OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 En Seine-et-Marne, Copé et Jacob surfent sur “leur” loi contre les gaz de schiste http://owni.fr/2011/05/11/en-seine-et-marne-cope-et-jacob-surfent-sur-leur-loi-contre-les-gaz-de-schiste/ http://owni.fr/2011/05/11/en-seine-et-marne-cope-et-jacob-surfent-sur-leur-loi-contre-les-gaz-de-schiste/#comments Wed, 11 May 2011 16:23:08 +0000 Sylvain Lapoix http://owni.fr/?p=62260 Malgré les doutes qui entourent l’adoption de la proposition de loi contre l’exploration et l’exploitation des hydrocarbures de schiste, Christian Jacob et son mentor Jean-François Copé tentent déjà d’en récolter les fruits politiques. C’est jusque dans leur boîte aux lettres que les Seine-et-Marnais ont pu trouver le 3 mai dernier un appel à dire « NON AUX GAZ DE SCHISTE »… en disant oui à Jean-François Copé !

Gaz de schiste : des conséquences néfastes pour la Seine-et-Marne. Jean-François Copé et Christian Jacob ont décidé de s’y opposer par une proposition de loi. [...] Cette proposition de loi demande l’abrogation des permis d’exploration et d’exploitation des gaz de schiste en Seine-et-Marne.

Imprimé sur papier bleu, frappé du logo UMP, la brochure fait un résumé des conséquences néfastes de l’exploitation des gaz de schiste sur la Seine-et-Marne… mais oublie quelques petits détails importants.

Pour commencer, que la proposition de loi ne propose PLUS de supprimer les permis mais seulement de les suspendre, raison de la colère des socialistes qui refusent de la voter en l’état (à leur décharge, le 3 mai, le texte n’avait pas encore été amendé et méritait encore son nom…). Ensuite, que le permis qui concerne les circonscriptions de MM. Jacob est Copé n’est pas un permis pour du gaz mais pour des huiles de schiste ! Mais, au diable la précision : les députés espèrent sûrement que, le temps que leurs administrés vérifient l’info, ils auront récupéré dans la boîte aux lettres de sa permanence de Meaux les noms, prénoms, adresses et e-mail d’une foule de Seine-et-Marnais (faussement) rassurés pour les prochaines échéances électorales…

Article initialement publié sur OWNIschiste.

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Loi sur les gaz de schiste: volte-face du gouvernement http://owni.fr/2011/05/10/loi-sur-les-gaz-de-schiste-volte-face-du-gouvernement-hydrocarbures/ http://owni.fr/2011/05/10/loi-sur-les-gaz-de-schiste-volte-face-du-gouvernement-hydrocarbures/#comments Tue, 10 May 2011 08:04:07 +0000 Sylvain Lapoix http://owni.fr/?p=61930 Déposée le 31 mars 2011 par le président du groupe UMP, la proposition de loi visant à abroger les permis de recherche et d’exploitation des hydrocarbures de schiste sera débattue mardi 10 et mercredi 11 mai. Depuis le début des travaux parlementaires, le texte a été fracturé comme un puits de gaz de Pennsylvanie… pour, au final, une législation des hydrocarbures non conventionnels sans grand rapport avec l’intention de départ.

Passage en commission… et à la moulinette !

D’un coup de serpe, les députés de la commission développement durable ont d’abord rayé le terme « non conventionnel » du texte. Une décision qui va plutôt dans le sens des opposants puisqu’elle élargit à tous les hydrocarbures (et non seulement à ceux extraits des couches de schiste) l’interdiction d’utiliser la méthode de fracturation hydraulique, vorace en eau et cause d’énormes dégâts environnementaux et sanitaires aux Etats-Unis.

En revanche, dès le deuxième article, le texte se ramollit : plus d’abrogation pure et simple des permis, alors que c’était l’esprit même de la loi ! Au lieu de ça, les rapporteurs demandent aux entreprises détentrices des fameux permis un rapport détaillant les techniques qu’elles utiliseront. En clair, une promesse qu’elles n’utiliseront, jamais au grand jamais, la fracturation hydraulique. Seule véritable garantie exigée par la commission : les entreprises devront fournir le document sous deux mois, délai au delà duquel elles se feront retirer d’office leur permis.

Pour la suite, les rapporteurs sortent la dynamite : l’article 3 prévoyant l’obligation d’une enquête publique est tout simplement supprimé ! Là, c’est la promesse de le ministre de l’Ecologie Nathalie Kosciusko-Morizet qui vole en éclat. Elle qui, après une prise de conscience tardive du risque écologique des hydrocarbures de schiste, promettait à tous les citoyens inquiets concertations et expertises publiques. L’argument pour faire sauter l’article 3 a été présenté en commission par le rapporteur socialiste Jean-Paul Chanteguet :

Nous souhaitons enfin supprimer l’article 3, modifiant le code de l’environnement, qui soumettait les procédures d’attribution des concessions de mines et des permis exclusifs de recherches à débat public, enquête publique et étude d’impact. C’est en effet une réforme globale et complète du code minier qu’il faut engager.

Ce qui nous ferait donc deux réformes du code minier en quelques années puisque, comme le relève lui-même le député, la dernière refonte de ce texte date de… janvier 2011 ! Pour mémoire, l’ancien code datait de 1956. Mais, ajoute-t-il :

Il conviendrait d’attendre la remise du rapport de la mission conjointe du CGIET et du CGEDD et de celui de la mission d’information conduite par François-Michel Gonnot et Philippe Martin. Toutefois, nous attendons du Gouvernement qu’il s’engage à inscrire, à l’ordre du jour de Parlement, dans un délai raisonnable, un projet ou une proposition de loi modernisant le code minier.

Curieux discours : la réforme faite par le gouvernement ne va pas assez loin… mais il faut attendre qu’il s’y remette ! Le texte ne doit pas mentionner les gaz et huiles de schiste… mais hors de question de réformer le code minier sans avoir le rapport sur les hydrocarbures non conventionnels !

L’argument financier: satisfait ou remboursé?

Elément important à prendre en compte: en cas d’abrogation des permis, l’Etat aurait à rembourser les frais engagés par les exploitants pour leurs recherches. Pour les petits permis, comme le permis de Nant, l’engagement financier de Schuepbach Energy ne s’élève qu’à 1,7 millions… mais pour les plus gros projets, comme les permis de Montélimar ou Villeneuve de Berg, l’addition dépasse largement les 35 millions d’euros.

A titre d’exemple, si l’Etat devait solder l’intégralité des dépenses engagées aux trois permis de gaz de schiste accordés en mars 2010 dans le Sud, la facture s’élèverait à près de 80 millions d’euros. Un calcul indicatif, tous les frais n’ayant pas déjà été engagés, mais qui donne une idée des arbitrages économiques sous-jacents aux décisions politiques sur ce dossier.

Les amendements : dépouiller le texte… ou l’étendre aux autres risques

Comme nous l’avions révélé vendredi 6 mai au moment de la clôture du dépôt d’amendement, c’est moins dans le texte lui-même que dans les modifications proposées par les élus que se nichent les réécritures permettant de vider ou de renforcer cette loi. Sur les 32 textes enregistrés avant le « gong » de 17 heures, OWNI s’en était déjà procuré neuf, paraphés par Claude Gatignol, député UMP de La Hague, qui se réjouissait dans le mail envoyé à quelques parlementaires UMP appelés à l’aide, de la suppression de l’article 3, si contraignant pour les exploitants d’hydrocarbures. Mais il n’est pas le seul à se soucier de la liberté d’action des pétroliers et gaziers.

Quatre grandes tendances se détachent :
1. Les socialistes sont pour la plupart favorable à une réaffirmation de l’esprit de la proposition de loi au départ : abrogation des permis et conformité à la Charte de l’environnement. Des idées accompagnées d’une extension de l’interdiction aux exploitations off shore, notamment portée par Christiane Taubira, député de Guyane.

2. Une poignée de député UMP (menée par Claude Gatignol) pousse au démantèlement de la loi par une réduction de son champs d’application et, surtout, une limitation de la durée de suspension des permis et le retrait des garanties exigées par la commission sur les techniques de forage utilisées. Parmi eux, Gérard Gaudron (UMP, Seine-Saint-Denis) a déposé trois textes en propre, appuyant notamment le recours à ces techniques sur les avancées technologiques et l’expertise scientifique.

Introduite par certains socialistes et les écologistes, la question des plates-formes off shore (qui concerne notamment la Guyane) sera abordé à l'occasion du vote des amendements.

3. Les écologistes (élus Europe écologie, Les Verts ainsi que la député Parti de gauche, Martine Billard) tentent quant à eux d’utiliser ce texte à des fins extensives: interdiction de l’exploitation off-shore sur le territoire nationale ou par des entreprises françaises, modification du code minier dans le sens d’une plus grande concertation démocratique, etc. Une tentative de « doper » le texte qui pourrait constituer une des faiblesses de leurs propositions, certaines portant sur le dernier code minier, modifié par ordonnance, pas encore validé par parlementaires…

4. Enfin les « anti-gaz de schiste canal historique », Pierre Morel-à-l’Huissier et Pascal Terrasse, respectivement député UMP de Lozère et élu PS en Ardèche, répercutent dans leurs amendements les échos parvenus du terrain, exigeant notamment une plus grande transparence démocratique et un meilleur accès aux documents administratifs donnant lieu à l’octroi de permis. Reste à savoir si ces idées d’ouverture trouveront échos chez leurs collègues…

La partie risque donc d’être serrée: pour la journée du 10 mai, l’Assemblée nationale joue la bataille droite-gauche à guichets fermés ! A la fermeture des bureaux du Palais Bourbon, les bulletins de présences pour cette séance avaient tous été pris, « comme au bon vieux temps de la Hadopi », s’amuse un collaborateur parlementaire. Reste à savoir si le scrutin réservera autant de surprise.

Si vous souhaitez avoir les amendements détaillés, rendez-vous sur OWNISchiste
Photos : FlickR CC : Julie Kertesz ; Sylvain Lapoix pour OWNI /-) ; SkyTruth ; vphill.

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Un lobbyiste des gaz de schiste chez les députés http://owni.fr/2011/05/06/un-lobbyiste-des-gaz-de-schiste-chez-les-deputes/ http://owni.fr/2011/05/06/un-lobbyiste-des-gaz-de-schiste-chez-les-deputes/#comments Fri, 06 May 2011 15:45:17 +0000 Sylvain Lapoix http://owni.fr/?p=61534 En toute discrétion, le député UMP, Claude Gatignol joue les lobbyistes en faveur des gaz de schiste. Dans l’un de ses courriers, que s’est procuré OWNI, transmis ce vendredi 6 mai à quelques membres du groupe UMP, le parlementaire propose neuf amendements qui vident de sa substance la proposition de loi contre l’exploitation des gaz et huiles de schiste. Un texte qui sera débattu le 10 mai prochain. Claude Gatignol, représentant la circonscription de La Hague, très sensible aux intérêts des industriels du nucléaire, écrit:

Chères Collègues, Chers Collègues

La commission ad hoc a débattu sur la PPL Jacob relative aux huiles et gaz de roche-mère appelés communément Huiles et gaz de schistes non conventionnels puisqu’ils se situent à 3000 m de profondeur dans le LIAS pour les géologues et dans des réservoirs”spongieux”.
L’article 3 a heureusement été supprimé mais l’interdiction totale des technologies a été maintenue.

Les amendements que je propose avec plusieurs collègues à votre cosignature, veulent rééquilibrer le texte et, au delà de l’émotionnel de l’instant, veulent permette les travaux d’innovation, de recherche, d’exploration et les forages de géothermie en particulier.

La suspension, l’interdiction temporaire sera levée lorsque les conclusions des missions en cours parlementaire et interministérielle seront connues et présentées au Parlement.

A votre disposition. Amitiés
Claude Gatignol

PS les réponses doivent me parvenir impérativement avant 16h

Transmis à une poignée de membres du groupe UMP par la permanence du député, le texte est accompagné d’une série de neuf amendements portant sur le projet de loi de Christian Jacob qui sera débattu puis voté le 10 mai prochain, pour lesquels le dépôt d’amendement a été clos à 17 heures ce jour-même.

Balayer le chemin des schistes aux pétroliers et gaziers…

Censé interdire l’exploration et l’exploitation, du fait des risques de la technique de fracturation hydraulique pour l’environnement constatés aux Etats-Unis, il a déjà été atteint dans sa force par quelques aménagements de formules… Avec les neuf amendements de Gatignol, le projet de loi devient carrément jetable ! Le deuxième amendement de la liste propose ainsi la « suspension » plutôt que « l’interdiction » de cette technique, pour une durée de… un an à compter du vote de la loi !

« La suspension est à privilégier par rapport à l’interdiction totale car celle-ci ne saurait être justifiée à ce stade par le principe de précaution.

Il s’agit donc d’un délai visant à approfondir les connaissances scientifiques et à apporter une information claire sur ces divers points. »

Du début à la fin, la série d’amendements poursuit un même but : permettre, une fois le fameux « instant émotionnel » passé, de reprendre exploration et exploitation où on les avait laissés. Le 8è amendement ne propose d’ailleurs rien d’autre, puisqu’il suggère la levée de l’interdiction temporaire prévue à l’article 1 « lorsque seront connus les conclusions de la mission parlementaire, de la mission interministérielle, la rédaction nouvelle du code minier et l’avis du Haut Comité des Ressources Minières ». « Haut Comité des Ressources Minières » que se propose de créer le troisième amendement et dont la composition est fixée… par le gouvernement ! Lequel s’est montré plutôt moins réticent que l’Assemblée à ces exploitations. Quant à la mission interministérielle citée, le rapport d’étape remis à la mi-avril s’est montré beaucoup moins préoccupé des conséquences environnementales que ne l’espéraient les militants anti-gaz de schiste !

… et à une fracturation « à la française »

Mais il est net que ce ne sont pas les collectifs locaux qui ont glissé ces idées à l’oreille de Claude Gatignol : dans le mouvement de ces textes, on note une précaution appliquée à ne surtout pas empêcher la recherche technique permettant d’établir de « nouvelles techniques ». Le troisième amendement exclu ainsi les recherches expérimentales des interdictions de fracturation hydraulique, tandis que le quatrième exclu la géothermie… Depuis le début de l’affaire, le refrain entonné par les autorités ne voulant pas fermer la porte (depuis Nathalie Kosciusko-Morizet jusqu’au service des mines du ministère de l’Industrie) a été : « nous n’allons pas exploiter les gaz de schiste comme les Américains. » Dès lors, contourner cette inquiétude est simple comme un brevet : développons notre propre technique estampillée « propre » et les hydrocarbures de schiste du sous-sol français nous appartiendront !

Comme si le nouveau code minier ne facilitait pas déjà la vie aux pétroliers et gaziers, l’amendement 6 propose d’alléger encore les procédures, ôtant notamment les consultations publiques, demandées par la ministre elle-même… Seul politesse laissée à la population locale, l’amendement 9 prévoit une « Commission locale d’information », un format déjà bien connu du député Gatignol puisque la même formule et le même procédé est utilisé depuis des décennies… pour l’énergie nucléaire.

Les amendements que souhaite proposer Claude Gatignol pour projet de loi contre l’exploitation des gaz et huiles de schiste
:
Amendement 1‬ — Amendement 2Amendement 3Amendement 4Amendement 5Amendement 6Amendement 7Amendement 8Amendement 9

Illustration Louison pour OWNI.

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Jacob et les Jacobins http://owni.fr/2011/02/16/christian-jacob-et-les-jacobins/ http://owni.fr/2011/02/16/christian-jacob-et-les-jacobins/#comments Wed, 16 Feb 2011 15:09:54 +0000 Jean-Noël Lafargue http://owni.fr/?p=46981 Les faits : sur Radio J (une radio communautaires juive à Paris), le président du groupe parlementaire UMP à l’Assemblée nationale, Christian Jacob, a déclaré à propos de la candidature de Dominique Strauss-Kahn :

Ce n’est pas l’image de la France, l’image de la France rurale, l’image de la France des terroirs et des territoires, celle qu’on aime bien, celle à laquelle je suis attaché.

Un certain nombre de représentants socialistes sont alors tombés sur le râble du député, considérant que cette phrase cachait des arrières-pensées antisémites.

L’historien Serge Klarsfeld, pourtant généralement assez prudent dans les comparaisons historiques, s’est autorisé à rapprocher la phrase de Christian Jacob d’une réflexion faite par Xavier Vallat, futur commissaire général aux questions juives sous le gouvernement de Vichy, qui avait dit à Léon Blum en 1936 : « Votre arrivée au pouvoir marque incontestablement une date historique. Pour la première fois, ce vieux pays gallo-romain va être gouverné par un juif. » Christophe Cambadélis s’est permis la même comparaison et Pierre Moscovici a rappelé la devise pétainiste : « La terre ne ment pas. »
En l’absence de contexte particulier (on ne sait pas ce que Christian Jacob a dit avant ou après et, pour ma part, j’ignore si ce monsieur a un passif particulier dans le registre), il est difficile de comprendre comment tant de gens sont parvenus à imaginer que Christian Jacob ait pu sciemment chercher à faire de l’œil aux électeurs antisémites, ce qui serait infiniment plus coûteux que rémunérateur, politiquement parlant.

Dominique Strauss-Kahn, un haut-fonctionnaire international

Il me semble évident que, si Christian Jacob n’aime pas Dominique Strauss-Kahn, c’est surtout parce que ce dernier appartient au parti concurrent et qu’il est jugé crédible dans le domaine de l’économie, ce qui est rare pour les personnalités réputées de gauche. Il est bien possible que Christian Jacob voie surtout Dominique Strauss-Kahn comme un haut fonctionnaire international, ce qu’il est, et un Parisien, ce qu’il est aussi (tandis que Christian Jacob est un authentique paysan, enfin il l’a été), mais s’il n’aime pas DSK et qu’il ressent le besoin de le dire, c’est évidemment parce qu’il appartient à la concurrence. Du reste, rappeler que Strauss-Kahn est, de par ses fonctions, bien loin de la France, est la ligne actuelle de ses détracteurs et, notamment, de l’UMP.

L’importance de la réaction contre Christian Jacob fait émerger des questions de civilisation intéressantes. La culture juive de France (mais pas celle de nombreux pays de l’Est ou d’Israël) est essentiellement urbaine, et inversement, les campagnes sont réputées chrétiennes et conservatrices. Je trouve amusant que le député pris à partie s’appelle Christian Jacob, puisque « Christian » est un prénom dérivé du christianisme, et que Jacob est le nom d’un patriarche de la Torah – Hugues Serraf, en commentaire à un article de Slate sur le sujet, parie d’ailleurs que beaucoup de gens pensent que Christian Jacob est juif.

Même si l’histoire justifie, et pour longtemps, une hyper-vigilance vis-à-vis des indices d’antisémitisme, je trouve la polémique ridicule, et pourtant, Zeus sait que je ne me sens pas particulièrement d’atomes crochus avec les personnalités haut-placées à l’UMP comme ce monsieur Jacob.

Ce qui m’intéresse, et que je trouve triste finalement, c’est la détestation des paysans qui transparait dans cette affaire. Serge Klarsfeld, par exemple, a dit ceci :

Dans une France qui n’est plus rurale, ni antisémite, nombreux sont les noms et les personnalités qui ne s’identifient pas à la France de Jean Giono et de Philippe Pétain, à commencer par le président de la République et le secrétaire général de l’UMP.

Je ne suis pas sûr de ce que veut dire Klarsfeld à propos de Sarkozy et Copé, mais l’association entre « rural » et « antisémite », présentée comme allant de soi, est plutôt désagréable à lire, surtout de la part de quelqu’un de valeur. Quand à prétendre que la France n’est « plus rurale » ? C’est curieux, c’est dérangeant, c’est faux, mais il est bien possible que des millions de Français urbains soient persuadés que la campagne est une affaire classée.

La France rurale : simplette, idiote, bigote, et donc antisémite…

J'aime pas les juifs.

Dans un article au second degré écrit sur Slate, Laurent Sagalovitsch affirme que Christian Jacob n’est pas antisémite et que « La France, ça se mérite. La France, ça se respire. Ça se hume. Un Français devant le postérieur d’une vache, ça pleure toutes les larmes de son cul. Un Français devant une église robuste comme un trois quarts gascon ça s’agenouille et ça remercie Le Seigneur Tout-Puissant, à s’en faire péter les cordes vocales, de l’avoir fait naître dans cette contrée bénie des dieux. » C’est du « second degré », comme on dit, mais il trahit chez son auteur une vision assez terrible de la France rurale : simplette, idiote, bigote, et donc antisémite… Ailleurs il se moque des vaches ahuries et des lignes de chemin de fer mal entretenues.

Mais voilà, la France rurale, si maltraitée, si méprisée du pouvoir jacobin, si délaissée (il ne reste que trois ou quatre gares SNCF pour tout le bucolique – et socialiste ! – département du Gers, par exemple), elle existe bien toujours. Elle produit ce que nous mangeons, ce qui nous fait vivre, elle construit le paysage, elle a fait la gastronomie française, qu’il n’est pas exagéré de présenter comme une des plus riches au monde, et pourtant elle crève à petit feu empoisonnée par les ententes entre distributeurs, par la concurrence des serres d’Almeria, par les pesticides et par le désespoir.

L’agriculture n’est pas un mauvais souvenir que l’on doit chasser, un fantôme à exorciser, c’est un des sujets les plus importants du siècle qui commence, c’est un trésor menacé que l’on doit absolument protéger. La première chose à faire serait peut-être de ne pas insulter l’intelligence des paysans : on peut aimer ses champs sans être pour autant nostalgique du pétainisme.

Images CC Flickr Cmic Blog, Photos de Daniel et Pouspous

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