OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 CETA : “il n’est pas encore temps de dire si je voterai pour ou contre” http://owni.fr/2012/10/16/ceta-pas-encore-temps-de-dire-si-je-voterai-contre-marietje-schaake-interview/ http://owni.fr/2012/10/16/ceta-pas-encore-temps-de-dire-si-je-voterai-contre-marietje-schaake-interview/#comments Tue, 16 Oct 2012 14:38:03 +0000 Sabine Blanc http://owni.fr/?p=122768

ACTA est mort, vive CETA. Ou pas. Accusé de servir de backdoor au traité anti-contrefaçon rejeté cet été par le Parlement européen, le projet d’accord de libre-échange entre le Canada et l’Union européenne est dans le viseur des militants des libertés numériques et des opposants au libéralisme effréné. Le treizième round de négociations s’est ouvert ce lundi et le calendrier sera court, avec un vote du Parlement européen attendu “entre trois et six mois”, selon le porte-parole de La Quadrature du Net Jérémie Zimmermann, un des fers de lance de la lutte.

L’eurodéputé hollandaise Marietje Schaake (Groupe Alliance des démocrates et des libéraux pour l’Europe) était de ces élus qui s’étaient élevés avec vigueur contre ACTA.  Pour le moment, sa position est réservée.

Vous étiez assez prudente cet été quand  Michael Geist a expliqué que CETA servait de cheval de Troie d’ACTA. Depuis, le texte a évolué, mais certains, comme La Quadrature du Net, continuent de mettre en garde contre le projet. Votre point de vue a-t-il changé et rejetterez-vous l’accord ?
CETA craindre

CETA craindre

Accusé d'être un cheval de Troie du défunt traité anti-contrefaçon ACTA, l'accord commercial CETA (entre Canada et UE) ...

Il est important de comprendre ce qu’est CETA, un accord de libre-échange complet entre le Canada et l’Union européenne. Cela signifie qu’un certain nombre de sujets sont en train d’être discutés des deux côtés, des sables bitumineux au réglement de conflits entre états et investisseurs, en passant par les visas de libre circulation pour les Européens de l’Est, etc., et il n’est pas encore temps de dire si je voterai pour ou contre.

Nous en sommes actuellement en train de faire passer le maximum de points de ce traité que nous estimons importants pour les citoyens européens, les consommateurs et les entreprises.

Cela inclut mon attention particulière sur la façon dont le droit de la propriété intellectuelle est reflété dans l’accord proposé. Je pourrai dire seulement à la fin de la procédure si je pense que cela nuira aux Européens ou leur sera bénéfique.

Allez-vous demander que le texte soit rendu public ?

Jusqu’à présent, seuls des brouillons ont été fuités, ce qui n’est pas une situation idéale. Certaines personnes se réfèrent à des versions dépassées et suscitent ainsi de la confusion.

Je suis une grande partisane de la transparence mais je pense qu’il est important de comprendre qu’il peut exister des raisons légitimes de négocier sans révéler les textes en amont. Cela peut saper la négociation et dans le cadre d’un accord commercial, il est largement accepté que les enjeux économiques peuvent être si élevés qu’il est important de ne pas affecter les bourses, par exemple. Ceci dit, je pense qu’il est néfaste d’abuser de la confidentialité dans les négociations des accords de commerce. Dans le cas de l’ACTA, j’ai toujours défendu le fait que cétait une loi imposée de force et non un traité.

Quelle est la position actuel des autres eurodéputés ? Se sont-ils emparés du sujet ?

Mes collègues, comme moi, sommes concentrés sur de nombreux aspects de CETA, nous sommes au milieu du gué et chacun est attelé à résoudre les points problématiques. C’est une façon normale de travailler. J’ai demandé des garanties à la Commission européenne pour que des mesures similaires à ACTA ne soit pas introduites. Elle m’a assuré que ce ne serait pas le cas. Je leur laisse le bénéfice du doute.

Que pensez-vous de la position de la Commission européenne, qui d’abord refusé de commenter la fuite, puis a communiqué tout en refusant de montrer le brouillon ?
Une tyrannie du droit d’auteur nommée ACTA

Une tyrannie du droit d’auteur nommée ACTA

Un traité commercial, Acta, propose d'entériner la vision du droit d'auteur des industries culturelles à l'échelle ...

Je sens que, parmi de nombreuses personnes à Bruxelles, la campagne anti-ACTA a soulevé de nouvelles inquiétudes. Je crois qu’il est important de travailler ensemble, société civile, monde des affaires, Parlement européen, pour élaborer des législations constructives, par exemple réformer l’application des droits sur la propriété intellectuelle en Europe. En revanche, contester ce qui est déjà sur la table n’est pas la seule solution.  Il ne serait souhaitable pour personne que la peur d’une réaction des pouvoirs publics engendre des retards dans les propositions de politique publiques bénéfiques pour les citoyens européens.


Portrait de Marietje Schaake CC Flickr ALDEADLE by nc sa

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CETA craindre http://owni.fr/2012/10/15/ceta-craindre/ http://owni.fr/2012/10/15/ceta-craindre/#comments Mon, 15 Oct 2012 14:12:07 +0000 Sabine Blanc http://owni.fr/?p=122614

En juillet dernier, lorsque le Canadien Michael Geist, professeur de droit engagé en faveur des libertés numériques, a alerté sur le danger de CETA ce traité commercial Canada-UE potentiellement cheval de Troie d’ACTA, l’accord commercial fraîchement rejeté par le Parlement européen, certains ont tempéré : le texte fuité date de février, il n’est plus d’actualité, les lobbies ont échoué dans leur tentative d’imposer leur vision maximaliste de la propriété intellectuelle et du droit d’auteur.

Trois mois après, alors qu’un treizième round de négociations s’engage ce lundi, le scepticisme a fait place à l’inquiétude. Le Canada-European Union Trade Agreement (le CETA en question, donc), est en phase finale et l’embryon du brouillon laisserait augurer d’une sale bestiole.

Avant de poursuivre, arrêtons-nous un instant sur le terme “cheval de Troie” d’ACTA : on a pu croire que le document avait été mitonné exprès, devant la défaite annoncée du traité anti-contrefaçon. En réalité, la discussion a été entamée en 2009, dans un contexte général de libéralisation des échanges et de crispation des lobbies culturels, incapables de s’adapter aux mutations des usages engendrées par l’Internet.

Si CETA est venu sur le devant de la scène en plein ennui estival, c’est que la partie concernant la propriété intellectuelle et le droit d’auteur a fuité, “de façon opportune”, signale Jérémie Zimmermann, porte-parole de La Quadrature du Net (LQDN) et emblématique figure du combat contre ACTA. Un lobbyiste au taquet qui nous a redit ce que l’association martèle depuis cet été :

CETA, c’est comme ACTA.

Dubitatif naguère, le fondateur du Parti Pirate, le Suédois Rick Falkvinge tient désormais la même ligne :

Il apparait maintenant évident que les maux d’ACTA se retrouvent aussi pour l’essentiel dans CETA.

Il est donc devenu clair que les négociateurs essayent bien de passer outre les parlements en faisant leurs propres règles, un procédé qui est à la fois anti-démocratique et méprisable.

Les “maux” redoutés de nouveau, ce sont entre autres les atteintes aux libertés numériques, avec une plus grande responsabilisation des intermédiaires techniques qui porterait atteinte à la neutralité du Net, et un accès plus difficile et coûteux au médicaments. Avec, là encore, la possibilité de sanctions pénales pour les citoyens qui enfreindraient les dispositions. “Le texte parle ‘d’échelle commerciale’, c’est trop large alors qu’il faut considérer l’intention, si la personne agit avec un but lucratif ou non”, s’énerve Jérémie Zimmermann.

La Commission européenne rassurante

Après avoir refusé de communiquer au sujet de la fuite, la Commission européenne est finalement sortie du bois, pour démentir les accusations, et sans pour autant révéler le contenu entier de l’accord. Pour l’instant, il est entre les mains des négociateurs, de ce côté-ci la Commission européenne et la présidence de l’UE, assurée par Chypre, qui sont libres de le partager. Ou pas.

Sa position ? Les États-membres sont seuls décisionnaires sur le volet pénal, souveraineté oblige, elle ne peut que leur conseiller de ne pas appliquer les sanctions. Ce qui fait hurler la Quadrature, pour qui de toute façon “des sanctions pénales n’ont rien à voir dans un accord commercial.”

L’enjeu dans les jours qui viennent est donc de sensibiliser la tripotée de ministères concernés, Fleur Pellerin (PME, à l’Innovation et à l’Économie numérique), Pierre Moscovici (Économie et des Finances), Aurélie Filippetti (Culture et de la Communication), Bernard Cazeneuve (Affaires européennes), Laurent Fabius (Affaires étrangères) et Nicole Bricq (Commerce extérieur). Ils ont reçu la semaine dernière une lettre ouverte les appelant à “protéger nos libertés”.

Dossier en dessous de la pile ou petit mensonge du lundi matin, le cabinet de Fleur Pellerin nous a répondu :

Nous ne sommes pas au courant. Je pense qu’on ne l’a même pas reçu.

Pour mémoire, les eurodéputés socialistes avaient voté contre ACTA et faute d’être bien informé, le gouvernement actuel pourrait se retrouver en porte-à-faux vis à vis de la position de ses homologues du dessus.

Tabernacle

Outre-Atlantique, les opposants sont mobilisés depuis bien plus longtemps contre CETA et mettent l’accent sur les particularités du Canada. Le gouvernement conservateur est favorable à l’accord, soucieux de la balance commerciale du pays, comme a rappelé Claude Vaillancourt, président d’ATTAC Québec dans une tribune :

Le négociateur a répété une fois de plus l’importance de conclure rapidement l’AÉCG (CETA en français, ndlr) [...]. Puisque nos exportations aux États-Unis diminuent, il faut chercher de nouveaux marchés. Pourtant, nous sommes bel et bien liés par un accord de libre-échange avec ce pays, mais celui-ci ne donne plus les résultats attendus. Pourquoi dans ce cas un accord avec l’Europe serait-il tellement avantageux ? [...]

Les relations commerciales entre le Canada et l’Europe sont déjà excellentes et en progression. Ce qui a d’ailleurs été confirmé dans une étude conjointe, commandée par le Canada et l’Europe avant les négociations.

Ils craignent aussi que des dispositions de l’ALENA, l’accord de libre-échange nord-américain entre le Canada, les États-Unis et le Mexique, ne soient reproduites. Elles permettraient “de poursuivre des gouvernements par l’intermédiaire de tribunaux d’experts au fonctionnement non transparent”, met en garde Claude Vaillancourt. Et la possibilité d’ouvrir des marchés publics aux entreprises européennes fait redouter des services publics de moindre qualité.

Dans la ligne de mire du lobbying anti-CETA, les provinces, comme nous l’a détaillé Stuart Trew de Council of Canadians, une association militante citoyenne née lors des négociations de l’ALENA : “Les provinces ont un rôle important à jouer, similaire à celui des États-membres. Si le gouvernement fédéral a le dernier mot, elles ont toutefois un veto symbolique. Elles peuvent décider de ne pas le mettre en place. Ils font donc leur faire prendre conscience des dangers, car nous ne pensons plus pouvoir changer l’opinion du gouvernement.”

Optimisme #oupas

Le calendrier est serré, avec un vote au Parlement envisageable “dans les trois à six mois”, estime Jérémie Zimmermann. Guérilla de longue haleine, ACTA avait laissé ses adversaires victorieux mais épuisés. Un travail de lobbying qui porte ses fruits sur ce nouveau front : longs à la détente, les médias grand public sont désormais plus prompts à traiter ce sujet peu seyant, jargon numérico-juridico-institutionnel oblige. De même, le précédent dans l’engagement citoyen rassure. OpenMedia, une association canadienne militant pour un Internet ouvert, se montre optimiste,  évoquant l’évolution de la position sur le copyright :

Il y a des signes forts que l’engagement citoyen a un impact. La poussée contre ACTA venue de la communauté de l’Internet libre a mené à son rejet. [...] et Michael Geist a suggéré la semaine dernière qu’une pression continue mène les négociateurs à revoir l’inclusion des clauses d’ACTA sur le copyright dans CETA.

Rick Falvinge estime que la Commission européenne aura à cœur de ne pas commettre la même erreur :

Après la défaite d’ACTA au Parlement européen, la Commission serait sage d’écouter, à moins qu’elle ne souhaite une autre défaite humiliante.

Au final, c’est le Parlement qui la nomme. Un Parlement trop mécontent n’est pas souhaitable pour la Commission.

En dépit du compromis trouvé sur le copyright, Michael Geist nous a, au contraire, fait part de son pessimisme :

Le caractère secret de CETA  est un énorme problème et je crains que le gouvernement canadien cèdera à la pression de l’UE, simplement pour conclure un accord.

Et si les parties restent sur leurs positions, les opposants ont une carte dans leur manche aux relents de camembert bien de chez nous : les appellations géographiques sont en effet un enjeu majeur à régler, source potentiel de conflit avec les agriculteurs. Elles protègent des produits selon des critères plus ou moins stricts. Et l’UE tient à ses Appellations d’origine contrôlée. Sur ce point, il y a a priori désaccord :

L’Europe recherche fréquemment un changement du droit aux frontières et des droits étendus pour les appellations et la plupart des pays y sont opposés.

Des agriculteurs en colère, une perspective plus à même de réveiller les politiques français qu’une lettre ouverte. Mais il va falloir mettre vite les tracteurs dans la rue : les ministres des gouvernements entreront dans la danse en novembre.


Illustrations et couverture par Hiking Artist [CC-by-nc-nd]

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