OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Guild Wars 2 en attendant l’Open Data http://owni.fr/2012/10/18/guildwars2-en-attendant-open-data-gw2-mmorpg/ http://owni.fr/2012/10/18/guildwars2-en-attendant-open-data-gw2-mmorpg/#comments Thu, 18 Oct 2012 10:12:07 +0000 Sylvain Lapoix http://owni.fr/?p=123107 Image issue du tumblr Fabulous Quaggan

Image issue du tumblr Fabulous Quaggan

Malgré un nombre de joueurs approchant la population parisienne, le jeu de rôle heroic fantasy à univers persistant Guild Wars 2 n’avait jusqu’ici aucun institut de statistique valable.

Parité pièces d’or-gemme

Le 23 août dernier, ce manque a été partiellement comblé quand John Smith, membre de l’équipe du développeur ArenaNet, a publié un billet portant sur l’économie virtuelle dans la bêta sur le blog officiel de ce concurrent de World of Warcraft.

En évaluant notamment l’argent récolté selon les professions choisies par les joueurs pour leurs personnages, le développeur a ainsi pu opérer des corrections pour éviter de trop forts déséquilibres, notamment en faveur des bijoutiers. À cela, d’autres indicateurs ont été ajoutés afin de comparer l’économie du jeu à l’économie réelle (en l’occurrence à celle des États-Unis), comme la distribution des richesses par déciles de population aux Etats-Unis (en dollar) et dans le jeu (en pièce d’or) ou la parité pièces d’or-gemme dans le jeu rapporté au cours de l’action Facebook.

Cliquez sur l'infographie pour l'agrandir

Cliquez sur l'infographie pour l'agrandir

Fort de l’intérêt suscité par ces considérations économétriques, John Smith a ressorti ses tableaux Excel pour une deuxième fournée le 14 septembre, basée cette fois-ci sur les équilibres entre l’offre et la demande dans le commerce interne au jeu. En clôture de ce billet, ArenaNet offrait cette fois-ci un graphique sur la sociologie et la démographie des personnages créés par les joueurs, classant les préférences en matière de races, professions et compétences commerciales :

Discrimination raciale

Une publication qui s’est muée en polémique quand Peter Fries, un des scénaristes du jeu, a poussé un coup de gueule face à l’ostracisme dont les races des Asuras (lutins technophiles) et des Charrs (félidés béliqueux) se voyaient frappés :

AMHA, ceux qui évitent Charrs et Asuras passent à côté des éléments narratifs les plus puissants de ce jeu.

Les données elles-mêmes ont vite été récupérées par la communauté et notamment par un développeur californien Eric Hazard, qui a remixé les chiffres livrés par ArenaNet en une dataviz interactive.

Consultable sur le site Guildwars2viz, l’application est également décrite dans l’intégralité de son code sur le réseau social Github. A une grosse couche de Javascript, l’auteur a ajouté une bibliothèque de simplification, Coffeescript, et des touches de Python et de LESS (pour le CSS).

Pas forcément niché aux endroits où on l’attend, l’Open Data a également de l’avenir dans le jeu vidéo et les MMO !

Guild Wars 2 Visualization - Eric Hazard (extrait)

Guild Wars 2 Visualization - Eric Hazard (extrait)


Images issues du Tumblr Crossdressing Quaggan et des sites GuildWars2.com et GuildWars2viz.com.

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Hacker 007 http://owni.fr/2012/08/17/hacker-007/ http://owni.fr/2012/08/17/hacker-007/#comments Fri, 17 Aug 2012 13:44:43 +0000 Maxime Vatteble http://owni.fr/?p=118123 Watchdogs, un des jeux vidéo les plus attendus de 2013. Un costume difficile à porter selon Olivier Mauco, docteur en science politique spécialisé dans les cultures numériques, car il pourrait camoufler l'activité des véritables hackers.]]>

Capture d'écran officielle de Watchdogs, jeu vidéo d'Ubisoft

Devenir un héros. C’est le nouveau rôle donné aux hackers dans Watchdogs, jeu d’Ubisoft à venir qui avait fait sensation au dernier E3, le plus grand salon mondial du jeu vidéo organisé chaque année à Los Angeles. Les joueurs pourront se glisser dans la peau d’Aiden Pierce, technophile super débrouillard et fondu de hacking.

Capable de déchiffrer des codes d’accès, de brouiller des caméras de surveillance ou encore de modifier la signalisation des feux rouges avec son smartphone, il détourne incognito les technologies disséminées dans le paysage urbain. Une vision bien éloignée de la vrai nature du hacking puisqu’Aiden Pierce se contente a priori d’appuyer sur des boutons, comme on peut le voir dans la démo du jeu :

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Le pirate devient alors aussi efficace que James Bond. Même si la menace potentielle que représentent les blacks hats, c’est-à-dire les cybercriminels de tout poil, suscite encore la méfiance des administrations, des entreprises et des géants de l’industrie informatique, le talent des white hats, des bidouilleurs bienveillants, est recherché : pour le Sénat français, leurs compétences sont même considérées d’intérêt public.

Pour Olivier Mauco, auteur du blog Game in Society , docteur en science politique et membre de l’Observatoire des Mondes Numériques en Sciences Humaines (OMNSH) c’est la perception du hacking dans les représentations populaires qui a évolué : le pirate informatique n’a plus cette image de parasite qui lui colle à la peau, il peut désormais être un acteur de la société civile et défendre des causes, à l’instar de certains Anonymous. Il a analysé pour Owni cette nouvelle incarnation de la figure du hacker.

Un hacker peut-il être aujourd’hui un héros de jeux vidéo populaire ?

Olivier Mauco : La figure du hacker fascine depuis un moment au sein de la communauté geek. Il avait déjà été mis en scène au cinéma, notamment dans le grand classique War Games où un adolescent qui pense jouer à un jeu vidéo est sur le point de déclencher la troisième guerre mondiale. Plus globalement, le pouvoir de la technologie est une composante classique des films de science fiction, l’intelligence artificielle Skynet dans Terminator en est l’exemple le plus frappant. La glorification de la figure du hacker est une tendance de fond et non une véritable nouveauté.

Les hackers ont enfin fait cracker le Sénat

Les hackers ont enfin fait cracker le Sénat

Enfin ! Le dernier rapport du Sénat sur la cyberdéfense montre un changement net de regard sur la communauté des hackers. ...

Toutefois, la culture du hacking s’est démocratisée grâce à la simplification des outils et à la nouvelle image véhiculée par les hackers après Wikileaks et le mouvement Anonymous. L’internaute lambda ne sait pas lire le code ou ne sait pas ce qu’est un langage informatique, il ne maîtrise pas la technique mais il aime l’interaction, le rapport direct avec les machines.

Dans Watchdogs, le héros va jusqu’au bout de cette interaction et prend le contrôle grâce à des outils technologiques. Ce hacker pirate est effectivement un héros de jeux vidéo en puissance mais il n’est qu’une représentation fantasmée du hacking. Ce qui est véritablement nouveau ici est l’aboutissement du processus d’identification à un héros qui est traditionnellement anonyme et généralement peu connu et surtout peu apprécié du grand public.

Watchdogs est un GTA-like, un genre souvent décrié pour sa violence. Les hackers risquent-ils d’être stigmatisés ?

Bien sûr, le hacker que l’on peut contrôler dans Watchdogs n’est pas un hacker ordinaire, il peut manier des armes et a des capacités physiques et intellectuelles dignes de faire de lui un héros. Les potentielles réactions négatives des parents des joueurs de Watchdogs ne constituent cependant pas le principal problème pour la communauté hacker. Là où elle peut être stigmatisée, c’est dans son rapport avec la société civile.

Alors que le hacker se place volontairement en dehors du système, il doit maintenant s’employer à le changer. Il devient ici un chien de garde au service des libertés et non d’un parti ou d’une institution. Il ne s’agit pas de remettre en cause le monde occidental mais de donner une nouvelle image du pirate, plus investi, plus en phase avec des réalités triviales. Il y a une nouvelle reconnaissance de l’action, et ainsi une nouvelle responsabilité.

Une responsabilité à vocation politique ?

C’est la notion de pouvoir qui est au centre de la question. Le hacking repose sur une question de plate-forme alors que le politique relocalise l’action. Dans le premier domaine, l’on cherche à diffuser une nouvelle information, à se réapproprier un message, à détourner des signaux. Dans le second, l’on cherche à représenter une population, à agir en son nom. Le hacking est une action politique, c’est-à-dire engagée, relevant d’une opinion ou d’une vision de la société mais n’est pas une action relevant de la vie politique traditionnelle, reposant sur un modèle vertical où le pouvoir est cloisonné et transférable.

L’institutionnalisation et l’organisation propre au système politique n’est pas adaptée à l’éthique du hacking car elle impose un cadre indépassable. Les hommes et femmes politiques actuelles ne semblent pas non plus prêts à apprivoiser totalement cette contre-culture comme on a pu le constater durant la dernière campagne présidentielle. L’UMP et le PS n’ont encore qu’une vague notion de ce qu’est et représente le numérique. Plus récemment, Fleur Pellerin a dit vouloir combattre la neutralité du net car l’Europe n’a pas appris à penser en termes de réseaux.

Le Parti Pirate pourrait-il en tirer bénéfice ?

La seule glorification de l’hacktivisme ne suffirait pas à donner un nouveau souffle politique à ce parti mais elle aurait le mérite de rendre visible son action et de redonner une signification plus concrète à ses attentes. Elle permettrait aussi de mettre au premier plan des débats essentiels à propos de la neutralité du net et des libertés numériques en général. Reste que cette structure n’est pas non plus pensée comme plate-forme mais comme une organisation.

De toute façon, il est réducteur d’associer tous les hackers sous la même bannière, qu’elle soit culturelle ou politique d’ailleurs. La politisation du hacker ne va pas de soi, ce qui lui importe c’est de pouvoir apporter sa voix au chapitre, de donner de nouvelles clefs de compréhension du monde numérique, culturel, politique.

Le hacker est-il alors condamné à être le seul maître d’un savoir faire ?

Tout le dilemme est là : il faudrait instituer la liberté individuelle et la masse au sein d’un même mouvement alors que le hacker n’est qu’une figure abstraite et non le représentant d’un groupe. Il n’est pas non plus voué à être érigé en modèle.

Encore une fois, c’est la notion de plate-forme qui importe ici : le hacker ne fait pas partie de l’organisation politique du pouvoir, il ne cherche pas la légitimité ou une position dominante puisqu’il s’intéresse à un partage horizontal de l’information et des savoirs.


Olivier Mauco analyse régulièrement la place des jeux vidéo dans la société sur son blog.

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C’est pas du jeu http://owni.fr/2012/06/07/la-culture-des-jeux-video-est-aux-fraises/ http://owni.fr/2012/06/07/la-culture-des-jeux-video-est-aux-fraises/#comments Thu, 07 Jun 2012 20:27:10 +0000 Anaïs Richardin http://owni.fr/?p=112808 gamification a eu lieu mardi 5 juin à Paris, chez Microsoft. L'occasion de constater à quel point cette notion, associée à des pratiques culturelles, vit en France une forme de préhistoire à déroulement lent. Très lent. ]]>

“Gaïmifiqueïchone”, “gaymificassion” ou même “gammificassion”, ce jour-là, les intervenants alternent les prononciations. Le plus simple serait d’utiliser “ludification”, le terme français consacré, mais tous préfèrent y aller de leur touche personnelle. Mardi 5 juin, dans la salle de conférence du 41 quai Roosevelt à Paris, 150 personnes assistent à la première conférence française sur la gamification – c’est-à-dire l’application des mécaniques du jeu à d’autres domaines.

Organisé par le site d’information Services Mobiles dans l’énorme bâtiment de verre et d’acier de Microsoft France, l’évènement n’a pas attiré les foules. Un public peu nombreux qui reflète la faible avancée de la France sur le sujet. Tout comme la difficulté à prononcer le terme gamification symptôme d’une non-appropriation du phénomène.

Terminologie à succès outre-Atlantique, elle commence tout juste à être susurrée à nos oreilles, généralement pour l’associer à une recette miracle à l’usage des publicitaires, journalistes, chefs d’entreprise, enseignants, médecins, formateurs, enfants… Mais il ne suffit pas de vouloir surfer sur la vague de la gamification pour obtenir un résultat probant comme l’a magistralement démontré la conférence Paris Gamification Day“.

Car certains intervenants semblaient tout aussi novices que leur audience, ne maitrisant ni l’art oratoire ni le sujet de la gamification. Sans compter les exemples présentés qui relèvent plus de la badgification, pointification, ou autre concept en -ification, que de la gamification à part entière.

Comme ce fut le cas pour Rypple,  un système, présenté par Olivier Nguyen Van Tan, qui permet de récompenser avec un badge un collègue ou un employé pour la qualité du travail accompli. Ici, point de gamification mais plutôt une badgification qui se rapprocherait du cas du site de François Bayrou, présenté à la conférence par son concepteur, Matthieu Lamarre.

Matthieu Lamarre et Vincent Puren

Dans ces deux exemples, les utilisateurs reçoivent des badges pour leurs actions. Dans un cas, cela repose sur l’appréciation d’un utilisateur, dans l’autre sur une auto-déclaration de réalisation de la mission. Et dans les deux cas, la récompense s’arrête à un badge. Or un simple badge n’est pas une motivation extrinsèque suffisante pour développer la motivation intrinsèque à réaliser une action, comme l’a expliqué Olivier Mauco, game designer et chercheur, lors de son intervention :

Les badges n’ont de valeur que relative. Ça notifie où est-ce que l’on est par rapport à sa progression et ça permet aussi de se positionner face à l’espace social. Si on regarde bien d’où ça vient, ces mécaniques-là ne sont pas forcément dans les jeux mais plutôt sur les market places et sur les Xbox live etc. donc on n’est pas encore vraiment au cœur du jeu vidéo. Si vous faites un dispositif de gamification sans réellement offrir quelque chose d’autre que les badges ça peut poser problème dans l’engagement.

Si la gamification est utile aujourd’hui c’est pour sa faculté à développer de l’engagement. Les badges n’étant pas suffisants pour capter l’attention de l’utilisateur sur le long terme (ex. de Foursquare, qu’on utilise intensivement au début et qu’on oublie ensuite, pour ne plus l’utiliser que sporadiquement), certaines entreprises offrent des récompenses en adéquation avec les besoins et les désirs des utilisateurs. C’est le cas de Babble Planet, présenté par le novice mais néanmoins très à l’aise Eugène Ernoult. Disponible à partir de septembre 2012, cette application permettra aux enfants entre 8 et 11 ans d’apprendre l’anglais et d’évoluer dans le jeu tout en améliorant leur prononciation, et en se confrontant à des joueurs du monde entier. Les phases de recherche sont actuellement en cours pour déterminer quelles récompenses seraient les plus adaptées à cette catégorie d’utilisateurs.

Divergence

Mot à la mode ou coquille vide pour certains, mouvement majeur et lame de fond pour d’autres. Les différents camps s’affrontent sur la gamification. Et c’est cette divergence d’opinions qu’on espérait voir dans cette salle Grand Bleu de Microsoft. Mais plutôt que de traiter du sujet en profondeur, majorité des intervenants sont restés à la surface. C’est de la confrontation que naissent les idées les plus intéressantes et les tables rondes tenaient ici plus de l’auto-promotion que du débat. Le public a ainsi pu découvrir des jeux comme Kompany, un advergame créé par OUAT Entertainment et Scanbucks, une application censée rendre le shopping plus ludique.

De nombreux jeux, qui utilisent la gamification à bon escient, comme Ludomedic, ont récemment vu le jour en France, et le choix des exemples présentés n’était certainement pas des plus judicieux. Pourquoi avoir choisi une application comme Scanbucks, qui incite les gens à scanner les codes barres de produits de marques pour obtenir des points, convertibles en gains ? Où se trouve la fameuse “couche de ludique” ? Qu’y a-t’il d’intéressant à parcourir les rayons à la recherche du dernier nettoyant pour sol co-brandé ? Si ce n’est pour obtenir 5 points, convertibles en une carte cadeau de 10 euros que vous obtiendrez dans un délai minimal de deux ans, sur simple présentation des 2500 points nécessaires.

Vanessa Lalo, Benjamin Thomas et Rémi Sussan

Puisque la conférence était censée être didactique, il est regrettable que certaines interventions n’aient pas été plus complètes. Comme celle de Vanessa Lalo, psychologue clinicienne spécialisée dans les médias numériques, qui était parfois bien dépourvue face à la teneur des questions de Benjamin Thomas, l’organisateur de l’événement, et qui a laissé l’audience sur sa faim. Prenant part à la dernière table ronde avec le journaliste Rémi Sussan, (Internet Actu, plutôt calé sur le sujet) ses réponses hésitantes n’ont guère éclairé le public. Un gâchis lorsqu’on lit ses articles fouillés sur les jeux vidéo et les médias numériques.

La conférence avait pourtant bien débuté : état des lieux du secteur du jeu vidéo par Julien Villedieu, délegué général du Syndicat national du jeu vidéo (SNJV) et présentation de la gamification par Olivier Mauco, qui maitrise son sujet. En France, le marché du jeu vidéo représente 1,7 milliards d’euros de chiffre d’affaire annuel, devançant l’industrie cinématographique. Face aux lieux communs que la majorité de la population partage sur les jeux vidéo, cette première intervention de Julien Villedieu a redéfini la typologie du joueur moyen. Fini le nerd boutonneux asocial, qui, les doigts crispés sur sa souris et son clavier, passe ses journées à jouer. Aujourd’hui le joueur est majoritairement une joueuse qui utilise son mobile. Le jeu vidéo est sorti de son périmètre habituel et c’est cette évolution qui permet aujourd’hui de capitaliser sur le potentiel énorme de la gamification.


Photos au mobile par Anaïs Richardin

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Pathologies vertueuses des jeux vidéo http://owni.fr/2012/05/30/pathologies-vertueuses-des-jeux-video/ http://owni.fr/2012/05/30/pathologies-vertueuses-des-jeux-video/#comments Wed, 30 May 2012 21:28:20 +0000 Anaïs Richardin http://owni.fr/?p=110549 gamification récente de la santé permet aujourd’hui de sensibiliser de manière plus efficace les citoyens aux maladies et au respect d’une vie saine. Pas très rock'n'roll mais efficace.]]>

Manger sainement peut désormais rapporter de l’argent et être aussi divertissant qu’une partie de World of Warcraft. Dans un article du New York Times du 12 mai dernier, Michael Paolini, ingénieur chez IBM, se confiait sur le développement de son programme qui incite les travailleurs à mieux se nourrir sur leur lieu de travail. Avec des gratifications financières à la clé.

Partant du constat que “l’argent parle à tout le monde”, la première version qui vient d’être brevetée offre des récompenses financières aux employés qui prennent soin d’eux. À l’avenir, elle pourrait aussi proposer des places de cinéma ou des animaux FarmVille. Ce programme repose sur un capteur d’activité à glisser dans la poche, mais aussi sur l’honnêteté de l’utilisateur qui communique lui-même le contenu de son assiette.

Le programme IBM n’est qu’une application parmi beaucoup d’autres de la gamification (transfert des mécaniques du jeu à des domaines non ludiques) à l’usage de la santé. Que ce soit pour améliorer l’efficacité d’un traitement, pour informer les patients sur leur maladie ou pour motiver les utilisateurs à prendre leur santé en main, la gamification et le jeu sont de plus en plus utilisés.

Mincir

Aujourd’hui l’employé de l’année est celui qui se nourrit sainement et qui fait du sport. Et si de nombreux employeurs prônent l’esprit sain dans un corps sain, il en est un qui a su motiver ses ouailles à prendre soin d’elles. Charlie Kim, le directeur général de Next Jump a installé une salle de gym dans chacun de ses bâtiments.

Las, seuls 15% de ses employés y pratiquaient régulièrement une activité physique. Pour les inciter à s’y rendre en plus grand nombre, il a mis en  jeu 25 000 dollars et a proposé aux employés de former des équipes pour augmenter leurs chances de gagner. Aujourd’hui, 80% de ses employés pratiquent régulièrement une activité physique dans les salles de l’entreprise. Une réussite pour ce chef d’entreprise qui va certainement voir décliner ses frais d’assurance.

Ce défi, qui développe une motivation extrinsèque importante (gain financier) joue aussi sur une forte motivation intrinsèque (dépassement de soi, progression, expérience). En intégrant ces incitations du jeu dans la routine quotidienne des employés, ce challenge fitness encourage les employés à prendre soin de leur corps, sans pour autant les obliger à quoi que ce soit. Ce qui peut passer pour de l’ingérence malvenue n’est au final qu’une motivation supplémentaire. C’est d’ailleurs sur cette liberté d’action que repose le jeu et ses mécaniques. Jouer doit être une activité libre, ici courir l’est tout autant. Une situation profitable pour tous.

Motiver

Les jeux qui s’appuient sur la réalisation d’exercices physiques (ou exergames) existent depuis de nombreuses années. Les plus connus sont les jeux de wii-fit, et ceux qui reposent sur les technologies de reconnaissance de mouvement comme la Kinect. D’autres systèmes vont aujourd’hui plus loin en proposant de jouer et d’entrer en compétition avec d’autres, mais plus devant un écran.

Pour Raph Koster, créateur de jeux vidéo, la motivation à réaliser une action n’est pas toujours évidente à trouver. En revanche, les mécaniques de jeu et de compétition permettent de la développer :

Les challenges physiques ne sont pas fun en soi. Le sentiment de triomphe lorsque vous pulvérisez un record personnel l’est.

Lancé à l’automne 2011, Zamzee vise à extirper les enfants (et les adultes, qui se prennent eux aussi au jeu) de leur canapé.

Basée sur un système de prime à l’effort, cette plateforme repose sur un capteur d’activité que les enfants glissent dans leur poche ou clipsent à leur chaussure. Ce moniteur enregistre tout au long de la journée la distance parcourue lorsque ceux-ci jouent, courent, marchent. Ces informations, une fois téléchargées sur le site web permettent d’obtenir des points correspondant au degré d’activité physique de la journée.

Ces points sont convertibles en une monnaie fictive, le Zamz,  elle-même convertible en cadeaux (bons d’achat, ballons, jeux). Pour peu que les parents aient au préalable acheté des crédits. Ces précieux Zamz, les enfants peuvent aussi les obtenir gratuitement en réalisant des défis sportifs. Les utilisateurs peuvent observer l’évolution de leur courbe d’activité quotidienne et obtiennent des badges en fonction de leur progression. La récompense, importante incitation à se dépasser pour les enfants, est complétée par l’accès à un réseau social Zamzee qui permet de s’encourager ou de se lancer des défis entre amis. Selon l’entreprise, Zamzee augmenterait l’activité physique de ses utilisateurs de 30%. Une nécessité lorsqu’on sait qu’au pays de MacDonald’s un tiers des 6-19 ans est obèse ou en surpoids.

Un système similaire a été créé pour les adultes, le rose bonbon et les cadeaux en moins. Le Fitbit est un moniteur qui permet d’enregistrer le rythme et la distance parcourue lors d’une séance de running. Les utilisateurs peuvent lier leur compte FitBit à leur compte Facebook et publier leurs résultats sur les réseaux sociaux. Un feedback régulier sur la progression de l’utilisateur permet de fixer de nouveaux buts à atteindre et les utilisateurs peuvent entrer en compétition avec leur réseau FitBit. De quoi motiver à se surpasser. Des défis sont proposés à l’utilisateur et l’avatar évolutif fait office de barre de progression. Le jeu ne pourra désormais plus être taxé de favoriser l’inertie.

Mais l’application de la gamification ne s’arrête pas là. Utilisé pour sensibiliser et informer sur des maladies et des traitements lourds, le jeu peut être un véritable atout pour certains patients.

Éduquer

Les jeux peuvent être précieux pour rendre les traitements médicaux plus engageants. Faire de cet acte peu banal non plus une volonté du médecin mais une volonté du patient. Ils peuvent être utilisés pour informer et dédramatiser une situation. C’est le cas de Ludomédic, une plateforme médicale vidéo ludique.

L’hôpital n’est pas un lieu rassurant pour les enfants. Ambiance aseptisée, odeur particulière et patients mal en point. Pour mieux les préparer à ce lieu singulier, le CCCP a créé Ludomédic, qui permet de se familiariser avec l’hospitalition, la chimiothérapie ou l’IRM. Développé en partenariat avec  divers hôpitaux, cette plateforme est pour le moment consultable à la maison, en préparation d’un visite. Elle sera bientôt disponible sur des bornes installées dans les établissements hospitaliers. De la douche désinfectante à l’examen final, en passant par la pose d’un cathéter ou encore le fonctionnent d’une machine IRM, l’enfant avance dans le jeu en réalisant chacune des étapes qui le préparent à l’examen. Le design est réussi, la progression facile et les informations claires et complètes. À travers ses rencontres virtuelles avec le personnel hospitalier, l’enfant est informé sur ce qu’il va affronter.

Pour rester dans les jeux français, Asthmaclic, qui informe les utilisateurs sur l’asthme, est un contre-exemple de Ludomédic. Le joueur évolue dans cinq “environnements à risques” pour une personne asthmatique : la ville, la salle de sport, la chambre, la montagne et la chambre d’enfant. Il doit trouver dans chaque univers les éléments qui favorisent l’asthme. Sans indice de progression, les différents niveaux ne proposent rien d’autre qu’une réduction du temps imparti pour réaliser la mission. Basique et peu engageant, Asthmaclic est un exemple intéressant qui montre que le jeu n’est pas synonyme de gamification, et que sans gamification les effets bénéfiques que l’on prête au jeu dans ce type de domaine peuvent être réduits à néant.

Aux États-Unis, le jeu Re-mission a un grand succès. À destination des personnes atteintes de cancer et de leucémie, ce jeu développé par Hopelab, vise à renforcer l’acceptation de leur traitement des patients/joueurs. En les informant sur leur maladie, et en les motivant à travers un scénario impliquant, le jeu améliorerait le comportement et l’état psychologique des joueurs. Le but est de conduire Roxxi, un nanorobot à travers le corps humain pour tuer les cellules infectieuses qui se sont développées à divers endroits. 19 environnements « corps humain » différents sont proposés, chacun correspondant à un type  de cancer. Aujourd’hui, de nombreux hôpitaux le distribuent à leurs patients.

Récompenser

Récompenser une personne pour la réalisation d’une action est un modèle connu depuis longtemps. HealthPrize, un programme américain, a décidé de l’appliquer à grande échelle. Aux États-Unis, environ 125 000 personnes décèdent chaque année après avoir mal -ou pas- pris leurs médicaments. Partant de ce constat alarmant, HealthPrize est une plateforme qui rend ludique l’adhérence à un traitement. Les patients gagnent des points lorsqu’ils suivent correctement leur prescription, qu’ils répondent à des quizz et des défis. En prime, ils reçoivent chaque semaine des gâteaux de la chance qui les informent sur les médicaments et leur prescription. A la fin du mois, l’utilisateur qui a le plus de points décroche un prix.

Si l’on pense que la gamification est applicable à tous les domaines, l’utilisation du jeu vidéo pour sensibiliser certains publics à leur maladie ne date pas d’hier. En 1994 déjà, Packy & Marlon, disponible sur Nintendo, visait à aider les enfants ayant du diabète à être plus conscients de leur maladie et à agir pour se soigner. En jouant, les enfants apprenaient à avoir les bons réflexes pour sauver les personnages atteints d’asthme ou de diabète. A chaque réponse incorrecte, un écureuil apparaissait à l’écran et corrigeait la réponse, apprenant ainsi aux enfants à réagir en cas de crise ou à faire le bon choix dans une situation critique. Une étude menée sur les joueurs de Packy & Marlon a prouvé que les enfants qui jouaient à ce jeu avaient quatre fois moins de risques d’être emmenés à l’hôpital pour une urgence.

Les incitations fantaisistes de certaines applications, à l’image des badges Foursquare, donnent une image futile de la gamification, qui peut pourtant servir des domaines aussi sérieux que  la santé. Le développement de la motivation intrinsèque, soit la récompense personnelle que l’on tire de la performation d’une action (plaisir de courir, fierté de réussir…) est essentiel pour que le jeu soit efficace. Une approche uniquement basée sur la motivation extrinsèque (badges, points, cadeaux) qui sanctionne le résultat d’une action est donc insuffisante. Il ne suffit donc pas de vouloir faire de la gamification, il faut aussi comprendre comment cela fonctionne.


Photos par Toca Boca [CC-bysa] via Flickr

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Et Dieu créa le HTML5 http://owni.fr/2012/05/29/html5-html-jeux-video/ http://owni.fr/2012/05/29/html5-html-jeux-video/#comments Tue, 29 May 2012 12:37:23 +0000 Adrien Carpentier http://owni.fr/?p=109699

Fond d'écran "Steampunk" du jeu Nitrome

Jouer à des jeux sur votre navigateur web peut aujourd’hui vous valoir un certain dédain de la part des hardcore gamers ou de joueurs sur console.

Ce serait pourtant un peu dur par rapport à l’industrie du jeu. D’une part, parce que le succès phénoménal de certains jeux web sociaux (on pense bien sûr à Farmville) a permis de prouver la viabilité de leurs modèles économiques et de celle de l’utilisation de technologies web au service du jeu, comme le Flash ou l’intégration au sein de Facebook. D’autre part, parce que certains studios de jeux web comme Nitrome ont su créer des univers graphiques travaillés qui n’ont pas à rougir face à des titres classiques reconnus.

Et le mouvement continue : grâce à l’avènement de technologies émergentes comme le HTML5, les Websockets ou le WebGL, le jeu web est peut-être promis à un avenir radieux. Ces technologies pourraient même, à terme, ériger le navigateur web en véritable plate-forme de jeu universelle et standardisée.

Exigence

Le HTML est le standard de formatage des données pour le web : totalement ouvert et reconnu par tous les navigateurs, il rend de bons et loyaux services depuis l’invention du web en 1991 en structurant les pages et en y décrivant les différents éléments qu’elle contient – image, lien ou paragraphe de texte par exemple. Mais pour les jeux et animations, il fallait jusqu’à présent avoir recourt à des technologies propriétaires et nécessitant l’installation d’un plug-in, une extension au navigateur, comme le célèbre Flash d’Adobe.

Dernière mouture du HTML, le HTML5 change la donne. Instituée par le W3C (l’organisme chargé de standardiser le web) et bien qu’encore officiellement en phase d’étude, cette nouvelle norme est opérationnelle et les professionnels l’implémentent déjà depuis plusieurs mois dans leurs projets web. Parmi les innovations que propose le HTML 5, la nouvelle balise <canvas> est l’une des plus prometteuses. Elle permet aux développeurs web d’insérer dans leur page une surface sur laquelle il est possible de tracer des formes et de les animer. Dans cette zone peuvent par exemple figurer des jeux qui n’utilisent pas de plug-in externe, et donc reconnus par tous les navigateurs, y compris sur les téléphones mobiles.

Comme souvent en informatique, c’est le jeu vidéo qui, par sa grande exigence technique, est un des meilleurs moteurs et vitrines de l’innovation. La fondation Mozilla n’a pas dérogé à cette règle en présentant avec le studio Little Workshop le 27 avril, un jeu multi-joueurs en temps réel dans une seule page web, BrowserQuest. Histoire de démontrer ce qu’il est possible de faire en utilisant le HTML5, le Javascript et les Websockets. Militante historique de l’open-source, la fondation Mozilla, a également mis à disposition de tous le code de BrowserQuest.

Contournement

Non content d’animer une page web sans plug-in grâce au HTML5, BrowserQuest fait aussi de celle-ci un jeu multijoueurs en temps réel. Ceci est rendu possible grâce à une autre nouvelle technologie : les Websockets.

Jusqu’à présent, pour qu’une page web affichée sur votre navigateur mette à jour son contenu en fonction de l’action d’autres internautes, il fallait que le navigateur réclame à nouveau au serveur web la page mise à jour. Ces requêtes client-serveur unidirectionnelles sont inhérentes au protocole de communication historique du web, le HTTP. Ainsi, pour concevoir une page comportant un chat de discussion, les développeurs devaient jusqu’à présent utiliser des technologies de contournement complexes, ou n’utilisant pas le protocole HTTP.

Les Websockets rendent cette fois possible une communication bidirectionnelle en temps réel entre le navigateur et le serveur qui héberge la page. En clair, les Websockets peuvent par exemple permettre la création de jeux multi-joueurs sur une simple page web, sur laquelle des milliers de joueurs sont connectés, influant sur son contenu en temps réel. Une belle promesse technique pour les jeux massivement en ligne.

Accélération

Le WebGL est le troisième larron des nouveaux standards qui changent le jeu web. Développé par Khronos Group et Mozilla, cette technologie permet d’afficher de la 3D en temps réel sur une page web, là aussi sans plug-in à télécharger. Vous utilisez déjà WebGL lorsque vous affichez les immeubles de GoogleMaps en 3D, par exemple.

Jeu BrowserQuest par la Fondation Mozilla

La grande innovation de WebGL repose surtout dans l’utilisation de l’accélération matérielle de l’ordinateur de l’internaute. À l’instar des jeux classiques, le WebGL permet au web de profiter lui aussi des formidables optimisations offertes par l’architecture des microprocesseurs des cartes graphiques pour l’affichage d’un environnement en 3D.  Si le fait de relier le web à une couche informatique de si bas niveau en inquiète certains (Microsoft ne souhaite pas encore implémenter le WebGL pour des raisons de sécurité), elle représente néanmoins une petite révolution technique. On se plaît déjà à imaginer un Call of Duty directement dans son navigateur web.

Convergence

L’arrivée de ces nouveaux standards ne bénéficiera pas qu’aux internautes joueurs. À l’heure actuelle, un studio de jeu qui vise le marché le plus large possible doit développer une version de son jeu pour iPhone en langage Objective-C, une version pour Android en langage Java, une version web en Javascript… Au vu de l’importance croissante du marché jeu mobile, ces portages multiples constituent une barrière rédhibitoire pour les petits studios qui souhaitent se lancer dans l’aventure de la création d’un jeu.

HTML5, Websockets et WebGL offrent l’espoir aux développeurs de produire des jeux sur tous les navigateurs et surtout cross-devices. BrowserQuest est ainsi compatible avec la plupart des navigateurs web récents comme Firefox, Chrome ou Safari, mais également sur iPhone, iPad et sur la version Android de Firefox.

Le navigateur web prend décidément de plus en plus des allures de système d’exploitation. Si l’on ne peut que se réjouir de la standardisation et de l’ouverture technique qu’il offre aux créateurs de jeux, il faut cependant espérer que cela n’impose pas à l’ensemble du jeu vidéo la faiblesse artistique auxquels les jeux web et mobiles nous habituent parfois…


Captures d’écran : BrowserQuest, Nitrome, HTML5

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Le meilleur des serious games réuni http://owni.fr/2012/05/13/le-meilleur-des-serious-games-reuni/ http://owni.fr/2012/05/13/le-meilleur-des-serious-games-reuni/#comments Sun, 13 May 2012 09:42:58 +0000 Anaïs Richardin http://owni.fr/?p=109961 serious games, ces jeux vidéo à vocation professionnelle, pédagogique ou politique, se réunissaient pour plancher sur les évolutions de leur secteur. D'ici à trois ans, les serious games devraient représenter un marché de 10 milliards de dollars.]]>

Ce 11 mai à Louvain-la-Neuve en Belgique, la conférence SeriousGame.be a réuni les chercheurs, développeurs, éditeurs et entrepreneurs les plus impliqués dans la production et la diffusion des serious games (jeux sérieux). L’occasion d’observer les tendances lourdes du secteur et de jeter un oeil sur les projets les plus innovants.

À visée informative et éducative, le serious game offre une narration ludique permettant à un message d’être mieux assimilé. Un outil de prédilection lorsqu’il s’agit de la formation ou du recrutement d’employés. Utilisé par les médias, les institutions, le corps enseignant, les formateurs, il est aussi privilégié par les entreprises.

Une étude IDATE sur les données de 2010 estime que le marché du serious game atteindra 10 milliards de dollars en 2015, alors qu’il n’était que d’1,5 milliards en 2010.

Ce soir il conclut

À l’occasion de la conférence, le prix “Now.Belle” récompensant le meilleur serious game éducatif a été attribué au jeu “Ce soir il conclut” de Jordane Paquet. Un jeu très simple d’utilisation, qui mêle vidéo et “rétrogaming” pour sensibiliser aux dangers de la consommation excessive d’alcool. Un dispositif original qui a conquis 56 000 participants en six semaines. Construit grâce à des données scientifiques et réalisé en collaboration avec des professionnels de la santé, ce jeu a été massivement relayé sur les réseaux sociaux pour attiser l’intérêt de sa cible première : les jeunes.

Cinq autres serious games récents ou prochainement diffusés ont été remarqués :

• Sam Dahmani (3DDUO) a ouvert le bal avec le jeu Handicohésion, co-financé par le ministère de l’Industrie. Ce jeu de sensibilisation à la situation de handicap en entreprise permet aux utilisateurs d’apprendre à effectuer les bons gestes face à une personne handicapée. Sans indicateur de performance, ce jeu grand public vise à informer et sensibiliser sans sanctionner en cas de mauvaise réponse. Un projet financé par le ministère français de l’Industrie, à la suite d’un appel à projets lancé en 2009 par la secrétaire d’État à l’Économie numérique, Nathalie Kosciusko-Morizet.

Philippe Chiwy (De Pinxi) est ensuite venu présenté son jeu à destination des enfants, Bike Safe Sim. Un simulateur de traffic apprend à l’enfant à éviter les dangers de la ville lorsqu’il est à vélo. Plus ludique qu’une simple jeu vidéo, l’enfant est assis sur un vélo et doit prêter attention aux dangers qui l’entourent. Une manière efficace d’apprendre à freiner lorsqu’un bus met son clignotant, sans risquer d’y perdre des plumes.

• Bertrand Baudry et Laurent Grumiaux (Transdigital) ont présenté leur social game. Avec un budget de 10 000 euros, ils ont créé trois jeux en deux mois. Souhaitant rapprocher les gens via le jeu vidéo, ils ont créé un parcours urbain que l’on peut réaliser en étant associé aléatoirement à un partenaire. Le but étant de réaliser les jeux à différents endroits de la ville avec quelqu’un que l’on ne connaît pas. Les participants reçoivent ensuite un ticket pour aller boire un verre ensemble. Une bonne manière de faire du jeu vidéo un catalyseur d’interaction sociale.

Alexandre Amiot (Paraschool) a présenté le jeu “Genius, play the energy mix !” Réalisé pour le groupe Total, à la fois pour sa communication externe et interne. Les collaborateurs internes de Total ainsi que les étudiants peuvent jouer à ce jeu en deux phases (présent + prospectif en 2020) sur la gestion des ressources énergétiques en apprenant à maitriser la croissance énergétique. Un simulateur sans conséquences, basé toutefois sur des données réelles.

• Frédéric Forest (CCCP), après avoir remporté le prix Now.Belle 2011 a présenté son nouveau jeu qui permet aux entreprises du secteur de la métallurgie de former leurs employés et futurs employés à la sécurité sur leur lieu de travail. L’interface simple d’utilisation permet plusieurs parcours et confrontent les utilisateurs aux dangers de divers lieux de l’entreprise. Un jeu qui permet de sensibiliser mais surtout d’informer les employés, les incitant à adopter, en situation réelle les bons comportements et à réagir de manière adéquate.

Sagesse numérique

Si l’apprentissage est facilité par le jeu (comme le montre des décennies de pédagogie), le chercheur Marc Prensky (visionnaire autoproclamé), à l’origine de la formule “digital natives”, a ajouté qu’il était nécessaire d’atteindre une certaine “sagesse numérique” pour que le jeu soit utilisé au maximum de son potentiel. Parti du constat que les jeux vidéo et la connectivité n’étaient désormais plus l’apanage de jeunes tombés dans la marmite, le chercheur imagine d’autres missions pour les serious games :

Avant je parlais des natifs digitaux, des immigrants digitaux, je n’en parle presque plus parce qu’on a dix ans de plus et que les choses ont changé. Il y a encore des différences mais ça ne dépend pas de l’âge. Ce qui est important pour moi c’est la sagesse numérique et savoir utiliser les jeux fait partie de cette sagesse numérique. On a besoin de la sagesse numérique parce que le contexte dans lequel nous vivons a complétement changé, nous vivons et nous formons nos jeunes dans un monde de volatilité, d’incertitude, de chaos et d’ambiguïté.

Qu’ils soient à destination des enfants des seniors, des étudiants ou des employés, les serious games visent tous à informer et à sensibiliser ses utilisateurs par le biais d’une expérience ludique. Si le jeu semble être la voie du future pour de nombreux domaines, François Delpierre prédit pourtant la disparition certaine du terme serious game, né il y a quelques mois :

Demain il n’y aura plus de serious games, c’est une espèce d’appellation pour faire passer la pilule du jeu parce qu’il a mauvaise presse au niveau des politiques, au niveau de la communauté française. Ce n’est pas considéré comme de l’art ni comme de la culture. Dans d’autres pays on est déjà allés beaucoup plus loin. Le terme jeu est utilisé pour évangéliser les décideurs et petit à petit il disparaitra. C’est dans l’évolution des choses, il faut encore quelques années pour convaincre. Ce sont des outils indispensables,on n’en sortira plus et il faut donc vivre avec.

[mise à jour le 14 mai, François Delpierre étant l'auteur de la dernière citation, non Philippe Laurent]


Photos au mobile par Anaïs Richardin, édition via Instagram par Ophelia Noor pour Owni /-)
Illustrations par seriousgame.be (c)

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La petite révolution de l’intelligence collective http://owni.fr/2012/05/04/la-petite-revolution-de-lintelligence-collective/ http://owni.fr/2012/05/04/la-petite-revolution-de-lintelligence-collective/#comments Fri, 04 May 2012 13:29:36 +0000 Anaïs Richardin http://owni.fr/?p=108934

Le jeu est un élément important de notre société et nombreux sont ceux qui voient l’évolution vers l’homo ludens (homme qui joue) comme sa caractéristique majeure. Partant de ce constat, de nombreux chercheurs organisent la première conférence internationale dédiée à l’exploitation de l’intelligence collective à travers le jeu. Intitulé “Harnessing collective intelligence with games“, ce premier workshop se tiendra en septembre 2012 en Allemagne. Il vise à approfondir la question émergente de l’utilisation de larges groupes de participants pour réaliser certaines tâches par le biais du jeu, véritable catalyseur d’intelligence collective.

Il sera question de crowdsourcing et de crowdsolving, d’human computation et de bien d’autres phénomènes aux noms barbares difficiles à traduire en français. Pourtant ils décrivent tous une tendance que l’on tend de plus en plus à adopter : la combinaison des capacités de l’intelligence humaine et des puissances de calcul numériques  Puisque l’être humain a encore l’apanage de certaines facultés comme le jugement esthétique, la prise de décisions basées sur l’intuition, le raisonnement critique etc, autant les mettre à profit. Mais à l’inverse des ordinateurs qui ne nécessitent que d’un peu d’électricité pour fonctionner, les humains ont besoin d’être en permanence motivés pour leur contribution. Une motivation qu’ils pourraient trouver dans le jeu et ses mécaniques.

Pour Markus Krause, doctorant de l’université de Brème travaillant sur l’intelligence collective et son utilité publique, humains et machines doivent travailler main dans la main :

La combinaison des aptitudes intellectuelles humaines et de la puissance des ordinateurs pour stocker et diffuser les données peut être un modèle très efficace pour venir en aide à l’humanité

Le crowdsourcing (utilisation de nombreuses personnes pour réaliser une tâche) a vu le jour dans un article de Jeff Howe pour le magazine Wired en 2006. Si le mot était une nouveauté, ce qu’il décrivait en revanche existait depuis longtemps.

Tout a commencé avec les CAPTCHAs créés par Luis Von Ahn de l’université Carnegie Mellon au début des années 2000. Si vous avez déjà ouvert une boîte mail ou rempli un formulaire en ligne, alors il y a de fortes chances que vous connaissiez les CAPTCHAs. Ce sont des petits tests qui permettent de différencier un utilisateur humain d’un ordinateur, empêchant les robots malveillants d’envoyer des réponses automatisées dans le cas de sondage, le phishing et toute autre activité de spam ou d’extraction de données. Ce test est basé sur la capacité d’analyse de l’humain. Deux suites de lettres sont présentées, parfois distordues pour rendre leur analyse possible aux humains mais difficile aux robots. Lors d’une conférence TED, Luis von Ahn a expliqué s’être demandé comment utiliser le temps passé à déchiffrer les CAPTCHAs dans un but précis et utile à tous. Une réflexion qui l’a conduit à créer reCAPTCHA, aujourd’hui universellement utilisé :

200 millions de CAPTCHAs sont tapés chaque jour à travers le monde. Avec une moyenne de dix secondes par CAPTCHA, cela fait 555 000 heures par jour. Pendant ces dix secondes, votre cerveau fait quelque chose d’extraordinaire, il réalise quelque chose dont sont incapables les ordinateurs. Je me suis alors demandé si on pouvait faire quelque chose d’utile de ces dix secondes. Il y a des problèmes que les ordinateurs ne peuvent résoudre mais que, d’une certaine manière, nous pouvons diviser en morceaux de dix secondes et chaque fois que quelqu’un tape un CAPTCHA, il résout une partie du problème. Désormairs, quand vous tapez un CAPTCHA, non seulement vous vous identifiez comme humain mais en plus vous nous aidez à numériser des livres.

C’est ainsi que ReCAPTCHA est né. Racheté par Google en 2009, ce système permet en effet d’analyser les parties de livres numérisés par Google Books que la reconnaissance optique (OCR) ne parvient pas à déchiffrer (environ 20% d’un texte). Sur les deux suites de lettres proposées, il y a un CAPTCHA déjà vérifié par l’OCR qui permet de vous identifier comme humain et l’autre, dont la signification est incertaine et que vous allez déchiffrer. Pour Luis von Ahn, le logiciel est un vrai succés :

Nous sommes en moyenne à 100 millions de mots numérisés par jour, ce qui nous donne 2,5 millions de livres par jour. Près de 10% de la population mondiale soit 750 000 000 personnes ont aidé à la numérisation des livres jusqu’à présent.

Et son ambition l’a mené bien plus loin qu’à la numérisation de livres. Lors d’un entretien avec un journaliste de Wired, Luis von Ahn a confié :

En fait, je voudrais rendre l’humanité plus efficace en mettant à profit le temps gâché

Le temps gâché ou ces moments d’oisiveté auxquels nous nous adonnons tous seraient donc sa cible, pour notre plus grand bien. En 2008, il crée les Games with a Purpose (GWAP), des petits jeux en ligne qui servent un objectif autre que la distraction. En jouant aux GWAP, les utilisateurs pallient l’incompétence des ordinateurs dans la réalisation de certaines tâches. Chaque joueur est aléatoirement associé à un autre et l’équipe constituée a un temps limité pour gagner le maximum de points. Le jeu ESP par exemple, vise à légender des images. Une même image est présentée aux deux joueurs qui doivent proposer des mots-clés précis. Lorsque les deux joueurs proposent la même légende, celle-ci est enregistrée et l’image suivante apparaît. Il y  a une interaction entre les joueurs qui les poussent à revenir vers ces jeux simples qui permettent de déchiffrer le web et le rendre plus complet.

De nombreuses entreprises et institutions publiques ont suivi cet exemple et ont préféré mettre à profit la capacité de traitement d’information de cerveaux humains plutôt que d’ordinateurs. La NASA a ainsi décidé de faire appel aux humains pour l’aider à gérer le flot d’informations et de données qu’elle reçoit et créer une base de données. Avec le jeu ZOOniverse, les utilisateurs sont notamment invités à analyser la taille et la profondeur des cratères de la Lune, permettant à la NASA de les répertorier. Une sous-traitance non négligeable, gratuite et efficace là où même les algorithmes les plus puissants échouent.

Mais le crowdsourcing ne s’arrête pas à la simple analyse d’image, comme l’expliquait Adrien Treuille, créateur de Fold.it, lors d’une conférence Solve for X :

Lorsque l’on pense crowdsourcing, on pense à la réalisation de tâches simples comme la reconnaissance d’images et de motifs mais avec un groupe important de personnes qui travaillent avec des données et de l’intelligence artificielle, il est possible de résoudre des problèmes qui se trouvent à la limite de la connaissance humaine

C’est ce qui s’est passé avec Fold.it (Plie-le), un jeu développé par des universitaires américains qui a permis de découvrir la structure d’une enzyme qui joue un rôle clé dans la propagation du VIH. Ce qui avait bloqué les scientifiques pendant 10 ans fut résolu en 10 jours par 40 000 personnes qui ont joué à ce jeu en ligne. Les résultats obtenus par les joueurs pourraient constituer une percée majeure dans le traitement du virus. Un cas d’école de la force de l’intelligence collective catalysée par le jeu et chaque participant s’est vu crédité aux cotés des scientifiques pour cette avancée significative.

En 2006, Thomas W.Malone, directeur du Centre pour l’intelligence collective du prestigieux MIT se demandait :

Comment peut-on connecter des personnes et des ordinateurs pour que, collectivement, ils agissent avec plus d’efficacité que n’importe quel individu, groupe, ou ordinateur ne l’a jamais fait ?

Pour Luis von Ahn, le secret est simple : transformer des problèmes complexes en jeux, simples et addictifs. Une recette qui a certainement permis le succès des GWAP.

Ce type de jeu repose aussi sur des experts qui, jusque là s’ignoraient, comme l’a expliqué Adrien Treuille lors de la conférence Solve for X:

Foldit a permis de filtrer des centaines de milliers d’internautes et de trouver ceux qui ont une véritable expertise dans la réalisation de certaines tâches. Je peux imaginer que dans le futur, alors que des défis se présenteront à nous, nous pourrons inventer des jeux et des puzzles qui reposent sur les aptitudes requises, et trouver les personnes qui seront des experts pour ce type de problèmes.

Cliquer ici pour voir la vidéo.


Dans cette même veine de jeux scientifiques, l’université McGill au Canada a crée un jeu, Phylo, qui fait appel aux capacités humaines pour arranger les séquences ADN et ainsi participer à la recherche génétique. Les séquences ADN, transformées en formes géométriques colorées doivent être alignées et les formes similaires doivent être associées les unes aux autres tout en évitant les trous qui symbolisent les mutations. Pour les concepteurs du projet, la combinaison humains/ordinateur permet d’obtenir de meilleurs résultats :

Les solutions générées par les utilisateurs peuvent être utilisées pour améliorer la qualité des alignements calculés par les algorithmes classiques. Ces résultats ne montrent pas que l’homme est meilleur que la machine mais plutôt que nous avons une symbiose entre l’humain et l’ordinateur

Dans ces jeux où l’on fait appel à l’intelligence collective, les leviers de l’engagement sont nombreux. La reconnaissance sociale par les pairs, la réputation et l’interaction humain-ordinateur jouent un rôle important dans les jeux qui participent d’une avancée scientifique. Cependant la gratification ou les mécaniques du jeu telles que la géolocalisation, la collaboration ou encore les missions sont des ressorts de bien d’autres jeux qui font appel au crowdsourcing.

Le projet Noah par exemple est une application qui permet à ses utilisateurs de contribuer à l’élaboration d’une documentation sur la vie sauvage de leur lieu de vie. Des missions incitent une communauté de citoyens à photographier, taguer, identifier et en apprendre plus sur la faune et la flore locale. Toutes ces données agrégées sont une précieuse aide apportée aux chercheurs et permettent d’établir une base de données qui peut être mise à jour en temps réel et qui est accessible par tous.

La motivation est importante dans ce type de jeux qui oeuvrent pour le bien commun. Une motivation qui prend parfois la forme de gratifications qui collent au plus prés des attentes des participants. Le Japon par exemple a eu une idée pour redorer son image, sinistrée après le passage du tsunami, et ainsi relancer le tourisme, en crise depuis la catastrophe.

Cliquer ici pour voir la vidéo.


Puisque les premières images sur  Google des terres dévastées pouvaient jouer en leur défaveur, des étudiants de la Berghs School of communication en Suède ont donné un coup de pouce à l’office du tourisme japonais. Il leur est apparu essentiel de redonner au pays une image attrayante. Quels meilleurs ambassadeurs pour le Japon si ce n’est les touristes qui y sont en visite ? Ils ont donc crée une application, « Post from Japan », à partir de laquelle les touristes peuvent télécharger leurs clichés du pays. Le but ? Encourager le partage de ces photos souvenir sur les réseaux sociaux en offrant du temps de connexion gratuit sur le réseau Wi-Fi du gouvernement. Et pour chaque like, l’utilisateur se voit offrir 3 minutes de connexion supplémentaire. Ingénieux quand on connait le tarif d’une connexion internet sur mobile à l’étranger. Une application qui permet de repousser chaque jour un peu plus les photos du désastre des premières pages de Google Image.

Par le truchement du jeu et de motivations extrinsèques, l’homme est donc capable, sans même aucune connaissance en la matière, de contribuer à des avancées dans de nombreux domaines, qu’ils soient scientifiques, sociaux, environnementaux ou autres. À l’avenir, des nouveaux systèmes pourront même permettre de tirer réellement profit d’une expérience, tout en contribuant massivement à améliorer la qualité de navigation sur le web. Avec Duolingo.com par exemple, disponible en version bêta, les utilisateurs peuvent apprendre une langue étrangère, gratuitement et par niveaux, tout en aidant à la traduction de pages web.


Illustrations et photos sous licences Creative Commons par Elirook et Wi_2Photography via Flickr

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(P)resident evil http://owni.fr/2012/04/25/president-evil/ http://owni.fr/2012/04/25/president-evil/#comments Wed, 25 Apr 2012 15:40:07 +0000 Anaïs Richardin http://owni.fr/?p=107737

Première série de publicités politiques pour Barack Obama dans un des 18 jeux de l'entreprise de jeux vidéo Electronic Arts

Le ludique se révèle utile en politique. Des équipes de campagne ont tenté l’expérience à l’occasion de l’élection présidentielle 2012. Au menu : s’emparer du web et dynamiser la campagne en appliquant les mécanismes du jeu vidéo (principe de gamification) aux sites internet des candidats en lice.

Jeu politique 1.0

Si le jeu vidéo et la politique entretiennent des relations depuis bien longtemps, l’aspect politique n’était jusqu’à présent qu’un  élément  de contexte. Prendre Mario Kart et remplacer Mario par Obama, voilà à quoi cela se résumait jusqu’à ces dernières années.
En 2004, la donne change et le jeu politique connait ses premières heures de gloire. Ce sont les États-Unis qui injectent les premiers une dose de ludique dans une campagne présidentielle. Howard Dean, alors candidat à l’investiture démocrate fait figure de pionnier en utilisant The Howard Dean game for Iowa. Ce jeu vidéo, créé par les chercheurs Ian Bogost et Gonzalo Frasca visait à montrer aux sympathisants de Dean la marche à suivre pour augmenter sa popularité et le faire connaitre. Les utilisateurs doivent accomplir des missions comme distribuer des tracts, ou relayer une information pour avancer dans le jeu. C’est certainement la première leçon de viralité : les joueurs pouvaient contacter leurs amis par email ou messages instantanés afin de les rallier à leur cause.

Première série de publicités politiques pour Barack Obama dans un des 18 jeux de l'entreprise de jeux vidéo Electronic Arts

Ensuite Barack Obama, lors de sa campagne en 2008, a su voir l’intérêt du jeu vidéo  face à un concurrent de 72 ans -John McCain- qui en avait une vision archaïque. Les équipes de Mc Cain se sont en effet contentés de réaliser Pork invaders, une énième parodie de basse facture de Space Invaders, opposant des cochons à des vaisseaux, points de crédibilité : 0.
Barack Obama a lui utilisé les jeux vidéo  comme aucun candidat ne l’avait fait, créant la première publicité politique en ligne. En partenariat avec EA Games, des encarts publicitaires à son effigie ont été insérés dans 18 jeux vidéo de la marque. Diffusées dans dix États parmi les plus influents, ces publicités furent un bon moyen d’attirer l’attention des jeunes sur la campagne. Application digitale d’un vieil adage, si vous ne venez pas à la politique, la politique viendra à vous.

En France, lors de cette présidentielle 2012, les équipes de campagne des candidats ont commencé -tout doucement-, à s’intéresser au phénomène.

Le newsgame

Réalisé à l’occasion des primaires du Parti Socialiste, le newsgame Primaires à gauche, fruit d’ un partenariat entre lemonde.fr, l’École Supérieure de Journalisme de Lille et l’entreprise KTM Advances, permet aux joueurs de se mettre dans la peau du candidat de leur choix, de Ségolène Royic à François Holov en passant par Martine Aubraïe. Le but ? Remporter l’élection en organisant des débats. Par le prisme du jeu, l’utilisateur se familiarise avec les idées fortes de chaque candidat sans s’en rendre compte. Le joueur peut passer d’un personnage à l’autre en élaborant une stratégie pour chacun d’eux et ainsi découvrir les différences entre les candidats au sein d’un même parti.

Premier newsgame réalisé par le Parti Socialiste français à l'occasion des Primaires en octobre 2011

Ce premier newsgame politique français permet de mieux comprendre le jeu politique sans jamais tomber dans le militantisme qui a “été mis à l’as” selon Olivier Mauco, chercheur,  directeur de la création de médias ludiques chez Antidox et créateur du site Games in society. À travers l’engagement du joueur dans des joutes verbales avec des ennemis politiques, le joueur cerne mieux la dynamique d’une campagne et peut agir directement pour faire augmenter les intentions de vote à son égard.

Cette approche innovante de la politique semble être un bon moyen pour toucher une cible jeune dont seulement 52% des 18-24 ans se disent intéressés par la politique comme le montre ce sondage IPSOS de 2011.

La gamification à l’usage des politiques

Selon une étude de l’institut GFK publiée le 4 février 2011 pour le Syndicat national du jeu vidéo, la France compte 28 millions de joueurs réguliers, soit 65% des Français ayant une activité en ligne sur internet et plus de 40% de la population. Un vivier d’électeurs donc.

Des statistiques certainement intégrées par les équipes de François Bayrou et d’autres candidats qui ont décidé de faire entrer le jeu vidéo, et plus particulièrement ses mécaniques en campagne. Ce qui ne leur a pas porté chance…

Développé avec les agences Spyrit et Big Youth l’espace “volontaires” du site du candidat utilise les principes de la gamification pour inciter les internautes à réaliser des missions pour faire connaître le parti et son programme. Régulièrement, les utilisateurs ou “Volontaires” reçoivent leur mission par mail. Distribuer des tracts de campagne ou envoyer un mail à ses contacts permet ainsi de gagner des points –des décibels-, convertibles en badges. À travers ces mécaniques, les équipes de campagne espéraient générer le plus de bruit possible autour du candidat grâce aux joueurs.

Pur Matthieu Lamarre, responsable de la web campagne de François Bayrou,  cette initiative a été bénéfique :

Grâce à ce système la fréquentation était plus régulière, et cela a permis de toucher tous les publics.

Cet ” outil d’impulsion ” a permis de capter l’attention  de 20 000 personnes. Ce chiffre peut paraitre bien faible face au traffic généré par un autre clin d’oeil à la culture geek visible sur le site de François Bayrou. En utilisant le code Konami, les internautes peuvent faire apparaître une petite vidéo 8-bit, dans le plus pur esprit du rétro-gaming sur le site pourtant sobre du candidat évincé. Une vidéo ultra pixellisée et une vague d’écho médiatique plus tard et le site enregistrait 250 000 visiteurs uniques. Un succès pour le site d’un parti politique, qui en réutilisant les codes geeks et avec un brin d’autodérison  a réussi à générer plus de traffic que la plateforme ludifiée, pourtant conçue pour capter l’attention des internautes.

Outils des Volontaires du site de campagne de François Bayrou (Cliquez sur l'image pour la voir dans son intégralité)

Une plateforme sur laquelle les mécaniques du jeu ont été utilisées pour encourager les internautes à être le relai du parti, mais qui n’a en rien vocation à inciter une personne à voter pour le parti, comme nous l’indique Matthieu Lamarre :

Nous voulions attirer l’attention des internautes et la convertir en attention sur les programmes, puis sur le candidat. Ce n’est pas grâce à un jeu que l’on va pousser quelqu’un à voter Modem s’il n’en avait pas envie, enfin je l’espère.

Si le site reprend en apparence tous les mécanismes de la gamification, il se révèle n’être à l’usage, qu’une certaine application de ” pointification ” (simple attribution de points ou de badges). En effet, le joueur peut auto-valider sa mission, ce qui ne crée pas réellement d’engagement ni de situation ludique puisqu’il suffit de cliquer sur “valider” pour obtenir des points, quand bien même la réalisation de la mission serait passée à la trappe. Le fait qu’il y ait des badges mais pas de gratification est une volonté des concepteurs du site qui ne voulaient pas d’un classement des participants, même si les 3 joueurs les plus assidus sont placés en bonne position sur la page d’accueil. La plateforme n’a, au final, rien de bien ludique, ce qui n’encourage pas les volontaires les moins impliqués dans la campagne à continuer l’aventure. De nombreuses failles repérées par Kiwiigames lors du lancement de cet espace dédié, et soulignées par Olivier Mauco :

Ils ont surfé sur le fait que la gamification soit à la mode, avec un joli design graphique, mais il n’y a aucune mécanique d’engagement. On utilise le jeu vidéo pour se faire mousser mais on évite d’en faire. C’est un moyen d’avoir une exposition médiatique.

Le site de François Hollande, au final, propose les mêmes outils de campagne à l’usage des internautes sympathisants, les badges en moins. Si les équipes de François Bayrou ne sont pas allées assez loin dans leur démarche, les équipes de Jean-Luc Mélenchon ont créé une application qui repose sur la géolocalisation et sur des petits jeux ludiques.

"Place au peuple", application mobile du Front de gauche destinée aux sympathisants

Disponible sur smartphones, l’application du Front de gauche visait elle aussi à se servir des utilisateurs, baptisés “révolu-nautes” comme d’une caisse de résonance, les incitant à être le relai du parti avec des défis, des points, et des dispositifs plus engageants que ceux du site bayrou.fr. Au programme aussi, des petits jeux comme ” les grandes rues de la Fortune ” ou encore le “chamboule-tout” des personnalités influentes du Fonds Monétaire International et de la Banque Centrale Européenne.

Nombreux sont les jeux, à l’image de ceux créés par le Front de gauche, qui visent à dénoncer une situation ou à se moquer d’une personnalité politique tout en restant drôle et léger. Un moyen de surfer sur la vague comme l’explique Olivier Mauco :

Les jeux vidéo ne sont pas vraiment réalisés à des fins partisanes. En jouant sur la culture geek, le pixel art et toutes ces choses-là et on essaye d’attirer la sympathie.

Ainsi, le Parti Socialiste s’est servi de la tendance du moment pour moquer le quinquennat de Nicolas avec des vidéos « Mot-à-mot ».

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Diffusées sur leur chaine Dailymotion, les vidéos détournent des éléments de la culture geek comme ici à J-16 où ils revisitent des titres de jeu vidéo connus de tous pour faire passer leur message sur le président sortant : « president evil » « nico tendu » « wii-fisc » « tax-man » « world of warcash » « Dega » s’enchaînent pour finir sur un « Game over ». Le nombre de vues n’est pas exceptionnel, un peu plus de 16 000.

Certains ont décidé de faire plus ludique encore pour dénoncer ou se moquer d’un homme politique. Que ce soit le Sarkothon, La France forte ou encore la Vache folle de José Bové de nombreux petits jeux réalisés par des amateurs pour se défouler sur des personnalités politiques.

Sans conséquences pour Olivier Mauco :

Ca renforce les positions, ce ne sont pas ces jeux qui vont faire évoluer les positions. Il ne va pas y avoir de changement puisqu’il n’y a pas de discours derrière.

S’il n’y a pas de discours idéologique et qu’ils ne visent qu’à se moquer gentiment, certains jeux comme La France forte permettent aussi de s’informer sur un sujet, ici Nicolas Sarkozy et ses écarts. Le jeu est à charge puisque l’utilisateur se trouve dans la peau du président sortant et doit gifler ses ennemis (un journaliste, un statisticien, Eva Joly) et préserver ses amis (le colonel Kadhafi, Liliane Bettencourt etc.) mais le choix des personnages est justifié par de petites vidéos qui prennent sur le vif un tacle, ou une petite phrase assassine du président-sortant.

Un des nombreux jeu qui prend pour cible Nicolas Sarkozy

La culture du ludique fait peu à peu son nid en France. Les États-Unis, eux viennent de faire passer la gamification politique dans la cour des grands. La chaine MTV, chère aux coeurs des jeunes adultes américains vient en effet d’annoncer le lancement d’une vaste campagne d’incitation au vote à destination des jeunes. En partenariat avec la Fondation Knight, qui subventionne l’opération à hauteur de 250 000 dollars, MTV organise le “Fantasy election 12“. Inspiré des jeux vidéo de fantasy sports, les joueurs doivent monter une équipe et gagnent des points lorsqu’ils vont voter ou lorsqu’ils assistent à des meetings politiques en utilisant l’outil de géolocalisation de l’application. Lancé cet été, ce jeu vise à mobiliser les 45 millions de jeunes américains qui sont susceptibles de voter aux différentes élections de l’année. Avec de nombreux lots à gagner, de véritables incitations à jouer le jeu du devoir civique, cette initiative de MTV pourraient bien devenir un cas d’école de la gamification.

[Mise à jour du  26 avril 2012 ] suite à la précision de Florent Maurin, co-créateur de Primaires à Gauche sur l’absence de filiation entre le jeu et le Parti Socialiste, qui n’est pas intervenu dans son élaboration.

Captures d’écran des différents sites de campagne des candidats.

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Des écoles game over http://owni.fr/2012/04/16/des-ecoles-game-over/ http://owni.fr/2012/04/16/des-ecoles-game-over/#comments Mon, 16 Apr 2012 13:32:49 +0000 Anaïs Richardin http://owni.fr/?p=106186 gamification de l'enseignement produit des premiers résultats, notamment aux États-Unis. Permettant de penser autrement les programmes scolaires, en intégrant - modérément - la culture du jeu vidéo. Mais pas en France. Où les derniers travaux sur la présence du numérique dans les écoles trahissent des lacunes criantes. ]]>

“L’e-éducation n’est pas un gadget” affirmait Vincent Peillon le 30 mars dernier lors d’un colloque sur le thème “le numérique, moteur du changement”. Le député européen (PS) et chargé de l’éducation dans la campagne de François Hollande a ainsi pointé du doigt le retard de la France vis-à-vis du numérique dans le système éducatif. Un retard confirmé et étayé par le député (UMP) des Yvelines Jean-Michel Fourgous, dans son rapport « “Apprendre autrement à l’ère du numérique” , remis le 3 avril dernier à l’Assemblée nationale.

Années 50

Dans le secondaire, on dénombre seulement 3,4 élèves par ordinateur, et 10 élèves par ordinateur en primaire, selon les chiffres du ministère de l’Éducation. Il y a deux ans, dans son premier rapport “Réussir l’école numérique”, Jean-Michel Fourgous avait fixé pour objectif national d’arriver à trois élèves par ordinateur dans l’année en cours – en 2010 donc. Un objectif qui, deux ans plus tard, n’est toujours pas atteint.

À la manière de tous les autres secteurs, l’enseignement ne peut fuir le numérique et se doit de s’y adapter. Face à des digital natives pour qui les technologies de l’information sont devenues une autre langue maternelle, le système traditionnel d’enseignement semble archaïque. Yann Leroux, psychologue, déplore ainsi l’inadéquation de l’enseignement avec les évolutions de la société :

On ne peut pas enseigner à un lycéen qui a accès à Wikipédia comme on le faisait avec un lycéen des années 50, la révolution du numérique doit se faire dans tous les champs de la société.

L’arrivée du numérique a entrainé une redistribution des cartes. Le savoir n’est plus l’apanage d’enseignants qui en sont les uniques diffuseurs. Il est désormais accessible à tous. Une évolution sur laquelle on ne peut pas transiger, selon Vincent Peillon :

Si l’école est en retard alors qu’elle devrait, comme le disait Edgar Quinet « être le messager de l’avenir », alors elle n’est plus à sa place.

Maîtresse

La gamification (ludification en français), ou l’application des mécanismes du jeu vidéo dans un autre domaine, n’est pas aussi récente que le mot tendance qui la qualifie.  Le mouvement a même débuté dans le secteur scolaire il y a bien longtemps. Le système de notation (notion de score) ainsi que le bon point distribué par la maîtresse à la fin d’un exercice (gratification) ne sont ni plus ni moins que des formes primitives de gamification.

Lesquelles peuvent évoluer et rejoindre des objectifs éducatifs. Ainsi, au début des années 2000 sont apparus les serious games. Finis les jeux vidéo jugés inutiles et dangereux, place aux jeux pédagogiques et familiaux.

Ce nouveau type de jeux a amélioré la réputation du jeu vidéo, ouvrant la voie à de nouvelles possibilités d’usage. Ces dernières années, de nombreux jeux ont vu le jour, à l’image  d’Angles, un jeu créé par la BBC pour permettre aux enfants de différencier les angles géométriques en  les utilisant pour faire avancer un robot. Ce type de jeu est une évolution par rapport aux edugames des années 90. En effet, la finalité n’est pas de réussir un exercice de maths simplement présenté par un petit personnage guilleret mais bien de faire progresser un personnage dans un monde virtuel tout en apprenant, sans s’en rendre compte.

Pour Arana Shapiro, co-directrice de Quest to learn, une école expérimentale américaine, un peu révolutionnaire, dans laquelle l’enseignement s’inspire de la gamification, l’apprentissage serait plus facile à travers le jeu car les élèves se sentent nettement plus impliqués :

Quand les élèves jouent à un jeu ils en connaissent le but, ils savent où ils vont car les mécanismes sont clairs. Le feedback est immédiat et les élèves deviennent des acteurs de leur apprentissage.

Leigh Alexander, une journaliste américaine spécialiste des jeux vidéo ajoute que l’apprentissage dans le jeu ou dans l’expérience gamifiée a des répercussions sur le comportement en dehors de ce jeu :

Avec la montée croissante de l’usage des réseaux sociaux dans les jeux, il est possible de créer des jeux en ligne dans lesquels le comportement de l’enfant a un impact dans la vraie vie. On peut par exemple leur apprendre ce qu’est le réchauffement climatique et leur montrer comment avoir les comportements adéquats, comportements qu’ils assimileront et avec lesquels ils pourront faire une vraie différence dans la vie de tous les jours.

L’usage de la gamification en direction des enfants permet aujourd’hui de créer des applications pour les autonomiser et les responsabiliser, tout en leur apprenant à porter un autre regard sur le monde qui les entourent.

Le jeu permet aussi d’apprendre sans sentiment d’échec, la fin d’une partie n’ayant pas le même impact qu’une sanction telle qu’une mauvaise note ou une appréciation décevante. Pour Gilles Brougère, professeur en sciences de l’éducation :

Le jeu permet de mettre à distance les conséquences.

Grande échelle

L’école Quest to learn, créée à Manhattan en 2009, est une école expérimentale qui a poussé la gamification à son paroxysme. Le programme pédagogique est le même que dans n’importe quelle école américaine, mais il est rendu plus engageant par des méthodes radicalement différentes.

Tout le système scolaire a été repensé, les matières ont été renommées : le sport est devenu “wellness”, les maths “codeworld” et les sciences “the way things work”. L’école n’utilise pas de jeux vidéo commerciaux mais applique les mécanismes du jeu pour créer des expériences d’apprentissage qui reposent sur l’immersion, l’engagement et la quête, comme dans une sorte de jeu vidéo à grande échelle.

Dans cette école, pas de notation ou de classement, les élèves évoluent de niveaux en niveaux selon leur progression, indépendamment d’une classe ou des autres, uniquement à l’aune de leurs propres efforts. Ce qui n’empêche pas la dimension collaborative d’être au cœur de l’enseignement. Dans chaque matière, un concepteur de jeux aide les élèves à construire leur propre projet.

Un jeu commun, mettant en application ce qu’ils ont retenu de la matière et dont ils décident des règles et des modalités. Ayant vu le jour en 2009, il n’est pas encore possible de dresser un bilan du bien-fondé de ce type d’enseignement, même si, en 2011, une autre école Quest to learn a vu le jour à Chicago.

Puisque les réformes vers une e-école sont engagées, pourquoi ne pas imaginer une part de gamification du système scolaire français… Pour  Damien Djaouti, docteur en informatique et cofondateur de ludoscience, ce n’est pas envisageable :

La gamification n’est pas possible, si on la pousse à son paroxysme, tout sera jeu et donc plus rien ne sera jeu.

Évoquant la notion de cercle magique, il insiste sur le fait que le jeu doit se dérouler dans un univers distinct de la réalité. L’usage du jeu doit donc être restreint et n’être utilisé qu’en complémentarité d’autres méthodes. Yann Leroux va plus loin en expliquant que le transfert de la dynamique du jeu vidéo en classe est un exercice périlleux :

Ce qui caractérise le jeu c’est d’être différent du travail […]  avec le travail on cherche à acquérir des aptitudes, la dynamique n’est pas la même [...] La formation des enseignants à ces nouvelles pratiques est nécessaire mais il y a une vraie réflexion à mener entre pédagogues au préalable.

Le jeu vidéo, qui est encore assimilé à l’oisiveté, semble encore incompatible avec le travail et l’apprentissage au sein des écoles. Il faudra donc attendre que l’usage du numérique dans l’enseignement français se démocratise. Que l’e-école entre dans la réalité avant d’expérimenter la gamification.


Illustrations et photos sous licences creative commons par Alfred Hermida, Cory Schmitz et Viktor Hertz

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(Eco)système de jeu http://owni.fr/2012/03/02/un-jeu-video-pour-ecosysteme/ http://owni.fr/2012/03/02/un-jeu-video-pour-ecosysteme/#comments Fri, 02 Mar 2012 15:51:51 +0000 Dorothée Descamps http://owni.fr/?p=100465

Chaque joueur peut devenir gouverneur. A condition de bien maîtriser les manœuvres politiciennes...

Plus qu’un loisir, un phénomène culturel. Le jeu vidéo s’est profondément inscrit dans notre quotidien grâce à l’explosion des supports numériques. Si les casual games – ces petits jeux addictifs qui se jouent en solo à l’instar d’Angry Birds – connaissent un franc succès sur les smartphones, le secteur des jeux vidéos en ligne n’est pas en reste. Surfant sur la vague du “web 2.0″, c’est l’aspect communautaire qui prime. Les joueurs vivent une aventure collective.
World of Warcraft, le plus connus de ces MMORPG (jeu de rôle en ligne massivement multi-joueurs) réunit ainsi plus de 10 millions d’abonnés. Un marché juteux qui doit pourtant faire face à un public de plus en plus exigeant. En effet, les jeux “bac à sable” comme Minecraft, séduisent par leur capacité à offrir une grande liberté d’action, mettant en avant le pouvoir créatif des gamers. Le dernier né des studios Ankama, Wakfu, tente à sa manière de redonner plus d’autonomie aux joueurs.

Un gaming renouvelé

Sorti officiellement le 29 février, ce MMORPG reprend les classiques du jeu de rôle en ligne, à ceci près que les joueurs doivent en plus gérer l’écosystème et les relations politiques. Une expérience inédite à la frontière du serious gaming, entre sensibilisation et divertissement.

Dans un univers post-apocalyptique, chaque joueur se crée un personnage ayant des caractéristiques de base (classes), personnage qu’il faut faire évoluer au cours du temps et équiper selon son niveau de jeu. Pour Florence Di Ruocco, chargée de communication chez Ankama, la force de Wakfu est avant tout de proposer un jeu qui reproduirait les conditions du monde extérieur :

On a voulu rendre les choses plus crédibles. Il n’était pas question, par exemple, que l’on puisse dropper (récupérer) de l’argent après avoir combattu un monstre, ça n’avait pas de sens. C’est aux joueurs de frapper leur propre monnaie. Paradoxalement, c’est cette approche plus réaliste qui rend le jeu très novateur.

Aider au maintien de l'ordre ou respect de la nature permet de gagner des bonus de jeu. A l'inverse, aller contre les lois peut être préjudiciable.

Face à des conditions de jeu plus proches de la réalité, l’implication des joueurs s’en trouve renforcée. En effet, si la plupart des MMORPG possède un environnement permanent, où les monstres et ressources réapparaissent en continu, dans Wakfu le joueur doit veiller au maintien des diverses populations, quitte à replanter des plantes ou récolter des “semences” de monstres si besoin. Il est en cela aidé par des lois instaurées par les gouverneurs de chaque nation, personnages élus par la communauté des joueurs.

Des élections sont organisées pour désigner le gouverneur de chaque nation.

Placer le joueur au centre, tel est le crédo des concepteurs du jeu. Selon Jérome Échalard, game designer chez Ankama :

Le jeu a beaucoup évolué grâce aux joueurs, notamment pendant les phases de test. Il faut faire confiance à une communauté pour stabiliser la jouabilité et les innovations que l’on apporte.

La mise au point et surtout la stabilisation des thématiques comme la politique ou la gestion des ressources sont la résultante des relations privilégiées entre joueurs et développeurs. Ces avancées ne relèvent donc pas d’une étude poussée sur les mécanismes qui régissent ces concepts. C’est bien la valeur ludique qui est avant tout recherchée, on ne peut donc classer Wakfu dans la catégorie des jeux sérieux ou serious game. Pour autant, proposer plus de responsabilités aux joueurs pourrait avoir un impact éducatif réel comme le suggère Simon Bachelier, chargé de projet jeux vidéo et serious games à Universcience :

Ce jeu relève d’un vrai challenge pour sensibiliser à des questions que l’on retrouve dans la vie réelle. Il permet, selon le joueur, une prise de distance qui devrait avoir un impact au minimum indirect. Même si ces nouveaux thèmes ne sont perçus que comme des “règles” ou des modalités de jeu, ils peuvent offrir une prise de conscience.

Couper des arbres permet de récupérer le bois pour l'artisanat. Le bois n'étant pas en quantité illimitée, une surveillance de la zone est nécessaire. Récupérer des bourgeons permet ensuite de replanter si la météo est favorable.

Un jeu vidéo plus mature

La gestion d’un écosystème est un concept néanmoins difficile à implémenter. Simon Bachelier estime que le comportement naturel du joueur est de “piller”, accumuler le maximum de ressources qui s’offrent à lui. Dans ce cas précis, proposer un système stable où les joueurs doivent s’autoréguler, comme tente de le faire Wakfu, a mis en évidence différents types de comportement au sein de la communauté des joueurs comme en témoigne Antoine Simond, alias Tigibon dans le jeu :

Ces thèmes rendent le jeu plus mature. Nous avons vraiment trois camps : ceux qui les ignorent et jouent comme sur un MMO classique, ceux qui y participent pour créer, ceux qui sont là pour détruire l’écosystème. Il y a les même différences de comportement pour le système politique.
Des joueurs vont se liguer pour avoir le monopole sur un minerai, d’autres vont punir les hors-la-loi… Les joueurs s’organisent très bien, via les guildes, les forums ou encore via Wakfu World (un site dédié à l’univers du jeu), nous avons même eu des campagnes politiques qui étaient digne de campagnes de la vie réelle !

Chaque joueur possède un passeport de la nation à laquelle il appartient.

Les retours sur la beta du jeu – version test avant sa sortie officielle – se sont révélés plutôt positifs selon Ankama, fiers de l’effet de surprise que cela peut inspirer. Quant à savoir si ce type de jeu va faire des émules dans le monde des jeux de rôle en ligne, tout reste possible. Pour Simon Bachelier les jeux vidéos de manière générale subissent un tournant depuis quelques années :

Les jeux vidéos sont de plus en plus perçus comme un média à part entière. Différentes approches peuvent voir le jour, autres que le simple divertissement. Ils peuvent s’avérer être un moyen de communication puissant.


Captures d’écran du jeu WAKFU ©Ankama, tous droits réservés

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