OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 « Kuća, poso », le buzz du blues de la diaspora balkanique http://owni.fr/2010/11/12/%c2%ab%c2%a0kuca-poso%c2%a0%c2%bb-le-buzz-du-blues-de-la-diaspora-balkanique/ http://owni.fr/2010/11/12/%c2%ab%c2%a0kuca-poso%c2%a0%c2%bb-le-buzz-du-blues-de-la-diaspora-balkanique/#comments Fri, 12 Nov 2010 16:18:10 +0000 Filip Stojanovski (trad. Sylvie Lerallu) http://owni.fr/?p=35461 Article publié initialement sur :
sous le titre Balkans : Le succès d’une chanson en ligne décrit l’état d’esprit de la diaspora.

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En avril, la chanson qui a eu le plus de succès sur la toile auprès des ressortissants de l’ex-Yougoslavie, et en particulier dans leur diaspora, a été « Kuća, poso » (en français « Maison, boulot ») par celui que l’on nomme dans ce public la « star du Canada et des États-Unis », Ekrem Jevrić Gospoda, originaire de la région Plav-Gusinje [en français] au Monténégro.

Ici je vis dans la ville de New York
j’y vis et j’y travaille, mais surtout j’y travaille
Maison, boulot
Maison, boulot
Boulot, maison
Voici ce que je sais
Je ne sais rien
Et où puis-je savoir

Oh New York, que les ténèbres te tuent
Parce que tu as laissé une femme diriger
Tu recelles des tas et des tas de chiens
Beaucoup de béton
Et des bataillons de femmes marchent dans les rues

Mais New York deviens une ville de lumière
Débarrasse-toi des femmes qui travaillent
Elles ont perdu les enfants, le plus important des trésors
Hey New York, toi ville formidable

Cliquer ici pour voir la vidéo.

La version officielle de la vidéo a été regardée plus de 1.8 million de fois sur YouTube dans le mois qui a suivi sa sortie, atteignant un total de plus de 2.3 millions si l’on compte les différentes versions, copies et remix.

Par comparaison, la vidéo officielle de la chanson sur la ville de New York Empire state of mind, de Jay-Zet Alicia Keys, qui fût un succès mondial, a été regardée 39 millions de fois dans les six mois après sa sortie – une moyenne de 7 millions par mois.

Un mème relayé par les réseaux sociaux à travers tous les Balkans

Les utilisateurs de Facebook et Twitter des pays de l’ex-Yougoslavie ont fait circuler le lien (comme en Slovénie, en Slovénie et en Macédoine), faisant du titre de la chanson un mème. Le titre de la chanson est une expression familière et ordinaire qui désigne la routine incessante du travail quotidien dans une vie dépourvue de sens. Le groupe de Sarajevo Zabranjeno Pušenje (« Interdit de fumer » en français) l’utilisa en 1999 dans sa chanson « Pos’o, kuća, birtija » (en français « Boulot, maison, bar ») à propos d’une vie morne, gâchée après un amour perdu.

On pourrait objecter que la chanson a des connotations misogynes, mais elle exprime aussi l’angoisse existentielle ressentie par les immigrants nostalgiques ou les travailleurs immigrés qui ne connaissent ni Camus ni Socrates [en français]. Lors de son premier concert, l’auteur a dit qu’il avait écrit la chanson pour expliquer à son peuple des choses que les Américains ne pouvaient pas comprendre.

Le style d’interprétation et l’apparence unique du chanteur ont provoqué différents types de réactions, qui vont des louanges aux insultes - comme des comparaisons avec les hurlements de Croc-Blanc dans un commentaire à propos de la vidéo officielle - et jusqu’à l’attribution du surnom de « Borat des Balkans » dans une copie d’un reportage vidéo [en croate] fait lors d’un concert à Queens.

Pendant ce concert, M. Jevrić a chanté en première partie de la star lascive d’un autre genre de musique, le turbo-folk bosnien : Selma Bajrami. Sur Youtube,  MegaMotika écrit dans un commentaire à propos de cette vidéo :

Cet homme est vraiment une star : tout le monde ne peut pas atteindre 1.5 million de visiteurs en 15 jours. Il est devenu célèbre et le fait que tout le monde en rit est une autre histoire. Cet homme est un as du showbiz.

Cette toute nouvelle célébrité a généré des bénéfices palpables : dans cette vidéo, on peut le voir recevant des honoraires en  liquide.  Mais elle ne contient pas de déclaration directe de la part du chanteur – il aurait demandé 1000 dollars US pour une interview.  Le surnom de Gospoda signifie « noblesse ».

Photo : copie écran Youtube, Mala Melina.

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http://owni.fr/2010/11/12/%c2%ab%c2%a0kuca-poso%c2%a0%c2%bb-le-buzz-du-blues-de-la-diaspora-balkanique/feed/ 3
Sur le web, l’insurrection qui baille http://owni.fr/2010/09/24/sur-le-web-linsurrection-qui-baille/ http://owni.fr/2010/09/24/sur-le-web-linsurrection-qui-baille/#comments Fri, 24 Sep 2010 14:59:37 +0000 Olivier Tesquet http://owni.fr/?p=29396 Avant, pour participer à une campagne anti-establishment, on apposait son paraphe au bas d’une pétition qui circulait de main en main. On boycottait des produits Nestlé. On marchait avec Martin Luther King sur le National Mall de Washington D.C. Parfois, au nom d’une cause un peu floue, on tombait dans la violence aveugle, comme pendant les émeutes de 1992 à Los Angeles. Aujourd’hui, ces manifestations de la lutte sont entrées dans la pop culture et les livres d’histoire, et tout le monde est sur Facebook.

Le rapport?

Si notre capacité d’indignation est intacte (c’est le substrat de l’action politique), nous sommes devenus fainéants, tant et si bien que les anglo-saxons ont inventé un terme pour caractériser ce militantisme aux doigts gourds: slacktivism. Contraction de slacker (flemmard, mais aussi déserteur dans le jargon militaire) et d’activism, ce mot valise désigne toutes les intentions nobles qui fleurissent sur le web, des groupes de soutien sur FB aux avatars détourés et colorés en vert – pendant les émeutes en Iran de 2009 – en passant par les hashtags humanistes sur Twitter.

Leur dénominateur commun: un impact proche de zéro.

Soit des révolutionnaires de velours plus proches de la douceur du capiton que de Vaclav Havel. A force d’exiger d’un réseau commercial et mondialisé des compétences qui n’entrent pas dans ses prérogatives, bon nombre de militants retournent leurs critiques contre l’outil, dans ce qui ressemble à un syndrome de Stockholm inversé. Ces dernières semaines, plusieurs militants ont vivement exprimé leur mécontentement vis-à-vis de Facebook, après avoir vu leurs pages supprimées. Parmi eux, des activistes qui partaient en guerre contre la politique homophobe du géant de la distribution Target, mais aussi le groupe de soutien à Bradley Manning, le soldat américain suspecté d’avoir fourni à WikiLeaks des milliers de documents confidentiels. La plateforme de Julian Assange s’est souvent montrée suspicieuse à l’encontre du réseau de Mark Zuckerberg, et cette fois-ci, les administrateurs du groupe de soutien “officiel” à Manning se plaignent de ne plus pouvoir poster informations et liens sur le mur, qui rassemble quelques 10 000 “membres”. Avant de parler de conspiration, il serait peut-être temps de pondérer la croyance populaire selon laquelle le web 2.0 est un vecteur du bien-être social dans le monde réel.

Sauvez les dauphins

Interrogées par Politico, les équipes de modération de Facebook affirment que ces groupes violent les conditions d’utilisation du site parce qu’ils ne représentent ni des personnes physiques, ni des organisations réelles. Soit. Pendant l’été, déjà, un comité de soutien aux réfugiés palestiniens avait découvert que son intitulé comportait un terme soumis au filtrage… le mot “Palestine”. Dans la foulée, ils avaient reçu ce message:

“Notre système automatisé n’autorise pas le nom ‘Palestinian Refugee ResearchNet’. Il est susceptible de violer nos conditions d’utilisation, ou de contenir un terme bloqué pour éviter la création de pages officieuses ou non autorisées.”

Au même moment, c’est la très populaire page “Boycott BP”, forte de 750 000 membres, qui avait été supprimée “par erreur”, avant d’être rétablie, parce qu’elle “ne violait pas” les mêmes conditions d’utilisation. Selon Politico, “un porte-parole de Facebook a confirmé que le site ne vérifiait l’identité de l’administrateur d’une page qu’à partir d’une certaine taille, qu’il a refusé de spécifier”. Faut-il alors penser que l’impact politique des médias sociaux ne se révèle qu’à partir d’un certain seuil, en dessous duquel les messages sont condamnés à flotter dans le néant comme autant de bouteilles à la mer?

Ne nous y trompons pas, il est beaucoup plus facile de collecter des dons pour sauver les dauphins de la Mer du Japon que pour mener la fronde contre un géant de l’industrie. Pas (uniquement) parce qu’une entreprise comme Facebook est vendue au grand capital (même si elle n’est pas encore côtée au NASDAQ), mais aussi (et surtout) parce que les campagnes politiques aux bords plus francs (et plus polémiques) s’accommodent assez mal du slacktivism évoqué plus haut. Même quand la procédure se limite à cliquer sur un bouton “like”.

le mythe de la décentralisation

La question de la miscibilité des slogans dans les médias sociaux a déjà été posée. Des centaines de fois. C’est la raison pour laquelle il faut prendre le problème dans l’autre sens. Pour la chercheuse danah boyd, “Facebook essaie de devenir un service public”, au même titre que l’eau ou l’électricité, ce qui valide la thèse de sa régulation. Quand Jillian C. York, collaboratrice de l’OpenNet Initiative, évoque la “régulation du contenu dans la sphère semi-publique”, on touche au point clivant: l’environnement normé de Facebook (ses termes d’utilisation comptent plus de signes que la constitution américaine) l’a transformé en société civile muette, ou la parole se limite à la recherche du consensus.

Dans ces conditions, on peut légitimement s’interroger sur la place dévolue à des réseaux décentralisés tels que Diaspora, tout en se remémorant que la notion a été fragilisée, ironie du sort, par le premier réseau social décentralisé (à ses débuts): Facebook. Sans enterrer Diaspora dès sa version alpha, il faut se rappeler que le web de 2010 n’a plus grand chose à voir avec les portails grand ouverts de 1995. Aussi libéré des pressions commerciales soit-elle, l’alternative numéro un à Facebook devra évoluer selon les règles d’un écosystème plus large, celui des fournisseurs d’accès à Internet.

Crédit photos: Flickr CC Robin Iversen Rönnlund, Anonymous9000

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http://owni.fr/2010/09/24/sur-le-web-linsurrection-qui-baille/feed/ 7
Quitter Facebook ne sert à rien! http://owni.fr/2010/06/01/quitter-facebook-ne-sert-a-rien/ http://owni.fr/2010/06/01/quitter-facebook-ne-sert-a-rien/#comments Tue, 01 Jun 2010 13:01:38 +0000 danah boyd (trad. Martin Untersinger) http://owni.fr/?p=17131 Je critique Facebook depuis longtemps, et je suis habituée à ce que mes critiques soient mal interprétées. Quand je me suis lamenté sur le développement du News Feed (Fil D’Actualité), beaucoup de gens ont cru que je pensais que la technologie était un échec et que ce ne serait pas populaire. C’était évidemment faux.

Cela m’ennuyait précisément parce que je savais que ce serait populaire, car les gens aiment les ragots et en apprendre plus sur leur prochain, souvent à leur détriment. C’était très perturbateur et quand le livefeed a été lancé, les utilisateurs pouvaient difficilement contrôler la situation efficacement. Facebook a répondu en mettant en place des moyens de contrôle et les gens ont trouvé un moyen d’interagir avec Facebook et le Flux d’Actualité. Mais les utilisateurs ont perdu dans la manœuvre.

La semaine dernière [NdT, cet article a été publié le 23 mai dernier], j’ai formulé différentes critiques vis-à-vis des changements opérés par Facebook, dans la lignée de mon discours au SXSW. Les deux ont été mal interprétés de façon tout à fait fascinante.

Même les agences de presse ont publié des dépêches du genre “Microsoft veut que Facebook soit considéré comme un service” [NdT : nous avons choisi de traduire le terme "commodity" par "service"]. WTF ?

Sérieusement ? Pour info, je ne parle pas au nom de mon employeur [NdT : Danah Boyd est chercheuse au Microsoft Research New England, centre de recherche de Microsoft], et je ne veux pas non plus de régulation : je pense par contre que c’est un phénomène inévitable et je pense qu’on doit faire avec. Oh, et je ne pense pas que la régulation à laquelle nous allons assister va ressembler de quelque manière que ce soit à celle des autres services en ligne.

Je parlais de ce concept parce que c’est comme ça que Facebook se conçoit. Mais clairement, la plupart des gens n’ont pas compris ça. Les mauvaises interprétations sont frustrantes parce qu’elles me donnent l’impression que je fais un mauvais boulot de communication sur ce que je crois important. Pour ça, je présente mes excuses à tous. J’essaierai de faire mieux.

Celant étant dit, j’énumérerais six croyances (idées) que j’ai et que je veux étayer dans ce billet, à la lumière des discussions récentes sur l’opportunité d’un départ de Facebook.

1. Je ne crois pas que les gens vont (ou devraient) quitter Facebook à cause des problèmes de vie privée et de confidentialité.

2. Je ne crois pas que les élites geeks d’Internet qui quittent ostensiblement Facebook vont avoir un impact sur les statistiques de l’entreprise, ils ne sont pas représentatifs et n’étaient de toute façon pas des utilisateurs cruciaux.

3. Je ne crois pas qu’une alternative va émerger dans les 2 à 5 prochaines années et remplacera Facebook de quelque manière que ce soit.

4. Je crois que Facebook va être régulé, et j’aimerais qu’il y ait une discussion ouverte sur ce que cela signifie et quelle forme cela pourrait prendre.

5. Je crois qu’une minorité importante des utilisateurs court des risques à cause des décisions prises par Facebook et je pense que nous devons à ceux qui sont dans cette situation de travailler sur cette question.

6. Je crois que Facebook a besoin dès que possible d’engager un dialogue public avec ses utilisateurs et ceux qui sont concernés (et la FAQ de Elliot Schrage ne compte pas).

Comme je l’ai dit dans mon dernier post, je pense que Facebook joue un rôle central dans la vie de beaucoup et je pense qu’il n’est pas sensé de dire qu’ils devraient “juste partir” si ils ne sont pas contents.

C’est comme dire aux gens qu’ils devraient juste quitter leur appartement si ils ne sont pas satisfaits de leur proprio, quitter leur femme parce qu’ils ne sont mécontents d’une décision ou quitter leur boulot si ils sont mécontents de leur boss. La vie est plus compliquée qu’une série de choix simplifiés et on fait en permanence des décisions calculées, en comparant coûts et bénéfices.

On garde nos boulots, appartements et époux(se) même si c’est le bazar parce qu’on espère rectifier le problème. Et ceux qui ont le plus à gagner de Facebook sont ceux qui sont le moins susceptible d’en partir, même s’ils sont ceux qui ont le plus à y perdre.

Ces dernières semaines, une poignée de membres bien connus de “l’élite digitale” ont fièrement annoncé qu’ils quittaient Facebook. La plupart de ces gens n’étaient pas engagés plus que ça en tant qu’utilisateurs de Facebook. Je dis ça en tant que personne ayant très peu à perdre (à part en termes de recherche) dans un départ de Facebook. Je ne suis pas une utilisatrice représentative. Je partage à peine sur le site, pour tout un tas de raisons personnelles et professionnelles (et parce qu’en fait je n’ai pas de vie). Je ne manquerais à aucun de mes amis si je quittais Facebook. En fait, ils m’en seraient probablement reconnaissants, pour la disparition de mes messages.

Ma décision de partir de Facebook n’aurait quasiment aucun impact sur le réseau. C’est vrai pour la majorité des gens qui sont partis. [NdT : on estime à environ 35 000 le nombre de personnes ayant quitté le réseau social lors du Quit Facebook Day d'hier, soit environ 0,009% des utilisateurs] Au mieux, ils sont des diffuseurs de contenus. Mais les gens ont d’autre moyens de consumer leurs contenus. Donc leur départ ne veut rien dire. Ce n’est pas ces gens que Facebook a peur de perdre.

Les gens ne vont pas quitter Facebook massivement, même si un nouveau service devait émerger. Si c’était suffisant, ils pourraient aller sur Myspace, Orkut, Friendster ou Tribe. Mais ils n’iront pas. Et pas seulement parce que ces sites ne sont plus “cools”. Ils n’iront pas parce qu’ils ont investi dans Facebook et qu’ils espèrent encore que Facebook va agir. Changer de réseau social est coûteux, comme quitter son logement ou son travail, ou partir en général. Plus la relation est profonde, plus il est difficile de s’en aller. Et la relation que Facebook a construit avec beaucoup de ses utilisateurs est très très très profonde.

Quand les coûts de transitions sont élevés, les gens travaillent dur pour changer la situation, pour qu’ils n’aient pas à faire de transition. C’est pourquoi les gens se plaignent et parlent tout haut. Et c’est vraiment important que ceux qui ont le pouvoir écoutent les inquiétudes des gens. La pire chose qu’un pouvoir peut faire, c’est d’ignorer les mécontents, d’attendre que ça passe. C’est une mauvaise idée, pas parce que les gens vont partir, mais parce qu’ils vont se tourner vers un pouvoir supérieur pour les soutenir. C’est pourquoi l’échec de Facebook à prendre en compte ce qu’il se passe appelle à la régulation.

Facebook s’est habitué aux utilisateurs mécontents. Dans “L’effet Facebook“, David Kirkpatrick souligne à quel point Facebook en est venu à attendre de chaque petite modification qu’elle suscite une rebellion interne. Il a décrit comment la plupart des membres du groupe “I AUTOMATICALLY HATE THE NEW FACEBOOK HOME PAGE” [NdT : Je déteste automatiquement la nouvelle page d'accueil de Facebook] étaient des employés de Facebook dont la frustration à l’égard du mécontentement des utilisateurs étaient résumée par la description “I HATE CHANGE AND EVERYTHING ASSOCIATED WITH IT. I WANT EVERYTHING TO REMAIN STATIC THROUGHOUT MY ENTIRE LIFE” [NdT : je déteste le changement et tout ce qui y est associé. Je veux que tout reste pareil pendant toute ma vie].

Kirkpatrick cite Zukerberg:

le plus gros défi va être de guider notre base d’utilisateurs à travers les changements qui doivent continuer...”

Malheureusement, Facebook est devenu si sourd aux plaintes des utilisateurs qu’il ne se rend plus compte de ces dernières.

Ce qui arrive autour de la vie privée n’est pas seulement une réaction violente des utilisateurs. En fait, les utilisateurs sont bien moins dérangés par ce qu’ils se passent que les élites d’Internet. Pourquoi ? Parce que même avec le New York Times écrivant article après article, la plupart des utilisateurs n’ont aucune idée de ce qu’il se trame. Je m’en rends compte à chaque fois que je suis avec des gens qui ne gravitent pas dans mon cercle Internet. Et je réalise qu’ils s’en soucient à chaque fois que je les fais aller dans leurs paramètres de confidentialité.

La rupture entre les utilisateurs moyens et l’élite rend la situation différente et le problème plus complexe. Parce que le problème tient à la transparence d’entreprise, au consentement informé et au choix. Tant que les utilisateurs pensent que leur contenu est privé et n’ont aucune idée d’à quel point il est public, ils ne descendront pas dans la rue.

Le manque de visibilité de telles question est à l’avantage de Facebook. Mais ce n’est pas à l’avantage de l’utilisateur. C’est précisément pourquoi je pense qu’il est important que la techno-élite, les blogueurs et les journalistes continuent de couvrir le sujet. Parce que c’est important que la plupart des gens soient conscients de ce qu’il se passe. Malheureusement, bien sûr, on doit aussi prendre en compte le fait que la plupart des gens qui se font avoir ne parlent pas Anglais et ne savent même pas que cette discussion a lieu. A plus forte raison quand les paramètres de confidentialités sont expliqués en Anglais.

En expliquant les attitudes de Zuckerberg vis-à-vis de la transparence, Kirkpatrick met en lumière une des faiblesses de sa philosophie : Zuckerberg ne sait pas comment traiter les conséquences négatives (et dans sa tête, inévitables) de la transparence. Comme toujours, et c’est typique dans l’écosystème web américain, la plupart des discussions à propos de la surveillance se concentrent sur la gouvernance.

Mais Kirkpatrick souligne une autre conséquence de la surveillance avec un exemple qui me fait froid dans le dos: “quand un père en Arabie Saoudite a surpris sa fille en train d’échanger avec des hommes sur Facebook, il l’a tué.

C’est précisément le type de conséquences inattendues qui me poussent à m’exprimer à haute voix même si je suis assez privilégiée pour ne pas encourir de tels risques. Statistiquement, la mort est une conséquence peu probable de la surveillance.

Mais il y a beaucoup d’autres d’effets collatéraux qui sont plus fréquents et aussi dérangeant: perdre son travail, son assurance santé, ses droits parentaux, ses relations…etc. Parfois, ces pertes surviennent parce que la visibilité rendent les gens plus responsables. Mais parfois cela arrive à cause d’une mauvaise interprétation et/ou d’une réaction excessive. Et les exemples continuent d’affluer.

Je suis complètement en faveur des gens qui construisent ce qu’ils concoivent comme des alternatives à Facebook. J’ai même investi dans Diaspora [NdT : projet de réseau social alternatif, libre et décentralisé que les internautes peuvent financer, dans lequel Zuckerberg aurait également investi] parce que je suis curieuse de voir ce qui va sortir de ce système. Mais je ne crois pas que Diaspora va tuer Facebook. Je crois qu’il y a la possibilité pour Diaspora de faire quelque chose d’intéressant, de jouer un rôle différent dans l’écosystème et j’attends avec impatience de voir ce qu’ils développent. Je suis également curieuse de voir le futur des systèmes basés sur le peer-to-peer vis-à-vis du le cloud-computing même si je ne suis pas convaincue que cette décentralisation soit la solution à tous les problèmes.

Je ne pense pas que la plupart des utilisateurs tout autour de la planète vont trouver une solution décentralisée qui vaille le désagrément d’un départ de Facebook. L’analyse coûts/bénéfices ne joue pas en leur faveur. Je m’inquiète également que des systèmes comme Diaspora puissent être rapidement utilisés pour la pédophilie ou d’autres usages problématiques, qui tendent à émerger quand il n’y a pas de système de contrôle centralisé. Mais l’innovation est importante et je suis excitée qu’un groupe de passionnés aient la chance de voir où est-ce qu’ils peuvent aller. Et peut-être que ce sera plus fabuleux que tout ce qu’on peut imaginer, mais je parie beaucoup d’argent que ça n’égratignera même pas Facebook. Les alternatives ne sont pas la question.

Facebook s’est intégré profondément dans l’écosystème, dans le coeur et l’esprit de beaucoup de gens. Ils adorent la technologie, mais ils ne sont pas nécessairement préparés pour là où l’entreprise les emmène. Et alors que je suis complètement pour que les utilisateurs aient les opportunités et le potentiel d’être très visibles, de faire partie d’une société transparente, je ne suis pas d’accord pour les jeter du bateau juste pour voir si ils savent nager. Fondamentalement, mon désaccord avec l’approche de Facebook de ces questions est philosophique. Est-ce que je veux susciter plus d’empathie, plus de tolérance dans une ère globalisée ? Bien sûr. Mais je ne suis pas convaincue qu’une soudaine exposition au monde entier ait cet effet sur les gens, et j’ai honnêtement peur du possible retour de bâton qui pourrait en découler. J’ai peur que cela suscite une forme d’extrémisme qui se manifeste dans le monde aujourd’hui.

Crier à la fin de Facebook ne sert à rien. Et je pense que les gens gaspillent beaucoup d’argent à dire aux autres de partir ou de boycotter le site. Agir de la sorte ne sert à rien. Cela donne juste l’impression que nous autres technophiles vivons sur une autre planète. Ce qui est le cas.

A la place, je pense que nous devrions tous travailler pour aider les gens à comprendre ce qui se passe. J’adore utiliser Reclaim Privacy pour vadrouiller dans les paramètres de confidentialité avec les gens. Pendant que vous aidez votre famille et vos amis à comprendre leur réglages, parlez avec eux et enregistrez leurs histoires. Je veux entendre celles des utilisateurs moyens, leurs peurs, leurs passions. Je veux entendre ce que la vie privée veut dire pour eux et pourquoi ils s’en soucient. Je veux entendre les bon et le mauvais côté de la visibilté et les problèmes induits par l’exposition publique. Et je veux que les gens de Facebook écoutent. Pas parce que c’est une nouvelle rebellion d’utilisateurs, mais parce que les décisions de Facebook affectent un très grand nombre de gens. Et nous nous devons de faire entendre ces voix.

Je veux aussi que les élites du web réfléchissent profondément au rôle que la régulation pourrait jouer et quelles pourraient en être les conséquences pour nous tous. En pensant à la régulation, il faut toujours garder à l’esprit les arguments de Larry Lessig dans “Code“.

Larry défendait l’idée qu’il y a quatre niveaux de régulation du changement: le marché, la loi, les normes sociales et l’architecture (ici le code). L’argument de Facebook est que les normes sociales ont changé tellement radicalement que tout ce qu’ils font avec le code, c’est de s’aligner avec la position des gens (et de manière pratique, avec le marché). Je leur objecterais qu’il se méprennent sur les normes sociales, mais il n’y a pas de doute que le marché et le code vont dans leur sens. C’est précisément pourquoi je pense que la loi va avoir un rôle à jouer et que les régulateurs légaux ne partagent pas l’at

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http://owni.fr/2010/06/01/quitter-facebook-ne-sert-a-rien/feed/ 11
Vers un Facebook respectueux ? http://owni.fr/2010/05/17/vers-un-facebook-respectueux/ http://owni.fr/2010/05/17/vers-un-facebook-respectueux/#comments Mon, 17 May 2010 08:29:40 +0000 Damien Van Achter http://owni.fr/?p=15638

Titre original :

Vers un “Open” Facebook, décentralisé et respectueux ?

Si les utilisateurs lambda de Facebook n’ont sans doute pas d’idée très précise des conséquences de la “publicité par défaut” de leur données personnelles, les acteurs clés du secteur perçoivent quant à eux très bien l’extraordinaire potentiel commercial de l’exploitation de ces informations. S’il n’a pas fallut attendre internet pour savoir que la constitution de bases de données était une activité marketingement très rentable, celles en constitution auprès du service commercial de Facebook sont à la hauteur des attentes de ses actionnaires: Huge !

Day 68 | Open Up , by hannabear (Flickr)

Avec son quasi demi-milliard d’utilisateurs, Facebook est-il donc devenu incontournable ? Oui, et non. Oui car on ne peut ignorer l’extraordinaire effet de propagation à l’œuvre lorsque ce sont vos pairs (aka “vos amis”) qui vous transmettent des informations (fussent-elles aussi triviales que “j’aime le petit short rose de Miley Sirus”).

La circulation des liens via les diverses méthodes de partage (dont les nouveaux plugins) draine un trafic bottom-up conséquent et génère des milliers de clics sur la boutique qui vend le petit short rose en question. Pour certains, Facebook a d’ailleurs supplanté Google en terme de source de trafic, c’est dire si pour les producteurs de contenus et pour les marchands (au sens large), snobber Facebook revient à se couper littéralement un bras.

Sauf que. Sur le web, les notions de confiance et de respect sont au centre des relations que les internautes nouent entre eux et que, par définition, ces valeurs ne relèvent pas de la sphère marchande. Et les prendre pour des “crétins d’enculés” n’arrangera pas les choses.

Dans un monde devenu plat et sans frontières, quand des services comme Facebook (ou Twitter), sous prétexte qu’il sont gratuits, tendent progressivement à falsifier la qualité des échanges entre individus en s’appropriant non seulement le vecteur de la communication mais le contenu de la communication elle-même, les entités connectées réagissent instinctivement pour retrouver un point d’équilibre.

Certains suppriment donc simplement leur compte Facebook (comme Leo Laporte et quelques autres). D’autres s’en offusquent (l’Europe, par exemple) ou proposent des solutions PR à court terme (cfr. la lettre ouverte de Scoble à Zuckerberg). D’autres enfin innovent et proposent des alternatives qui pourraient bien marquer un tournant dans l’usage des réseaux sociaux.

Pourquoi en effet ne pas imaginer que l’individu connecté devienne sa propre base de données à partir de laquelle il décide de ce qu’il rend public ou non, de ce qu’il viralise à travers 1 ou des dizaines de propulseurs que sont les réseaux comme Facebook et Twitter ? Unifier en quelque sorte les multiples identités numériques que nous nous construisons en un seul et même nœud dont le “moi, je” serait le seul et unique propriétaire. Libre ensuite de fabriquer des “copies” des informations qui m’appartiennent et de les distribuer sur les réseaux.

En résumé, donner à Facebook l’unique exemplaire d’une photo, d’une vidéo ou d’un article, cela revient, pour une banque, à donner l’unique master de son billet de 100$. Cette banque (de données, par analogie avec l’individu connecté) serait bien plus avisé de conserver ce master dans son coffre, d’en faire des copies, et ensuite de faire fonctionner la planche à billets pour multiplier la richesse …

Chaque internaute va-t-il donc devoir s’acheter son propre serveur et l’installer dans sa cave (où, si on pousse le raisonnement un chouia plus loin, sur une puce greffée dans son cerveau :-P ) pour être certain de ne plus dépendre de personne pour conserver la confidentialité et la pérennité de ses données numériques ? Si cela reste sans doute à l’heure actuelle le meilleur moyen de s’en assurer, des initiatives propres à “rééquilibrer” le rapport de force entre l’individu et tous les Facebook-like sont en train de voir le jour.

Ainsi, Diaspora, un projet mené par des étudiants new-yorkais, vient-il de récolter 172.000$ [et ça monte encore] pour financer un réseau social distribué. Comme le souligne Wired, c’est un montant digne d’un premier tour de table auprès de Business Angel, sauf qu’ici c’est auprès du public que l’argent a été “crowdfundé”. A l’origine de celui-ci, un Eben Moglen, également fondateur du centre “Software Freedom Law”, dans lequel il fustigeait Mark Zuckerberg, le fondateur de Facebook, d’avoir “fait plus de tord à l’humanité que quiconque au même âge“.

OneSocialWeb, un autre projet, porté par un Belge, Laurent Eschenauer, au sein de l’entreprise Vodafone, pourrait lui aussi apporter une réponse à cette nécessaire réappropriation par l’individu de ses identités et de ses conversations en ligne. Présenté pour la première fois en février dernier lors du Fosdem à Bruxelles. OneSocialWeb s’appuie sur le protocole ouvert XMPP (le même que celui utilisé par Google dans Wave) pour permettre aux utilisateurs de distribuer leurs informations (photos, vidéos, textes) en gardant la main sur les “originaux”. Soit vous hébergez le tout sur votre ordinateur, soit sur un serveur distant (dans “les nuages”), mais en tout état de cause, vous en restez propriétaires.

Libre à vous ensuite d’en distribuer des copies sur Facebook, Twitter, etc .

Plus d’infos à propos de Diaspora sur Techcrunch.

OneSocialWeb, en vidéo ci-dessous

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Article initialement publié sur Blogging The News

Illustration page d’accueil CC Flickr par Global X

Mise à jour 17/05 10:39: Augmentation des fonds récoltés, qui s’élèvent à présent à 172.000$ contre $115k lors de la rédaction de l’article.

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http://owni.fr/2010/05/17/vers-un-facebook-respectueux/feed/ 4