OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 26 ans de lois antiterroristes http://owni.fr/2012/10/07/infographie-la-tour-antiterroriste/ http://owni.fr/2012/10/07/infographie-la-tour-antiterroriste/#comments Sun, 07 Oct 2012 09:36:08 +0000 Pierre Alonso http://owni.fr/?p=121824

L’antiterrorisme français est un édifice. Un édifice légal, auquel le nouveau gouvernement socialiste veut apporter une nouvelle pierre. Les lois antiterroristes en vigueur sont récentes à l’échelle du code pénal. Certes, il y eut les lois scélérates à la fin du XIXe siècle qui créaient un système d’exception. Mais la machine antiterroriste actuelle repose aujourd’hui sur des lois de 1986, 1992, 1996, 2001 ou 2006 pour ne citer que les principales (voir notre infographie interactive).

Le projet de loi

Présenté mercredi en Conseil des ministres, le projet de loi prévoit de faciliter les sanctions de Français commettant des actes terroristes à l’étranger. Cette infraction existe déjà, notamment par le truchement de l’association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste. Le texte n’apporte donc pas de grandes nouveautés sur ce point. D’autres dispositions sont également prévues : la conservation de données de connexion, l’accès aux fichiers de police administrative et le recours à des contrôles d’identité. Enfin, il prévoit de faciliter l’expulsion de personnes étrangères suspectées d’activités terroristes. Lire notre article : Terreur dans le miroir.

Le système mis en place se caractérise par sa “vocation préventive” selon les mots du juge d’instruction Marc Trévidic, dans son ouvrage Au coeur de l’antiterrorisme. La vocation préventive doit résoudre une équation a priori insoluble : comment empêcher les attentats, c’est-à-dire punir avant qu’une infraction soit commise ? Marc Trévidic est bien placé pour poser la question (et y répondre) : ce magistrat appartient au pôle antiterroriste du Tribunal de grande instance de Paris – la galerie Saint-Eloi – compétent sur l’ensemble du territoire.

Centralisation

Ce principe de centralisation est posé par la première grande loi antiterroriste contemporaine, celle du 9 septembre 1986. Les affaires terroristes échappent aux juridictions ordinaires. Les enquêtes sont confiées à des magistrats instructeurs ou des procureurs spécialisés, à Paris. Les cours d’assises, pour les crimes terroristes, sont composées exclusivement de magistrats, et non de jurés, en vertu d’une loi de décembre 1986.

Ces bases du système français ne permettent toujours pas de résoudre la fameuse équation de Marc Trévidic. La solution apparaît à partir de 1992. L’expression “association de malfaiteurs en relation avec une entreprise terroriste” fait son entrée dans le code pénal. Elle devient un délit passible de 10 ans de prison en 1996.

L’association de malfaiteurs concentre les critiques, incarnant l’extrême souplesse du régime antiterroriste français. Dans son ouvrage, Marc Trévidic écrit :

Cette infraction est un outil terriblement efficace mais également potentiellement dangereux pour les libertés individuelles. (…) On réprime alors non l’acte de terrorisme pas encore commis, mais la préparation même de cet acte de terrorisme.

Clé de voûte du système français, l’association de malfaiteurs est vigoureusement défendue par les praticiens de la lutte antiterroriste. Le juge Bruguière, longtemps à la tête de la Galerie Saint-Eloi et connu pour son utilisation extensive de cette infraction, oppose “l’approche judiciaire française [aux] exactions commises par les États-Unis à leur centre de détention de Guantanamo et avec celles commises par le Royaume-Uni, où les étrangers soupçonnés de terrorisme ont été détenus sans limite de temps et sans inculpation de 2001 à 2004, jusqu’à ce que la Haute Cour déclare ces mesures illégales.” Une comparaison, en forme de justification, courante chez les magistrats spécialisés.

Dès la moitié des années 1990, les deux piliers de l’antiterrorisme à la française sont posés. Ils sont sans cesse renforcés par les législations suivantes. En 2006, “la loi relative à la lutte contre le terrorisme” aggrave les peines encourues pour l’association de malfaiteurs, renforce la centralisation de la justice à Paris et prolonge la durée de la garde à vue, jusqu’à six jours en cas de “risque sérieux de l’imminence d’une action terroriste en France ou à l’étranger”.

Un attentat, une loi

Une planète antiterroriste

Une planète antiterroriste

OWNI a développé avec RFI une application qui recense les législations antiterroristes dans le monde. Justice d'exception, ...

1986, 1996, 2006. Les grandes lois antiterroristes interviennent après des attentats. Au milieu de la décennie 1980, plus d’une douzaine d’attentats sont commis à Paris, revendiqués par le Comité de solidarité avec les prisonniers politiques arabes et du Proche-Orient. En 1995, la France est frappée par une nouvelle série d’attentats. Le 25 juillet, dix personnes meurent et 117 sont blessées par l’explosion d’une bombe dans la station Saint-Michel, à Paris, un attentat perpétré par le Groupe islamique armé algérien selon les autorités.

Dix ans plus tard, la nouvelle législation intervient en réaction aux attentats de Londres, en juillet 2005. Le projet présenté mercredi en Conseil des ministres est une version diluée d’un texte préparé par le précédent gouvernement, quelques jours après l’affaire Merah.

En 1898, aux lendemains de l’adoption des lois scélérates, Francis de Pressensé, futur président de la Ligue des droits de l’homme, écrit :

La France a connu à plusieurs reprises, au cours de ce siècle, ces paniques, provoquées par certains attentats, savamment exploitées par la réaction et qui ont toujours fait payer à la liberté les frais d’une sécurité menteuse.


[Survolez l'infographie avec votre souris puis cliquez sur les ronds noirs et rouges pour en savoir plus sur chaque texte]


Infographie réalisée par Cédric Audinot /-)
Retrouvez le recensement par Owni des 42 lois sécuritaires adoptées entre 2002 et 2011, dont les lois antiterroristes ne sont qu’une partie.
L’ONG Human Rights Watch a publié en 2008 un rapport sur l’antiterrorisme en France : la justice court-circuitée
En 1999, la Ligue des droits de l’homme avait publié “France : la porte ouverte à l’arbitraire” sur le même sujet.

]]>
http://owni.fr/2012/10/07/infographie-la-tour-antiterroriste/feed/ 14
Plainte contre un big brother français en Syrie http://owni.fr/2012/07/25/plainte-big-brothers-francais-syrie-qosmos-fidh-ldh/ http://owni.fr/2012/07/25/plainte-big-brothers-francais-syrie-qosmos-fidh-ldh/#comments Wed, 25 Jul 2012 05:56:24 +0000 Pierre Alonso http://owni.fr/?p=116936

L’étau se resserre un peu plus autour des marchands d’armes de surveillance. Selon nos informations, la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH) et la Ligue des droits de l’homme (LDH) doivent déposer ce mercredi une dénonciation au parquet de Paris. Ce signalement auprès du procureur vise des sociétés françaises, dont Qosmos, pour leurs activités en Syrie.

Dans ce document qu’Owni a consulté, les deux organisations ciblent la participation de Qosmos “aux opérations de répression réalisées par le régime de Bachar El Assad à l’encontre du peuple syrien”. La société a été “mise en cause pour avoir contribué à fournir au régime syrien le matériel de surveillance électronique nécessaire à la répression de la contestation”. Ce qui fait penser à la FIDH et à la LDH que Qosmos, à l’instar d’autres sociétés françaises, “[pourrait] être impliqu[é] dans la commission d’actes de tortures et de crimes contre l’Humanité.”

Surveillance massive

En novembre 2011, l’agence Bloomberg révélait que Qosmos fournissait du matériel à l’entreprise italienne Area SpA dans le cadre d’un projet de surveillance massive des réseaux syriens, baptisé Asfador. Depuis plusieurs mois, le site français Reflets.info se faisait l’écho de l’utilisation en Syrie du deep packet inspection, une technologie duale qui permet de mesurer la qualité du trafic ou d’espionner les échanges, y compris à grande échelle. Une technologie fournie par des fabricants occidentaux, notamment Qosmos.

Selon le directeur du service marketing de Qosmos, Erik Larsson, la technologie fournie permettait de “fouiller dans les mails et de reconstituer tout ce qui se passe sur l’ordinateur d’un internaute”. Le directeur, Thibaut Bechetoille, avait pour sa part reconnu qu’il n’était pas “convenable de continuer à soutenir ce régime”, précisant que la société s’était retirée quatre semaines auparavant conformément à une décision du conseil d’administration.

La carte d’un monde d’espions

La carte d’un monde d’espions

OWNI en partenariat avec Wikileaks vous propose cette carte interactive permettant d'identifier toutes les sociétés à ...

Une décision qui n’a pas convaincu les organisations de défense des droits humains. D’autant que des questions restent en suspens quant à l’effectivité de ce retrait et la date à laquelle il serait intervenu. Pour Me Clémence Bectarte, avocate à la FIDH, l’argument du retrait est d’autant plus fallacieux que “le régime de Bachar Al Assad n’était pas fréquentable, même avant le début de la révolte en mars 2011.”

Dans les pas d’Amesys

Il reviendra donc au parquet de Paris de décider d’ouvrir ou non une enquête. Amesys, filiale de Bull connue pour la vente de son système d’espionnage à grande échelle à la Libye de Kadhafi, fait désormais l’objet d’une information judiciaire après une plainte conjointe des deux organisations pour “complicité de crimes de tortures et traitements inhumains, cruels ou dégradants.” Les aventures syriennes de Qosmos pourraient lui faire suivre les pas libyens d’Amesys.

Avec cette interpellation formelle, les organisations ont une double intention, détaillée par Me Bectarte :

Le premier objectif est évidemment judiciaire, pour stopper ce commerce impuni d’armes de surveillance avec ces régimes. Mais nous voulons aussi alerter pour que la législation évolue.

Vendredi la ministre déléguée à l’économie numérique, Fleur Pellerin, s’est prononcée contre “l’exportation [par la France] de systèmes de surveillance d’Internet”.

[Mise à jour, 26 juillet 2012 : Selon l'AFP, le parquet de Paris a décidé d'ouvrir une enquête préliminaire contre Qosmos. La section recherche de la gendarmerie sera en charge de l'enquête qui pourrait déboucher sur une l'ouverture d'information judiciaire, pilotée par un juge d'instruction, ou sur le classement de l'affaire.]


• A lire sur les affaires libyennes d’Amesys : Au pays de Candy, enquête sur les marchands d’armes de surveillances, de Jean-Marc Manach, paru chez Owni Editions.

• Illustration par Loguy pour Owni

]]>
http://owni.fr/2012/07/25/plainte-big-brothers-francais-syrie-qosmos-fidh-ldh/feed/ 12
Richard Stallman, précieux radoteur http://owni.fr/2012/06/29/richard-stallman-precieux-radoteur/ http://owni.fr/2012/06/29/richard-stallman-precieux-radoteur/#comments Fri, 29 Jun 2012 12:32:28 +0000 Sabine Blanc et Ophelia Noor http://owni.fr/?p=114848

Richard Stallman à La Mutinerie Coworking à Paris, le 28 juin 2012 - (cc) Ophelia Noor

La Mutinerie, ses flamboyantes tentures rouges et son coffre de pirate en guise de table : l’espace parisien de co-working était tout désigné pour accueillir la conférence de Richard Stallman, hacker mythique qui a initié le mouvement du logiciel libre, sur le thème ”Logiciels libres et droits de l’Homme”. Une initiative des ONG la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH) et Reporters sans frontières (RSF), de leurs amis du cluster de hackers Telecomix, de Silicon Maniacs, avec le soutien de l’agence de communication LIMITE.

Drones d’intérêt général

Drones d’intérêt général

Des drones fabriqués en Bretagne pour équiper les opposants syriens, les aider à communiquer entre eux et témoigner des ...

En mode automatique, Richard Matthew Stallman, rms pour les intimes, a délivré son laïus habituel, devant un public acquis. Le même depuis presque trente ans, lorsqu’il claqua la porte du laboratoire d’intelligence artificielle du MIT en 1983 pour développer GNU, un OS dont le code est ouvert, en réaction à la logique propriétaire de plus en plus prégnante, gros sous oblige. Un retour à la nature originelle des logiciels puisque, on l’oublie souvent, les programmes ont d’abord été libres par défaut. Dans la foulée, la Free Software Foundation (FSF) est créée pour soutenir le projet.

(deliver Guru (clone SPEECH_FROM_30_YEARS_AGO)

Plus qu’un paramètre technique, l’ouverture du code est pour Richard Stallman une véritable philosophie. Il la résume en trois petits mots qui nous sont familiers, rappelé en ouverture, dans un français impeccable :

Liberté, égalité, fraternité.

Un triptyque d’où découlent quatre obligations, “quatre nouveaux droits de l’homme”, dans une société où l’informatique joue un rôle central : liberté d’utiliser le logiciel, de l’étudier, de le modifier et de le redistribuer. Mais aussi une quadruple obligation que doit respecter un programme pour pouvoir prétendre à une des licences labellisées “libre”.

Conférence de Richard Stallman sur les logiciels libres et les droits de l

Stallman est bien sûr agaçant par son côté sectaire, son intransigeance, qui consiste à démonter méthodiquement les outils que la plupart des gens utilisent au quotidien, en ignorant (faisant semblant de ?) que l’utilisateur lambda se contrefiche de savoir que Microsoft a mis des portes dérobées (backdoors) pour modifier Windows, ce “malware universel”,  ou qu’il ne peut pas tripatouiller le code, tant que ses besoins sont satisfaits. Lassant encore quand il file, as usual, la petite claque à Linux, l’OS libre à succès développé par Linus Torvalds et la grosse baffe à l’open source, avatar marketé parfois moins pointilleux sur les licences, qui a commis le crime de mettre en avant l’efficience des outils libres plutôt que l’éthique.

Richard Stallman joue d’ailleurs de cette étiquette en tonnant à moult reprises “parlez plus fort, je n’entends pas” (il est sourd comme un pot), ou en endossant le costume de Saint iGNUcius :

Saint iGNUcius, de l’Eglise d’Emacs
Je bénis ton ordinateur
Nous adorons le seul vrai éditeur d’Emacs
Tu dois prononcer la confession de foi :
Il n’y a aucun autre système que Gnu et Linux est un de ses noyaux

Richard Stallman, transformation en Saint iGNUcius avec la robe et l

Si l’homme occidental moderne fait furieusement penser au Discours de la servitude volontaire, de la Boétie, c’est somme toute son problème. En revanche, quand la liberté de communiquer, voire des vies, sont en danger, l’argument du “contrôle du logiciel sur l’utilisateur” pèse d’un poids nouveau. Et malheureusement, la surveillance du réseau s’accroit, comme l’a rappelé Antoine Bernard, le directeur général de la FIDH :

En Colombie, le président Uribe s’est livré à de l’espionnage sous couvert d’une procédure anti-terroriste. Des défenseurs des droits de l’homme, des magistrats, des policiers, ont été poursuivis jusqu’en Europe, leurs communications ont été interceptées.

Lui-même s’est fait tacler par rms pour utiliser Skype. Le bien pratique logiciel est troué comme une passoire et il a servi à espionner les opposants syriens grâce à un mouchard. Et ce n’est qu’un exemple.

Dès lors, il était logique de “connecter le monde du libre et des droits de l’homme”. La FIDH a “intégré l’enjeu depuis 2000″, les logiciels libres ont été installés, “non sans peine” car il est difficile de tourner le dos au “confort fallacieux de certains logiciels”, pour reprendre les termes de Nicolas Diaz, le webmaster de la FIDH. RSF, qui défend également des blogueurs et netcitoyens, souhaite aussi “engager plus la communauté du libre”.

“Bull éclatez”

Impossible de ne pas évoquer le cas d’Amesys, cette filiale de l’entreprise française Bull qui a vendu des systèmes de surveillance à des dictatures. La dualité de la technologie a bon dos, quand il s’agit de faire du chiffre d’affaires. La FIDH et la LDH ont déjà eu la satisfaction de voir que leur plainte déposée cet automne visant la société pour complicité d’actes de torture en Libye a permis l’ouverture d’une information judiciaire.

Gnu contre le taureau, Richard Stallman était symboliquement entré dans l’arène au printemps lors d’un séjour en Tunisie, le temps d’un happening, prouvant que le vieil oncle radoteur est aussi un gardien sacrément vigilant :

Cliquer ici pour voir la vidéo.


Photographies par Ophelia Noor pour Owni

Owni a publié en ebook sur Amsesys, Au pays de Candy, enquête sur les marchands d’armes de surveillance numérique

Nos confrères des Inrockuptibles ont demandé à Richard Stallman de conseiller François Hollande. Dommage que les équipes du cabinet de la nouvelle ministre de la Culture Aurélie Filippetti soient déjà constituées, avec un certain tropisme hadopiesque.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

]]>
http://owni.fr/2012/06/29/richard-stallman-precieux-radoteur/feed/ 26
Drones d’intérêt général http://owni.fr/2012/06/03/telecomix-syrie-ong-drone/ http://owni.fr/2012/06/03/telecomix-syrie-ong-drone/#comments Sun, 03 Jun 2012 16:40:45 +0000 Sabine Blanc et Ophelia Noor http://owni.fr/?p=112381

Le drone

Ce samedi , au Salon des solidarités à Paris, un drôle d’engin vrombissait entre un stand de Médecin du Monde et une échoppe de bijoux équitables  : un drone miniature, présenté dans le cadre d’une rencontre “hackers et ONG“. La bestiole vient tout droit de Bretagne, où une poignée de membres du collectif d’hacktivistes Telecomix s’est attelé à son développement. Car ce drone n’est pas destiné à butiner dans le clair ciel français mais à aider les Syriens en lutte contre la dictature de Bachar el Assad.

KheOps, pseudo qui cache un jeune homme juvénile aux longs cheveux blonds, a lancé l’initiative, choqué par la mort des journalistes Marie Colvin et Rémi Ochlik cet hiver :

Il vaut mieux perdre un drone qu’un journaliste.

L’opération en Syrie vue de l’intérieur

L’opération en Syrie vue de l’intérieur

KheOps est l'un des hackers de l'opération menée en Syrie pour contourner la censure. Il revient sur la genèse du projet, ...

Au royaume de la do-ocratie chère aux hackers, peu importe les intentions, seuls comptent les actions concrètes. Depuis plusieurs semaines, KheOps, aidé d’autres “agents” Telecomix, comme ils se nomment, s’est donc attelé à construire un engin customisé.

Avec ce projet, Telecomix rajoute une pierre à l’édifice solidaire de 1 et de 0 qu’ils ont construits durant les révolutions arabes, selon son motto. Le collectif informel, pour reprendre l’expression de Tomate, un de ses agents allemands, “est une idée. L’idée de la communication libre. N’importe quel type de communication.” Tunisie, Égypte, et donc Syrie, le groupe a aidé et aide encore les peuples à utiliser Internet en toute sécurité, un véritable travail d’“éducation”. Alors que la Syrie semble avoir mis cette semaine un nouveau tour de vis et que le conflit s’enlise, les agents ne sont pas près de quitter ce terrain.

Documenter le projet

Le drone doit faciliter la récolte et la diffusion des informations, en se jouant des snipers en embuscade.  Ses spécifications obéissent donc à un impératif, comme l’explique KheOps :

La personne doit prendre le moins de risques possibles, elle doit pouvoir piloter à vue, grâce à une caméra.

Drones d’hacktivistes

Drones d’hacktivistes

Les drones sont partout. À l'origine utilisés par les militaires, ces engins sont détournés de leur usage, en particulier ...

La caméra est aussi équipée d’un émetteur pour que les images soient diffusées en direct, dans un rayon théorique de quelques kilomètres. Histoire de ne pas réinventer la poudre, le petit groupe de travail s’est aussi  inspiré des nombreux projets qui ont été développés ces derniers mois, dans ce même état d’esprit de surveiller les surveillants, comme occucopter, bidouillé par les manifestants du mouvement Occupy Wall Street. “Nous avons scotché des bouts épars avec du chatterton, poursuit Okhin, étique agent à très haut débit, le “cerveau”du drone, le contrôleur, existe par exemple déjà, et il s’agit ensuite de le patcher, en fonction de notre expérience.”

Pour être honnête, la démonstration de ce samedi a été un peu contrariée : “Il ne marche pas encore, il a marchoté hier, s’excuse KheOps. On n’y connait rien, on apprend sur le tas.” L’objectif est de le finir fin juin, le plus important étant de fournir une documentation claire pour que le drone puisse facilement être reproduit. Avec un effet pervers dont ils sont bien conscients : le drone pourra tout aussi bien être utilisé à des fins de répression.

Restera un problème à résoudre, amener le matériel, car les drones grand public et les caméras ne courent pas les rues en Syrie. Et c’est là que les liens que Telecomix a tissé avec quelques ONG peuvent être utiles, comme le rappelle Ksa :

On va se débrouiller pour les faire rentrer par les réseaux des ONG, via la Turquie, le Liban ou la Jordanie. On n’a pas forcément besoin des ONG mais avec, c’est mieux.

Les hackers forment les journalistes

Les hackers forment les journalistes

La semaine dernière, hackers et journalistes avaient rendez-vous. L'objectif : apprendre à sécuriser ses connexions à ...

Étonnant pour qui méconnait le milieu des hackers, le rapprochement avec les ONG en zone de crise est logique : sens de la bidouille-débrouille, le fameux DIY (Do It Yourself), liberté de communication comme principe sacré, nécessité de protéger son identité dans certaines circonstances, conscience aiguë de la fragilité des infrastructures techniques et donc de la résilience, sont autant de points d’accroche et surtout de collaboration. Les hackers ont déjà une longue tradition d’engagement actif, avec par exemple le collectif Hacktivismo, créé en 1999, une émanation du mythique Cult of the Dead cow, qui aurait le premier employé le terme d’hacktivisme en 1996. “Certains portent d’ailleurs la double casquette hackers-ONG”, note l’un des agents.

“On a déjà collaboré avec RSF (Reporters sans frontières, ndlr), rappelle KheOps, on les connait, on s’entend bien.” Avec la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (FIDH), la rencontre s’est faite “dès la fuite de Ben Ali, quand Telecomix a commencé à soutenir des organisations. Après évaluation des besoins, nous avons mis en place un coffre-fort numérique pour conserver les archives”, se souvient Nicolas Diaz. Avec ses longs cheveux qui rivalisent avec ceux de KheOps ou d’Okhin, Nicolas Diaz ne dépareille pas. Responsable du système d’information et webmaster de l’ONG, il est déjà en terrain familier. Nous avons développé des outils de communication chiffrés avec des membres de Ubuntu et de Telecomix”, précise-t-il. Pointus, hyper-réactifs, peu avares de leur temps, nos hacktivistes ont parfois besoin d’un peu de “pondération, face aux impératifs techniques”, analyse-t-il.

Cette union forte a déjà abouti au projet Syrian stories, lancé en mars. Cette plate-forme rassemble des vidéos sélectionnées et mises en contexte, en puisant dans les documents de Telecomix Broadcast System (TBS), une base de données mise en ligne au même moment.  Le tout forme une timeline-mémorial beaucoup plus éditorialisée que la matière assez brute (dans tous les sens du terme), de TBS. Et plus tard, inch’ allah, ces images pourront servir de preuve à charge dans des procès.

La Pirate Box

Telecomix : « hacker pour la liberté »

Telecomix : « hacker pour la liberté »

Telecomix n'a pas de leader, ni de hiérarchie. Ce n'est pas une organisation, mais une "désorganisation" bien réelle qui ...

Ils envisagent aussi de détourner le concept de la Pirate Box, qui en soi-même est un hack. À l’origine, la Pirate Box est un outil open source gros comme une boite à lunch qui émet un réseau wifi pour vous permettre de partager des fichiers avec n’importe qui, sans nécessité de dévoiler son identité. Une invitation à retrouver les joies du partage de la culture et de la culture du partage. En guise de partage de musique, l’outil version terrain de guerre pourrait servir à communiquer dans un périmètre critique, un immeuble bombardé par exemple. Leur Pirate Poney Box, comme ils ont baptisé avec humour leur version, est ainsi équipée d’un module de chat anonymisé. Peu coûteuses, “25 dollars chez les Chinois”, plaisante Okhin, alimentées par un panneau solaire, plusieurs Pirate Boxes pourraient former un mini-réseau maillé, qui passerait les informations de relai en relai.

Lulz et honneur

En un an, Telecomix a acquis une belle notoriété que ses agents étaient loin d’imaginer. “Hype”, entouré d’une aura de magicien de la technique, les hacktivistes sont sollicités de toutes parts. “Nous ne pouvons pas aider tout le monde, tranche Okhin, les ONG ne doivent pas dépendre des hackers mais être autonomes. Nous mettons en ligne de la documentation, utilisez-la ! Et puis ce serait mauvais pour notre égo qu’on devienne des James Bond.”

On leur fait confiance pour éviter cet écueil, tant le lol fait partie de leur ADN.  Ces jeunes gens en baggies et baskets ont conscience de la gravité des événements mais leur approche reste ludique, parce que le goût pour le défi technique est inhérent aux hackers. Ils n’oublient jamais non plus ce pas de côté salutaire, la pirouette distanciatrice. Un peu comme si le général de Gaulle avait glissé un LOLcat entre deux missives. Une philosophie résumée d’une phrase, jetée dans un éclat de rire par un Okhin monté sur ressorts caféinés :

On ne fait rien d’extraordinaire à part ne pas dormir. Si ça nous faisait chier (sic) de sauver le monde, on ne le ferait pas.


Texte Sabine Blanc et photos Ophelia Noor

À lire aussi L’open source au service de l’humanitaire, le compte-rendu d’une autre conférence organisée dans le cadre de la rencontre hackers et ONG

]]>
http://owni.fr/2012/06/03/telecomix-syrie-ong-drone/feed/ 21
[application] DespoticMind: qui bafoue les droits de l’homme ? http://owni.fr/2010/09/13/application-despoticmind-qui-bafoue-les-droits-de-l-homme/ http://owni.fr/2010/09/13/application-despoticmind-qui-bafoue-les-droits-de-l-homme/#comments Mon, 13 Sep 2010 16:52:02 +0000 Nicolas Kayser-Bril http://owni.fr/?p=27963 L’Observatoire pour la protection des défenseurs des droits de l’Homme publie aujourd’hui son rapport annuel, L’Obstination du témoignage. Plus de 500 pages racontant par le menu comment les puissants torturent, violent et frappent impunément les défenseurs des droits humains, un peu partout dans le monde.


La masse de données ne doit pas cacher les situations nationales, toutes particulières. Pour sortir d’un mode de pensée binaire où les gouvernements occidentaux s’opposent aux gouvernements voyous, OWNI vous a mâché le travail et lu chacune des 63 fiches pays assemblées par l’Observatoire (programme conjoint de la FIDH et de l’OMTC).

Avec Despoticmind, vous devez retrouver les atteintes aux droits humains commises dans chaque pays suivant les règles d’un jeu de plateau connu.

Toutes les atteintes n’ont pas été répertoriées. Le gouvernement français, en particulier, mériterait de figurer dans le prochain rapport suite aux expulsions collectives de Roms qu’il organise. Si vous souhaitez proposer une atteinte (perpétrée en 2009), envoyez une courte description ainsi qu’un lien vers la source à nkb@owni.fr et nous l’ajouterons à la base de données.

Le serious game au service du journalisme

Pourquoi faire un jeu autour d’un sujet si grave ? En demandant aux utilisateurs de placer des pions symbolisant la torture ou l’esclavage sur un plateau, ne sommes nous pas en train de trivialiser ces crimes ?

Non, tout simplement. La banalité de l’horreur n’a rien de nouveau. Au contraire, en cherchant à simplifier les problèmes, les rédactions ont pris l’habitude d’appliquer les mêmes grilles de lecture à des situations complètement hétérogènes. Soudan = Guerre. Géorgie = Amie. Arménie = Amie aussi. Iran = On doit y aider les verts. Tunisie = Moins violent que l’Algérie. La liste des clichés avec lesquels on gave le téléspectateur serait sans fin.

C’est la raison pour laquelle la vision que nous avons de l’Afrique, par exemple, ressemble souvent à ça :

Despoticmind redonne toute leur place aux situations nationales. Nous cassons les modèles manichéens en remettant les faits au centre. Les problèmes du Gabon ne sont pas les mêmes que ceux de son voisin le Congo. Entre les grossières fausses preuves utilisées en Ouzbékistan et les moyens habiles de contrôle de la société civile par les ONG d’Etat en Azerbaïdjan, Despoticmind permet de saisir la diversité des moyens utilisés par les gouvernements lorsqu’il s’agit de piétiner les droits humains.

Le traitement de l’actualité par le jeu n’est pas nouveau. Wired s’était illustré avec Cutthroat Capitalism, où l’on rentre dans la peau d’un pirate somalien. De son côté, le site Newsgaming a produit September 12th, où l’on peut tirer les terroristes et les conséquences de la guerre en Afghanistan. Des chercheurs de Georgia Tech ont même écrit un livre, à paraître en octobre, sur l’application du jeu vidéo au journalisme.

]]>
http://owni.fr/2010/09/13/application-despoticmind-qui-bafoue-les-droits-de-l-homme/feed/ 1