OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Irlande: les banques veulent les intérêts et les primes d’intérêts de la crise http://owni.fr/2010/11/29/irlande-les-banques-veulent-les-interets-et-les-primes-interets-de-la-crise-pret-cds/ http://owni.fr/2010/11/29/irlande-les-banques-veulent-les-interets-et-les-primes-interets-de-la-crise-pret-cds/#comments Mon, 29 Nov 2010 15:52:09 +0000 Paul Jorion http://owni.fr/?p=37289 Plusieurs choses à dire sur l’aide à l’Irlande. Je commence par quelques principes généraux.

Quand un pays connaît des difficultés de dette ou de déficit publics, les taux dont il doit s’acquitter pour des emprunts de diverses maturités s’élèvent. Il s’agit là d’une règle générale qui s’applique bien entendu à tout emprunteur, État, société ou particulier. Cette hausse a pour cause ce qu’on appelle le « risque de crédit », autrement dit, le risque de non-remboursement. Quel en est le mécanisme ?

En raison du risque de non-remboursement, l’emprunteur inclut dans le taux qu’il réclame une prime de risque : en réclamant un taux d’intérêt plus élevé qu’il ne serait normal s’il n’existait aucun risque de ne pas voir l’argent avancé lui revenir, le prêteur se constitue une cagnotte dont l’objectif est de couvrir, statistiquement, le risque qu’un jour l’un de ses emprunteurs ne pourra pas payer la somme ou ne la remboursera que partiellement. Les produits dérivés appelés Credit-Default Swaps (CDS) sont là pour évaluer le risque de défaut : celui qui court un risque est bien motivé en effet à l’évaluer correctement.

Sauf que l’on peut contracter un CDS sans être exposé à un risque (position « nue »), juste pour le plaisir de parier sur le malheur d’un État et gagner de l’argent sur le malheur de sa population (Ouh ! les vilains ; voir l’entretien avec Pascal Canfin, à propos de son initiative contre les CDS « nus », aujourd’hui dans Les Échos).

Pas touche aux primes des banques !

Ceci étant compris, quatre questions se posent :

Première question
Comment expliquer alors l’indignation de candidats prêteurs [les banques et organisations financières, NdR] à la suggestion de l’Allemagne qu’à partir de 2013, les prêteurs à un État de la zone euro pourront être à mis à contribution en cas de difficultés pour l’emprunteur, sous la forme d’une restructuration, d’une baisse du taux ou d’un rééchelonnement de la dette, puisqu’il s’agit de l’éventualité précisément couverte par l’inclusion d’une prime de risque (parfois considérable) dans le taux d’intérêt ? Ces investisseurs considèrent-ils que la surcote du taux de la dette d’État est un cadeau qui leur est simplement accordé ? La réponse est oui : ils n’ont jamais alimenté de cagnotte avec cette surcote, ils ont pris la mauvaise habitude de la considérer comme une aubaine pure et simple.

Deuxième question
Pourquoi l’Irlande ou la Grèce doivent-elles accorder des taux élevés (Euribor 3 mois + 3,5 %) aux pays européens qui leur viennent en aide puisque le mécanisme mis en place a pour but d’empêcher qu’elles fassent défaut, ce qui signifie que le risque de crédit est réduit à zéro, et qu’il n’y a donc aucune justification à l’inclusion d’une prime de risque dans le taux réclamé ? Ces nations prêteuses considèrent-elles que la surcote du taux est un cadeau qui leur est simplement accordé ? Même réponse que plus haut : il n’y a pas de petit profit (surtout s’il est gros, comme dans ce cas-ci !).

Un « compromis » pour tuer toute sécurité

Troisième question
Pourquoi appeler « compromis » le fait qu’après avoir dit qu’à partir de 2013, les prêteurs de la zone euro seront éventuellement exposés à une restructuration de la dette des États, on ajoute que les situations seront examinées « au cas par cas » ? C’est difficile à dire puisqu’il ne s’agit pas d’un compromis mais de l’ajout d’une clause qui émascule complètement le principe général, le « cas par cas » rendant la règle totalement inapplicable puisque fondée sur l’arbitraire. L’incertitude du prêteur sera totale sur ce qui l’attend ! A-t-on entendu parler au niveau le plus élevé où ces décisions se prennent, de la surcote d’incertitude qu’exigent les marchés ?

Quatrième et dernière question
Les « stress-tests », les fameux tests de résistance des banques européennes ayant été faits en excluant l’hypothèse d’une restructuration de la dette d’un quelconque pays de la zone euro, doivent-ils être refaits maintenant que la restructuration est envisagée ? La réponse est oui.

(*) Un « article presslib’ » est libre de reproduction en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Paul Jorion est un « journaliste presslib’ » qui vit exclusivement de ses droits d’auteurs et de vos contributions. Il pourra continuer d’écrire comme il le fait aujourd’hui tant que vous l’y aiderez. Votre soutien peut s’exprimer ici.

Billet publié initialement sur le blog de Paul Jorion sous le titre BFM RADIO, LUNDI 29 NOVEMBRE A 11h39 – COMMENT GERER LES CRISES, A L’AVENIR.

Photo FlickR CC Andrew Mager ; William Murphy.

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La Grosse Bertha http://owni.fr/2010/05/10/la-grosse-bertha/ http://owni.fr/2010/05/10/la-grosse-bertha/#comments Mon, 10 May 2010 14:45:05 +0000 Paul Jorion http://owni.fr/?p=15091 [Ce texte est un « article presslib’ »]*

Alors, est-ce vraiment depuis hier « Un pour tous, tous pour un » ?

On a en tout cas rassemblé 750 milliards d’euros. Autrement dit, on a sorti la Grosse Bertha.

Qu’est-ce qui s’est passé ces jours derniers ? Eh bien, tout ce à quoi on aurait dû penser à froid, au moment où l’on mettait en place la zone euro, on a été obligé de le résoudre à chaud, dans la précipitation et en courant dans tous les sens. Le texte du Traité de Lisbonne, tel qu’il a été rédigé, étant inutilisable, on a été obligé de le contourner par des astuces comme un SPV (Special Purpose Vehicle), une structure ad hoc à qui on prête de l’argent et qui elle, l’utilisera ni vu ni connu, sa spécificité étant qu’elle a le droit de faire toutes les choses qu’on s’était interdit de faire à soi-même. Et tout particulièrement que les nations dans la zone euro manifestent les unes envers les autres une réelle solidarité.

Eh ! que voulez-vous, c’est une Europe « libérale » que Maastricht avait mis en place, pas l’Europe solidaire dont on s’est rendu compte sur le tard qu’on avait réellement besoin !

Il reste un peu de naïveté cependant dans la démarche : défier la spéculation en se tambourinant la poitrine et en criant : « Je suis plus fort que toi ! », ça ne suffit pas. La spéculation est comme l’hydre de Lerne : on lui coupe l’une de ses sept têtes, ou même les sept à la fois, et elles repoussent aussitôt.

Ce qu’il faut mettre en place, pour mettre la spéculation hors d’état de nuire, c’est une interdiction des paris sur les fluctuations de prix. On ne pourra pas en faire l’économie.

Est-ce que tous les problèmes sont résolus ? Non bien sûr puisque le cadre conceptuel erroné est intact. Tant que la dette publique et le déficit d’une nation seront calculés par rapport à leur PIB, ils sembleront augmenter de manière mécanique en période de récession, par une illusion d’optique : simplement parce que les chiffres absolus sont divisés par un coefficient qui se réduit pendant ce temps-là comme peau de chagrin. Alors que c’est précisément dans ces périodes que les États devraient pouvoir mobiliser l’outil de l’endettement plus librement.

Pour que l’Europe de la zone euro cesse de s’en prendre à ses citoyens chaque fois que ses banquiers perdent certains de leurs paris, il faudra que dettes et déficits cessent d’être calculés en pourcentage du PIB. Si l’on ne résout pas cette erreur conceptuelle, toute crise aura toujours le même effet : elle débouchera sur des programmes d’austérité qui s’en prennent par priorité aux avantages sociaux.

Le Pacte de Stabilité de la zone euro doit être réécrit en des termes qui aient un sens du point de vue économique. Quand il aura un sens économique il aura automatiquement aussi un sens social.

Dans l’euphorie ambiante de ce matin, il ne faudrait pas perdre de vue que quelle que soit la radicalité apparente des mesures prises hier, le système qui siphonne l’argent du contribuable vers les plus grosses fortunes est toujours en place, et plus que jamais en excellente santé.

Lire, sur le même sujet et sur le même blog :

> Le Fil rouge

> La Grèce, Moody’s et le destin de la zone euro

> Pourquoi la Grèce peut sauver le monde

> Les gouvernements d’union nationale

Article initialement publié sur le blog de Paul Jorion

Illustration CC Flickr “The 10 on Crisis Street” par Andres Rueda

(*) Un « article presslib’ » est libre de reproduction en tout ou en partie à condition que le présent alinéa soit reproduit à sa suite. Paul Jorion est un « journaliste presslib’ » qui vit exclusivement de ses droits d’auteurs et de vos contributions. Il pourra continuer d’écrire comme il le fait aujourd’hui tant que vous l’y aiderez. Votre soutien peut s’exprimer ici.

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