OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Le renseignement est aussi sur Facebook http://owni.fr/2011/04/26/le-renseignement-espion-est-aussi-sur-facebook/ http://owni.fr/2011/04/26/le-renseignement-espion-est-aussi-sur-facebook/#comments Tue, 26 Apr 2011 15:41:59 +0000 Martin Untersinger http://owni.fr/?p=59028 Sur Facebook, les espions ne sont pas toujours prudents. En 2009, on retrouvait sur le compte de la femme de John Sawers, qui s’apprêtait à prendre la tête des services secrets britanniques, un grand nombre d’informations personnelles concernant leur famille, leurs lieux de vacances ou leurs fréquentations. Largement de quoi compromettre la sécurité du premier des espions de Sa Majesté. Heureusement, tous les professionnels du renseignement ne sont pas aussi imprudents, et beaucoup ont appris à travailler avec les réseaux sociaux, et notamment avec Facebook.

Aujourd’hui, avec ses 500 millions de membres revendiqués, l’entreprise fondée par Mark Zuckerberg est de loin le plus gros annuaire mondial. Ses membres y documentent leur vie sans relâche, formant un gigantesque amas de données et d’informations en perpétuelle actualisation.

Dès l’apparition d’Internet, les services de renseignement du monde entier – d’espionnage comme de contre-espionnage – se sont emparés de ce nouvel outil de communication et d’information. L’arrivée du web 2.0 « communautaire » il y a une demi douzaine d’années a-t-il renouvelé leur approche du renseignement sur la toile ?

« Les internautes y mettent tout : leur vie personnelle, leur CV, leur amis… »

« Les sites et les réseaux sociaux sont utilisés comme les réseaux sociaux ‘physiques’ : un réseau social électronique est d’abord un réseau social », explique le journaliste Jean Guisnel, auteur de Guerres dans le cyberespace, Services secrets et Internet. Il nuance cependant son propos :

les réseaux sociaux électroniques présentent des caractéristiques déterminantes. Les internautes y mettent tout : leur vie personnelle, leur CV, leur amis… Ces informations étaient très difficiles à recueillir par le passé. Il fallait du temps, de l’énergie et des moyens. Aujourd’hui, ce travail est facilité par les citoyens, qui ne mesurent pas les conséquence de ce qu’ils font.

Ainsi, au mois d’août dernier, l’Electronic Frontier Foundation (EFF), une organisation américaine de défense des internautes, s’est procuré des documents émanant de diverses administrations des États- Unis. Parmi ces documents, un manuel pour les agents du FBI mentionne l’existence de comptes secrets sur Facebook pour récolter des informations.

La CIA n’est pas en reste. En 2005, l’agence a lancé l’Open Source Center, un portail qui compile et analyse les données présentes sur les blogs, les forums et les réseaux sociaux.

Une source suffisamment utilisée ?

Les grandes puissances diplomatiques ont été incapables de pressentir le formidable soulèvement des peuples arabes et s’interrogent depuis sur les raisons d’une telle cécité. Et si une partie de la réponse était à chercher sur Facebook ? À voir le rôle fondamental joué par ce réseau social dans l’éveil politique de la jeunesse égyptienne et tunisienne, on peut se demander si les services de renseignement y prêtaient suffisamment attention.

Le mea culpa a déjà commencé. Fin janvier, le directeur du cabinet de David Cameron a enjoint les services de renseignement a suivre de beaucoup plus près ce qui se tramait sur les réseaux sociaux : « avec l’utilisation d’Internet, la façon dont les mouvements de protestation se développent, c’est un monde totalement différent, a-t-il déclaré. Nous devons être beaucoup plus proches de ce monde là. »

Même son de cloche du côté israélien. Ronan Bergman, un expert des services secrets de l’État hébreu, a expliqué en avril 2010 à la BBC que surveiller les réseaux sociaux était le minimum de la part d’un service de renseignement : « Israël utilise l’énorme quantité d’informations personnelles mise en ligne pour identifier les gens qui peuvent [l'] aider ». Selon le quotidien panarabe Aschark Al-Awsat, Israël aurait déjà utilisé Facebook pour collecter des informations de la bande de Gaza et pour y recruter des informateurs.

Des militaires israéliens piégés par un profil aguicheur

A contrario, Facebook constitue une menace grandissante pour leurs homologues de l’intérieur, les services de contre-espionnage. De plus en plus d’individus possédant des informations stratégiques – cadres de grandes entreprises, scientifiques, soldats – utilisent Facebook de manière intensive. Cette nouvelle vulnérabilité inquiète le privé comme le public.

« Les grands groupes dont les salariés sont présents sur les réseaux sociaux sont autant de point faibles potentiels pour forcer une rencontre, créer des liens et soutirer des informations », précise Laurence Ifrah, criminologue spécialiste des cyberconflits et du renseignement sur Internet. « Ces dernières années, les terroristes islamistes utilisent de plus en plus Facebook », peut-on lire au détour d’un rapport déclassifié du département de la sécurité intérieure américain consacré au terrorisme et aux réseaux sociaux.

Israël ferait partie des premières victimes. Le Hezbollah aurait déjà obtenu des révélations de militaires israéliens en utilisant Facebook. Plus de 200 soldats et cadres de l’armée, piégés par un faux profil féminin aguicheur et particulièrement amical, ont communiqué des noms de soldats, du jargon militaire, des codes secrets et des descriptions détaillées des bases militaires.

Shin Bet, le service de contre-espionnage israélien, avait sonné l’alarme en 2009 : « Nous avons reçu de plus en plus de rapports selon lesquels des éléments terroristes utilisent Facebook pour contacter des Israéliens et leur proposer de fournir des informations classifiées. »

Un service secret qui fonctionne bien est un service secret dont on n’entend jamais parler. De l’immense champ de bataille pour le renseignement qui s’est ouvert sur Facebook, on n’entend que les très lointains échos. On devine pourtant que le renseignement, qu’il soit offensif ou défensif, a déjà intégré la nouvelle du web 2.0. Et la dynamique n’est pas près de s’arrêter. Pour Jean Guisnel « aucun de nos échanges dans le cyberespace n’est secret. Rien. Zéro ». Vous aurez été prévenus.


Billet initialement publié sur The Paris Globalist.

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[ITW] “C’est l’armée qui a chassé Ben Ali du pouvoir, pas la rue” http://owni.fr/2011/01/27/itw-cest-larmee-qui-a-chasse-ben-ali-du-pouvoir-pas-la-rue/ http://owni.fr/2011/01/27/itw-cest-larmee-qui-a-chasse-ben-ali-du-pouvoir-pas-la-rue/#comments Thu, 27 Jan 2011 16:01:33 +0000 David Servenay http://owni.fr/?p=44161 Alain Chouet est un ancien chef du service de renseignement de sécurité de la DGSE chargé de la lutte anti-terroriste, co-auteur de plusieurs ouvrages concernant l’islam et le terrorisme. Dans La Sagesse de l’Espion, paru aux éditions L’Oeil neuf en octobre 2010, il explique ainsi que “C’est ne rien comprendre que d’accuser les services secrets de faire « dans l’illégalité ». Bien sûr, qu’ils font « dans l’illégalité ». Ils ne font même que cela. C’est leur vocation et leur raison d’être“.

Autant dire que son point de vue sur la “révolution” tunisienne, et l’éventualité d’un processus de démocratisation du Maghreb, dénote quelque peu avec les visions romantiques que certains se font de ce qui se passe en Tunisie.

L’exemple de la Tunisie est-il en train de faire tâche d’huile en Égypte ?

Alors, d’abord sortez un peu de votre vision de journalistes bobos coincés au sein du périphérique parisien. C’est l’armée qui a chassé Ben Ali du pouvoir, pas la rue. Des troubles, en Tunisie, il y en a toujours eu, depuis des années. Là, le chef d’État-major des armées, le général Rachid Ammar, a dit au président : « C’est fini, on ne te protège plus ». Mais il n’a pas fait cela sans avoir de garanties. Le soutien n’est pas venu de ses voisins… alors d’où a-t-il eu ces garanties ?

Des Américains… pourquoi Washington a-t-il donné son feu vert ?

Le plan américain du grand Moyen-Orient, qui consiste à remodeler la région sur des bases démocratiques, n’a pas été abandonné par l’administration Obama. Ce qu’ils ont du mal à comprendre, c’est que le « one man, one vote » est un système de riches. Ou alors, on vit dans une société fondée sur l’esclavagisme, comme sous la Grèce antique. Je m’explique : ce système marche lorsque le privilège de se mettre à l’abri des aléas de la vie dépend de sa richesse. Si votre avenir dépend de la famille, du clan, de la tribu… alors vous allez voter comme la famille, le clan, la tribu. Dans les pays pauvres, c’est la règle.

Bien sûr, la Tunisie était le maillon faible du Maghreb. Mais aujourd’hui, nous sommes le 26 janvier. Le 30, il va falloir payer les fonctionnaires, avec une administration qui est en panne. Dans quelques jours, l’armée va donc sortir du bois pour remettre tout le monde au boulot. Il faudra un patron, venant de la structure existante du pouvoir, soit :

  • le RCD et ses restes qui a géré l’État
  • l’armée
  • et les islamistes, car tout le monde va jouer avec eux

La démocratisation, telle que nous la voyons, ne plaît pas aux voisins immédiats (Algérie, Libye), ni aux voisins lointains (les Saoudiens, vous allez leur parler de démocratisation ?). Il faudra des élections : que va-t-il en sortir ? Le candidat de l’armée ou celui des islamistes, en priant pour que ça ne soit pas le même. L’opposition tunisienne est démonétisée, d’abord parce qu’elle n’était pas là quand ça n’allait pas. Alors, on va donc faire des élections, comme on l’a fait en Afghanistan. Les dirigeants algériens et les Libyens ne vont pas pas laisser passer ça.

Les États-Unis vont-ils faire la même chose en Égypte ?

L’Égypte, ça va mal se terminer. Le régime Moubarak est en bout de course, complètement exsangue. La société est pénétrée par l’idéologie des Frères Musulmans, qui ont infiltré tout le système social. Le tout est soutenu par les Saoudiens. Enfin, la population connaît une misère noire : le Caire est en train de devenir Calcutta. Quand vous avez 3 à 5 millions de personnes dans la rue (et cela s’est déjà produit dans ce pays), ce n’est pas maîtrisable. Les Américains ne pourront rien faire.

Il faut laisser tomber l’Égypte ?

Ils vont se retrouver comme la poule qui a trouvé le couteau, avec un truc ingérable. Soit il faudra assumer la prise du pouvoir par les Islamistes, soit il faudra trouver un dictateur à poigne, comme l’actuel patron des services de renseignement, le général Omar Souleïman, un bon mais très dur. A la place du pouvoir « civil » qui préserve les apparences, il va falloir mettre les militaires.

Quid de l’Algérie, devenue la place forte de plusieurs bases militaires américaines (à Tamanrasset notamment) ?

Du moment que l’on contrôle les tuyaux pétroliers… Le nord du Niger, ce n’est pas que de l’uranium (encore que cela a son importance) c’est aussi un immense dôme de gaz. Comme pour le gaz en Algérie, le problème va être de faire sortir ce gaz. La voie passant par le golfe de Guinée est de plus en plus complexe, l’autre voie passe par le Nord, par l’Algérie. Ce qui importe aux Américains, c’est que l’ordre règne pour le passage des tuyaux.

A propos de la zone sahélienne, que pensez-vous du changement de doctrine revendiquée par l’Élysée depuis la dernière prise d’otages au Niger qui s’est terminée par un bain de sang ?

Je pense qu’on va être obligé d’en rabattre, parce qu’on voit bien que cela ne marche pas. Pour que la politique française marche, il faut tenir des mois, avec le risque d’avoir des dégâts collatéraux comme on dit. Encore un coup comme la mort des deux jeunes au Niger et la coupe est pleine. D’un autre côté, à 1 ou 2 millions d’euros l’otage, cela va devenir une rente. Il faut donc une adhésion populaire sans failles -à l’israélienne- pour cette politique de fermeté marche.

L’Elysée a pris le parti de réagir (ce qui pour moi est pas mal), mais est-ce tenable à long terme ? Je ne sais pas.

Propos recueillis par Jean-Marc Manach et David Servenay. Illustration CC magharebia.

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