OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 La petite boîte noire des Verts http://owni.fr/2012/01/12/la-petite-boite-noire-des-verts/ http://owni.fr/2012/01/12/la-petite-boite-noire-des-verts/#comments Thu, 12 Jan 2012 08:17:10 +0000 Sylvain Lapoix http://owni.fr/?p=93887

Le 27 décembre dernier, dans son rapport annuel consacré à l’exercice 2010, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) a rendu pour Europe Ecologie-Les Verts un avis « sous réserve », après avoir constaté la présence de factures incomplètes adressées à une structure périphérique, l’Association de communication des idées écologistes européennes et régionalistes (Acieer).

Renommée La boîte verte, cette association, dont le parti est propriétaire, a assuré pendant la campagne des régionales de 2010 des « prestations intellectuelles » (selon la formule employée sur les factures) correspondant principalement à des frais de communication mutualisés au niveau national.

Seul problème, les factures ne comportent pas les précisions habituelles, empêchant les vérifications nécessaires au remboursement des frais de campagne. La CNCCFP se défend cependant d’accusation de surfacturation :

Dans le cadre des élections régionales de 2010, nous avons reçu des factures forfaitaires qui ne nous permettaient pas de justifier du détail. Or, si nous n’avons pas la possibilité de connaître à quoi correspond chaque coût, nous ne pouvons savoir si la dépense n’a pas été surévaluée.

Suivant la tradition de mutualisation des dépenses du parti écologiste, Europe Ecologie-Les Verts a centralisé de nombreux coûts à l’occasion des élections régionales, notamment sur les sites Internet, les affiches ou les meetings. Dans la facture de la restructuration du site Internet n’apparaissait par exemple aucun détail sur le coût de révision de la charte graphique ou celui du développement.

D’où les soupçons de certains au sein du parti : sans possibilité de détailler les coûts, comment savoir si la facture n’a pas été gonflée pour rembourser un peu plus que le coût réel et renflouer les caisses du parti ?

Mises en garde

« Pour les européennes, c’était notre premier scrutin important, nous avons fait super gaffe sur les dossiers, se souvient une responsable fédérale. Au moment des régionales, nous avons eu un énorme appel d’air, de gens peu expérimentés en politique, et le parti n’était toujours pas unifié entre Europe Ecologie et les Verts, il régnait donc une certaine confusion. »

Pour clarifier la comptabilité entre les activités du mouvement lui-même (organisation des conventions, encaissement des cotisations, des dons des élus…) et celles facturées aux candidats (impression d’affiches, meetings, etc.), des cadres du parti décident d’utiliser Acieer, une association fondée en 2003. Dans sa nature, l’association vogue dans une zone grise : contrairement aux centres de formation des élus qui sont autorisés par la loi de 1988 sur les partis politiques (comme le Cedis, pour EELV), l’association n’est ni autorisée, ni formellement interdite, comme on nous le confirme au CNCCFP. Intégrée dans l’écosystème d’EELV, elle perpétue la tradition de pratiquer des prix de gros.

Exemple : plutôt que 22 affiches différentes, le design est assuré par un seul prestataire à Paris, lequel crée un canevas repris du Nord Pas-de-Calais à la Corse. Un choix qui ne relève pas seulement de l’optimisation économique pour Alexis Braud, alors en charge des meetings :

La décision d’EELV au niveau national était de faire vingt-deux campagnes régionales dans une campagne nationale. C’était un choix politique de notre part mais qui se traduisait également en terme de structuration technique, d’où la centralisation dans Acieer des différentes prestations de ce type.

Sous l’intitulé un peu flou de « prestations intellectuelles », Acieer émet ainsi des factures globales sous le regard de son bureau, où siègent plusieurs responsables nationaux – dont Mickaël Marie, trésorier national. Dès les premières bordereaux certains responsables régionaux s’inquiétent du manque de détail. L’un d’eux nous confie :

Nous avons vu que la facturation pouvait poser problème avec la Commission. Nous en avons fait part au national mais sans non plus faire de scandales… Nous étions pour la plupart tout juste arrivés en politique, nous ne nous sentions pas la légitimité de remettre en cause les garanties présentées par des cadres présents depuis plusieurs années dans l’organigramme.

Au lendemain des élections, une partie des comptes est retoquée : trop imprécise, elle fait l’objet de réserves de la part de la commission. Laquelle valide des remboursements ponctionnés sur les deniers publics. Côté EELV, les esprits s’échauffent, notamment autour de Pierre Larrouturou ; « nous risquions de ne pas voir remboursées des sommes non négligeables », se souvient un cadre régional. « Toujours pas d’accord » avec le verdict de la CNCCFP, un responsable national, très soucieux de son anonymat, reconnaît l’imprécision des premiers dossiers :

Nous sommes un parti pauvre et, après cette campagne qui a été la plus grosse jamais menée par notre formation, nous n’avons probablement pas assuré le niveau de détail attendu. Mais, dans nos choix, nous avons systématiquement fait à l’économie : pour la charte graphique du site, nous avons privilégié le devis le plus raisonnable. Les grands partis font faire ça par des grandes boîtes de com’ qui ne donnent pas le détail des factures. Nous, nous avons reprécisé par la suite et c’est notre transparence qui nous vaut des reproches ! Je le maintiens : ce que nous avons fait, nous l’avons fait pour bien moins cher qu’un Publicis ou un EuroRSCG l’aurait facturé à un grand parti.

Pour établir le prix de chaque prestation, le CNCCFP a recours à des évaluations basées sur les prix du marché, notamment ceux pratiqués par les grandes agences de communication politique. Selon les responsables d’EELV, les « packages » apparaissant en facture des meetings ou campagne d’affichage qu’elles organisent sont bien plus opaques que les détails présentés pour justifier des dépenses de la campagne des régionales. Un argument qui n’a pas suffit à calmer les inquiétudes en interne.

Aucune sanction

Hugues Bonneville, porteur d’une motion pour la transparence, a apporté au conseil fédéral d’octobre une série de questions sur ces dépenses sans qu’une réponse très claire n’y soit apportée, malgré l’insistance d’autres militants.

Au niveau fédéral néanmoins, les remous provoqués par la révélation de certaines difficultés financières du parti ont donné lieu à la préparation d’un rapport dirigé par Agnès Michel. Il sera présenté au prochain conseil fédéral du parti, les 28 et 29 janvier. Un « Guide des bonnes pratiques budgétaires », où cette responsable de la commission Économie compte lister un certain nombre de conclusion sur les finances d’EELV. Et notamment comment les redresser.

Seulement utile pour mutualiser les campagnes de candidats dispersés sur le territoire, Acieer, désormais appelée La boîte écolo, a été mise dans un tiroir en vue des législatives, la campagne présidentielle étant gérée par le siège. Côté CNCCFP, aucune sanction n’a été prise à l’égard du parti. Mais, comme à son habitude avec les comptes irréguliers, l’institution sera plus vigilante avec les écolos la prochaine fois.

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Le rapport qui punit Areva http://owni.fr/2011/10/12/le-rapport-financier-qui-punit-areva/ http://owni.fr/2011/10/12/le-rapport-financier-qui-punit-areva/#comments Wed, 12 Oct 2011 15:59:37 +0000 Claire Berthelemy http://owni.fr/?p=83150 À l’Assemblée nationale, le 21 juin dernier, le président de la Commission des finances Jérôme Cahuzac avait demandé à un rapporteur spécial d’examiner l’état financier du nucléaire français. Mardi soir, 11 octobre, une première version de ce travail présentée à quelques députés a fait l’effet d’une bombe. En 20 pages le rapporteur spécial Marc Goua dresse un bilan accablant des méthodes et des résultats financiers d’Areva et de plusieurs acteurs du secteur. Un document publié en intégralité au bas de cet article.

À le lire, on découvre des responsables qui tentent par tous les moyens de dissimuler les mauvais résultats financiers et le coût exorbitant du nucléaire. Pour continuer à prétendre qu’il s’agit de l’énergie la moins onéreuse. Exemple éloquent : celui du démantèlement des centrales et des installations qui arrivent ou arriveront prochainement en fin de vie. Le parlement avait demandé que la facture soit prise en compte dans le calcul de l’électricité. Peine perdue. Le rapporteur regrette ainsi, non sans ironie, de ne pas avoir obtenu:

une décomposition des coûts de l’électricité qui intègre le coût du démantèlement des centrales et du traitement des déchets, le ministre de l’Écologie a fourni sur ce sujet des indications certes solides et détaillées, mais incomplètes. Il signale au demeurant d’emblée que « le nucléaire est le moyen de production électrique le plus compétitif en base ». Le Rapporteur spécial voudrait être assez optimiste pour sauter aussi vite à cette conclusion. La commission Énergie 2050, à peine installée par le ministre de l’Écologie en septembre 2011, a en effet avancé le chiffre de 750 milliards d’euros pour le démantèlement de toutes les installations nucléaires françaises, soit 58 centrales. Cette instance paraît pourtant peu susceptible d’être hostile aux intérêts de la filière nucléaire, puisque les associations militant contre cette forme d’énergie ont refusé d’y être représentées.

Comprenez, si la gestion des déchets et des centrales hors d’usage est effectivement prise en compte, le nucléaire ne constitue plus seulement une source de pollution, il représente aussi un gouffre financier.

Finie l’étiquette bonne affaire

Quant à l’examen des comptes du champion de la filière, Areva, il se révèle à ce point semé d’embûches que le rapporteur spécial soupçonne certains de dissimuler des vérités qui dérangent. Dans un chapitre consacré à l’industriel, Marc Goua croit utile de rappeler une évidence :

Le contrôle budgétaire est une attribution ancienne de la commission des Finances. À quoi bon adopter des crédits, s’il n’était pas possible de vérifier ensuite l’emploi des fonds ?

Et de décrire une somme de difficultés et d’obstacles bureaucratiques avant de parvenir à consulter une comptabilité complète et fiable d’Areva et d’EDF. Avant de toucher au but.

Après diverses péripéties, les services de l’Agence des participations de l’État s’acquittent de leurs obligations envers le Rapporteur spécial en mettant à disposition dans leurs locaux de Bercy tous les renseignements et documents d’ordre financier et administratif qu’il demande. Une première visite a eu lieu le 27 septembre 2011 à 8 heures 30. L’examen approfondi des notes de suivi des entreprises a permis de réaliser des progrès dans la compréhension du bilan comptable et la politique d’acquisition d’EDF et d’Areva.

Et cette compréhension ne s’avère guère flatteuse pour le nucléaire. Ainsi, les déconvenues financières liées à la fabrication du réacteur EPR à Olkiluoto en Finlande s’apparentent à des négligences que l’on a tenté de dissimuler.

Le retard accumulé s’élève à quatre années et demie par rapport à ce que prévoyait le contrat avec l’électricien finlandais. (…) Il apparaît tout d’abord en filigrane qu’Areva s’est engagé non seulement sur la livraison d’une installation, mais aussi, dans une certaine mesure, sur la production à venir de la centrale. L’exposition d’Areva sur le dossier finlandais est donc certainement supérieure à ce qui avait été annoncé à la représentation nationale.

Dans le domaine des acquisitions, le rapporteur spécial relève des erreurs d’appréciation vertigineuses. Telles ces mines d’uranium en Namibie, appartenant au consortium UraMin, et pour lesquelles les mêmes errements sont identifiés.

Le suivi de l’acquisition d’UraMin présente les mêmes traits: forte dépendance vis-à-vis de l’entreprise contrôlée, distance critique et capacité d’analyse insuffisante, explosion des coûts pour le contribuable.

Le document explique que ces mines ont été achetées en mai 2007, en pleine présidentielle, dans un climat de précipitation entretenu par la direction du groupe. Vendues 1,6 milliard d’euros, elles étaient supposées renfermer pour 90.000 tonnes d’uranium. En réalité, on pourrait en extraire 50.000 tonnes tout au plus.

Note de présentation de Marc GOUA commission des fin du 11 octobre

Retrouvez tous les articles de notre Une, ainsi que tous nos dossiers sur le nucléaire sur OWNI:

- Areva court après le cash
- Les excès de patriotisme d’Areva


Image de Une par Marion Boucharlat pour Owni /-)
Illustration Flickr Paternité Gilles FRANCOIS

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Jeux en ligne, ne nous alarmons pas http://owni.fr/2010/02/04/jeux-en-ligne-ne-nous-alarmons-pas/ http://owni.fr/2010/02/04/jeux-en-ligne-ne-nous-alarmons-pas/#comments Thu, 04 Feb 2010 16:39:35 +0000 Samuel (Authueil) http://owni.fr/?p=7674

Le Sénat examine très prochainement le projet de loi sur les jeux en ligne, avec la question du filtrage qui passionne le monde de l’internet. Le site Numérama s’excite et pcinpact s’interroge autour d’un amendement d’Ambroise Dupont, rapporteur pour avis, qui entend sortir le juge du dispositif. Cette agitation est un peu vaine, car cet amendement n’a strictement aucune chance de prospérer !

La commission saisie au fond, c’est la commission des Finances. Avant d’être une question de “culture”, les jeux en ligne, c’est une affaire de gros sous. C’est donc le texte issu de la commission des finances qui servira de base à la discussion en séance publique. Les amendements de la commission des affaires culturelles seront des amendements parmi d’autres, qui auront peut être un petit peu plus de poids du fait qu’ils ont été adoptés par une commission.

Ce qui compte, c’est le point de vue du rapporteur de la commission des Finances, François Trucy, qui est exprimé ici. Il est pour le maintien du juge dans le dispositif. Son argumentation est un peu différente de celle des députés, mais finalement assez complémentaire. Pour lui, la décision du conseil constitutionnel sur hadopi, qui érige l’accès à internet en “droit constitutionnellement protégé” est un peu fragile pour justifier, à elle seule, que l’on ne puisse confier qu’au juge le filtrage ou le blocage de sites internet. Par contre, il relève que cette décision implique de qualifier juridiquement des faits, et que dans le domaine pénal, c’est quand même nettement mieux de confier cela à un juge, qui s’y connaît bien mieux là dessus qu’une autorité administrative. C’est plutôt une bonne argumentation, car cela pose un deuxième verrou.

Le gouvernement étant favorable à l’intervention du juge, le rapporteur sur le fond l’étant aussi, cela laisse bien peu de place pour ce cher Ambroise Dupont. Quelle mouche a bien pu le piquer, surtout qu’il ne se contente pas d’un amendement. Il propose aussi d’exonérer complètement les FAI de leur responsabilité en cas de surblocage. Allez y, lâchez vous, sortez l’arme nucléaire, vous êtes couverts ! Vous pensez bien que les FAI vont se gêner. Ils vont utiliser les techniques qui leur causent le moins d’inconvénients. Je pense que le sénateur Dupont a été chargé de “faire plaisir” aux différents lobbies qui se sont manifestés sur le sujet, en déposant leurs amendements, afin qu’ils puissent être débattus. Mais le fait qu’ils soient portés par le rapporteur pour avis (secondaire) et non par le rapporteur sur le fond (principal) est significatif. Ils ne passeront pas.

Le jeu parlementaire est parfois très subtil, car il consiste à rechercher en permanence des équilibres, à gérer des intérêts et des demandes contradictoires, tout en restant dans le cadre juridique et constitutionnel, et en respectant, un tant soit peu, l’intérêt général. Pas toujours évident, d’où des chemins parfois tortueux et obscurs pour les profanes.

» Article initialement publié sur Authueil

» Illustration de page d’accueil par gilderic sur Flickr ]]> http://owni.fr/2010/02/04/jeux-en-ligne-ne-nous-alarmons-pas/feed/ 1