OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 [Docu Video] Remix Manifesto : L’artiste vaut plus qu’un © http://owni.fr/2010/11/12/lartiste-vaut-plus-quun-copyright/ http://owni.fr/2010/11/12/lartiste-vaut-plus-quun-copyright/#comments Fri, 12 Nov 2010 10:50:03 +0000 Lara Beswick http://owni.fr/?p=27868 RIP : Remix Manifesto est un documentaire réalisé par Brett Gaylor avec la collaboration de personnalités tel Lawrence Lessig, Gilberto Gil, Girl Talk… nous vous le recommandons chaudement.

La musique, écrite et composée par des artistes dans le but  de s’exprimer, de partager un sentiment, un message, une sensation, a été recouverte par une notion ambiguë qui porte le nom de  copyright pour les anglo-saxons mais qui plus généralement, la notion de propriété intellectuelle. Inventé pour protéger les fruits de la pensée, le concept a rapidement été mobilisé par des commerciaux pour légitimer des pratiques libérales et embrigader les créateurs.

Qu’est ce que la création d’abord? Nous, êtres humains, nous inspirons tous les jours de ce qui nous entoure pour remixer, compiler des bribes de vie et en faire de nouvelles créations.

Musicalement parlant, les combinaisons harmoniques sont infinies, certes. Pourtant les mêmes accords sont toujours utilisés. Douze notes remixées encore et encore.

En cherchant bien, une création originale n’existe pas. La seule authenticité qui existe sont des éléments déjà existants ré-agencés de manière plus ou moins subtile.

La position de l’artiste devient alors délicate, en effet, il a besoin de vivre, de se loger, de se nourrir, pour pouvoir créer. Mais de l’autre côté, il a besoin de créer pour se sentir vivre. Les créateurs sont souvent enchantés de voir leurs œuvres appréciées, utilisées et partagées et ce, même à titre gratuit. Il est très important pour beaucoup d’artistes de devenir source d’inspiration et de “nouvelles créations” et c’est en ce sens qu’ils ont abandonné, à tort ou à raison la gestion de leurs droits à des professionnels du “Money Making”.

Le sujet fait débat depuis un moment mais Internet a remis la question de savoir si la notion de propriété intellectuelle sert ou dessert nos cultures sur le devant de la scène.

Depuis le procès historique de Napster, de nouvelles conceptions ont émergé pour rendre la notion de copyright plus équitable. L’interdiction de diffusion que subissent certaines œuvres dessert souvent la notoriété d’un artiste. Pour aller encore plus loin, la culture accessible à tous est une notion éthique importante que personne ne peut négliger. Brett Gaylor montre, dans la vidéo qui suit, comment le copyright peut ne pas rendre service à la diffusion efficace de notre culture.

Ce débat est complexe et délicat. Je prends moi-même un certain plaisir à l’animer et le provoquer mais je ne pourrais certainement pas me vanter d’en maîtriser tous les aspects. Quoiqu’il en soit, cette remise en question a pour avantage de nous obliger à nous instruire avant de pouvoir en parler et cette petite bombe de documentaire comporte beaucoup d’informations indispensables à l’évocation du sujet.

Money money mais à quel prix!

Bon voyage:

Cette vidéo a été découverte par le site sound-vibz

Crédits photos CC flickr: e-magic; TangYauHoong

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Artwork: vous n’avez pas tous les droits http://owni.fr/2010/08/24/de-importance-de-artwork-et-ses-impacts-a-echelle-mondiale/ http://owni.fr/2010/08/24/de-importance-de-artwork-et-ses-impacts-a-echelle-mondiale/#comments Tue, 24 Aug 2010 15:20:01 +0000 Martin Frascogna http://owni.fr/?p=26029 Martin Frascogna est un auteur et blogueur américain spécialisé dans les questions relative à l’industrie du disque et aux implications juridiques de celles-ci. Retrouvez-le sur frascognamusic.com, et sur Twitter.


La polémique autour de Contra, le dernier album de Vampire Weekend, a lancé un large débat au sein de l’industrie musicale.


[NDT: Le second album des New-Yorkais, sorti en janvier dernier, fait en effet l’objet d’une plainte de la part de Kirsten Kennis, qui n’est autre que la jeune femme figurant sur la pochette du disque. Datant de 1983, la photo du mannequin aurait été utilisée sans son autorisation. Kennis demande aujourd’hui deux millions de dollars au titre de dommages et intérêts au titre de l'utilisation de son image sans autorisation. Si le groupe reste quasi-muet sur l’affaire, il s’est fendu d’un communiqué laconique stipulant qu’il s’est acquitté d’un droit de licence auprès de la plaignante, les autorisant à utiliser l’image incriminée]

Alors que les médias sont déjà passés à autre chose, l’industrie, elle, continue à analyser cette situation rocambolesque avec une attention particulière. Les subtilités juridiques de cette histoire ont en effet de quoi désarçonner le plus compétent des avocats. Maintenant que les juristes sont de la partie, il semblerait que la seule manière de dénouer le problème soit un procès. Le musicien lambda se dit sûrement que ce n’est pas si grave pour Vampire Weekend et leur label: ils croulent sous les dollars, non ?! Au contraire, les jeunes groupes devraient faire attention à ce problème qui met en lumière une question depuis trop longtemps négligée :

Quelle est la valeur d’une pochette de disque et qui en a le contrôle ? Et plus largement, quelles sont les implications liées à l’artwork des albums au niveau mondial ?

Il existe un vrai malentendu autour des photos d’albums et/ou du design de ceux-ci. Le fait d’embaucher un photographe, un graphiste ou un directeur artistique pour élaborer le design d’un album ne signifie pas forcément que ce dernier vous appartient. Tom Beck, un photographe, vétéran dans le monde de la musique mais aussi grand amateur de groupes indépendants nous donne son avis sur la question, de l’autre côté de la barrière :

En tant que groupe, vous devez d’abord obtenir les accords de licence liés à l’image. Même si vous faites appel à un photographe, le copyright de la photo lui appartient et il vous revient de régler le droit d’utiliser la photo en plus de le payer pour son travail. De ces accords de licence peut en plus découler une autorisation spéciale du modèle pour utiliser son image. De quoi s’agit-il ? Elle stipule qu’une personne reconnaissable sur une photo donne de fait son autorisation pour qu’elle soit utilisée. Puisque plusieurs éléments entrent en ligne de compte dans ce contrat (notamment sur quels territoires et pendant combien de temps la photo peut être utilisée), il faut vous assurer que le photographe dispose de ces informations et que celles-ci sont fiables

Dans une industrie qui adopte les codes des indés, on a tendance à oublier que le principe de propriété intellectuelle (et ce qu’il implique) va bien au-delà de la musique.

L’affaire Vampire Weekend a rappelé aux photographes l’importance du copyright liant la musique et la photo. Et ce à juste titre, puisque leur implication dans le domaine créatif est considérable.

Au début d’un projet, les musiciens disposent d’un budget limité et l’acquisition des droits liés aux visuels du disque a toujours été un élément incontournable. Ce n’est pas facile de justifier une dépense de 20 000 ($) pour l’enregistrement de l’album puis d’acheter les droits pour les visuels du disque pour 5000 ($) de plus, après avoir payé le photographe 2000 ($) pour son travail. Les artistes doivent pourtant maîtriser cet élément. Les musiciens sont une “marque” à part entière, et il est nécessaire de maîtriser tous les aspects liés à celle-ci.

De même que vous n’hésiteriez pas à vous battre contre votre maison de disques pour conserver les droits de vos masters, vous devez garder le contrôle de tous les aspects créatifs de votre carrière (marques déposées, droits sur les photos et la musique etc…).

Au bout du compte, il s’agit de savoir qui contrôle la “marque” et celui qui détient l’ensemble des droits liés aux contenus créatifs détient le porte-monnaie.

Lorsque vous négociez les droits d’utilisation de ces contenus, prêtez une attention particulière aux conditions d’utilisation (c’est d’ailleurs là que votre avocat intervient). Lorsqu’un groupe obtient le droit d’utiliser les visuels d’un album pour une somme donnée, quelle en est la dimension géographique ? Est-ce pour l’Europe ? Pour l’Amérique du Nord ? Amérique du Sud etc… ?

Un photographe ou un graphiste peut accorder la permission d’utiliser l’artwork d’un album aux États-Unis pour disons 500$, mais dès lors que l’album sort en Italie, au Royaume-Uni, en Grèce, en Pologne ou sur tout autre territoire, il y a violation du contrat et vous vous exposez de fait à des poursuites. C’est donc une erreur à éviter à tout prix.

Certes, c’est délicat, mais ne voyez pas tout l’aspect visuel de votre album comme un gouffre financier inutile. Il représente qui vous êtes, donne une première impression, peut déclencher l’intérêt et surtout donne une idée de ce qui se trouve à l’intérieur du boitier. C’est donc un élément à prendre au sérieux et pour lequel cela vaut la peine d’investir.

Vous ne croyez pas que Vampire Weekend ou leur label aimeraient pouvoir revenir sur tout ça plutôt que de se faire traîner devant les tribunaux pour 2 millions de dollars ? Prenez vos responsabilités, investissez en conséquence et gardez le contrôle de votre marque.

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Article initialement publié sur Music Globalization

Photos CC flickr starbright31, flydown

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(R)évolution de la langue grâce au clavier:l’hybridation des codes http://owni.fr/2010/05/01/revolution-de-la-langue-grace-au-clavier-lhybridation-des-codes/ http://owni.fr/2010/05/01/revolution-de-la-langue-grace-au-clavier-lhybridation-des-codes/#comments Sat, 01 May 2010 09:16:18 +0000 [Enikao] http://owni.fr/?p=13647 Un jour on reçoit un courrier électronique, que l’on appelle courriel, e-mail voire mail par paresse. Il semble rédigé dans une novlangue étrange. Et plutôt que de sauter au plafond d’étonnement, d’appeler l’Académie Française pour outrage ou encore de filer vers la Bibliothèque Nationale pour compulser dictionnaires et ouvrages de sémiologie, ma réaction fut différente et enthousiaste.

Il est effectivement temps de faire un petit point sur les nouvelles formes créatives et culturellement hybrides d’écriture et d’expression.

Voici le contenu :

De : Nicolas Voisin

A : [Enikao] & Alphoenix

Copie : Media Hacker

L’un de vous deux+trois ou les deux-1 *et j’y suis pour rien* {vous/tu/ne rédigerai/riez} pas 1 (billet /-) _précis de typographie signifiante_ à destination de kevin -> parce qu’un jour lui aussi <- issu de la LOLculture et autres /b/ et #tuvoiscequejeveuxg33k [hein] ?

</plus j’y pense plus je me dis>

une bit.ly sur la bouche

(test Monoyer adapté : parlez-vous le geek ?)

Etonnante missive numérique de prime abord pour qui serait étranger aux codes d’Internet… mais qui m’a réjouit.

#Quandjaicompris le contenu de ce message

#Quandjaicompris le contenu de ce message qui mêle divers codes au sens propre comme figuré : langage HTML, smileys et symboles issues des messageries instantanées comme MSN et autres chats, #hashtag de Twitter, langage issu des forums et de 4chan… Il contient de nombreuses typographies du clavier, de celles que la génération des doigts (manettes de jeu vidéo, digicodes, claviers d’ordinateurs, concours de SMS et autres interfaces tactiles) aime à glisser dans ses textes tapés et qui ressemblent à du chinois pour le néophyte. Dans sa structure aussi, il diffère du français académique car ce message est dans une écriture non linéaire : en lisant de gauche à droite et de bas en haut on obtient des éléments contextuels dans un ordre inhabituel. Et effectivement, le langage de la génération LOL peut paraître déroutant au néophyte.

 (fossé générationnel de la contestation, allégorie de Michaelski)

Traduction dudit message dans la langue de Jean Ferrat :

Camarades, l’un de vous deux+trois ou les deux-1

Une idée me travaille depuis un moment </plus j’y pense plus je me dis> (fermeture d’une division en code HTML : vous voyez bien que ce morceau de texte à la fin doit être remis au début)

et de manière insistante *et j’y suis pour rien*

J’ai besoin de votre collaboration pour un exercice d’écriture éventuellement collective, selon les modalités de collaboration qui vous conviendront le mieux : seul, à deux ou trois mains. l’un de vous deux+trois ou les deux-1 {vous/tu/ ne rédigerai/riez} pas

Il s’agit d’un billet pour owni. un (billet /-)

Sous couvert de parler à la jeune génération dite « kikoolol », il s’agit d’analyser et de décoder les nouveaux usages linguistiques à destination de ceux qui les caricaturent. _précis de typographie signifiante_ à destination de kevin

Il faudra donc recontextualiser -> parce qu’un jour lui aussi <-

et rappeler que les références culturelles, notamment numériques, humoristiques, parodiques voire fantasmatiques divergent. issu de la LOLculture et autres /b/

Nous glisserons tout ceci dans la rubrique « vague but exciting », n’est-ce pas ? #tuvoiscequejeveuxg33k [hein] ?

Je vous salue affectueusement, vous que je lis et que je lie. une bit.ly sur la bouche

C’était pourtant limpide, non ?

#Quandjaicompris l’enjeu de ce qui se déroule

#Quandjaicompris l’enjeu de ce qui se déroule et l’ampleur du mouvement de pénétration d’autres cultures textuelles dans nos pratiques écrites des claviers. Petit panorama de ces nouveaux codes de langage, sans ordre particulier.

Le jargon de la grande volière volage Twitter entre dans des pratiques écrites voire orales : tweet-clash pour se brouiller avec quelqu’un, twitpiquer signifie prendre une photo avec son smartphone (et pas forcément l’envoyer sur Twitter, d’ailleurs), RT ou retwitter indique que l’on va répéter, faire suivre aux amis, fake pour indiquer une contrefaçon ou une fausse qualité. Par exemple un SMS contenant le message brunch l8 demain ? check 4², amis welcome, plz RT signifie Je pensais organiser un brunch demain matin tard, qu’en pensez-vous ? Pour le lieu consulter mon profil Foursquare. Tu peux venir accompagné et rameuter des copains, fais passer le message à qui de droit.

Ca peut sembler être une lubie de technophile hyperconnecté, geek et autre nerd, mais introduire des #hashtags, ces marqueurs contextuels de Twitter, dans un courrier électronique pour donner une information supplémentaire n’est pas si étrange. C’est aussi un moyen d’attirer l’attention sur une notion en particulier, ou de dire dans quel(s) cadre(s) on doit comprendre la phrase en question. Le fameux #fail indiquant un échec manifeste est devenu un classique du genre. Oups, on n’avait pas rendez-vous il y a une heure ? #fail indique que l’on est conscient de sa boulette, c’est même un mea culpa en règle.

Dans la vie courante, nous commençons à voir des acronymes venir coloniser d’autres univers écrits et même oraux. En particulier, les acronymes des forums et chats : le très répandu LOL (laugh out loud) et son pendant français MDR, mais aussi le bien franchouillot OSEF (on s’en fout), VDM (vie de merde) et son homologue anglophone LABATYD (life’s a bitch and then you die), les bien connus ASAP (as soon as possible) et BTW (by the way) que l’on croise souvent dans le monde professionnel, NSFW (not safe for work, sous-entendu : contenu à caractère pornographique), OMG/OMFG (oh my god/oh my f*cking god), AMHA/IMHO (à mon humble avis/in my humble opinion), WTF (what the f*ck), STFU (shut the f*ck up), RTFM (read the f*cking manual), AKA (also known as). Certains ont un peu disparu : ASV (Age/Sexe/Ville) et ASVP (avec une photo) n’ont plus de sens à l’heure où les réseaux sociaux affichent des profils complets et pas seulement un simple pseudonyme, ROFL (rolling on the floor laughing) n’a pas vraiment perduré mais son équivalent français PTDR (pété de rire) se trouve encore, BKAC (between keyboard and chair, sous-entendu : le problème n’est pas technique mais humain, sous-entendu : tu es une tanche) se fait plus rare, AFK/AFKbio (away from keyboard : je m’absente du clavier mais reste connecté, la précision “bio” indique que l’on satisfait un besoin biologique) également, TGIF (thank god it’s friday) n’a pas eu de succès dans l’Hexagone. Et bien sûr, ces exemples ne sont pas exhaustifs.

(RTFM : read the f*cking manual)

Le jargon des joueurs de jeux vidéo est aussi présent, sous forme d’onomatopées ou d’expressions dérivées insérées à l’intérieur de phrases : GG pour good game (bien joué), n00b pour newbie (débutant), pwnd/powned/pwn3d (tu t’es fait avoir, je t’ai battu), TK ou team kill (dommage collatéral), skin (habillage d’un avatar, ou plus largement la personnalisation d’une interface), roxer (dérivé de l’anglais it rocks, l’expression roxer du poney est devenue un classique et proviendrait du jeu Dark Age of Camelot), OOM (out of mana, à court d’énergie magique, pour indiquer que l’on est sans argent ou trop fatigué), loot (trouver quelque chose), être stuffé (être paré, équipé), ou encore faire level up ou gagner des XP ou PEXer (gagner de l’expérience, progresser) pour ne prendre que les plus courants et faciles à placer.

Le leet speak ou 1337 5|°34|<, langage qui substitue un caractère par une graphie similaire ou détournée (le 3 est un E à l’envers, le 2 est un R sans la barre verticale, le k se décompose en |<), s’introduit en partie dans les mots, pour quelques lettres, sans forcément effectuer un remplacement complet. Par exemple les comptes Twitter d’Electron Libre (devenu 3l3ctr0nLibr3) ou Owni (devenu 0wn1). Ces interversions constituent un marqueur social qui indique quelque chose comme : je suis technophile et appartiens à la culture Internet. C’est aussi un moyen de parler un langage codé que ne comprennent que quelques initiés : pr0n est une façon de parler (presque) discrètement de pornographie, en travestissant porn.

Plutôt que de répondre à quelqu’un qui vous agace “va te faire voir chez les endettés”, j’ai entendu récemment un camarade lâcher très nettement un bon “/rude” (lire slash rude), en référence aux commandes de gestes dans les jeux en ligne dits MMORPG (les fameux… meuporg /-) qui font faire à votre personnage un geste disons… injurieux. Les autres commandes ont un succès proportionnel à leur expressivité et à leur simplicité de prononciation /bow pour je m’incline, /wave pour je vous salue à la cantonade, /quit pour je dois vous laisser

Les images, dessins et textes en ASCII (American Standard Code for Information Interchange) consistent à faire un assemblage de caractères du clavier utilisant ce standard afin d’obtenir un graphisme, un peu sur le même principe que le canevas. Fréquent il y a 15 ans à l’époque où les pages ne permettaient pas de grande liberté de mise en forme, où le haut débit n’existait presque pas et où les images étaient rares, cela a disparu progressivement sauf pour les nostalgiques acharnés des contre-cultures du web qui y voient là une forme d’impressionnisme numérique. Les smileys participent de cette même idée.

(page d'accueil du site de hackers Cult of the Dead Cow, fin des années 1998)

Les smileys (et leurs variantes japonaises verticales, les kao moji) se glissent un peu partout dans les courriers électroniques, dans les billets de blog, dans les commentaires, dans les SMS… et jouent un rôle de ponctuation ou de nuance. On a par exemple des :’-( ou :-( ou :-/ oue encore T_T pour ça m’attriste, :-P pour notifier une espièglerie ou un caractère coquin, :-) ou ^_^ ou ^^ pour la joie, :-D ou XD pour la satisfaction à pleines dents, :-0 ou o_O pour l’étonnement, \o/ pour la victoire, la liste serait longue. L’usage des émoticônes a connu une belle expansion grâce aux salons de chat pour rajouter de l’expression de sentiment dans du texte jugé trop froid, les outils de dialogue en ligne comme ICQ, puis les messageries instantanées plus élaborées comme MSN Messenger et Skype ont fortement popularisé les émoticônes, de même que les téléphones mobiles grâce aux SMS. Notons que le symbole cœur <3 est un grand classique que l’on retrouve également sur les blogs, profils MySpace voire dans les conversations : comment va ton plus petit que trois ? pour comment va ton chéri / ta chérie ?

Certains textes utilisent sciemment les caractères barrés, par exemple le point 6 du manifeste Internet de journalistes web et blogueurs allemands affirme : Internet change améliore le journalisme. Ce n’est pas un barrage d’erreur, mais bel et bien une façon d’indiquer l’opinion dominante ou le préjugé pour le dépasser. Ici, il faut comprendre : Internet fait plus que changer le journalisme, il l’améliore ! Il est parfois difficile de distinguer l’ironie de l’erreur dans les textes barrés, mais justement leur schizophrénie les rend délicieusement ambigus et ce doute fait partie intégrante du texte lui-même. Alors que barrer à la main n’est qu’une rature. On perd du sens et du sous-entendu.

On peut voir des morceaux de code HTML jusque… dans des manifestations contre la guerre en Irak ! Ici, la fin de la division <war>, sous-entendu Arrêtons la guerre.


Il peut paraître étonnant de trouver des morceaux de calcul mathématiques comme le célèbre +1 (qui n’a rien à voir avec le Plussain de Dofus) et sa déclinaison pour geek lettré, le verbe plussoyer. Signifiant je souscris pleinement à ton assertion, je te rejoins, il a le mérite d’être simple, court et efficace. Il permet aussi de compter le nombre de participants à un événement  _Je sors manger à la pizzeria du coin, qui vient ? _+1 ! Pour mettre de l’emphase on pourra également employer des +1000 et autres +∞ (symbole infini).

Les médias sociaux ont aussi leur part dans le changement de vocabulaire : il y a eu le fameux I’m blogging this il y a 5 ans qui n’a pas connu grand succès en zone francophone, mais en peu de temps avec le succès de Facebook et Twitter on a vu arriver dans les conversations et les échanges en ligne ça se twitte, ça se twitpique, j’aime/je like, on se poke on se rappelle, il m’énerve je l’ai désamifié.

#Quandjaicompris la spécificité structurelle des pianoteurs de clavier

La culture de l’écrit à la main laisse en apparence davantage de liberté, par le simple fait que les lignes, formes, traits n’ont de limite que l’imagination de celui qui tient l’instrument d’écriture. On peut songer aussi à des formes plus artistiques et originales, comme Apollinaire et ses calligrammes, ou les calligraphies arabes et japonaises qui sont des arts à part entière.

De son côté, l’écriture au clavier permet de développer des pratiques à plus grande échelle parce qu’il y a standardisation de l’écriture (une touche ou une combinaison de touches donne un caractère) autant qu’ouverture des possibles (chacun peut effectuer des compositions à partir d’un existant). L’écriture à la main ne procède pas de ce double mécanisme et ne facilite donc pas la réappropriation, la modification et la vie des codes d’écriture et de langage.

Il y a une dimension véritablement hiéroglyphique dans ces nouvelles formes d’écrits, par la simple utilisation de symboles qui apportent du sens par leur aspect graphique, et du contexte par les sous-entendus et présupposés culturels qu’ils impliquent.

#Quandjaicompris l’aspect mémétique de ces nouvelles pratiques

La théorie des mèmes de Richard Dawkins fait de nos esprits des supports de mémoire tout comme notre un corps est un support de patrimoine génétique, ainsi gènes comme mèmes font partie d’une famille plus grande baptisée “répliquants”. Mémétique et génétique partagent des processus similaires : reproduction, mutation, lutte pour la survie et parfois mort. Les mèmes sont des comportements sociaux qui tendent à se produire et à subir des modifications, ils participent à une culture commune et on compte parmi eux les mythes (et les religions pour les athées les plus militants), les proverbes, les comptines, la chanson Happy Birthday, l’humour de répétition, les images célèbres (Mona Lisa, les photos à la Warhol, l’iconographie des campagnes de propagande du début du XXème siècle), le symbole ♥ et tout un tas de pratiques et habitudes dont on ne se souvient jamais vraiment du moment où on les a adoptées. Le marketing viral s’appuie par exemple sur la puissance mémétique. Bien entendu, par le pouvoir de duplication rapide du copier/coller et les outils de retouche, et grâce aux médias sociaux permettant de propulser les contenus, Internet est devenu une formidable machine à mèmes humoristiques, des LOLcats à La Chute en passant par Captain Obvious et autres Chuck Norris Facts.

Les nouveaux codes de langage issus des univers numériques s’inscrivent directement dans cette perspective, à ceci près qu’ils ont aussi un rôle cathartique à jouer. Aussi, s’opposer de manière frontale à la réappropriation créative de la langue et critiquer l’intrusion de nouveaux codes au nom de la tradition (qui n’est parfois que le synonyme d’un conservatisme passéiste, irrationnel et figé) n’est sans doute pas le meilleur service à rendre à la langue de Bobby Lapointe. Bien sûr, on connaît des langues codifiées et figées, bien rigides, avec leurs gardiens du temple. Il s’agit d’ailleurs… de langues mortes.

Une langue vivante, au sens où on utilise cette expression dans l’enseignement, mute et évolue. Face à leurs voisins anglophones, nos amis de la Belle Province manient subtilement le travail normatif pour faire la chasse aux anglicismes inutiles et la traduction / adaptation : e-mail devient l’élégant courriel, chat devient le superbe clavardage. Quand la technique entre dans nos vies, il faut bien nous les approprier et donner un nom est un bon début pour cela : au début fut le verbe

Au-delà de la lutte contre une préservation cocardière de la langue de Serge Gainsbourg, qui participe d’un esprit de clocher bien gaulois de lutte contre l’envahisseur, il faut peut-être regarder l’aspect pratique. Car c’est bien l’usage qui fait l’innovation, pas l’invention. Une invention qui ne sert à rien devient rapidement un souvenir ou une pièce de musée, tandis qu’un usage qui se développe participe au changement. Le regretté Douglas Adams, auteur d’ouvrages de science-fiction burlesque proche des Monty Python et personnalité excentrique, avait entamé un travail avec le joueur de tennis John Loyd baptisé The meaning of Liff pour tenter de mettre des mot sur des expériences humaines bien connues mais qui ne portent pas encore de nom. Voilà qui est créatif, drôle (clunes : catégorie de gens qui ne partent jamais alors qu’on aimerait les voir partir, sconser : personne qui vous parle en regardant autour s’il n’y a pas quelqu’un de plus intéressant avec qui parler, thrup : faire vibrer une règle sur un coin de bureau en la rapprochant progressivement pour qu’elle fasse un bruit plus rapproché et sec), et surtout qui comble un potentiel manque. Ces mots sont créés pour indiquer une réalité jusqu’alors sans nom spécifique, et on se demande d’ailleurs bien pourquoi parce qu’elles correspondent à des réalités tangibles.

En un mot, on définit une idée parfois complexe, et c’est bien dans cet esprit hiérogplyphique ou idéogrammatique que se situent les codes venus du clavier. Ils rajoutent des couches d’information et disent beaucoup tout en étant économes en espace occupé. Du smiley au +1 en passant par les acronymes, on ajoute du sens aux signes en comprenant les codes venus de divers univers. C’est donc bien une langue, avec ses étymologies et ses usages grammaticaux. Et elle est vivante, elle évolue grâce à ses locuteurs.

Pour revenir à la missive d’origine, il devient évident qu’il ne s’agit pas de faire pour Owni un dictionnaire. Certains s’y attèlent déjà avec une certaine créativité et une justesse qui forcent le respect, comme le Dictionnaire du futur. Mais il n’en est pas question ici. Après ce que je viens d’écrire, figer les codes serait du plus beau ridicule. Aussi, en guise de conclusion, je vais simplement répondre au message d’origine. Comprenne qui pourra.

/lit/ > done {</body> & in the dark } \o/

Vraiment #OOM car *mine de rien* l00ter des pic et bit.ly ->pour faire de la pédagogie<- c’est nécessaire /-) mais |<20n0|°|-|463.

Kevin va pouvoir aider _sur des arguments solides AMHA_ la GenX à PEXer en #LOLculture. GG @Loguy 4 [JPEG]

</work> AFK.

8^)

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