OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 L’Hadopi s’introduit dans les lieux publics d’accès à Internet http://owni.fr/2011/06/15/l%e2%80%99hadopi-sintroduit-dans-les-lieux-publics-d%e2%80%99acces-a-internet/ http://owni.fr/2011/06/15/l%e2%80%99hadopi-sintroduit-dans-les-lieux-publics-d%e2%80%99acces-a-internet/#comments Wed, 15 Jun 2011 06:30:06 +0000 Lionel Maurel (Calimaq) http://owni.fr/?p=67895 Cela fait un moment maintenant que j’essaie d’alerter sur les risques qu’Hadopi fait courir pour l’accès public à Internet, dans les bibliothèques, mais aussi dans les universités, les espaces publics numériques, les hôpitaux, les parcs, les aéroports, les administrations, les associations, et toutes les personnes morales en général.

Or le lancement aujourd’hui de la campagne de communication de l’Hadopi autour de son Label PUR [sic] me donne le sentiment que les craintes que je nourrissais à ce sujet sont avérées.

On peut lire en effet sur le blog de l’Association des Maires des Grandes Villes de France (AMGVF) que l’Hadopi entend s’appuyer sur les collectivités locales pour relayer sa campagne, et notamment sur les espaces publics numériques (EPN), ainsi que les écoles :

Pour relayer ses messages, l’Hadopi souhaite mobiliser les collectivités territoriales qui via les espaces publics numériques et les écoles peuvent contribuer à influer sur les comportements des internautes. L’autorité met donc à disposition des supports d’information (dépliants, plaquettes) et des modules pédagogiques pour expliquer de manière pédagogique et ludique, l’importance du respect du droit d’auteur.

L’Hadopi a déjà montré de quoi elle était capable en matière de « pédagogie » du droit d’auteur. On se souvient encore du film d’animation Super Crapule Vs Super Hadopi, diffusé sur France 5, qui entendait initier d’une manière risible et caricaturale nos chères têtes blondes à la question du respect de la propriété intellectuelle sur Internet.

Il y a tout lieu de penser que les supports et modules pédagogiques fournis par l’Hadopi aux collectivités locales seront de cet acabit. Or ces supports visent ni plus ni moins à instrumentaliser des lieux publics d’apprentissage du rapport à l’internet pour diffuser une propagande, marquée par une vision complètement déséquilibrée de la propriété intellectuelle.

Quelle pédagogie sur le droit d’auteur ?

La propriété intellectuelle est en effet avant tout un système d’équilibre, même si on a hélas tendance à perdre de vue cet aspect en France. Il y a certes d’un côté les droits moraux et patrimoniaux dont bénéficient les auteurs et leurs ayants droit, mais il existe aussi des mécanismes qui viennent contrebalancer, au nom de l’intérêt général et de certaines libertés fondamentales, le monopole exclusif des titulaires de droits : les exceptions et limitations au droit d’auteur, des licences légales ou encore le domaine public.

Si l’on doit conduire une politique de pédagogie sur le droit d’auteur dans les lieux publics, peut-on concevoir que l’on enseigne uniquement « le respect du droit d’auteur« , et que l’on laisse dans l’ombre les mécanismes d’équilibre qui jouent un rôle si important pour la respiration du système ? Peut-on concevoir également que l’on enseigne pas l’existence des licences libres, alors qu’elles apportent une contribution essentielle à la régulation pacifique des usages en ligne ? Que l’on passe sous silence la question des biens communs ? Est-ce cela l’information literacy que nous voulons donner à nos usagers ?

Voilà pourquoi je pense qu’il faut exiger de l’Hadopi la transmission du contenu de ces supports avant diffusion, vérifier leur teneur et exiger le cas échéant que l’on informe sur la propriété intellectuelle de manière équilibrée, en présentant à la même hauteur que le droit d’auteur les droits et libertés fondamentales qui le contrebalancent, exactement comme l’a fait le Conseil Constitutionnel dans sa décision consacrant l’accès à Internet comme une liberté publique.

Cette volonté de s’appuyer sur le système éducatif et les espaces publics pour diffuser une vision déformée du droit d’auteur rappelle de funestes précédents.  En 2006 au Canada, une vaste campagne de (dés)information avait été organisée autour du personnage risible de Captain Copyright, soulevant de vives réactions de protestation. Face à la mobilisation de la société civile (enseignants, bibliothécaires), ce projet a cependant fini par être abandonné, preuve qu’on peut faire reculer ce genre d’initiatives.

Il faut également se souvenir que le projet d’accord ACTA a comporté un moment des obligations de ce genre à la charge des États signataires, en matière d’organisation de campagnes publiques de sensibilisation au droit d’auteur. Or aux Etats-Unis, cet aspect du traité a déclenché l’opposition des associations de bibliothécaires, et notamment celle de la Library Copyright Alliance (LCA) :

Le projet d’accord comporte les premiers éléments de nouvelles exigences en matière de sensibilisation et de coordination entre les autorités chargées de l’application des règles de la propriété intellectuelle, ainsi que de nouvelles exigences qui vont créer tant au niveau central que des collectivités locales de nouvelles responsabilités en matière d’application des lois dans les Etats qui auront accepté l’accord. Celles-ci comportent la mise en place de campagnes publiques de sensibilisation. Dans sa déclaration commune, la LCA aborde la question de la sensibilisation des consommateurs en recommandant la mise en place de campagnes éducatives sur la propriété intellectuelle qui présente une vision juste et équilibrée à la fois tant des droits exclusifs que des limitations et exceptions (…)

Les bibliothèques, prochaine cible de l’Hadopi ?

L’Hadopi semble pour l’instant vouloir s’appuyer au niveau des collectivités locales sur les espaces publics numériques (EPN) et sur les écoles. Mais le risque est grand qu’elle ne s’arrête pas en si bon chemin et tente d’associer les bibliothèques publiques,  lieux importants pour l’accès à internet, à sa campagne de communication. D’ailleurs, il existe des EPN en France qui sont localisés dans des bibliothèques ou qui travaillent en collaboration avec celles-ci.

Il me semble qu’il est du devoir des professionnels de l’information que sont les bibliothécaires et les animateurs d’EPN de rester extrêmement vigilants face à ce qui se prépare, pour éviter d’être embrigadés au service d’une cause qui nierait certains aspects essentiels de leurs missions. J’espère aussi que les enseignants en milieu scolaires sauront se mobiliser contre cette dérive. De l’enseignement des aspects positifs de la colonisation à la défense de l’internet « civilisé », il y a à mon sens un lien évident !

Mais il y a beaucoup plus grave dans cette manœuvre de l’Hadopi  – et sans doute dangereux à moyen terme – pour la liberté d’accès public à Internet.

J’avais écrit au mois de Janvier un billet (Hadopi = Big Browser en Bibliothèque !) avertissant sur la manière dont le mécanisme de riposte graduée peut impacter directement les personnes morales.

Dans le dernier numéro du BBF (Bulletin des Bibliothèques de France), nous avons eu confirmation de la part de deux représentants de la CNIL que les bibliothèques  (et tous les espaces publics d’accès à Internet) peuvent bien voir leur responsabilité engagée du fait des agissements de leurs usagers.

La loi Hadopi I engage également la responsabilité des titulaires des abonnements internet – en l’occurrence les bibliothèques – en cas de téléchargement illicite d’œuvres protégées à partir du réseau mis à la disposition du public, uniquement si cet accès n’a pas été sécurisé.

Certes, comme le rappelle Julien L.  dans ce billet sur Numerama, le risque principal pour les espaces publics n’est pas à proprement parler la coupure d’accès à Internet, car le juge dispose d’une marge de manœuvre pour tenir compte du cas particulier des collectivités.

La sécurité labellisée Hadopi

Mais il y a un risque, beaucoup plus insidieux, du côté des mesures de sécurisation que l’Hadopi va finir par proposer aux collectivités pour sécuriser leurs connexions Internet. Pour échapper au délit de « négligence caractérisée » - pivot juridique de la riposte graduée – il faut être en mesure de prouver que l’on a bien mis en œuvre des moyens suffisants pour prévenir les infractions. Or l’Hadopi s’apprête à labelliser à cette fin des logiciels de sécurisation, qui auront pour effet de restreindre l’accès à Internet à partir de système de listes noires et de listes blanches, aboutissant dans les faits à une forme de filtrage , et obligeant les fournisseurs de connexions publiques à se transformer en « grands frères » de leurs usagers.

Certes, nul n’est obligé par la loi de recourir à ces moyens de sécurisation, mais la pression sera forte, notamment auprès des élus, pour faire en sorte d’éviter de voir la responsabilité de leur collectivité engagée à cause des connexions publiques mises à disposition des usagers.

Et c’est là que la campagne de communication de la Hadopi peut faire beaucoup de mal : en préparant le terrain, avec un discours déséquilibré et caricatural en direction des élus locaux, pour favoriser l’adoption de ces logiciels bridant l’internet public et portant atteinte de manière détournée à la liberté d’accès à l’information.

A vos plumes, à vos claviers, à vos téléphones !

Les élus seront sensibles aux protestations qui leur seront adressées et il n’est pas trop tard pour arrêter cette menace !

PS : Numerama vient de mettre la main sur les spots télévisés de l’Hadopi pour la promotion du label PUR. Le niveau est affligeant et cela renforce mes craintes concernant les supports à destination des EPN… Voyez plutôt :

Cliquer ici pour voir la vidéo.


Initialement publié sur le blog ::S.I.Lex:: sous le titre, L’Hadopi met un pied dans les lieux publics d’accès à Internet !

Illustrations et photos :

Hadopi ; Super Crapule vs Super Hadopi, capture d’écran ; Captain Copyright. Source : Wikimédia Commons

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Festivals cherchent finances http://owni.fr/2011/04/29/festivals-cherchent-finances/ http://owni.fr/2011/04/29/festivals-cherchent-finances/#comments Fri, 29 Apr 2011 13:34:21 +0000 Hélène David http://owni.fr/?p=59198 Avril. Le début des beaux jours et avec eux, le début de la saison des festivals. Des instants hors du temps pendant lesquels, loin de Fukushima et des débats électoraux, on ne se préoccupe que de trois choses : la température de la bière, la capacité d’une tente à effectivement « s’installer en deux minutes », et surtout, la musique, les concerts, les artistes auxquels on décide consciemment de confier nos futures acouphènes. Des réunions bon enfant dont feu les White Stripes constituent la bande son, et qui nous feraient presque oublier qu’il s’agit aussi d’une histoire de gros sous.

Ces festivals s’appuient sur des budgets colossaux :

Désengagement public

Leur financement repose sur la billetterie, les subventions publiques, les partenariats privés, et dans une moindre mesure, le mécénat.

Et si les organisateurs refusent pour la plupart de communiquer le détail de ces chiffres, arguant pour les uns qu’il s’agit de “données confidentielles“, pour les autres, comme Solidays, que l’on “peut faire dire ce que l’on veut à des chiffres“, la tendance majoritaire est claire. Les subventions publiques diminuent.

En cause, la décentralisation et la suppression de la taxe professionnelle. Cette année, la subvention accordée par le Pays de Montbéliard agglomération aux Eurockéennes a été divisée par deux, passant de 100.000 euros en 2010 à 50.000 en 2011. Emmanuel Oudot, directeur de la culture et du patrimoine de la communauté d’agglomération, s’en explique:

Nous sommes obligés de faire des choix drastiques. Je ne connais pas beaucoup de collectivités territoriales qui ne sont pas confrontées à ce problème.

Pour le festival Europavox, qui se tient chaque été en Auvergne, le département s’est retiré il y a deux ans. Les subventions de la commune ont diminué de 40% cette année. Et d’autres baisses ont déjà été actées pour l’année prochaine.

Même constat du côté du Printemps de Bourges. En deux ans, l’aide du Cher est passée de 200.000 euros à 150.000 euros. “Le Cher fait partie des départements qui ont eu des grosses difficultés”, explique Michel Bourumeau, directeur de la culture du Conseil général.

En 2011, le financement du festival berruyer reposait tout de même à près de 37% sur les institutions publiques, et en grande partie sur la commune de Bourges et le ministère de la Culture, qui comme le rapporte Le Monde, a pris en charge les subventions allouées au Printemps de Bourges :

Alors que Les Francofolies de La Rochelle, par exemple, ont la direction régionale des affaires étrangères (DRAC) de Poitou-Charentes pour interlocuteur, le Printemps de Bourges s’adresse en direct aux services de Frédéric Mitterrand. Un cas unique pour les musiques populaires. Pour 2011, le ministère de la Culture a alloué 340.000 euros au festival et 230.000 euros pour le réseau Printemps qui débusque les nouveaux talents.

Les financements publics du Printemps de Bourges se décomposent comme le montre ce diagramme (qui ne tient pas compte des soutiens en nature tels que la sécurité, l’éclairage, les transports (etc.) de la commune de Bourges et de la communauté d’agglomération) :

Dans le meilleur des cas, les subventions restent stables d’une année sur l’autre. C’est le cas cette année pour Rock en Seine. L’un des organisateurs explique que le soutien institutionnel au festival représente 18% du budget total de 5,2 millions d’euros, et se décompose comme suit :

Le financement public de Rock en Seine repose en grande partie sur la région Ile de France, partenaire historique et principal du festival.

Quelles solutions?

Pour pallier la diminution des subventions, la marge de manœuvre des organisateurs est limitée. La billetterie ne constitue un levier qu’en dernier ressort. Augmenter le prix des places de manière substantielle peut être un calcul fatal à la fréquentation des festivals entre lesquels la concurrence est rude. Reste les partenariats privés ou les subventions indépendantes des collectivités territoriales.

La SACEM, notamment, alloue des subventions. En 2011, le budget dédié au soutien des festivals a augmenté de 10% par rapport à l’année dernière, et s’élève à 3,7 millions d’euros. Olivier Bernard, directeur de l’action culturelle explique :

Les festivals font de plus en plus appel à nous pour pallier la diminution de l’engagement des collectivités territoriales, ou dans le meilleur des cas leur stagnation.

Une tendance qui ne va pas sans poser question, puisque “les sociétés d’auteurs n’ont pas vocation à pallier les carences des finances publiques“, explique Olivier Bernard.

Le Printemps de Bourges, aidé à auteur de 75.000 euros par la SACEM a surtout eu recours au secteur privé, et en particulier au Crédit Mutuel. Daniel Colling, directeur du festival, s’en est expliqué :

La région Centre et le département du Cher ont diminué leurs subventions. Pour compenser cette diminution, notre festival a fait le choix d’élargir son partenariat privé.

Chimérique indépendance

Un partenariat important, qui a permis à la banque de s’immiscer dans le logo du festival. L’événement s’appelle désormais “Printemps de Bourges Crédit Mutuel”. Et si à la mairie de Bourges, on assure que “la nouvelle appellation passe complètement inaperçue”, la question de l’indépendance artistique du festival s’impose.

D’autant plus qu’il y a eu des précédents, avec les collectivités territoriales cette fois. En 2009, le Conseil régional de Centre avait conditionné sa subvention de 350.000 euros au retrait de la programmation du rappeur Orelsan. (Voir la vidéo de son titre “Sale Pute”, âmes sensibles s’abstenir.)

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Le Conseil régional avait appelé le festival à “prendre ses responsabilités“. Et face à l’entêtement des organisateurs à ne pas faire acte de censure, la région avait finalement décidé de rester partenaire du festival, tout en mettant en place des “modalités pour ne pas participer au financement de ce concert“.

En l’occurrence, Daniel Colling assure que le partenariat conclu avec le Crédit Mutuel est né d’une relation de confiance, et justement destiné à préserver la qualité du festival, à éviter une augmentation du prix des billets, et à mettre à l’abri le Printemps de Bourges pour les trois années à venir.

Certains partenaires privés pourtant, peuvent être tentés d’intervenir dans la programmation. Mathieu Ducos revendique une indépendance artistique totale même s’il a déjà constaté des tentatives de certains de prendre part à la programmation :

Il y a une frontière très nette entre l’implication des partenaires et la ligne artistique du festival. Certains partenaires qui prennent part à des plateformes de découverte sont tentés de mettre sur scène des artistes qui y jouent. Mais on a toujours lutté contre ça.

Et l’ingérence des partenaires peut aussi se jouer sur d’autres terrains que la programmation. L’an dernier aux Francofolies de la Rochelle, dans le cadre d’une opération de communication, la marque Repetto a offert une paire de chaussures à chacun des artistes, en les “invitant” à les porter sur scène. L’objectif: acquérir un maximum de visibilité.

Loin des chaussures de danseuses, le Hellfest Open Air, festival dédié au métal, estime pour sa part jouir d’une totale indépendance. Sur un budget total de 5 millions d’euros, les subventions publiques ne s’élèvent qu’à 40.000 euros (20.000 euros de la région, 20.000 euros du département), soit 0,8% du budget total. Jeff Manet, l’un des organisateurs du festival ne serait pas contre une aide plus importante mais explique :

Le fait que ce soit un festival de métal, pour les subventions, ca aide pas vraiment.

Rares sont en effet les entreprises qui souhaitent s’associer à l’événement prétendument sulfureux, contre lequel “des catholiques intégristes s’opposent tous les ans“. C’est donc la billetterie qui finance -à 90 % estiment les organisateurs- ce festival unique en son genre en France, grâce à un public captif. Les inconditionnels de métal sont prêts à payer un peu plus cher pour aller écouter Ozzy Osbourne ou Judas Priest. 129 euros en 2010 pour les trois jours, 10 euros de plus cette année.

Mais qu’il s’agisse d’une programmation très spécialisée comme celle du Hellfest, de variété ou de pop, ce sont bien les festivaliers qui exercent la plus grande pression sur les festivals. L’impératif absolu des programmateurs reste toujours d’attirer un maximum de spectateurs et de répondre à leurs attentes, en trouvant un juste milieu entre têtes d’affiche et découvertes. En cela, la question de l’indépendance est forcément illusoire.

>Illustration Flickr par RambergMediaImages

Vous pouvez retrouver nos articles sur le dossier festivals : Jeunes artistes : laissez-les chanter et C’était mieux avant ?

Image de Une Mick ㋡rlosky

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L’Open Data: une idée de gauche? http://owni.fr/2010/10/04/lopen-data-une-idee-de-gauche/ http://owni.fr/2010/10/04/lopen-data-une-idee-de-gauche/#comments Mon, 04 Oct 2010 16:38:28 +0000 Simon Chignard http://owni.fr/2010/10/04/lopen-data-une-idee-de-gauche/ L’ouverture des données publiques est un sujet d’actualité, en particulier à l’heure où des collectivités comme Rennes Métropole se lancent dans des projets concrets. Le sujet reste pourtant souvent traité sous l’angle technologique, juridique (licences) ou économique. On pourrait laisser croire que l’Open Data n’est pas une question politique, qu’elle ne relève d’aucune idéologie. Qu’en est-il véritablement ? L’Open Data est-il plutôt une idée de gauche ou de droite ? Peut-on placer cette idée sur l’échiquier politique ?

Pour comprendre la dimension politique de l’Open Data, il faut aller de l’autre côté de l’Atlantique. L’ouvrage collectif  “Open Governement : collaboration, transparency and participation in practice” regroupe les contributions des penseurs de ce mouvement, issu de la sphère Internet et technologies. Ils ont profondément inspiré la campagne présidentielle d’Obama.

Une contribution majeure « Government as a platform » est rédigée par Tim O’Reilly, l’éditeur-auteur-penseur américain à qui l’on doit le terme de Web 2.0.

Pour résumer son propos : l’Open Government – dont l’Open Data est l’un des piliers – ce n’est pas utiliser les techniques du Web 2.0 (participation, réseaux sociaux, …) pour gérer les affaires publiques, c’est avant tout une démarche de ré-invention et de retour aux sources. Il propose une analogie avec le web des années post-bulle Internet, où le secteur paraît dévasté et incapable de se relever. A l’époque, la Silicon Valley opère un retour aux fondamentaux de l’Internet, à son « ADN primitif » c’est à dire un réseau d’égal à égal, avec une certaine symétrie entre  « producteur » du contenu et « consommateur » (d’où aussi l’expression de Read/Write Web).

Ré-inventer l’action publique

Ce qui définit l’Open Government ce serait donc d’une part le constat d’une défaillance du mode de gouvernance (le fameux »Washington is broken » d’Obama) et d’autre part le nécessaire travail de ré-invention de l’action publique. Or, poursuit O’Reilly, l’Etat trouve sa légitimité dans le fait qu’il  y a des problèmes qui sont mieux traités au niveau collectif plutôt qu’individuel. Il cite d’ailleurs l’un des pères fondateurs de la nation américaine qui voulait faire de chaque citoyen américain un participant à l’action politique « tous les jours et pas uniquement le jour de l’élection ». (Sur l’influence toujours présente de la pensée des pères fondateurs dans le débat américain, lire aussi l’ouvrage de la correspondante du journal Le Monde Corinne Lesnes « Aux sources de l’Amérique »).

L’Open Government a pour programme d’appliquer aux affaires publiques les principes au coeur du mouvement Open Source (ouverture, collaboration de pair-à-pair vs. hiérarchie, …). Le mouvement Open Government a profondément influencé la campagne d’Obama que l’on présente d’ailleurs parfois comme le premier « We President ».

Alors, pour revenir à notre question initiale, l’Open Data, en France, est-il plutôt une idée de gauche ou de droite ?

De la gauche, l’idée d’Open Data reprend la notion de démocratie participative, de capacité du citoyen à participer à la décision publique, de notion de bien commun, de décentralisation. De la droite libérale, l’Open Data reprend la volonté de ne pas laisser à l’Etat (sous toutes ses formes) le monopole des questions et des »réponses » publiques. On retrouve aussi la croyance en la capacité du marché et du secteur privé à assumer certaines fonctions de l’État – et de quoi parle-t-on lorsqu’on donne la possibilité au secteur privé de développer des applications et services que la collectivité ne peut ou ne souhaite pas développer ?

L’Open Government donne des outils – au premier rang l’open data – pour mesurer l’efficacité de l’action publique. On connait l’exemple du site See, Click, Fix qui permet de signaler un problème de voirie par exemple. Comme le soulignent les auteurs de la contribution « The Dark Side of Open Government » dans l’ouvrage précité, cette transparence et cette exigence de rendre des comptes (accountability) surexposent mécaniquement les défaillances et les limites de l’action publique, plutôt que les réussites ou le travail réalisé. Autre point-clé, l’open data concerne aujourd’hui essentiellement les données issues du secteur public. C’est donc sur le secteur public que la pression de la transparence est mise. Et quid de l’influence du secteur privé sur nos vies quotidiennes ? Les entreprises ne détiennent-elles pas des données dont le partage serait profitable à tous ? Les opérateurs de télécommunications par exemple, disposent de données anonymes précises sur la fréquentation des quartiers de la ville, sur le trafic sur les grands axes routiers, … Autant d’éléments pour mieux comprendre et améliorer la ville. On pourrait se poser les mêmes questions  concernant les fournisseurs d’énergie, les entreprises de collecte des déchets, …

Un Nicolas Hulot pour l’Open Data français ?

J’ai entendu récemment qu’il manquait à l’Open Data en France une figure politique majeure, quelqu’un qui s’empare du sujet et en devienne le porte-drapeau. Que cette « incarnation » soit indispensable à la prise de conscience politique, on peut en débattre. Le risque de voir la démarche associée à une couleur politique est-il moins fort que les gains à attendre ? L’exemple de la Grande-Bretagne est intéressant. Sous la pression du lobbying public – initié notamment par la campagne du Guardian – les principaux candidats aux dernières élections législatives se sont engagés en faveur de l’ouverture des données publiques.

Force est de constater pourtant que la notion de participation citoyenne n’est pas en ligne avec la volonté affichée au niveau national d’un pouvoir et d’un État fort et centralisateur.

L’Open Data est peut-être un objet politique non identifié au milieu des traditionnels clivages droite/gauche. Cela pose en fait la question du troisième acteur qui n’est ni l’État, ni le marché : le citoyen.

Le citoyen est-il jugé assez « compétent » pour prendre part à la décision et, in fine, à l’action publique ? L’Open Data pourra-t-il contribuer à l’émergence d’un nouveau rapport au politique ? En a-t-il l’ambition et les moyens ?

@schignard

Article initialement publié sur le blog de l’association Bug

Illustration CC FlickR opensourceway


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Se mettre à l’écoute des gazouillis de la twittosphère locale http://owni.fr/2009/10/30/se-mettre-a-lecoute-des-gazouillis-de-la-twittosphere-locale/ http://owni.fr/2009/10/30/se-mettre-a-lecoute-des-gazouillis-de-la-twittosphere-locale/#comments Fri, 30 Oct 2009 12:43:40 +0000 Loïc Haÿ http://owni.fr/?p=5037

A en croire le titre d’un article publié sur blog-territorial (communication & collectivités), « Twitter se propage dans les collectivités ». Après vérification, l’utilisation du célèbre réseau social de microblogging par les institutions publiques territoriales ne concerne qu’une toute petite minorité d’entre elles. Muni du moteur de recherche et de la nouvelle fonction de gestion de listes de Twitter, nous avons pu répertorier 37 comptes officiels de collectivités locales (voir la liste @LoicHay/collectivites-locales/members), tous échelons territoriaux confondus (7 conseils régionaux, 5 conseils généraux, et 25 communes de toutes tailles).

La propagation annoncée est donc toute relative …

Sans doute s’amplifiera-t-elle à mesure de la croissance du nombre des utilisateurs de Twitter (12 millions estimés), et en particulier de celle des utilisateurs français (125 000 estimés) ? Pour rappel et à titre de comparaison, Facebook rassemble aujourd’hui plus de 300 millions d’adeptes, dont 13 millions de français.

Sans doute que la médiatisation de Twitter en France (voir le dernier épisode hyper-médiatisé autour de #jeansarkozypartout) apportera son lot de nouveaux utilisateurs, mais surtout que les collectivités découvriront progressivement tous les avantages qu’elles peuvent tirer de leur utilisation de cette plate-forme. D’autres, moins bien intentionnés, en sont conscients : nous avons détecté, au cours de nos recherches, des tentatives non dissimulées de cybersquattage de comptes Twitter telles que @mairieparis, @mairietoulouse ou @mairiemarseille.

Sans doute que de nombreuses collectivités sont toujours en attente (elles observent, elles évaluent et se questionnent) avant d’assurer une présence et d’apprendre à se positionner au sein de la twittosphère. S’engager sur la voie d’une communication dialogique au sein d’un réseau social en ligne, développer des interactions, voire animer une communauté n’ont rien de naturel pour les institutions locales. Certaines, déjà présentes, se contentent ainsi de relayer leurs informations pour ne pas trop s’exposer aux dangers présumés de relations trop directes avec les citoyens, les habitants, ou les usagers des services publics.

Pourtant, c’est bien dans les échanges que le potentiel d’usage de Twitter peut véritablement se révéler. Mais aussi dans l’expérimentation de micro-actions. Par exemples, le tag #rennes permet de cristalliser le dialogue entre les habitants et avec la ville, la ville de Toulouse propose une liste de comptes d’acteurs locaux @mairie_toulouse/toulouse-pratique, le conseil général de Seine-et-Marne s’appuie sur @77enprojets pour compléter son dispositif en ligne visant à co-construire l’avenir du département, etc …

Parallèlement aux collectivités, tout comme dans le développement du web local, d’autres acteurs, individuels ou collectifs, s’investissent dans la twittosphère locale. Les médias, en particulier la PQR (voir la liste @sbailly/medias/members), diffusent leurs informations de proximité. Les blogs locaux d’initiative citoyenne consolident leurs conversations et augmentent leur audience via des comptes Twitter (voir la liste @grebert/webcitoyen/members). Mais Twitter, via ses fonctions de recherche avancée et son interface de programmation (API), permet aussi de rendre visible une forme assez inédite de l’expression locale en ligne : celle de tous ses utilisateurs et en temps réel !

Il est en effet possible d’isoler et de rassembler l’ensemble des gazouillis (les tweets ou micro-messages publiés sur Twitter) concernant un territoire en opérant des filtres sémantiques (mot-clés) et/ou géographiques (paramètres de localisation des comptes). C’est en exploitant cette capacité que deux blogueurs-développeurs nantais, @FGRibreau et @simonrobic, ont depuis peu mis en place des interfaces web d’agrégation locale, déployées aujourd’hui sur 15 villes françaises (Paris, Lyon, Marseille, Bordeaux, Toulouse, Lille, Nantes, Rennes, Brest, Grenoble, Strasbourg, Nice, Montpellier, Cannes, Angers), qui permettent de suivre l’ombre portée d’un territoire « en direct de Twitter ».

Avant eux et dans une optique plus artistique, le collectif We Love The Net a réalisé Stweet, une application hybride (mashup) qui, en croisant Twitter et Google Street View, permet de géolocaliser et de visualiser les micro-messages (tweets) dans un panorama photographique urbain.

Ces initiatives font écho avec nos expériences événementielles de murs contributifs et, plus particulièrement, avec le prototype de TwittyWall imaginé par @CharlesNepote de la Fondation Internet Nouvelle Génération (FING) dans le cadre du programme Villes 2.0. Mais, elles démontrent surtout concrètement que le territoire numérique peut devenir (est déjà) un territoire partagé qui se nourrit de tout ce qui s’exprime dans l’entrenet local. A chacun de trouver sa place et de jouer son rôle, mais à condition de le faire ensemble et au bénéfice de tous.

Dès lors, cette perspective implique de faire un premier pas : se mettre à l’écoute des gazouillis de la twittosphère locale !

» Article initialement publié sur http://loichay.tumblr.com/

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