OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 La révolution de la télé http://owni.fr/2011/11/24/revolution-tele-connectee-internet/ http://owni.fr/2011/11/24/revolution-tele-connectee-internet/#comments Thu, 24 Nov 2011 07:18:59 +0000 Eric Scherer http://owni.fr/?p=88025 La série continue. Avec Internet et la révolution numérique, la destruction créatrice, qui a bouleversé de fond en comble les industries de la musique, de la presse et du livre, s’abat aujourd’hui sur le monde de la télévision. Elle risque d’y être plus rapide et plus rude. Et comme pour les autres vieux médias, la création de valeur risque de se faire ailleurs, mais la destruction chez elle. Avec, de toute façon, un grand gagnant : le téléspectateur, qui deviendra télénaute !

Révolution télévisée

Les signes révélateurs, et puissamment déstabilisateurs pour toutes ces institutions qui se croyaient solidement en place, sont bien les mêmes :

1. Explosion de l’offre. Fin des monopoles de la production et de la diffusion, effondrement des barrières à l’entrée, abondance de nouvelles offres meilleur marché qui séduisent, désintermédiation et nouveaux intermédiaires, recul des revenus traditionnels, nouveaux rapports de force.

2. Nouveaux usages. Rapides et profonds changements générationnels dans le mode d’accès à l’information, la culture et le divertissement, consommés à la demande.

3. Primat de la technologie, de l’expérience sur le contenu — qui n’est plus roi–, et de l’accès sur la possession. Le message, c’est de plus en plus le médium.

4. Démocratisation et prise de pouvoir du public, qui contribue, interagit, programme, coproduit, assemble, commente, recommande, partage.

5. Atomisation des contenus, fragmentation des audiences.

6. Dématérialisation et disparition progressive des supports physiques, piratage facilité par l’usage généralisé du réseau.

7. Déflation. Désintégration des modèles économiques non transposables, modèles de rechange introuvables alors que la demande croît, course à l’attention et au temps de cerveau disponible, migration et éparpillement de la publicité captée par d’autres –souvent à l’étranger–, inquiétudes sur le financement de la création.

8.Bataille pour le contact direct avec l’utilisateur, dont les données sont commercialisées.

9. Certitude et rapidité du changement, de la propagation et de l’appropriation de nouvelles technologies en rupture, instabilité des processus, internationalisation des marchés, marques globales.

10. Conservatisme, défiance, rejet. Sidération et crispation des dirigeants face à la complexité du nouveau paysage, inquiétude des personnels mal armés, résistance corporative et culturelle au changement, impuissance des politiques dépassés, — souvent tous digital tardifs !

Ces dix indicateurs mondiaux de chambardements sont d’autant plus similaires que les frontières entre médias s’estompent au fur et à mesure de l’évolution des technologies et de l’adaptation de différents contenus, qui se chevauchent et convergent sur l’Internet, plate-forme dominante.

D’où ces interrogations :

Les leçons de quinze années de chamboulements douloureux dans la musique et la presse seront-elles tirées ?
La télévision traditionnelle du 20ème siècle résistera-t-elle mieux à la mondialisation numérique et à l’Internet ouvert ?
Saura-t-elle tirer parti de l’appétit croissant du public pour l’image dans une culture de l’écran qui s’installe ? Ou va-t-elle se raidir, s’arc-bouter en cherchant à protéger coûte que coûte – et assez vainement – ses sources traditionnelles de revenus ?
Adoptera-t-elle assez rapidement les nouvelles manières du public de consommer facilement des contenus partout ? Laissera-t-elle le télénaute frustré s’en aller ailleurs regarder plus de contenus sur plus d’écrans ? L’empêchera-t-elle de retransmettre et de partager ?
Pourra-t-elle s’enrichir des nouvelles contributions, des nouvelles formes d’écriture ? Trouvera-t-elle de nouveaux modèles d’affaires ? Saura-t-elle lâcher prise pour se réinventer ?

En schématisant, deux scénarios se dessinent:

Scénario pessimiste :

Au milieu de la déferlante de terminaux connectés, le téléviseur devient un écran parmi d’autres, qui donne accès aux vieux contenus TV, perdus dans des millions d’autres au sein du réseau.

Scénario optimiste :

Internet enchante la télévision qui garde une place centrale. C’est l’âge d’or de la télévision.

A court terme, le second scénario est possible à condition d’accepter que la télévision ne sera plus la télévision telle que nous l’avons connue.

Car si malgré bientôt vingt ans d’Internet, la télévision est en mesure de rester au centre de nos vies au foyer, c’est avant tout parce qu’elle ne répond plus du tout à la même définition qu’avant, et qu’elle va se consommer très différemment.

La télé décloisonnée

D’un écran d’affichage doté de quelques chaînes qu’on parcourt (presque de la vente forcée !), elle est en passe de devenir le cœur de la maison connectée, de se transformer en réservoir d’une multitude de contenus et services logés dans le “cloud”, consommés à la carte et disponibles sur d’autres terminaux. C’est-à-dire, sous peu, la porte d’entrée principale du web et la fenêtre sur tous les contenus. Des contenus d’information, de culture et de divertissement, mais aussi de santé, d’éducation ; des services de communication (visio-conférence) etc…

Mais la technologie est en train de modifier le divertissement. Avec leur ADN très technologique, de très nombreux nouveaux acteurs innovants, dynamiques et surpuissants – souvent déjà des empires mondiaux — travaillent à briser rapidement l’ordre audiovisuel établi pour organiser au mieux cette nouvelle expérience enrichie. Ils inventent de nouvelles interfaces vidéo, agrègent et vendent des contenus créés par d’autres, proposent de nouveaux formats et modèles d’affaires, court-circuitant au passage les tenants de l’ancien système. Même les fabricants de téléviseurs, travestis en agents immobiliers d’écrans, veulent devenir éditeurs !

Tous sont en train de forcer le décloisonnement entre le monde audiovisuel fermé et celui ouvert du web.

Les nouvelles règles de la télévision, dernier écran à ne pas être complètement connecté, sont réécrites sous nos yeux pendant que bascule l’équilibre entre médias et sociétés technologiques au profit des nouveaux redistributeurs, qui ont devant eux un boulevard permis par l’appétit insatiable du public.

Déjà Hollywood, qui espérait en vain que le public achète – même en ligne – et conserve ses productions, se convertit au streaming.

Les accords se multiplient en cette fin d’année entre, d’une part les studios d’Hollywood et les grands networks beaucoup moins dominants, et d’autre part les nouvelles plateformes des géants du web, pleins de cash. Il s’agit d’offrir au public et en streaming films, séries et grands shows TV sur le Web via tous les terminaux possibles. Cette nouvelle diversification des revenus, en plus de la publicité et des opérateurs, permet aussi d’éviter le piège de la concentration de l’offre cinéma et l’apparition d’un acteur central (comme iTunes pour la musique).

Au passage et contrairement à un positionnement technologique initial, Google, YouTube, Facebook deviennent devant nos yeux des médias producteurs et financeurs de contenus propres. Google a d’ailleurs assez d’argent pour racheter tout Hollywood, Apple vaut plus que les 32 banques de la zone euro réunies et Netflix fait des chèques en centaines de millions de dollars.

En sens inverse, pour survivre, les médias et leur ADN fait de contenus, sont forcés avec grande difficulté de se transformer en sociétés technologiques, remplies de logiciels intelligents, sans pour autant comprendre et mesurer l’impact de cette transformation au cœur de leur organisation. Car il ne s’agit plus seulement de publier ou de diffuser, puis d’attendre le lecteur ou le téléspectateur, mais d’offrir le bon contenu, au bon moment, et au bon endroit à un public qui jouit désormais d’une multitude d’offres concurrentes. C’est à dire d’avoir une connaissance presque intime de son audience, de son public, de chaque utilisateur pour créer une expérience pertinente. Tout le contraire d’un mass media ! Le défi est bien désormais de parvenir à offrir du “sur-mesure de masse” !

La réception des contenus à la maison est devenue totalement numérique. Et les chaînes de télévision ne vont plus être les seuls acteurs à pouvoir contrôler les points de contacts entre contenus vidéo de qualité et audiences. Perdant le contrôle de la diffusion, elles ne pourront plus, comme pour la musique, jouer de la confusion commode entre mode de distribution et contenus eux-mêmes. Elles ne pourront plus imposer leurs grilles de programmes, et sans doute, assez vite, leurs chaînes.

Le prime time, c’est tout le temps et partout !

L’accès ubiquitaire aux contenus audiovisuels va vite devenir une réalité pour le public où qu’il soit dans le monde. Comme le disait l’un des pères de l’Internet, Vint Cerf, la TV approche de sa phase iPod. La distribution numérique et multi-écrans de programmes TV via Internet se généralise. Le cloud arrive à la maison. Et comme le télénaute souhaite désormais ses contenus TV aussi bien sur son PC que sur sa tablette, son smartphone ou sa console de jeux, il faudra l’aider à les trouver. D’où l’importance cruciale des métadonnées pour faciliter distribution et placement judicieux des contenus.

Les fabricants de téléviseurs étant plutôt lents à réagir, tous les géants du web travaillent aujourd’hui à un “relooking” de la télévision facilitant les passerelles avec l’Internet et tous les terminaux : Google et la V2 de sa Google TV, Microsoft et bien sûr Apple. Mais aussi les opérateurs de télécommunications, notamment en France, leader mondial de l’IPTV.

Chacun tente d’organiser le mieux possible la nouvelle expérience télévisuelle, la “lean back experience” (usage d’un écran en position relax).

Les modes d’accès de la découverte des contenus TV – imposés jusqu’ici par des chaînes— se multiplient et laissent la place aux nouvelles pratiques culturelles de la génération Internet : recherche, recommandation et jeu. Comme ailleurs, la consommation à la carte remplacera le menu, les conseils des amis prendront le pas sur les magistères, l’interaction ludique sur la consommation passive. Les ” watchlists” vont s’ajouter aux “playlists”.

Certains chercheront la martingale avec un media hybride parfait, d’autres se contenteront de faire ce qu’ils savent le mieux, sans vouloir tout accomplir. Mais le triptyque mobile / social / vidéo sera désormais au cœur des stratégies.

L’accompagnement actif des flux et du direct TV par une partie de l’audience et sur un second écran se met en place massivement sous l’appellation “Social TV”. Rapidement, il met le télénaute – devenu acteur – au centre du dispositif et des programmes. Facebook et Twitter enrichissent l’expérience TV par une nouvelle conversation en temps réel autour des émissions. Et la communion n’a pas nécessairement lieu au même moment. Dans une culture de retransmission, c’est le partage qui devient fédérateur, et le public qui devient auteur, éditeur, coproducteur et bien sûr, commentateur. Aux créateurs et producteurs traditionnels désormais d’y penser en amont. Comme à l’enrichissement contextuel, consommé sur un second écran, et qui permet aussi d’en savoir plus.

La télévision, c’est avant tout du divertissement fédérateur, tandis que l’ensemble ordinateur/smartphone/tablette permet d’abord l’accès à la connaissance et à la communication. Le mariage des deux univers suscitera probablement l’émergence de nouvelles écritures par de nouveaux acteurs dans un paysage recomposé … En tous cas moins de contenus prétendus « légitimes ». Et c’est tant mieux !

A la recherche de modèles économiques de rechange

De nouveaux modèles d’affaires peinent à émerger. Mais les nouveaux agrégateurs / redistributeurs s’appuient sur leurs avantages compétitifs habituels : facilité à répliquer à grande échelle et capacité à rendre leurs utilisateurs captifs.

Dans le même temps, l’audiovisuel défend bec et ongles ses revenus traditionnels. Tout le monde court donc après la manne publicitaire de la télévision, toujours énorme par rapport aux autres médias. Mais la gestion des droits, notamment en streaming, augmente les incertitudes, et surtout, les perspectives de retour dans la récession inquiètent. Chacun sent que la migration vers la publicité en ligne – qui n’en est qu’à ses débuts — en sera favorisée. Le marché des applications aussi.

Le modèle “sur-mesure de masse” provoque une rude bataille pour obtenir le contact final avec le télénaute (facturation) et sa connaissance intime (pub ciblée) : HBO a bien plus de 25 millions de téléspectateurs mais ne les connaît pas, contrairement à Netflix, à Canal+, ou aux opérateurs de “triple play”en France. Gare aussi à la bataille annoncée pour la première page des magasins d’applications.

Mais la télévision semble éviter deux écueils majeurs payés cash par la musique et la presse : elle apparaît moins lente à proposer une offre légale en ligne (qui enrayera le piratage) et elle est en mesure de faire payer des contenus numériques, même si la vidéo en ligne rapporte peu pour l’instant. Et puis, les gens capables de produire des films et des séries sont quand même moins nombreux que les créateurs de musique ou de texte en ligne ! Le public passe plus de temps à retransmettre qu’à créer des contenus. C’est une chance pour les professionnels. N’oublions pas l’époque où dans la musique, pirater voulait dire enregistrer un disque vinyl sur une cassette vierge !

Les atouts de la télé

Après un web de publication (années 90), puis le web social contributif (2.0), arrive aujourd’hui le web audiovisuel et de divertissement (“lean back”) où la vidéo joue un rôle central et où tout le monde participe. Mais la valeur a migré des créateurs aux agrégateurs de contenus. Sans différentiation et valeur ajoutée, le prix des contenus tend vers leur coût marginal. C’est-à-dire, dans le numérique, proche de… zéro.

La télévision tente de donc déplacer et réinventer sa valeur autour de quelques axes :

1 – La qualité, le soin et la rigueur de l’écriture des séries de fiction : nouvel âge d’or de la TV. L’air du temps culturel (Zeitgeist) est aujourd’hui aux grandes séries de qualité (Mad Men, The Wire, Les Borgia …) devenues, à l’époque Internet, des phénomènes sociologiques de reconnaissance plus fédérateurs que le livre ou la musique. Nous nous retrouvons sur Facebook et partageons volontiers un frisson commun pour une série. Correspondant bien à notre temps d’attention disponible, elles offrent des performances artistiques de très haut niveau : scénario, mise en scène, grands acteurs, dialogues, réalisations, montage, etc… Mais la France y est en retard.

HBO, avec ses séries originales, populaires et innovantes de très grande qualité, constitue une des forces actuelles de la création audiovisuelle américaine et a largement contribué à redéfinir l’offre culturelle tout en forçant les autres chaînes à hausser leur niveau de jeu. Même tendance au Royaume Uni ou en Espagne.

Les créateurs et détenteurs de droits n’ont donc pas dit leur dernier mot. Car s’il est désormais crucial de s’allier avec les nouveaux distributeurs, ceux-ci ne peuvent rien sans des contenus de qualité. Mais le monde traditionnel de la création, qui vit en circuit fermé, a encore du mal à parler avec le monde de l’Internet. Les rapports de force seront cruciaux, y compris avec le législateur et le régulateur.

L’offre de contenus exclusifs et de haute qualité, où le paiement n’est pas tabou, éloigne les risques de nivellement par le bas. Mais il faudra éviter de croire que la qualité est propre aux chaînes et gare au “good enough is perfect” : des offres meilleur marché très acceptables (iPod, iTunes, Netflix …) ont prouvé qu’elles pouvaient s’imposer !

Quand on se bat pour l’attention des gens, sollicitée par des millions d’autres possibilités, vous avez intérêt à vous assurer qu’ils continueront de venir chez vous !

2 – Les grands directs et les grands événements fédérateurs, en sport, politique, talk-shows, spectacles vivants, sont encore des valeurs sûres du savoir faire des grands acteurs traditionnels de la télévision, notamment en raison de la détention des droits. La fraîcheur des contenus peut aussi être valorisée. La téléréalité de qualité également. Elle a permis la première vague d’arrivée massive du public dans les émissions et les programmes.

3 – La TV partout ou le multi-écrans. C’est la stratégie de Time Warner qui constitue à systématiser l’offre sur absolument tous les supports et en toutes conditions (Web, mobilités, réseaux sociaux, applications, câble, satellite, IPTV, etc…). La facilité d’accès est le premier service. La multiplication des points de contact favorisera les possibilités de monétisation. La prolifération de magasins de vidéos en ligne est une opportunité pour les riches catalogues des chaînes de télévisions et des producteurs de contenus vidéo. Cette tendance encouragera la fragmentation des contenus, le “cord cutting” du câble et des telcos, et accélérera le déchaînement … des chaînes.

4 – La TV traditionnelle, éditeur repère. Submergé par l’hyper-offre déferlante de contenus de qualité diverse, et donc confronté à l’hyper-choix, le télénaute sera en quête de repères, de tiers de confiance, qui l’aideront à remettre de l’ordre, à faire des choix, thématiser, réduire le bruit, s’éloigner du piratage. La certification et le sérieux apportés par des marques –encore familières– sauront l’accompagner et répondre à un nouveau besoin de médiation avec l’assurance d’une expertise reconnue. Cette dernière devrait être mise à profit pour organiser aussi l’offre des tiers, aider à trouver les contenus, leur donner du sens. Dans un nouvel univers inédit d’abondance, la qualité des contenus alliée à la clarté et la simplicité d’usage deviendront aussi, rapidement, de nouvelles valeurs ajoutées gagnantes.

5 –Favoriser la recherche et développement. Pour les programmes, les émissions, la publicité. Mettre le public en amont dans la conception et la production. Préparer à la source des expériences médias qui s’adaptent à la nouvelle vie des gens. Accepter de coproduire et de perdre un peu de contrôle. Partager et se familiariser à la grammaire des nouveaux médias, à la littératie numérique. Dire contenu à la place de programme, c’est aussi transformer la télévision.

Parallèlement, et c’est leur caractéristique, la disruption numérique et la révolution Internet se déroulent extrêmement rapidement, plus vite, souvent, que notre capacité d’adaptation. Sous nos yeux se créé une nouvelle culture digitale d’individus connectés entre eux, qui sont aussi dépendants du réseau que nous le sommes de l’électricité.

Aux Etats-Unis, les emplois dans les médias numériques sont désormais plus nombreux que dans le secteur de la télévision du câble. Facebook et son écosystème d’applications aurait déjà généré plus de 200.000 emplois et contribué pour plus de 15 milliards de dollars à l’économie américaine. Google, qui tire plus de 95% de ses revenus de la pub, réalise deux fois le chiffre d’affaires de toute l’industrie mondiale de la musique, Kodak a fait faillite, tweet et Twitter sont entrés dans le Petit Robert, le “hashtag” devient un code du langage.

Quelques raisons de rallumer

Arrivée de l’ubimédia. Le “cloud” nous offre de larges capacités de stockage et de bande passante en supprimant la nécessité d’installer et de maintenir des logiciels ; les smartphones et tablettes facilitent l’accès ubiquitaire aux contenus et services; les réseaux sociaux multiplient les connexions horizontales professionnelles, personnelles et les collaborations au delà des frontières.

Les géants Google, Microsoft, Apple, Amazon, Facebook… sont de plus en plus mondiaux, de moins en moins américains. Les internautes des grands pays émergents (Chine, Inde, Russie, Iran, Nigéria, Brésil) de plus en plus nombreux. Il y a aujourd’hui plus d’utilisateurs de réseaux sociaux qu’il n’y avait d’internautes en 2006 ! Ils sont 800 millions (dont un Français sur trois) sur Facebook, qui, au centre du web est devenu l’OS de nos vies connectées ! Le temps passé sur les médias sociaux dépasse désormais celui des grands portails.

Et comme les autres, les Français passent de plus en plus de temps, sur de plus en plus d’écrans.

Grâce au design, Steve Jobs a fortement contribué à transformer l’informatique en industrie culturelle, à la faire sortir du bureau pour irriguer et enrichir nos vies, à la maison, en déplacement, à changer le vocabulaire média. Les chansons deviennent des listes, les abonnements des applications. Il a privilégié la forme sur le fond, l’esthétique et l’accès sur les contenus. Après les interfaces textes, puis graphiques, le regard, le toucher, la voix, les gestes, sont mis à contribution. Déjà, la réalité augmentée enrichit des expériences médias.

Le boom de la mobilité. L’Internet sur soi défie la récession : la progression des utilisateurs de 3G a fait un bond de 35% en un an dans le monde. Dans les pays riches, 40% de la population possède un smartphone, dont les ventes dépassent désormais celles de portables classiques.

Les tablettes et les smartphones sont plus vendus que les ordinateurs. Les iPads plus demandés que les iPhones ou iPods. Les claviers physiques disparaissent. Le monde applicatif gagne du terrain. La publicité et les grands annonceurs s’y mettent. Les objets mobiles de plus en plus connectés et intelligents renforcent l’autonomie des individus. L’informatique est de plus en plus personnalisée, souvent malgré soi.

Médias sociaux en temps réel. A chaque seconde nous racontons aux autres nos vies et nos rêves. Les médias traditionnels comprennent qu’il ne suffit plus que les gens viennent à eux : il faut aller aussi à leur rencontre. Et aujourd’hui, les gens sont sur Facebook, lieu de consommation et de partage privilégié de contenus, qui a quasiment annexé le reste du web et risque bien de devenir rapidement le distributeur incontournable de médias. L’immédiateté est la nouvelle unité de temps, l’attention la nouvelle monnaie et les données le nouveau pétrole.

“Big data”, data farming. Les données sont désormais vitales pour chaque entreprise. Leur collecte et leur analyse vont déterminer les nouveaux modèles d’affaires, notamment pour le ciblage comportemental. Les métadonnées accolées aux contenus vidéo vont devenir le nouveau lubrifiant indispensable du nouvel écosystème. Mais l’utilisation croissante des données personnelles par les grands, Google, Facebook, Amazon, suscite des craintes croissantes. La protection des données personnelles devient un enjeu crucial, notamment à l’heure de l’essor des technologies de reconnaissance faciale.

Mais rien n’est garanti. La bataille entre Internet ouvert et univers contrôlés fait rage : ni Facebook, ni l’iPad, ni la Xbox ne sont des espaces ouverts. L’accès de tous aux contenus et au réseau est aussi menacé, alors qu’Internet est un bien stratégique d’intérêt public. L’égalité de traitement de tous les flux de données, qui exclut toute discrimination à l’égard de la source, de la destination ou du contenu de l’information transmise sur le réseau, devrait être garantie par les pouvoirs publics.

La télé mute avec nous

Les supports physiques de l’information et des médias semblent arrivés au bout du chemin. Les téléviseurs, eux-mêmes, risquent de disparaître pour se fondre dans notre environnement. Des interfaces existent déjà pour intégrer les images animées et sonorisées dans un miroir, une table en verre. Demain, avec un nouveau design, elles seront partout (sur nos murs, vitres, mains…) pour des expériences médias qui se dissoudront tout au long de la journée dans nos vies, sans rester confinées à un objet ou liées à un moment précis. Grâce à la reconnaissance vocale, elles se commanderont à la voix.

C’est le pronostic d’arrivée de l’information dématérialisée et ubiquitaire : nous serons immergés en permanence dans un univers informationnel où l’information sera disponible partout, tout le temps. Un univers qui s’inscrit bien sûr dans un monde de plus en plus connecté, où l’intégration off et online, notamment en mobilité, va s’accélérer, tout comme la fusion des usages entre nos vies privées et professionnelles.

Nous sommes tous des télés !

Internet a fait du texte, de la photo, de la vidéo des objets banals, peu coûteux à produire et faciles à transmettre. Nous sommes tous devenus des médias, et nous serons bientôt tous des télés ! Chaque entreprise, ministère, club sportif, acteur de cinéma, petit commerçant ou quotidien régional aura son application sur le téléviseur, comme ils ont tous leur site web et leurs applis smartphone ou tablette.

C’est donc dès maintenant – pendant l’installation de coutumes nouvelles – que les acteurs traditionnels doivent privilégier une stratégie offensive et embrasser ces usages en accompagnant le public avec leurs marques fortes. Si elles sont absentes, le télénaute ira voir ailleurs. Rappelez-vous, il n’y a déjà plus de chaîne hifi au salon, mais il y a encore de la musique !

Gare au danger de voir encore s’accroître le fossé déjà important entre la société et une offre TV dépassée, où le public ne se retrouve déjà plus. Attention donc au manque criant de pertinence d’intermédiaires obsolètes continuant à proposer des pains de glace à l’époque des réfrigérateurs. Et il y a danger de croire que l’ordre établi pourra continuer, seul, de contrôler un paysage si changeant et si complexe. La télévision est furieusement contemporaine si elle est enrichie et “smart” !

Ce n’est donc pas la fin de la télévision, mais la naissance d’une toute nouvelle TV, qui n’a rien à voir avec celle des années 80. La convergence actuelle de la télévision et d’Internet est une chance pour rapprocher les citoyens, les accompagner, les mettre en contact avec des services jusqu’ici isolés, partager les connaissances, leur permettre de prendre davantage part au monde de demain qui se met en place aujourd’hui.

Il s’agit bien d’une révolution culturelle.


Article initialement publié sur Meta-media


Photos et illustrations via Flickr : PaternitéPas d'utilisation commercialePartage selon les Conditions Initiales jaygoldman, PaternitéPas d'utilisation commercialePas de modification Danny McL, PaternitéPas d'utilisation commerciale fd

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La vie connectée http://owni.fr/2011/06/14/la-vie-connectee-smart-tv/ http://owni.fr/2011/06/14/la-vie-connectee-smart-tv/#comments Tue, 14 Jun 2011 14:35:26 +0000 Eric Scherer http://owni.fr/?p=67684 Le smartphone est déjà devenu le centre de notre vie numérique, supplantant l’ordinateur. Cette année, arrive dans notre salon la télévision connectée, la « smart TV », comme disent les Américains. Demain, le reste des objets importants qui nous entourent (voitures, électroménager, meubles, livres …) seront aussi reliés à l’Internet, se parleront entre eux, et utiliseront ce qu’ils sauront de nos habitudes et de nos préférences. Après demain, notre maison et nos villes seront intelligentes, grâce à un réseau qui aura gagné en QI via de multiples plateformes d’applications et de capteurs !

Nous allons donc bientôt profiter d’appareils plus astucieux, conformes à notre nouveau mode de vie, souvent social, mobile, contextualisé, personnalisé, « always on ».

Déjà, les lignes se brouillent entre nos vies « off » et « online » ! Notre environnement immédiat est branché 24/7! « D’ici quelques années, tout ce qui est connectable sera connecté », aime à dire le patron de Google, Eric Schmidt. L’Internet –désormais partie significative de nos existences– nous fait vivre en immersion dans les médias et l’échange d’informations, au sein d’un univers aussi présent autour de nous que l’électricité ou l’air que nous respirons. Le réseau est devenu un autre oxygène !

L’accès, plus important que la possession

Une nouvelle fois, un environnement neuf se met en place. Comme d’habitude, les nouvelles technologies, toujours traversées par des accélérations foudroyantes, orientent nos usages et concernent quasiment tous les aspects de notre vie. Les ruptures et dislocations continuent d’accélérer, poursuivent le chamboulement des modèles économiques et vont souvent plus vite que nos possibilités d’adaptation.

De nombreux grands secteurs de nos sociétés sont concernés : les transports, la santé, l’éducation, la culture, les médias.

Et, de plus en plus numériques, ce sont justement les médias –l’ensemble des moyens de diffusion de l’information– qui sont les premiers concernés sur fond de surabondance de contenus disponibles – de plus en plus sous forme vidéo– pour des expériences toujours plus immédiates, mobiles, partagées et personnalisées.

Les écrans sont désormais partout au centre de nos usages médias. Avec le basculement général vers l’Internet devenu ubiquitaire, l’essor extraordinaire des smartphones, du Wi-Fi, du streaming, et l’arrivée prochaine du très haut débit associé au déjà très répandu « cloud computing » et à une multitude de capteurs, nous vivons dès aujourd’hui de nouvelles expériences informatives, éducatives et de divertissement, à la maison, au bureau et en déplacement ! Les manières de jouer et d’apprendre changent. Nous avons d’ores et déjà à notre disposition davantage d’informations que toutes les autres générations précédentes réunies ! Avec un fait nouveau majeur : l’accès permanent à la connaissance, au jeu, au divertissement, devient plus important que sa possession. Et comme toujours avec le numérique, le public peut aller directement à la source ! D’où le succès de Netflix aux Etats-Unis pour la vidéo, ou de Spotify en Europe pour la musique. Aujourd’hui, numérique signifie immédiat, personnalisé, portable, infini. Demain, un livre, un disque, un film ne seront plus que des URL !

Mais, pour ce public multiconnecté, si la possession devient moins importante, la personnalisation, le sur-mesure, jouent, eux, un rôle de plus en plus grand dans des expériences médias qui remplacent la simple consommation de contenus. Chacun y travaille et les changements se déroulent sous nos yeux à grande vitesse.

Les jeunes, quand ils ne dorment pas, sont en ligne et ne s’informent plus que par Internet, le média sur lequel où ils passent le plus de temps.

Des écrans partout !

Les smartphones se vendent déjà mieux que les ordinateurs et commencent à mordre sur le marché des appareils photos et caméras, qui, s’ils ne sont pas connectés sont aussi inutiles que du film argentique. Les tablettes, qui n’existaient pas il y a un an, sont devenues un maillon majeur de la convergence et se multiplient comme des petits pains.

Les ventes de livre numériques, téléchargeables à distance, ont triplé en un an aux Etats-Unis où leurs ventes viennent de dépasser – palier symbolique—toutes les catégories de livres imprimés. Pendant que même les grandes chaînes de librairie font faillite, le rêve de l’encyclopédiste de transporter avec soi tout son savoir, est réalisé.

La télévision résiste bien, demeure le média dominant, mais n’est plus un univers stable : elle ne se regarde pas comme avant, ni au même moment, et souvent en accompagnement d’autres activités. Sa force est augmentée par l’Internet, notamment via les réseaux sociaux. Certains Américains commencent à se désabonner du câble, d’autres, plus jeunes, n’y auront jamais recours. Les internautes téléchargent de moins en moins et consomment de plus en plus en streaming. Les jeux vidéo en ligne, si possible adossés aux réseaux sociaux, prospèrent et réussissent à capter l’attention des jeunes.

L’informatique dans les nuages (cloud) est de plus en plus utilisée comme lieu de stockage dématérialisé, voire d’accès à des contenus (non sans risques sur leur pérennité). C’est presque déjà devenu notre disque dur.

Le dégroupage des médias se poursuit à proportion de leur perte de contrôle sur les moyens de distribuer des contenus. Avec Internet, et grâce au haut débit généralisé, tous les médias fusionnent. Pour les natifs numériques, ce qui compte c’est le message, pas l’outil. Peu importe aujourd’hui qu’il soit sous forme photo, vidéo, son ou texte. Peu importe aussi qu’il émane de professionnels ou d’amateurs.

Les contenus des médias doivent être là où est leur audience. La publicité en est le premier témoin : franchissant un nouveau palier, aux Etats-Unis, l’Internet a dépassé en 2010, pour la première fois, les journaux comme support des annonceurs. Il ne reste plus que la télévision à détrôner !

Des médias liquides !

Les médias physiques disparaissent petit à petit. Songez aux cassettes, disquettes, CD, DVD ! Même les clés USB sont encombrantes à l’heure du « cloud » !

L’« Homo Connectus » tient désormais pour acquis de pouvoir profiter des contenus où qu’il se trouve et sur tous ses écrans qui fusionnent. On l’a dit : Il ne télécharge plus mais profite des contenus en streaming. Encore une fois, c’est leur accès permanent qui compte. Internet se fond en de multiples écrans.

Ordinateurs, télévisions, smartphones, tablettes, vont ainsi se synchroniser pour déboucher sur une expérience d’utilisation homogène à la maison, au bureau et en déplacement. Les constructeurs travaillent beaucoup au transfert sans peine, sans frictions, des contenus entre tablettes et téléviseurs. Nous regarderons une émission chez nous le matin, la suivrons en mobilité avant de la retrouver au bureau. L’accès aux expériences vidéo se fera de plus en plus en mobilité.

Plusieurs progrès techniques associés vont permettre ce débordement d’expériences connectées d’un support à l’autre : le développement des GPS, la connectivité de nos environnements physiques, l’Internet embarqué, la puissance informatique croissante, le recours au « cloud computing », le web social, les effets cumulés du réseau, la miniaturisation, la baisse des prix et la multiplication des capteurs, qui se conjuguent pour rendre les appareils plus « intelligents », davantage capables de rendre des services par l’exploitation croissante de données, pour le compte de l’utilisateur et dans différents secteurs de nos vies quotidiennes. Dès cette année, le nombre d’appareils connectés va dépasser celui des ordinateurs. Le wi-fi va arriver dans les voitures. Et les industriels du secteur portent leurs efforts sur le marché grand public, devenu plus intéressant que celui des entreprises.

Après la révolution des écrans tactiles, la reconnaissance vocale et des visages, et l’essor des applications en réalité augmentée deviendront des éléments de notre cadre de vie numérique. Demain après le cinéma, la 3D, l’image en relief, s’imposera sur tous les écrans, y compris smartphones et tablettes ; elle modifiera encore notre expérience avec le numérique. Et sans lunettes !

Bientôt, les nouveaux appareils intelligents pourront deviner et anticiper sur nos souhaits en fonction de nos habitudes, de notre lieu, de l’heure et du jour de la semaine, de nos relations. Rappelez-vous : ils en savent déjà beaucoup sur vous !

Le smartphone au centre de notre vie numérique

Aujourd’hui, élément essentiel de notre nouvelle vie connectée, le smartphone, grâce à sa connectivité, sa mobilité et sa personnalisation, est devenu notre compagnon permanent, le principal canal d’informations ouvert, le lien vers le monde, le lieu des notifications, notre chaîne personnelle de divertissements, presque une partie de notre identité. Près d’un demi-milliard de personnes dans le monde profitent déjà d’un accès Internet vraiment mobile.

Au point qu’il n’est plus rare et –- bizarrement presque admis— de voir nos commensaux discourtois les consulter sans gêne, voire d’y tapoter un SMS ou deux. Rappelez-vous, il y a peu encore, nos téléphones mobiles restaient collés à l’oreille. Puis, nous nous sommes mis à les regarder (pour y lire – souvent en marchant– nos mails ou consulter des données), à les effleurer ou les caresser grâce à leur nouvelle techno tactile ! Aujourd’hui, l’appareil qui prend le plus de photos est notre téléphone ! Demain, nous les pointerons vers un paysage, un tableau, un restaurant, un cinéma, pour avoir plus d’infos, car, par la réalité augmentée, ils voient bien plus de choses que nous !

Sous peu, chacun aura un smartphone ou une tablette. La création par Apple d’un nouvel usage (accès par écran portatif à tout ce qui est écrit, joué, radio et télédiffusé) et qui n’existait pas il y a un an, provoque l’arrivée de très nombreux concurrents de l’iPad. L’attrait de la tablette est extraordinaire et son utilisation surprenante : le public ne sait toujours pas trop pourquoi il l’achète, s’en sert plutôt à la maison et à plusieurs !

L’explosion de la vidéo : un web audiovisuel de divertissement et de loisirs

Après avoir chahuté, déstabilisé les industries de la musique, de la presse, de l’édition, de la publicité, des telcos, l’Internet vient envahir le monde de la télévision.

D’ici 5 ans, la plupart des téléviseurs seront connectés. Le téléviseur s’ouvre au web et ne sera plus à sens unique. Impossible pour l’instant d’en saisir tous les effets. Mais une chose est sûre, le téléspectateur obtiendra ce qu’il voudra y trouver, d’une manière ou d’une autre … Là encore une économie de la rareté est sur le point d’être submergée par une économie de l’abondance et de … l’ubiquité. Comme dans la presse, une nouvelle logique de la demande va l’emporter sur celle de l’offre, plus banale, moins puissante.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Inversement, la télévision et la vidéo vont influencer l’Internet : plus de 80% de son trafic sera composé de vidéos dans quelques années. Mais le réseau partout pour de la vidéo a un coût qui n’est pas encore dans les modèles économiques actuels. La possible fin de l’Internet en accès illimité forfaitisé se profile et avec elle des menaces importantes sur la neutralité du net et donc sur des libertés publiques et fondamentales, comme le droit d’expression et l’accès à l’information et à la connaissance.

Chaque jour un peu plus, Internet devient un média audiovisuel ! Après un web d’outils (search, comparatifs, cartes, wikis, annuaires …), puis un Web de communication (email, messagerie, réseaux sociaux, téléphone sous IP), le nouvel Internet pourrait bien être celui du divertissement et des loisirs … de qualité (vidéos, musique, lecture enrichie, jeux …).

Renforcée par la mobilité et les réseaux sociaux, de plus en plus utilisés en parallèle, la télévision reste le média dominant. Le public ne se contente plus de la regarder, chez lui ou en déplacement, il en parle, via SMS, email, Twitter ou Facebook. La dimension sociale, qui a toujours fait partie intégrante de l’expérience télévisuelle – on la regarde rarement seul–, est renforcée par les nouveaux outils. Elle devient sociale.

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Mais la télévision se consomme aussi de plus en plus à la demande, pendant que les chaînes traditionnelles perdent progressivement le monopole du téléviseur et ont peur de voir l’audience, et donc la valeur, partir ailleurs. Avec leurs nouveaux magasins d’applications embarquées, les fabricants rêvent d’en faire un grand iPhone horizontal dans le salon. Les chaînes redoutent, elles, la fragmentation de l’offre, le recul de leur rôle d’agrégateur et de prescripteur d’une offre organisée ou, pire, de n’être plus qu’une application parmi 1.000 autres, coincées entre celle d’Angry Birds et de la SNCF. La lutte pour être sur le premier écran, la porte d’entrée, sera rude ! Il leur faudra surtout travailler dur sur la relation unique qui les lie à leur audience pour répondre à cette « délinéarisation » de leurs contenus.

Les chaînes misent beaucoup sur l’aspect fédérateur des grands événements, du direct, de leurs animateurs, et sur la qualité de leurs contenus.

A coup sûr, Internet va modifier la perception que nous avons de la télévision et de la vidéo, créant de nouvelles habitudes et des demandes inédites. La bataille entre l’engagement (« lean forward »), propre au PC, et le divertissement (« lean back »), lié à la télévision, n’est pas terminée ! Avant que l’expérience télévisuelle ne s’écoule sans rupture d’un écran personnel à l’autre, la bagarre entre les nouveaux entrants disruptifs et les dinosaures cathodiques expérimentés va être rude d’ici 2015.

Le niveau d’expérience comme la simplicité d’usage seront les facteurs clés d’adoption. Personne ne veut plus gérer ses câbles et ses multiples boîtiers à la maison. La télécommande –2ème vrai écran important – et les guides de programmes devront aussi se simplifier pour faire face à la paralysie née de l’hyper choix et aider à la découverte visuelle. Le « search » et la recommandation, au cœur des nouveaux médias, joueront, là aussi, un rôle considérable.

L’ère du multi-écrans va dominer. Comment alors continuer à gérer des restrictions sur la télévision qui n’existent pas sur le PC ? Quelque soient les murs qui seront mis autour des expériences, le public, aujourd’hui en position de force, saura trouver, sélectionner, et consommer les œuvres comme il le désirera, sur l’écran de son choix et au moment voulu. Et gageons que plus leur accès sera facilité, moins il y aura de piratage.

Médias d’informations : leur avenir ne leur appartient plus

Mais dans un tel foisonnement technologique, qui répond au formidable essor des usages numériques, les médias traditionnels d’informations, plus liés à la création de contenus bruts qu’à la fabrication d’expériences sophistiquées, semblent perdre la maîtrise de leur destin.

L’accélération de la désintermédiation et de la complexité technique les fait progressivement lâcher prise. De plus en plus de nouveaux acteurs (développeurs de logiciels, agrégateurs de contenus, fabricants de matériels)

viennent s’intercaler entre eux, leurs audiences et leurs annonceurs; contrôler l’accès au public et se servir au passage. L’exploitation des données des utilisateurs, nouveau nerf de la guerre, leur échappe de plus en plus. L’eldorado du marketing comportemental et personnalisé risque bien de profiter à d’autres. La publicité est aussi en train de se réinventer et cherche comment tirer parti des nouveaux supports connectés, notamment la « social TV ». Et pourtant il faudra bien continuer à financer des médias producteurs d’informations.

Les médias ont toujours été sociaux, l’info l’est de plus en plus

Les nouveaux médias sociaux, plateformes de création, collecte et partage d’informations, n’en sont qu’à leur début. Déjà règne la co-création distribuée, le partage massif et jubilatoire ! Les gens disent et écrivent ce qu’ils savent, sont de plus en plus impliqués dans la création, chaque jour plus aisée, de contenus photos et vidéos.

Le public aime ces médias de découverte de contenus inattendus, portés par le flux du temps réel, émanant de sources et filtres auxquels il a accordé sa confiance (amis, proches, experts, personnes admirées, etc …). Car ces réseaux sont surtout devenus d’influence, aidant à trier, à réduire le bruit d’Internet ! La curation, sorte d’édition partagée, règne. Les gens ne consultent plus les nouvelles, mais leurs nouvelles, leurs informations. Là où ils veulent, quand ils veulent et sous la forme qu’ils veulent.

Facebook, qui domine en Amérique et en Europe (22 millions d’utilisateurs en France) est l’endroit où nous passons le plus de temps, et en sait de plus en plus sur nous. Même Google est contraint d’imiter le fameux « Like button » qui organise, depuis un an, la socialisation de ses utilisateurs. Twitter est devenu une agence de presse mondialisée et personnalisée en temps réel.

La grande majorité des moins de 35 ans aujourd’hui se sentent au moins aussi bien informés par les réseaux sociaux que par les médias traditionnels. D’ailleurs,

la recommandation via les réseaux sociaux – le bon vieux bouche à oreille version “geek” – est devenu une source de trafic importante pour les sites d’informations.

Dans ces derniers, le journaliste assure une médiation professionnelle désormais tournée davantage vers la transformation que la génération d’informations. Son tri, sa sélection, sa vérification et sa hiérarchisation des nouvelles et des témoignages comptent plus que sa propre production.

Sur le terrain, les pratiques changent aussi : les photographes se retrouvent face aux journalistes de radio et de télévision. Chacun utilise les outils de l’autre dans une nouvelle orchestration éditoriale. Des JRI gagnent des prix de journalisme vidéo pour des sujets réalisés avec des appareils photos ! Les frontières sautent les unes après les autres. Il faut désormais adapter le sujet au média. La narration n’est plus linéaire.

Recherche nouvelles écritures !

Du texte à la vidéo, en passant par l’email, le SMS, les écritures changent aussi et deviennent plus visuelles, plus « fun », pour profiter des opportunités des nouvelles plateformes interconnectées. Le web, plate-forme convergente, permet d’accueillir tous les formats, souvent jusqu’ici cloisonnés, pour inventer un nouveau langage, de nouvelles écritures, de nouvelles formes de représentation.

Une nouvelle représentation du monde par l’exploitation visuelle des données se développe. Dans la course à l’attention, la visualisation de l’information aide à la compréhension de situations complexes. L’un des grands défis des rédactions, qui doivent aussi parler de plus en plus à l’intelligence visuelle du public, est aujourd’hui d’apprendre à travailler étroitement avec les designers, graphistes, statisticiens, développeurs pour enrichir l’information. Là aussi les barrières traditionnelles sautent, notamment dans l’illustration, favorisant un travail collectif. Cet habillage de l’information favorise l’immersion dans les sujets traités.

C’est aussi l’une des caractéristiques des « serious games ». En plein boom, le jeu en ligne et collaboratif, le plus souvent sérieux, bientôt en 3D, devient un élément central de l’engagement et de la fidélité des audiences. Les designers de jeux vidéo sont devenus les nouveaux experts de l’immersion et la fidélité de l’audience. Le couple Zynga/Facebook attire plus de 200 millions de joueurs chaque mois. Nombreux sont ceux qui se demandent comment profiter de ces nouvelles expertises dans l’éducation, la vie civique, la santé, mais aussi la fiction et l’information.

Des points d’entrée multiples et des formes d’interactions et de navigation inédites sont proposés dans de nouvelles formes narratives. L’audience s’est familiarisée, ces dernières années, avec d’autres formes de contenus que l’article ou le JT ! Personne n’a encore trouvé le bon modèle de narration entre le web et la télévision. Mais nous ne sommes qu’au début de cette histoire. Il faut favoriser la démarche de création pour faite naître des savoir-faire, puis une industrie. Internet est bien aujourd’hui un des endroits les plus créatifs du monde.


Introduction au Cahier de Tendances médias de France Télévisions / Printemps- Eté 2011 publié initialement sur Meta-Media

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http://owni.fr/2011/06/14/la-vie-connectee-smart-tv/feed/ 26
Yochai Benkler: “La guerre d’usure entre les vieilles industries et Internet” http://owni.fr/2011/05/27/yochai-benkler-nous-assistons-a-une-guerre-dusure-entre-les-vieilles-industries-et-internet/ http://owni.fr/2011/05/27/yochai-benkler-nous-assistons-a-une-guerre-dusure-entre-les-vieilles-industries-et-internet/#comments Fri, 27 May 2011 12:19:53 +0000 Eric Scherer http://owni.fr/?p=64835 Yochai Benkler, professeur de droit à Harvard est l’un des plus grands théoriciens de l’Internet. Dans cette interview animée par Eric Scherer, directeur de la prospective de France Télévisions, lors du Forum de l’eG8, le co-directeur du Berkman Center for Internet and Society et auteur de La Richesse des Réseaux dresse l’état des lieux de l’Internet, montre d’où l’on vient, les obstacles et les pistes qui s’ouvrent devant nous. Le tout en une vidéo de 9 minutes, traduite et retranscrite par Thierry Lhôte.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Eric Scherer : Pouvez-vous nous expliquer les bases de ce qui se passe dans ce nouveau monde ?

Yochai Benkler : Tout d’abord, c’est merveilleux d’être à Paris pendant ce superbe mois de mai, il n’y a pas de meilleur endroit possible pour ce moment de l’année.

Le changement essentiel que l’Internet a apporté est la décentralisation radicale des moyens élémentaires de production de l’information, du savoir et de la culture (traitement, stockage, communication, localisation et détection – téléphones mobiles) qui sont distribués dans l’ensemble de la population. Donc, pour la première fois depuis le début de la révolution industrielle, les moyens élémentaires de production, et les apports fondamentaux (sens de l’humain, sociabilité, créativité) ainsi que les moyens matériels sont entre les mains de la majorité de la population.

Ce que cela signifie, c’est que pour la première fois, ce qui était considéré comme social : l’amitié, la conversation, chanter une chanson… – mais était en périphérie de l’économie – devient à présent au centre de l’économie.

Il y a douze ans, deux des plus grands économistes mondiaux se sont interrogés sur le cas de l’Encyclopédie Britannica, et ils dirent que le défi le plus grand pour cette encyclopédie, ce qui capture l’essence du défi numérique pour elle, était l’encyclopédie Encarta de Microsoft : «C’est sous forme numérique, cela évolue en permanence, c’est coloré, c’est inséré dans un programme…» Ils ne pouvaient pas imaginer Wikipedia.

Mais le véritable cœur [de ce changement] c’est Wikipédia : le véritable cœur ce sont des gens qui se réunissent, s’expriment, apprennent, se gouvernent eux-mêmes, et qui créent l’un des plus importants outils d’information pour notre vie commune.

Cela capture l’essence [de ce changement] : nous avons une décentralisation de l’innovation (vous n’avez plus besoin d’appartenir à une grande entreprise pour innover) ; une décentralisation de la créativité (vous n’avez plus besoin d’être attaché à un label pour gagner votre vie d’artiste) ; et enfin, plus important encore, il y a une radicale décentralisation de la participation démocratique : vous n’avez plus besoin de posséder un journal, une radio ou d’appartenir à un parti pour agir politiquement.

Nous assistons donc à une démocratisation de la Démocratie, mais aussi à une démocratisation de l’innovation, de la culture et de la création. Ceci est la transformation fondamentale que nous sommes en train de vivre, et nous n’avons rien vu de tel depuis le début de la révolution industrielle.

Cela explique-t-il les deux camps que nous voyons ici à Paris au forum e-G8 ? Pourquoi cette bataille à ce moment et ici ?

Je pense que c’est l’élément central de cette séparation. Et ce n’est pas nouveau : c’est une séparation que nous avons observée dans le monde au moins depuis le début des années 90.

D’un côté, il y a des entreprises dont le business model a été construit depuis un siècle autour du fait de pouvoir acquérir une grande presse mécanique qui, associée à un réseau de distribution, permet de délivrer un quotidien, une grande radio, une grande chaîne de télévision, un grand satellite… quelque chose qui est très concentré, et alors vous contrôlez les copies issues de ces systèmes et vous vendez de l’accès. C’est le vieux modèle, le modèle du XXème siècle. Nous appelons cela de l’information mais en réalité c’est un modèle industriel.

De l’autre côté, nous avons le modèle de l’âge de l’information. Et c’est un modèle à la fois pour les acteurs des marchés et pour la société civile : il ne s’agit pas des marchés contre la société civile. Il ne s’agit pas de l’efficacité et de la compétition contre la Démocratie ou la Justice ; il s’agit d’une lutte entre ce qui est nouveau, l’avenir, la décentralisation, et ce qui est vieux et qui essaye de garder le contrôle.

La manière la plus facile de comprendre ce qui se passe, est d’observer l’industrie musicale. L’usage voulait que lorsque vous souhaitiez publier votre chanson, le seul moyen était d’être sous contrat avec un label, car les chansons devaient être inscrites sur des objets physiques. Le business model dans son entier est construit autour de la prise de contrôle.

Ce que vous n’avez plus besoin de faire à présent. Un auteur peut avoir son propre site Web, par l’utilisation d’un programme créer une belle chanson, la donner à ses utilisateurs, qui peuvent à leur tour l’intégrer dans des mash-ups [...], et ils sont prêts payer pour ce service.

Que reste-t-il alors aux vieilles entreprises ? Ces vieilles entreprises essayent de ralentir ce mouvement, elles essayent de réguler les outils informatiques de composition et l’encodage, elles essayent de réguler les fournisseurs de service. Au moment d’Hadopi on a beaucoup parlé du système des trois alertes et de la punition qui suivait, mais l’une des caractéristiques principales d’Hadopi était l’obligation faites à chaque fournisseur de services de piloter leurs utilisateurs. Au fond, vous êtes en train de mobiliser et recruter les fournisseurs de services pour qu’ils jouent le rôle de la police. Et donc vous intervenez dans cette architecture de base du réseau pour qu’elle soit plus contrôlée, pour que les modèles d’entreprises du XXème siècle s’y sentent plus à l’abri.

D’un autre côté, nous voyons de petites entreprises qui ont d’excellentes idées, qui n’ont pas besoin de beaucoup de capital pour écrire un programme informatique, parce qu’ils savent connecter les gens entre eux, ce n’est pas si coûteux. Tant qu’elles opèrent sur un réseau ouvert, elles ont déjà les ordinateurs, le logiciel qui n’est pas cher à produire, elles peuvent donc commencer à exister et innover. Elles ne sont pas obligées de demander la permission aux opérateurs télécoms ou à d’autres pour pouvoir intervenir. Elles ont la liberté d’innover.

D’accord, mais il y a aussi les gouvernements et les parlementaires. Comment éduquer ces acteurs ? Parce que ces gens aujourd’hui, comme vous le savez, sont assez illettrés dans le domaine de l’Internet, ils ont besoin d’être éduqués. Si vous coupez le lien entre l’Internet et ces gens, que va-t-il arriver ?

Je pense que ce serait une bêtise de couper ce lien et croire de quelque façon que l’Internet est un lieu d’anarchie qui n’aurait pas de rapport avec les États. Nous sommes tous des êtres humains, nous vivons au sein de nos États. Nos États remplissent des rôles très importants en matière de bien public, de la défense nationale jusqu’à la redistribution sociale : fournir une sécurité sociale, des filets de sécurité, supporter la recherche et le développement… des biens publics cruciaux.

Nous sommes dans l’obligation d’avoir un dialogue continu, l’idée que l’Internet peut exister en dehors des États est simplement fausse en tant que description.

Nous devons éduquer le législateur, mais je ne crois pas que le problème principal soit leur éducation, particulièrement aux États-Unis sur le manque de compréhension (pour certains c’est un manque de compréhension et nous devons continuer de faire passer le message) ; le problème est en fait la sensibilité à l’argent, ce que nous voyons est une culture globale croissante des grandes entreprises qui deviennent de plus en plus sophistiquées (cela a commencé de manière puissante avec les compagnies américaines, puis le modèle s’est exporté, et ce n’est pas ce que l’Amérique exporte de meilleur).

C’est que vous pouvez commencer à utiliser l’argent pour l’accès et la persuasion.

Donc, par exemple l’administration Obama est saturée de personnes qui sont de loin les plus au courant des problématiques de l’Internet à un niveau gouvernemental. Et cependant celle-ci est enfermée et limitée dans son action, non par des législateurs ignorants, mais par des législateurs qui consacrent leur temps et leur attention à des lobbyistes qui leur disent en permanence : «Voici nos besoins, si vous faites cela nous allons perdre des emplois…». C’est le principal défi de cette administration.

Quelle est alors la prochaine étape ? Y a-t-il une réconciliation possible de ces deux mondes ? Qu’arrivera-t-il ?

Je pense que nous verrons une guerre d’usure au fil du temps, comme depuis 15 ans, en fait. Parfois, les vieilles industries feront un pas en avant, à d’autres moment ce seront les nouvelles qui progresseront. La question cruciale dans un certain sens, c’est que se passera-t-il avec l’Internet mobile ?

L’Internet mobile vient d’une tradition des téléphones portables qui fonctionnent sur des réseaux contrôlés appartenant à des compagnies et des outils, des objets contrôlés et propriétaires. Si l’Internet mobile l’emporte sur le monde du PC et de l’Internet associé, alors l’âge de l’information par lequel nous avons commencé à embrasser la démocratisation va perdre.

D’un autre côté, si nous pouvons nous appuyer sur une combinaison des réseaux à très haut débit et du Wifi avec les services de l’Internet, pour aller loin dans la direction d’un réseau ouvert et ubiquitaire, et si nous pouvons obtenir des exigences d’un réseau ouvert neutre, sur le réseau des objets mobiles, nous serons alors de l’autre côté.

C’est encore trop tôt pour savoir dans quel scénario nous allons aboutir, c’est le cœur du débat pour les cinq années à venir.


Interview réalisée par Eric Scherer, retranscrite et traduite par Thierry Lhôte

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Barcelone 2011: le smartphone, compagnon de notre vie connectée http://owni.fr/2011/02/18/barcelone-2011-le-smartphone-compagnon-de-notre-vie-connectee/ http://owni.fr/2011/02/18/barcelone-2011-le-smartphone-compagnon-de-notre-vie-connectee/#comments Fri, 18 Feb 2011 15:00:33 +0000 Eric Scherer http://owni.fr/?p=47346

Pas moins de 135 délégations gouvernementales présentes cette semaine à Barcelone, lors du Congrès annuel mondial des mobiles [en] et 55.000 professionnels, dont beaucoup venus d’Asie, pour assister au mariage enfin consommé de l’Internet et des telcos.

Voici quelques grandes tendances observées :

1 – Compagnon de tous les jours pour communiquer et accéder au web, le smartphone devient le centre de notre vie numérique.

Cette tendance déjà très visible début janvier au CES de Las Vegas, s’accélère vite, plus vite encore que les experts ne l’avaient prévu puisque :

  • C’est officiel depuis la semaine dernière ! Les ventes mondiales de smartphones ont dépassé [en] celles d’ordinateurs au 4ème trimestre 2010.
  • Leur taux d’adoption, dans les pays riches, a fait un bond de 10 points en an, pour atteindre 31% des Européens qui ont un mobile et 27% des Américains. Au Japon, ils sont déjà 75% ! Mais la France est à la traîne des grands pays. (comScore)

D’ici peu, plus de gens accéderont à l’Internet via les mobiles que par les ordinateurs. La moitié des ventes de Vodafone en Europe sont des smartphones. Au Japon, c’est 85% des lycéens qui s’équipent ainsi. D’ici 2015, 7 à 8 milliards de comptes mobiles seront connectés, contre 600 millions aujourd’hui, selon Ericsson.

Les clés du succès des smartphones aujourd’hui ? Les jeux, les applications et les réseaux sociaux, a résumé Eric Schmidt, le président de Google. Son OS Android est récemment passé 1er mondial devant l’iPhone d’Apple, mais le Blackberry reste n°1 aux États-Unis. En 2010, le nombre de possesseurs de mobile ayant échangé sur des réseaux sociaux via leur téléphone a fait un bond de 75% en Europe et de 56% aux États-Unis.

Les smartphones, presque aussi rapides et puissants que des ordis de la maison, sont désormais un des maillons de la chaîne d’appareils (ordis, tablettes, téléviseurs) qui laissent s’écouler sans friction les contenus des médias de l’un à l’autre.

Comme le disait le patron d’AT&T, plus de la moitié des gens consomment le même contenu sur plus de trois outils : ils ne sont limités ni par les outils ni par les OS. « Il faut donc transformer les outils en applications ».

2 – La révolution des données, nouvelles monnaies en circulation de l’économie en réseau de l’information.

Leur transport explose (+100% par an en Chine, + 50% en Europe et aux États-Unis, 33% en Inde, prévision d’une multiplication par 30 d’ici 2015 dans le monde). Les tablettes y jouent, bien sûr, un grand rôle.

La Chine demande que le wifi soit installé par défaut sur les smartphones et travaille avec la Corée et le Japon à un système de roaming international Wifi. Dans quelques années, il y aura quatre fois plus de gens reliés au web par mobile que par ordinateur.

Heureusement pour les opérateurs, confrontés à la hausse des coûts d’investissement des infrastructures, le transport de données, en croissance exponentielle, commence – comme au Japon – à remplacer la voix en terme de profitabilité. Ils comptent sur le public pour accepter de payer des services à valeur ajoutée, contrairement à la musique et aux news.

Au rayon nouveautés, à noter :

Le 1er smartphone à écran 3D : l’Optimus de LG
Le smart phone de HTC avec son bouton Facebook (pour partager d’un clic)

3 – Les telcos veulent aussi être au centre de l’Internet des objets et des services.

Les opérateurs, confrontés à la saturation du marché des mobiles, à la chute de la valeur du transport de la voix et aux nouveaux concurrents du web, se transforment en entreprises de services Internet mobiles et reprennent confiance. Leurs modèles d’affaires, comme ceux des équipementiers, est en train d’évoluer.

Le smartphone, nouveau mode de paiement !

Après, la musique il y a dix ans, puis la presse et la TV il y a quelques années, c’est au tour d’autres secteurs d’être, touchés par la grâce de la mobilité (et donc d’arriver en masse à Barcelone) : cette année, la banque !

Les prochaines grandes fonctions des smartphones, déjà actives dans de nombreux pays (Japon, Corée), seront les transactions connectées, contribuant ainsi  à l’essor de l’e-commerce et l’e-ticketing. Nokia, Blackberry sont en pointe avec Deutsche Telekom, Vodafone, Telefonica, Orange, Barclays Bank. Les opérateurs, habitués à la facturation et au contact avec le client final, sont ici à l’aise.

Avec des cartes SIM implantées partout, l’Internet des objets devient l’Internet de tout… ce qui est connectable.

« Et tout ce qui est connectable sera connecté d’ici quelques années », aime à répéter Eric Schmidt. « Y compris des animaux et des plantes vertes », comme l’a souligné le patron du géant China Mobile.

Les services vont converger, sans effort, d’un appareil de la maison à l’autre, d’un équipement (automobile, chantier, distributeurs automatiques…) à un autre.

« Le smartphone en sera le centre », assure le président de Qualcomm, Paul Jacobs.

Les opérateurs entendent jouer un rôle croissant dans ce « tout connecté ». Une maison [en] bourrée de cartes SIM a ainsi été montée dans la foire pour montrer comment nos vies seront demain connectées : de la cuisine à la voiture qui devient un petit environnement wifi.  Ce que le PDG de NTT Docomo nomme « le mobile embarqué », d’autres le « M2M » (machine to machine). Avec à la clé, d’énormes problèmes d’interopérabilité non résolus.

Autres secteurs en plein développement du mobile connecté : la santé, l’automobile, l’éducation, l’édition, la publicité, les services publics, etc.

D’ailleurs des congrès associant spécifiquement la téléphonie mobile aux modes de paiement et à la santé se tiendront cette année respectivement à Singapour et au Cap.

Certains opérateurs, comme le Japonais NTT n’hésitent  pas à se diversifier fortement : ebooks, systèmes de navigation automobile, cadres de photo numérique, systèmes de paiement électronique, distributeurs automatiques, consoles de jeux, etc.

4 – Les tablettes pour les loisirs : il y a un an il n’y en avait pas, aujourd’hui elles sont partout !

Si la consommation de contenus médias et « entertainment » n’est pas encore prédominant dans les smartphones, elle explose dans les tablettes. À l’instar de l’essor de la vidéo.

Toutes les nouvelles tablettes étaient présentes à Barcelone : celles de Samsung, HP, LG, Motorola Dell, la Playbook de Blackberry (RIM) [en], etc.

La nouvelle culture des applications :

Face au succès des applications, huit grands opérateurs et une soixantaine de partenaires ont ouvert cette semaine au public leur plate-forme commune d’applications (WAC), lancée l’an dernier, pour lutter contre la fragmentation des formats et éviter qu’un ou deux géants (Apple et Google) ne contrôlent le marché.

Mais les magasins d’applications, étagères du web, restent pour l’instant en silos séparés et posent des problèmes de bande passante aux opérateurs.

Près de 10 milliards d’applications ont été téléchargées en trois ans (environ un tiers payantes), 60 en moyenne par utilisateur, le marché est estimé à 17 milliards de dollars en 2011, et un hall entier leur est consacré à Barcelone, depuis l’an dernier.

Cette « applification du web », qui concerne en premier lieu les jeux et les loisirs, est en train d’arriver aussi sur les futures télévisions connectées.

La vidéo s’envole dans les usages Internet, pour les mobiles aussi.

Les consommations de contenus changent : 66% du trafic de l’Internet mobile devrait être le fait de la vidéo d’ici 2015, selon Cisco. Le Japon est le 1er de la classe pour la bande passante mobile, suivi des États-Unis et de l’Europe, selon NTT Docomo.

5 – Technologies : tout repose sur l’association mobilité, réseau à haut débit et « cloud ».

La 4G et la norme LTE commencent à se déployer permettant des connexions plus rapides. Mais l’Europe est en ici retard face au Japon et aux États-Unis.

  • Aujourd’hui c’est « mobile first », comme le dit Eric Schmidt. « C’est là où ça se passe ! Le mobile devient le nouveau PC. Ajoutez-y le réseau et le cloud computing et vous avez le trio gagnant. »
  • « Prenez chacun de vos appareils et songez que d’ici peu ils seront connectés dans les nuages. » (E. Schmidt)

Google croit aussi dans le langage web « html5 », qui, après avoir un peu évolué, sera utilisé d’ici quelques années dans de très nombreuses applications.

En détectant de plus en plus ce qui se passe autour de nous, notre contexte immédiat, notamment via la réalité augmentée, les smartphones deviennent notre sixième sens, assure le patron de Qualcomm.

La neutralité du Net en danger : les opérateurs se plaignent aussi de payer pour des infrastructures très onéreuses et utilisées gratuitement par d’autres, comme YouTube.

Réponse d’Eric Schmidt de Google : les pouvoirs publics devraient mieux redistribuer les ressources disponibles en bande passante, les utilisateurs doivent être encouragés le plus possible à switcher en Wifi, et nous partageons déjà des revenus sur le search mobile.

Le Congrès a été aussi dominé par le renoncement de Nokia sur les logiciels via son accord avec Microsoft. Un Congrès comme toujours boudé par l’éléphant dans le magasin de porcelaine… Apple !

What’s next ?

Beaucoup de pistes séduisantes évoquées ici, à Barcelone. À suivre, dans un prochain billet. Promis.

Billet initialement publié sur Metamedia

Image de une CC Flickr kirainet

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http://owni.fr/2011/02/18/barcelone-2011-le-smartphone-compagnon-de-notre-vie-connectee/feed/ 0
Wikileaks et la révolte du clergé http://owni.fr/2010/12/05/wikileaks-et-la-revolte-du-clerge/ http://owni.fr/2010/12/05/wikileaks-et-la-revolte-du-clerge/#comments Sun, 05 Dec 2010 12:01:34 +0000 Eric Scherer http://owni.fr/?p=38191

"WikiLeaks, c'est très vilain, comme tout ce qui se fait sur le Net d'ailleurs."

Quand j’entends, depuis une semaine, les cris d’orfraies, le dénigrement, le mépris, l’inquiétude qui émanent du clergé médiatique face aux nouvelles fuites de WikiLeaks, je vois, hélas, une profession minée par des forces conservatrices et protectrices d’un ordre ancien, hostile à l’évolution de ses pratiques, qui veut se cramponner à des comportements d’un autre âge.

Comme le disent plusieurs voix ce week-end, il s’agit du premier vrai conflit [en] entre l’ordre établi, l’establishment, et la nouvelle culture du web. Pierre Chappaz parle de la première infowar. Et Reporter Sans Frontières a condamné samedi les tentatives pour réduire WikiLeaks au silence.

Je ne veux pas dire qu’Assange est un héros. Beaucoup de questions sur ses motifs, son agenda, ses choix, ses critères, ses financements restent en suspens.

C’est vrai, WikiLeaks, organisation apatride, fille d’un Internet mondialisé, n’obéit à aucune des règles du journalisme professionnel. Mais elle a l’avantage de bousculer le statu quo, de faire bouger les lignes de partage des pouvoirs, de permettre à des gens qui savent des choses –et qui n’ont plus confiance en nous les journalistes–, de les révéler, d’assurer une plus grande diversité de l’information !

Le procès de WikiLeaks se fait sur les thèmes : « ce n’est pas du journalisme », « il n’y a aucune révélation », « trop de transparence tue la démocratie », « attaquez-vous à la Chine », etc. En passant, la position qui surprend le plus est la défense des diplomates qu’il faudrait protéger et laisser travailler dans le secret. Un vrai bel exemple du journalisme de connivence, qui nous mine depuis si longtemps et alimente la défiance du reste de la société à notre égard ! Laissons les diplomates faire leur travail et protéger eux-mêmes la confidentialité de leurs discussions. Ce n’est quand même pas aux journalistes d’y veiller ! L’autre critique qui me choque, c’est de balayer les contenus des télégrammes d’un revers de main : « on n’apprend rien. » Les journalistes et initiés peut-être pas ; mais le public, lui, découvre d’un coup comment fonctionnent les rouages des relations internationales. D’autant que 3 millions d’Américains avaient déjà accès aux documents classifiés ! [en]

« Internet, c’est la Stasi en pire », Catherine Nay

Vendredi soir, lors du Grand Journal de Canal Plus, quatre éditorialistes de la « grande presse » (RTL, Marianne, France Inter) ont passé leur temps à « flinguer » WikiLeaks sur ces thèmes (même si Thomas Legrand fut plus mesuré que les autres). Europe1 est monté d’un cran samedi matin : « Internet, c’est la Stasi en pire », y a déclaré Catherine Nay.  Plus tôt dans la semaine, nous avons pu lire Le Canard Enchaîné (« le caviar devient moins bon à la pelle qu’à la petite cuillère ») se retrouver sur la même ligne que l’éditorialiste du Figaro, Alain-Gérard Slama (WikiLeaks, « entreprise de subversion abritée derrière un mythe, la transparence »).

Quand on pense que ce sont les mêmes, ou presque, qui allaient jouer au tennis avec Jospin, sont mariés à des ministres, protégeaient les doubles vies de nos Présidents de la République, gardent leurs infos pour eux avant d’en lâcher quelques-unes – mais après les élections– et dans des livres lucratifs, « dînent en ville » chuchotant confidences, rumeurs et malveillances qui n’ont rien à envier aux contenus des télégrammes diplomatiques, très officiels documents de travail.

La grande différence, c’est que les premières restent confinées dans le cercle fermé de l’establishment, alors que les secondes sont mises sur la place publique.

Il n’est guère surprenant de voir aussi les nouvelles générations, les « digital natives », qui baignent depuis des années déjà dans l’open source, le collaboratif, le bottom-up, le partage, estimer qu’il est plus que temps de voir ces forces-là l’emporter sur les logiques de connivences, de fermetures, d’initiés, de top down. J’espère aussi que des journalistes dans les rédactions contestent les voix officielles que nous entendons sur les plateaux de télévision.

Tout ça c’est de votre faute !, résume bien Jay Rosen [vidéo, en] à l’adresse des journalistes américains. Si vous aviez fait votre boulot de chien de garde avant la guerre en Irak sous la présidence Bush, les sources n’auraient pas besoin de donner aujourd’hui leurs infos à WikiLeaks, précise ce professeur de journalisme à l’Université de New York, qui déplore  « l’échec spectaculaire de la presse traditionnelle à remplir son rôle de chien de garde au cours des récentes décennies ». Pour lui, la presse d’investigation « est morte sous George Bush ».

Avec WikiLeaks, les journalistes sont une nouvelle fois désintermédiés, court-circuités dans le cheminement classique de l’information entre les sources et le public. WikiLeaks s’est intercalé. Et, déjà bousculés par les nouvelles manières du public de s’informer,  par sa prise de parole, confrontés à une double crise de légitimité et de confiance de la part du reste de la population, ils n’apprécient guère.

Une chance aussi

Mais tous ne réagissent pas de manière négative. Ces masses de documents bruts sont aussi une chance pour le journalisme de faire valoir sa valeur ajoutée, dans le tri, la vérification, la contextualisation, la mise en perspective, la hiérarchisation des infos données par WikiLeaks. Cette contextualisation est éditoriale et, de plus en plus, associée à une dimension technologique qui permet de visualiser les données, pour les présenter de manière instructive et attrayante C’est tout le sens du journalisme de données, qui se développe aujourd’hui rapidement. « Une passerelle entre le producteur d’information et le lecteur », comme le dit Patrice Flichy dans Le Monde, qui salue, via WikiLeaks, « la réhabilitation du journalisme d’experts ».

Un autre aspect très positif pour le journalisme réside dans la coopération inédite entre des dizaines de journalistes de rédactions et de pays différents des médias qui ont publié ces câbles diplomatiques (New York Times, Guardian, Spiegel, Le Monde…).

WikiLeaks, qui, dit-on, pourrait s’attaquer très prochainement à « Corporate America »  pourrait vite fournir des indications précieuses sur les turpitudes des dirigeants financiers et économiques des plus grandes entreprises. Il est temps que quelqu’un le fasse, non ? Comme le dit le NiemanLab d’Harvard [en], c’est le public qui est gagnant.

Billet initialement publié sur Metamedia

Image CC Flickr niznoz, danielkedinger, wallyg

À lire aussi chez Erwann Gaucher “WikiLeaks : la réaction de caste des médias français”

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http://owni.fr/2010/12/05/wikileaks-et-la-revolte-du-clerge/feed/ 17
Médias en ligne : 10 tendances tech US http://owni.fr/2010/11/08/medias-en-ligne-10-tendances-tech-us/ http://owni.fr/2010/11/08/medias-en-ligne-10-tendances-tech-us/#comments Mon, 08 Nov 2010 07:32:52 +0000 Eric Scherer http://owni.fr/?p=34847

Comme chaque année à la conférence de l’ONA, Ammy Webb, consultante média, a fait salle comble avec son « top ten » des tendances technologiques appliquées aux médias.

Voici le cru 2010 :

1-Le scan de codes-barres par téléphones mobiles

Utilisé depuis une quinzaine d’années en Asie, le fait de scanner, via des smartphones, des codes-barres, répartis un peu partout dans la ville et les médias, se développe fortement aux USA. Il permet de renforcer l’engagement du média et de ses annonceurs avec son audience. Les médias devraient utiliser davantage ces comportements urbains en offrant des liens vers leurs médias ou depuis leurs médias. Google utilise bien cette fonction.

Extension progressive vers la reconnaissance optiques de caractères.

2-Les clôtures géolocalisées

Aujourd’hui, les gens qui utilisent Foursquare ou Yelp peuvent tricher sur leurs vrais lieux d’enregistrement manuel. Les distances réelles restent floues en raison des limites des systèmes d’exploitation. Certains téléphones offrent des notifications push, mais d’autres n’en ont pas. Il faut alors vérifier les mises à jour. C’est contraignant.

Mais il est facile de créer des notifications envoyées automatiquement à partir de l’entrée sur un territoire, pour des applications mobiles, des réseaux sociaux et des contenus. (Pratique pour surveiller ses enfants :-) , recevoir des messages pertinents de boutiques dans une zone ou des informations à des lecteurs d’une région).

Certaines peuvent être dynamiques et réactualisées en temps réel en fonction de votre position géographique.

Une application de «geofencing» est disponible sur l’iStore.

Autres exemples :

-Miso
-Tunerfish (Comcast)
-Fanvibe
-Superglued
-iSwig
-TabbedOut
-Plerts

3-L’analyse prédictive des comportements

L’analyse prédictive permet d’anticiper le comportement des utilisateurs en ligne et dans les réseaux sociaux, pour déterminer ce qu’ils voudront regarder, lire, acheter, etc.

Des informations d’analyse prédictive, produites à partir de données personnelles librement communiquées (volontairement ou non), sont utilisées par des marques dans Facebook où il est désormais possible d’acheter des produits. cf Kembrel.

-Amazon s’est ainsi associé à Facebook pour y présenter des solutions e-commerce. À utiliser en combinaison avec Quora.
-ESPN.com les utilise aussi à son avantage pour cibler son audience et mieux comprendre l’attitude de ses visiteurs internautes.
-Twitter va lancer sous peu un outil mesurant vos centres d’intérêt.

4-De l’hyperlocal à l’hyperpersonnel

Oui, les gens veulent savoir ce qui se passe autour d’eux, mais ils souhaitent une approche plus sophistiquée que ce qui est proposé aujourd’hui. Pour l’instant, les initiatives hyperlocales sont limitées à un public de geeks, d’universités et de fondations. Le grand public n’en a cure.

Le tableau ci-dessous montre les limites du succès des initiatives hyperlocales :

Il vaut donc mieux privilégier l’hyperpersonnel :

Le contenu doit être un contenu de niche. Pas hyperlocal, mais géographiquement spécifique.
« Local » signifie l’endroit où je suis maintenant. Pas forcément là où je vis ou je travaille.
Le contenu doit être crédible et en temps réel.
Il ne s’agit pas seulement de cartographies et de contenus UGC.
Le contenu doit impliquer les réseaux sociaux pour réussir.

5-Le tri sélectif dynamique

Le public souhaite être en mesure de trier en temps réel et de manière dynamique les continus qu’il a choisis, par exemple via les flux RSS et surtout désormais via les réseaux sociaux.

Sur l’iPad, l’application Flipboard est un des exemples les plus aboutis de l’avenir d’une information, triée par des personnes en qui vous avez confiance.

Autres exemples :
-Wavii (private alpha)
-Storify (private beta) : un CMS pour des flux venant des réseaux sociaux en temps réel. Utilisé par le site TBD.
-Qwiki (private alpha)

ou encore Paper.li et Twittertim.es pour les flux Twitter.

Les médias doivent utiliser ces outils pour publier leurs contenus et aider au tri sélectif des contenus du web. Un des objectifs serait de remplacer Google News par ce type d’outils sociaux intelligents. Mieux qu’un simple agrégateur !

6-Le « search » devient personnel

De nouveaux outils de recherche moissonnent les réseaux sociaux pour creuser et trouver l’information. Très utile pour les journalistes mais, attention, danger pour vos données personnelles.

Exemples :

-Greplin.com (bêta privé) permet de chercher dans tous vos réseaux sociaux, ainsi que sur le web, le courrier électronique et dans d’autres endroits, tout à la fois. Le meilleur ami des reporters !
-Google a racheté Angströ pour dopper Google Me et concurrencer Facebook.
-Spokeo combiné avec KnowEm peut maintenant être utilisé pour traquer les noms d’utilisateur caché.

Facebook devient aussi de plus en plus un moteur de recherche.

7-La réalité augmentée

La réalité augmentée va changer la manière dont le public va accéder à l’information.

- Voir quelques vidéos spectaculaires de démos sur The Astonishing Tribe.

Noter aussi l’arrivée de la techno de la « réalité diminuée », qui permet de supprimer en temps réel des objets dans une vidéo (comme dans PhotoShop).

Attention donc à bien géo-tagger les contenus.

8-Les tablettes

2011 sera l’année des tablettes ! Et pas que pour l’iPad !

Essai comparatif Webbmedia ici.

9-La télévision connectée

Évidemment, tous les regards sont tournés vers la Google TV et son OS Androïd.

Mais attention aussi aux fabricants de téléviseurs (Samsung, Toshiba, Vizio, Sony), aux fabricants de boites décodeurs, aux fournisseurs d’accès, aux différents intermédiaires. Et bien sûr à Apple (application iPad MyGeneration).

L’informatique dans les nuages va stocker nos contenus préférés.

Certaines tablettes sont capables d’écouter la télé et de donner du background pertinent !

La recommandation est de ne pas fournir des contenus à des seules fins de marketing.  Pour l’instant, ces initiatives manquent de contenus….

Pour l’instant, les alliances et regroupements ressemblent à ça :

10-Mesures personnelles

De plus en plus l’Internet des objets et les puces RFID éparpillent des tags et des étiquettes un peu partout dans le monde réel. Ces données pourront être reliées à nos vies personnelles.

Exemple de BodyMedia : un bracelet envoie toutes sortes d’informations pertinentes sur sa santé et se synchronise avec son ordi ou son iPhone tout au long de la journée.

Apple a déposé beaucoup de brevets autour de ces sujets.

Billet publié initialement publié sur Metamedia ; image CC Flickr rutty

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Le « journalisme augmenté » en 10 points http://owni.fr/2010/11/07/le-%c2%ab-journalisme-augmente-%c2%bb-en-10-points/ http://owni.fr/2010/11/07/le-%c2%ab-journalisme-augmente-%c2%bb-en-10-points/#comments Sun, 07 Nov 2010 19:34:40 +0000 Eric Scherer http://owni.fr/?p=33769 1 – Le journalisme augmenté de l’audience

Les insurgés ont pris la parole ! La prise de contrôle des moyens de production et de distribution des médias traditionnels par ceux qui en étaient privés (seule révolution marxiste réussie à ce jour !) entraîne la démocratisation de l’écriture et met fin au journalisme de surplomb, au journalisme de magistère. Elle permet aussi le « crowdsourcing » (collecte d’informations et témoignage sont partagés avec le public) et le « crowdfunding » (le financement aussi). Les médias parlent aux médias !

2 – Le journalisme augmenté de ses pairs

Lâcher prise sur ses contenus et laisser les contenus extérieurs entrer. Les rédactions, souvent conservatrices, ont de moins en moins une mentalité de bunker et s’ouvrent davantage au reste du monde, voire à leurs concurrents. Les collaborations entre médias se multiplient. Le journalisme en réseau et le journalisme mutualisé ont un bel avenir.

3 – Le journalisme augmenté des liens

Les métadonnées et l’hypertexte permettent le journalisme de liens, le journalisme de tri sélectif, le journalisme dépollueur, le news jockey ! Celui qui choisit, guide, réduit l’infobésité, trouve le signal dans le bruit.

4 – Le journalisme augmenté des autres corps de métiers

Visualisation de données, journalisme de données, journalisme visuel, web documentaires, web reportage, etc. Autant de nouvelles formes de narration qui associent le travail des designers, des développeurs et des journalistes. Ceux qui réussiront à faire travailler ensemble ces corps de métiers prendront de l’avance.

5 – Le journalisme augmenté d’innovation et de nouvelles technologies

Le journalisme web n’est pas la mise en ligne des contenus des journaux ou des télévisions. Une écriture différente est indispensable pour être en prise avec les nouveaux usages de la révolution de l’information. La chance est aussi d’y pouvoir profiter des nouveaux outils. Pour ce mode de représentation du réel, le digital storytelling de demain, le récit numérique, comprend déjà la géolocalisation, la cartographie animée, la réalité augmentée, la 3D, etc.

6 – Le journalisme augmenté de valeur ajoutée

Context is King ! Savoir relier les faits : face à la banalisation croissante de l’information, la valeur est dans la mise en perspective rapide des faits. Non seulement, collecter, éditer, hiérarchiser et distribuer ne suffit plus, mais il faut désormais aussi analyser les informations avec un degré de vitesse, jusqu’ici réservé aux seuls factuels. Les journalistes traditionnels font une erreur s’ils croient que leur capacité à collecter et à organiser les faits continuera à les rendre indispensables.

Pour rester pertinent, il ne suffit plus en outre de donner les informations de la veille ou du jour même, connus de tous, mais d’offrir du contexte, de la perspective, de l’analyse pour aider le public à saisir l’importance des événements, pour lui et la société, à regarder de l’avant, à anticiper la suite.

Il faut enrichir l’information, de manière éditoriale et technologique.

7 – Le journalisme augmenté du packaging

Les beaux médias ! La forme, c’est le fond qui remonte à la surface ! (Victor Hugo). C’est aussi la qualité de l’accès au contenu qui fera la différence.

Dans une économie de l’attention, où l’abondance des contenus a remplacé leur rareté, le temps de cerveau disponible sera de plus en plus dur à capter et à conserver ! Soigner le design de l’information devient crucial. D’autant que se multiplient aussi les nouveaux supports et plateformes de distribution (smartphones, tablettes, encre électronique …).

8 – Le journalisme augmenté de formations, de nouveaux métiers et d’entrepreneuriat

Pas facile d’apprendre à faire du vélo à 50 ans ! Mais il faut s’y mettre et se former. La révolution de l’information n’attend pas. D’autant que de nouveaux profils sont apparus ces dernières années dans les petites annonces : les journaux, magazines ou télévisions recherchent aussi désormais des éditeurs de métadonnées, des éditeurs spécialisés en moteur de recherche, des community managers, des journalistes visuels, des agrégateurs, des remixeurs, des facilitateurs, etc.

La facilité de créer une unité éditorial pour un coût initial presque nul (plus besoin d’imprimerie, de camions pour livrer les journaux ou de stations de TV) incite déjà ceux qui ont de bonnes idées à passer à l’acte et à monter leur média, seul ou en petit groupe.

9 – Le journalisme augmenté d’expérimentations

Difficile de faire désormais sans une cellule de R&D, un médialab, pour répondre à la vitesse des changements dans la profession et profiter des opportunités offertes par les nouvelles technologies. Restera à tester les nouvelles idées et à prendre des risques sans être tétanisé par la crainte de l’échec. Vive le bêta !

10 – Le journalisme augmenté de la confiance

C’est la mission la plus difficile, mais la plus importante dans une société où la défiance envers les corps constitués croît à toute vitesse.

Images CC Elsa Secco et Flickr Matthew Clark Photography & Design

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http://owni.fr/2010/11/07/le-%c2%ab-journalisme-augmente-%c2%bb-en-10-points/feed/ 28
Prise de pouvoir de l’audience : 10 conseils du prof. Rosen pour en profiter http://owni.fr/2010/09/02/prise-de-pouvoir-de-l%e2%80%99audience-10-conseils-du-prof-rosen-pour-en-profiter/ http://owni.fr/2010/09/02/prise-de-pouvoir-de-l%e2%80%99audience-10-conseils-du-prof-rosen-pour-en-profiter/#comments Thu, 02 Sep 2010 17:51:31 +0000 Eric Scherer http://owni.fr/?p=26837 Rentrée des classes, et salle comble ce matin à l’Ecole de Journalisme de SciencesPo à Paris où Jay Rosen, professeur de journalisme à la New York University et l’un des gourous américains du journalisme web, est venu donner la leçon inaugurale en montrant que démocratisation de la prise de parole et transfert de pouvoir des médias vers l’audience, loin de signifier « tous journalistes », favorisaient des formes plus riches d’exercice du métier.

Voici ses 10 conseils donnés aux étudiants de 1ère année :

1 – Transformez vos lecteurs, auditeurs, téléspectateurs en usagers.

Faites en sorte que le public utilise votre travail, les informations, analyses, images, sons etc. que vous produisez. Et surtout évitez de travailler pour vous adresser aux autres journalistes !

2 – N’oubliez jamais que le public en sait plus que vous.

Non seulement, dans son ensemble, il en sait bien plus que vous, mais il peut aussi s’adresser à vous et vous aider. Le New York Times l’a bien compris qui puise désormais dans les compétences de ses millions de lecteurs internautes. Un rubricard doit suivre 1.000 comptes Twitter sur son secteur pour s’aider dans sa couverture !

3 – Habituez-vous à la mutualisation du journalisme.

Traitez votre audience et le public en égaux. Entretenez une relation d’égalité et non de surplomb. Il y a davantage de photos publiées chaque jour sur Facebook que dans tous les journaux réunis.

4 – Facilitez la tâche à vos usagers dans la réutilisation de votre production.

Ouvrez vos outils. Aider les à participer. Nourrissez leur appétit d’informations.

5 – Rappelez-vous que si chacun est en mesure désormais de prendre la parole, tout le monde ne le fera pas.

Ils seront même très rares ! Le ratio est bien connu dans le monde du web où 90% des internautes sont passifs, 10% participent et 1% produisent eux-mêmes. Les gens ne veulent pas votre boulot ! Ils ne veulent pas devenir journaliste professionnel !

6- Sachez que le journaliste ne vit pas dans un monde à part. C’est juste un citoyen un peu mieux informé que les autres.

Ses compétences sont loin d’être sophistiquées et n’ont rien à voir avec celles d’un neurochirurgien ou d’un pilote de 747 !

7 – Gardez en tête que l’autorité du journaliste vient d’abord du service qu’il rend.

Celui de raconter le monde de manière originale : « je suis ici, vous n’y êtes pas, laissez-moi vous raconter et vous expliquer ce qui se passe ». Vous savez quelque chose que le public ne sait pas, vous avez un accès qu’il n’a pas, etc…

8 – Maintenez un savant équilibre entre ce que le public veut et ce qu’il ne sait pas qu’il veut.

Répondez à ce qui l’intéresse, mais trouvez aussi les informations qu’il ne sait pas encore qu’elles vont l’intéresser.

9 – Ne sur-jouez pas l’objectivité, mais dévoilez vos motivations et votre point de vue.

Evitez la posture du journaliste objectif pour chercher le respect. Elle ne convainc plus personne aujourd’hui ! Faites preuve de transparence dans votre travail et les gens vous feront confiance.

10 – Aidez les communautés d’intérêt à partager et à s’exprimer.

Les gens qui partagent une passion ou des centre d’intérêt ne sont plus isolés : ils peuvent désormais se parler, partager des informations et les publier. Vous pouvez les aider à créer des services d’informations. Et apprendre ainsi à créer de nouveaux revenus.

J’en ai profité pour lui demander les 3 sites américains incontournables pour tout étudiant en journalisme aujourd’hui :

Enfin, Jay Rosen nous a dit réfléchir actuellement à un système de fourniture d’informations qui seraient délivrées en fonction du niveau de connaissance de l’internaute, comme il y a des niveaux différents dans les jeux vidéo.

Il est l’auteur du site PressThink et fondateur du site de journalisme amateur NewAssignment.net. Il a aussi lancé, en 2007-2008, avec Arianna Huffington, du Huffington Post, le projet en ligne Off the Bus. Et, en 2009, le programme d’innovation Studio 20, à New York University. (Source SciencesPo)

(Full disclosure : je prépare pour 2011 un cours pour cette école de journalisme)

Introduction de l’intervention de Jay Rosen en vidéo :

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Voir la suite des vidéos sur la page Dailymotion de l’école de journalisme de Science Po

Illustration FlickR CC : Joi Ito

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http://owni.fr/2010/09/02/prise-de-pouvoir-de-l%e2%80%99audience-10-conseils-du-prof-rosen-pour-en-profiter/feed/ 3
Données publiques et journalisme:|| une mine de richesses! http://owni.fr/2010/07/07/donnees-publiques-et-journalisme-une-mine-de-richesses/ http://owni.fr/2010/07/07/donnees-publiques-et-journalisme-une-mine-de-richesses/#comments Wed, 07 Jul 2010 14:18:08 +0000 Eric Scherer http://owni.fr/?p=21431

Le journalisme de données commence à prendre son essor en France, mais les données publiques, contrairement à d’autres pays, n’y sont pas encore totalement libérées ou facilement accessibles.

Cette semaine à Marseille, lors de la seconde conférence Lift France (technologie & prospective), les appels se sont multipliés pour libérer gratuitement les données publiques. L’enjeu est économique, démocratique et social. Les données sont le pétrole de la nouvelle société de l’information.

Hélas, aujourd’hui, « nous avons l’état d’esprit du 19ème siècle, les méthodes du 20ème et les besoins du 21ème », a joliment résumé Sam Pitroda, conseiller en technologies de l’information du Premier ministre indien.

Nous avons souvent dit, ici, comment l’exploitation et la visualisation de données, permises par les nouveaux outils numériques et l’Internet, comptaient parmi les pistes les plus prometteuses du journalisme de demain. Le journalisme sportif et le journalisme financier en sont les premiers utilisateurs. Est-ce un hasard si ce sont deux types de journalismes à plus fortes valeurs ajoutées, mieux monétisables ?

Pour le reste, il faudrait quand même que les données soient disponibles !

La France en retard

Les États-Unis et la Grande-Bretagne ont ouvert ces dernières années des portails de données publiques, des répertoires gratuits : Data.gov et Data.gov.uk. Au Royaume-Uni, c’est une campagne de pression du Guardian durant quatre ans qui en est largement responsable. Tim Berners-Lee, l’inventeur du web, a donné un coup de main ! La Banque Mondiale propose aussi un accès à ses données.

La France n’a pas encore de portail, et son projet, s‘il reste de vouloir faire payer, de verrouiller de limiter l’accès, ces données, risque de l’isoler en Europe et d’empêcher la création de services d’informations à valeur ajoutée, de promouvoir de nouveaux usages, de développer de nouvelles activités et de nouveaux intermédiaires. En bref, de favoriser une véritable industrie de la connaissance dans laquelle le public aura aussi un rôle important (intelligence collective, “crowdsourcing”, ré-utilisation des données). À moins que les hackers ne s’en occupent directement !

Le journalisme de données, un chemin prometteur mais compliqué

Quant au journalisme de données, c’est à la fois simple et compliqué.

Simple, car il s’agit simplement de transformer des données en information, en connaissance, en savoir. Traiter, analyser, donner du sens, c’est le propre du journalisme.

Compliqué, parce qu’il faut d’abord collecter, trier, et exploiter les données, les statistiques, les chiffres qui inondent le web, puis les scénariser et les visualiser sur écran de manière éducative, ludique, informative. Et surtout, il faut faire travailler ensemble des métiers différents : journalistes, développeurs, designers web, statisticiens, graphistes…

C’est surtout l’un des rares champs de fort développement potentiel et de création de valeur pour les entreprises de médias au niveau commercial (pour des sites web de médias) car il favorise immersion, engagement et interactivité, éléments clés pour monétiser davantage les sites d’infos (temps passé, voire partie payante).

C’est aussi un potentiel éditorial, pour de l’investigation et des scoops (rappelez-vous les notes de frais des députés britanniques), pour du contexte et de la mise en perspective historique et géographique. Mais aussi pour réduire le “bruit”, diminuer « l’infobésité » croissante, la surabondance d’infos, le déluge informationnel.

C’est souvent aussi rendre compréhensible la complexité, en s’adressant à l’intelligence visuelle du public. L’angle “data” du journalisme va se développer comme un nouvel angle de narration.

Des projets qui déjà foisonnent

Rappelons que, durant la campagne électorale d’Obama, la page du site web du New York Times la plus consultée fut une infographie animée du financement de la campagne démocrate, alimentée par des données et scénarisée.

La BBC vient donc de lancer un site (DataArt) pour évangéliser sur ce potentiel. Google vient de proposer une version allégée de son logiciel “GapMinder” à télécharger, et le site Tableau Public propose des outils en open source.

En France, deux équipes – des pure players – s’y mettent aussi. ActuVisu.fr, ouvert le week-end dernier, associant étudiants et développeurs sur le thème “l’information vous saute aux yeux (…) ou l’art de faire parler les données“, et OWNI, laboratoire de journalisme numérique, dont une partie est dédiée au “data journalism”.

La presse régionale, qui émet de grandes quantité de données (faits divers, travaux publics, météo…) devrait aussi rapidement profiter de ce potentiel.

Parmi les meilleures ressources web sur ce sujet :

Billet initialement publié sur AFP-MediaWatch.

Image CC Flickr aurelio.asiain

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Journaux: comment se débarrasser d’Internet http://owni.fr/2010/05/18/remettre-le-genie-dans-la-bouteille/ http://owni.fr/2010/05/18/remettre-le-genie-dans-la-bouteille/#comments Tue, 18 May 2010 14:13:22 +0000 Eric Scherer http://owni.fr/?p=15944 Dans l’agenda des médias traditionnels, deux phénomènes synchrones convergent cette année pour tenter de faire rentrer le génie Internet dans la bouteille : l’érection de nouveaux murs payants en ligne et l’arrivée des tablettes, iPad en tête.

Deux phénomènes, qui remettent de la structure dans des contenus fragmentés, redonnent du contrôle aux éditeurs sur l’accès, et nourrissent leur espoir de mettre fin au tout gratuit numérique.

Pour ces médias traditionnels, qui n’en finissent pas d’être chamboulés par la révolution de l’information, les nouveaux usages et la crise économique, l’idée est de tenter de retrouver une marge de manoeuvre, un ballon d’oxygène, pour leurs modèles économiques à bout de souffle, qui ne parviennent plus à financer les contenus capables de capter l’attention du public du 21ème siècle.

Dans le même temps se mettent en place les infrastructures mondiales, pour des connexions de masse, qui accroissent le volume d’informations, accélèrent leur vitesse de circulation et réduisent leur durée de vie dans un web de plus en plus social, personnalisé et instantané, et où les gens passent de plus en plus de temps, chez eux ou en déplacement.

La progression de cette toile de fond, qu’est l’Internet, n’est pas linéaire, mais bien exponentielle, même si le web s’est désormais fracturé, sous l’influence d’Apple, voire d’Amazon, avec leurs nouveaux univers d’applications.

Comment rester pertinent ?

Dans un monde numérique de flux, d’échanges permanents et nomades, de médias fragmentés, où les vieux modèles déclinent, et où l’information n’a jamais été aussi abondante, le défi est de retrouver une fonction de filtre pertinent grâce aux nouveaux outils numériques, pour délivrer l’information dont a besoin le public, là où il le souhaite et quand il le désire. Il est aussi de l’aider à trouver le signal dans le bruit, car les méthodes de découverte changent vite : recommandations, réseaux sociaux, agrégateurs, géo-localisation, listes ….

Qu’on le veuille ou non, bien souvent, la qualité d’accès à l’offre, l’expérience utilisateur, l’ubiquité, et donc la force du service, primeront sur le contenu. Bientôt, l’information sera délivrée en fonction du lieu où nous serons, ou sera directement reliées aux discussions que nous aurons avec nos amis.

Le défi, c’est aussi pour les journalistes, au magistère déclinant, d’accepter de perdre un peu d’autorité et de contrôle, pour être davantage en prise avec l’audience, car l’information voyagera désormais, avec ou sans eux. Il n’y a pas de pénurie d’informations et de contenus, bien au contraire, mais un manque de temps, et donc un besoin de plus en plus urgent d’un filtrage de qualité.

C’est enfin pour les dirigeants de média d’accepter que le web devienne un débouché essentiel, où il n’est pas question de repasser les plats : à eux de trouver les contenus et services différents, qui ne soient pas facilement copiables.

A ces conditions, le public continuera de payer comme il l’a toujours fait. C’est-à-dire pour l’accès à des contenus et des services, qui incluront de l’information de qualité, sélectionnée, disponible partout immédiatement et consommée de plus en plus en mobilité.

Crise systémique

Dans cette crise systémique, des médias traditionnels, figés dans les vieux moules du passé, meurent aujourd’hui, alors que nous souffrons de… Boulimie d’informations. Tout simplement parce que les nouveaux offrent des contenus et des services que les anciens ne fournissaient pas, à des coûts beaucoup plus bas, et avec beaucoup plus de flexibilité.

Les anciens demeurent sur la défensive et ont toujours beaucoup de mal à s’ajuster à ce nouveau monde, où les vieux modèles se désagrègent plus vite que n’émergent les nouveaux.

Combien de ce qu’ils ont perdu dans la crise arriveront-ils à récupérer? Auront-ils le temps de s’adapter alors que les pressions pour réduire les coûts restent très fortes et que la rigueur risque de couper l’élan de la reprise? Quel est l’avenir des unités éditoriales en ligne qui poussent un peu partout?

Pour la presse des pays riches, tout, ou presque, continue d’être orienté à la baisse : le nombre de pages, la diffusion, l’intérêt des annonceurs, les revenus publicitaires, les effectifs. A eux seuls, les magazines américains ont vu s’envoler le quart de leurs pages de publicité l’an dernier.

Chiffres dantesques : -10 milliards $ en un an !

Aux Etats-Unis, pour la presse quotidienne, la publicité, qui assure 80% des revenus des journaux, 2009 fut la pire année en près de 50 ans, avec des chiffres dantesques : le manque à gagner se monte à 10 milliards de dollars par rapport à 2008, déjà désastreuse. L’an dernier, sur le papier elle a encore chuté de 28%, sur le web de 12%, et les petites annonces, dont plus des deux tiers ont disparu depuis 2000, se sont de nouveau évaporées, au rythme de près de 40% en 2009.

L’accélération de la débâcle, qui s’était précipitée en 2008, semble un peu ralentir en ce début 2010. Les patrons de presse évoquent quelques bonnes périodes, puis, souvent hélas, de nouveau des trous noirs. La crise publicitaire est aussi structurelle. Côté papier, il n’y a plus grand chose à réduire: les coûts d’impression et de distribution ne baissent plus et les rédactions ont souvent fondu d’un tiers.

Ils avouent aussi avoir de plus en plus de mal à mettre en oeuvre cette migration vers le numérique, qui, d’une année sur l’autre, n’avance guère finalement. Même Microsoft perd des centaines de millions de dollars sur le web ! Car aujourd’hui, les meilleures places du nouvel écosystème média sont occupées par l’audience, les agrégateurs, les moteurs de recherche et les distributeurs ; non par les producteurs de contenus.

Révolution en marche : les insurgés ont pris les armes ! Le combat est inégal !

Quinze après l’arrivée du web grand public et la prise de conscience progressive de la démocratisation de l’écriture, tout le monde est aujourd’hui devenu un média. La quasi-suppression des barrières à l’entrée pour la publication et la distribution de contenus, a conduit agents politiques, économiques, sociaux, associatifs, culturels, humanitaires, religieux, sportifs, collectifs ou individuels, à prendre directement la parole, et donc à court-circuiter les corps intermédiaires, les médiateurs.

Comme d’autres grandes institutions du 20ème siècle, les médias ont beaucoup de mal à se réinventer. Comme à la Renaissance, une grande période de questionnements remplace une période de révérence.

Ce monde a changé : le réseau Internet englobe des parties de plus en plus significatives de nos activités et de nos vies! Nos vies personnelles et professionnelles passent moins par le papier que par l’écran.

La technologie aussi s’est démocratisée. L’infrastructure pour des connexions massives et en mobilité est en place. Le quart de la population mondiale est interconnecté par un réseau sans tête. L’ordinateur portable est passé devant le fixe. Des milliards de gens sont équipés de téléphones portables. Le mobile ne sert plus à téléphoner: l’échange de données y dépasse le transport de la voix.

L’Internet est sur soi, et plus seulement chez soi. L’internet mobile va dépasser l’Internet fixe. Son adoption par la population est huit fois plus rapide que pour le web. Tout ce que nous faisions à la maison ou au bureau, nous le faisons désormais en déplacement. Dans la rue, les gens ne parlent plus seulement tout seul, mais marchent, penchés en avant, le regard sur leurs écrans d’iPhone ou de Blackberry. Dans les cafés, les laptops sont ouverts, et bientôt les tablettes vont fleurir. La vidéo est consommée partout, via les smart phones et bientôt les lecteurs ebook.

Les DVD sont obsolètes, les CD jetés par les ados, à peine téléchargés, même les fichiers numériques vieillissent face au streaming. Un téléphone portable n’est plus d’ailleurs un simple appareil mais leur alter ego, une extension de leur personnalité, doté d’une bien meilleure mémoire ! Google a presque maîtrisé la traduction simultanée des conversations. La 3D arrive dans nos télévisions connectées au web, et bientôt dans nos mobiles…

Le multi-tasking, n’est plus une exception, mais devient la norme: l’accès à l’information, au savoir, voire à la culture est non seulement instantané, mais souvent réalisé en toile de fond d’une autre activité.

L’information est de plus en plus délivrée en flux, en courants, au fil de l’eau. Elle est stockée non plus dans nos disques durs ou nos serveurs, mais dans les “nuages“. L’extraordinaire succès des applications (à la iPhone) donne aussi un coup de vieux aux navigateurs, voire aux sites web eux-mêmes.

De plus en plus d’appareils différents sont utilisés par une même personne, pas nécessairement techno-béate ! Chaque mois, ou presque surgit une nouvelle rupture technologique : netbooks, smart phones, lecteurs ebook, iPad, 3D, réalité augmentée, etc…

Les réseaux sociaux en ligne prennent la place de la machine à café ou du bistrot. L’Internet et les mobiles ont ajouté une dimension d’expérience sociale à l’information.

Réseaux sociaux : une résidence secondaire !

L’Internet n’est donc pas qu’un lieu d’accès à la connaissance et au savoir. C’est désormais surtout un lieu de socialisation, un endroit où de plus en plus de gens vivent, échangent et communiquent. Une résidence secondaire ! Un lieu où l’information, partagée, est libre de circuler. Un endroit où les gens sont heureux de collaborer sans être rémunérés. Pour les jeunes, les réseaux sociaux sont désormais comme l’air qu’ils respirent ! La musique n’est plus seulement mobile, elle est devenue sociale.

Aujourd’hui, les géants des réseaux sociaux cherchent à prendre la place des anciens grands portails (Google, Yahoo, MSN…) comme porte d’entrée unique du web, et sont souvent plus utilisés que l’email pour communiquer. Ce sont des lieux privilégiés d’informations instantanées et partagées avec l’audience.

Ces “médias sociaux”, nouveaux médias de masse, où les contenus – rappelons-le -, sont produits, modifiés et distribués, au moins en partie, par leur audience, bousculent nos manières de travailler.

Après Google, Facebook (près de 500 millions d’utilisateurs) recentralise le web, en devient son premier site d’informations et le premier pourvoyeur de trafic, et sert d’identité numérique aux internautes pour circuler d’un site à l’autre. Twitter (100 millions) continue sa phénoménale expansion en devenant un outil de « broadcast », de diffusion publique et massive d’une personne vers une multitude, qui bat souvent les médias pour donner les infos importantes et les tendances. Skype compte plus de 500 millions d’utilisateurs, Mozilla et Wikipédia en ont 350 millions chacun.

Après des années d’efforts pour se placer le mieux possible sur Google, cet essor faramineux entraîne les médias traditionnels à privilégier désormais l’optimisation aux médias sociaux (SMO après le SEO): tout faire pour exister là où les gens vivent et échangent. Là où chaque information est accessible instantanément et peut être commentée en temps réel. Pour les médias, le temps réel a remplacé le “prime time”.

L’époque où chacun lisait chaque jour son journal imprimé arrive à son terme. Il devient d’ailleurs physiquement difficile de trouver des quotidiens en papier dans certains centre ville américains, voire même dans des grands hôtels aux Etats-Unis. Cette année, pour la première fois, des prix Pulitzer ont récompensé des sites web d’infos. Le règne sans partage des medias traditionnels, financés par de la publicité globalement inefficace est terminé.

C’est un nouveau temps de co-création avec les « consommacteurs » de l’information, de production pluridisciplinaire en réseau, d’innovations dans la distribution sur les réseaux. Cinq ans après son lancement, le site Huffington Post pourrait dès cette année dépasser le trafic du New York Times.

Le public, guidé par les progrès technologiques, réclame pertinence, instantanéité, facilité d’utilisation, localisation, connectivité, personnalisation de l’information, pour simplifier et enrichir sa vie. De l’information utile au moment présent et venant de multiples canaux.

Pour les médias traditionnels, victimes comme d’autres grandes institutions du 20ème siècle de la défiance du public, cette nouvelle équation gagnante signifie un défi compliqué: amener l’information là où les gens vivent, et essayer de la monétiser. D’où un bel avenir pour la publicité locale.

Tablettes et terminaux nomades: révolution des usages et espoir de la presse

Les tablettes constituent la première vraie opportunité des médias depuis l’arrivée de la dépression, et le développement informatique le plus important depuis l’arrivée des micro-ordinateurs. Elles risquent bien de transformer trois industries qui convergent actuellement à grande vitesse (l’informatique, les télécommunications et les médias).

Elles ouvrent un nouveau marché (une dizaine seront disponibles en 2010) et vont créer une nouvelle relation entre le public et les contenus, entre le public et l’informatique connectée, notamment par ce lien tactile qui permet de surfer avec les doigts et ce web embarqué, qui vont devenir la norme pour les petits objets.

L’iPad d’Apple, vendu à plus d’un million d’exemplaires le premier mois, s’ajoute aux autres appareils nomades (téléphones, laptops, baladeurs). Avec un produit sui generis, Apple fort de plus de 100 millions de clients, tente pour la 4ème fois, une révolution des usages, après avoir déjà transformé l’industrie des ordinateurs individuels (MacIntosh), de la musique (iPod) et de la téléphonie (‘iPhone).

Il offre la combinaison unique des qualités de l’imprimé, du web et de la mobilité et y ajoute une interface tactile. Et surtout un design séduisant de l’appareil et de ses contenus.

Planchettes de salut?

Les tablettes seront-elles de nouveau des outils de distribution de masse de contenus contrôlés (comme les journaux, la télé, la radio) ? Feront-elles revenir l’audience vers de l’information payante ? Les éditeurs seront-ils à la hauteur de cette nouvelle — et peut être dernière — opportunité ? L’iPad sauvera-t-elle la relation entre publicité et éditeurs ?

C’est en tout cas une révolution qui s’annonce pour le monde de l’éducation et déjà un formidable appareil de consommation de média, pour de l’informatique de loisirs passifs (« couch computing »), et donc un nouveau canal de distribution. Nouvelle forme d’accès aux consommateurs pour les marques, l’espoir est d’y vendre un contenu professionnel et que les annonceurs suivent.

Attention toutefois à la tentation de « minitelisation » du web ! Ne réussiront que ceux qui investiront pour y créer une nouvelle valeur pour le consommateur. Les éditeurs doivent se mettre vite au web mobile et aux tablettes, réinventer leurs contenus, stimuler leurs journalistes, créateurs et développeurs et travailler avec les départements marketing pour proposer de nouvelles offres.

Encourageant une nouvelle forme de lecture numérique, elles peuvent encourager une nouvelle forme de journalisme, plus riche, plus longue et plus multimédia. En somme, plus magazine et moins instantanée, comme les web documentaires.

Mais attention, les éditeurs vont aussi être en compétition directe avec d’autres fournisseurs majeurs de contenus : groupes de télévision radios, jeux vidéos, pure players, etc…

Les tablettes ne sauveront donc pas les médias qui sont déjà sous la ligne de flottaison, qui sont déjà dépassés par le web fixe, ou n’ont pas les capacités d’investir, mais elles donneront un coup de fouet aux plus puissants. C’est pour eux l’une des meilleures nouvelles d’espoir depuis des années. Mais pour les autres, le coût pour générer des revenus supplémentaires sera trop élevé.

Il faudra aussi du temps pour que leur utilisation se répande dans le public et pour que les éditeurs y voient clair dans les modèles d’affaires possibles. Il faudra être patient. Le retour sur investissement ne se fera pas en 2010. Nous n’en sommes qu’au début du web mobile et des tablettes, même si les ventes de tablettes (iPad, lecteurs ebook…) devraient atteindre 12 millions d’unités cette année après 5 millions en 2099 et 1 million en 2008.

L’érection désordonnée de nouveaux murs payants

L’arrivée des tablettes, associée à l’espoir d’une nouvelle monétisation, arrive la même année que l’instauration, en ordre dispersé et sans consensus, de barrières payantes sur les contenus d’informations en ligne, annoncée en fanfare il y a juste un an, sans que personne ne puisse dire, à ce jour, si cette stratégie s’avérera …. payante !

Il semble qu’on s’achemine, en fait, vers de nouveaux modèles hybrides avec quelques certitudes: la fidélité à une marque est plus faible en ligne, où la gratuité est une habitude bien ancrée, et où seuls les contenus de qualité, rares, utiles et sélectionnés, pourront se vendre.

Mais pour l’instant, la prudence est de mise. Chacun surveille ses concurrents de peur qu’ils ne laissent, eux, tout gratuit, comme en ont décidé, en Grande Bretagne, le Guardian, le Daily Mail ou le Mirror, en face des murs que mettra en juin Murdoch autour de ses journaux, Times et Sunday Times. Il préfère de petites audiences qui paient à de grandes qui ne paient rien.

Aux Etats-Unis, le New York Times mettra en place en janvier 2011 un péage au compteur (paiement après quelques visites gratuites, comme le Financial Times). En embuscade, le Washington Post reste en mode « wait & see ».

Même si chacun sait que la publicité média ne reviendra pas à ses niveaux antérieurs, qu’elle ne financera plus une rédaction à Peshawar, rares sont ceux désireux de se couper d’audiences, souvent en forte augmentation.

Chacun sent bien aussi que ce type d’initiative se fait à contre-courant d’évolutions sociétales actuelles fortes : ouverture, partage, collaboration, coproduction, etc…

Une logique « freemium » semble donc l’emporter aujourd’hui associant des contenus gratuits (le plus souvent des informations généralistes partout disponibles) à des contenus uniques de niche, et des services de qualité, à valeurs ajoutées, payants. Comme l’information en mobilité (smart phones, tablettes), au risque d’accélérer le déclin du papier. Et, au lieu de faire payer tout le monde un petit peu (longue traîne), l’idée est d’essayer d’obtenir un peu plus de quelques uns. Tout un équilibre savant à trouver.

Surtout que l’enjeu n’est pas seulement de faire consommer des contenus existants, mais surtout de retrouver une nouvelle pertinence, et de ré-initier la relation distendue avec le public.

Distorsion de concurrence et usines à contenus

Les choses se compliquent aussi avec deux nouveaux phénomènes.

D’abord l’apparition ces derniers mois d’un nouveau modèle d’affaires sur le marché de l’information: l’industrialisation de la production de contenus avec de véritables usines (ou fermes) “low cost” produisant chaque jour à la chaîne des milliers d’articles “fast food” de médiocre qualité (textes, photos, vidéos), produits de manière indifférenciée par des pros et des amateurs en fonction des requêtes les plus populaires des moteurs de recherche. Objectif: accroître le trafic des sites d’infos et toucher un peu plus de publicité. Certains estiment qu’en jouant ainsi avec les algorithmes de Google, ces nouvelles firmes de média vont rendre encore plus difficile la recherche du signal dans le bruit.

Ensuite, l’arrivée d’un vrai risque de distorsion de concurrence sur Internet (où tout le monde converge pour offrir finalement un contenu multimédia identique) venant des grands groupes de l’audiovisuel public, qui ont des ressources sans commune mesure avec les médias privés.

Financés par des subventions ou des redevances, ces grandes maisons comme la BBC, l’ARD, la RTBF, etc… mettent en place des stratégies 360°(TV, Internet, mobiles) pour maximiser le nombre de contacts tout au long de la journée avec le public. Elles viennent concurrencer les sites web sur des contenus d’information généralistes, mais défendent la notion d’intérêt général et de bien public que le marché ignore. Faute de modèles économiques probants et dans un secteur en crise, les médias publics risquent bien de devenir plus importants d’ici 10 ans. Bruxelles risque quand même de s’en mêler de plus en plus.

Le génie ne retournera pas dans la bouteille !

Parions que même avec les tablettes et les murs payants en ligne, le génie Internet ne retournera pas dans la bouteille. Le web a atomisé et démultiplié les contenus. Le public a appris à surfer, explorer, découvrir et réassembler. Il n’y jamais eu autant d’outils et d’appareils pour les mettre en relation avec un nombre aussi grand de sources. Après un web de publication et de diffusion, nous avons un web social de flux, où le temps s’est accéléré et l’espace rétréci.

C’est sans doute la chance des médias traditionnels et des journalistes: remettre un peu d’ordre, trier, sélectionner, vérifier, relier, mettre en perspective, donner du sens, packager, personnaliser l’information et les données, qui sont le nouveau pétrole de cette économie post industrielle.

Dans un environnement plus complexe et moins linéaire, les groupes de médias doivent évoluer de manière flexible, dans une culture de l’expérimentation, car ils naviguent dans des eaux qui changent constamment.

Mais attention aussi à la tentation de diaboliser Internet comme en Chine, voire en Australie, où le contrôle s’accroît. L’Internet est à tous, comme la culture. Méfions nous des tentatives d’en restreindre l’accès. La frustration devant les chambardements en cours ne sert à rien, surtout si on continue de proposer des contenus et des produits du 19ème siècle!

Pour offrir la meilleure expérience dans une société de l’interaction, les médias devront réconcilier la dynamique sociale du web et des contenus de qualité. Et garder ce qui fait leur force : leur capacité et leur structure reconnue pour enquêter sur les terrains difficiles et vérifier l’information. Car ils restent récipiendaires d’une certaine confiance. Pour combien de temps ?

Nous ne sommes qu’au tout début de cette révolution de l’information et personne ne sait où elle va !

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Billet originellement publié sur le blog d’Eric Scherer sous le titre “Remettre le génie dans la bouteille”.

Titre par Pierre France.

Retrouvez tous les autres cahiers de tendances d’Eric Scherer :

La nouvelle version sera bientôt disponible sur la soucoupe /-)

Crédits Photo CC Flickr : DotpolkaKevharbOberazziShironeKoeuroObservatoryleakNeedoptic.

Voici l’interview d’Eric Scherer réalisée par Damien van Achter pour le RTBFLabs :

Cliquer ici pour voir la vidéo.

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