OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Candidat Nicolas Président Sarkozy http://owni.fr/2012/04/26/candidat-nicolas-president-sarkozy/ http://owni.fr/2012/04/26/candidat-nicolas-president-sarkozy/#comments Thu, 26 Apr 2012 13:23:14 +0000 Andréa Fradin http://owni.fr/?p=107851

“C’est plus un sujet président qu’un sujet candidat.” L’expression, que nous a adressée un membre de l’équipe de Nicolas Sarkozy, résume bien l’étrange schizophrénie qui a traversé la campagne de ce dernier. Côté pile, il y a Nicolas Sarkozy Président de la République. Côté face, Nicolas Sarkozy candidat. Deux visages d’un drôle de Janus que le droit électoral tente d’identifier et de distinguer, afin “de veiller au respect de l’égalité entre les candidats au cours de la campagne.” Avec plus ou moins de succès.

Double face 2012

La loi contre les web terroristes

La loi contre les web terroristes

Le projet de loi sanctionnant la simple lecture de sites Internet appelant au terrorisme devrait être présenté demain en ...

La distinction n’est pas aisée. Sur les sujets numériques, l’exercice a pris des allures de casse-tête. Pénalisation de la consultation des sites terroristes ? Sujet Président, nous informe son équipe. L’avenir d’Hadopi ? Sujet candidat avec des petits bouts de Président à l’intérieur. Et il y a plus subtil. Ainsi quand le fondateur de Twitter Jack Dorsey passe à Paris en mars dernier, il rend à la fois visite au chef de l’État et au candidat en campagne. Le site de l’Élysée s’occupant de relayer un communiqué officiel d’un côté, les communicants du candidat alimentant les comptes Facebook et Twitter dédiés à la campagne de l’autre. Quitte à s’emmêler les pinceaux en faisant campagne… au sein même du Palais présidentiel !

“Instantané de campagne: rencontre avec Jack Dorsey, fondateur de Twitter, au Palais de l’Elysée.”

(Légende d’une photo de la rencontre postée sur le compte Facebook de Nicolas Sarkozy)

Un gloubi-boulga qui se corse quand les anciens conseillers du Prince migrent de l’Élysée au QG, tout en assurant le suivi des affaires courantes. Olivier Henrard (conseiller culture) et Nicolas Princen (conseiller Internet) animent par exemple les thématiques numériques du candidat Nicolas, tout en assistant toujours à des réunions du Président Sarkozy.

Le cul entre deux chaises, trône et siège éjectable, Nicolas Sarkozy n’a cessé de balancer entre son costume régalien et ses habits de conquête durant cette campagne, bien au-delà de la seule thématique numérique : la “parenthèse” électorale qui a suivi la tragique affaire Merah en est la preuve la plus criante. “Le problème c’est que le Président est élu pour un certain temps, qui comprend le temps de la campagne” commente Stéphane Beaumont, professeur de droit constitutionnel à l’Université des sciences sociales de Toulouse. Et que la continuité de l’État doit être assurée.

“Mêmes facilités pour la campagne”

Une ambiguïté qui ne poserait pas tant de problèmes si le droit ne s’était fixé pour objectif de “veiller au respect de l’égalité entre les candidats au cours de la campagne.” Sur son site, le Conseil constitutionnel n’y va pas par quatre chemins, abordant la question de front dans sa FAQ : “les candidats exerçant une fonction officielle ne disposent-ils pas d’avantages indus ?” Que nenni répondent les Sages, dans la mesure où la loi s’assure que “tous les candidats bénéficient, de la part de l’État, des mêmes facilités pour la campagne en vue de l’élection présidentielle.” Reste à identifier ces “facilités”, en particulier dans le cas du candidat qui garde un pied à l’Élysée.

Or en l’occurrence, difficile d’obtenir une réponse claire. La gardienne de ce principe est la Commission nationale de contrôle de la campagne en vue de l’élection présidentielle (CNCCEP), cénacle composé de membres du Conseil d’État, des Cours des Comptes et de Cassation, installée le temps de la campagne pour en assurer le bon déroulement. A plusieurs reprises, nous avons fait appel à ses lumières, histoire de savoir si Nicolas Sarkozy et ses équipes s’exposaient à une sanction en confondant fonctions présidentielles et électorales. Et si l’emploi des salles et communiqués de l’Élysée rentrait dans la case des “facilités”. Sans grande réussite : le rapporteur général de la Commission Jacques-Henri Stahl n’a pas donné suite à nos appels. L’un des responsables des services administratifs a toutefois fini par nous répondre, nous indiquant avec difficulté que “rien n’[était] remonté des autres candidats” sur le sujet. La procédure ne peut donc pas s’engager. Elle ne s’enclenche que si la commission “considère comme irréguliers des faits ou des agissements portés à sa connaissance”, écrit le Conseil Constitutionnel.

La CNCCEP a un rôle de passeur, elle n’a aucun pouvoir de sanction. En cas de signalements suspects, elle doit “transmettre d’office” le dossier à une seconde commission, à l’acronyme tout aussi étriqué : la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP). Car en matière de droit électoral, c’est d’abord le porte-monnaie qui trinque. Et c’est la commission des comptes de campagne qui actionne le couperet financier, évaluant si les irrégularités constatées sont “susceptibles d’affecter le compte de campagne du candidat concerné.”

En d’autres termes, si les candidats sortent des clous, le juge va d’abord chercher à évaluer si cela a un coût. Or dans le cas d’une éventuelle inéquité en faveur du Président sortant, ainsi la réception d’une personnalité comme Jack Dorsey à Élysée en période de campagne, également reçu dans les QG des outsiders François Bayrou et François Hollande, “rien ne prouve qu’il ait coûté quoi que ce soit en termes pécuniaires”, explique un spécialiste du droit électoral interrogé par OWNI. Si ce n’est “des petits fours pour la réception de ‘Jack’.”

Plus encore, rien ne prouve que ce mélange des genres, dont les Sages tentent pourtant de se préserver, ne constitue un avantage électoral. Pour trancher ce second aspect, le juge se pose une deuxième question : le président-candidat l’aurait t-il fait en d’autres circonstances ? “Si l’action de l’élu candidat s’était déroulée même en l’absence de campagne électorale, alors c’est une opération de communication politique mais pas nécessairement -ou pas principalement- électorale. Si à l’inverse, elle est guidée par des considérations liées à la campagne, alors elle est électorale” poursuit notre expert, qui souhaite garder l’anonymat. Le traitement égalitaire des candidats est donc subordonnée à l’appréciation des juges :

Ça dépend ! Du contexte, de la prestation, du support…

Leurre

Pour Philippe Blanchetier en revanche, l’avocat qui représente Nicolas Sarkozy devant le Conseil Constitutionnel et les commissions de contrôle -également membre de l’association en charge du financement de sa campagne-, les termes se posent plus simplement. Le principe d’égalité de traitement des candidats ne renvoie selon lui qu’à “l’égalité médiatique et l’égalité de financement : chaque candidat dispose du même temps de parole dans l’audiovisuel et du même plafond en campagne”. En dehors de ces considérations, le principe ne joue pas et “l’étanchéité a été faite” :

il n’y a aucune interférence entre les fonctions.

Dans le cas des conseillers de campagne passés par l’Élysée, l’avocat nous explique qu’une partie est en “disponibilité de l’Elysée” : ils dépendent désormais de l’association de financement pour la campagne de Nicolas Sarkozy. D’autres en revanche restent “en double poste.” Le calcul se complique alors, puisque leurs activités sont alors à la fois prises en charge par l’association et par Élysée. Simple question de pro rata.

D’autres juristes se font en revanche moins catégoriques, estimant que la confusion des rôles présidentiels et électoraux devraient davantage entrer dans le giron du droit, au-delà des seuls aspects financiers et médiatiques. En particulier sur Internet, où de nouvelles formes de communication apparaissent, sans que les gardiens de l’élection aient le temps de s’adapter. Le tollé provoqué par l’annonce anticipée des résultats du premier tour sur Twitter en est la dernière preuve. “On est confronté à des difficultés”, finit-on par lâcher du côté du CNCCEP. “On fait avec les textes qu’on a ! En 2007, seules 200.000 personnes étaient sur les réseaux sociaux !”
En théorie, le principe d’égalité, et en particulier le devoir de neutralité auquel “tout service officiel de communication est [...] légalement astreint” devraient également se déployer sur le réseau. En théorie seulement.

Ce qui pousse certains à la conclusion que le principe d’égalité est au mieux un mirage, au pire une vaste hypocrisie. “Il est impossible de l’obtenir”, concède Stéphane Beaumont. “On a simplement une législation pour éviter les excès.” En ce sens, l’égalité de traitement est plus “un objectif à atteindre” qu’un “fait à constater” ajoute notre spécialiste en droit électoral. De même, “on ne peut nier que la personne qui détient un mandat ou une fonction est plus ‘visible’ – essentiellement par l’intermédiaire des médias – que celle qui n’en détient pas”, poursuit-il. Une prime au sortant bien réelle mais qui n’est pas forcément synonyme de victoire : de la Présidence de la République aux plus petites mairies, les candidats à leur réélection n’ont pas systématiquement (re)décroché la timbale.

Il n’empêche qu’elle reste le joker, difficilement quantifiable, du président sortant. Qui peut aboutir à des situations ubuesques : revenant sur l’affaire Merah, Stéphane Beaumont critique l’artifice des parenthèses alors mises en place pour distinguer la parole présidentielle de la parole du candidat :

Les parenthèses sont illusoires car Nicolas Sarkozy était plus que jamais dans le champ de l’autorité politique, face à quelqu’un qui a violé la Constitution et les droits élémentaires de la Déclaration des Droits de l’Homme.

Pour le juriste, “l’idéal serait de trouver un autre système”. “Par exemple que la Constitution prévoit le remplacement du Président de la République par le Président du Sénat”, dès que le premier se lance en campagne. Histoire de couper court à toute ambiguïté. Et mettre un terme à ce grand jeu de dupes.


Illustration originale par Hossam Et Hamalawy [CC-bync] Remix par O. Noor pour Owni /-)

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Garde à vue d’exception http://owni.fr/2012/02/24/garde-a-vue-justice-terrorisme/ http://owni.fr/2012/02/24/garde-a-vue-justice-terrorisme/#comments Fri, 24 Feb 2012 08:43:06 +0000 Pierre Alonso http://owni.fr/?p=99614

Le Conseil constitutionnel a censuré l’un des textes qui prévoyait un régime dérogatoire des gardes à vue pour certains infractions, dont les activités terroristes. Il concernait précisément le choix de l’avocat. Depuis la loi du 14 avril 2011, le gardé à vue suspecté d’avoir commis ces infractions pouvait voir le choix de son défenseur restreint à “une liste d’avocats habilités”, établie par le bureau du Conseil national des barreaux sur proposition de chaque ordre. Le bâtonnier suggérait un nom au juge des libertés et de la détention qui validait.

Vendredi 17 février, les sages se sont prononcés contre cette disposition législative. Ils avaient été saisis sur une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) par l’ordre des avocats au barreau de Bastia. “C’est une excellente décision” se réjouit Yassine Yakouti, avocat familier des affaires terroristes. Il poursuit :

La liberté de choisir son avocat est fondamentale dans une démocratie. Cette disposition la réduisait, mais le Conseil constitutionnel vient la renforcer.

La censure de ce régime dérogatoire est pourtant motivée par “de mauvaises raisons”, selon Pierre de Combles de Nayves, avocat parisien qui a traité plusieurs affaires dans cette matière. Le Conseil constitutionnel ne s’en prend pas à la disposition sur le fond. En somme, écrivent les sages, “il incombe au législateur de définir les conditions et les modalités selon lesquelles une telle atteinte aux conditions d’exercice des droits de la défense peut être mise en œuvre”. Le principe dérogatoire n’est pas remis en cause, mais son application était trop floue.

Matthieu de Vallois, avocat et secrétaire de la conférence des avocats du barreaux de Paris, interprète cette absence de précisions comme une volonté délibérée de la part des législateurs. “Les députés attendaient sans doute que le décret d’application les précise, ce qu’il n’a pas fait” explique-t-il. Le législateur devra donc revoir sa copie.

Suspicion généralisée

Sur le fond, les sages ont réaffirmé les principes qui présidaient à cette disposition. Yassine Yakouti rappelle que ce régime était lié au caractère exigeant des infractions ciblées :

En matière d’infractions terroristes et de délits financiers, les avocats doivent être préparés. Ce sont souvent des affaires complexes.

Côté face de la pièce, un principe de spécialité. Côté pile, ajoute-t-il, un climat de suspicion à l’égard des avocats. La décision d’établir une liste d’avocats repose sur “la nécessité d’entourer, [en matière terroriste], le secret de l’enquête de garanties particulières (…) afin de ne pas compromettre la recherche des auteurs [des faits] ou de garantir la sécurité des personnes” écrit le Conseil constitutionnel. Sous-entendu, certains avocats seraient les complices des gardés à vue, ce que décrie Pierre de Combles de Nayves :

Si certains avocats ne respectent pas les règles de déontologie, il faut les sanctionner individuellement et non adapter les textes aux mauvaises pratiques.

Yassine Yakouti lui emboite le pas : “Le non-respect par certains ne peut justifier l’élaboration d’une règle spéciale qui s’applique à tous”.

A l’origine de cette disposition dérogatoire planerait le spectre de l’ETA. L’organisation indépendantiste basque compterait dans ses rangs des juristes et avocats, jugés complices des Ettarak arrêtés. La liste d’avocats entendait assainir cette relation, consanguine pour les autorités, entre hommes de droit et mis en cause.

La tradition de la conférence

Elle mettait aussi fin à une tradition en matière de désignation des avocats dans les affaires criminelles. Lorsque les gardés à vue ne désignaient pas un avocat, les commis d’office étaient les membres de la conférence des avocats du barreau de Paris. Bicentenaire, l’institution rassemble de jeunes diplômés qui se sont illustrés par leur maîtrise de l’art oratoire. Pierre de Combles de Nayves et Yassine Yakouti, anciens secrétaires, ont tous deux reçu des affaires par ce biais.

“Depuis le début du XXe siècle, les avocats commis d’office dans des dossiers criminels appartiennent traditionnellement à la conférence” précise Matthieu de Vallois. Le dixième secrétaire a la responsabilité de distribuer les dossiers au sein de la conférence. Considérés comme d’excellents plaideurs, les secrétaires de la conférence héritent donc de ces affaires exigeantes :

Les secrétaires de la conférence se sont illustrés par leur aptitude à convaincre, et non par leur connaissance du droit que tout le monde maîtrise à ce stade. C’est la capacité de conviction qui explique cette tradition en matière criminelle.

La dérogation dans le mode de désignation d’un avocat n’est qu’une brique dans le mur de la justice antiterroriste en France. La garde à vue peut durer jusqu’à 144 heures. L’assistance d’un avocat n’est possible qu’après 72 heures.

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Garantir les libertés numériques par la Constitution http://owni.fr/2011/07/19/garantir-les-libertes-numeriques-par-la-constitution/ http://owni.fr/2011/07/19/garantir-les-libertes-numeriques-par-la-constitution/#comments Tue, 19 Jul 2011 06:31:09 +0000 Lionel Maurel (Calimaq) http://owni.fr/?p=74034 Le mois dernier, plusieurs partis politiques ont publié leurs propositions de réformes concernant Internet et l’environnement numérique, en vue de la campagne présidentielle de 2012 :

La mission d’information parlementaire sur les droits de l’individu dans la révolution numérique a également rendu public un rapport présentant 54 propositions, émanant de députés de droite comme de gauche :

Au-delà du contenu, ce qui m’a frappé à la lecture de ces propositions, c’est une forme de consensus quant au niveau des réformes à entreprendre : il s’agit à chaque fois de voter de nouvelles lois, mais pas d’aller au-delà.

Dans le programme du parti socialiste, on relève en particulier ce passage :

Régulation
 de
 l’Internet 
par 
l’affirmation
 de 
principes
 protecteurs
 des
 droits 
et
 des 
libertés : Nous 
inscrirons 
ou
 réaffirmerons
 par 
la
 loi les
 grands
 principes
 d’une 
société
 de
 l’information
 ouverte,
 comme
 la
 neutralité
 du
 Net,
 l’interopérabilité,
 la
 liberté
 d’expression,
 le
 droit
 à
 l’oubli,
 le
 droit
 au
 respect
 de
 la
 vie
 privée
 et
 à
 la
 protection
 des
 données
 personnelles.

Certes, l’inscription dans la loi de certains de ces principes (neutralité du net ou droit à l’oubli) constituerait bien une innovation importante, mais les autres sont déjà consacrés par des textes législatifs.

La question que je voudrais soulever ici est de savoir s’il n’est pas nécessaire d’aller au-delà de ces propositions pour envisager une réforme au niveau constitutionnel, notamment si l’on veut réussir à surmonter l’antagonisme entre le droit d’auteur et la liberté d’expression.

La liberté d’expression au-dessus de tout

J’avais déjà évoqué l’idée d’une réforme constitutionnelle en 2009 dans ce billet, mais elle m’est revenue à l’esprit en lisant les conclusions du rapport de l’ONU condamnant les dispositifs de riposte graduée et de filtrage, au nom de la protection de la liberté d’expression en ligne :

Couper des utilisateurs de l’accès à Internet, quelle que soit la justification avancée, y compris pour des motifs de violation de droits de propriété intellectuelle, est disproportionné et donc contraire à l’article 19, paragraphe 3, du Pacte International relatif aux Droits Civiques et Politiques.

Il me semble que ce rapport – approuvé par 41 pays dans le monde (mais pas par la France…) – contribue à introduire l’idée d’une hiérarchie entre la liberté d’expression et le droit d’auteur, exprimée parfaitement par Jérémie Zimmermann de la Quadrature du Net :

Le rapporteur spécial des Nations Unies Frank La Rue affirme que la liberté d’expression est plus importante que le droit d’auteur et qu’elle doit être protégée à tout prix, dans les régimes autoritaires comme dans les démocraties. Les citoyens de par le monde doivent s’inspirer de ce rapport et tenir leurs gouvernements pour responsables des politiques qui portent atteinte à Internet et à nos libertés.

En effet, jusqu’à présent, on était plutôt dans l’idée que la liberté d’expression et le droit d’auteur constituaient deux principes d’égale valeur juridique, devant être conciliés de manière à ce que des atteintes disproportionnées ne soient pas portées à l’un au nom de la protection de l’autre. Même si le rapporteur des Nations Unis se réfère encore à cette idée de proportion, il va manifestement plus loin, puisqu’il considère que la coupure de l’accès Internet ne peut être justifiée par aucun motif, y compris la protection du droit d’auteur. Cela revient donc bien à conférer à la liberté d’expression une valeur supérieure.

Sur cette base, le rapport de l’ONU « prie instamment les Etats d’abroger ou de modifier les lois de propriété intellectuelle actuelles qui permettent que des utilisateurs soient déconnectés de l’accès à Internet, et de s’abstenir d’adopter de telles lois ». Cela reviendrait par exemple en France à abroger la loi Hadopi, mais il me semble que si l’on veut réellement traduire dans notre pays cette idée d’une hiérarchie entre le droit d’auteur et la liberté d’expression, il faut aller plus loin et modifier la Constitution.

Dépasser la jurisprudence

En effet, le Conseil Constitutionnel, dans sa décision Hadopi I qui censurait le mécanisme de la riposte graduée sans juge, a déjà reconnu l’accès à Internet comme une liberté fondamentale, en la reliant à la liberté d’expression proclamée à l’article 11 de la déclaration des droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 :

[...] aux termes de l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 : « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l’homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l’abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi » ; [...] en l’état actuel des moyens de communication et eu égard au développement généralisé des services de communication au public en ligne ainsi qu’à l’importance prise par ces services pour la participation à la vie démocratique et l’expression des idées et des opinions, ce droit implique la liberté d’accéder à ces services.

Mais comme l’avait montré Maître Eolas dans son commentaire, le Conseil constitutionnel s’était livré dans cette décision à une conciliation entre la liberté d’expression et la protection du droit d’auteur :

(…) ce genre de conflits entre des principes d’égale valeur mais contradictoires est le cœur de ce qu’est le droit. C’est l’essence du travail du juriste que de résoudre ce conflit, non pas en disant lequel des deux l’emporte, mais en délimitant le territoire de chacun selon les hypothèses. Dans tels et tels cas, le premier l’emportera, mais avec ces limites ; dans telles autres, ce sera le second, mais là encore dans telles limites pour préserver le premier.

Le Conseil Constitutionnel a ainsi réaffirmé dans sa décision Hadopi I l’importance de la protection de la propriété intellectuelle, en la reliant elle-aussi à la déclaration de 1789 :

la propriété est au nombre des droits de l’Homme consacrés par les articles 2 et 17 de la Déclaration de 1789 ; [...] les finalités et les conditions d’exercice du droit de propriété ont connu depuis 1789 une évolution caractérisée par une extension de son champ d’application à des domaines nouveaux ; [...] parmi ces derniers, figure le droit, pour les titulaires du droit d’auteur et de droits voisins, de jouir de leurs droits de propriété intellectuelle et de les protéger dans le cadre défini par la loi et les engagements internationaux de la France ; [...] la lutte contre les pratiques de contrefaçon qui se développent sur Internet répond à l’objectif de sauvegarde de la propriété intellectuelle.

Résultat de ce jeu d’équilibre subtil, le Conseil a certes censuré la première mouture du texte, mais il a fini par valider le dispositif de la riposte graduée, dès lors que la figure du juge a été réintroduite dans la loi Hadopi II :

si la nécessité des peines attachées aux infractions relève du pouvoir d’appréciation du législateur, il incombe au Conseil constitutionnel de s’assurer de l’absence de disproportion manifeste entre l’infraction et la peine encourue [...] l’instauration d’une peine complémentaire destinée à réprimer les délits de contrefaçon commis au moyen d’un service de communication au public en ligne et consistant dans la suspension de l’accès à un tel service pour une durée maximale d’un an, assortie de l’interdiction de souscrire pendant la même période un autre contrat portant sur un service de même nature auprès de tout opérateur, ne méconnaît pas le principe de nécessité des peines.

Pour le Conseil Constitutionnel, consacrer l’accès à Internet comme un droit fondamental était déjà un tour de force, car le gouvernement et la majorité avaient clairement exprimé leur désaccord sur ce point. Par ailleurs, il n’y a rien à l’heure actuelle dans notre système juridique qui permette de déduire que la liberté d’expression est supérieure au droit d’auteur et un juge n’aurait pas pu de lui-même introduire une hiérarchie entre ces droits.

Mais ce que le Conseil Constitutionnel n’a pu faire, le pouvoir constituant le peut en révisant la pyramide des normes au sommet. Voilà pourquoi j’affirme que les propositions des partis politiques (et singulièrement celles du PS) ne vont pas assez loin et qu’il est temps d’envisager une réforme de la Constitution.

La France à la traîne

Jusqu’à présent, je pensais qu’il fallait réviser la Constitution pour affirmer avec davantage de force le droit à la culture, le droit à l’éducation et le droit à l’information, de manière à ce que les juges puissent en déduire un véritable « droit des utilisateurs », doté d’une valeur égale à celui du droit d’auteur. Une telle réforme aurait sans doute déjà des effets assez importants, mais le rapport de l’ONU indique un moyen plus puissant encore, en proposant de subordonner le droit d’auteur à la liberté d’expression.

Depuis la publication de ce texte, l’OSCE au niveau européen a elle aussi fait paraître un rapport condamnant le principe de la coupure d’accès Internet au nom de la liberté d’opinion et d’information. Et certaines voix s’élèvent en ce moment en Tunisie pour que les libertés numériques soient garanties par la nouvelle constitution dont le pays doit se doter.

C’est sans doute là un exemple inspirant, car si deux pays en Europe (Finlande et Estonie) ont déjà consacré Internet comme un droit fondamental, c’est plus sous la forme d’un droit-créance (un « droit à », de seconde génération) que comme une liberté fondamentale.

Davantage que des réformes législatives, c’est donc une révision de la Constitution que les partis politiques devraient envisager, de manière à conférer une valeur supérieure à la liberté d’expression, comme le réclame le rapport de l’ONU.

Une telle réforme pourrait prendre la forme d’une déclaration des libertés numériques, introduite dans notre bloc de constitutionnalité, de manière à sortir par le haut de la situation inacceptable dans laquelle nous nous trouvons en France.

La carte mondiale des ennemis d'Internet et des pays sous surveillance, parmi lesquels figure la France (Par Reporters Sans frontières)

Mise à jour du 18/07/11 : autant à la relecture de ce billet, je reste convaincu que logiquement et techniquement, l’idée d’une révision constitutionnelle pourrait être féconde, autant je doute que le personnel politique français actuel soit en mesure de donner le jour à une déclaration des libertés numériques viable…

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Billet initialement publié sur S.I.Lex sous le titre “Droits d’auteur & libertés numériques: plaidoyer pour une réforme constitutionnelle

Illustrations: Flickr CC  PaternitéPas d'utilisation commercialePas de modification drwhimsy / Paternité Horia VarlanPaternitéPartage selon les Conditions Initiales Josef Grunig / PaternitéPas d'utilisation commerciale srsphoto / PaternitéPas d'utilisation commercialePas de modification Dimit®i

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Edito : 3615 Internet http://owni.fr/2010/07/23/3615-internet/ http://owni.fr/2010/07/23/3615-internet/#comments Fri, 23 Jul 2010 15:05:46 +0000 Astrid Girardeau http://owni.fr/?p=22824 «Nous étions moins d’une dizaine et pour la plupart n’avions jamais eu la moindre activité politique. Et pourtant, nous avons pu empêcher le gouvernement de faire passer une loi à nos yeux inutile et dangereuse”, écrit Laurent Chemla dans Confessions d’un voleur (2002).

Retour en 1996. Un amendement donne à une autorité administrative le pouvoir de “contrôler les contenus” sur Internet. Et d’obliger les prestataires techniques au filtrage. L’objectif : bloquer l’accès aux contenus illégaux, notamment pédopornographiques. L’Association des Utilisateurs d’Internet (AUI), à laquelle Laurent Chemla fait référence, se bat contre. Un recours est déposé devant le Conseil Constitutionnel. Qui le censure. L’auteur de cet amendement est aujourd’hui à Matignon.

En 1998, altern.org, hébergeur gratuit et sans publicité monté par Valentin Lacambre, s’arrête suite à la publication de photographies d’Estelle Halliday nue sur l’un des sites hébergés. Ce sont 45.000 sites web qui sont fermés. L’arrêt est rendu par l’actuelle présidente de la Hadopi.

On prend les mêmes et on recommence ?

La loi Loppsi oblige les fournisseurs d’accès à bloquer une liste noire de sites signalés par une autorité indépendante. Le motif : empêcher les internautes français de tomber par hasard sur des contenus pédopornographiques. Et la Hadopi examine des solutions de filtrage des réseaux au nom de la protection du droit d’auteur.

«Je ne suis pas un grand familier du monde de l’Internet» confie Nicolas Sarkozy en 2006.

La méconnaissance, l’ignorance est la source des peurs, et des réactions, les plus extrêmes. Le sentiment de perdre le pouvoir aussi (surtout ?). Alors on accuse. «Jungle », « far-west anarchique », «zone de non-droit », repère de « tarés », de “paranoïaques, de «nazis », etc. Et on cherche à surveiller, contrôler, filtrer.

En juin dernier, Jean-François Copé admet avoir “beaucoup milité” pour la loi Hadopi alors qu’il en “connaissait les faiblesses”. Avant d’indiquer : «J’ai un peu évolué sur cette question».

Cela fait plus de quatorze ans que les politiques s’acharnent à lutter contre Internet, et derrière contre les citoyens, il serait peut-être temps « d’évoluer sur la question ».


À lire :
- “Quatorze ans plus tard presque jour pour jour, et ils n’ont rien appris”
- La Marais noire du web

Et n’oubliez pas de télécharger l’affiche de une format poster réalisée par Geoffrey Dorne /-)

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Loppsi: le Sénat opte pour un filtrage sans juge http://owni.fr/2010/06/09/loppsi-le-senat-opte-pour-un-filtrage-sans-juge/ http://owni.fr/2010/06/09/loppsi-le-senat-opte-pour-un-filtrage-sans-juge/#comments Wed, 09 Jun 2010 09:03:45 +0000 Astrid Girardeau http://owni.fr/?p=17980 L’article 4 du projet de loi Loppsi (Loi d’orientation et de programmation pour la performance) oblige les fournisseurs d’accès à Internet (FAI) d’empêcher l’accès des internautes aux contenus pédo-pornographiques.

«Après accord de l’autorité judiciaire»

Le 27 janvier dernier, lors du passage du texte en Commission des Lois à l’Assemblée Nationale, , le député UMP Lionel Tardy a déposé un amendement instaurant l’intervention préalable d’une autorité judiciaire dans le processus. C’est-à-dire imposer l’accord préalable du juge à la notification par l’autorité administrative aux FAI de la liste noire des sites à bloquer. Cet amendement 131 tient en cinq mots : « après accord de l’autorité judiciaire».

Lors de l’audition en Commission, le député explique :

“la décision du Conseil constitutionnel relative à la loi Hadopi impose l’intervention d’un juge pour toute restriction de l’accès à l’Internet. Que cette restriction se fasse au niveau de l’utilisateur ou à celui d’un site ne change rien. Les demandes de blocage de site formulées par l’administration doivent donc être filtrées par le juge”.

Avant d’ajouter : “Nous avons déjà adopté cette disposition pour les jeux en ligne, la logique voudrait que nous l’adoptions aussi en ce qui concerne les sites pédopornographiques”.

Contre l’avis du rapporteur, Eric Ciotti, qui estime que cela entraverait l’efficacité, la rapidité et la réactivité de la procédure, l’amendement est adopté en Commission. L’article 4 ainsi modifié est par la suite voté par l’Assemblée nationale le 11 février.

Empêcher l’accès d’un site, et non interdire l’accès à Internet

Après l’Assemblée, le texte doit maintenant être examiné au Sénat. Et, comme cela était prévisible, l’intervention préalable du juge y est remise en cause. En Commission des Lois, le 2 juin dernier, le sénateur et rapporteur UMP Jean-Patrick Courtois a déposé un amendement (PDF) visant à supprimer « après accord de l’autorité judiciaire». Amendement qui a été voté en Commission.

Dans le rapport de la Commission, ce dernier explique que l’argument avancé par Lionel Tardy, fondée sur la censure du Conseil constitutionnel de la loi Hadopi n’a pas convaincu.

Selon lui, cette censure

“avait alors porté sur le pouvoir donné à l’autorité administrative de restreindre ou limiter l’accès à Internet considéré comme une atteinte à la liberté individuelle. Or la disposition proposée présente une portée beaucoup plus restreinte puisqu’elle tend non à interdire l’accès à Internet mais à empêcher l’accès d’un site déterminé en raison de son caractère illicite”

Vraisemblablement pour convaincre les sénateurs de la non-nécessité du juge, Jean-Patrick Courtois a déposé un autre amendement visant à “mieux préciser le champ d’intervention” du blocage.

Il sera limité aux sites présentant un “caractère « manifestement » pédo-pornographique”. Dans le même objectif, le rapport rappelle que “le choix des adresses électroniques dont l’accès doit être bloqué constituera naturellement une décision administrative susceptible de recours dans les conditions de droit commun”.

C’est-à-dire qu’en cas de site bloqué par erreur, le recours à un juge sera alors possible.

Coûts et surcoûts

Enfin, le rapport indique que, selon les informations du ministère de l’intérieur, le coût de cette mesure pour les FAI serait compris entre 2 à 12 millions d’euros, en fonction, principalement, des options techniques retenues (filtrage BGP, hybride, DPI, etc.).

De son côté, dans le cadre la Loppsi, la Fédération Française des Télécom a réalisé une Etude d’impact du blocage des sites pedopornographiques (PDF), dans laquelle elle fournit ses propres estimations. Selon elle, le budget pour trois ans serait compris entre 100.000 euros (blocage BGP externalisé) à près de 140 millions d’euros (blocage DPI).

Cela ne tient pas compte des impacts financiers engendrés par les «effets de bord» du blocage, des dommages inévitables quelque soit la solution retenue.

La Loppsi devrait être présentée au Sénat en septembre.

Sur le même sujet :
- L’autorité européenne de protection des données critique le filtrage
Filtrage : Instrumentalisation de la pédo-pornographie en Europe

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http://owni.fr/2010/06/09/loppsi-le-senat-opte-pour-un-filtrage-sans-juge/feed/ 5
Le Conseil constitutionnel valide l’essentiel des dispositions d’Hadopi 2 http://owni.fr/2009/10/22/le-conseil-constitutionnel-valide-l%e2%80%99essentiel-des-dispositions-d%e2%80%99hadopi-2/ http://owni.fr/2009/10/22/le-conseil-constitutionnel-valide-l%e2%80%99essentiel-des-dispositions-d%e2%80%99hadopi-2/#comments Thu, 22 Oct 2009 17:59:25 +0000 Emmanuel Torregano (électron libre) http://owni.fr/?p=4874 Elle est tombée, la décision du Conseil constitutionnel n° 2009-590 DC du 22 octobre 2009 sur la Loi relative à la protection pénale de la propriété littéraire et artistique sur internet, dont elle valide l’essentiel des dispositions.

Les Sages ont rejetté l’ensemble des griefs faits par la soixantaine de députés signataires du recours dont ils avaient été saisis, à l’exception de ceux qui portaient sur l’article 6.II de la loi, c’est à dire sur la disposition relative au prononcé de dommages et intérêts civils par le juge de l’ordonnance pénale.

Il s’agit d’une contestation a minima, qui ne remet absolument pas en cause le recours à la procédure simplifiée de l’ordonnance pénale, qu’il s’agisse de statuer sur la coupure de l’accès à Internet ou sur des demandes de dommages et intérêts de la part des ayant droit. Le Conseil rappelle avoir déjà eu l’occasion de juger cette procédure conforme à la Constitution (Décision n° 2002-461 DC du 29 août 2002).

Il a simplement jugé que dans le cas des demandes de dommages et intérêts, si rien ne s’opposait à cette orientation, “il incombait alors au législateur de fixer dans la loi les règles applicables et non de les renvoyer au décret.” En clair, le mode de calcul de ces dommages et intérêts ne peut constitutionnellement être fixé par décret.

“L’article 34 de la Constitution réserve en effet à la loi le soin de fixer les règles de procédure pénale”, précise le Conseil. “En l’espèce, ajoute-t-il, le législateur a méconnu sa compétence en ne fixant pas lui-même les précisions nécessaires à l’application de la loi.” Il semble que le Conseil constitutionnel et l’Elysée aient négocié jusqu’au bout pour parvenir à un accord. L’industrie musicale a eu ce qu’elle voulait.

» Suivez les réactions à l’adoption d’Hadopi 2 sur http://electronlibre.info

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Hadopi : on a gagné mais quoi ? http://owni.fr/2009/06/12/hadopi-on-a-gagne-mais-quoi/ http://owni.fr/2009/06/12/hadopi-on-a-gagne-mais-quoi/#comments Fri, 12 Jun 2009 09:20:14 +0000 Jean Michel Planche http://owni.fr/?p=1552 On a gagné … on a gagné …

Cette après midi, twitter et l’Internet s’enflammaient. On apprenait que le conseil constitutionnel venait de dire non, à son tour à la deuxième loi en “i” : l’Hadopi. Lesréactions n’ont pas tardé.

Et au fait, on a gagné quoi ?

Si on lit un peu tout, de toutes obédiences, de toutes couleurs, on ne peut pas dire que l’avis du Conseil Constitutionnel soit un plébiscite de l’action du Ministère de Madame Albanel et de ses (mauvais) conseillers : Le FigaroEcrans.frLe Monde (qui comme moi semble plus “tempéré”), NumeramaPcInpact, …

Les commentaires des courageux, des vrais (Tardy par exemple), font chaud à lire. D’autres s’expriment fort, mais c’est normal, vu le travail qu’ils ont accomplis, d’autres sortent du bois, alors qu’ils étaient bien silencieux au plus fort de la tempête … tout cela n’est pas bien grave.

(NDLR: mise à jour 11 juin 2009) En tous les cas, toute cela laisse quand même un immense sentiment de gâchis. Autant de temps, d’intelligence, d’énergie, mobilisés pour au final un résultat bien maigre qui ne profitera pas à ceux qui étaient censés être défendus (les artistes). Allons un peu plus loin et voyons ce que l’éco-système a gagné / perdu :

  • Les artistes : un grand nombre se sont ridiculisés et la plupart, je l’espère vont comprendre qu’ils se sont faits manipulés, qu’ils ne gagneront pas plus alors que l’Internet et le numérique représentent une formidable opportunité pour eux. Tant pis. (–).
    Ceci dit, tout n’est pas noir et certains ont émergé du flot … et oui, Francis !
  • Les maisons de disques : les grandes perdantes de la situation ou comment se faire détester encore plus efficacement que 20 ans de virage “artistique” vers le “business” (—). Elles doivent maintenant penser à changer de nom et accélérer la mutation de l’économie de leur “modèle économique”, si on peut appeler cela un modèle. (+)
  • Les politiques : la plupart ont du se demander ce qu’ils faisaient dans cette galère. Certains ont brillamment tirés les marrons du feu, ceux que j’appelle la bande des “B” : Brard, Bloche, Bono, Billard, cohn-Bendit. D’autres ont affirmé une position intelligente et ultra-courageuse (TardyDionis, …). Je ne vais pas tous les citer, je risque d’en oublier, il suffit juste de regarder qui a voté quoi à l’assemblée. Tandis que d’autres se sont grillé aux yeux de beaucoup, à jamais. Je ne vais citer personne en particulier, il suffit de relire quelques billets de mon blog, revoir les débats, se rappeler de comment des arguments de bon sens (ils disent “amendements”) ont été écarté sous des prétextes fallacieux. Il suffit de revoir la honte absolue et une explication (partie 1 et partie 2) pour mieux comprendre mon propos ici.
  • Les institutions : le sénat … le grand perdant. On pourrait dire que la prochaine fois, il faudrait ouvrir les yeux et les bons. (-)
    L’assemblée nationale : le grand gagnant. (++) Tant dans la forme (transparence des débats, accessibilité sur Internet, mise en ligne de l’essentiel en temps et heure) que dans le fond (oui, l’assemblée sert à quelque chose). Même si parfois, je dois dire que je suis agacé par la virulence de certains débats et propos. Je suis interpellé par le ton, le mercredi pour les questions au gouvernement. Si nos enfants faisaient cela à l’école, ils auraient quelques ennuis. Mais cela doit être le jeu.
    Et je ne peux pas finir la distribution de bonne note sans citer le conseil constitutionnel, bien sûr. (+++)
  • Les associations des professionnels de la profession : autres grands perdants tant elles nous ont démontré une capacité de réflexion et d’anticipation à l’égale inverse de leur capacité de lobbying au ministère de la culture. (—-) Ceci dit, on a gagné, comme le dirait la Ministre, sur le plan de l’éducation. On connaît maintenant leur nom. (+) Je suis un inculte (ou plutôt, je n’ai pas le même culte) et je m’en excuse, mais je ne savais même pas que la Société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques existait et avait un quelconque rapport avec la musique ou même un poids économique et industriel.
  • Les “intermédiaires” de facto : les opérateurs et le secrétariat d’état au numérique : Souvent dans ce rôle, il y a plus de coups à gagner qu’autre chose. Alors, un seul mot me vient à l’esprit pour tenter d’en faire et surtout de faire court : Olé
    Les associations professionnelles se sont activées, de façon presque aussi feutrée et mesurée, que notre secrétariat d’état au numérique.
    Ils sont dans l’après Hadopi /-)
    Je rappelle que pour moi l’après Hadopi s’appelle : LOPPSI et LICENCE GLOBALE et qu’il va falloir aider nos députés /-)
  • L’Internet : il a encore pris beaucoup de coups et en ressort encore une fois vainqueur. Je le répète depuis 20 ans, rien ne peut empêcher un mouvement USER CENTRIC quand il est mené dans le sens de l’intérêt général. (+++)
    Face aux mouvements, aux tiraillements de toute part, on commence à comprendre que ce formidable réseau est bien plus porteur de valeur et de progrès que, tout ceux qui ne voient qu’un réseau de diffusion, le disent. L’Internet ne peut pas s’éteindre, se verrouiller, se posséder : Internet c’est nous, avec toutes nos ambiguïtés, nos défauts et nos qualités. Internet, c’est NOUS TOUS et c’est pour cela que c’est compliqué et si passionnant. Internet, ce n’est pas le “triple play”, c’est juste une partie. (if it isn’t open, it isn’t the Internet).
  • Les internautes indélicats : là je dis bravo car 1/ ces discussions ont fini de les convaincre de continuer et surtout 2/ le résultat les conforte dans cette idée. En fait, ils ne sont pas contre les artistes, mais contre l’image que nous ont montrés les maisons de disque et leurs amis et j’ai bien peur qu’ils ne soient encore plus virulents, tant la charge à été dure. (–) L’effet éducation ? Bel et bien raté.
  • Les internautes en général : ne peuvent pas ne pas être au courant du sujet maintenant, grâce à toutes les péripéties (affaire des rideaux …), mais je doute que la prise de conscience attendue soit faite. Pire même, les hésitants ont pu se radicaliser. (-)
    Tous les autres vont découvrir les bienfaits de Spotify (la publicité pour Deezer a été suffisamment faite par le ministère de la culture pour que je ne m’en occupe moi aussi). Maintenant vont-ils avoir l’étendue de l’offre, le choix ET LA QUALITE ?
    Rien n’est moins sûr. Mais on peut parier que les majors et la cohorte d’associations satellitaires finiront, un jour, par “penser numérique” et “bénéfices utilisateurs et artistes”. Ceci dit, nous avons (peut être) gagné à ce que l’accès à l’Internet soit maintenant considéré comme quelque chose d’un peu supérieur à un tuyau ou à un réseau de diffusion de contenu piraté, la prise de conscience est en cours ! (++)

L’important est que la France ne s’enfonce pas dans l’erreur et le passé.

Beaucoup de monde nous regarde.
Tout ce débat prouve que nos institutions fonctionnent et qu’il y a des gens debout ici, pour défendre leurs opinions et leur sens du bien public.

C’est le plus important après tout !

Article paru à l’orignine sur le blog de Jean-Michel Planche

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Hadopi censurée : ce n’est qu’un début, continuons le combat http://owni.fr/2009/06/10/hadopi-censuree-ce-nest-quun-debut-continuons-le-combat/ http://owni.fr/2009/06/10/hadopi-censuree-ce-nest-quun-debut-continuons-le-combat/#comments Wed, 10 Jun 2009 16:35:03 +0000 Guillaume Ledit http://owni.fr/?p=1524 La nouvelle est tombée aux alentours de 16h00 et a déferlé sur Twitter.

« La liberté de communication et d’expression, énoncée à l’article 11 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, fait l’objet d’une constante jurisprudence protectrice par le Conseil constitutionnel […] Cette liberté implique aujourd’hui, eu égard au développement généralisé d’internet et à son importance pour la participation à la vie démocratique et à l’expression des idées et des opinions, la liberté d’accéder à ces services de communication au public en ligne ».

A lire ailleurs : Numerama, Le texte du conseil conseil constitutionel, Eco89Le Monde, Le Figaro et, bien entendu, le communiqué de Christine /-)

Comme on dit sur Skyblog, “lachez vos comms” (on fera des billets plus construits plus tard)

Le mot de la fin à Patrick Bloche : “J’exulte !”

NB : Pour fêter ça les gus, on se retrouve lundi pour la soirée concert à l’International !

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