OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Quand les utilisateurs de logiciels libres refusent de mettre la main à la poche http://owni.fr/2010/09/14/quand-les-utilisateurs-de-logiciels-libres-refusent-de-mettre-la-main-a-la-poche/ http://owni.fr/2010/09/14/quand-les-utilisateurs-de-logiciels-libres-refusent-de-mettre-la-main-a-la-poche/#comments Tue, 14 Sep 2010 14:27:50 +0000 Philippe Scoffoni http://owni.fr/?p=28097 L’objet de cet article est de nous interroger à nouveau sur les travers de la gratuité et de son association aux logiciels libres, mais par un exemple concret. C’est l’histoire d’Olivier et de son plugin Wats qui vous est ici comptée :

J’ai commencé il y a un an le développement d’un plugin Wordpress pour transformer celui-ci  en système de support technique avec gestion des tickets. En un an, j’ai livré plus de 50 versions et des centaines de correctifs et nouvelles fonctionnalités. En échange, je n’ai reçu que très peu de donations. Régulièrement, des gens demandent de nouvelles fonctions, promettent parfois des dons en retour, mais ne donnent rien au final.

WordPress 3.0 est sorti il y a peu. Je n’avais pas pris le temps de tester et modifier WATS pour fonctionner avec cette nouvelle version et de nombreux utilisateurs ont mis à jour leur Wordpress sans faire attention à la compatibilité. Ils viennent maintenant me réclamer une version compatible au plus vite et bien entendu ne veulent toujours pas faire de dons.

J’ai eu une idée un peu originale : livrer la nouvelle version lorsque j’aurai reçu 500€ de dons. Il y a plus de 250 sites qui utilisent le plugin dont des entreprises. 500€ de dons, ce n’est donc pas grand-chose au regard des centaines d’heures passées jusqu’à présent pour développer le plugin.

J’ai suggéré à ceux qui me pressuraient pour livrer une version compatible avec Wordpress 3.0 de faire des dons. Je m’engageais à envoyer la nouvelle version à tous les utilisateurs faisant un don d’au moins 10€ . J’ai eu quelques dons. Une grosse dizaine en un peu plus de deux mois.

Ce qui a joué en ma faveur et forcé certains à donner, c’est que la version disponible sur wordpress.org n’était pas compatible avec wordpress 3.0 à cause de gros changements dans le core de WP. Du coup, ceux qui voulaient une version compatible ont dû faire un geste. En retour, je leur fournissais une version mise à jour (sachant qu’entre temps, j’avais aussi ajouté quelques fonctionnalités sympas).

Quels enseignements tirer de cette histoire ?

Tout d’abord que beaucoup d’utilisateurs de logiciels libres ignorent qu’ils ont à faire à des amateurs ou des personnes dont le support et le développement ne sont pas le métier principal. Ce sont souvent des passionnés.

Dans le cas présent, parmi les utilisateurs, nous avions à faire à des entreprises. Que représente 500€ pour une entreprise quand on sait que certains consultants spécialisés se facturent plus de 800€HT la journée. Tarif que bien des entreprises paient sans sourciller.

Évidemment, toutes les entreprises ne roulent pas sur l’or et certaines sont contraintes pour joindre les deux bouts d’utiliser des logiciels qu’elles ne paient pas. On notera au passage qu’il s’agit bien souvent de logiciels non libres.

C’est là toute la difficulté : faire payer ceux qui le peuvent. C’est possible, mais au prix d’un contrôle qui peut-être difficile à mettre en œuvre. C’est un peu la quadrature du cercle qui peut laisser penser certains qu’il ne faut alors rien faire et que la gratuité doit donc s’imposer.

Pourtant, il n’y a pas de fatalité. En France, les statuts comme ceux des associations sont facilement accessibles. Placer un logiciel libre dans le cadre d’une association peut procurer bien des avantages. Ce statut offre des déductions fiscales pour les donateurs. Une démarche qui demande cependant à faire reconnaître par l’administration fiscale l’association comme d’intérêt général. Difficile aussi pour le développeur de tirer des revenus de cette association. Idéalement celle-ci doit être portée par la communauté des utilisateurs qui pourrait alors “payer” le développeur (extérieur à l’association) pour réaliser des évolutions.

Une idée que je jette comme cela sans avoir trop étudié les tenants et aboutissants. Je me base sur le modèle des AMAP qui soutiennent des producteurs locaux par les achats des membres de l’association. On pourrait appeler cela des AMIL : Association de Maintient de l’Informatique Libre. Un contrat entre des utilisateurs et le ou les créateurs d’un logiciel libre. Mais j’invente peut-être le fil à couper le beurre!

Dommage aussi que des entreprises comme WordPress ne fassent rien pour ces milliers de développeurs. Nous passons tous par sa plate-forme et nous ne sommes même pas sollicités avant de télécharger un plugin pour faire un don. A charge pour le développeur d’introduire un bouton de don (Paypal toujours…) dans l’interface d’administration.

Je sais, le sujet délicat et je vous demanderais de ne pas porter de jugement ad hominem à l’encontre d’Olivier. Il s’agit ici de s’interroger sur des pratiques et de discuter ensemble des solutions.

Illustrations FlickR : Nils Geylen, bitzcelt

Article initialement publié sur le blog de Philippe Scoffoni

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La démocratie inachevée http://owni.fr/2010/02/02/la-democratie-inachevee/ http://owni.fr/2010/02/02/la-democratie-inachevee/#comments Tue, 02 Feb 2010 12:01:24 +0000 Thierry Crouzet http://owni.fr/?p=7544

L’idéal démocratique ne s’accomplira que si nous envisageons tous les modes possibles d’organisation de la société, et non seulement le modèle pyramidal qui implique la représentation de type monarchiste. Certains secteurs de la société ont peut-être besoin de pyramidal, d’autres non. Seulement, faudrait-il accepter les autres possibilités ! Nadia vient de me faire repenser à ces questions par ses questions.

Qu’est-ce que l’auto-organisation ?

Un système est auto-organisé quand il n’a pas besoin d’un organe de contrôle central pour fonctionner (structure non pyramidale). J’ai souvent donné l’exemple des oiseaux qui volent en flotte ou des paquets TCP/IP sur le Net. On peut dire la même chose des piétons sur les grands boulevards ou dans les couloirs du métro.

Auto-organisé ne veut pas dire inorganisé, mais que l’organe de contrôle est distribué. Cet organe qui prend en général la forme d’un jeu de règles que respectent les agents, peut apparaître au cours de l’évolution, des règles étant peu à peu sélectionnées parce qu’elles offrent quelques avantages au système.

Nous-mêmes, qui résultons de ce phénomène d’auto-organisation, pouvons imaginer des règles a priori et vérifier si elles mènent à des auto-organisations. Cette approche passe par des simulations. Dans le domaine technique, on s’en tire à peu près, notamment en s’inspirant de la nature. Mais c’est plus difficile pour faire interagir des gens, ce qui implique des expériences à petites échelles avant d’imaginer les généraliser.

Nous ne faisons aujourd’hui que balbutier la politique de l’auto-organisation. On a vu quelques amorces lors des campagnes électorales aux États-Unis. Al-Qaeda est passée maître dans cet art. Quelques entreprises le pratiquent.

Mais il ne faudrait pas oublier qu’une bonne part de notre société est déjà auto-organisée de manière implicite. La plupart des choses que nous faisons durant une journée ne résultent pas d’une consigne émise par un organe de contrôle central. En fait, il est presque plus facile de parler de ce qui n’est pas auto-organisé (la plupart des entreprises, des partis politiques, des gouvernements…) que de ce qui l’est (tout le reste).

J’ai bien sûr mon exemple préféré d’auto-organisation : la circulation routière. L’organe de contrôle est totalement distribué : les signalisations éparpillées sur le territoire donnent des consignes ponctuelles, mais la plupart du temps nous sommes livrés à nous-mêmes. Rien ne nous empêche de jouer aux autotamponneuses sinon quelques règles.

La règle n’a pas toujours pour fonction de réduire la liberté. Elle peut souvent l’accroître.

Il ne faut pas chercher des exemples d’auto-organisation au grand jour. Nous sommes dans une société gouvernée par des pyramides, elles attirent la lumière. Les AMAP sont, par exemple, une façon d’auto-organiser sur le territoire un circuit alimentaire alternatif. L’auto-organisation est par principe souterraine, structurelle, fédératrice. Quand on la voit se manifester au cours d’une campagne électorale, c’est déjà sous une forme pervertie.

Note sur l’autogestion

Quand je parle de l’auto-organisation, on me renvoie souvent à l’autogestion. Pour moi l’autogestion, c’est typiquement la coopérative. Tous les employés possèdent l’outil de production, éventuellement à parts égales. Maintenant une coopérative n’est pas nécessairement auto-organisée. Elle peut adopter une structure pyramidale.

Inversement, un système auto-organisé n’est pas nécessairement égalitaire. La nature est dans une grande mesure auto-organisée et il y existe des puissants et des faibles.

Ainsi Internet, qui repose sur de nombreux mécanismes auto-organisés, n’en est pas pour autant égalitaire (il est même tout sauf égalitaire).

Dans un système auto-organisé, les agents ne sont pas plus libres que dans un système pyramidal. Le fait de ne pas voir clairement l’organe de contrôle ne signifie pas qu’on ne lui obéit pas. Parfois il est même plus facile d’éructer contre un guignol bien visible que contre des forces plus souterraines.

De la démocratie

L’organisation pyramidale ou l’auto-organisation ne sont pas en concurrence dans l’absolu. Simplement, en un âge de complexité croissante, la démocratie doit adopter des organisations capables de gérer la complexité (l’incapacité de gérer la complexité nous ferait verser vers la dictature et vers une gigantesque récession).

L’auto-organisation est alors une méthode à considérer. Elle est démocratique par définition : elle confère le pouvoir au peuple puisqu’il se retrouve distribué entre les individus. Mais chacun d’entre eux ne dispose pas d’un pouvoir équivalent.

L’auto-organisation en elle-même ne garantit ni la liberté, ni l’égalité, ni la fraternité. Pas plus que le système pyramidal d’ailleurs.

Dans la quatrième partie de mon Alternative nomade, je montre que la liberté et la fraternité sont consubstantielles. Plus nous nous lions, plus nous accroissons notre liberté, ce qui est la seule stratégie de survie dans un monde qui se complexifie.

La complexité du monde nous pousse à adopter l’auto-organisation, une auto-organisation qui maximise la liberté et la fraternité (ce qui ne serait pas le cas si la complexité n’était pas extrême). Pour le même prix, nous avons la liberté, la fraternité et la complexité… ou la catastrophe.

Reste l’égalité, l’égalité en droit bien sûr. Je ne pense pas qu’une forme d’organisation puisse intégrer en elle-même cette idée, justement parce que c’est une idée qui a émergé assez tardivement.

Imaginons de fortes inégalités. Certains liens se retrouvent déséquilibrés, des liens de type maître-esclave. Ils réduisent l’intelligence collective, donc présentent un handicap pour l’ensemble de la société. Dans un monde de plus en plus complexe, nous avons tout intérêt à lutter contre les inégalités pour ne pas nous affaiblir globalement. Le troisième pilier de la démocratie est nécessaire dans un environnement complexe.

Manager vs leader

J’ai discuté de cette nuance dans la seconde partie du Cinquième pouvoir. Pour résumer. Le manager connaît la solution. Le leader donne envie de trouver une solution et de la mettre en œuvre.

Alors oui il y aura toujours des leaders, parce que des hommes auront plus d’énergie, plus de stamina, plus de charisme… plus de facilité à créer des liens. L’égalité en droit n’empêche pas la diversité.

Mais il faut se placer dans la perspective des TAZ. Le leader d’une TAZ ne sera pas nécessairement le leader d’une autre. Les circonstances font le leader.

Nous devons mettre en place des structures souples pour que les leaders puissent émerger vite et rentrer dans le rang tout aussi vite. Faire tout le contraire de ce que nous propose la politique actuelle. Où il faut longtemps pour atteindre le sommet, ce qui ne donne aucune envie d’en redescendre.

Pouvons-nous empêcher un leader de s’accrocher ? La complexité sans cesse croissante devrait se charger de faire le ménage. Un leader qui s’accroche, qui n’est plus capable d’accompagner la complexité, devient un frein… il pénalise le système… qui fera émerger un autre leader si nécessaire.

PS : Je ne pense pas avoir dit qu’Internet était une société. Internet est un territoire où une part de notre société se développe. Si notre société a un pied sur un territoire, un pied sur un autre, elle ne peut que boiter. C’est toute la société qui ressent les claudications. C’est une autre façon de décrire le cycle 1/Information 2/Homme 3/société 4/Homme. Transformer l’information, transforme la société.

» Article initialement publié sur Le Peuple des Connecteurs

»Image d’Illustration par PaDumBumPsh sur Flickr

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