OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Un costume terroriste requis http://owni.fr/2011/12/27/adlene-hicheur-cern-dcri/ http://owni.fr/2011/12/27/adlene-hicheur-cern-dcri/#comments Tue, 27 Dec 2011 13:49:54 +0000 Pierre Alonso http://owni.fr/?p=91806

Le procureur a rendu son réquisitoire contre Adlène Hicheur, ce physicien du Cern accusé d’avoir échangé des messages sur des forums avec un membre présumé d’Al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI). Mis en examen pour association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste, il est en détention provisoire et en attente de jugement depuis plus de deux ans. Ses défenseurs dénoncent des faits habilement agencés, ce que confirme le réquisitoire de 60 pages rédigé par le procureur.

Ses réquisitions habillent Adlène Hicheur d’un “costume taillé sur mesure”, se désole le président de son comité de soutien, Jean-Pierre Lees, reprenant les mots du mis en examen. Une tenue terroriste cousue par “des éléments réels triturés” déplore l’un de ses avocats, Me Patrick Baudouin. Le procureur, Guillaume Portenseigne, rappelle ainsi la saisie à son domicile de “documents dactylographiés en langue arabe” et de vidéos sur son disque dur. Halim Hicheur, le frère d’Adlène, explique ces découvertes :

Il est possible que des vidéos ou des textes en pdf aient été présents dans son historique de navigation. On y accède très facilement à partir d’autres sites, y compris des sites américains.

Parmi ces “documents dactylographiés“, probablement des fichiers imprimés, figurent des textes sur le salafisme ou le Groupe islamique armé (GIA) algérien. La partie ne saurait refléter le contenu du tout, récuse son avocat, Me Baudouin : “Comme pour l’ensemble du dossier, seuls les éléments à charge sont retenus”. De même pour ses propos, sortis du contexte, en dehors de leur chronologie, poursuit l’avocat. C’est pourtant sur la base d’échanges écrits sur des forums qu’Adlène Hicheur avait été arrêté.

Disjonction

Selon la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI), il correspondait avec un cadre d’AQMI. Il avait exprimé une opinion à propos des attentats-suicides. Rien qui constitue “un cadre pré-opérationnel” nous avait expliqué Me Baudouin. Le service de contre-espionnage français affirme avoir identifié son correspondant en la personne de Mustapha Debchi. Arrêté et détenu en Algérie, il a été interrogé par les services algériens et le procès-verbal avait été versé au dossier à l’issue d’une commission rogatoire internationale.

Son cas sera finalement traité séparément, Adlène Hicheur restant l’unique accusé dans cette affaire d’association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste. Le procès-verbal de l’interrogatoire de Mustapha Debchi avait soulevé de nombreuses questions. Son interrogatoire avait eu lieu dans un cadre légal inconnu le 9 février, trois jours après que la presse algérienne avait rapporté son arrestation. Il n’avait été mis en examen que quatre jours plus tard, soit le 13 février.

Autre surprise : le procès-verbal ne reproduisait pas les questions des services de sécurité algériens, il ne mentionnait que les réponses précédées de “QR” pour “Question Réponse”. Aucun document n’était versé au dossier prouvant l’identité de Mustapha Debchi. L’ordonnance de disjonction prononcée permet de dissocier l’affaire Hicheur du cas Mustapha Debchi.

Dans son réquisitoire, le procureur revient sur les soupçons de financement du terrorisme. Lors de l’arrestation d’Adlène Hicheur au domicile de sa mère le 8 octobre 2009, 13 000 euros en liquide avaient été saisis. La défense a depuis produit la preuve, acte notarié à l’appui, que cet argent permettait d’acheter un terrain en Algérie, pays où est né Adlène Hicheur et où vit une partie de sa famille. C’est donc sur une autre piste que subsistent “des doutes”.

Selon le récit du procureur, Adlène Hicheur aurait eu l’intention d’ouvrir un compte Paypal afin de faire passer de l’argent à une infirmière de l’hôpital de Vienne. Atteint d’une sciatique, hospitalisé et alité plusieurs mois avant le jour de son arrestation, Adlène Hicheur ne fréquentait pas cet hôpital. Les dates ne correspondent pas et le compte Paypal n’a jamais été ouvert. Ce plan est pour le moins “abracadabrant” dénonce Jean-Pierre Lees du comité de soutien.

Jihad médiatique

Le procureur Guillaume Portenseigne est familier du “jihad médiatique”. En février dernier, il était en charge d’une affaire impliquant un réseau de recrutement de candidats au jihad par Internet. Son réquisitoire insistait lourdement sur le “rôle central et déterminant” des sites jidahistes, affirmant que “bien d’autres cas” suivraient. Au-delà de “la simple propagande”, il avait qualifié cette “stratégie médiatique [d'] arme de recrutement massive”.

Les défenseurs d’Adlène Hicheur attendent désormais les réquisitions du juge d’instruction, Christophe Teissier. Il devrait les rendre d’ici la fin de la semaine. Les avocats d’Adèle Hicheur s’attendent à une ordonnance de renvoi, “à 99,99%” au vue de l’instruction, menée largement à charge. Adlène Hicheur encourt jusqu’à 10 ans de prison.

Il a déjà passé plus de deux ans en détention provisoire, malgré de très nombreuses demandes de remise en liberté déposées par ses avocats et un état de santé fragile. Il sera très certainement maintenu en détention jusqu’à la date du procès. Ses avocats envisagent d’ores et déjà de contester cette décision.


Illustrations via FlickR : [cc-byncsa] InsideMyShell [cc-byncsa] Su morais

Retrouvez l’ensemble de nos articles sur l’affaire Adlène Hicheur.

Mediapart a consacré plusieurs articles à cette affaire, dont un entretien avec Adlène Hicheur (réalisé par correspondance).

]]>
http://owni.fr/2011/12/27/adlene-hicheur-cern-dcri/feed/ 6
Réponses clés en main pour la DCRI http://owni.fr/2011/10/04/adlene-hicheur-terrorisme-cern-aqmi/ http://owni.fr/2011/10/04/adlene-hicheur-terrorisme-cern-aqmi/#comments Tue, 04 Oct 2011 17:33:58 +0000 Pierre Alonso http://owni.fr/?p=81864

Des sources judiciaires contactées par OWNI ont indiqué que l’instruction du dossier du physicien du Cern n’a pas été clôturée ce mardi comme son entourage s’y attendait. Entendu à Paris au pôle antiterroriste, Adlène Hicheur s’est vu signifier la prolongation de l’instruction jusqu’au 12 octobre, date de sa prochaine convocation.

Unique mis en examen dans cette affaire d’associations de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste, le scientifique est accusé d’avoir échangé des messages sur des forums avec un membre présumé d’Al Qaida au Maghreb Islamique (AQMI). Les services français de la Direction centrale du renseignement intérieur (DCRI) affirment avoir identifié son interlocuteur en la personne de Mustapha Debchi, dont l’arrestation a été rapportée le 6 février 2011 par la presse algérienne, citant des “sources sécuritaires”.

Expertise en cours

Avec la récente transmission à Paris de son interrogatoire réalisé par les autorités algériennes, les proches d’Adlène Hicheur s’attendaient à une clôture de l’instruction, premier pas vers l’ouverture du procès. Mais un nouveau rapport d’expert a conduit le juge à décaler cet acte, le temps de réaliser une ultime étude de données chiffrées saisies sur son ordinateur. “C’est une question de procédure” explique Me Bectarte, l’un des avocats en charge de sa défense. Avant de préciser qu’Adlène Hicheur, lui, “n’en peut plus”.

Lors de l’audition, mardi, le juge d’instruction l’a interrogé pendant une heure environ. Il s’est appuyé sur le procès verbal de Mustapha Debchi. La commission rogatoire internationale ordonnée le 2 août 2010 a donné lieu à l’ouverture d’une commission en Algérie le 9 décembre de la même année. Un délai un peu long mais pas aberrant selon ses avocats. Et début février, Mustapha Debchi, le fameux interlocuteur supposé d’Adlène Hicheur était interrogé par la police algéroise. OWNI a pu consulter ce procès-verbal (PV) dont Mediapart évoquait la semaine dernière le contenu.

Daté du 9 février, le PV ne fait que deux pages, une concision très inhabituelle pour ce genre d’interrogatoire. Plus troublant, à aucun moment n’est mentionné le statut de l’interrogé, M. Debchi. Son arrestation a été signalée par la presse le 6 février, sans indiquer quel jour elle avait eu lieu. Or ce n’est que quatre jours plus tard, le 13 février, que cet ingénieur en électronique a été présenté au procureur et mis en examen pour un chef d’accusation semblable à l’association de malfaiteur. Aucune pièce d’identité, aucun document n’a été ajouté au dossier, rien qui permette de certifier l’identité de Mustapha Debchi.

“Forum.sos”

Quant à l’interrogatoire, il se résume à des réponses, précédées de la mention “QR” pour question-réponse. Impossible de savoir quelles questions a posé l’officier de police judiciaire. Debchi se contente de réciter : il a rejoint “un groupe terroriste” et pris le maquis le 23 mai 2008 dans la région de Batna, dans le Nord-Est de l’Algérie. Ses premiers échanges avec Abou Doujana (le pseudonyme utilisé par Adlène Hicheur) remontent à 2007 sur le site “forum.sos” (sic). En mars 2009, les discussions, plus régulières, se précisent.

C’est à cette occasion qu’Adlène Hicheur prend position contre les attentats suicides et évoque les attentats ciblés, détaille Mustapha Debchi. Des éléments qui figuraient déjà dans le dossier d’instruction mais qui ont fait l’objet d’un examen attentif par le juge d’instruction Christophe Teissier, au vu de l’importance de ce PV.

Clôturée le 19 mai, les résultats de la commission rogatoire n’ont été portés à la connaissance du juge d’instruction que quatre mois plus tard. Le 19 septembre, la traduction du procès verbal était ajoutée au dossier. Le lendemain, les avocats d’Adlène Hicheur déposait une requête en nullité auprès de la chambre de l’instruction contre ce nouvel élément, “sur mesure”, qui vient à point à quelques jours de la fin de l’instruction.


Illustrations et photographies via Flickr [cc-by-sa] : Inga Ganzer / [by] : astuecker

]]>
http://owni.fr/2011/10/04/adlene-hicheur-terrorisme-cern-aqmi/feed/ 12
Le neutrino a-t-il tué Einstein ? http://owni.fr/2011/09/26/neutrino-tue-einstein-sciences-physique-particule/ http://owni.fr/2011/09/26/neutrino-tue-einstein-sciences-physique-particule/#comments Mon, 26 Sep 2011 11:43:02 +0000 Roud http://owni.fr/?p=80938 C’est la déferlante depuis un tweet (!) de l’agence Reuters : les chercheurs du projet OPERA au CERN ont mesuré des neutrinos allant plus vite que la lumière. Tous les médias internationaux ont quasi-immédiatement embrayé, transformant la nouvelle en fait scientifique avéré renversant l’”icône Einstein” ( qui illustre la plupart des articles sur le sujet, cf. Le Figaro, Libé, Le Monde). Alors, est-ce la fin de la relativité ? Petite FAQ.

Qu’est-ce qu’un neutrino ?

L’histoire scientifique du neutrino est déjà longue et parsemée de nombreux écueils scientifiques. C’est en 1930 que Pauli postule son existence. Certaines désintégrations nucléaires ne donnaient alors pas autant d’énergie qu’attendu. Or le bon principe universel de Lavoisier, “rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme” s’applique aussi à la physique des particules; d’où l’idée de Pauli de proposer que l’énergie manquante est peut-être émise sous la forme d’une particule dont on ne connaît pas encore l’existence.

Ce n’est qu’en 1956 que l’existence du neutrino est démontrée pour la première fois expérimentalement. 26 ans, cela peut paraître long, mais il faut dire que le neutrino est un sacré galopin : il n’interagit quasiment pas avec la matière, ce qui rend sa détection difficile. Une image parlante tirée de Wikipedia :

Il faudrait une épaisseur d’une année-lumière de plomb pour arrêter la moitié des neutrinos de passage.

Il faut donc des détecteurs énormes pour observer des neutrinos expérimentalement, ce qui fait que les neutrinos restent des particules assez mystérieuses, même aujourd’hui.

L’expérience OPERA dont on parle depuis quelques jours vise précisément à mieux caractériser les propriétés des neutrinos, et notamment ce qu’on appelle “les oscillations de saveurs”. Il existe en effet trois types (“saveurs”) de neutrinos : les neutrinos électroniques, muoniques et tauiques. Or, un neutrino typiquement émis dans une réaction nucléaire est en réalité une superposition quantique de ces trois neutrinos (oui, comme dans le chat de Schrödinger). Quand on observe un neutrino, réduction du paquet d’ondes oblige, on n’observe qu’un des trois types de neutrinos.

Le problème est que les trois types de neutrinos ont des vitesses de propagation différente. Du coup, notre neutrino de Schrödinger, en fonction de l’endroit où on l’observe, va avoir une probabilité plus ou moins grande d’être mort ou vivant (ou plutôt électronique, muonique et tauique). D’un point de vue expérimental, on va donc observer plus ou moins de neutrinos d’un type en fonction de la distance à la source d’émission des neutrinos : c’est pour cela qu’on a le sentiment que la saveur du neutrino “oscille”.

Le but premier d’OPERA, donc, est de caractériser ces oscillations. On envoie un faisceau de neutrinos bien caractérisé depuis le Mont Blanc, on se met à Gran Sasso pour mesurer les propriétés des neutrinos qui ont traversé en ligne droite l’écorce terrestre (puisqu’ils n’interagissent pas avec la matière de toutes façons).

L'expérience OPERA

Avant toute expérience précise, on calibre, on mesure et soudain …

… Damned, mes neutrinos ont l’air de voyager plus vite que la lumière !

Voilà donc la nouvelle.

Entre 2009 et 2011, les chercheurs font des tas de mesures. On sait mesurer la distance parcourue à 20 cm près, tenant compte de la dérive des continents grâce à un GPS (on y reviendra). Le temps de propagation du faisceau à 10 nanosecondes près. Et on trouve que le neutrino semble avoir mis 60 nanosecondes de moins que la distance qu’aurait mise un photon – dommage que celui-ci ne traverse pas aussi facilement l’écorce terrestre, on aurait pu faire une course .

Les chercheurs cherchent des mois l’erreur, la faille … Et ne trouvent rien. Ils décident donc de partager leur observation avec le reste du monde, sur l’arXiv, le site de dépôt des articles de physique, dans un article au titre sobre et factuel :

Measurement of the neutrino velocity with the OPERA detector
in the CNGS beam

L’annonce fuite avant même que l’article n’ait été déposé, et Einstein, ce loser, se retrouve en photo dans tous les articles .

Alors, il a tort ou pas Einstein ?

Non, Einstein n’a pas tort.

Une bonne fois pour toute, non, Einstein n’a pas tort.

Rappelons-le, la théorie de la relativité d’Einstein est l’une des mieux vérifiée. A titre d’exemple, l’an dernier, l’effet de ralentissement du temps sous l’influence de la gravité prédit par la théorie a été vérifié expérimentalement avec une précision extraordinaire de moins de 0.0000007 %. Et si les chercheurs d’OPERA pensaient différemment, ils n’auraient pas utilisé le GPS pour mesurer la distance parcourue par le faisceau, puisque, rappelons-le, sans relativité, il n’y a pas de GPS.

Bref, même dans l’hypothèse improbable où ces mesures se confirmaient, les bases de la théorie de la relativité resteraient car cette théorie marche dans tous les cas existants jusque maintenant, tout simplement; on assisterait probablement à une extension de la théorie existante (tout comme la relativité elle-même était une extension de la théorie de Newton). Il n’y aura pas de table rase sur le mode “Einstein avait tort”, seulement des extensions de la théorie, normales lorsque l’on touche à de nouvelles frontières expérimentales . Et les physiciens ont à peu près autant d’imagination scientifique que les psychologues évolutionnistes pour expliquer leurs observations rétrospectivement, on voit par exemple déjà les idées de dimensions supplémentaires surgir dans les articles de journaux.

Mais la réalité, c’est qu’avant de s’exciter, il faut regarder froidement ces résultats à l’aune des résultats expérimentaux passés . Et c’est principalement là que le bât blesse : l’immense majorité des expériences connues sont compatibles avec la relativité restreinte, y compris pour les neutrinos.

L’exemple qui revient souvent ces temps-ci est l’expérience naturelle de la supernova 1987A. Une supernova est une explosion d’étoile consécutive à un effondrement gravitationnel, qui crache énormément de neutrinos. Peu après l’effondrement, des réactions de fusions entraînent l’explosion nova et donnent lieu à une émission de lumière très intense.

En 1987, donc, les observatoires terrestres ont eu l’immense chance d’attraper par hasard une supernova en direct. Ils ont d’abord détecté un afflux énorme de neutrinos venant de l’étoile Sanduleak -69° 202a, étoile qui, 3h après, explosa en supernova, la première visible à l’oeil nu depuis 1604. Cet écart de 3h est conforme à la théorie, qui prévoit un petit délai entre l’émission de neutrinos dus à l’effondrement et l’émission de la lumière due à l’onde de choc de l’explosion arrivant à la surface et explosant l’étoile de l’intérieur. Si les neutrinos voyageaient plus vite que la lumière conformément à l’observation d’OPERA, compte-tenu de la distance énorme entre l’étoile et la terre, ils auraient dû arriver des années avant la lumière de la supernova.

Bref, à ce stade, il faut raison garder et juste se contenter de dire qu’il y a quelque chose qu’on ne comprend pas. Ce petit quelque chose est peut-être de la physique, mais ce peut-être aussi une erreur bête quelque part (un bug dans un programme ?) ou une erreur plus subtile qu’on finira par découvrir après réflexion. Et on ne saura qu’en confirmant expérimentalement ailleurs.

Que révèle cette histoire ?

Que décidément, la temporalité et la dynamique lente propre à la science n’est pas vraiment compatible avec la dynamique médiatique. La science fonctionne sur des échelles de temps très longues : entre le début d’un projet et sa publication, il peut se passer des années. Si un nouveau phénomène surprenant est découvert, il faut encore des années supplémentaires voire des décennies pour qu’il soit confirmé, soit jugé intéressant et nouveau, et rentre dans le corpus de la science officielle validée. En fait, on pourrait presque dire que l’actualité scientifique n’existe pas : une découverte mettant des années à se décanter, nos échelles d’attention médiatique courtes sont totalement incapables d’appréhender son évolution. Ce qui existe en revanche, c’est une actualité des publications scientifiques, au rituel plus adapté à notre soif de nouveautés extraordinaires quotidiennes. Les revues scientifiques et les institutions jouent sur cette ambiguïté : embargo avant publication, conférences de presse sont un moyen de “concentrer” dans le temps la science, qui en réalité, est un processus long, lent, et très dilué.

Ici, très clairement, les médias ont cherché à court-circuiter encore davantage cette maturation scientifique lente. D’abord, l’information a fuité avant même le dépôt de l’article sur l’arXiv. L’article lui-même n’a pas été revu par les pairs, l’arXiv n’étant qu’un dépôt; il se revendique plutôt comme un fait troublant sur une grosse expérience internationale qu’il faut comprendre pour que la science continue, d’où la publication. Même si c’est peu probable à ce stade compte tenu de l’énormité prise par cette affaire et de la crédibilité du CERN, on ne peut pas exclure qu’il y a ait une faille dans l’article lui-même, qui serait détectée par l’œil laser d’un expert. Même s’il n’y a pas d’erreur dans l’article, il est possible que les résultats ne puissent être reproduits ailleurs, ce qui signifierait tout simplement qu’il y avait une erreur indétectable dans l’expérience.

On a également eu l’impression d’une surenchère terrible entre les médias. Tout d’un coup, l’histoire s’est répandue comme une traînée de poudre, on a eu l’impression que tous les journaux ont voulu très vite sortir un article sur cette histoire. Trois conséquences naturelles : absence de mise en contexte, excès de sensationnalisme et utilisation de clichés quasi identiques d’un média à l’autre. Nature est le seul ayant évoqué les expériences type supernova pour nuancer les résultats.

- Ajout 25 Septembre : on me signale que Sylvestre Huet (Libération) avait fait de même dans son chat et son article dès vendredi, et le Monde du week-end en a fait autant. Partout, on nous dit qu’Einstein, l’icône de la science, serait déboulonné. C’est l’emploi récurrent du mème “untel a tort”; personnalisation outrancière de la science qui correspond à cette image de la science par “coup d’éclat” qui n’a rien à voir avec la vraie science de long terme évoquée plus haut. Le paradoxe est d’autant plus grand que l’expérience OPERA s’est justement étalée sur trois ans et que l’article en question est bien évidemment co-signé par une pléthore d’auteurs.

Bref, la science avance, et les médias traditionnels semblent (re)tomber dans des travers vraiment néfastes pour l’image de la science même. Ce qui est effrayant est de les voir s’y précipiter comme un seul homme sous la pression de la compétition médiatique; sur le sujet les twittosphères et blogosphères scientifiques m’ont paru bien supérieures (pour moi aussi, terminer sur un cliché).

[Et je déplore aussi, pour moi y compris, que tout l'agenda de la discussion scientifique dans la cité soit dicté par ce genre d'événements]

- Ajout 8h50: Le Monde de ce week-end est bien meilleur (bravo David !)


Illustrations: à l’intérieur d’un détecteur de neutrinos (domaine public Fred Ullrich), CC FlickR monado, CC OPERA, CC Wikimedia ESO/L. Calçada

]]>
http://owni.fr/2011/09/26/neutrino-tue-einstein-sciences-physique-particule/feed/ 34
L’antiterrorisme tient sa nouvelle victime http://owni.fr/2011/09/19/lantiterrorisme-tient-une-nouvelle-victime/ http://owni.fr/2011/09/19/lantiterrorisme-tient-une-nouvelle-victime/#comments Mon, 19 Sep 2011 14:26:08 +0000 Pierre Alonso http://owni.fr/?p=79931

Malgré l’absence d’éléments matériels, le physicien Adlène Hicheur devrait voir son mandat de dépôt prolongé par le juge des libertés, lors d’une audition prévue ce mardi 20 septembre. Le chercheur entamera donc prochainement sa troisième année de prison.

Arrêté le 8 octobre 2009, ce physicien de l’Organisation européenne pour la recherche nucléaire, le Cern, est mis en examen pour association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste. Il est accusé d’avoir échangé des messages sur Internet avec un membre supposé d’Al Qaida au Maghreb Islamique. Deux ans après, personne d’autre n’a été mis en examen dans cette affaire. Celui qui est présenté par l’accusation comme son interlocuteur, Mustapha Debchi, a été arrêté début février en Algérie. Aucun élément nouveau n’a été versé au dossier depuis.

Nouveau renouvellement

Ses avocats et ses proches ne se font aucune illusion quant à la décision de demain. Le prolongement de son mandat de dépôt rythme la détention d’Adlène Hicheur tous les quatre mois depuis deux ans. Le débat contradictoire en présence du juge des libertés, du prévenu et de ses défenseurs devrait aboutir, demain, à un renouvellement malgré les alternatives envisagées et un état de santé dégradé.

“Il est affaibli, il marche avec une canne”, nous a confié Me Baudouin, l’un de ses avocats. Avant son arrestation, au printemps 2009, il avait été hospitalisé plusieurs mois en vue d’une intervention chirurgicale, finalement annulée. Pendant sa garde à vue, il n’avait pu porter la ceinture lombaire et avait effectué son transfert à Paris, 500 km assis dans un véhicule, quand les médecins lui recommandaient la position debout ou couché. Et c’est couché au sol dans sa cellule qu’il avait fini sa garde à vue rappelle son frère, Halim.

La prison de Fresnes

Une première expertise médicale conclut le 17 décembre 2009, deux mois après son arrestation, à la compatibilité de son état de santé avec une incarcération. Ce que ses avocats ont contesté, jusque devant la Cour de Cassation. Dans les arrêts du 15 mars et du 15 juin 2011, les magistrats de la plus haute juridiction de l’ordre judiciaire rappellent les arguments de la chambre de l’instruction :

Sur l’état de santé de M. X (Adlène Hicheur), l’intéressé est suivi régulièrement en détention et y reçoit les soins appropriés à son état (…) il est pris en charge par les médecins intervenants dans les établissements pénitentiaires et ne produit aucun certificat médical révélant un changement de sa situation.

Le 3 mai 2011, un certificat médical établissait que “les pathologies chroniques ont un retentissement psychologique accentué par la détention”.

Vingt demandes refusées

Plus de vingt demandes ont été déposées par ses avocat. Toutes ont été refusées, y compris le placement sous bracelet électronique alors que les conditions étaient réunies. En juin 2010, le service pénitentiaire d’insertion et de probation (Spip) a mené une enquête en vue d’un placement en liberté conditionnelle sous bracelet électronique. Adlène Hicheur pouvait être hébergé par un membre de sa famille en Seine-Saint-Denis, à proximité d’un lieu de soins.

Réalisée en lien avec les forces de police dont le domicile dépend, l’enquête a conclu à la possibilité technique de mettre en place un tel dispositif. Mais la question des horaires de pointage au commissariat n’a pas été traitée. Et c’est ce point qui a justifié le refus du juge des libertés, en juillet 2010, de mettre fin à la détention à la centrale de Fresnes.

La chambre de l’instruction a justifié ses rejets de remise en liberté par des motifs généraux comme le montre l’arrêt de la Cour de Cassation du 15 juin 2011. Le maintien en détention vise à “mettre fin à l’infraction et [à] empêcher son renouvellement”, à “garantir son maintien à la disposition de la justice” et prévenir toute fuite à l’étranger “compte tenu de la double nationalité du mis en examen [et] “du fait qu’il soit coutumier des voyages à l’étranger”. Son maintien enfin vise à “empêcher une concertation frauduleuse avec les co-auteurs ou les complices”.


Crédits photo CC Wikimedia Commons by-sa Lionel Allorge / FlickR CC by Vectorportal

]]>
http://owni.fr/2011/09/19/lantiterrorisme-tient-une-nouvelle-victime/feed/ 25
Le parfait terroriste physicien http://owni.fr/2011/09/05/adlene-hicheur-cern-terrorisme/ http://owni.fr/2011/09/05/adlene-hicheur-cern-terrorisme/#comments Mon, 05 Sep 2011 06:27:44 +0000 Pierre Alonso http://owni.fr/?p=78098

Il s’apprête à entamer sa troisième année de prison. Ouvert le 8 octobre 2009, jour de son arrestation à Vienne dans l’Isère, le dossier d’Adlène Hicheur a peu évolué deux ans après. Un dossier vide ? “Noyé” répond Patrick Baudouin, son nouvel avocat, familier des affaires terroristes, qui étudie les 27 tomes de l’instruction depuis juin. Mis en examen après 92 heures de garde à vue pour association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste, Adlène Hicheur travaillait au Cern, l’Organisation européenne pour la recherche nucléaire.

Franco-algérien, il a grandi en France et étudié dans les plus grandes universités européennes : École Normale Supérieure de Lyon en master, Laboratoire Rutherfort Appleton pour son post-doctorat. Il est accusé d’avoir posté des messages sur des “forums islamistes” et échangé des messages privés avec un cadre d’Al Qaida au Maghreb Islamique (Aqmi). La Direction Centrale du Renseignement Intérieur (DCRI) affirme qu’il s’agissait de Mustapha Debchi, un ingénieur en électronique arrêté en février 2011 par les autorités algériennes dans une vaste opération menée contre l’organisation islamiste.

A ce jour, aucun élément concret n’a été ajouté au dossier d’instruction par le service de contre-espionnage. Aucune adresse IP, rien qui permette de vérifier l’identité d’un mystérieux “Shadow Phoenix”, connu aussi sous le nom “Eminence grise”, derrière lequel se cacherait Mustapha Debchi, selon les dires de l’accusation.

La commission rogatoire adressée à l’Algérie au printemps 2010 n’a pas non plus donné de résultats. Une situation paradoxale, plus de six mois après l’arrestation de l’interlocuteur supposé d’Adlène Hicheur. “La coopération avec l’Algérie n’est pas très bonne en général, sauf quand des intérêts communs sont partagés ce qui est le cas ici selon l’accusation. Le dossier est présenté comme explosif” rappelle Me Baudouin.

Pièces à décharge

Le jour de l’interpellation, le 8 octobre, Adlène Hicheur s’apprêtait à partir en Algérie où il est né et a vécu jusqu’à l’âge d’un an. Comme le confirme son billet d’avion dont OWNI a pu consulter une copie, il avait pris un retour le 15 octobre. Une pièce saisie par la police qui ne figure pas dans son dossier selon son frère, Halim Hicheur. Ce jour-là, les agents de police font une autre découverte : 13 000 euros en liquide glissés dans sa valise. Une somme destinée à construire une maison en Algérie avec un cousin, raconte Halim. Le devis d’un maçon était rangé dans la même pochette que le billet d’avion, une pièce à décharge qui serait portée disparue, assure-t-il. La provenance de ces 13 000 euros est transparente, selon ses défenseurs. Me Clément Bectarte, également en charge de sa défense, affirme qu’il s’agit d’économies faites sur son salaire versé par le Cern.

Le CERN est situé à cheval entre la France et la Suisse.

Son interpellation est intervenue après une surveillance électronique prolongée. Le 9 novembre 2010, lors d’une audience devant la Cour de Cassation, les conditions qui ont présidé à son arrestation ont été détaillées. Dans son arrêt, la Cour confirme le rejet des requêtes en nullité de la garde à vue déposées devant la chambre de l’instruction, une position très courante dans les affaires terroristes. Les magistrats écrivent :

La nécessité de le placer en garde à vue a été révélée par les investigations antérieures conduites par les enquêteurs spécialisés et notamment les surveillances des réseaux électroniques.

Une information qui fait écho à ce qu’avançait Le Figaro le 23 novembre 2009, deux semaines après l’arrestation, dans un article très bavard sur l’enquête en cours. Les moyens de la lutte anti-terroriste sur Internet sont précisés, citations des membres des services de renseignement à l’appui :

La traque est conduite (…) à partir de mots-clés, grâce à des logiciels spécialement conçus. En infiltrant également les forums de discussion, pour appâter les éventuels candidats à la guerre sainte.

Un cas rarissime

En plus d’être l’un des rares à être poursuivi pour activités terroristes sur Internet, Adlène Hicheur est le seul à avoir été arrêté dans cette affaire, le seul à être mis en examen dans une affaire d’association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste. Pour le moins incongru vues les charges retenues contre lui, relève son avocate Dominique Beyreuther qui le suit depuis le début. “Un cas rarissime” précise-t-elle. D’autant que le dossier n’a pas évolué depuis sa garde à vue alors qu’il est en détention provisoire depuis presque deux ans.

“Adlène Hicheur a coopéré avec la police et la justice pendant sa garde à vue” raconte Me Beyreuther. Il a reconnu avoir échangé des messages au printemps 2009 pendant sa convalescence suite à une hospitalisation. Quand son interlocuteur lui demande ce qu’il pense des attentats suicides, Adlène Hicheur répond qu’il n’y est pas favorable et parle d’attentats ciblés, contre Total par exemple ou le 27e bataillon de chasseur-alpins d’Annecy. Sans apporter plus de précisions de date ou de moyens mis en oeuvre. Pour Patrick Baudouin, ces propos, certes graves, ne traduisent aucun plan. Rien qui trahirait un passage à l’acte imminent, aucun “cadre pré-opérationnel” qui justifierait une arrestation. L’intention n’y est pas clairement exprimée. Me Baudouin conclut :

Les services ont agi de façon préventive.

Un propos en résonance avec ceux tenus par Bernard Squarcini, directeur de la DCRI, qui déclarait en septembre 2010 : “Notre dispositif [anti-terroriste] nous permet de pouvoir anticiper et de neutraliser préventivement des projets terroristes.”

La lutte anti-terroriste française a été épinglée à plusieurs reprises par les organisations de défense des droits humains. Dans un rapport paru en 2008, l’ONG Human Rights Watch affirme :

La formule ouvertement extensive du délit d’association de malfaiteurs a conduit à des condamnations basées sur des preuves ténues ou sur de simples présomptions.

Deux ans après son arrestation, Adlène Hicheur est toujours en détention provisoire malgré les nombreux recours de remise en liberté déposés par ses avocats. Des refus motivés par des raisons générales : empêcher les reprises de contact, prévenir le renouvellement d’infraction. Tous les quatre mois au moins, il passe devant le juge d’instruction pour un nouvel interrogatoire. Le dernier, début juillet, a duré 20 minutes.


Crédits Photo FlickR CC by-nc-sa Su Morais / by-nc-sa Pixelhunt // Wikimedia Commons CC by-sa Rama

]]>
http://owni.fr/2011/09/05/adlene-hicheur-cern-terrorisme/feed/ 18
Hommage à Georges Charpak et sa chambre à fils http://owni.fr/2010/10/03/hommage-a-georges-charpak-et-sa-chambre-a-fils/ http://owni.fr/2010/10/03/hommage-a-georges-charpak-et-sa-chambre-a-fils/#comments Sun, 03 Oct 2010 17:48:00 +0000 Benjamin Bradu http://owni.fr/2010/10/03/hommage-a-georges-charpak-et-sa-chambre-a-fils/ Georges Charpak nous a quitté cette semaine et je veux lui rendre hommage, à lui et à sa fameuse chambre à fils inventée au CERN en 1968.

L’homme

Georges Charpak fut un des symboles d’intégration pour la France. Immigré polonais dans les années 30, il devint résistant pendant la seconde guerre mondiale et fut déporté dans le camp de concentration de Dachau. Il survécut et rentra en France à la libération où il fut naturalisé français en 1946 et intégra l’école des Mines. Il fit ensuite son doctorat de physique avec Frédéric Joliot-Curie, rentra au CNRS puis au CERN (Organisation Européenne pour la Recherche Nucléaire à Genève) en 1963. En 1968, il inventa sa fameuse chambre à fils et obtint le prix Nobel de physique en 1992. C’est ce que j’appelle un succès d’intégration pour la France qui devrait rester une terre d’accueil et d’éducation comme l’a si souvent dit Charpak.

Georges Charpak était apprécié de tous et était un homme modeste mais engagé dans la Science et dans la société où il luttait contre les armes nucléaires et supportait de nombreux projets d’éducation avec son projet la main à la pâte. Je ne vais pas vous faire une biographie complète ici mais pour ceux qui veulent mieux connaitre cet homme de science, je vous suggère cette vidéo de 20 minutes faite l’année dernière à l’occasion de son 85ème anniversaire au CERN où Charpak nous raconte rapidement sa vie.

Avant Charpak : les chambres à bulles

Jusque dans les années 70, la physique des particules se faisait « à la main » dans le sens où les collisions de particules issues des accélérateurs étaient principalement réalisées dans des chambres à bulles.

Une chambre à bulles consiste à remplir de liquide une enceinte close. On utilisait généralement de l’hydrogène liquide qui était maintenu en dessous de -253°C pour rester liquide. On faisait en sorte de réaliser les collisions devant ces chambres où les particules laissaient de petites bulles dans leurs sillages.

On prenait alors des photos de ces bulles pour identifier la trajectoire des différentes particules. Par la suite, la courbure des trajectoires et la densité des bulles permettaient d’identifier les différentes particules. Évidemment, toutes ces mesures se faisaient à la main sur des tables de projection où les différentes photos pouvaient défiler rapidement.  La plus grande chambre à bulles du CERN, BEBC (Big European Bubble Chamber) qui mesurait 3,7 m de diamètre et 4 m de haut a fourni durant sa vie 6,3 millions de photographies (3 000 km de film) analysées entre 1973 et 1984 par près de 600 chercheurs dans le monde.

Charpak : la chambre à fils

A la fin des années 60, les premiers systèmes électroniques à base de transistors apparaissent et font miroiter des possibilités gigantesques en termes de traitement automatique des données: c’est le balbutiement de l’informatique. Or, les physiciens des hautes énergies réalisent de grandes expériences produisant de très nombreuses données encore difficiles à traiter comme avec les chambres à bulles.

En 1968, Georges Charpak qui était chercheur au CERN invente  alors  un nouveau genre de détecteur de particules qui allait tout simplement révolutionner l’avenir de la physique des particules : la chambre proportionnelle multifilaire, ou plus simplement la chambre à fils, pour laquelle Charpak sera récompensé par le prix Nobel de physique en 1992.

Le principe est en somme relativement simple et facile à concevoir. Une enceinte (chambre) est remplie d’un gaz noble (comme de l’Argon) puis des fils électriques parallèles sont tendus à l’intérieur de manière à faire une sorte de maillage dans un plan. L’extrémité des fils est ensuite connectée à un générateur de tension électrique à une borne positive (anodes) et des plaques conductrices sont intercalées entre les plans des fils et sont reliées à une borne négative (cathodes).

Lorsqu’une particule chargée (c’est-à-dire portant une charge électrique comme un électron ou un muon) traverse la chambre, cette particule ionise le gaz noble (elle « casse » des atomes de gaz en électrons chargés négativement et en ions chargés positivement). Les électrons sont alors attirés par les anodes (reliés à une borne positive) et les ions par les cathodes (reliés à une borne négative). Au bout de l’anode, on place un amplificateur pour permettre la mesure du courant électrique engendré par le déplacement des électrons dans le fil. La mesure de courant sur chaque fil peut être par la suite analysée dans un ordinateur afin de reconstruire la trajectoire de la particule comme avec une chambre à bulles mais de manière automatique.

Ce nouveau type de détecteur a permis de multiplier par un facteur 1000 la vitesse de traitement des données par rapport aux chambres à bulles où il fallait compter « à la main » les particules.

Les chambres à fils aujourd’hui

Le dernier accélérateur de particules du CERN dénommé Large Hadron Collider, ou LHC, permet de produire pas moins de 40 millions de collisions par seconde pendant plusieurs heures. Ces collisions sont réalisées au centre de 4 gigantesques détecteurs. Les détecteurs du LHC utilisent différentes techniques dont des chambres à fils pour détecter des particules chargées comme les muons.

Toutes les collisions du LHC sont  triées automatiquement par des systèmes électroniques puis analysées et reconstruites en 3 dimensions par des systèmes informatiques mobilisant plus de 100 000 processeurs répartis sur 170 centres de calcul dans 34 pays à travers le monde. A chaque seconde, le LHC fournit ainsi autant de données que la grande chambre à bulles BEBC aurait pu fournir pendant 60 ans d’exploitation.

Le principe de la chambre à fils a trouvé d’autres applications en dehors de la physique des particules comme en imagerie médicale. En effet, une méthode très innovante basée sur le principe des chambres à fils permet aujourd’hui de reconstruire en 3D  la colonne vertébrale et le bassin d’un patient avec une précision inégalée (voir ce lien pour plus de détails).

»» Ce billet a été publié initialement sur le blog “La Science pour tous”.

Illutration FlickR CC-by-nc-sa : tlukejones. WikiMedia Commons CC-By : Studio Harcourt

]]>
http://owni.fr/2010/10/03/hommage-a-georges-charpak-et-sa-chambre-a-fils/feed/ 1