, il n’y aurait plus de traces. Il y avait aussi toutes les photos amassées pendant des années sur Gournah. L’idée de la BD avec les photos s’est imposée naturellement.

Golo : Autre exemple, lorsque le village a été rasé par des bulldozers, j’ai pris des photos. Mais pour moi, c’était trop déchirant. Je ne pouvais pas dessiner ces scènes-là.

Est-ce que la population a été consultée sur ce projet de relocalisation du village ?

Golo : Non. Ces villageois sont niés dans leur existence. Pour le pouvoir, il fallait chasser l’image de l’habitat. Le touriste ne doit pas voir le pauvre paysan égyptien. Tout doit disparaître. Seules doivent rester les pierres. L’archéologie a complètement rebâti Hatshepsout en reconstituant les lieux.

Les archéologues se sont-ils exprimés sur ce projet ?

Golo : Certains s’en fichaient complètement. Mais ils sont coincés, car pour les fouilles, ils ont besoin d’autorisation de la part du service des antiquités. Le Français Christian Blanc s’est exprimé dans Le Monde, en raison des rapports de proximité qu’il entretient avec ses ouvriers. Les ouvriers des archéologues sont tous des gens du coin.

Pourquoi êtes-vous aussi ironique, voire caustique… y compris sur vous-mêmes ?

Dibou : En Occident, on est obsédé par le boulot. Lorsque je discutais avec mes amis égyptiens, ils finissaient par me dire : « tu nous parles de ton travail tout le temps, mais tu ne dis rien sur toi ». Donc, je suis venu à Gournah pour m’arrêter sur moi-même, même si cela n’a pas toujours été évident : on est dans une vie trépidante et tout à coup, on peut être saisi par l’ennui. Me vider la tête de mes clients [Dibou était consultante en marketing, Ndlr], ça a été plus compliqué que le problème de l’argent. Le plus dur a été de reconnaître mes envies et puis on a une vie très monacale.

Avec la Révolution, vous pensez que le tourisme pourrait aussi changer… ?

Golo : Jusqu’à présent, les gens sur place n’ont que les miettes des miettes de tout ce business. Si ça pouvait les aider à vivre correctement, ça serait bien. Une bonne partie de la population a envie que ça change.

Dibou : Pas de mal de gens ont été mis en taule. Le gouverneur de Louxor, par exemple, a été jeté en prison. Il va y avoir des jugements pour corruption.

Golo : Dans la Révolution égyptienne, ce qui m’a marqué, c’est à quel point les gens ont eu une réaction citoyenne après des années d’oppression. Sur tous les aspects : la sécurité, la circulation, l’organisation… ça donne de l’espoir ! Les gens prennent conscience qu’ils peuvent changer les choses, que ce n’est pas la volonté venue d’en haut, de Dieu ou d’autres ! La façon dont ils ont utilisé Internet, ils ont été merveilleux d’invention.

Le prochain album sera celui de l’espoir…

Golo : J’espère qu’il sera positif. Mais les jeunes du village relocalisé dans le désert m’ont redonné espoir. Ils ont rebaptisé la place du village « place Tahrir » !

Ils pourront lire votre BD ?

Dibou : Oui, nous allons en apporter des exemplaires en rentrant. Jusqu’à maintenant, tous les albums de Golo ont été censurés pour on ne sait quelle raison…

Golo : Cela me rappelle une anecdote. Lorsque j’ai adapté le livre « Mendiants et orgueilleux » en BD, Albert Cossery m’avait dit : « enfin, les illettrés vont pouvoir me lire » !


Photos : Ophelia Noor en CC pour OWNI /-)

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L’ami caché d’Islamabad http://owni.fr/2011/05/03/lami-cache-dislamabad/ http://owni.fr/2011/05/03/lami-cache-dislamabad/#comments Tue, 03 May 2011 08:41:50 +0000 David Servenay http://owni.fr/?p=60571 Le Grand Jeu afghan va-t-il reprendre des couleurs ? La mort d’Oussama Ben Laden, dimanche 1er mai dans une opération menée par les Etats-Unis, relance les spéculations autour de la position ambiguë du Pakistan. Officiellement premier allié de Washington dans la région, le pays et ses services militaires de renseignement (Inter-Services Intelligence, ISI) n’ont cessé de souffler le chaud et le froid, protégeant les plus radicaux des islamistes.

Dans la mosquée, un centre de transmission secret

Au bal des chefs d’Etat, l’ancien président Pervez Musharaff n’a pas oublié le jeu des masques. Surtout au moment de réagir, à chaud sur le site de The Nation, à la mort annoncée d’Oussama Ben Laden :

L’Amérique entrant sur notre territoire pour y mener une opération militaire, c’est une violation de notre souveraineté. La conduite et l’exécution de cette opération (par les forces américaines) ne sont pas appropriées. Le gouvernement pakistanais aurait dû être placé dans la boucle.

Un discours nationaliste qui omet l’essentiel du double jeu mené depuis des lustres par Islamabad pour masquer une coopération aussi intense que clandestine avec les Talibans et leurs alliés d’Al Qaïda. Ce faisant, Musharaff oublie qu’en 2007, il avait dû faire appel à des unités militaires différentes de celles de l’ISI pour se débarrasser des activistes de la Mosquée rouge, au coeur de la capitale. Une opération qui avait une fois encore dévoilé les liens unissant les islamistes aux services spéciaux pakistanais, ainsi que le racontait Roger Faligot en 2007 sur Rue89 :

Sous la mosquée, un centre de transmission secret a été découvert, avec des fils tirés directement du quartier général de l’ISI voisin (dont des membres venaient fréquemment faire leurs dévotions dans cette mosquée).

Sauf à considérer que le chef d’Al Qaïda ait joui durant dix ans d’une chance extraordinaire, les autorités locales pouvaient-elles ignorer sa présence à Abbottabad dans un complexe gardé et sécurisé ? Le limogeage du général commandant l’ISI en septembre 2007 avait pourtant marqué un premier tournant dans la tentative de reprise en main du gouvernement sur cette administration de 25 000 fonctionnaires, qualifié d’état dans l’Etat.

Les services secrets n’ont pu “contenir” les militants

L’explication de cette proximité dangereuse tient aux méandres des troubles alliances nouées par les services pakistanais depuis l’occupation soviétique de l’Afghanistan dans les années 80. Deux anciens responsables de l’ISI l’avaient clairement détaillé dans une longue enquête publiée en janvier 2008 dans le New York Times :

Les deux anciens responsables de haut rang des services ont reconnu que, après le 11-Septembre, quand le président Musharraf s’est publiquement allié avec l’administration Bush, l’ISI n’a pas pu contenir les militants qu’elle avait alimentés depuis des décennies pour exercer une pression sur l’Inde et l’Afghanistan. Après avoir contribué à développer des convictions islamiques dures, l’ISI a dû lutter pour empêcher cette idéologie de se répandre.

Concrètement, la coopération clandestine avec les islamistes installés en Afghanistan donna lieu à de nombreux règlements de comptes internes :

Un autre responsable a affirmé que des dizaines d’officiers de l’ISI, qui avaient entraîné ces militants, sont devenus des sympathisants de leur cause et ont dû être chassés de l’agence. Il a affirmé que trois purges ont eu lieu depuis la fin des années 1980, et ont même concerné trois directeurs de l’ISI suspectés de sympathies avec les militants.

Dans ces conditions, difficile de croire que les forces spéciales américaines aient pu intervenir sans avertir leurs homologues… mais sans doute pas ceux de l’ISI, par crainte de fuites susceptibles de faire capoter l’opération.

Cette situation ne devrait d’ailleurs pas disparaître du jour au lendemain. On voit mal pourquoi les Pakistanais se priveraient d’un pouvoir de nuisance efficace pour affaiblir leurs voisins (Inde et Afghanistan). La manne (estimée à 2 milliards de dollars par an), tirée du trafic de pavot peut aussi expliquer la permanence de ces liens. Sans compter les pressions indirectes exercées sur les alliés occidentaux d’Islamabad. Une déclaration d’Omar Bakri, un prêcheur radical assigné à résidence à Tripoli (Liban), a voulu donner le ton à tout ceux qui s’improviseront héritiers spirituels d’OBL, en prévoyant de futures représailles en Europe:

Sans doute le martyre d’Oussama Ben Laden va donner un nouveau souffle à la nouvelle génération, car l’entreprise du jihad ne s’arrêtera pas. Nous nous attendons à des réactions de cette génération en Europe (…) Il y aura des opérations pour venger cheikh Oussama.


Logo de l’ISI CC Wikipedia.


Retrouvez notre dossier :

L’image de Une en CC pour OWNI par Marion Boucharlat

Ben Laden dans les archives des services secrets par Guillaume Dasquié

Les 300 000 morts de la guerre contre le terrorisme par Jean Marc Manach

Mort de Ben Laden : l’étrange communication de l’Élysée par Erwann Gaucher

Photoshop l’a tuer par André Gunthert

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Le prix de transfert, arnaque légale http://owni.fr/2011/04/12/le-prix-de-transfert-arnaque-legale/ http://owni.fr/2011/04/12/le-prix-de-transfert-arnaque-legale/#comments Tue, 12 Apr 2011 15:47:34 +0000 David Servenay http://owni.fr/?p=56417 Les comptables seraient-ils devenus les plus grands blanchisseurs de la planète, loin devant les trafiquants en tout genre ? A lire l’analyse du rapport d’audit réalisé sur les mines zambiennes de Mopani, plusieurs méthodes financières appliquées par les actionnaires soulèvent en tous cas des questions sur la qualité de la régulation financière mondiale. Et ses limites.

En résumé, Glencore International AG et First Quantum Minerals Ltd utilisent les techniques comptables suivantes :

  • Surévaluation des coûts d’exploitation : sur la seule année 2007, les auditeurs évaluent à 381 millions de dollars (sur 804 millions) le montant de ce surcoût
  • Sous-évaluation des volumes de production : l’analyse des recettes montre que les mines de Mopani ont un taux d’exploitation de moitié inférieur aux autres exploitants de la région
  • Manipulation des prix de transfert : pour la période 2003-2008, les auditeurs évaluent à 700 millions de dollars la perte comptable affichée dans les bilans de la société, par rapport à un modèle traditionnel d’exploitation

Ces trois techniques ont un objectif unique : faire en sorte de payer le moins d’impôt possible, en jouant sur les variations des règles fiscales internationales. Cela fait maintenant quinze ans que l’OCDE tire la sonnette d’alarme sur les manœuvres effectuées par les multinationales autour de ces fameux prix de transfert. La règle est simple : si ces échanges sont conformes au prix du marché, alors ils sont légaux, s’ils sont sur ou sous-facturés, alors ils sont illégaux. L’OCDE l’appelle le principe de libre-concurrence.

60% du commerce mondial est réalisé intra groupe

Initialement, le prix de transfert est une technique comptable qui permet de facturer, entre filiales d’un même groupe, des marchandises fabriquées dans un pays A et vendues dans un pays B. Elle a pour finalité de calculer la taxation de ces marchandises et de répartir l’impôt pays par pays, en fonction des opérations réalisées sur ces dernières. Exemple :

Une balle (pays A, coût 1 euro, taxé à 30%) – Une balle vendue (pays B, coût 10 euros, taxés à 30%)

Résultat : impôt acquitté dans le pays A + impôt acquitté dans le pays B

Depuis une quinzaine d’années, les groupes internationaux ont pris l’habitude de faire transiter (par un artifice comptable) leurs marchandises par le biais d’un pays tiers, la plupart du temps un paradis fiscal au sens originel, c’est-à-dire où la fiscalité pour les entreprises est proche de zéro. L’intérêt est de pouvoir imputer l’essentiel de la plus-value dans ce territoire fiscalement attractif. Reprenons notre exemple :

Une balle (pays A, coût 1 euro, taxé à 30%) Vendue à 2 euros (pays X, 0% d’impôt sur les sociétés) Revendue à 10 euros (pays B, taxés à 30%)

Résultat : impôt acquitté en pays A + impôt en pays X + impôt en pays B

Sur les dix euros « taxables », 8 vont en réalité échapper à tout impôt, au détriment de l’assiette fiscale des deux autres pays, qui devront se contenter de deux euros « taxables ». Ce phénomène est devenu une tendance lourde du commerce mondial, puisque 60% des échanges réalisés seraient aujourd’hui du commerce intra-groupe, entre filiales.

Des ventes inférieures aux cotations de Londres

Dans le cas de Mopani, le mélange des genres est au cœur des manipulations soupçonnées par les auditeurs. Le consortium appartient très majoritairement (73%) à Glencore International AG, basé dans le fiscalement édénique canton de Zoug en Suisse. Or, ce géant du trading des matières premières (minerais, gaz et pétrole) est aussi le principal acheteur du cuivre extrait par Mopani.

Le « Copper Marketing and Off-take agreement » remonte à 2001. Selon Mopani, il fixe les règles des ventes entre la société et Glencore UK Ltd. Glencore y est reconnu comme le seul agent commercial de Mopani. Le référent de cotation est celui du London Metal Exchang. Or, selon les auditeurs, rien dans la comptabilité de Mopani ne fait apparaître le respect de cet accord.

Pire : un chiffre retient l’attention. Alors qu’en 2004, le cuivre zambien était à 10% exporté vers la Suisse, en 2008, la moitié de sa production (la deuxième mondiale derrière le Chili) aurait pris la direction des alpages helvétiques. Une donnée jugée tout à fait incohérente par l’audit, laissant penser que la Suisse est utilisée comme plaque-tournante des prix de transfert de cette industrie.

CAC 40: 10% d’impôts, PME: 30% !

A bien regarder le montage juridico-financier qui assure aux deux groupes le contrôle des mines zambiennes, il apparaît que l’évasion/optimisation fiscale est au cœur de leur démarche. Rien d’étonnant de la part de Glencore, dont la réputation sulfureuse et le culte du secret l’ont mené plus d’une fois à la barre des tribunaux. Mais cela relève aussi d’un subtil choix technique, car il est beaucoup plus complexe pour une administration de détecter une fraude ayant pour support les prix de transfert. Pascal Saint-Amans, expert fiscal de l’OCDE, le justifiait ainsi l’an dernier au journal Le Monde :

L’abus des prix de transfert est un sujet à haut risque. Ils peuvent aussi servir de levier pour délocaliser de la matière taxable. (…) Les administrations fiscales sont extrêmement attentives et dures lorsqu’elles découvrent des infractions.

Depuis le 1er janvier 2010, le ministère de l’Économie et des finances exige des entreprises qu’elles détaillent leur méthode de calcul des prix de transfert. Une vigilance nécessaire qui permettra peut-être d’expliquer pourquoi les grandes entreprises ont un taux d’impôt effectif sur les bénéfices d’environ 10% , là où les PME s’acquittent d’un taux de 30%. Tout le monde n’a pas la chance d’avoir un bon comptable.


Photo Credits: Flickr CC mtsofan
Posters par Elsa Secco

Image de Une par Elsa Secco @Owni /-)

Retrouvez les autres articles de notre dossier sur Owni.fr et Owni.eu

Cinq ONG accusent Glencore et First Quantum de frauder le Fisc zambien par Federica Cocco [EN : NGOs report mining giants Glencore and Quantum alleging fiscal crime in Zambia]

La nationalisation bâclée des mines zambiennes par David Mwanambuyu

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Le financement dévoilé des mosquées http://owni.fr/2011/04/05/le-financement-devoile-des-mosquees/ http://owni.fr/2011/04/05/le-financement-devoile-des-mosquees/#comments Tue, 05 Apr 2011 16:03:12 +0000 David Servenay http://owni.fr/?p=55278 Que dit la loi de 1905 ?

C’est l’article 2 de la loi de séparation des Églises et de l’État qui fixe le cadre de la relation contractuelle entre les cultes et les pouvoirs publics. Elle est résumée en une phrase où chaque mot compte :

La République ne reconnaît, ne salarie et ne subventionne aucun culte.

Pourtant, cela ne signifie pas que l’État ou les collectivités territoriales n’aident jamais les religions. Au contraire. L’histoire de la loi de 1905 est truffée d’exceptions. Pour s’en convaincre, il suffit de lire l’excellent rapport de la commission Machelon, rédigé en 2005-2006 à la demande du ministre de l’Intérieur… Nicolas Sarkozy.

La jurisprudence admet d’ailleurs ces dérogations comme conforme à l’esprit de la loi :

Le Conseil d’État, dans une récente décision du 16 mars 2005, [...] a de son côté indiqué que « le principe constitutionnel de laïcité qui… implique la neutralité de l’État et des collectivités territoriales de la République et le traitement égal des différents cultes, n’interdit pas, par lui-même, l’octroi dans l’intérêt général et dans les conditions définies par la loi de certaines subventions à des activités ou des équipements dépendant des cultes ».

Comment la contourner ?

Trois territoires de la République font l’objet d’un statut dérogatoire vis-à-vis de la loi de 1905 :

  • L’Alsace et la Moselle, qualifiées de terres concordataires (sous le régime du Concordat de 1801), où l’État et les collectivités locales peuvent salarier et subventionner quatre cultes identifiés (catholique, luthérien, protestant et juif)
  • La Guyane qui est toujours régit par une ordonnance royale de Charles X de 1828, qui permet aux membres du clergé catholique d’être « rétribués sur le budget départemental ».

A ces exceptions, il faut en ajouter bien d’autres qui concernent à la fois l’ensemble du territoire et tous les cultes présents en France (p.24 du rapport Machelon) :

  • Financement des aumôneries
  • Affection au culte de bâtiments publics
  • Entretien des monuments historiques
  • Exonération d’impôts

Sans oublier la loi de 1908 qui permet aux collectivités publiques d’assurer la « conservation et l’entretien des bâtiments cultuels » leur appartenant au terme de la loi de 1905. Conclusion des rapporteurs :

Ainsi, par des biais divers, églises, synagogues et mosquées ont été financées par les pouvoirs publics en fonction de ce qui paraissait conforme à l’intérêt public du lieu ou du moment. Fréquemment, ces constructions combinent des activités culturelles et cultuelles.

Les spécialistes relèvent aussi qu’une loi du 19 août 1920 accorde une subvention à la Société des Haboux et des lieux saints de l’Islam pour la création de l’Institut musulman de Paris. Enfin, le moyen le plus classique pour aider à la construction d’un lieu de culte consiste à octroyer un bail emphytéotique administratif (BEA), sorte de location de longue durée à des conditions préférentielles. Dans ce contexte, il faut relever que le discours contestant la légitimité de certains projets de construction de lieu de culte ne concerne, depuis quelques années, que les mosquées.

La situation sur le terrain

En avançant le chiffre de « 5 à 10 millions de musulmans en France», le ministre de l’Intérieur exagère l’estimation fournie dans le rapport Machelon, qui est la « plus juste et la plus récente » selon le Conseil français du culte musulman (CFCM). Dans ce contexte, Claude Guéant a beau jeu de préciser qu’on ne touchera pas à la loi de 1905.

Les experts interrogés pour le rapport en 2006 citent le chiffre de 4 millions de musulmans, « soit 6% de la population (mais 14% des 18-24 ans) ». Quelle est leur pratique religieuse ? Difficile à dire, mais elle oscille dans une fourchette qui va de 15 à 20% selon les sources. Quant aux lieux de culte (en attendant le recensement des mosquées qui aura lieu en juin pour le renouvellement du CFCM), ils étaient ainsi comptabilisés :

À côté des édifices des anciens cultes reconnus, on dénombrait en France, en 2005, 1685 mosquées et salles de prières d’une part, environ 1850 salles (ou temples) des églises évangéliques d’autre part.

Au passage, notons que la problématique des lieux de culte évangéliques n’est jamais évoquée par les responsables politiques, alors qu’elle est numériquement plus importante dans le paysage religieux. Dans un état des lieux assez complet dressé en 2009, Oumma.com pointait le retard criant de l’Islam sur les autres religions, rapporté au nombre de pratiquants recensés :

Ainsi, on obtient un espace total alloué au culte de 249 057 m2, pour 850 000 prieurs. Il en faudra donc environ 600 000m2 pour satisfaire la demande en superficie culte que les 200 projets qui sont en cours, selon le ministère de l’intérieur, ne peuvent en aucun cas combler.

La justification politique des élus locaux

Outre quelques cas particulièrement médiatisés, comme celui de la mosquée de Créteil, financée pour au moins un quart par la ville, les élus locaux usent de la même argumentation. Qu’ils soient de gauche (maire PS à Créteil) ou de droite, c’est toujours la valorisation du lien social et la nécessité qui justifient le soutien des collectivités.

A Woippy, le député-maire UMP François Grosdidier parle de « lieu d’ouverture » lorsqu’il est confronté aux critiques d’extrême droite sur des sites relayant cette parole. Sur Europe 1, mardi matin, il expliquait en détails sa position républicaine :

Tous les débats sont nécessaires, le problème, c’est la façon dont on engage le débat. Il faut commencer par traiter l’inégalité dans laquelle les musulmans se trouvent quant aux conditions matérielles de l’exercice du culte.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

François Grosdidier n’a pas été invité à la Convention de son parti sur la laïcité.

Deux questions délicates : le patrimoine et les financements étrangers

Dans ce débat sur les mosquées, deux questions sont souvent esquivées, quel que soit le camp qui s’exprime. La première relève de la lourdeur des biens immobiliers à gérer. Plus un lieu de culte est important, plus il entraîne des frais d’exploitation lourds à supporter. Or, comme toutes les religions, l’Islam subit un phénomène de sécularisation : à chaque génération, les immigrés et leurs descendants pratiquent de moins en moins leurs croyances.

Construire d’immenses mosquées pourrait donc, à terme, placer l’Islam de France dans la même situation que l’Église catholique, qui n’a plus les moyens d’entretenir son très riche patrimoine. Un enjeu qui n’est pas forcément pris en compte dans les débats actuels. Idem pour la question du financement extérieur (Algérie, Arabie Saoudite et monarchies du Golfe) qui est normalement filtré par le CFCM, sous le contrôle du ministère de l’Intérieur. Ce dernier reste très discret sur la question.

Ce qui ne permet pas de comprendre pourquoi la France a, proportionnellement, moins de mosquées que l’Allemagne, les Pays-Bas ou le Royaume-Uni, alors qu’elle compte la communauté musulmane la plus importante…

Les solutions ? Le rapport Machelon les explicite (p.27) sous deux propositions :

  • étendre la capacité d’effectuer des “réparations” sur les lieux de culte à leur “construction” (il suffit de changer un mot dans la loi)
  • introduire dans le code général des collectivités la faculté, pour les communes, “d’accorder des aides à la construction”

Deux propositions restées lettre morte, depuis cinq ans.

Illustrations CC FlickR Ayman Haykal, Shahram Sharif, Beth Rankin

insérant un nouvel article dans son titre III (« Les édifices du

culte »), soit en étendant à la construction des édifices affectés

au culte public la dérogation pour les « réparations », prévue à

l’article 19 dernier alinéa (titre IV : « Des associations pour

l’exercice des cultes »).

– La seconde conduirait à insérer dans le code général des collectivités

territoriales la faculté, pour les communes et leurs

groupements, d’accorder des aides à la construction de lieux de

culte. La commission estime qu’il faudrait, au moins dans un

premier temps, réserver cette possibilité aux communes et à

leurs groupements, qui ont toujours été le cadre naturel des

relations quotidiennes entre les pouvoirs publics et les cultes.

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Le “bank run” de la Côte d’Ivoire, pari tragique ? http://owni.fr/2011/03/29/le-bank-run-de-la-cote-d%e2%80%99ivoire-pari-tragique/ http://owni.fr/2011/03/29/le-bank-run-de-la-cote-d%e2%80%99ivoire-pari-tragique/#comments Tue, 29 Mar 2011 15:44:26 +0000 David Servenay http://owni.fr/?p=54105 La décision a été prise au lendemain de l’élection présidentielle ivoirienne contestée du 28 novembre 2010. Le vainqueur (théorique) du scrutin, Alassane Ouattara, l’a entérinée, mais elle supposait un consensus de la communauté internationale : puisque Laurent Gbagbo ne veut pas céder le pouvoir politique, il faut l’asphyxier économiquement. Commence alors une course contre la montre de quelques mois, sur le point de s’achever. Comme le confiait à Paris en février un observateur attentif de la situation :

Ce n’est pas spectaculaire, mais ça va produire ses effets.

Primo : couper les robinets à liquidités

Il y avait trois leviers pour résoudre le conflit : la diplomatie, les finances et l’armée.

Nous sommes le 24 décembre 2010. En cette veille de Noël, Patrick Archi, porte-parole d’Alassane Ouattara peut être satisfait. La Banque centrale des Etats d’Afrique de l’Ouest (BCEAO) vient officiellement de couper les vivres du camp Gbagbo.

Un mois après le scrutin électoral au centre du bras de fer entre les deux hommes, la première séquence a consisté à agir au niveau des liquidités qui alimentent les circuits économiques internationaux. La Côte-d’Ivoire s’insère dans la zone CFA , dont la BCEAO constitue l’ossature, lui permettant d’assurer la fluidité de ses échanges économiques. Le but de l’opération est de couper les liens avec l’extérieur, notamment avec les autres pays de l’Afrique de l’Ouest et de faire en sorte que la signature de Gbagbo ne soit plus reconnue par les instances monétaires internationales.

Premier objectif : obtenir une position officielle des 15 actionnaires de la BCEAO, ce qui sera fait en quelques semaines. Puis obtenir le départ de Philippe-Henry Dacoury-Tabley, gouverneur de la banque et proche de Laurent Gbagbo. Le 24 janvier, l’homme commente ainsi sa propre démission :

La seule tristesse que j’ai en ayant rendu cette démission qui m’a été demandée, c’est qu’effectivement la politique est en train d’entrer à la banque centrale.

La Banque mondiale suit le mouvement en annonçant le gel de ses prêts. Il reste alors un peu plus de 200 milliards de francs CFA dans les coffres de l’agence d’Abidjan, sous la supervision du siège situé à Dakar, Sénégal.

Réactions du clan Gbagbo : rackets et braquage

La réaction de la présidence ivoirienne est (quasi) immédiate. Le 26 janvier, deux jours après la « démission » de Dacoury-Tabley, une scène digne d’un braquage hollywoodien se déroule dans les sous-sols de la BCEAO.

Alors qu’un transporteur de fonds vient chercher de quoi alimenter les banques commerciales de la capitale économique, un commando armé pénètre sur le parking de l’agence. Quatre hommes rejoints par des complices mettent en joue les employés. Sur les 23 sacs de billets de banque, ils en emportent une quinzaine, pour une valeur nominale de 8 milliards de CFA . Maigre prise, car les coffres de la BCEAO en comptent au moins 200 milliards… Seulement voilà, les codes informatiques des portes sont modifiés tous les jours depuis le siège de Dakar. Impossible d’aller plus loin pour le clan Gbagbo.

Un mois plus tard, c’est au tour des banques commerciales de faire l’objet d’un assaut en règle. Elles sont nationalisées et réquisitionnées par la présidence ivoirienne. Là encore, l’enjeu est surtout symbolique, car les filiales de la Société générale comme de la Citibank ont baissé rideau depuis la mi-février.

Petit à petit, l’ensemble de l’activité économique du pays est anesthésié par le manque de liquidités. De la BCEAO sur la banque centrale, de la banque centrale sur les banques commerciales et des banques de détails sur les entreprises et autres opérateurs. Tout le pays est placé dans une léthargie profonde. Le diagnostic du président de la Confédération générale des entreprises de Côte d’Ivoire, Jean Kacou Diagou, est sans appel :

On est en train de tuer l’économie ivoirienne.

Côté recette fiscale, même combat : les agents des impôts tentent désespérément de récupérer de l’argent auprès des entreprises qui ne savent plus auprès de qui s’acquitter de leurs taxes.

Couper les ressources économiques profondes du pays : café et cacao

L’autre levier pour asphyxier le régime est celui des ressources premières de l’économie ivoirienne. Le pétrole et ses 60 000 barils de production quotidienne ne peuvent pas être placés sous séquestre. En revanche, il est plus simple de bloquer la distribution des matières premières transitant par le port d’Abidjan : café et surtout cacao.

La période est particulièrement propice, puisque l’essentiel de la récolte des fèves a été stocké dans les hangars du port, attendant d’être écoulée par les grands opérateurs du secteur. A l’image du géant américain Cargill, tous finissent par suivre les injonctions des Nations-Unies. Les fèves peuvent être stockées environ deux mois dans les entrepôts, mais pas plus. Qui plus est, en séchant, elles perdent du poids et donc de la valeur marchande, jour après jour.

Après avoir hésité, car les pertes sont énormes, les principaux transporteurs maritimes (Maersk, MSN, CMA-CGM) interrompent leur desserte ivoirienne. A Abidjan, tout commence à manquer : essence, nourriture, biens premiers. La tension monte, alimentée par des exactions qui se répètent de plus en plus fréquemment et s’étendent, de quartier en quartier.

fèves de cacao

La guerre par la faim, une expérience inédite?

Tous les ingrédients pour une crise majeure sont désormais réunis. Certains sont présents depuis bientôt dix ans dans le paysage ivoirien :

  • le conflit politique qui n’a rien de vraiment nouveau, l’opposition entre les deux rivaux Gbagbo / Ouattara est effective en s’appuyant sur des clivages politico-claniques
  • la bataille médiatique, déjà largement présente dans les quotidiens, s’est élargie aux médias audiovisuels (Radio Télévision Ivoirienne –RTI- contre Télé Côte d’Ivoire – TCI)
  • les exactions et assassinats ciblés dans les deux camps, s’ils avaient connu une accalmie, ont repris, l’ONU comptabilisant plusieurs centaines de morts depuis l’élection présidentielle

Mais la grande nouveauté est le stress induit sur toute la population par la pénurie alimentaire et le manque de produits de première nécessité. L’absence de nourriture alimente la certitude d’aller de toute façon vers la pire des issues. L’ampleur de l’exode à Abidjan ces derniers jours témoigne de la gravité de la situation.

A bien des égards, le parallèle si souvent dressé entre la crise ivoirienne et le génocide rwandais prend ici toute sa pertinence. Cette dimension a fait l’objet de très peu d’analyse approfondie, alors qu’elle explique une bonne partie du chaos intégral dans lequel le Rwanda a plongé en 1994.

Quelques chercheurs ont montré l’importance du Plan d’ajustement structurel (PAS) du FMI, plan qui a entraîné de 1990 à 1994 un appauvrissement rapide et dangereux de la paysannerie rwandaise, acculée à une résolution extrême de la tension sociale ainsi générée. En clair, nombre de d’assassinats commis pendant le génocide eurent aussi (surtout ?) des mobiles purement crapuleux.

Les conséquences du « bank run » ivoirien seront-elles identiques dans un contexte social bien différent, plus développé et plus urbain ? Si le pire n’est jamais sûr, il est souvent probable.

Les trois scénarios : idéal, va-tout ou offensif?

Ces dernières semaines, trois scénarios étaient à l’étude à Paris. Trois scénarios élaborés à partir de la certitude que le « risque de voir un dénouement violent est élevé, mais jusqu’à quel niveau ? ».

  • Le scénario idéal (qui est aussi le moins plausible) : Gbagbo se sent asphyxié, l’armée vacille, il n’y a plus d’argent pour payer les fonctionnaires. Le président sortant a la garantie d’une impunité judiciaire (difficile avec les centaines de morts officiellement comptabilisés par l’ONU). Il décide de partir, pour laisser la place à son adversaire.
  • Le scénario du « va-tout » : Gbagbo lance une attaque contre l’hôtel du Golf où est réfugié Ouattara. Les Forces nouvelles lancent alors un assaut sur Yamoussoukro, pour offrir à Ouattara une alternative. Cela ouvre le jeu dans la capitale administrative du pays, en pays Baoulés, fief d’Houphouët-Boigny.
  • Scénario de l’offensive : Ouattara et Soro, sentant que la pression économique ne suffit pas, décident de passer à l’offensive, par des mouvements sur Abidjan et Yamoussoukro.

Une dernière hypothèse de guerre civile qui semble prendre le pas sur les deux premières. Dans l’indifférence générale.

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Crédits photos et illustrations :

Image de Une CC : Marion Boucharlat

La BCEAO à Dakar par Paternité par seneweb ; Laurent Gbagbo PaternitéPas d'utilisation commercialePas de modification par United Nations Photo ; fèves de cacao PaternitéPas d'utilisation commercialePas de modification par eosclub


Retrouvez notre dossier complet sur la Côte d’Ivoire : Milices ou armées : quelle guerre en Côté d’Ivoire et N’ajoutons pas la panique au drame en Côte d’Ivoire

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Quand le CAC 40 joue les espions, ||OSS 117 n’est pas loin http://owni.fr/2011/03/15/quand-le-cac-40-joue-les-espions-oss-117-nest-pas-loin/ http://owni.fr/2011/03/15/quand-le-cac-40-joue-les-espions-oss-117-nest-pas-loin/#comments Tue, 15 Mar 2011 16:35:00 +0000 David Servenay http://owni.fr/?p=51533

Je trouve anormal qu’une immense entreprise comme celle-ci ait basculé dans un amateurisme et une affaire de bibi-fricotin et de barbouze de troisième division.

François Baroin a donné le ton. Mardi sur LCI, le porte-parole du gouvernement a promis que l’affaire Renault ne resterait pas « sans suite ». Le ministre du Budget avait sans doute en mémoire le virage à 180 degrés effectué lundi soir par le PDG du groupe automobile. En quelques minutes, Carlos Ghosn reconnaissait que :

  • les trois cadres licenciés début janvier n’avaient jamais eu le moindre compte bancaire à l’étranger comme il l’avait péremptoirement avancé sur le même plateau
  • le groupe s’excusait et était prêt à indemniser les trois ex-salariés
  • Renault aurait donc été victime d’une escroquerie, conduite par l’un des cadres de son service de sécurité, aujourd’hui placé en détention
  • il avait refusé la démission de son DG opérationnel Patrick Pelata
  • les deux hommes avaient décidé de renoncer à leur bonus annuel 2010 (soit 1,6 million d’euros pour le seul PDG, dont la rémunération annuelle s’élève au total à 8 millions)

Conclusion : l’espionnage est un vrai métier. L’intelligence économique aussi. A force de confondre les deux, Renault et ses anciens des services de renseignement (DGSE, DPSD) ont manié l’intox comme un débutant apprend le nunchaku (aïe, les doigts). A leur décharge, ils ne sont pas les premiers dans l’univers des grands groupes à s’infliger ce genre de supplice.

Une procédure normée et éthique ?

Répétons-le : l’espionnage et l’intelligence économique n’ont rien à voir. Pour une raison simple : si l’Etat se fait prendre les doigts dans le pot de confiture de l’illégalité, il aura toujours les moyens de réparer ou compenser sa perte de crédibilité. Au nom de la notion de souveraineté. Une entreprise aura beaucoup plus de mal à justifier une entorse au droit et aux bonnes moeurs, surtout si elle se pare des vertus de « l’éthique des affaires ».

C’est d’ailleurs ce qui rend la position de Renault indéfendable dans ce dossier. Dans tous les médias, Christian Husson, le directeur juridique du groupe, avait imprudemment avancé l’argument de la morale dans le processus d’enquête conduit pour confondre les cadres supposés corrompus :

Il s’agit d’une procédure parfaitement normée, très rigoureuse et [qui] garantit le respect des principes éthiques édictés par Renault.

Quelle éthique ? Quelles normes ? Quelle rigueur ? On aimerait avoir l’éclairage du « comité de déontologie » de Renault qui a traité l’affaire. L’attitude prudente voire mutique des instances patronales sur cette affaire est assez éclairante. Parlant ce mardi d’une « affaire regrettable », Laurence Parisot s’est contentée de saluer « les excuses à la japonaise » de Carlos Ghosn. La présidente du Medef a pourtant une certaine expérience en matière de barbouzerie d’entreprise, même si elle semble l’avoir oublié lorsqu’elle affirme :

Dans ces cas similaires, on a vu beaucoup de responsables se cacher.

Quand Laurence Parisot faisait espionner ses employés

En novembre 2005, la PDG d’Optimum SA (fabricant de portes de placard basé à Agen, une PME héritée de son père Michel Parisot) mandate l’agence privée de renseignements Kroll. Objectif : confondre les auteurs de vols de matériel qu’elle soupçonne au sein de son entreprise. Comme souvent dans ce genre de mission, Kroll sous-traite à un gendarme reconverti en enquêteur privé, Patrick Baptendier :

Une de ses collaboratrices (de Laurence Parisot) a pris contact avec Kroll, qui me charge d’établir les antécédents police de plusieurs salariés, d’effectuer une surveillance non-stop de l’entreprise (entrées et sorties du personnel et des véhicules et certains mouvements aux abords de l’entrepôt) du 10 novembre 2005 à 20 heures au 14 novembre à 7h45. A cette occasion, nous devons identifier les immatriculations. Le tout bien sûr dans la plus grande discrétion. Personne au sein de l’entreprise ne doit être informé de notre dispositif.

L’enquête ne démontre rien, mais un délégué CFDT va quand même être licencié sous l’accusation de vol. Décision validée par l’inspection du travail, puis cassée par un jugement. Dégoûté par de telles pratiques, l’homme ne voudra pas réintégrer l’entreprise. En mars 2006, Laurence Parisot a revendu la PME à un fonds luxembourgeois.

Quand Valeo utilise une « affaire » contre son ancien PDG

En 2009, la chronique des barbouzeries d’entreprise s’est enrichie d’un nouvel épisode, mettant en cause cette fois-ci le propre conseil d’administration d’une société. L’histoire met au prise Thierry Morin, PDG de l’équipementier automobile Valeo, débarqué en mars 2009 par ses actionnaires pour cause de « divergences stratégiques ».

A l’époque, le scandale éclate car Morin bénéficie d’une clause de sortie de 3,2 millions d’euros. Une somme qualifiée d’astronomique par… Laurence Parisot, alors que l’entreprise vient de supprimer 1600 emplois et affiche une perte de 159 millions sur un trimestre. Emoi dans le landerneau des affaires. Quelques semaines plus tard, Valeo réclame le remboursement du parachute doré et porte plainte contre X pour :

  • vol
  • abus de confiance
  • abus de biens sociaux
  • abus de pouvoir
  • atteinte à l’intimité de la vie privée

Thierry Morin est soupçonné d’avoir fait écouter clandestinement son propre conseil d’administration, au moment où ce dernier discutait précisément des conditions de sa rémunération. Un an après, en février 2010, l’enquête débouche sur un « classement sans suite », « l’infraction n’étant pas suffisamment caractérisée ». Son avocat, Me Olivier Metzner, précise que les micros « visibles de tous » servaient uniquement à établir les procès-verbaux des réunions, histoire d’éviter toute contestation ultérieure. Fin de l’histoire. Une procédure aux Prud’hommes oppose encore les deux parties, Thierry Morin réclamant deux millions d’euros supplémentaires d’indemnités à son ex-employeur.

Ces deux courtes histoires de la saga des grands patrons montrent à quel point les opérations de déstabilisation sont devenues communes dans la vie des affaires. Une situation qui inspire ce commentaire laconique à Me Metzner (habitué des dossiers financiers) :

Je déteste ce milieu où l’on manque surtout d’intelligence, mais pas d’intérêts financiers.

Illustration : photo CC Dunechaser

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