OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Hicheur : “j’étais le pigeon providentiel” http://owni.fr/2012/07/02/adlene-hicheur-jetais-le-pigeon-providentiel/ http://owni.fr/2012/07/02/adlene-hicheur-jetais-le-pigeon-providentiel/#comments Mon, 02 Jul 2012 04:30:44 +0000 Pierre Alonso http://owni.fr/?p=114597 Owni, Hicheur dénonce, non sans arguments, la construction d'un dossier à charge. "De l'inquisitoire, pas du judiciaire" explique-t-il. ]]>

Adlène Hicheur est sorti de prison. Le 15 mai au matin, le conseiller d’insertion et de probation suggère que sa détention pourrait prendre fin “très prochainement”. Le soir même, il est dehors. Il aura passé plus de deux ans et demi à la maison d’arrêt de Fresnes, maintenu en détention provisoire toute la durée de l’instruction.

Physicien au Centre européen de recherche en nucléaire (Cern), ce physicien de haut niveau a été arrêté le 8 octobre 2009 au domicile de ses parents, à Vienne dans l’Isère. Les mots-clés fusent alors dans la presse : physicien, nucléaire, Al Qaida. Terrorisme. À l’issue de sa garde à vue, Adlène Hicheur est mis en examen pour association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste. Ses activités sur Internet sont dans la ligne de mire des enquêteurs. Lui dénonce depuis le début un dossier vide, instrumentalisé à des fins politiques.

Le parfait terroriste physicien

Le parfait terroriste physicien

Il y a deux ans, un physicien du Cern d'origine algérienne, devenait le client idéal de l'antiterrorisme à la française ...

Il a accepté de répondre à Owni, d’évoquer sa détention, sa relation avec les enquêteurs puis les magistrats, mais aussi les curiosités de cette affaire, notamment l’identité de son mystérieux correspondant, un certain Phoenix Shadow. Les services antiterroristes en sont persuadés : derrière se cacherait un cadre d’Al Qaida au Maghreb (Aqmi), Moustapha Debchi, mais la preuve de cette équation n’a jamais été apportée.

Condamné le 5 mai à cinq ans de prison, dont un an avec sursis, il est sorti à la faveur de remise de peine. Sans attendre, il a repris contact avec ses anciens collègues, pour éviter “de sombrer dans la dépression”. Ultime bataille, il tente de faire rectifier sa page Wikipedia : “Une vie ne peut pas se résumer à un fait divers”.

Quelle a été votre réaction à l’annonce du jugement ?

Aucune surprise. J’avais vu le déroulement de l’instruction, j’avais vu qu’on avait fait de moi une victime expiatoire d’une certaine politique. C’est le paradigme du bouc-émissaire : on prend une personne qu’on charge du point de vue symbolique et on l’immole rituellement devant la société. Je ne me faisais aucune illusion, je voulais seulement être jugé rapidement pour que la détention provisoire cesse, pour ma famille, pour moi.

Le système a tenu à aller jusqu’au bout parce qu’il fallait envoyer des messages forts à la société. Ce mode de gouvernance est très dangereux. J’appelle ça de l’aliénation sécuritaire. Ça tue le génie créatif, l’épanouissement intellectuel. Mieux vaut agiter des chimères que faire face à ses propres carences. Dans leur tribune les gens de Tarnac l’ont très bien dit : la peur est le sentiment le plus facile à instrumentaliser.

La peur, l’inconnu, l’ignorance : les trois se tiennent. Les apprentis sorciers sont incapables de résoudre des problèmes sur des sujets sérieux comme le chômage, mais ils sont les premiers à agiter la matraque. Mon cas met à nu leur prétention de respecter les gens qui travaillent. Je suis l’exemple typique de taulier au travail, de personne qui se lève tôt. Ma vie est brisée pour des éléments qui n’auraient jamais conduit à une incarcération dans un autre pays. Ça devrait mettre la puce à l’oreille à tout le monde, même des gens qui n’ont pas la même culture politique que moi. On commence par les uns et on va ensuite vers les autres. C’est exactement la logique d’un système totalitaire.

Le tribunal a aussi prononcé la confiscation des saisies d’argent liquide, environ 15.000 euros, et du matériel informatique.

La saisie de l’argent liquide c’est du vol institutionnalisé, la saisie de mon matériel informatique un assassinat intellectuel. J’avais des centaines d’heures de travail dessus ! Des idées, des articles, des cours, des données scientifiques…

Vous étiez poursuivi pour association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste, pour financement du terroriste et pour avoir diffusé de la propagande, ce que le procureur désignait sous l’expression “jihad médiatique”.

C’est vraiment de la surenchère. Je n’ai pas de site, pas de blog. Je n’ai intégré aucun projet médiatique contrairement à ce qui a été dit. J’ai interagi en tant que user (utilisateur) sur des forums, échangeant des opinions. C’est vraiment de la mauvaise foi de l’accusation ! Qu’est-ce qu’ils appellent jihad médiatique ? C’est un peu vague… Ce qui peut leur poser problème, c’est que des groupes, disons politico-militaires pour rester technique, fassent des reportages sur leurs activités et les publient. L’expression fourre-tout, d’après ce que j’ai compris, permet de toucher toute personne qui aurait accès à un moment ou à un autre à des publications de ces organes médiatiques.

Est-ce que traduire ce genre de publications en citant la source constitue du jihad médiatique ? C’est très vicieux de rechercher des actes positifs qui constituent des incriminations, surtout au vue des conséquences terribles ! N’importe quel journaliste peut être amené à faire ce genre de travail sans pour autant faire partie de l’organe médiatique ou approuver ce qu’il traduit. Pour en arriver là, il faut vraiment qu’il n’y ait rien dans le dossier. C’est grotesque et ridicule. Ils ont essayé de m’avoir a minima.

Vos défenseurs avaient dénoncé une instruction à charge, mais à la veille du procès, Me Baudouin, votre avocat, s’en remettait à l’indépendance de la Cour et au regard nouveau qu’elle poserait sur votre dossier.

La 14e chambre correctionnelle du TGI de Paris ne juge pas, elle condamne.

Hicheur bon terroriste confirmé

Hicheur bon terroriste confirmé

Le physicien du Cern accusé d'activités terroristes, Adlène Hicheur, a comparu jeudi et vendredi devant le tribunal ...

Il avait également pointé la façon dont la président, Mme Rebeyrotte, menait la séance.

Il n’y a pas eu de questions sur des points précis, pas de débat contradictoire. Ce n’était pas un procès mais un rouleau compresseur visant à asphyxier la défense. Plusieurs griefs étaient lus pendant 20 ou 30 minutes et je n’avais pas le temps de répondre. Pour moi, la condamnation n’a pas été prononcée par la justice mais par la police. La police me voulait, me voulait condamné.

Dans les institutions d’un État qui se respecte, il existe des contre-pouvoirs qui peuvent arrêter ce genre de bêtises. Le grand public retient des mots-clés : “musulman”, “physicien”, “Al Qaida”. Ça relève de la psychologie de masse.

Quelles relations aviez-vous avec le juge d’instruction, Christophe Teissier ? Dans un entretien accordé à Mediapart, vous évoquiez une audition “stérile et sans intérêt”.

Les mêmes éléments revenaient sans arrêt. Au début, j’étais naïf. Je pensais qu’au moins un ou deux magistrats constateraient le vide du dossier et décideraient d’arrêter. Petit à petit j’ai découvert la justice française, la chape de plomb qui vous tombe dessus. La mauvaise volonté se mêle à la mauvaise foi. Et là on comprend qu’on est entre de très mauvaises mains.

J’avais en tête que le magistrat n’était pas un flic, même si la réputation du pôle antiterroriste n’est plus à faire… J’avais espoir qu’on revienne à un peu de sagesse ou à défaut d’équité : quand il n’y a rien, il n’y a rien. Il a joué le rôle d’un flic main dans la main avec le procureur.

“Et ils s’acharnent, ils s’acharnent”

Comment se sont passés les interrogatoires pendant votre garde à vue ?

Mal. Le rapport voyous-braves gens était inversé : les voyous c’était eux ! Parfois, les insultes fusaient. Les policiers utilisaient mon frère, la santé de ma mère pour faire pression sur moi pendant ma garde à vue. Ils ressemblent à des psychopathes hystériques tout excités. Peut-être parce qu’ils sont toute l’année dans un bureau à se croiser les doigts… Dès qu’ils peuvent avoir un os à ronger, toutes les frustrations de leur quotidien – pas terrible d’ailleurs – se déchargent sur vous.

Les gens de Tarnac l’ont bien compris. Ils sont passés par la machine. Ils ont souffert de la même chose que moi : l’acharnement policier. Il en faut peu. Deux ou trois officiers se montent la tête, au bout d’un moment c’est comme si vous leur apparteniez, et ils s’acharnent, ils s’acharnent. Et puis, des carrières sont en jeu… Dans mon affaire, il y a eu au moins une promotion avérée : les grades changent entre les PV de début et de fin. Utiliser les moyens de l’État pour faire du mal à quelqu’un est d’une lâcheté sans nom.

Sous quelle forme avez-vous ressenti ce “déchargement” ?

Le ton, l’excitation. En garde à vue, on m’a dit : “vous allez perdre votre boulot, vous ne serez plus physicien, vous ne serez plus au Cern”. C’est d’un cynisme total ! Les gars sont assurés de leurs pleins pouvoirs. Il y avait un plaisir à me faire perdre un certain statut social, l’un des chenapans l’a exprimé ouvertement. Ça tranche avec le comportement des deux enquêteurs suisses qui sont venus m’interroger en septembre 2010. C’était des gens très posés, très carrés. Ils ont fait leur boulot sans tout ce cinéma.

Des détails très ténus sont montés en épingle : le plus choquant est sans doute les questions sur la pratique religieuse. Pourquoi on me demande si je prie ou si je jeûne dans le cadre d’une enquête judiciaire ? On évoque la vie et la culture familiales. Je réponds que nous sommes proches de la religion musulmane tout en étant ouverts. Ensuite les questions dévient sur des situations politiques, en Irak en Afghanistan. Jamais j’aurais pensé à ce moment-là que mes réponses seraient utilisées dans le réquisitoire. C’est de l’inquisitoire, pas du judiciaire.

Lorsque le procureur vous avait demandé si vous étiez salafiste, lors du procès, vous lui avez répondu qu’il faudrait une thèse de doctorat pour en parler.

Je trouve étonnant qu’un tribunal chargé de caractériser une infraction pénale parle de salafisme. On balance les slogans, des chimères, des sorcières. Je peux parler en détails des tendances et mouvances dans le monde musulman. J’ai beaucoup lu et c’est frustrant d’avoir affaire à des gens qui ne sont pas très au fait mais utilisent ça comme outil de guerre psychologique. C’est chasser toute rationalité à l’affaire pour garder l’irrationnel qui excite les cordes de l’opinion publique.

Il y a des raccourcis un peu simplistes du genre “salafisme = activité armée”. Les Frères musulmans ne sont pas salafistes mais ont des branches armées dans différents pays. Les Taliban n’ont rien à voir avec les salafistes. C’est beaucoup plus compliqué que le simplisme présenté au public.

Vous étiez interrogé par des agents de la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) ?

Par deux binômes d’agents de la DCRI. Un de jour, un de nuit. J’avais l’impression qu’ils avaient découvert un filon : le filon Internet. Avec Internet, il n’y a pas de filature, de planques avec le thermos… Sur Internet, les ingénieurs se bloquent sur l’IP et interceptent le flux. En parallèle, les policiers peuvent même jouer aux jeux vidéo dans un bureau à côté à Levallois.

Ivan Colonna dans la cellule à côté

Comment s’est passée votre détention à Fresnes ?

L’administration est stricte, zélée même. Les cours de promenade sont minuscules, 40m2. Personne ne peut s’imaginer les affres de la détention : ce sont des familles brisées, des couples désunis, des épouses qui pleurent dans les parloirs, des mamans qui ne mangent plus. C’est contre-productif comme disait Me Baudouin. Plus une politique sécuritaire est coercitive, plus elle crée de la violence et de l’instabilité.

Dans quel quartier étiez-vous à Fresnes ?

Au début, j’étais à l’hôpital pénitentiaire en raison de mon état de santé. J’y suis resté quatre mois. Puis j’ai été transféré en 3e division du quartier principal.

Vos codétenus étaient des mis en examen ou des condamnés dans des affaires similaires ?

Après l’hôpital pénitentiaire, j’étais dans la 3e division Sud, au rez-de-chaussée avec tous les malades : 90% sont des cas psychiatriques, dont certains très graves. J’y suis resté presque un an. Je n’ai jamais vu autant de misère humaine de ma vie. J’avais le rôle de Jack Nicholson dans Vol au-dessus d’un nid de coucous.
Ensuite j’ai été transféré au Nord, toujours au rez-de-chaussée. J’ai croisé différents types de profils, essentiellement du banditisme et un seul cas politique, c’était Ivan Colonna. Il était dans la cellule à côté.

Pas d’autres personnes impliquées dans des affaires terroristes ?

Dans les autres activités, comme le terrain de sport, j’ai croisé des Basques et d’autres Corses.

Quel genre de relations aviez-vous avec eux ?

Un esprit de camaraderie de prison. J’ai aussi ressenti beaucoup de compassion. Personne n’est dupe en prison, tout le monde connaît bien le système, ils savent décoder l’actualité. J’ai senti de la révolte aussi, des droits communs notamment. Le discours : “si vous aviez fait des études, vous ne seriez pas là” était faux. Eux se retrouvaient avec plus de droits que moi, qui ai pourtant fait beaucoup d’études !

Avez-vous fait appel à une solidarité confessionnelle pour “cantiner” ou autre ?

J’interagis avec les gens selon un seul critère : qu’ils soient réglos. J’ai partagé de bons moments avec des gens très différents de moi tant qu’ils sont agréables et pas nuisibles. On est tous dans le pétrin ! Quand quelqu’un manque d’un produit, on lui donne et vice versa. C’est quasiment automatique.

Tous les détenus n’ont pas de doctorat en physique des particules. Comment s’est passé votre détention de ce point de vue ?

J’ai lu quelques bouquins, dont La force de l’ordre de Didier Fassin sur la police anti-criminalité et Les veines ouvertes de l’Amérique latine qui m’a marqué. Des ouvrages scientifiques aussi pour m’entretenir. J’ai réussi à tenir les 20 premiers mois, à travailler, à être efficace. Ensuite, je fatiguais.

J’ai eu du mal à m’ajuster à la mentalité de la prison. L’administration pénitentiaire avait elle du mal à voir sous quel registre me gérer. L’aspect sécuritaire et disciplinaire des peines fait que les détenus particulièrement surveillés (DPS) et de la catégorie “mouvance” ont des fouilles régulières des cellules et une fouille à corps intégrale, ce qui est particulièrement humiliant et parfaitement illégal. Il y a une volonté politique de rendre la détention préventive la plus pénible possible pour user la personne. C’est ainsi à Fresnes en tout cas.

La notion du châtiment douloureux est très forte en France. Certains personnels de l’administration pénitentiaire font sentir qu’ils sont là pour être odieux. Les surveillants sont très jeunes, et tout dépend de leur caractère et de leur humeur. C’est un jeu : celui qui s’énerve perd la partie.

Pigeon providentiel

Dès les premiers jours de votre arrestation, des articles utilisaient les mots clés “terroriste”, “physicien”, “nucléaire” dans leur titre. Quand avez-vous appris cette médiatisation, très forte dès le début ?

Je suis passé en comparution médiatique immédiate. Le circuit passe par la police, le ministère de l’intérieur et la Présidence, puis redescend dans les médias qu’ils connaissent et choisissent. Mes parents sont venus à mon premier parloir, ils m’ont raconté verbalement. J’étais coupé du monde jusque-là.

Quand j’ai réalisé, j’étais dépressif. J’ai compris que s’ils avaient fait ce bruit-là, rien ne les arrêterait. J’ai réalisé l’ampleur de l’entourloupe : j’étais le pigeon providentiel.

La médiatisation d’une personne privée qui ne l’a pas choisie est d’une grande violence psychologique. L’instrumentalisation des médias est très puissante, même un “ange qui marche sur terre” se ferait détruire. Je suis frappé du sceau des parias, pour que je ne puisse pas me refaire, pour que je sois précaire le restant de mes jours. On verra, je ne suis pas prêt à baisser les bras, je veux me refaire, tant bien que mal.

Vous avez été présenté comme la figure du loup solitaire par certains responsables de la lutte antiterroriste.

Dans le passé, ils avaient au minimum des bandes de copains à qui on pouvait reprocher, ou pas – je ne sais pas – une certaine forme de prosélytisme. Il y avait des points d’ancrage pour donner l’illusion. Pas dans mon cas. Il y a un gars qui a étudié toute sa jeunesse, qui travaille, qui vit dans un environnement rural. Jamais j’aurais pensé qu’on arriverait à de tels extrêmes à partir de rien. C’est une dérive dans la dérive.

Ils ont été obligés de créer un profil artificiel pour justifier toute la mascarade. Il n’appartient pas à un groupe ? Il vit tout seul ? Ce sera le loup solitaire par exemple. La rhétorique ancienne ne pouvait pas fonctionner.

En s’appuyant sur votre utilisation d’Internet ?

Oui, mais le plus grave c’est l’idée qui se dégage de l’expression loup solitaire. On imagine quelqu’un qui vit reclus. C’est faux. Je travaillais dans le cadre de collaboration internationale, j’avais affaire à des centaines de personnes quasi-quotidiennement au Cern. Plusieurs milliers de physiciens de nationalités différentes travaillent ensemble. Aucun outil de sociabilité n’est aussi fort ! Il faut s’adapter à toutes les cultures, à tous les tempéraments, à toutes les personnalités.

Cette partie a été zappée dans les médias. La personne réelle disparaît au profil d’un clone, d’un hologramme, habillé de toutes les caractéristiques pour vendre la justice à l’opinion publique. Il y avait une feuille blanche, immaculée, avec un bon cursus scolaire et universitaire. C’était un défi de construire une intrigue à partir de mon vécu ! Personne dans mon entourage familial, professionnel, de mon voisinage ne voulait me “salir”. Alors ils sont allés chercher des internautes avec qui j’avais interagi il y a x années.

Pourquoi acceptez-vous de parler aujourd’hui ?

Je ne parle pas à tout le monde. Je considère que ça peut être productif ou positif, mais à dose homéopathique. S’il fallait tout dire, on pourrait noircir des pages.

Désintégration morale

Comment voyez-vous votre avenir maintenant ?

Difficile. Par nature, j’ai tendance à être prudent. Dans un premier temps, je n’accepte pas qu’on me démissionne de ma passion et de mon gagne-pain par “la force des mitraillettes” comme dirait Louis de Funès. Si je devais quitter le milieu scientifique ou la physique des particules, ce serait de mon propre chef. Utiliser le sécuritaire pour me faire basculer dans la précarité dépasse une procédure de sanction pénale – déjà injuste – pour me faire entrer dans un processus de désintégration morale. Je n’accepte pas que la force publique me coupe de ma passion pour laquelle j’ai sacrifié ma jeunesse. Il faut être réaliste et voir comment rebondir. Je prospecte, rien n’est défini. J’ignore si la campagne a influencé les employeurs, je veux d’abord briser cet embargo.

Vous avez été soutenu par votre milieu professionnel.

Oui, la solidarité est venue des scientifiques, mais il reste le milieu administratif. Je n’ai pas de visibilité dessus.

Et l’Algérie, dont vous avez également la nationalité ?

C’est un grand point d’interrogation. Il est trop tôt pour le dire.

C’est en Algérie que vivrait Phoenix Shadow, la personne avec qui vous correspondiez. Lors du procès, vous avez dit qu’on vous présentait un pseudo et un nom, comme une équation à deux inconnues, et qu’on vous demandait d’affirmer que l’un correspond à l’autre.

Dès le début de l’instruction, les avocats n’ont eu de cesse de demander d’où venait ce nom, Moustapha Debchi. A aucun moment, l’explication n’a été fournie. Pour mon cas, l’adresse IP renvoie à une connexion Internet etc. En face, un nom est balancé sans justification, sans preuve.

A aucun moment vous ne connaissiez l’identité de la personne derrière le pseudo Phoenix Shadow ?
Réponses clés en main pour la DCRI

Réponses clés en main pour la DCRI

L'instruction du dossier antiterroriste du physicien Adlène Hicheur n'a pas été clôturée mardi. Nouvelle pièce au ...

Phoenix Shadow restait Phoenix Shadow, point à la ligne. Il n’y a pas eu de connaissance, de volonté de connaissance. C’était une interaction contingente à un moment donné utilisée des mois plus tard. Je pense qu’au début on voulait me coller à l’affaire des filières belgo-afghanes. Je l’ai senti pendant la garde à vue. Trop peu d’éléments existaient alors que le scénario aurait été terrible : un scientifique dans l’affaire des filières !

Puis, les questions ont évolué au fil de la garde à vue, en fonction de l’exploitation de mon disque dur. Les questions se sont réorientées vers Aqmi. Il n’y a vraiment que dans l’antiterrorisme que ça se passe ainsi. Normalement, quand une personne est placée en garde à vue, il faut lui signifier le chef de mise en garde à vue et remplir le cas d’espèce, ce qui lui est reproché. Moi, il n’y avait rien ! Le chef de mise en garde à vue était “présomption grave d’association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste”, mais la suite était vide, blanche.

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Adlène Hicheur terroriste idéal condamné avec ses pères http://owni.fr/2012/05/05/hicheur-terroriste-tribunal-jugement/ http://owni.fr/2012/05/05/hicheur-terroriste-tribunal-jugement/#comments Sat, 05 May 2012 15:33:57 +0000 Pierre Alonso http://owni.fr/?p=109135

Cinq ans de prison, dont quatre fermes. Le verdict prononcé contre Adlène Hicheur n’a pas surpris, mais a choqué ses soutiens. Physicien de haut niveau au Cern, il est condamné pour association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste. En cause : des échanges de mails avec un correspondant identifié par les services antiterroristes comme étant Moustapha Debchi, présenté comme un cadre d’Al-Qaida au Maghreb islamique (AQMI) en Algérie, ce que la commission rogatoire en Algérie n’a pas permis de prouver.

La présidente de la 14e Chambre du tribunal de grande instance (TGI) a murmuré le verdict. Hors micro, à voix basse, Jacqueline Rebeyrotte l’a rapidement énoncé, avant de lever la séance (la copie de son jugement est publiée au bas de cet article).

Confiscation

À la prison ferme, le tribunal ajoute la confiscation des scellés, soit plus de 15 000 euros trouvés en cash lors des perquisitions et du matériel informatique. Sur les 15 000 euros, 13 000 étaient destinés à financer le début de travaux en Algérie, où Adlène Hicheur venait d’acquérir un terrain. Loin d’un détail, cette confiscation s’apparente à “une humiliation” dénonce Me Baudouin qui n’a pas mâché ses critiques à l’issue du verdict :

Le fruit de ses recherches, son travail intellectuel est confisqué. Il a beau être soutenu par plus de 400 physiciens du monde entier, dont un prix Nobel [Jack Steinberger, NDLR], il lui sera difficile de reprendre une vie professionnelle à sa sortie. On a la sensation que l’intention est de le briser, de l’humilier.

Hicheur bon terroriste confirmé

Hicheur bon terroriste confirmé

Le physicien du Cern accusé d'activités terroristes, Adlène Hicheur, a comparu jeudi et vendredi devant le tribunal ...

Avant l’audience, l’avocat se disait inquiet, bien qu’une “surprise soit toujours possible”. Ses critiques visaient en premier lieu la tenue du procès les 30 et 31 mars derniers, présidé par une magistrate du siège qui “n’assurait pas l’équilibre entre l’accusation et la défense”, mais semblait s’être rangée du côté du Parquet.

Halim Hicheur, le frère du physicien, aussi était inquiet, notamment en raison de la tenue du procès, “complètement à charge”. Un déroulement qui avait surpris Adlène Hicheur, surtout le premier jour : la Présidente procédait à de longues lectures et lui demandait ensuite de réagir, la plupart du temps sans poser de questions plus précises. La deuxième journée avait permis davantage d’échanges. Sans convaincre Me Baudouin d’un déroulement correct : “C’est un scandale judiciaire et l’aboutissement de la logique du rouleau compresseur” a-t-il dénoncé à l’issue du prononcé du verdict.

Au centre de ses critiques : un chef d’accusation (l’association de malfaiteur en relation avec une entreprise terroriste) qui n’a jamais reposé sur des faits, “le moindre commencement de cadre pré-opérationnel”. Une procédure abusive qui inaugure l’ère du “pré-terrorisme” et ne manquera pas d’alimenter la propagande d’esprits radicaux, a poursuivi l’avocat :

Ces injustices font le choux gras des terroristes. C’est très regrettable.

Dans des termes très durs, Me Baudouin a dénoncé les risques pour les libertés individuelles et la démocratie d’une justice qui ne reposerait que sur des propos tenus pour qualifier de terroristes des individus. Halim Hicheur a concentré ses critiques contre une “justice qui n’a plus rien d’indépendante”, désignant “une culpabilité déterminée dès le premier jour” :

Le scénario a été écrit dans les bureaux de la DCRI [Direction centrale du renseignement intérieur, le "FBI à la française" créé par Nicolas Sarkozy en 2008, NDLR]. Il a ensuite été entretenu par son directeur Bernard Squarcini et Frédéric Péchenard [le directeur central de la police judiciaire, NDLR] qui a évoqué dans les médias une bombe qu’Adlène aurait été prêt à poser. A aucun moment cette accusation n’est ressortie pendant le procès.

Story telling

Mathieu Burnel lui a emboité le pas, visant le “story telling” jamais contrarié de l’accusation. Mis en examen dans l’affaire Tarnac, il a apporté son soutien à Adlène Hicheur lors d’une conférence de presse mi-mars et a signé en début de semaine une tribune dans Le Monde avec Halim Hicheur, Jean-Pierre Lees, directeur de recherche au CNRS, et Rabah Bouguerrouma, porte-parole d’un collectif viennois créé pour l’occasion.

À la sortie de l’audience, devant les dizaines de caméras et de micros, Mathieu Burnel a vivement déploré la distorsion entre cette issue qui paraissait “aberrante à tout le monde, y compris les journalistes” et l’absence de remise en question du “story telling” par les médias alors que l’arrestation s’était déroulée presque un an jour pour jour après Tarnac :

Dans l’affaire Tarnac, les journalistes ont fait leur métier. Dans l’affaire Hicheur, ils sont là pour compter les années de prison.

Lors du procès, Adlène Hicheur avait contesté le chapeau qu’on essayait de lui faire porter, “plus une plate-forme qu’un sombrero”. Outre les 35 mails échangés, l’accusation s’appuyait sur les documents trouvés chez lui, dont les traductions étaient très approximatives avait-il dénoncé. Dans son jugement, le tribunal note que ces documents “démontrai[en]t l’intérêt, voire la fascination, d’Adlène Hicheur pour l’islamisme radical et le jihad guerrier” (voir p. 17 du jugement reproduit en intégralité au bas de l’article). Et réfute d’un point d’interrogation la défense du prévenu (page 14) :

Interrogé sur la teneur de ces documents, Adlène Hicheur a déclaré qu’ils étaient “relatifs à l’histoire de l’Islam” (?).

L’affaire est à la croisée du cyberjihad et de l’association de malfaiteurs. Le premier, la “fréquentation assidue [par Adlène Hicheur] de sites pro-djihadistes, ainsi que par son action pour l’animer et traduire, afin de les mettre en ligne, des documents émanant notamment d’AQMI” confirme son intérêt pour le jihad selon le tribunal.

Le second, l’association de malfaiteurs, était le plus contesté par sa défense qui soulignait des propos parfois inquiétants mais limités à l’échange d’opinions. Pour le tribunal, Adlène Hicheur a désigné “une cible potentielle à un individu appartenant à une organisation terroriste, en l’occurrence AQMi, sans savoir quelle suite serait donnée à sa suggestion”.

Il a ensuite détaillé les modalités dans un texte (page 40). Ce texte avait fait l’objet de vives protestations de la part de la défense d’Adlène Hicheur : il n’a jamais été envoyé et ne peut être qualifié de message. Le tribunal l’a considéré comme tel, s’appuyant sur sa forme : “Il s’agissait donc d’une missive complète et manifestement envoyée” (sic).

Le jugement se clôt donc sur une peine de cinq ans, dont quatre fermes, que les deux ans et demi de détention provisoire effectués par Adlène Hicheur couvriront en partie. La circonstance atténuante, un an avec sursis, est accordée au titre de son origine algérienne (page 45) :

Adlène Hicheur a employé plusieurs fois le terme “humiliation” et l’on sent, à travers les messages de cet homme intelligent et fier, la douleur d’appartenir à un peuple qui a effectivement été colonisé pendant deux siècles par des représentants de son pays d’accueil et d’adoption ainsi que la difficulté à surmonter cette antinomie. Le Tribunal ne peut de même ignorer qu’Adlène Hicheur est né à Sétif, ville de triste mémoire, ce qui n’a pu que renforcer son sentiment d’injustice, d’humiliation devant le sort réservé à ses pères (sic).

Jugement affaire Hicheur anonymisé


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Hicheur bon terroriste confirmé http://owni.fr/2012/03/31/adlene-hicheur-terroriste-confirme/ http://owni.fr/2012/03/31/adlene-hicheur-terroriste-confirme/#comments Sat, 31 Mar 2012 15:19:09 +0000 Pierre Alonso http://owni.fr/?p=104297

Palais de justice de Paris © Laurent Vautrin/Le Carton/Picturetank

Vendredi soir, 22h45. Devant la salle d’audience de la 14e chambre du tribunal correctionnel de Paris, les avocats ont retiré leur robe. Une caméra éclaire un visage fatigué. Quelques micros enregistrent les dernières réactions. Le procès d’Adlène Hicheur vient de prendre fin après deux longues après-midis d’audience dans une petite salle, bondée, du palais de justice. Six ans ferme ont été requis.

Journalistes et soutiens étaient venus en nombre pour suivre le procès du physicien du Centre européen pour la recherche nucléaire (Cern), arrêté le 8 octobre 2009 et suspecté d’avoir projeté des attentats sur le sol français en lien avec Al-Qaida au Maghreb Islamique (AQMI). Tout au long de l’instruction, longue de deux ans pendant lesquels Adlène Hicheur a été maintenu en détention provisoire, ses défenseurs ont dénoncé une procédure à charge.

Le parfait terroriste physicien

Le parfait terroriste physicien

Il y a deux ans, un physicien du Cern d'origine algérienne, devenait le client idéal de l'antiterrorisme à la française ...

Le procès a confirmé leur crainte. Lors d’une conférence de presse mi-mars, l’avocat du physicien, Me Baudouin, s’en était remis à l’impartialité du tribunal, honorable porte de sortie pour un dossier qu’il a qualifié sans cesse de “noyé”, voire ficelé. Pendant les deux demi-journées d’audience, seule la Présidente, Jacqueline Rebeyrotte, a pris la parole parmi les trois magistrats. Parfois pour poser des questions précises, souvent pour demander “une réaction” au prévenu après avoir longuement lu des pièces du dossier.

Les défenseurs ont été très surpris par la nature de certaines de ces pièces lues, comme cette note de la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI), dont la Présidente n’a rappelé la nature qu’à la demande insistante des défenseurs. Ou encore un article paru dans un journal algérien dont “les liens entre certains journalistes et les services de renseignement sont connus” a fait remarquer Me Baudouin.

L’air grave

Jeudi 29 mars, à 13h45, la première audience s’ouvre. Adlène Hicheur arrive dans le box des accusés, appuyé sur une béquille, flottant un peu dans un costume beige, rasé de près, le visage aminci. L’air grave. Il encourt jusqu’à 10 ans de prison pour association de malfaiteur en relation avec une entreprise terroriste. La Présidente commence une liste à la Prévert de ses diplômes en physique. Mention bien, mention très bien. Jusqu’à un doctorat obtenu en mai 2003.

A la barre, Adlène Hicheur reprend avec force de détails chaque point énoncé, avec la volonté de montrer les failles de l’accusation. Il le fera pendant toute la durée du procès. Il lui est principalement reproché d’avoir échangé des messages sur Internet avec Phoenix Shadow et soleilde36@yahoo.fr, que les services de renseignement français affirment avoir identifié en la personne de Moustapha Debchi, présenté comme un cadre d’AQMI alors dans le maquis en Algérie.

Statues dans le Palais de justice de Paris © Jerome E. Conquy Picturetank

“Pourquoi rechercher la clandestinité dans ces échanges ?” interroge la Présidente, se référant aux rapports des enquêteurs. “Utiliser un pseudonyme sur Internet n’a rien à voir avec la clandestinité” répond Adlène Hicheur. “Certes, mais pourquoi avoir recours à un logiciel de cryptage, en l’espèce Ansar El Mojahedeen ?” rétorque la magistrate. “Il était très utilisé sur Al-Falloujah [un forum présenté comme "diffuseur de la propagande d'Al-Qaida" par les enquêteurs, NDLR]. Il était utilisé pour les discussions politiques un peu tangentes à propos d’organisations politiques ou politico-militaires” se défend Adlène Hicheur.

Des discussions politiques “tangentes”. La Présidente s’émeut de l’expression lorsque Adlène Hicheur l’emploie à nouveau pour qualifier les échanges de messages avec soleilde36@yahoo.fr. Le 24 février, celui-ci lui écrit :

Je voudrais (en tant que pauvre esclave) exécuter des opérations en France et il nous manque les amoureux de HOUR prêts à ceci (…) La seule condition que les demandeurs du martyre soit des personnes sérieux.

Et Adlène Hicheur de répondre une semaine plus tard :

Mon frère, tu ne peux pas savoir combien m’a honoré et à quel point j’étais heureux de ta proposition, que Dieu te bénisse. Mais je vais répliquer par les deux points suivants.

S’en suit un développement d’Adlène Hicheur sur sa vision du jihad avant de conclure :

J’espère te faire comprendre que je ne suis lâche mais j’imagine un cadre général de l’affaire pour améliorer les compétences pour atteindre les objets.

En somme, résume la présidente, soleilde36 lui propose des attentats suicides et Adlène Hicheur ne cesse pas la discussion :

– Comment un homme de votre niveau peut-il continuer à discuter avec quelqu’un comme soleil36 après ses propositions ?
– J’ai reconnu une attitude tangente.
– Le mot est faible.
– Elle [mon attitude] m’a déjà coûté 30 mois de prison.

Interrogé par son avocat, il reconnait alors que “ces propos sont de nature à inquiéter”, comme il l’avait reconnu devant le magistrat instructeur dit-il. Me Baudouin rappelle l’opposition d’Adlène Hicheur aux attentats suicides, exprimée le 10 mai 2010 devant le juge d’instruction. La discussion s’est emballée, plaident la défense et son client, rappelant l’inactivité d’Adlène Hicheur à cette période en raison de problèmes de santé qui l’ont conduit à une hospitalisation.

“Totale duplicité”

Une position qui ne convainc guère le Procureur de la République, Guillaume Portenseigne, familier et fin connaisseur des affaires jihadistes selon plusieurs avocats. Dans son réquisitoire, il dénonce la “totale duplicité du prévenu” et lui reproche de n’avoir jamais répondu aux questions durant le procès. A plusieurs reprises, il lui demande de qualifier ses croyances :

– Êtes-vous un musulman salafiste jihadiste ?
– Je suis musulman, je n’ai pas de chapelle.
– Êtes-vous favorable au jihad armé ?
– Je comprends que des gens résistent à une occupation.

Réponses clés en main pour la DCRI

Réponses clés en main pour la DCRI

L'instruction du dossier antiterroriste du physicien Adlène Hicheur n'a pas été clôturée mardi. Nouvelle pièce au ...

Tentatives d’esquiver des réponses claires selon le Procureur, refus des “istes” pour Adlène Hicheur qui ironise sur le risque de ressortir atteint d’une “istite aigüe”. Usant d’expressions qui le faisaient ressembler à l’avocat de lui-même, Adlène Hicheur a dénoncé successivement “les dégueulasseries de haut niveau” qui entachent l’enquête et la taille du chapeau qu’on essayait de faire porter “plus une plate-forme qu’un sombrero”.

De même pour dénoncer l’association faite entre le pseudo Pheonix Shadow ou l’adresse soleilde36@yahoo.fr et Moustapha Debchi : “On me présente une équation à deux inconnus a et x, et on me demande de dire que a = x.”

Pour la défense, aucun élément ne permet d’affirmer que Moustapha Debchi était bien Pheonix Shadow. Tout au long du procès, les avocats de la défense ont essayé de reprendre la Présidente lorsqu’elle utilisait le nom de Moustapha Debchi comme expéditeur des messages sans plus de précautions.

Le procès verbal de l’audition de Debchi en Algérie, au terme d’une commission rogatoire internationale, pose plus de questions qu’il n’offre de réponses selon Me Baudouin. Dans sa plaidoirie, il a rappelé sa connaissance du fonctionnement de la justice algérienne étant avocat dans l’affaire des moines de Tibhirine.

Je sais que l’Algérie n’est pas un État de droit. Il ne s’agit pas d’une coopération entre justice française et justice algérienne, mais entre services français et services algériens.

Jihad médiatique

Dans son réquisitoire, vendredi soir, le Procureur a réfuté les accusations d’une quelconque instrumentalisation politique du cas d’Adlène Hicheur. “Il n’est pas un martyr de la lutte antiterroriste” a-t-il affirmé. Avec, au passage, un coup de griffe contre “les commentaires médiatiques qui relaient la parole de la défense”. Et de tonner :

La défense n’a pas le monopole de la sincérité.

Pour balayer “ce climat de pression indirect qui parasite le dossier”, Guillaume Portenseigne a aussi invité à mettre de côté l’affaire Merah, dont “l’exploitation dans ce procès serait facile”. Préambule passé, le représentant du parquet s’est longuement attardé sur le rôle d’Adlène Hicheur dans le jihad médiatique qu’il s’est efforcé de définir, citant les propos de l’actuel chef d’Al Qaida, Ayman Al-Zawahiri. “Le jihad médiatique représente la moitié du jihad global” avait déclaré Al-Zawahiri en 2005 avant de le confirmer en 2007. Le Procureur a asséné :

Le jihad médiatique est une arme de recrutement massive. Adlène Hicheur a été l’un des principaux relais francophones de la propagande d’Al-Qaida. Il a fait preuve d’un engagement total pour le sites jihadistes.

A l’appui, le représentant du ministère public cite la participation d’Adlène Hicheur à plusieurs sites, des traces de navigation retrouvées sur son disque dur et un projet daté de plusieurs années. Selon deux personnes entendues dans le cadre d’une garde à vue, deux internautes avec qui Adlène Hicheur était en contact au début des années 2000, ils devaient ouvrir un site, “Thabaat” (raffermissement) en 2005. Aucun lien avec le jihad armé s’est défendu Adlène Hicheur, accusant les enquêteurs d’avoir fait pression sur les deux internautes pour obtenir des déclarations à charge.

Un argument que Me Baudouin a utilisé pour donner du sens aux déclarations faites par Adlène Hicheur lors de sa garde à vue.

Les interrogatoires n’ont cessé. Il a été arrêté le 8 octobre à 6h et interrogé de 17h45 à 17h55, de 18h à 18h45, de 19h à 19h30, et le 9 octobre de 1h15 à 3h05, de 4h à 4h45, de 10h à 10h45.

Et ainsi de suite pendant quatre jours, durée maximale de la garde à vue, en vertu de la justice d’exception pour les affaires terroristes. “Une justice dérogatoire du droit commun” a balayé le Procureur. “Toute justice qui déroge au droit commun est d’exception” a rétorqué Me Baudouin. Le verdict sera rendu le 4 mai.


Photographies du Palais de Justice de Paris via Picture Tank de © Laurent Vautrin/Le Carton et © Jérôme E. Conquy, tous droits réservés

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Les vilains terroristes se rebellent http://owni.fr/2012/03/16/les-vilains-terroristes-se-rebellent/ http://owni.fr/2012/03/16/les-vilains-terroristes-se-rebellent/#comments Fri, 16 Mar 2012 13:40:47 +0000 Pierre Alonso http://owni.fr/?p=102332

À priori, les deux affaires ne se ressemblent pas. D’un côté, deux mis en examen dans l’affaire de Tarnac. Militants de “l’ultra-gauche”, “anarcho-autonomes” selon les mots de Michèle Alliot-Marie alors ministre de l’Intérieur, ils sont arrêtés en novembre 2008, soupçonnés de sabotage de lignes TGV.

De l’autre, Adlène Hicheur, physicien au du Cern, l’organisation européenne pour la recherche nucléaire. Accusé d’avoir projeté des attentats en France en lien avec Al-Qaïda au Maghreb Islamique (AQMI), il est interpelé le 8 octobre 2009 et maintenu en détention provisoire depuis.

Tarnac Production

Tarnac Production

Tarnac dossier judiciaire scandaleux, dérive éloquente de l'antiterrorisme à la française. Certes. Mais aussi et surtout ...

Entre les deux affaires, un dénominateur commun : “la fabrication de parfaits terroristes, une dérive de l’antiterrorisme”, ont affirmé les intervenants de la conférence de presse qui s’est tenue jeudi matin à la Ligue des droits de l’homme. Elle réunissait avocats et groupes de soutiens des deux affaires.

Une différence de taille les sépare. Les inculpés de Tarnac bénéficient aujourd’hui d’un relatif capital de sympathie. Adlène Hicheur pâtit au contraire de la “circonstance aggravante de ne pas être blanc” selon l’un des mis en examen de Tarnac qui a contacté Halim Hicheur, le frère ainé d’Adlène, après la publication d’une tribune.

Intelligents

Pour l’un des avocats des mis en examen de Tarnac, Jérémie Assous, la personnalité de ses clients a contribué à faire changer le point de vue de l’opinion :

Il s’agit de jeunes gens intelligents, blancs, issus de la classe moyenne, certains ont fait des études brillantes. Ils maitrisent la prise de parole publique. Une identification est possible pour les journalistes et le public.

À titre d’exemple, il cite la libération de Julien Coupat intervenue quelques jours après une longue interview parue dans Le Monde. Mathieu Burnel, arrêté en novembre 2008 dénonce la logique de l’antiterrorisme qui fonctionne comme une histoire, au lieu de reposer sur des éléments matériels. Dans cette mise en récit, “le pouvoir médiatique se fait l’adjoint des pouvoirs policier et politique” critique Benjamin Rosoux, l’autre inculpé de Tarnac présent à la conférence de presse de jeudi.

Me Assous explique cette partialité en partie par la disponibilité des sources au début d’une affaire :

Les médias n’ont d’abord des informations que du parquet ou de la police. Ensuite, ils ont souvent une méfiance vis-à-vis de la parole de la défense, que ce soit les avocats ou les proches des mis en examen.

Dans l’affaire Adlène Hicheur, ses soutiens dénoncent aujourd’hui une fine orchestration médiatique, qui commence dès la garde à vue. Brice Hortefeux, ministre de l’Intérieur de l’époque, est en déplacement à Lyon alors qu’Adlène Hicheur y est interrogé après avoir été interpelé au domicile de ses parents à Vienne. Lors d’une conférence de presse improvisée, Brice Hortefeux affirme que “la France a peut-être évité le pire”.

“Éveiller les fantasmes”

Transparaît une allusion aux qualifications scientifiques d’Adlène Hicheur, physicien de très haut niveau en physique nucléaire. “Une façon d’éveiller les fantasmes qui n’a rien à voir avec la réalité” dénonce Patrick Baudouin, son avocat. Le dossier repose aujourd’hui sur 35 mails échangés avec un interlocuteur que la DCRI a identifié en la personne de Moustapha Debchi, décrit comme un cadre d’AQMI.

Le parfait terroriste physicien

Le parfait terroriste physicien

Il y a deux ans, un physicien du Cern d'origine algérienne, devenait le client idéal de l'antiterrorisme à la française ...

L’arrestation de ce dernier a été rapportée dans la presse algérienne en février 2011. En septembre, le procès-verbal de son interrogatoire par les services de sécurité algériens est versé au dossier d’Adlène Hicheur, à l’issue d’une commission rogatoire internationale. Patrick Baudouin, avocat d’Adlène Hicheur, a fait part jeudi de grandes difficultés pour obtenir des informations sur Moustapha Debchi et pour que ce PV soit ajouté à l’instruction. Un PV dont la forme avait soulevé l’étonnement de la défense, comme nous l’avions découvert.

Aucune pièce d’identité ne venait confirmer l’identité de Moustapha Debchi. Ses réponses “surabondaient dans le sens de l’accusation” selon Patrick Baudouin pour qui l’instruction a été menée uniquement à charge. Pour preuve, il cite le choix du juge d’instruction, Christophe Teissier (alors peu expérimenté en matière d’antiterrorisme), et non Marc Trévidic, reconnu pour son indépendance selon l’avocat. Voire des “manipulations” avec des traductions approximatives de l’arabe et des tentatives de “subordination de témoins”.

Dans un échange daté du 1er juin 2009, Moustapha Debchi demande : “Cher frère, on ne va pas tourner autour du pot : est-ce que tu es disposé à travailler dans une unité activant en France ?”. La réponse d’Adlène Hicheur, telle qu’elle apparaît dans le dossier d’instruction est “Concernant ta proposition, la réponse est OUI bien sûr”. Son avocat conteste cette traduction de l’arabe, notamment l’utilisation des majuscules qui change selon lui le sens que l’on peut y donner.

Aucun des mails ne montre “le moindre début d’intention de mise en œuvre d’un projet précis d’acte terroriste” poursuit Patrick Baudouin. “Tout est virtuel. La question de la qualification est clairement posée”. Il conclut :

Dans cette affaire, une vérité est pré-établie et l’instruction veut la confirmer. C’est une présomption, une affirmation de culpabilité.

Les deux affaires mettent en lumière des dérives de l’antiterrorisme, fondé en France sur une justice d’exception. “Elle permet la violation des droits individuels de certains et attribue des droits surdimensionnés à d’autres” critique Jérémie Assous. D’un côté les mis en examen, de l’autre les services et les organes de justice. “Dans ce système, les acteurs s’auto-alimentent” poursuit-il.

En octobre 2010, après un renforcement du plan vigipirate, Brice Hortefeux citait le séparatisme basque, “l’ultragauche” et “l’islamisme radical” au titre des principales menaces. La conférence de presse jeudi matin réunissait “deux mamelles de l’antiterrorisme” relevait, grinçant, Benjamin Rosoux.

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Un costume terroriste requis http://owni.fr/2011/12/27/adlene-hicheur-cern-dcri/ http://owni.fr/2011/12/27/adlene-hicheur-cern-dcri/#comments Tue, 27 Dec 2011 13:49:54 +0000 Pierre Alonso http://owni.fr/?p=91806

Le procureur a rendu son réquisitoire contre Adlène Hicheur, ce physicien du Cern accusé d’avoir échangé des messages sur des forums avec un membre présumé d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI). Mis en examen pour association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste, il est en détention provisoire et en attente de jugement depuis plus de deux ans. Ses défenseurs dénoncent des faits habilement agencés, ce que confirme le réquisitoire de 60 pages rédigé par le procureur.

Ses réquisitions habillent Adlène Hicheur d’un “costume taillé sur mesure”, se désole le président de son comité de soutien, Jean-Pierre Lees, reprenant les mots du mis en examen. Une tenue terroriste cousue par “des éléments réels triturés” déplore l’un de ses avocats, Me Patrick Baudouin. Le procureur, Guillaume Portenseigne, rappelle ainsi la saisie à son domicile de “documents dactylographiés en langue arabe” et de vidéos sur son disque dur. Halim Hicheur, le frère d’Adlène, explique ces découvertes :

Il est possible que des vidéos ou des textes en pdf aient été présents dans son historique de navigation. On y accède très facilement à partir d’autres sites, y compris des sites américains.

Parmi ces “documents dactylographiés“, probablement des fichiers imprimés, figurent des textes sur le salafisme ou le Groupe islamique armé (GIA) algérien. La partie ne saurait refléter le contenu du tout, récuse son avocat, Me Baudouin : “Comme pour l’ensemble du dossier, seuls les éléments à charge sont retenus”. De même pour ses propos, sortis du contexte, en dehors de leur chronologie, poursuit l’avocat. C’est pourtant sur la base d’échanges écrits sur des forums qu’Adlène Hicheur avait été arrêté.

Disjonction

Selon la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI), il correspondait avec un cadre d’AQMI. Il avait exprimé une opinion à propos des attentats-suicides. Rien qui constitue “un cadre pré-opérationnel” nous avait expliqué Me Baudouin. Le service de contre-espionnage français affirme avoir identifié son correspondant en la personne de Mustapha Debchi. Arrêté et détenu en Algérie, il a été interrogé par les services algériens et le procès-verbal avait été versé au dossier à l’issue d’une commission rogatoire internationale.

Son cas sera finalement traité séparément, Adlène Hicheur restant l’unique accusé dans cette affaire d’association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste. Le procès-verbal de l’interrogatoire de Mustapha Debchi avait soulevé de nombreuses questions. Son interrogatoire avait eu lieu dans un cadre légal inconnu le 9 février, trois jours après que la presse algérienne avait rapporté son arrestation. Il n’avait été mis en examen que quatre jours plus tard, soit le 13 février.

Autre surprise : le procès-verbal ne reproduisait pas les questions des services de sécurité algériens, il ne mentionnait que les réponses précédées de “QR” pour “Question Réponse”. Aucun document n’était versé au dossier prouvant l’identité de Mustapha Debchi. L’ordonnance de disjonction prononcée permet de dissocier l’affaire Hicheur du cas Mustapha Debchi.

Dans son réquisitoire, le procureur revient sur les soupçons de financement du terrorisme. Lors de l’arrestation d’Adlène Hicheur au domicile de sa mère le 8 octobre 2009, 13 000 euros en liquide avaient été saisis. La défense a depuis produit la preuve, acte notarié à l’appui, que cet argent permettait d’acheter un terrain en Algérie, pays où est né Adlène Hicheur et où vit une partie de sa famille. C’est donc sur une autre piste que subsistent “des doutes”.

Selon le récit du procureur, Adlène Hicheur aurait eu l’intention d’ouvrir un compte Paypal afin de faire passer de l’argent à une infirmière de l’hôpital de Vienne. Atteint d’une sciatique, hospitalisé et alité plusieurs mois avant le jour de son arrestation, Adlène Hicheur ne fréquentait pas cet hôpital. Les dates ne correspondent pas et le compte Paypal n’a jamais été ouvert. Ce plan est pour le moins “abracadabrant” dénonce Jean-Pierre Lees du comité de soutien.

Jihad médiatique

Le procureur Guillaume Portenseigne est familier du “jihad médiatique”. En février dernier, il était en charge d’une affaire impliquant un réseau de recrutement de candidats au jihad par Internet. Son réquisitoire insistait lourdement sur le “rôle central et déterminant” des sites jidahistes, affirmant que “bien d’autres cas” suivraient. Au-delà de “la simple propagande”, il avait qualifié cette “stratégie médiatique [d'] arme de recrutement massive”.

Les défenseurs d’Adlène Hicheur attendent désormais les réquisitions du juge d’instruction, Christophe Teissier. Il devrait les rendre d’ici la fin de la semaine. Les avocats d’Adèle Hicheur s’attendent à une ordonnance de renvoi, “à 99,99%” au vue de l’instruction, menée largement à charge. Adlène Hicheur encourt jusqu’à 10 ans de prison.

Il a déjà passé plus de deux ans en détention provisoire, malgré de très nombreuses demandes de remise en liberté déposées par ses avocats et un état de santé fragile. Il sera très certainement maintenu en détention jusqu’à la date du procès. Ses avocats envisagent d’ores et déjà de contester cette décision.


Illustrations via FlickR : [cc-byncsa] InsideMyShell [cc-byncsa] Su morais

Retrouvez l’ensemble de nos articles sur l’affaire Adlène Hicheur.

Mediapart a consacré plusieurs articles à cette affaire, dont un entretien avec Adlène Hicheur (réalisé par correspondance).

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Réponses clés en main pour la DCRI http://owni.fr/2011/10/04/adlene-hicheur-terrorisme-cern-aqmi/ http://owni.fr/2011/10/04/adlene-hicheur-terrorisme-cern-aqmi/#comments Tue, 04 Oct 2011 17:33:58 +0000 Pierre Alonso http://owni.fr/?p=81864

Des sources judiciaires contactées par OWNI ont indiqué que l’instruction du dossier du physicien du Cern n’a pas été clôturée ce mardi comme son entourage s’y attendait. Entendu à Paris au pôle antiterroriste, Adlène Hicheur s’est vu signifier la prolongation de l’instruction jusqu’au 12 octobre, date de sa prochaine convocation.

Unique mis en examen dans cette affaire d’associations de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste, le scientifique est accusé d’avoir échangé des messages sur des forums avec un membre présumé d’Al Qaida au Maghreb Islamique (AQMI). Les services français de la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) affirment avoir identifié son interlocuteur en la personne de Mustapha Debchi, dont l’arrestation a été rapportée le 6 février 2011 par la presse algérienne, citant des “sources sécuritaires”.

Expertise en cours

Avec la récente transmission à Paris de son interrogatoire réalisé par les autorités algériennes, les proches d’Adlène Hicheur s’attendaient à une clôture de l’instruction, premier pas vers l’ouverture du procès. Mais un nouveau rapport d’expert a conduit le juge à décaler cet acte, le temps de réaliser une ultime étude de données chiffrées saisies sur son ordinateur. “C’est une question de procédure” explique Me Bectarte, l’un des avocats en charge de sa défense. Avant de préciser qu’Adlène Hicheur, lui, “n’en peut plus”.

Lors de l’audition, mardi, le juge d’instruction l’a interrogé pendant une heure environ. Il s’est appuyé sur le procès verbal de Mustapha Debchi. La commission rogatoire internationale ordonnée le 2 août 2010 a donné lieu à l’ouverture d’une commission en Algérie le 9 décembre de la même année. Un délai un peu long mais pas aberrant selon ses avocats. Et début février, Mustapha Debchi, le fameux interlocuteur supposé d’Adlène Hicheur était interrogé par la police algéroise. OWNI a pu consulter ce procès-verbal (PV) dont Mediapart évoquait la semaine dernière le contenu.

Daté du 9 février, le PV ne fait que deux pages, une concision très inhabituelle pour ce genre d’interrogatoire. Plus troublant, à aucun moment n’est mentionné le statut de l’interrogé, M. Debchi. Son arrestation a été signalée par la presse le 6 février, sans indiquer quel jour elle avait eu lieu. Or ce n’est que quatre jours plus tard, le 13 février, que cet ingénieur en électronique a été présenté au procureur et mis en examen pour un chef d’accusation semblable à l’association de malfaiteur. Aucune pièce d’identité, aucun document n’a été ajouté au dossier, rien qui permette de certifier l’identité de Mustapha Debchi.

“Forum.sos”

Quant à l’interrogatoire, il se résume à des réponses, précédées de la mention “QR” pour question-réponse. Impossible de savoir quelles questions a posé l’officier de police judiciaire. Debchi se contente de réciter : il a rejoint “un groupe terroriste” et pris le maquis le 23 mai 2008 dans la région de Batna, dans le Nord-Est de l’Algérie. Ses premiers échanges avec Abou Doujana (le pseudonyme utilisé par Adlène Hicheur) remontent à 2007 sur le site “forum.sos” (sic). En mars 2009, les discussions, plus régulières, se précisent.

C’est à cette occasion qu’Adlène Hicheur prend position contre les attentats suicides et évoque les attentats ciblés, détaille Mustapha Debchi. Des éléments qui figuraient déjà dans le dossier d’instruction mais qui ont fait l’objet d’un examen attentif par le juge d’instruction Christophe Teissier, au vu de l’importance de ce PV.

Clôturée le 19 mai, les résultats de la commission rogatoire n’ont été portés à la connaissance du juge d’instruction que quatre mois plus tard. Le 19 septembre, la traduction du procès verbal était ajoutée au dossier. Le lendemain, les avocats d’Adlène Hicheur déposait une requête en nullité auprès de la chambre de l’instruction contre ce nouvel élément, “sur mesure”, qui vient à point à quelques jours de la fin de l’instruction.


Illustrations et photographies via Flickr [cc-by-sa] : Inga Ganzer / [by] : astuecker

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L’antiterrorisme tient sa nouvelle victime http://owni.fr/2011/09/19/lantiterrorisme-tient-une-nouvelle-victime/ http://owni.fr/2011/09/19/lantiterrorisme-tient-une-nouvelle-victime/#comments Mon, 19 Sep 2011 14:26:08 +0000 Pierre Alonso http://owni.fr/?p=79931

Malgré l’absence d’éléments matériels, le physicien Adlène Hicheur devrait voir son mandat de dépôt prolongé par le juge des libertés, lors d’une audition prévue ce mardi 20 septembre. Le chercheur entamera donc prochainement sa troisième année de prison.

Arrêté le 8 octobre 2009, ce physicien de l’Organisation européenne pour la recherche nucléaire, le Cern, est mis en examen pour association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste. Il est accusé d’avoir échangé des messages sur Internet avec un membre supposé d’Al Qaida au Maghreb Islamique. Deux ans après, personne d’autre n’a été mis en examen dans cette affaire. Celui qui est présenté par l’accusation comme son interlocuteur, Mustapha Debchi, a été arrêté début février en Algérie. Aucun élément nouveau n’a été versé au dossier depuis.

Nouveau renouvellement

Ses avocats et ses proches ne se font aucune illusion quant à la décision de demain. Le prolongement de son mandat de dépôt rythme la détention d’Adlène Hicheur tous les quatre mois depuis deux ans. Le débat contradictoire en présence du juge des libertés, du prévenu et de ses défenseurs devrait aboutir, demain, à un renouvellement malgré les alternatives envisagées et un état de santé dégradé.

“Il est affaibli, il marche avec une canne”, nous a confié Me Baudouin, l’un de ses avocats. Avant son arrestation, au printemps 2009, il avait été hospitalisé plusieurs mois en vue d’une intervention chirurgicale, finalement annulée. Pendant sa garde à vue, il n’avait pu porter la ceinture lombaire et avait effectué son transfert à Paris, 500 km assis dans un véhicule, quand les médecins lui recommandaient la position debout ou couché. Et c’est couché au sol dans sa cellule qu’il avait fini sa garde à vue rappelle son frère, Halim.

La prison de Fresnes

Une première expertise médicale conclut le 17 décembre 2009, deux mois après son arrestation, à la compatibilité de son état de santé avec une incarcération. Ce que ses avocats ont contesté, jusque devant la Cour de Cassation. Dans les arrêts du 15 mars et du 15 juin 2011, les magistrats de la plus haute juridiction de l’ordre judiciaire rappellent les arguments de la chambre de l’instruction :

Sur l’état de santé de M. X (Adlène Hicheur), l’intéressé est suivi régulièrement en détention et y reçoit les soins appropriés à son état (…) il est pris en charge par les médecins intervenants dans les établissements pénitentiaires et ne produit aucun certificat médical révélant un changement de sa situation.

Le 3 mai 2011, un certificat médical établissait que “les pathologies chroniques ont un retentissement psychologique accentué par la détention”.

Vingt demandes refusées

Plus de vingt demandes ont été déposées par ses avocat. Toutes ont été refusées, y compris le placement sous bracelet électronique alors que les conditions étaient réunies. En juin 2010, le service pénitentiaire d’insertion et de probation (Spip) a mené une enquête en vue d’un placement en liberté conditionnelle sous bracelet électronique. Adlène Hicheur pouvait être hébergé par un membre de sa famille en Seine-Saint-Denis, à proximité d’un lieu de soins.

Réalisée en lien avec les forces de police dont le domicile dépend, l’enquête a conclu à la possibilité technique de mettre en place un tel dispositif. Mais la question des horaires de pointage au commissariat n’a pas été traitée. Et c’est ce point qui a justifié le refus du juge des libertés, en juillet 2010, de mettre fin à la détention à la centrale de Fresnes.

La chambre de l’instruction a justifié ses rejets de remise en liberté par des motifs généraux comme le montre l’arrêt de la Cour de Cassation du 15 juin 2011. Le maintien en détention vise à “mettre fin à l’infraction et [à] empêcher son renouvellement”, à “garantir son maintien à la disposition de la justice” et prévenir toute fuite à l’étranger “compte tenu de la double nationalité du mis en examen [et] “du fait qu’il soit coutumier des voyages à l’étranger”. Son maintien enfin vise à “empêcher une concertation frauduleuse avec les co-auteurs ou les complices”.


Crédits photo CC Wikimedia Commons by-sa Lionel Allorge / FlickR CC by Vectorportal

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