OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 D’où vient l’argent de WikiLeaks? http://owni.fr/2011/05/01/dou-vient-largent-de-wikileaks/ http://owni.fr/2011/05/01/dou-vient-largent-de-wikileaks/#comments Sun, 01 May 2011 10:00:26 +0000 Olivier Tesquet http://owni.fr/?p=60312 Annoncé depuis des semaines, pour ne pas dire des mois, le fameux rapport financier (PDF, en) sur les finances de WikiLeaks en 2010 vient de sortir. Fourni par la Wau Holland Foundation, la structure allemande proche du Chaos Computer Club qui permet à l’organisation d’Assange de lever des fonds, il quantifie les dons et fournit les premières pistes d’analyse.

Ironiquement intitulé “Enduring Freedom of Information” (en référence à la fameuse opération militaire américaine en Afghanistan), le document de six pages met d’abord en lumière un premier chiffre saillant, celui des recettes: WikiLeaks a recueilli plus d’1,3 millions d’euros de dons l’année dernière, équitablement répartis entre les versements bancaires et les “cotisations” via Paypal.

On est bien loin du fundraising industriel de Barack Obama lors de la dernière campagne présidentielle américaine (il avait amassé 750 millions de dollars), mais assez proche des dons faits aux ONG de premier plan: en 2009, Médecins Sans Frontières a encaissé 3,3 millions d’euros de dons (PDF). Pourtant, WikiLeaks est une organisation beaucoup plus volatile, sans adhérents officiels. Conséquence directe de cette agilité, le site n’a utilisé que 30% (400 000 euros) de cette manne pour ses frais de fonctionnement.

Le compteur du fundraising (en millions d'euros)

La raison? Pas de locaux, une équipe réduite, et une communication “commando” orchestrée de façon virale. En elles-mêmes, les quatre “opérations” menées en 2010 ont coûté 140 000 euros, un prix assez dérisoire au regard de leur prééminence dans l’agenda médiatique. Seul regret: l’absence de détails au chapitre “rémunérations”. On apprend que WikiLeaks a payé 104 000 euros à ses “salariés”, sans que leur nombre soit précisé. “Seuls quelques chefs de projet et activistes ont été rémunérés régulièrement sur la base de factures”, peut-on lire dans un jargon d’autoentrepreneur.

Autre point très brièvement évoqué, celui qui concerne le volet judiciaire. Le site concède 33 000 euros en “conseil légal”, tout en précisant que ce chiffre (au demeurant assez faible quand on connaît la propension de WikiLeaks à utiliser ce levier pour recueillir de nouveaux dons) ne recouvre pas les affaires individuelles. En d’autres termes, l’affaire de mœurs dans laquelle est impliqué Julian Assange n’entre pas dans le budget de l’organisation.

Le poids de “Collateral Murder”

Alors qu’un grand jury américain pourrait finalement constituer un dossier afin de poursuivre l’organisation pour infraction à l’Espionage Act de 1917, ce premier bilan comptable vient éclairer deux tendances lourdes.

La première, c’est le poids de la vidéo Collateral Murder, qui montrait la bavure d’un hélicoptère Apache en Irak. Publiée en avril 2010, ce fait d’armes a apporté une notoriété mondiale à WikiLeaks, qui se traduit dans les dons. Ces quelques minutes postées sur YouTube ont rapporté près de 300 000 euros à l’organisation, 6 fois plus que les dizaines de milliers de Warlogs afghans et 8 fois plus que les rapports de situation irakiens. In fine, seul le Cablegate et le feuilleton médiatique de ses mémos diplomatiques sur plusieurs semaines a permis de lever davantage de fonds, environ 500 000 euros.

Moralité de cet échelonnement, les initiatives qui permettent de souder la communauté des sympathisants ont moins à voir avec la quantité de documents qu’avec leur mode de diffusion et les retombées médiatiques dont elles bénéficient. C’est au mois d’avril et au mois de décembre que WikiLeaks a reçu le plus de dons via Paypal (les virements bancaires ne sont pas aussi détaillés), ce qui prouve que leurs soutiens ne donnent pas forcément plus d’argent, mais sont plus nombreux à mettre la main à la poche.

Il faut toutefois se méfier de la déformation indue par ces deux pics. Si la moyenne mensuelle des dons est de 110 000 euros, la médiane est deux fois plus faible, 59 000 euros. Même constat sur le nombre de versements mensuels, puisque la moyenne est de 2146 quand la médiane se situe légèrement sous le seuil des 1500 (1468).

Culture de la transparence

Outre le montant des contributions financières, le rapport de la Wau Holland détaille leur origine géographique, qui met en exergue un véritable enseignement culturel. Ainsi, 61,3% (près de 390 000 euros) des dons viennent de pays à forte culture protestante (Etats-Unis, Royaume-Uni, Allemagne), où la notion de secret et le rapport à la transparence des institutions sont beaucoup plus prégnants que dans les pays catholiques. Comme l’énonçait notre journaliste Guillaume Dasquié dans un de nos innombrables fils de discussion:

[Le protestantisme] n’entretient pas les mêmes relations avec le caractère secret des affaires publiques, et se montre plus intransigeant dans les rapports entre citoyens et décideurs publics.

A eux seuls, les Etats-Unis – qui sont probablement le premier lieu de débats enflammés autour de WikiLeaks – représentent 34,6% de l’enveloppe globale. Rien d’étonnant dans un pays où le concept d’accountability (littéralement la responsabilité, mais plus généralement l’éthique de la gouvernance) est si forte qu’une administration lui est dédiée: le Government Accountability Office, qui se présente lui-même comme “le chien de garde du Congrès”. Même si son rôle est purement consultatif (j’ai le souvenir d’une rencontre à Washington D.C. avec un fonctionnaire spécialiste de la défense un peu désabusé), son existence est importante.

Bien sûr, cette ligne de force, la plus signifiante, était préexistante à WikiLeaks. Mais elle devrait constituer un terreau favorable au développement de plate-formes du même genre, ce qui prouverait une chose: l’idée pourra survivre à l’outil.

Billet initialement publié sur le datablog d’Owni sous le titre “WikiLeaks par ses finances”

Retrouvez l’ensemble de notre traitement éditorial sur WikiLeaks à cette adresse: wikileaks.owni.fr


Crédits photo: Wau Holland Foundation, Abode of Chaos

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ProPublica: journalisme à (très) haut coût, financé par des dons http://owni.fr/2010/11/18/propublica-journalisme-a-tres-haut-cout-finance-par-des-dons/ http://owni.fr/2010/11/18/propublica-journalisme-a-tres-haut-cout-finance-par-des-dons/#comments Thu, 18 Nov 2010 11:00:53 +0000 Benoit Raphaël http://owni.fr/?p=36079 Difficile de parler des nouveaux modèles économiques des médias sans parler de ProPublica.

Même s’il parait difficilement applicable en France, il passionne autant qu’il pose de nombreuses questions.

Son fondateur, Paul Steiger (ancien directeur de la rédaction du Wall Street Journal, ci-contre), était invité aux Assises du journalisme de Strasbourg, hier, où j’étais présent, pour brosser devant un parterre de professionnels et d’étudiants fascinés, un modèle unique au monde.

Fascinant, le modèle de ProPublica l’est forcément : ce pure player américain fait du journalisme d’intérêt général, dans la plus pure tradition de l’investigation à l’américaine. Un journalisme que l’on ne connaît pas, ou peu, en France, où ce que l’on appelle “l’enquête”, se résume bien souvent à donner suite à des informations fournies par des sources intéressées à faire sortir telle ou telle affaire.

Le journalisme de ProPublica coûte cher. “Plusieurs de nos investigations ont nécessité jusqu’à deux ans de travail”, précise Paul Steiger.

L’enquête réalisée sur les hôpitaux de la Nouvelle-Orléans au moment du passage de Katrina, qui a reçu le prix Pulitzer cette année, (une première), a demandé un travail de plusieurs mois et publié sur plus de soixante feuillets, a coûté la bagatelle de 400.000 dollars (300.000 euros), rappelle Rue89.

300.000 euros, des sommes que l’on peut retrouver en télé, où les budgets ne sont pas les mêmes, jamais en presse écrite.

ProPublica, c’est une rédaction de trente-deux journalistes, dont huit prix Pulitzer. Depuis 2008, date de la création du site Internet ProPublica, rappelle le quotidien régional Les dernières Nouvelles d’Alsace le média a réalisé “138 enquêtes publiées dans trente-huit médias différents”. Et ces journalistes sont parfois des techniciens. Car ProPublica fait aussi dans le journalisme de données, c’est-à-dire un journalisme qui recoupe des données disponibles pour les mettre en scène et révéler de nouvelles informations. Par exemple ici, ce travail remarquable sur les labos qui paient les docteurs pour promouvoir leurs médicaments. Les données sont publiées par ProPublica et mises à disposition de toutes les rédactions des États-Unis. Chaque média local a la possibilité de récupérer les données de sa région et d’enquêter pour écrire ses propres histoires autour.  Un journalisme qui implique une hybridation du métier. Être technicien ne suffit pas pour croiser les données, il faut savoir passer des coups de fil, recouper les infos et les contextualiser. “Nos codeurs et analystes data ont beau avoir des diplômes d’ingénieurs, ce sont des journalistes”, rappelle Paul Steiger.

Combien ça coûte ? 10 millions de dollars par an. Le modèle économique ? Il n’y en a pas. Enfin, pas exactement. ProPublica est entièrement financé par des dons. 10 millions de dons par an. 70% en provenance d’un seul donateur, la famille Sandler. Ce qui n’est pas sans poser des questions sur l’indépendance à moyen terme. Ainsi, Paul Steiger cherche-t-il à diversifier ses donateurs.

Conséquence inédite de ce modèle d’intérêt public, ces enquêtes très coûteuses sont publiées en Creative Commons, c’est-à-dire qu’elles peuvent être reprises ou ré-exploitées par d’autres médias (sélectionnés par ProPublica).

Aux États-Unis, le système du mécénat par les fondations est très répandu. Difficile à imaginer en France. Chez nous, c’est plutôt le modèle de l’aide de l’État qui prime. Ce qui ne favorise ni le dynamisme, ni ce genre d’initiative.

Selon Paul Steiger, en dehors des dons, “il n’y a pas de modèle économique pour le journalisme d’investigation à (très) haut coût”. Il est pourtant indispensable au fonctionnement d’une démocratie. À méditer.

Billet initialement publié sur La Social NewsRoom

Image CC Flickr BillRhodesPhoto et luca.sartoni

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Humanitaire: comment cibler de nouvelles générations de donateurs? http://owni.fr/2010/10/10/humanitaire-comment-cibler-de-nouvelles-generations-de-donateurs/ http://owni.fr/2010/10/10/humanitaire-comment-cibler-de-nouvelles-generations-de-donateurs/#comments Sun, 10 Oct 2010 08:00:36 +0000 IRIN http://owni.fr/?p=30564

DAKAR, 1 octobre 2010 (IRIN) – Les donateurs âgés sont la poule aux œufs d’or des organisations d’aide humanitaire ou d’aide au développement, selon plusieurs organisations non gouvernementales (ONG) avec lesquelles IRIN s’est entretenu ; mais de nombreuses ONG, confrontées au vieillissement de leur base de soutien, ciblent de plus en plus les enfants, les jeunes et les jeunes adultes par le biais du réseautage social et des jeux vidéo.

Les donateurs individuels les plus généreux de l’ONG Action contre la faim (ACF) France, ont entre 65 et 70 ans, selon Nicolas Trombert, directeur par intérim des relations avec les donateurs au siège parisien de l’organisation ; les donateurs de la Croix-Rouge britannique appartiennent à une tranche d’âge semblable ; et ceux de Save the Children ont plus de 50 ans, selon Jeremie Bodin, directeur de la collecte de fonds d’urgence au sein de l’ONG.

Les donateurs âgés sont essentiels pour assurer le fonctionnement des organismes, et sont souvent plus sensibles aux réalités humanitaires, a noté James Kliffen, directeur de la collecte de fonds chez Médecins sans frontières (MSF) Royaume-Uni (UK). « Nombre de nos donateurs [britanniques] les plus âgés ont eux-mêmes connu la guerre… Cela demande beaucoup moins d’efforts pour leur expliquer ce que nous faisons », a-t-il dit à IRIN.

Malgré tout, il ne fait aucun doute que les jeunes d’aujourd’hui seront les donateurs de demain. « Nous nous efforçons d’attirer des donateurs plus jeunes – les jeunes professionnels de 25-30 ans – qui travaillent et souvent, n’ont pas encore d’enfants ; et nous aimerions toucher une cible encore plus jeune, pour que, lorsque ces personnes seront prêtes à faire un don, elles pensent à Save the Children », a dit M. Bodin à IRIN.

Avec les enfants, les jeunes et les jeunes adultes, ce n’est pas uniquement une question d’argent, a néanmoins expliqué Joanna Davies, responsable du développement de la base de soutien et des événements de collecte de fonds chez MSF Royaume-Uni.

Ce n’est pas tant une question de collecte de fonds [avec les jeunes], c’est une question de sensibilisation… et bien évidemment, cela évolue ultérieurement en collecte de fonds.

« Nous devons utiliser leurs outils pour communiquer »

Les organisations humanitaires avec lesquelles IRIN s’est entretenu – le Programme alimentaire mondial (PAM), Save the Children, ACF, Oxfam et MSF-UK – ont évoqué des méthodes traditionnelles de ciblage des enfants et des jeunes : les interventions scolaires ; la création d’outils d’apprentissage à l’attention des enseignants ; la formation de « sociétés étudiantes » dans les universités ; la diffusion de messages lors des festivals de musique ; le marketing de rue ; et l’organisation d’événements, entre autres nombreux exemples.

Les événements, divers et variés, vont des spectacles étudiants à d’autres divertissements plus épuisants : la branche britannique d’ACF organise actuellement le défi « twin peaks », qui aura lieu en novembre et dans le cadre duquel des collecteurs de fonds seront parrainés pour grimper en courant jusqu’au 67ème étage de deux édifices londoniens.

À mesure que le cybermonde se développe, tous disent employer des outils de réseautage social tels que Facebook, Twitter et YouTube pour inciter un public plus jeune à s’intéresser aux questions humanitaires. « Nous devons utiliser leurs outils pour communiquer », a dit M. Bodin.

Les jeux en ligne peuvent permettre de toucher des millions de personnes d’un seul coup : la société indienne d’apprentissage en ligne ZMQ a ainsi créé des jeux simples à répercussions sociales pour téléphones mobiles sur différents thèmes tels que le VIH/SIDA et les effets du changement climatique, et les a envoyés à 64 millions de personnes, a expliqué Asi Burak, co-président de l’ONG Games for Change, qui rassemble des philanthropes, des universitaires, des représentants des autorités publiques, de la société civile et de l’industrie du jeu en vue d’explorer la manière dont les jeux numériques peuvent catalyser le changement social.

Dans la peau d’une famille du Darfour

Par le biais de « jeux sérieux », les organisations humanitaires peuvent sensibiliser le public aux questions humanitaires et à la question du développement, renforcer leurs bases de soutien et collecter des fonds, a dit M. Burak, mais ceux-ci fonctionnent mieux lorsque l’objectif est clairement défini dès la phase de conception. Il est également essentiel de définir le public cible dans la tranche d’âge la plus étroite possible, et d’expliquer clairement le contexte, a-t-il ajouté.

Les utilisateurs apprennent par le biais du jeu de rôles et en affrontant les conséquences de leurs actes, a expliqué M. Burak. Dans Dying for Darfur [Mourir pour le Darfour], les utilisateurs choisissent un membre d’une famille darfourie et doivent lui faire effectuer différentes tâches – par exemple, aller chercher de l’eau – sans être tué, ni enlevé par une milice. Ce jeu Flash en ligne a été joué plusieurs millions de fois depuis sa sortie, en 2006.

Capture d'écran de Against all odds : si le joueur, dans la peau d'un manifestant arrêté, ne répond pas "correctement", il se prend un coup sur la tête.

Le PAM, un des premiers innovateurs dans ce domaine, a créé Food Force (le « premier jeu humanitaire », selon certains) en 2005, pour sensibiliser les utilisateurs à la faim, à la sécurité alimentaire mondiale et à ses opérations.

L’organisme travaille aujourd’hui en collaboration avec la société Zynga – créatrice de FarmVille sur Facebook – pour tenter de recueillir des fonds en faveur de ses programmes mondiaux d’alimentation scolaire. Les joueurs – une cible potentielle de 215 millions de personnes, selon le PAM – cliqueront sur l’icône « WeFeedback » pour découvrir combien de repas scolaires du PAM peuvent être achetés au prix de leur plat favori – par exemple, une salade César au poulet – et pourront ensuite choisir de faire un don.

Zynga a déjà aidé le PAM à recueillir 1,5 million de dollars à la suite du séisme en Haïti, en encourageant les joueurs de Fishville, YoVille, FarmVille et Café World à acheter des produits PAM.

« Les jeux ne sont pas un outil adapté à tout, a dit M. Burak. lls ne doivent pas se substituer aux autres médias, mais les compléter… Comme tout, ils sont un excellent outil lorsqu’ils sont utilisés correctement. »

D’aucuns craignent notamment que le jeu ne soit un moyen inadapté de transmettre des messages complexes notamment sur les enlèvements, les conflits ou l’expérience de réfugié, mais selon M. Burak, il peut, au contraire, être plus efficace. Pour illustrer son propos, celui-ci cite Peacemaker [Le Pacificateur], conçu pour sensibiliser les joueurs au conflit israélo-palestinien. « Les joueurs jouent le rôle de leaders, et doivent négocier avec huit groupes différents… Les utilisateurs ont déclaré que cela les avait aidés à saisir la complexité de la situation bien mieux que les événements isolés dont ils entendent parler aux actualités. »

Quelques jeux humanitaires

Against all odds, un jeu conçu pour les enfants de 12 à 15 ans, fait vivre aux joueurs l’expérience des réfugiés en 12 étapes, de la persécution à la demande d’asile

Dans Ayiti: the cost of life, créé par Youth et GameLab, les joueurs doivent faire vivre une famille haïtienne de cinq, veiller à ce qu’elle reste en bonne santé et à ce qu’elle soit instruite

Hurricane Katrina: tempest in Crescent City, suit les péripéties de héros locaux pendant la catastrophe Katrina, afin de dispenser aux joueurs des enseignements relatifs à la préparation aux catastrophes

Dans Third World farmer, les joueurs doivent gérer une petite ferme virtuelle dans un pays en développement

Dans un jeu créé par la Croix-Rouge, les joueurs suivent une simulation de formation et participent à des opérations d’urgence virtuelles sur le terrain

Wildfire, réalisé par By Implication a récemment remporté le concours étudiant international Imagine Cup, sponsorisé par Microsoft, dans la catégorie Conception de jeux. Le jeu s’inspire des efforts de bénévolat déployés par les Philippins à la suite des inondations provoquées par le passage du typhon Ondoy, à Manille, en 2009.

Nicholas Kristof, chroniqueur du New York Times, crée actuellement, en collaboration avec 54 ONG, un jeu en ligne inspiré du succès de son livre Half the Sky [La Moitié du ciel], sur l’oppression de la femme. Ce projet comprendra également une application pour téléphones mobiles, une émission télévisée et un documentaire en ligne.

Billet initialement publié sur le site de l’IRIN. L’Integrated Regional Information Networks est un projet du Bureau pour la Coordination des Affaires Humanitaires des Nations Unies qui délivre des informations et des analyses dans le secteur de l’humanitaire.

Image CC Flickr RedGlow82

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Quand les utilisateurs de logiciels libres refusent de mettre la main à la poche http://owni.fr/2010/09/14/quand-les-utilisateurs-de-logiciels-libres-refusent-de-mettre-la-main-a-la-poche/ http://owni.fr/2010/09/14/quand-les-utilisateurs-de-logiciels-libres-refusent-de-mettre-la-main-a-la-poche/#comments Tue, 14 Sep 2010 14:27:50 +0000 Philippe Scoffoni http://owni.fr/?p=28097 L’objet de cet article est de nous interroger à nouveau sur les travers de la gratuité et de son association aux logiciels libres, mais par un exemple concret. C’est l’histoire d’Olivier et de son plugin Wats qui vous est ici comptée :

J’ai commencé il y a un an le développement d’un plugin Wordpress pour transformer celui-ci  en système de support technique avec gestion des tickets. En un an, j’ai livré plus de 50 versions et des centaines de correctifs et nouvelles fonctionnalités. En échange, je n’ai reçu que très peu de donations. Régulièrement, des gens demandent de nouvelles fonctions, promettent parfois des dons en retour, mais ne donnent rien au final.

WordPress 3.0 est sorti il y a peu. Je n’avais pas pris le temps de tester et modifier WATS pour fonctionner avec cette nouvelle version et de nombreux utilisateurs ont mis à jour leur Wordpress sans faire attention à la compatibilité. Ils viennent maintenant me réclamer une version compatible au plus vite et bien entendu ne veulent toujours pas faire de dons.

J’ai eu une idée un peu originale : livrer la nouvelle version lorsque j’aurai reçu 500€ de dons. Il y a plus de 250 sites qui utilisent le plugin dont des entreprises. 500€ de dons, ce n’est donc pas grand-chose au regard des centaines d’heures passées jusqu’à présent pour développer le plugin.

J’ai suggéré à ceux qui me pressuraient pour livrer une version compatible avec Wordpress 3.0 de faire des dons. Je m’engageais à envoyer la nouvelle version à tous les utilisateurs faisant un don d’au moins 10€ . J’ai eu quelques dons. Une grosse dizaine en un peu plus de deux mois.

Ce qui a joué en ma faveur et forcé certains à donner, c’est que la version disponible sur wordpress.org n’était pas compatible avec wordpress 3.0 à cause de gros changements dans le core de WP. Du coup, ceux qui voulaient une version compatible ont dû faire un geste. En retour, je leur fournissais une version mise à jour (sachant qu’entre temps, j’avais aussi ajouté quelques fonctionnalités sympas).

Quels enseignements tirer de cette histoire ?

Tout d’abord que beaucoup d’utilisateurs de logiciels libres ignorent qu’ils ont à faire à des amateurs ou des personnes dont le support et le développement ne sont pas le métier principal. Ce sont souvent des passionnés.

Dans le cas présent, parmi les utilisateurs, nous avions à faire à des entreprises. Que représente 500€ pour une entreprise quand on sait que certains consultants spécialisés se facturent plus de 800€HT la journée. Tarif que bien des entreprises paient sans sourciller.

Évidemment, toutes les entreprises ne roulent pas sur l’or et certaines sont contraintes pour joindre les deux bouts d’utiliser des logiciels qu’elles ne paient pas. On notera au passage qu’il s’agit bien souvent de logiciels non libres.

C’est là toute la difficulté : faire payer ceux qui le peuvent. C’est possible, mais au prix d’un contrôle qui peut-être difficile à mettre en œuvre. C’est un peu la quadrature du cercle qui peut laisser penser certains qu’il ne faut alors rien faire et que la gratuité doit donc s’imposer.

Pourtant, il n’y a pas de fatalité. En France, les statuts comme ceux des associations sont facilement accessibles. Placer un logiciel libre dans le cadre d’une association peut procurer bien des avantages. Ce statut offre des déductions fiscales pour les donateurs. Une démarche qui demande cependant à faire reconnaître par l’administration fiscale l’association comme d’intérêt général. Difficile aussi pour le développeur de tirer des revenus de cette association. Idéalement celle-ci doit être portée par la communauté des utilisateurs qui pourrait alors “payer” le développeur (extérieur à l’association) pour réaliser des évolutions.

Une idée que je jette comme cela sans avoir trop étudié les tenants et aboutissants. Je me base sur le modèle des AMAP qui soutiennent des producteurs locaux par les achats des membres de l’association. On pourrait appeler cela des AMIL : Association de Maintient de l’Informatique Libre. Un contrat entre des utilisateurs et le ou les créateurs d’un logiciel libre. Mais j’invente peut-être le fil à couper le beurre!

Dommage aussi que des entreprises comme WordPress ne fassent rien pour ces milliers de développeurs. Nous passons tous par sa plate-forme et nous ne sommes même pas sollicités avant de télécharger un plugin pour faire un don. A charge pour le développeur d’introduire un bouton de don (Paypal toujours…) dans l’interface d’administration.

Je sais, le sujet délicat et je vous demanderais de ne pas porter de jugement ad hominem à l’encontre d’Olivier. Il s’agit ici de s’interroger sur des pratiques et de discuter ensemble des solutions.

Illustrations FlickR : Nils Geylen, bitzcelt

Article initialement publié sur le blog de Philippe Scoffoni

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Ouvrez vos données, devenez une organisation-plateforme http://owni.fr/2010/08/11/ouvrez-vos-donnees-devenez-une-organisation-plateforme/ http://owni.fr/2010/08/11/ouvrez-vos-donnees-devenez-une-organisation-plateforme/#comments Wed, 11 Aug 2010 16:28:42 +0000 Tanja Aitamurto http://owni.fr/?p=23994 Les organisations à but non-lucratif [NdT: "non-profit" en anglais] font face à des défis similaires aux autres organisations : les vieilles structures ne fonctionnent pas à notre époque,  et les nouvelles restent encore à trouver.

Traditionnellement, les organisations à but non-lucratif sont des structures fermées qui fonctionnent comme intermédiaire entre les donateurs et les bénéficiaires. Les organisations allouent les fonds aux projets qu’ils ont décidées de doter, et les donateurs soutiennent les organisations, plutôt qu’un projet spécifique. Les bénéficiaires et les donateurs sont aux extrémités opposées de la chaîne – il existe à peine un contact entre eux.

Contact direct et soutien à des projets particuliers

Le rôle des organisations à but non-lucratif comme intermédiaire est en train de changer. Les donateurs peuvent à présent  soutenir un projet en particulier plutôt qu’une organisation dans son ensemble. Aujourd’hui, les donateurs peuvent aussi avoir un contact direct avec les bénéficiaires. Par exemple, sur la plateforme de micro-prêts Kiva.org, un donateur peut directement prêter de l’argent à tel entrepreneur, et sur des services de crowdfunding comme Spot.Us et KickStarter, un donateur peut soutenir exactement le type de journalisme ou le projet qu’il apprécie.

La foule peut s’organiser elle-même autour d’objectifs, de campagnes et de projets sans les structures que les organisations  fournissent traditionnellement. Les gens n’ont pas besoin d’un intermédiaire, tout non-lucratif qu’il soit,  pour provoquer l’impact qu’ils souhaitent voir advenir.

Ce changement pose un défi pour les organisations non-profit traditionnelles: comment peuvent-elles le tourner à leur avantage ?

La réponse consiste à devenir des plates-formes ouvertes qui facilitent la collaboration dans des espaces ouverts et réduisent radicalement la distance entre le donateur et le bénéficiaire.

Cela commence par l’ouverture des procédés d’attribution des dons – laisser par exemple les donateurs avoir leur mot à dire sur la destination des dons et les projets qu’ils soutiennent.

Richesse des données à partager

Autre piste: libérer leurs données pour que tout le monde s’en serve. Les organisations à but non-lucratif ont beaucoup de données intéressantes et rares issues de recherche. Les données pourraient être utilisées de différentes façons dans des buts différents, que ce soit dans la recherche académique ou le développement d’applications pour iPhone.

Connaissez-vous le cas réussi d’une organisation non profit traditionnelle qui a redéfini son rôle et sa structure ? Et sur l’ouverture des données ? Est-ce que quelque part dans le monde une structure à but non-lucratif a ouvert des données ?

Si vous avez des réponses, n’hésitez pas à me contacter:  tanja.aitamurto at gmail.com

Billet initialement publié sur le blog de Tanja, hébergé par le Huffington Post

Illustrations CC FlickR Mr. Kris,

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Spot.Us: les journalistes travaillent en public pour le public http://owni.fr/2010/07/06/spot-us-les-journalistes-travaillent-en-public-pour-le-public/ http://owni.fr/2010/07/06/spot-us-les-journalistes-travaillent-en-public-pour-le-public/#comments Tue, 06 Jul 2010 13:30:38 +0000 Tanja Aitamurto http://owni.fr/?p=21278

Dans mon précédent billet, j’ai présenté les découvertes les plus significatives de ma récente étude de cas portant sur Spot.Us, une plate-forme de crowdfunding pour le journalisme. J’y ai examiné ce que mes découvertes signifiait pour le journalisme et pour le rôle et le travail du journaliste.

Renégociation du rôle du journaliste

Un processus journalistique financé par le public apporte un nouvel élément au travail d’un journaliste : exposer, pitcher son projet en public. Traditionnellement, un journaliste pitche son sujet directement à un rédacteur en chef. Le journaliste n’a donc pas besoin de réfléchir à la promotion de son sujet aux lecteurs.

Dans un modèle crowdfundé, un journaliste doit être prêt à susciter l’attention sur son pitch afin d’attirer des donateurs. Cela signifie qu’ils doivent s’occuper de la promotion de leur pitch en convaincant la communauté de l’importance de son sujet.

Cependant, les journalistes de Spot.us ne sont pas très à l’aise pour pitcher leurs sujets en public et demander des dons. Cette nouvelle activité entraîne de nouvelles obligations et change la nature du rôle du journaliste.

Des changements similaires ont lieu dans l’industrie créative, les marques et les institutions comme les labels de disques et les institutions médiatiques perdant du pouvoir. Selon Mark Deuze, professeur associé au Département de Télécommunication à l’Université d’Indiana, la créativité et le commerce sont de plus en plus associés dans le travail culturel.

Ce développement suppose que les travailleurs créatifs conçoivent leurs compétences, leurs idées et leurs talent en termes commerciaux. Traditionnellement, les journalistes ont intégré l’autonomie créative et la critique de leurs pairs plutôt que l’intérêt du marché.

Ces nouvelles obligations défient la perception traditionnelle que le journaliste a de lui-même comme celle d’un créatif indépendant dont les histoires sont d’abord et surtout acceptées par les collègues plutôt que par le public.

La culture de la participation motive les journalistes

Sur Spot.us, une culture de la participation se manifeste déjà de plusieurs façons : les membres de la communauté (lecteurs et donateurs) peuvent donner de l’argent ou une idée pour un pitch, ils peuvent laisser un commentaire, soumettre un tuyau, ou s’acquitter d’une tâche qu’un journaliste a assigné aux lecteurs.

Ces options pour la participation, en particulier les dons de lecteurs pour un sujet, ont un impact fort et positif sur les motivations du journaliste. Un des journalistes que j’ai interviewé m’a expliqué que c’était “plus que motivant professionnellement” de voir que le public est prêt à soutenir son travail en donnant de l’argent.

Du point de vue du journaliste, le don crée un lien fort entre le journaliste et le donateur. Les journalistes trouvent cela gratifiant d’avoir un lien direct avec les lecteurs. Cette connexion crée aussi un fort sens de la responsabilité sur le sujet.

Cependant, c’est typique, les donateurs préfèrent participer seulement en faisant des dons. Ils ne sont pas désireux de laisser des commentaires ou de soumettre des conseils, ni ne s’engagent dans le processus au point de suivre de très près toutes les mises à jour du reportage. La plupart des donateurs ont le sentiment qu’ils ont fait leur part du travail en offrant de l’argent.

Spot.us : un laboratoire R&D personnel pour le journaliste

Pour les journalistes de Spot.us, cette plate-forme est plus qu’une façon de financer leur travail. Ils le voient comme une opportunité d’expérimenter de nouvelles méthodes journalistiques, par exemple l’engagement du lecteur.

Les journalistes voient aussi Spot.us comme une opportunité d’expérimenter des outils tels que la vidéo et l’infographie. Le site leur donne la liberté d’expérimenter à laquelle ils semblent aspirer. Ils ont l’impression qu’il y a un manque d’opportunité pour essayer de nouvelles choses quand ils travaillent dans un cadre plus traditionnel.

Les journalistes considèrent aussi Spot.us comme un bon moyen de trouver des partenaires en vue d’une collaboration.

Faire des dons pour une société meilleure

Les donateurs semblent moins contribuer pour un article en particulier que pour le bien commun. Ils suivent rarement les sujets qu’ils ont aidés à financer, et ils ne consultent parfois même pas l’article une fois fini.

Pour eux, ce n’est pas le sujet : ils veulent que leur don soit un catalyseur pour un changement dans la société. Ils espèrent que leur article aidera à ce que cela s’accomplisse.

Cette notion soulève une question sur le rôle du journaliste dans la société. Est-ce le rôle du seul journaliste d’informer les gens sur les débats et les problèmes ? Ou est-ce que le journalisme devrait aussi donner au public une chance de changer les choses, d’essayer de résoudre le problème ? Si la dernière hypothèse est valide, alors le journalisme de plaidoyer, guidé par des causes, ou qui vise à résoudre des problèmes a plus de sens pour la communauté que le journalisme neutre, objectif, qui fournit de l’information mais pas les moyens de résoudre les problèmes.

Un exemple de journalisme qui résout des problèmes, la rubrique Impact du Huffington Post, qui marrie le journalisme à des causes. Les articles d’Impact portent sur des sujets comme la faim dans les écoles, ou la misère d’une famille qui a perdu sa maison dans une inondation. À la fin de l’histoire, le lecteur a l’opportunité de donner à une organisation non-profit qui peut aider à réduire le problème.

D’après mes conclusions, certaines personnes, du moins, considèrent le journalisme comme un moyen de contribuer au changement social. Par conséquent, les organisations de journalisme devraient intégrer des outils tels que SeeClickFix ou le nouveau gagnant du Knight News Challenge CitySeed, qui permet au public de contribuer à l’amélioration de la communauté en un clic. Les lecteurs veulent des façons constructives de participer, et le journalisme devrait leur donner les outils pour cela.

Le journalisme aligné sur le cause marketing

Comme le public donne pour une cause, et pas nécessairement pour le journalisme, les pitches sur les plates-formes de journalisme crowdfundé comme Spot.us devraient se conformer aux caractéristiques du cause marketing, un terme appliqué au travail de marketing effectué dans une optique non-profit et dans le but d’un changement social.

En ces temps de déclin des conglomérats de médias, les organisations de journalistes devraient tenir un discours clair aux lecteurs sur les raisons pour lesquelles leurs sujets sont importants, et la façon dont un lecteur peut changer les choses dans la société. Il est important de noter, cependant, que la stratégie du cause marketing marche seulement pour certains types de sujets et de journalisme, comme le reportage d’investigation.

La participation comme outil pour construire son identité

Dans le journalisme crowfundé, les gens partagent plus qu’une simple histoire, ils partagent l’histoire de leur participation au procédé sur Twitter et Facebook. La participation lient les gens entre eux. Comme un donateur l’a exprimé : “J’ai eu le sentiment d’appartenir à une communauté quand j’ai donné.”

Quand les donateurs de Spot.Us parlent de leur don, ils construisent aussi leur identité. Le geste en dit sur eux, et ils veulent le partager. C’est un résultat et un bénéfice important pour le donateur. Les journalistes devraient donc réfléchir sur la façon dont ils pourraient fournir au public des moyens d’associer leur identité et les causes au reportage.

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Pour plus d’informations sur l’étude, contactez-moi à tanja.aitamurto at gmail.com ou sur Twitter @tanjaaita

Tanja Aitamurto est journaliste et effectue une thèse sur l’intelligence collective dans le journalisme. Elle a étudié l’innovation dans le journalisme à Stanford, et est diplômée en journalisme, sciences sociales et linguistique. Tanja conseille des compagnies de médias et des organisations non-profit sur les changements dans le domaine de la communication. Comme journaliste, elle est spécialisée dans le business et la technologie. Elle contribue principalement au HuffPo et au Helsingin Sanomat, le quotidien de référence en Finlande, ainsi qu’à la Finnish Broadcasting Company. Tanja partage son temps entre San Francisco et la Finlande, son pays d’origine.

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Voir la première partie du billet ici.

Billet initialement publié sur Mediashift sous le titre “Spot.Us Lessons: Journalists Work in, and For, the Public” ; traduction Sabine Blanc

Image CC Flickr alexkess.

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http://owni.fr/2010/07/06/spot-us-les-journalistes-travaillent-en-public-pour-le-public/feed/ 4
Un modèle “pay what you want” pourrait-il marcher pour l’info? http://owni.fr/2010/06/09/un-modele-decide-du-prix-pourrait-il-marcher-pour-linfo/ http://owni.fr/2010/06/09/un-modele-decide-du-prix-pourrait-il-marcher-pour-linfo/#comments Wed, 09 Jun 2010 17:18:56 +0000 Megan Garber http://owni.fr/?p=17644 L’ancien directeur de Panera Bread a récemment annoncé une expérimentation intrigante : le magasin de la chaine à Clayton, dans le Missouri, se débarrasse des prix. La franchise de Clayton, actuellement présentée comme un restaurant “non-profit” et renommée “Saint Louis Bread Company Cares Cafe” offre les mêmes produits que les magasins Panera classiques : pâtisseries, soupes et salades. Au lieu d’assigner une valeur monétaire aux produits, le magasin laisse les clients décider de ce qu’ils vont payer.

“Prenez ce dont vous avez besoin, laissez ce qui vous semble juste”, peut-on lire sur une pancarte au-dessus du comptoir.

Ce type de modèle n’est pas nouveau. Mais souvent, cela ne marche pas. “Si vous utilisez un schéma PWYW [Pay What You Want, Ndt] trop généreusement, vous vous exposez à un désastre financier“, fait remarquer l’économiste Stephen Dubner. Imaginez si Tiffany & Co. instaurait une journée PWYW sur les bijoux en diamant.”

Pourtant, dans les conditions adéquates, cette approche peut se révéler assez efficace. Chez One World Everybody Eats, une soupe populaire à Salt Lake City, Denise Cerreta gère un service analogue à l’expérience de Panera : au lieu d’attribuer un prix aux repas que One World sert, elle demande aux clients de payer ce qu’ils peuvent – et, m’a-t-elle dit, “de payer un peu plus si possible.” Elle a vu juste, semble-t-il : One World fonctionne depuis sept ans.

Ce qui m’amène à la question que vous avez sentie venir : est-ce que le modèle de paiement de Panera fonctionnerait pour l’information ?

Sollicitation, pas demande

De nombreux exemples tendent à prouver que le modèle ne tient pas pour l’information. Carta, la publication allemande sur les affaires publiques, a reçu 198,27 dollars en dons de 65 personnes sur Kachingle, une plate-forme spécialisée, soit le record actuel du site. Woo. Le ridicule des sommes récoltées s’explique par une raison : nous aimons les prix. Ou, plus précisément, nous sommes conditionnés à en attendre.

Mais que se passerait-il si nos attentes changeaient ? Si les sites de l’information implémentaient dans leurs interfaces en ligne une sollicitation plus structurée et systématique pour rétribuer les contenus  ?

Prenons de nouveau One World. Une des raisons pour lesquelles l’effort de Denise Cerreta porte ses fruits, c’est qu’au café, le comportement des consommateurs est surveillé. Le café a construit en son sein ce que Cerreta appelle “un point de responsabilité” : un endroit où, évoluant dans le continuum consommation-satisfaction, les consommateurs savent que c’est le moment où l’on attend  qu’ils compensent ce qu’ils ont (littéralement) consommé. Dans le cas de One World, le “point de responsabilité” est une simple boîte à dons. Elle est placée – de façon explicite, intentionnelle et inévitable – en public.

Et c’est ça qui fait une grosse – peut-être toute – la différence (souvenez-vous de l’expérience Big Brother Eyes d’il y a quelques années). On peut dire que quand cette responsabilité est négociée en privée, que seul l’éclat de l’écran éclaire nos actions (bonnes ou mauvaises), notre volonté de mettre quelques pièces dans la boîte à dons devient certainement moins affirmée.

Pourquoi ne pas envisager une approche plus souple de la définition de ce qui est public ou ne l’est pas?  Que se passerait-il si nous traduisions le point de responsabilité physique de Cerreta en interactions éphémères du web ? Si les citoyens ont besoin d’une petite incitation pour se comporter dans le privé avec autant de sens civique que dans le public, impossible d’affirmer que les sites d’information ne puissent la fournir  (ou du moins expérimenter pour ce faire). Il s’agirait simplement d’intégrer cette incitation dans la structure et les modèles de consommation. De créer, pour adapter la phrase de Cass Sunstein, une architecture de la responsabilité.

La première étape serait de recadrer les termes de la transaction concernant les fournisseurs d’information : de la cotisation (obligatoire et donc purement économique) au don (optionnel, et qui implique que l’on considère l’information comme un bien commun). C’est un glissement sémantique, certainement ; mais il pourrait aussi être psychologique.

Prenons le travail d’Edward Deci. Lors d’une série d’expériences dans les années 70, le socio-psychologue a étudié le comportement de deux groupes de sujets. L’un devait résoudre un puzzle, l’autre était payé pour résoudre le même puzzle. Ceux qui ont travaillé pour ce que Deci appelait la récompense “intrinsèque” de la résolution du puzzle – la simple satisfaction du travail bien fait – eurent plus de succès, constata-t-il, pour trouver la solution que ceux qui étaient payés. C’est ironique, mais le paiement produit un effet désincitatif.

Deci étudiait la motivation à travailler, plutôt que la motivation à payer. Cependant, ses découvertes générales (officiellement, que “la récompense monétaire contingente réduisait en fait la motivation intrinsèque de la tâche“) sont éclairantes. Introduire un moyen concret de paiement dans un échange qui serait sinon éphémère peut parfois décourager l’action, plutôt que de l’encourager ; assigner une valeur monétaire à des biens et des expériences peut limiter – et même nier – leur valeur. Les prix sont pratiques, bien sûr, et, dans la plupart des cas, entièrement nécessaires. Mais nous préférons nous voir motivés par autre chose qu’une obligation machinale, peut-être par ce qu’on appelle l’altruisme.

Responsabilité et urgence

Ce que les découvertes de Deci suggèrent pour l’information, c’est que, paradoxalement, “ce serait bien si vous payiez” pourrait en fait être plus incitatif pour les consommateurs que le plus brusque et plus transactionnel “vous devez payer”. Les murs payants sont une chose ; les portes de paiement, du type “prenez un bout”, “payez ce que vous estimez être juste !”, en sont une autre. La perméabilité suggère la confiance ; l’espoir que quelqu’un se comporte bien suscite son comportement positif. Le contraire de la théorie des fenêtres cassées.

De nouveau, le caractère public (lire : la responsabilité publique) constitue la clé. Les personnes qui font tout pour être de bons citoyens veulent aussi être reconnus comme tels. Chaque année, je reçois une série de mails de ma faculté (comprenant habituellement un petit diaporama : “campus en automne”, “campus au printemps”, “campus en été”, avec enfants, chiots et arc-en-ciel) demandant des contributions pour sa campagne annuelle de dons. Souvent, je laisse passer plusieurs de ces mails avant de faire effectivement un don. Ce n’est pas que je ne veux pas ou que je n’ai pas l’intention de donner, c’est qu’il ne semble pas urgent de répondre. Le paiement se veut une sollicitation mais fait l’effet d’une demande : il n’y a pas à payer maintenant, cela peut-être effectué n’importe quand. Et cela diminue la dynamique de la transaction.

L’un des mails les plus récents que j’ai reçus utilisait toutefois un autre ressort que la simple nostalgie : il montrait une longue liste de donateurs de ma classe -ostensiblement, comme une manière de les remercier pour leur contribution en le faisant savoir publiquement… mais aussi, bien sûr, comme une façon de pousser en avant ceux qui n’avaient pas encore contribué. Le bruyant espace vide entre “Ganson” et “Geannette”, je dois dire, engendre un excellent effet dissuasif contre une future velléité de trainer des pieds. Soudain, l’urgence était implicite.

En d’autres termes, l’équipe en charge de la récolte des dons a introduit dans sa sollicitation un point de responsabilité. Pas un tiroir-caisse virtuel, une approche “payez maintenant ou vous n’obtiendrez pas les biens que vous voulez” : c’est impossible pour des gens en quête de donateurs qui ne vendent pas des biens mais du bien potentiel. Mais un message plus subtil et pourtant aussi marquant : “vous payez maintenant ou tout le monde saura que vous n’avez pas payé“.

Le capital social est un bien économique autant qu’un bien civique ; ces personnes en quête de donateurs ont imbriqué cela dans leur mail de façon si implicite que leur sollicitation a soudainement pris l’apparence de la demande. En mettant l’accent sur l’aspect social de leur appel à l’action plutôt que sur le monétaire, , ils ont transmis le fait qu’ils parlaient business. Littéralement.

Tirer partie de l’économie sociale

Quand on parle du problème de la monétisation, nous tombons parfois dans le piège de l’équation “modèle payant” = “paywall”. Nous supposons que l’information est une marchandise simple, et que le modèle du tiroir-caisse est donc la seule solution viable pour la monétiser (“nous ne sommes pas NPR, après tout“). Mais l’approche focalisée sur la marchandise ignore l’aspect social de l’économie des médias.

Particulièrement en ligne, avec les mécanismes de mutualisation intégrés dans le web, l’information est un bien social autant (et peut-être même plus) qu’un produit à acheter et vendre. C’est donc un bien d’expérience – quelque chose qui a besoin d’être consommé avant que sa valeur ne soit déterminée avec précision. Un modèle basé sur le principe du pourboire – qui combine la récompense obtenue pour un job bien fait avec le prestige social de se montrer assez généreux pour laisser un pourboire – fait plus sens que le paywall, qui par nature n’est pas fluctuant.

Mes exemples de dons, l’expérimentation de Denise Cerreta (“décide du prix”) et les anciens de ma fac, sans parler de l’expérience de beaucoup de médias publics financés par les cotisations des auditeurs – suggèrent le potentiel du paiement de l’information orientée sur la sollicitation plutôt que sur la demande. Ils montrent ce qui se passerait si nous injections un peu d’humanité dans les business models de rétribution des contenus, pratiques mais néanmoins totalement impersonnels. Les individus sont, après tout, plus heureux de donner que de payer des factures. Même si les chèques que nous signons sont du même montant.

Cela ne veut pas dire que le recadrage des termes de la transaction est une réponse large au problème de la monétisation des contenus. “Pas de formule magique” est devenue à raison une ritournelle connue. De plus, comme Laura Walk, la présidente et directrice de WNYC, me l’a dit lors d’une conversation à propos de la généralisation du modèle PWYW:

Je pense qu’il y a un attrait plus fort vers le soutien à une organisation qui n’est pas financée par la publicité – il ne s’agit pas là de fournir une audience aux annonceurs – mais qui mène une mission. C’est pourquoi, je crois, les gens nous apprécient.

Cela vaut peut-être la peine d’élargir nos idées quant aux structures de payement. Les nombreuses expérimentations que nous observons dans les réseaux sociaux en ce moment – le HuffPo met en place la reconnaissance des membres engagés de la communauté, le système de commentaire star de Gawker, la liste publique des donateurs de Kickstarter et de Spot.us, le système des badges au mérite de Foursquare – tirent partie de la connexion culturelle à l’information des utilisateurs, et de leur désir d’être reconnus pour leur bon comportement citoyen dans les cultures que les systèmes d’informations créent.

Que se passerait-il si ces mêmes motivations étaient employées au service de la monétisation de l’information en ligne ? Si nous dirigions notre attention des transactions aux échanges ? Kachlingle n’a peut-être pas seulement révolutionné les structures du paiement en ligne : son bocal à pourboire digital reste rare sur les sites. Mais si le New York Times – ou le Washington Post, ou le Huffington Post – proposaient leur propre Kachingle ? S’ils avaient aussi un système de badge pour louer en public les gens qui ont soutenu financièrement leurs services ? Si, au lieu d’ériger un paywall, ils bâtissaient leur site sur une architecture de l’altruisme ?

C’est une expérience, certainement. Une expérience qui va peut-être échouer. Encore un mot cependant: j’adorerais voir ce qui se passerait si nous élargissions un peu notre idée de modèle payant viable.

Billet initialement publié sur le Nieman Lab.

A lire également sur le sujet, hors de la soucoupe : Flattr, le système de micropaiement qui va sauver la presse ?wall de rue 89 ; Paul Jorion

Crédits Photo CC Flickr : Danielygo, Another Point In Time, Ken Wilcox, Shelly’s Blogger.

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http://owni.fr/2010/06/09/un-modele-decide-du-prix-pourrait-il-marcher-pour-linfo/feed/ 3
Twitter: l’impossible archivage ? http://owni.fr/2010/05/12/twitter-limpossible-archivage/ http://owni.fr/2010/05/12/twitter-limpossible-archivage/#comments Wed, 12 May 2010 12:45:19 +0000 Lionel Maurel (Calimaq) http://owni.fr/?p=15397 La nouvelle avait fait sensation, il y a quinze jours : Twitter annonçait faire don de l’intégralité de ses archives à la Bibliothèque du Congrès à des fins de conservation et de recherche et c’est, comme il se doit, par un tweet que la LoC (Library of Congress) célébrait l’entrée du rétrospectif de Twitter dans ses collections.

Soit quand même plus de dix milliards de gazouillis !

Le même jour, Twitter et Google annonçaient le lancement d’un nouveau service du moteur de recherche – Google Replay – qui permettra d’effectuer des recherches chronologiques au sein du contenu de Twitter, avec à terme l’intention de balayer l’intégralité des archives, depuis son lancement en 2006.

Cette “patrimonialisation éclair” de Twitter, consacrée par son entrée à la Bibliothèque, a quelque chose qui peut surprendre, même si elle s’accorde bien avec le tempo ultra-rapide du microblogging. On peut aussi penser que Twitter contient déjà de vrais petits morceaux d’histoire, comme les tweets liés au hashtag #iranelections, le pépiement de la victoire électorale de Barack Obama ou encore le premier tweet envoyé depuis l’espace ! La globalité des tweets forme aussi une formidable archive du quotidien, ouvrant de nouveaux champs à la recherche historique, par le biais du data mining.

Pour autant, les commentaires français n’ont pas manqué de relever que ce transfert des archives de Twitter à la Bibliothèque du Congrès soulevait également des questions, à propos du respect de la vie privée ou du droit d’auteur. Et de l’autre côté de l’Atlantique, où l’on ne plaisante pas avec la protection de la privacy, c’est une véritable polémique qui s’est déclenchée, plaçant la LoC dans une position assez délicate (vous en trouverez quelques échos ici, rassemblés par le blog ArchivesNext).

À tel point que la responsable de l’archivage numérique de la LoC a donné une interview pour apporter des précisions sur le partenariat avec Twitter. La Bibliothèque a également publié cette semaine une FAQ, accompagnée (et c’est là que ça devient intéressant !) de l’accord par lequel Twitter a fait don de ses archives (ici).

L’analyse de ce document soulève des questions assez troublantes, qui me laissent penser que la constitution de la mémoire numérique, dans le cadre de partenariats  public-privé, est loin encore d’avoir trouvé son assiette juridique.

Le petit oiseau bleu est entré à la bibliothèque... et on a pas fini d'en parler ! (Library Bird. Par C.O.D Library. CC-BY-NC-SA. Source : Flickr)

Il faut en effet garder à l’esprit que Twitter est l’exemple type d’un service web 2.0, dont le contenu est produit par ses utilisateurs (User Generated Content). La question de la propriété de ces contenus est loin d’être aisée à appréhender, surtout que les micromessages de Twitter possèdent une nature assez particulière.

Copyright or not ?

L’été dernier, j’avais écrit une série de billets dans lesquels j’avais essayé de montrer que les tweets échappent dans leur immense majorité à la propriété intellectuelle, par manque d’originalité ou de mise en forme (ici ou ). Dès lors, ils relèvent plutôt du statut de l’information brute ou des données, et ne devraient pas pouvoir faire l’objet d’une appropriation (y compris d’ailleurs par leurs propres “auteurs” !).

Pourtant, quand on lit le Gift Agreement publié par la Bibliothèque du Congrès, on se rend compte que c’est sur le copyright que Twitter s’appuie pour délivrer à la LoC une licence d’utilisation de ses contenus :

2) Copyright : Donor grant an irrevocable nonexclusive licence to the library for such rights as the Donor has the right to transfer or licence under the Twitter Terms of Service in place at the time of the gift or before. The current, as of the effective date, and previous Terms of Service are appended.

Twitter utilise en effet ses CGU (Conditions Générales d’Utilisation) pour revendiquer un droit d’auteur (copyright) sur les contenus produits par ses usagers :

You retain your rights to any Content you submit, post or display on or through the Services. By submitting, posting or displaying Content on or through the Services, you grant us a worldwide, non-exclusive, royalty-free license (with the right to sublicense) to use, copy, reproduce, process, adapt, modify, publish, transmit, display and distribute such Content in any and all media or distribution methods (now known or later developed).

C’est cette licence  – royalty-free license (with the right to sublicence) – que Twitter met en œuvre dans sa convention de don à la LoC et qui lui confère juridiquement sa qualité de Donor.

Le problème, c’est qu’on peut sérieusement se demander si cette chaîne de concessions est valide et comment Twitter peut revendiquer un droit sur ses contenus, si les utilisateurs eux-mêmes ne possèdent pas réellement de droit d’auteur sur leurs propres tweets…

C’est une aporie que j’avais déjà relevée l’année dernière, lorsque les CGU de Twitter ont changé et que le petit oiseau bleu est subitement devenu plus agressif vis-à-vis de ses utilisateurs.

En effet, à l’origine (souvenez-vous !), Twitter ne revendiquait aucun droit de propriété intellectuelle sur ses contenus et incitait même ses utilisateurs à les verser dans le domaine public :

Copyright (What’s Yours is Yours)

1. We claim no intellectual property rights over the material you provide to the Twitter service. Your profile and materials uploaded remain yours. You can remove your profile at any time by deleting your account. This will also remove any text and images you have stored in the system.

2. We encourage users to contribute their creations to the public domain or consider progressive licensing terms.

J’estime pour ma part que les nouvelles CGU de Twitter n’ont pu avoir pour effet de changer la nature de son contenu, et que celui appartenait et appartient toujours, dans sa plus grande partie, au domaine public.

Dès lors, le fondement même de la convention de don à la LoC me paraît douteux, et même préjudiciable, puisqu’il entérine le geste d’appropriation que Twitter a opéré vis-à-vis des contenus produits par ses utilisateurs, avec l’aval de la Bibliothèque.

Certaines analyses estiment que Twitter a manqué aux obligations qui le liaient avec ses utilisateurs, mais que la Bibliothèque, de son côté, n’avait nullement besoin de cette convention de don pour archiver le contenu de Twitter. La loi américaine sur le dépôt légal permet en effet à la LoC de collecter toutes les formes de publication. Elle dispose déjà d’ailleurs d’une archive du web, constituée par des captures de sites.

Patrimoine public contre vie privée ?

D’autres voix se sont élevées aux États-Unis pour contester à Twitter la faculté de donner ainsi ses archives à la Bibliothèque, mais cette fois au nom du respect de la vie privée (ici, ou ).

L'archive de Twitter est une véritable mosaïque de données à caractère personnel (Twitter Follower Mosaic. Par Jeolaz. CC-By-NC-ND. Source : Flickr)

Fred Stutzman, sur son blog, se livre ainsi à une intéressante interprétation restrictive des CGU de Twitter :

[...] as long as your content is on Twitter, Twitter can do what they want with it. Fine. But what if you remove your content from Twitter? Wouldn’t Twitter’s licensing of your content to the LoC also expire? Twitter needs to address exactly how we can pull our content out of the archive when we want.

A broader question is why Twitter didn’t just build this as an opt-in service. Or even, less preferably, an opt-out service. Is the collection so important that it is worth compromising user privacy ? I’ve got a feeling that there are certain assumptions around “public” content and the feel-good vibe of the Library of Congress that led to a lack of critical thinking about the implications of this move.

On touche ici à des questions qui mêlent à la fois la propriété sur les contenus et le respect de la vie privée, d’une manière qui fait penser au débat sur le droit à l’oubli ayant lieu actuellement en France.

Beaucoup d’utilisateurs américains se sont inquiétés par exemple que les tweets de comptes privés puissent être consultables à la LoC, de la même façon que les Direct Messages, qui ne sont pas réellement “publiés sur Twitter”, au sens de “rendus publics”. La question reste entière également pour les données de géolocalisation. Il semblerait par contre que les informations des profils personnels, ainsi que les tweets annulés ne feront pas partie de l’archive.

La question de l’opt-out est aussi déterminante : les utilisateurs qui annulent leurs comptes sur Twitter pourront-ils aussi exiger le retrait de leur message de l’archive consultable à la LoC ? Pourront-ils effectuer des retraits ciblés de certains de leurs messages seulement et comment ?

Dans son interview, la responsable de l’archivage numérique de la Bibliothèque laisse entendre que cet opt-out est une question qui concerne Twitter et ses usagers et pour laquelle la Bibliothèque ne souhaite pas jouer le rôle d’un intermédiaire. Elle indique également que la Bibliothèque envisage d’anonymiser les contenus pour éviter toute atteinte au respect de la vie privée, travail que l’on imagine titanesque sur 10 milliards de tweets !

Un don asymétrique

Un autre aspect de la convention de don qui me paraît encore plus contestable est celui des conditions d’accès qui ont été imposées par Twitter à la LoC.

Une période d’embargo de six mois a été instaurée avant que la Bibliothèque puisse donner accès aux contenus déposés par Twitter. La justification de ce délai n’est pas des plus claires. On imagine peut-être que Twitter ne souhaite pas que l’archive de la LoC devienne un Twitter bis. Cela dit, il y a tellement de services tiers qui reprennent ses contenus par le biais de son API que cette précaution paraît un peu dérisoire. On peut lire ailleurs que ces six mois permettraient aux utilisateurs de procéder au retrait de certains de leurs tweets sur leurs comptes, pour mettre en œuvre une forme d’opt-out.

Des restrictions d’usages assez fortes figurent également dans la convention : l’archive pourra être utilisée en interne par la Bibliothèque pour ses propres besoins et un accès pourra être donné dans ses emprises aux chercheurs habilités, après avoir signé un engagement de ne pas faire un usage commercial des contenus. La LoC ne pourra pas redistribuer l’archive à des tiers dans sa totalité ou une partie substantielle de celle-ci (même pas à Hathi Trust ?).

L’accord permet cependant à la LoC de diffuser sur son site, au terme des six mois d’embargo, des éléments de l’archive, à condition de bloquer l’indexation par les moteurs de recherche (robots.text file) et d’empêcher le téléchargement substantiel de contenus.

À lecture de ces conditions, j’ai éprouvé une sensation très désagréable, car elle me rappelle beaucoup celles que Google impose à ses bibliothèques partenaires dans le cadre du programme Google Books, notamment l’exclusivité d’indexation. Cela signifie que, même accessible en ligne, cette archive de la Bibliothèque restera quasiment invisible sur le web.

Et le parallèle est d’autant plus saisissant que dans le même temps, Google a effectivement mis en place, certainement au terme d’un accord avec Twitter,  son propre service de recherche dans les archives des tweets, Google Replay. Celui-ci sera entièrement accessible en ligne, sans la restriction des six mois d’embargo, et bien entendu, il figurera dans les résultats du moteur (et dans ceux de ses concurrents ?). Sans compter que Google n’a pas l’air de beaucoup s’embarrasser de son côté des questions de protection des données personnelles…

Encore une fois, on voit naître une situation asymétrique entre l’usage que les institutions publiques pourront faire des contenus, alors même qu’elles en assureront la préservation à très long terme, et l’usage (devrais-je dire l’exploitation…) que pourront en faire les acteurs privés. Ici encore, j’ai envie de parler d’une forme d’eugénisme documentaire qui s’organise par le biais de telles restrictions contractuelles, et ce (et c’est le plus grave !) avec l’accord des bibliothèques.

Oeuvres de l'esprit, informations, UGC, données personnelles, domaine public... le contenu de Twitter échappe aux catégories établies (Twitter. Par respres. CC-BY. Source : Flickr)

Encore et toujours, le véritable enjeu, c’est l’accès à l’information et la préservation du domaine public. Comme je l’ai dit, les tweets ne sont pas dans leur immense majorité des contenus protégés par le droit d’auteur. Il s’agit d’informations et de données qui ne devraient pas faire l’objet de telles restrictions. Twitter d’ailleurs ne possède certainement pas de titre valide pour imposer ces limitations à la LoC, si ce n’est celui qu’il tire, de manière fort douteuse, de ses CGU.

Et le pire, c’est que les restrictions imposées par la convention de don sont valables perpétuellement, sans limitation de durée…

Rien n’est plus faux que de dire que cet accord entre Twitter et la LoC permet de constituer ses archives en un patrimoine qui pourra être préservé pour le futur.

C’est tout le contraire qui se produit : ce qui est préservé pour l’éternité, c’est l’acte d’appropriation que Twitter a accompli l’année dernière sur les contenus produits par ses usagers. Ces contenus seront peut-être conservés dans leur intégrité par la LoC, mais ils ne pourront jamais regagner le domaine public.

C’est exactement la même contradiction qui entache les accords signés entre les bibliothèques et Google à propos de la numérisation du patrimoine écrit.

Pour ma part, j’avais choisi de placer tous mes tweets sous la licence Creative Commons Zéro (CC0), grâce à l’application TweetCC. Cette licence me permet de certifier que je renonce à tous mes droits sur mes tweets et que je les verse au domaine public, sans aucune restriction.

C’est par un tweet que j’ai manifestée cette volonté, à laquelle j’accorde beaucoup d’importance.

Ce tweet est désormais quelque part enfoui dans l’archive de la LoC… éternelle lettre morte…

Billet initialement publié sur :: S.I.Lex :: sous le titre “Twitter archivé à la Bibliothèque du Congrès : un patrimoine impossible ?”

Photo CC Flickr bbluesman

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http://owni.fr/2010/05/12/twitter-limpossible-archivage/feed/ 8
Le don de Google, un acte vraiment philanthropique envers Wikipedia ? http://owni.fr/2010/02/22/le-don-de-google-un-acte-vraiment-philanthropique-envers-wikipedia/ http://owni.fr/2010/02/22/le-don-de-google-un-acte-vraiment-philanthropique-envers-wikipedia/#comments Mon, 22 Feb 2010 12:32:21 +0000 Peignois Aurore http://owni.fr/?p=8752

Wikimedia, la fondation qui gère l’encyclopédie participative Wikipedia a annoncé avoir reçu un don de 2 millions de dollars de Google. Si la multinationale était connue pour son soutien financier pour de nobles causes telles que le développement d’énergies renouvelables, sa BA envers Wikipedia semble loin d’être inintéressée.

“Nous sommes très heureux et reconnaissants. C”est un cadeau merveilleux, et nous le célébrons comme une reconnaissance de l’alignement à long terme de l’amitié entre Google et Wikipédia. Les deux organisations se sont engagées à fournir des renseignements de haute qualité à des centaines de millions d’individus chaque jour, et de rendre l’Internet meilleur pour tous“, a annoncé Jimmy Wales, le fondateur de Wikipedia après avoir reçu 2 millions de dollars de la part du géant de l’Internet, Google.

Si le soutien financier de Google à la fondation Wikimedia qui gère Wikipédia servira à financer l’infrastructure technique pour supporter l’augmentation du trafic mondial, on est en droit de se demander ce que cette donation cache. Quel intérêt peut avoir Google à investir auprès du concurrent de sa propre encyclopédie Knol ?

Bobbie Johnson émet une hypothèse intéressante sur le blog technologique du Guardian :

“La plus vaste base de données et d’articles est bien souvent le premier résultat donné par une recherche sur Google. Et très simplement, ce qui est bon pour Wikipédia – avoir un site plus rapide, plus fiable et plus accessible – est bon pour les utilisateurs de Google. Les résultats de leurs recherches seront visibles plus rapidement. Concrètement, c’est très bon pour l’entreprise (Google) elle-même. Ce n’est donc pas une subvention, c’est un investissement”.

Pour Bobbie Johnson, Wikipedia n’a pas trop de soucis à se faire à court terme. Mais l’implication de Google envers l’encyclopédie 2.0 mérite d’être monitorée à long terme.

Wait and see…

(avec le Guardian)

Article initialement publié sur le blog d’Aurore

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http://owni.fr/2010/02/22/le-don-de-google-un-acte-vraiment-philanthropique-envers-wikipedia/feed/ 3
Un modèle économique astucieux pour la musique ! http://owni.fr/2009/11/07/un-modele-economique-astucieux-pour-la-musique/ http://owni.fr/2009/11/07/un-modele-economique-astucieux-pour-la-musique/#comments Sat, 07 Nov 2009 18:33:41 +0000 Lionel Maurel (Calimaq) http://owni.fr/?p=5297 On parle beaucoup du don en ce moment comme d’un possible modèle alternatif de financement de la création, qui permettrait de concilier le libre accès aux biens culturels avec une forme plus juste de rémunération pour l’auteur. L’idée est de créer un modèle économique de financement qui passerait par le versement de micro-paiements volontaires effectués par la masse des internautes plutôt que par des prix fixés par des intermédiaires s’interposant entre l’artiste et son public.

Le 8 septembre dernier a été officiellement lancé en France la SARD (Société d’Acceptation et de Répartition des Dons), qui se propose de mettre en place un mécanisme de répartition des dons, faits par les internautes pour les œuvres de leur choix. Cette piste de financement pourrait jouer un rôle complémentaire en cas de passage au Mécénat global ou à la Contribution créative.

Dernièrement, on apprenait que Rue89 s’apprêtait à lancer une plateforme de micro-paiement baptisée MCN (“Mécène”) pour contribuer à aider les sites d’information citoyenne, les blogs et les médias pure player à trouver des modèles économiques alternatifs à celui de la publicité. Le projet a même été accepté suite à l’appel d’offre de projets web innovants du Secrétariat d’Etat à l’économie numérique.

Ce qui est intéressant avec le don, c’est qu’il constitue une nouvelle brique du paysage numérique qui peut se combiner avec d’autres éléments existants déjà pour donner naissance à des formules originales. C’est ce qui m’a frappé lorsque je suis tombé au hasard de mes pérégrinations sur la Toile sur le label de musique indépendant Musicslu.

Musicslu

Musicslu. The Underground Music Experiment.

Le modèle économique de Musicslu repose sur le principe d’un challenge lancé à une communauté. Les artistes et le label proposent un album sur le site, dont il est possible d’écouter des extraits gratuitement en streaming. Musicslu fixe une certaine somme d’argent qui doit être récoltée dans un laps de temps déterminé. Le public est appelé à faire des promesses de dons (Pledge) qui peuvent s’effectuer directement en ligne à partir du site. Si à la date dite, le montant est atteint, l’album est publié sous licence Creative Commons Paternité-Pas d’utilisation Commerciale-Partage des Conditions à l’Identique (CC-BY-NC-SA), qui permettra en toute légalité le partage gratuit, la diffusion publique et la réutilisation  à des fins non commerciales. Dans le cas contraire, aucun montant n’est prélevé et rien ne se passe.

we are artists

Dans le cas de cette compilation “We are Artists”, il faut que 1500 dollars soient réunis d’ici le 27 novembre par la communauté pour que l’album soit publié sous licence CC-BY-NC-SA.

Ce que je trouve intéressant ici, c’est la manière dont le label cible d’emblée une communauté d’achat plutôt que d’appeler des individus isolés à faire un don. On est proche d’une sorte de groupement d’achat de biens culturels qui permettra ensuite à tous de disposer de l’œuvre. Par certains côtés, cela évoque le principe des souscriptions qui sont parfois lancées pour permettre à des ouvrages scientifiques (Mélanges …) d’être publiés. Si ce n’est que la mobilisation du réseau social permet de bénéficier des effets de recommandations virales associés.

communauté d'achat

Quelque part entre la communauté d’usages et la communauté d’intérêt, la communauté d’achat ?

Pour que la logique communautaire joue à plein, il est possible de se connecter au site de Musicslu à partir de son profil Facebook et d’inviter des membres de son réseau à participer au challenge. Les promesses de don s’effectuent aussi par le biais du profil Facebook après une redirection vers Amazon.

Au final, rien de réellement révolutionnaire me direz-vous et ce n’est certainement pas ce type de modèle qui peut prétendre se substituer de manière générale aux transactions marchandes classiques. Mais la manière dont le modèle économique du don communautaire est articulée aux licences libres Creative Commons me paraît quand même astucieuse. Elle prouve aussi, si besoin était, que les licences Creative Commons peuvent être le support de véritables modèles économiques et contribuer à créer des formules hybrides mêlant le gratuit et le payant.

Je vous laisse en vous invitant à (re)lire cette excellent billet de Bibliobession “Mécénat global et … bibliothèques publiques ?” qui imagine des pistes pour tenter d’articuler le don à l’activité de prêt des bibliothèques.

Et en rappelant qu’une société de gestion collective comme la SACEM refuse toujours en France que des artistes affiliés puissent placer certaines œuvres de leur répertoire sous licence libre, à l’inverse de ce qui commence à se dessiner aux Pays-Bas par exemple.

Update du même jour :

Un commentaire me signale qu’un système similaire existe  en France : Yooook, logistique pour la création numérique (merci à foobar pour le lien !).

Il s’agit d’une plateforme qui propose également aux créateurs une solution de financement par le don, mais applicable à tous les types de contenus (musique, vidéo, logiciel, texte …). Un système de paiement en commun (la jauge à paliers) libère petit à petit l’œuvre à mesure que les dons du public progressent et les contributeurs les plus généreux peuvent se voir reconnaître le statut de “libérateurs“.

Le but avoué de la libération progressive est de permettre à l’oeuvre de bénéficier d’un maximum de visibilité par le biais du partage de fichiers :

“J’ai aussi besoin de maximiser les chances qu’a l’album de trouver son public et sa visibilité. Manifestement, la manière la plus efficace serait de le mettre à disposition de tous en intégralité, mais si je fais ça dès le départ, je dois abandonner l’idée de financer l’album en faisant payer l’accès. Comme j’ai vraiment besoin de cette visibilité et que je considère malgré tout le paiement à l’accès comme vertueux pour le début du financement, je choisis d’appliquer ce principe sur quelques chansons supplémentaires. Ces chansons seront proposées en bonus à côté de l’album”.

Du point de vue juridique, le système a l’air plus souple et de laisser plus de latitude au créateur quant au choix des licences (cliquez sur le schéma ci-dessous).

» Article initialement publié sur S.I. Lex

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http://owni.fr/2009/11/07/un-modele-economique-astucieux-pour-la-musique/feed/ 12