OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Frédéric Lefebvre économiste américain http://owni.fr/2012/06/02/leconomie-americaine-de-frederic-lefebvre/ http://owni.fr/2012/06/02/leconomie-americaine-de-frederic-lefebvre/#comments Sat, 02 Jun 2012 09:41:36 +0000 Pierre Leibovici http://owni.fr/?p=112329

Portrait de Frédéric Lefebvvre à Bercy en janvier 2011 par © Jean-Michel Sicot/Fedephoto

Une campagne financée par le secteur privé. C’est celle de Frédéric Lefebvre – qui n’a pas été en mesure de répondre à nos questions. L’ancien secrétaire d’État est candidat de l’UMP pour les législatives en Amérique du Nord. Pour cette élection inédite – pour la première fois les Français résidant à l’étranger élisent leurs députés – ce proche de Nicolas Sarkozy a joué avec le feu en matière de comptabilité. Il risque aujourd’hui de voir son compte de campagne contesté.

Au cours de ses deux mois de campagne, Frédéric Lefebvre n’aura pas tenu beaucoup de meetings ouverts au public. Chacune de ses réunions réclamait un carton d’invitation. Confronté à de multiples dissidences et à de vives critiques au sein même de l’UMP d’Amérique du Nord, le candidat a peut-être voulu éviter les débordements comme celui qui l’a poussé à exclure une militante, lors du lancement de sa campagne à Boston. Selon les informations que nous avons recueillies, le ténor de l’UMP a choisi de dépenser le moins possible pour sa campagne, en faisant appel, notamment, à la générosité des entreprises. Une pratique en principe illégale.

Encans

Lundi 2 avril, rue du Couvent à Montréal. Quelques dizaines de militants UMP se réunissent à l’Hôtel des Encans, une ancienne église reconvertie en une somptueuse salle de vente aux enchères. Ils sont venus assister au lancement de la campagne de l’unique candidat investi par l’UMP pour cette circonscription des Français de l’étranger, Frédéric Lefebvre.

L’ancienne église appartient au richissime commissaire-priseur Iegor de Saint-Hippolyte, également gérant de la société Iegor Auctions. L’homme est un proche de la section UMP du Québec – à laquelle il avait offert l’hospitalité pour une réunion, en février 2011 – et de quelques-uns de ses membres éminents. Le premier s’appelle Thibault Duval, président des Jeunes Populaires du Québec – la section 16-30 ans de l’UMP – également l’un des employés de Iegor Auctions, où il officie en tant que directeur du département “Art asiatique”.

L’autre figure locale de l’UMP proche de Iegor de Saint-Hippolyte n’est autre que Jeanine de Feydeau, la directrice de campagne de Frédéric Lefebvre pour le Canada. Elle est justement l’organisatrice de la soirée du 2 avril.

Contactée par Owni sur ces divers liens, Jeanine de Feydeau a préféré laisser répondre le directeur adjoint de la campagne au Canada, Stéphane Minson. Lequel nous a expliqué, lors d’un entretien téléphonique d’une vingtaine de minutes, comment Iegor Auctions avait offert son hospitalité à l’occasion du “meeting des Encans” :

Je peux vous garantir que la salle a été fournie à titre personnel et gratuit. Elle n’a coûté absolument rien au candidat.

De bonnes intentions qui pourraient entrer en contradiction avec les textes. Selon l’article L52-8 du Code électoral, la fourniture de services par une société comme le prêt d’une salle de meeting est prohibée :

Les personnes morales [terme juridique pour qualifier les sociétés, NDLR] (…) ne peuvent participer au financement de la campagne électorale d’un candidat ni en lui consentant des dons sous quelque forme que ce soit, ni en lui fournissant des biens, services ou autres avantages directs ou indirects à des prix inférieurs à ceux qui sont habituellement pratiqués.

Relais

Avec une petite subtilité, néanmoins. En effet, la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP), l’organisme chargé de vérifier les dépenses de campagne des candidats, accorde une qualification “électorale” aux réunions de militants où figure un “relais d’opinion”, comme l’indique son site Internet. Si aucun relais d’opinion ne se présente, les dépenses effectuées lors d’une réunion de militants ne doivent pas, dès lors, figurer au compte de campagne du candidat.

Mais pour le “meeting des Encans”, le journaliste du bureau de Montréal de l’Agence France presse (AFP) a confirmé sa présence à Owni. La réunion revêt donc un caractère électoral, et la non-retranscription dans le compte de campagne des frais de location de la salle des Encans devrait entraîner une contestation. Le carton d’invitation évoque une réunion entre amis. Mais quand il parle du “meeting des Encans” sur son blog de campagne, dans un billet du 13 mai dernier, Frédéric Lefebvre la qualifie lui-même de réunion publique :

De la même façon, lors de ma grande réunion publique au magnifique Hôtel des Encans il y a quelques mois, avec tant de compatriotes et tant de jeunes autour de Thibault Duval. Quelle émotion dans cette salle mythique.

Tontons Flingueurs

Des réunions sur invitation comme celle de l’Hôtel des Encans, Frédéric Lefebvre en a tenu plusieurs. L’entretien avec le directeur adjoint de sa campagne pour le Canada, Stéphane Minson, en a révélé d’autres :

Notre objectif est de faire ce qu’on pourrait appeler de la ‘politique non-spectacle”. On ne se retrouve qu’entre amis. Chacun paie sa part et a plaisir à le faire. Ce qu’on souhaite, c’est obtenir un budget égal à zéro : zéro dépenses.

Encore une fois, l’absence de mention de ces dépenses sur le compte de campagne n’est contraire à la loi que si un relais d’opinion est présent parmi les militants. Owni a retrouvé la trace d’au moins deux réunions sur invitation qui se sont tenues dans des restaurants montréalais et en présence de la presse québécoise.

Le premier de ces meetings privés a lieu le 2 avril dernier, le même jour que celui de l’Hôtel des Encans, un peu plus tôt dans la journée. Une douzaine de militants UMP sont alors conviés à un repas dans la crêperie Les Tontons Flingueurs (ça ne s’invente pas), aux côtés du journaliste de Radio-Canada Franck Desoer, qui les interroge pour un reportage consacré, entre autres, aux élections législatives au Québec.

Mais ce jour-là, c’est le gérant des Tontons Flingueurs qui paie son repas ou plutôt, selon le droit électoral, la personne morale du restaurant. Comme pour Iegor Auctions, cette aide en nature est à même d’être déclarée illégale par la Commission nationale des comptes de campagne. Interrogée par Owni, l’une de ses porte-parole confirme, tout en précisant qu’il ne s’agit pas d’une “décision” mais d’une “réponse a priori, que cette invitation peut être considérée comme le “concours d’une personne morale à la campagne d’un candidat”.

Parce qu’il n’y a pas de petits profits, chacun des militants est également sommé de payer sa part ce midi du 2 avril. Pour cela, cependant, “rien ne devrait être considéré comme illégal”, selon l’interlocutrice de la Commission nationale des comptes de campagne que nous avons jointe.

Très récemment, cette situation s’est répétée à l’identique dans un autre restaurant de Montréal. Le 23 mai dernier, un dîner militant est organisé au Plein-Sud, toujours en présence de la presse, comme le confirment deux images présentes sur la page Facebook officielle de Frédéric Lefebvre – la première représente une interview avec la télévision de Radio-Canada tandis que deux caméras de télévision sont visibles sur la seconde.

Le carton d’invitation pour cette soirée obtenu par Owni annonce encore une fois la couleur, en indiquant aux militants que le menu “entrée, plat, dessert” leur en coûtera 30 dollars :

Recadrage

Les mêmes doutes que précédemment subsistent. Frédéric Lefebvre a jusqu’au 14 septembre prochain – voire jusqu’au 28 septembre s’il passe le premier tour – pour déposer son compte de campagne définitif auprès de la Commission qui devra l’examiner. Il lui reste donc plus de trois mois pour demander à ces généreuses entreprises de produire les factures qu’elles ont réglées à sa place et qui manquent à son relevé de dépenses.

S’il y parvient, le ténor de l’UMP n’aura donc sans doute rien à craindre de la loi. Un recadrage de ses proches s’imposera sûrement, en revanche. Toujours convaincu de la légalité de sa démarche, Stéphane Minson termine son entretien sur ces mots :

Vous savez, c’est pas facile de trouver une salle gratuite à Montréal. Je garde la surprise, mais pour un autre grand déplacement lors du deuxième tour, on s’est arrangé pour ça ne coûte rien au candidat.


Photographie de Jean-Michel Sicot ©/Fedephoto. Portrait de Frédéric Lefebvre à Bercy en janvier 2011 pour les voeux à la presse. Edition par Ophelia Noor pour Owni /-)

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Comment l’affaire Karachi entretient le «tous pourris» http://owni.fr/2010/12/10/comment-laffaire-karachi-entretient-le-%c2%abtous-pourris%c2%bb-balladur-sarkozy-roland-dumas/ http://owni.fr/2010/12/10/comment-laffaire-karachi-entretient-le-%c2%abtous-pourris%c2%bb-balladur-sarkozy-roland-dumas/#comments Fri, 10 Dec 2010 13:35:25 +0000 Aymeric Pontier http://owni.fr/?p=37338 Tuer une démocratie n’est pas une mince affaire. Il faut beaucoup de patience et de volonté. Le peuple qui se libéra autrefois du joug despotique de tyrans, pas vraiment éclairés, est très attaché à sa Liberté. Il faut donc, pour réussir cette entreprise, le détourner des principes démocratiques jusqu’à lui faire croire qu’une dictature ferait aussi bien l’affaire.

Pour cela, rien de mieux que la corruption et la compromission décomplexées. Il est absolument nécessaire d’instiller l’idée que les politiciens sont « tous les mêmes », qu’il n’y en a pas un pour rattraper l’autre. L’opacité et l’absence de sanctions envers les dévoiements devenant dès lors des alliées fidèles. Taire ce qui devrait être dénoncé. Fermer les yeux sur ce qui devrait nous horrifier. Cesser d’écouter ce qui pourrait déranger notre conscience. Voilà les recettes de base qui mènent vers une ruine assurée…

Changer la règle pour s’aligner sur le mauvais usage

Il y a actuellement deux illustrations : l’affaire Bettencourt et l’affaire Karachi. Je ne vais pas revenir sur le fond, tout le monde peut y avoir accès facilement en quelques clics. En revanche, je vais m’attarder sur un épisode très singulier : la validation des comptes de campagne d’Edouard Balladur par le Conseil Constitutionnel en 1995.

Pour résumer, ces comptes souffraient de graves irrégularités avec des sommes d’argent importantes qui n’étaient pas justifiées, car probablement non justifiables, et qui laissent planer un soupçon intense de corruption. Lors de la séance du 11 octobre, les rapporteurs qui ont épluché plusieurs mois durant les comptes de campagne de tous les candidats préconisent la non-validation de ceux d’Edouard Balladur. Embarras des neufs Sages…

Roland Dumas, alors Président du Conseil Constitutionnel estime que celui-ci ne saurait suivre la préconisation des rapporteurs, selon la justification suivante :

Les comptes de Jacques Chirac présentent, eux aussi, des recettes injustifiées et une sous-estimation des dépenses. Si on annule les comptes de l’ancien premier ministre, il faudra aussi annuler ceux du président élu. Peut-on prendre le risque d’annuler l’élection présidentielle et de s’opposer à des millions d’électeurs et ainsi remettre en cause la démocratie ?

Roland Dumas demande donc aux rapporteurs de revoir leur copie et de modifier les modes de calcul qu’ils ont retenus afin de pouvoir valider les comptes incriminés. Jacques Chirac demeurera Président de la France, et Edouard Balladur ruminera tranquillement sa défaite.

La sale habitude des passes-droits politiques

Le scandale ici ne réside pas uniquement dans la corruption des comptes, mais aussi et surtout dans la corruption des âmes et des esprits. La France, cette entité fictive en pleine régression est composée d’une élite politique dont la conscience a été altérée par trop de passe-droits et de privilèges, au point qu’elle en vient petit à petit, lentement mais sûrement, à détruire la démocratie qu’elle est sensée défendre et représenter.

Dans ce pays où les compromissions sont devenues l’alpha et l’oméga de toute décision et de toute pensée ou arrière-pensée, et où la seule idéologie encore présente est celle de l’Abdication perpétuelle, plus rien n’a de sens. On peut enterrer la Démocratie au nom de son Respect. On peut tolérer la Corruption au nom de la Continuité. On peut écraser le Peuple au nom de sa Volonté. Tout, absolument tout, est devenu possible.

Mais gardons nous de blâmer seulement l’élite ! Le petit peuple qui ne bronche jamais est tout autant coupable ! Si le Conseil Constitutionnel a fermé les yeux sur des malversations, se déshonorant pour longtemps au passage, ce n’est que parce que le peuple détourne son regard depuis trop longtemps. La lâcheté des uns se nourrit de la lâcheté des autres.

Cette société molle doit prendre garde : elle finira par s’auto-détruire à force de tout avaler !

Article publié initialement sur le blog Singularité et infosphère d’Aymric Pontier sous le titre Comment tuer petit à petit une démocratie.

Photo FlickR CC France.Diplomatie ; Bruno Girin.

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