OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Rebooter les villages http://owni.fr/2012/07/16/rebooter-les-villages/ http://owni.fr/2012/07/16/rebooter-les-villages/#comments Mon, 16 Jul 2012 09:45:18 +0000 Sabine Blanc http://owni.fr/?p=116190

La sainte trinité du hackerland.

Ces deux univers étaient faits pour se rencontrer, s’aimer, s’aider : les hackers et ce qu’on pourrait appeler les zones rurales autonomes. Et quand ils se fondent, cela donne un hackerland, comme celui qui se développe depuis cinq ans dans le Centre, au lieu-dit Conques-Bas, à quelques kilomètres de Bourges. Ce week-end, ses membres organisaient la deuxième édition de leur festival, Electronic pastorale. “La première édition avait été organisé pour fêter l’arrivée d’Internet”, se souvient Loul, une des habitantes.

Car le lieu a d’abord rassemblé une poignée de personnes qui voulaient vivre en autosuffisance, constituer un collectif au maximum “résilient” : trois gars du coin et pas des Parisiens en mal de retour à la Nature comme le Larzac en a vu tant passer. Jérôme, Pierre et Antoine, que les zones commerciales et l’Entreprise ne font pas rêver.

Alors, ils ont acheté deux hectares et, partant de ce rien de terre, ont construit pas à pas “un village”. Et pas une communauté, ils y tiennent. Pantalon de travail et bottes, des éclats de boue jusqu’à la ceinture, assis sur un vieux canapé récupéré sous la serre, Jérôme revient sur le terme :

J’ai fait un DUT de gestion des entreprises et administrations avant de partir un an en Irlande, j’ai étudié l’habitat écologique et les écolieux.

Les soixante-huitards ont échoué en voulant tout mettre en commun. Il faut tirer les leçons. Il ne faut pas se leurrer, nous sommes tous différents.

Le village mélange donc des lieux de vie en commun – comme la cuisine qui prévient d’un retentissant coup… de conque qu’il est temps de se régaler -, et des espaces privées, en l’occurrence des yourtes qui abritent maintenant une dizaine de personnes. Au passage, débarrassons-nous d’un préjugé : en hiver, les occupants ont très voire trop chaud, grâce au poêle central.

Éloge de la do-ocracy

Depuis leurs débuts, ils ont entendu tous les noms d’oiseaux planants : “hippies”, “tarte aux fleurs”, “allumés énergétiques”, etc. Sauf qu’ils ont les pieds bien sur terre. Pas de grands plans sur la comète mais une approche pas-à-pas : “On ne se fixe pas de limites, explique Loul, on voit au fur et à mesure.”

Non, la vaisselle ne se fait pas toute seule, chacun prend ses responsabilités et fait la plonge.

Et sur leur chemin, il leur arrive de se tromper. Eh bien ce n’est pas grave, les erreurs sont fructueuses. Pas non plus de plan fumette-envolées éthérées. Si le débat fait partie de l’essence du projet, un discussion trimestrielle baptisée “où va-t-on ?” vient même d’être mise en place, il est indissociable d’une charge de travail hebdomadaire médéfienne. Jérôme, surnommé d’ailleurs “la pile” en raison de son activité digne du lapin Duracell, s’amuse :

Quand j’ai commencé le maraîchage bio, certains avaient mis ma tête à prix, on m’a dit que je ne tiendrais pas deux ans, cinq après je suis toujours là. La valeur travail compte beaucoup dans le monde paysan, on me respecte maintenant, ils voient que je suis au travail à huit heures, et jusqu’à 19 heures.

Même s’il arrive surtout pour le moment“à s’endetter” , plaisante-t-il, et que c’est difficile, au moins s’est-il lancé avec ses deux amis, eux les trois Rmistes que les banques auraient renvoyé poliment mais fermement à leurs aspirations. Et déjà heureux comme “de prouver que c’est possible”. Ce n’est pas le beau potager rempli de tomates, de fraises, de panais, de haricot, d’oignons, de maïs, etc. qui dira le contraire. En attendant les champs de blé : “on a fait un test non concluant, à retenter… “

Il est libre, le pixel

Rejet des systèmes tout-emballés, résilience, éloge de l’entraide et du partage combiné à un respect de l’individu, valorisation du faire sur le dire incantatoire (la do-ocracy), importance de l’erreur dans les processus d’apprentissage (le learning by failing), goût pour la bidouille et la récupération, fonctionnement horizontal, autant de termes qui sonnent doux aux oreilles d’un hacker.

La serre abrite aussi un établi. Alexandre Korber, du hackerspace parisien le tmp/lab, s’occupe de l’imprimante 3D, un modèle RepRap autoréplicant.

Et comme ces néo-villageois n’ont rien contre la technique, contrairement à certains courants dans leur mouvance, la convergence se fait petit à petit, poussée par Loul et son compagnon Tom. Le couple fait en effet de l’informatique, fier tenancier d’un “petit commerce de pixels de proximité”. L’appartenance à l’univers des hackers est revendiquée sur leur site professionnel :

La pixelerie utilise exclusivement des logiciels libres et publie son travail sous les licences GPL, Creative commons, Art Libre.

Le terme hacker désigne quelqu’un qui s’approprie ou crée une technologie et participe à son augmentation. Contribuer au logiciel libre est une pratique hacker qui ne doit pas être confondu avec les “crackers” ou pirates informatiques.

Depuis leur arrivée voilà un an et demi, ils connectent les deux mondes, donnant corps auvillage planétaire de Marshall Mc Luhan. L’Internet est donc arrivé par satellite, depuis décembre 2010, en attendant un réseau WiFi maillé (“mesh”), moins capricieux. Utile pour trouver des conseils, documenter les projets… ou commander de bon vieux livres papiers instructifs. Des AOC (ateliers ouverts à Conques), autrement dit des open ateliers, ont aussi été mis en place chaque jeudi soir pour monter des projets en fonction des besoins locaux. Loul détaille leurs ambitions :

L’idée est de collaborer avec les agriculteurs et les maraîchers. À terme, nous aimerions faire un robot pour tracer les sillons et un système de serre automatisée. C’est dur de les faire venir, mais quand ils sont là, ils sont intéressés.

L’objectif est de travailler ensemble, de recréer du lien social, pas de faire du business.

Une des yourtes venues de Mongolie où vivent les habitants du village

Parmi les lieux collectifs, une “yourte numérique” est aussi à disposition, pour “se connecter, faire ce que l’on veut avec son ordinateur”, résume Loul. Bien sûr le matériel est sous Linux et une Pirate Box est installée, cet outil portable qui permet de partager des fichiers en toute liberté et de chatter grâce à un réseau local WiFi.

Hackerspace de campagne

La prochaine grosse étape, c’est la mise en place d’un hackerspace, un espace de travail dédié à la bidouille créative chère aux hackers. Pour l’heure, le bâtiment est en cours de construction, dans le respect de l’éthique du village. Coût global : 6 000 euros. Après avoir songé un instant passer par Ulule, la plate-forme de financement participatif, ils ont préféré y renoncer : avec un budget plus confortable, ils n’auraient pas forcément fait les choix les plus économiques, diminuant les possibilités de reproduire le projet.

À l’exception de la dalle de béton, c’est du DIY (do-it-yourself, fais-le toi-même)  : ils monteront des murs de paille, une technique ancestrale, avec le concours d’un agriculteur qui leur prêtera sa moissonneuse-batteuse pour qu’ils fassent eux-mêmes leurs ballots. Les tuiles ont été obtenues grâce à du troc. Intéressé pour utiliser le futur lieu à l’année, le tmp/lab, le premier hackerspace installée en région parisienne, met aussi la main à la poche et à la pâte. Un de ses membres, Alexandre Korber, le fondateur d’Usinette, qui apporte la fabrication numérique domestique partout où sa camionnette passe, est ainsi venu avec une RepRap. Cette imprimante 3D open source est autoréplicante, c’est-à-dire qu’elle peut fabriquer les pièces qui la constituent. Ça tombe bien, il n’y a pas encore d’imprimante 3D à Conques.

La voiture de Jacques Gagnereaud, dit Gajac, le rédacteur de l’Ecolibriste, le “bulletin de liaison” de l’APARTE.” APARTE, pour Association de promotion et d’animation sur les réflexions et les témoignages écologiques, dont le slogan est “vivre mieux dans un univers sain, naturel et fraternel”. Le bonhomme ne considère pas ses voisins comme des “tarte aux fleurs” ou des “allumés énergétiques”.

L’ouverture est prévue en janvier si les dieux du bricolage sont cléments. Le matériel à disposition sera orienté local bien sûr :

On y trouvera des technologies pour faire des machines qui servent à la campagne, pour travailler la terre, faire de la poterie.

Le monde de demain

Actuellement, les hackerlands sont un phénomène émergents. Pour Loul, il ne fait aucun doute qu’ils vont se multiplier :

On tend vers de plus en plus de liens. De toute façon, des gens vont y être contraints économiquement, alors autant y aller de soi-même.

Un des murs de la cuisine collective affiche la couleur : en résistance !

Jérôme renchérit :

La solidarité et les organisations sociales fortes, qui dépassent les obligations législatives, sont déjà présentes dans des villages des environs, de façon naturelle, ils font de l’open source (rires). De même dans certains quartiers des grandes villes. De nouveaux rapports sociaux se développent, pas forcément de façon consciente. Certains commencent à s’organiser pour cette résilience.

C’est obligé d’en passer par là, les gens ne se disent pas bonjour, ils prennent le métro en faisant la gueule, ils rentrent chez eux. Ceux qui ne sont pas encore tout à fait endormis vont réagir, il va y avoir un choc.

Qui sait, peut-être le ministre du Redressement productif deviendra-t-il dans quelques années celui de la Simplification volontaire ? Pour l’heure, on est encore loin, et il faudrait que les hackerlands renforcent leurs liens, par exemple via un site du type hackerspaces.org, dédié aux hackerspaces. Jérôme entend aussi rendre le mouvement plus visible quand ils seront prêts à sortir du bois du pré, pour éviter une exposition prématurée qui leur nuirait au final. Toujours la politique des petits pas.

À voir aussi, la conférence que Philippe Langlois, le fondateur du tmp/lab, a donné sur les hackerlands lors du dernier festival du Tetalab, le hackerspace de Toulouse :

Cliquer ici pour voir la vidéo.


Photographies au mobile par Sabine Blanc pour Owni et bidouillée par Ophelia Noor.

]]>
http://owni.fr/2012/07/16/rebooter-les-villages/feed/ 24
La gestion collective fera-t-elle partie du futur? http://owni.fr/2011/02/24/la-gestion-collective-fera-t-elle-partie-du-futur/ http://owni.fr/2011/02/24/la-gestion-collective-fera-t-elle-partie-du-futur/#comments Thu, 24 Feb 2011 07:30:25 +0000 Jean-François Bert http://owni.fr/?p=48181
.
.
Article initialement publié sur le blog de Jean-François BERT, sous le titre “La guerre des droits aura bien lieu”, d’abord repéré par OWNImusic
.
.
.
.

La transparence des sociétés de gestion collective fait débat, partout en Europe. Depuis quelques mois, les habituelles critiques des ayants droit et des utilisateurs sont désormais relayées avec force par les politiques. Et loin des média, des acteurs puissants œuvrent pour mettre fin à l’hégémonie de la gestion collective sur les droits d’auteur. Au point que se pose désormais la question, taboue s’il en est au pays de Beaumarchais : « La gestion collective est-elle obsolète ? »

Lorsque les sociétés de gestion collective de droit d’auteur sont apparues en Europe au milieu du XIXe siècle, elles répondaient à une attente forte des créateurs, qui jusqu’alors n’arrivaient pas à faire entendre leur voix auprès des utilisateurs de leurs œuvres (théâtres, cabarets, bals, etc). Ainsi fédérés au sein de sociétés qu’ils contrôlaient, les créateurs renversèrent le rapport de force en leur faveur : là où un utilisateur pouvait ignorer la demande de rémunération d’un individu esseulé, à la situation financière souvent précaire, il devenait impossible d’échapper à une société d’auteur représentant l’intégralité du répertoire national et prompte à faire valoir ses droits devant les tribunaux.

Pour ce qui concerne la musique, dès le début du XXe siècle la cause était entendue : tous les pays industrialisés s’étaient dotés de société de gestion collective (chaque fois en situation monopolistique à l’exception notable des États-Unis), qui passèrent entre elles des accords de réciprocité au fil du temps. Le système était ainsi parfaitement verrouillé : chaque société nationale représentant sur son territoire l’ensemble du répertoire mondial, chaque utilisateur se retrouvait face à un seul fournisseur s’il souhaitait utiliser de la musique. Toute concurrence étant bannie, les sociétés d’auteur fixèrent elles-mêmes leurs tarifs, ce qui en France fit croire pendant longtemps aux utilisateurs occasionnels que les droits d’auteur étaient une taxe, et que la Sacem était une administration.

Dès sa création, l’Union Européenne se préoccupa de cette situation de monopole et de ses éventuelles dérives. À la fin des années quatre-vingt dix, les sociétés de gestion collectives durent harmoniser en partie leur tarification sous le coup de décisions de justice européennes (en France, la Sacem dut diviser par deux ses tarifs sur les discothèques).

Le numérique, un vrai choc culturel

En débarquant en Europe, des sociétés hyper dynamiques comme Google (propriétaire de YouTube), Facebook et Apple subirent un vrai choc culturel en se retrouvant face à des sociétés de gestion collectives jugées incompétentes techniquement, déconnectées des réalités en terme de tarif, et arrogantes dans leur volonté de percevoir des droits sur l’ensemble de leurs revenus. Sans parler d’un rapport au temps ontologiquement incompatible.

Percevant les sociétés de gestion collective comme archaïques et représentant un frein au développement de leurs activités, ces sociétés ouvrirent trois fronts : juridique, politique et économique qui se renforcent l’un l’autre. Leur objectif commun : faire sortir les sociétés de gestion collective du jeu numérique.

Sur le front juridique, Google multiplia, avec succès souvent, les procédures judiciaires en Europe et les contentieux avec les sociétés de gestion collectives. Jusqu’à obtenir la reconnaissance du statut d’ « hébergeur», qui permet aux plateformes de ne pas être juridiquement responsables de ce que les internautes postent chez elles, leurs obligations se bornant à enlever avec diligence les contenus illicites signalés par les ayants droit. Aucune obligation donc, de rémunérer les auteurs : victoire en rase campagne.

Magnanime, Google signa néanmoins un accord avec la plupart des sociétés de gestion collective : des études montraient que la guérilla judiciaire avec les sociétés de gestion collective était contre-productive auprès des grands annonceurs et freinait le développement de sa régie publicitaire. Sur le front politique, Google, Apple, et Facebook, œuvrèrent sans relâche pour une libéralisation du secteur : Maîtrisant parfaitement toutes les technologies de gestion des droits, vivement attiré par ce secteur stratégique, elles se voyaient bien rémunérant en direct les auteurs qui déposent leurs œuvres sur leurs plateformes et leur réseaux sociaux.

Première victoire en 2005, lorsque la Commission Européenne obligea les sociétés d’auteur à se mettre en concurrence afin de pouvoir offrir des licences d’utilisation paneuropéennes. Concrètement, chaque catalogue de musique pouvait désormais choisir de se faire représenter par la société collective de son choix pour le représenter au niveau européen. On le comprend, l’idée de la Commission était d’introduire de la concurrence dans un marché figé, afin de fluidifier l’accès au répertoire pour les sites internet et de faire baisser les coups d’accès à la musique.

Or qu’advint-il ? Universal choisit la Sacem, Emi choisit une joint-venture anglo-allemande créée pour l’occasion, Sony créa une société dédiée avec la société de gestion collective allemande, Warner Chappell fixa un cahier des charges permettant à chaque société de représenter son catalogue, les sociétés de gestion collectives renégocièrent entre elles des accords à géométrie variable, etc. Loin de fluidifier la gestion des droits, la décision de la Commission Européenne la complexifia dramatiquement.

Et Itunes, qui pèse à lui seul 80% du CA du numérique pour la musique, eut alors beau jeu de cesser de payer les droits d’auteur au dernier trimestre 2009 (rien n’a été versé depuis), arguant de recevoir des factures des différentes sociétés de gestion collective pour un montant équivalent à 120% de ce qu’elle devrait normalement payer!

Et nous voilà sur le front économique : comment justifier une gestion collective sur le numérique qui est incapable de percevoir, et donc de répartir ? Comment les sociétés de gestion collectives européennes vont-elles expliquer à leurs adhérents qu’elles leur ont reversé en 2010 moins de droits numériques qu’en 2009, alors que l’utilisation légale de la musique sur le net n’a jamais été aussi forte ? Comment expliquer à une major que le digital représente 20% des revenus de sa maison de disque, qui gère ses droits en direct, alors qu’il ne représente guère plus de 1% des revenus de sa filiale éditoriale, qui reçoit ses droits des sociétés de gestion collective ?

Gestion collective intouchable?

Tout commença en avril, où la Cours des comptes rendit un rapport très critique sur la transparence des sociétés de gestion collective.
Ce fut ensuite début novembre, au Forum d’Avignon, Neelie Kroes, Vice-Présidente de la Commission Européenne, responsable de la stratégie numérique de l’UE, qui s’en prit à « la transparence et à la gouvernance des sociétés de gestion collectives » et à un système de gestion des droits d’auteur qui « a finit par donner un rôle plus important aux intermédiaires qu’aux artistes ». On ne pouvait être plus clair.

Fin novembre, c’est la révélation de la rémunération de Bernard Miyet (600 000 euros annuel), qui créa une forte polémique en France.

Fin décembre, Frédéric Mitterand , répondant aux questions d’un parlementaire à l’Assemblée nationale, stigmatisa à son tour la rémunération du Président du Directoire de la Sacem, mais aussi le manque de transparence de la gestion de la Sacem et le montant trop élevé de certains tarifs qualifiés d’ « opaques et confiscatoires ». Et comme cadeau de Noël à Monsieur Miyet, il annonça confier à ses services une mission d’inspection sur le fonctionnement de la Sacem.

Au Midem, Michel Barnier, Commissaire Européen en charge du marché intérieur et des services, et présenté par tous comme un défenseur des droits d’auteur, fut pourtant catégorique : « Nous voulons une gestion collective plus fluide et plus simple, au bénéfice des citoyens, des créateurs et des services innovants. Nous voulons plus de transparence dans les relations avec les utilisateurs et les ayants droit. » Et d’annoncer que la modernisation de la gestion collective serait imposée par la loi, et ce, dès 2011 !

Si la modernisation de la gestion collective ressemble à celle du marché des télécoms, de l’énergie et des jeux en ligne, on peut s’attendre à une libéralisation totale ou partielle du secteur, avec la possibilité pour les auteurs de gérer en direct leurs droits sur le net, ou par l’intermédiaire d’acteurs privés qui ne soient pas des sociétés de gestion collective.

Google, Apple, FaceBook auront alors gagné, et pourront commercialiser leurs offres interactives de gestion de droits sans aucun intermédiaire entre l’utilisateur et l’ayant droit. Il suffira de se connecter pour voir en direct où son œuvre est exploitée, et voir son compte crédité au fur et à mesure. Est-ce que ce genre de service intéressera les ayants droit ? Il y a fort à parier qu’en quelques années, la gestion collective sera reléguée à ce qui n’est pas (encore) numérique.

Mais la plupart des sociétés de gestion collectives ne croient pas à ce scénario de libéralisation. Les différents responsables que j’ai pu croiser au Midem reconnaissent que, certes, certaines sociétés d’auteurs sont mal gérées, mais que la leur est performante (évidemment), qu’ils n’ont donc rien à redouter des exigences de transparence d’une Commission Européenne qui se retrouve à gérer une situation qu’elle a elle-même créée. Pour eux, libéraliser un tel secteur reviendrait à jouer aux « apprentis sorciers » et n’est tout simplement pas envisageable.

Il est donc probable que les sociétés de gestion collectives européennes n’entreprennent rien pour se réformer d’elles-mêmes. Elles pensent qu’elles sont intouchables car elles détiennent un trésor : les bases de données des œuvres. Or, la technologie a changé la donne, et aujourd’hui la complexité n’est pas de faire une base de donnée des œuvres, mais bien de savoir où et quand l’œuvre est utilisée dans un univers digital où la consommation est nomade, multiple et non linéaire.

Dans la gestion des droits d’auteur comme ailleurs, l’information, c’est le pouvoir. Aujourd’hui, le pouvoir n’est plus détenu par celui qui connaît les œuvres, mais par celui qui connaît leur utilisation. Le changement de paradigme est total. La seule défense des sociétés de gestion collective était la loi, or celle-ci va changer dans quelques mois. Les sociétés de gestion collective européennes ont-elles pris la mesure de ce qui est à l’œuvre ?

Au Midem, un responsable d’une société de gestion collective m’a confié dans un sourire sa « petite perle de sagesse » avant de reprendre l’avion :

Si nous n’entreprenons pas maintenant des changements radicaux, dans 5 ans, la gestion collective n’existera plus dans l’univers numérique.

Il n’était pas européen.

Crédit photos CC flickr: slorp [cc-by-nc-nd]; keso; imagigraphe, jonnygoldstein

]]>
http://owni.fr/2011/02/24/la-gestion-collective-fera-t-elle-partie-du-futur/feed/ 3
Créer une vidéo: une cascade de droits! http://owni.fr/2011/02/03/creer-une-video-une-cascade-de-droits/ http://owni.fr/2011/02/03/creer-une-video-une-cascade-de-droits/#comments Thu, 03 Feb 2011 14:30:22 +0000 Michèle Battisti http://owni.fr/?p=45039 C’est un titre d’une extrême banalité, mais l’exemple choisi permet d’en prendre la mesure. Qu’un objet aussi court et anecdotique qu’un lipdub, plébiscité pour la communication institutionnelle, donne lieu à tant de démarches, paraît ahurissant.

Reprendre la définition

Un lipdub, ou clip de promotion est une vidéo réalisée en play-back et en plan-séquence par des collègues d’un milieu professionnel, généralement destiné à une diffusion sur Internet ou d’autres réseaux.

Établir la liste des droits

Si l’on utilise, par exemple, une chanson diffusée dans le commerce sous la forme d’un CD, il sera nécessaire d’obtenir des droits auprès de l’auteur de la musique et de l’auteur des paroles, voire auprès de l’arrangeur si l’arrangement s’avère lui aussi original. Il faudra également l’autorisation du producteur du CD de l’enregistrement utilisé (ne pas se tromper de version de la chanson) et celle de l’interprète qui bénéficient tous deux de droits voisins.

Une autorisation au titre du droit moral pourrait être envisagée, l’interprétation étant susceptible de porter atteinte à l’intégrité de l’œuvre lorsqu’elle est déformée par une mauvaise exécution, par une modification des paroles (ce qui sera sans doute simple à prouver, … à moins de démontrer que l’on est dans le registre de l’humour, la parodie étant une exception au droit d’auteur, et dans ce cas plus besoin de l’accord du parolier !), ou tout simplement pour avoir été utilisée à des fins non désirées. A cet effet, avant toute diffusion, il sera opportun de contacter les auteurs et les interprètes, voire leurs ayants droits si ceux-ci sont décédés.

C’est ce qui permettra d’exploiter l’œuvre musicale dans un cadre collectif sur internet, lors de divers évènements institutionnels, mais aussi sur l’intranet de l’entreprise, en n’oubliant pas de mentionner les auteurs dans les crédits.

Négocier les droits

Pour une diffusion sur Internet ou intranet, c’est la société de gestion collective Sesam qui sera votre interlocuteur. Comme Sesam ne représente, via la Sacem, que les auteurs, il faudra également contacter le producteur qui vous accordera souvent – mais pas toujours –l’autorisation des interprètes. Les auteurs peuvent – cas rare mais à envisager – n’être pas membres de la Sacem. Dans ce cas, il vous appartient de les retrouver.

Mais Sesam n’accorde pas le droit de télécharger l’enregistrement. Si vous souhaitez octroyer cet usage, il faudra contacter en outre la Sacem et le producteur.

En revanche, si le lipdub est diffusé lors d’une manifestation (assemblée générale, journée portes ouvertes, …), l’accord de la Sacem est suffisant car, dans ce cas, cette société de gestion collective représente également les sociétés de gestion collective de producteurs et d’interprètes. Si ce n’est que les auteurs et les interprètes doivent être directement contactés au titre du droit moral. Et oui !

Ne pas oublier

Lorsque la vidéo est réalisée avec l’aide d’une agence de communication, il faut régler par contrat outre la question de la prestation, celle des droits et, au titre du droit à l’image, il est prudent d’obtenir l’autorisation de ses collègues ou personnes apparaissant sur le clip. On ajoutera qu’il faut éviter de filmer des lieux protégés par le droit d’auteur et des lieux privés sans autorisation expresse, ou encore d’adopter des chorégraphies toujours sous droit, comme celles réalisées par Michael Jackson, pourtant si tentantes.

Je n’ai pas tous les droits

En cas d’infraction, une notification sera faite aux plateformes hébergeant votre vidéo qui ne s’embarrasseront pas de vérifier leur licéité, et supprimeront votre clip supposé contrefaisant ou portant atteinte à la vie privée, à charge pour vous de présenter les accords obtenus, dans une notification de contestation. Rappelons qu’une contrefaçon est passible d’une peine allant jusqu’à 300 000 euros d’amende et trois ans de prison. Mais rassurez-vous ! Avant tout procès, il peut y avoir négociation.

Comment éviter toutes ces démarches ?

En imaginant que vous-même ou l’un de vos collègues composiez la musique et les paroles, les arrangiez, créiez le scénario, procédiez à l’enregistrement et à son montage (au risque d’être moins percutant), et en cédiez expressément les droits à votre employeur. Vous pouvez aussi utiliser des chansons proposées sous une licence Creative Commons, lorsque la licence autorise un usage commercial et la création d’une œuvre dérivée, faute de quoi il faudra négocier auprès de l’ayant droit de la musique et des paroles pour réaliser votre lipdub qui représente une œuvre dérivée de l’œuvre première.

Vous avez tous les droits ?

Votre œuvre sera protégée à son tour. A vous d’en définir les usages ! Le lipdub de Justin notaire par exemple, autorise le mix, le karaoke, le téléchargement de photos etc. … – et d’en accorder les droits à des tiers, au coup par coup ou via une licence Creative Commons (ou une autre licence libre de votre choix), si celle-ci est compatible avec les utilisations qui vous ont été accordées.

Quelques règles

  • La vidéo, œuvre audiovisuelle est une œuvre de collaboration pour laquelle le producteur est présumé s’être fait céder tous les droits. Toute présomption contraire reste possible, à charge de le démontrer.
  • Une œuvre sera protégée par le droit d’auteur si elle est originale, soit « empreinte de la personnalité de son auteur ». L’œuvre musicale est une œuvre de collaboration, ce qui signifie qu’elle tombera dans le domaine public 70 ans après la mort du dernier des coauteurs. Les titulaires de droits voisins bénéficient de ces droits pendant 50 ans après la mise à disposition de l’œuvre.
  • Parmi les exceptions au droit patrimonial de l’auteur, on aurait pu s’appuyer sur la citation. Mais citer une œuvre musicale n’est pas admis (il est prudent de l’affirmer, en tout cas). Quant à la citation d’une œuvre audiovisuelle, qui doit être brève (ne pas représenter un extrait) et insérée dans une œuvre seconde, elle n’est pas appropriée ici. Comme il ne s’agit pas vraiment d’une parodie, conçue à des fins humoristiques (quoi que …), et que l’on se trouve dans un cadre institutionnel, cette autre exception au droit patrimonial de l’auteur ne peut pas être envisagée non plus.
  • Au titre du droit moral, l’auteur et l’artiste-interprète peuvent exiger de faire respecter leur droit de paternité et d’intégrité de l’œuvre. Ils disposent aussi d’un droit de divulgation et de retrait. Eux, puis leurs ayants droit, peuvent les exercer de manière perpétuelle. Le producteur qui dispose aussi de droits voisins ne bénéficie pas de droits moraux.
  • Une musique proposée sous licence Creative Commons n’est pas libre de tous droits. Selon le cas, la licence peut interdire de modifier l’œuvre, de l’utiliser à des fins directement ou indirectement commerciale, ou de la diffuser sous un autre contrat que le contrat initial.

Vous voilà prêt à aborder un nouveau cas

La prochaine assemblée générale se tiendra dans un manoir que vous avez loué. Vous payez un prestataire pour enregistrer cet évènement, le diffuser en temps réel, puis le mettre en ligne sur l’extranet de votre entreprise. Votre prestataire vous propose d’ « habiller graphiquement les images » et de créer des contenus pour le rendre plus « spectaculaire ».

Il faut donc à nouveau un contrat ad hoc avec l’agence de communication pour régler la question de la prestation et des droits d’auteur. Il faut aussi l’accord des propriétaires du lieu de tournage en prêtant attention aux œuvres encore protégées par le droit d’auteur qui pourraient s’y trouver : un tableau, une sculpture, etc., surtout si, par malheur, on devait les apercevoir par la suite en gros plan.

Il vous faut aussi l’accord exprès des intervenants qui doivent connaître les lieux de diffusion, en l’occurrence l’extranet de l’entreprise. Un accord tacite pour les autres personnes peut être envisagé, mais celles-ci doivent être informés – sur l’invitation, par exemple – que la manifestation sera filmée et du lieu de diffusion. Si vous songiez à d’autres usages, il est prudent de les mentionner immédiatement.

Votre vidéo est enrichie. Vous vous trouvez face à une œuvre composite pour laquelle il faut négocier les droits permettant l’insertion d’autres œuvres dans l’œuvre initiale – la vidéo – et une mise en ligne sur l’extranet, voire pour d’autres usages.

Et ainsi de suite ….

Article paru dans le n° 4, 2010 de la revue Documentaliste consacrée aux vidéos en ligne

>> photos flickr CC Reinis Traidas ; Daniel F. Pittago ; Terry Chay

]]>
http://owni.fr/2011/02/03/creer-une-video-une-cascade-de-droits/feed/ 2
La carte musique jeune déjà vieille ? http://owni.fr/2010/12/01/la-carte-jeune-deja-veille/ http://owni.fr/2010/12/01/la-carte-jeune-deja-veille/#comments Wed, 01 Dec 2010 13:05:35 +0000 Marc Rees http://owni.fr/?p=28502 Marc Rees nous tient au courant de l’évolution du projet désormais concrétisé qu’est “la carte musique jeune”. Il a beaucoup écrit à ce sujet et vous pourrez trouver de nombreux articles sur le site de PCINpact.

La SACEM soutient du bout des doigts la Carte Musique Jeune. Devant les députés, la Société des Auteurs a admis que le dispositif « permet d’orienter le public vers la consommation légale payante » mais l’orientation peut avoir des effets pernicieux pour le catalogue national.

« C’est le revers de la médaille » regrette Bernard Myiet : « elle n’a aucun effet sur la consommation et la production, du fait que la subvention favorise toutes les œuvres, françaises et étrangères, notamment anglo-américaines, contrairement à une politique d’orientation des marchés ». Ainsi, c’est davantage les producteurs mondiaux qui devraient s’en tirer à bon compte avec ce dispositif payé pour moitié par le consommateur, et pour l’autre par le contribuable.

Les propos rappellent ceux de Jean Arthuis, président de la commission des finances, qui dénonçait le 22 novembre dernier ce dispositif lors d’un débat sur le livre numérique. Le sénateur évoquait spécialement la situation des créations immatérielles vis-à-vis de la TVA luxembourgeoise : « Il faut savoir que toutes les institutions territoriales qui offriront à leurs jeunes concitoyens une carte d’accès à la musique numérique alimenteront le budget luxembourgeois. »

Gestion Collective Volontaire?

On se souvient également comment l’industrie musicale avait réussi à sauver ses billes dans l’accouchement du dispositif.

Dans le texte initial, elle devait cofinancer jusqu’à 10 euros par carte, le reste étant réparti entre l’Etat (le contribuable) et le jeune consommateur de 12 à 25 ans.

Dans le texte final, l’intervention financière des ayants droit n’est devenue finalement qu’optionnelle, et ne concernait qu’une petite partie de la promotion des oeuvres, non de l’achat de la carte. Le ministère de la Culture a accepté sans rechigner ce désengagement financier. La Rue de Valois estimait « plus opportun de rechercher un accord avec les ayants droit sur la gestion collective volontaire et sur la libération des droits sans interférer avec la mise en œuvre de la « carte musique jeune», sauf à retarder sa mise en œuvre ». C’était en avril 2010, depuis on attend toujours cette fameuse gestion collective volontaire.

Contribution compensatrice des FAI

Mercredi dernier à l’Assemblée nationale, la SACEM s’est dite plus « favorable à une contribution compensatoire permettant de mieux tenir compte des flux et d’orienter une partie des ressources vers la production nationale, comme cela se fait dans l’audiovisuel ».

Cette fameuse « contribution compensatrice » est réclamée par la SACEM depuis des années. Son objet n’est pas d’autoriser tous les échanges en compensation d’une taxe, mais d’infliger une ponction financière sur le dos des FAI pour souligner leur « responsabilité financière des FAI » sur les contenus illicites qui transitent dans leurs tuyaux.

La société des auteurs compositeurs milite ainsi pour cette « contribution de droit privé modulable à la charge des FAI afin de compenser les préjudices passés et futurs subis par les ayants droit de la musique, du fait des échanges non autorisés d’oeuvres musicales protégées ».

Article initialement publié sur PCINpact

Crédits photos CC flickr: blogstory; gycouture

]]>
http://owni.fr/2010/12/01/la-carte-jeune-deja-veille/feed/ 1
[ITW] La carte musique jeune va sauver l’industrie (lol) http://owni.fr/2010/10/28/itw-la-carte-musique-jeune-va-sauver-lindustrie-lol/ http://owni.fr/2010/10/28/itw-la-carte-musique-jeune-va-sauver-lindustrie-lol/#comments Thu, 28 Oct 2010 15:56:04 +0000 Marc Rees http://owni.fr/?p=27494 (Disclaimer : “L’insertion de liens hypertextes vers toute partie du site carte-musique.gouv.fr est interdite, sauf autorisation préalable et écrite du ministère de la culture et de la communication.” Dans ce contexte, il nous est malheureusement impossible de vous fournir le lien vers le site #fail )

Marc Rees, rédacteur en chef de PC INpact, interroge Edouard Barreiro sur LE “projet de l’année” du gouvernement pour accompagner HADOPI dans la reconquête du marché de la musique par l’industrie. Cette carte musique jeune, dont le lancement à été repoussé maintes et maintes fois a enfin vu le jour aujourd’hui.  Cette initiative résorbera-t-elle le déficit de l’industrie? Première déconvenue pour le gouvernement, il est possible de dépenser l’argent public en application iPad et iPhone sur iTunes, et non pas uniquement en musique, comme le révèle Numérama.

Le décret sur la Carte Musique Jeune a été publié ce matin au Journal Officiel. Puisque le dispositif s’adresse aux consommateurs, nous avons voulu connaître l’analyse de l’UFC-Que Choisir. C’est Edouard Barreiro, le chargé de mission sur les technologies de l’information au sein de l’association, qui a bien voulu répondre à nos questions.

PC INpact : Le dispositif Carte Musique Jeune a été publié au J.O. Comme jugez-vous cette démarche destinée à accompagner l’offre légale en ligne ?

Edouard Barreiro : L’UFC-Que Choisir s’oppose à ce dispositif, car, non seulement, il n’aura aucun effet sur la consommation, mais aussi parce qu’une fois de plus il fait appel au portefeuille des consommateurs – via l’impôt – qui subventionne déjà suffisamment cette industrie. Ce système ne fait que renforcer une mécanique vicieuse progressivement mise en place qui permet à certains acteurs de se comporter de manière « parasitaire ». En effet, pourquoi développer une vraie offre légale de qualité et investir si l’argent tombe du ciel via ce type de dispositifs, mais aussi les prélèvements divers sur le numérique ou les différents crédits d’impôt. Pourquoi prendre des risques si d’autres le font ? D’autant plus si ces téméraires (suicidaires ?) entrepreneurs, peuvent être saignés à blanc et devenir une source ponctuelle de confortables revenus – voir le cas Jiwa avec les avances et autres minimums garantis.

Cette politique doit s’arrêter ! De plus, comme je l’ai dit cela n’aura aucun effet sur les habitudes des consommateurs.

Il est illusoire de penser que ce type de démarches va amener les consommateurs vers un mode de consommation qu’ils rejettent depuis longtemps. S’il est rejeté, c’est clairement parce qu’il n’est pas adapté.

Pourquoi vouloir faire entrer des carrés dans des trous ronds ? Même en lubrifiant avec l’argent du contribuable ça ne passera pas. Il ne faut pas se tromper le partage n’est pas la cause de la désaffection des consommateurs pour ces offres, mais bien une conséquence.

Le dispositif sera aussi financé à 20 % par les plates-formes, somme éventuellement prise en charge par les ayants droit. Cela vous convient ?

C’est particulier comme arrangement, ça ressemble presque à la mécanique des marges arrière dans la grande distribution, sauf qu’avec la musique ce n’est plus le distributeur qui mène la danse !

Le scénario est plutôt de cet ordre : « Je te file mon catalogue, mais tu mets de l’argent sur la table pour financer ma petite promo sur mon artiste « bancable » ». Ce scénario choque d’autant plus que, mis à part Apple et peut-être Amazon, je ne vois pas quel acteur sur le marché du numérique peut se vanter de faire de l’argent avec cette activité !

On peut également s’interroger de l’effet de ces pratiques sur la diversité de l’offre. D’autant, plus que le dispositif privilégie la «variété» et les artistes français. Cette préoccupation n’est pas anodine, un rapport de l’Observatoire de la musique vient justement de mettre en évidence que les catalogues de labels indépendants connaissent un recul constant et conséquent. Ils étaient présent dans 94 % de sites au 1er semestre 2009, 83 % au 2e semestre 2009, et dans 75 % des services au 1er semestre 2010.

Et enfin, comme d’habitude, les ayants droit sont là pour encaisser, mais ne mettent rien, enfin n’y sont pas contraints, sur la table… Je suis sûr que le public qui subit et finance Hadopi et autres « joyeusetés » appréciera ! Jusqu’à présent j’étais certain de l’inutilité du dispositif je commence à croire qu’il est vraiment pernicieux !

Finalement, qu’est-ce qu’il manque à cette campagne selon vous ? C’est quoi une “bonne” carte musique jeune ?

La carte musique jeune n’est pas une réponse. La seule réponse est une offre attractive.

Une offre qui conduirait le consommateur à l’envisager comme un moyen crédible de « consommer » des œuvres culturelles. L’offre doit être représentative des usages des consommateurs, mais aussi de leur consentement à payer. Ce dernier est en relation avec le produit disponible. Est-ce normal de payer 10 euros par mois pour un forfait de streaming ou de location qui ne contient pas l’ensemble des catalogues ? Clairement non ! Mais pour un forfait de téléchargement, sans DRM et comprenant tous les catalogues là par contre c’est plus probable !
La structure des coûts (beaucoup de coûts fixes et peu de coûts variables) dans le numérique permet ce genre d’offres. À condition d’adapter les pratiques commerciales et de promotion. On ne vend pas ce type d’offres comme on vend des CD.

En réalité, c’est ce qui pose problème aux maisons de disques. Non seulement il est, avec le numérique, de plus en plus difficile d’orienter la demande, en gros d’expliquer aux consommateurs ce qu’il doit consommer, mais aussi il pourrait être plus difficile de capter le gros de la valeur comme les maisons de disques peuvent le faire avec le CD ou le fichier numérique vendu à l’unité.

Tout cela apparaît de manière évidente dans l’opposition du SNEP à la mise en place d’une gestion collective sur le marché numérique. Solution proposée par la mission Zelnik et actuellement en discussion dans le cadre de la médiation d’E. Hoog.

Pour conclure la seule question pertinente qu’il faut se poser aujourd’hui est que faire pour favoriser une vrai offre légale, j’irai même plus loin comment faire en sorte que les maisons de disques ouvrent leurs catalogues dans des conditions raisonnables aux distributeurs/diffuseur de contenus. La gestion collective est une réponse, mais l’encadrement du marché de gros peut en être une autre !

Merci Edouard Barreiro.

Cet article à été initialement publié sur Pc INpact

__

Photos flickr CC : Going… , ~Jin Han ~

]]>
http://owni.fr/2010/10/28/itw-la-carte-musique-jeune-va-sauver-lindustrie-lol/feed/ 3
Jiwa: La musique en ligne, un business de riches ? http://owni.fr/2010/08/03/jiwa-la-musique-en-ligne-un-business-de-riches/ http://owni.fr/2010/08/03/jiwa-la-musique-en-ligne-un-business-de-riches/#comments Tue, 03 Aug 2010 18:13:37 +0000 Astrid Girardeau http://owni.fr/?p=23784 Le 29 juillet dernier, le Tribunal de commerce de Paris a prononcé la liquidation judiciaire du site de musique en ligne Jiwa. «J’aime fréquenter Jiwa, un site commercial gratuit, où l’on peut trouver des millions de titres en écoute libre» déclarait le député Christian Paul (PS) en plein débats sur le projet de loi Création et Internet. Moins connu que Deezer, le site se distinguait notamment par le qualité de l’encodage, en récupérant directement les fichiers “Lossless“. Mais l’aventure a tourné court, et le site va devoir cesser son activité. L’information a été révélée ce matin par ReadWriteWeb, et confirmée à Owni par son PDG Jean-Marc Plueger.

La société Jiwa est co-fondée Thierry Rueda et Jean-Marc Plueger en 2006. Malgré leurs liens avec le milieu de l’industrie du disque — “on connaît très bien les directions des principales majors” — ils doivent attendre le 12 mars 2008 pour signer leur premier contrat avec Universal. Le site ouvre dès le lendemain. En mai 2009, ils annoncent une série de signatures avec des majors (Sony, EMI, Warner et Universal), des indépendants (Naïve et Pschent), des agrégateurs et avec Apple. Le site annonce alors un catalogue de 4,8 millions de titres et lance une V2.

En janvier dernier, interrogé par Electron Libre sur une “rumeur” de dépôt de bilan du site, Jean-Marc Plueger infirme l’information, et au passage livre quelques confidences sur les minimums garantis exigés par les majors pour l’exploitation de leurs catalogues. Ce qui a peu plu dans le milieu. Warner réagit en parlant d’informations “confidentielles et contestables”. Il déclare que Jiwa n’ayant “pas respecté ses obligations” il a “dû saisir le Juge des référés, lequel a effectivement condamné la plate-forme”, et décide de retirer son catalogue de la plateforme. Avec Sony, la major accuse également le site d’avoir lancé son activité “en violation” de leurs droits.

C’est également en janvier que Jiwa se réjouissait des perspectives offertes par le rapport de la mission “Création et Internet”, dit rapport Zelnik (pdf). Notamment de deux propositions. Celle d’étendre le régime de la rémunération appliquée à la radio hertzienne à la webradio, et celle de développer un régime de gestion collective des droits exclusifs pour les autres services (téléchargement de titres, streaming, etc.). La mission appelait alors l’ensemble des acteurs à se concerter et à opter pour un tel système “sous une forme volontaire”. S’ils ne parvenaient pas à un tel accord d’ici la fin de l’année 2010, elle menaçait alors d’instaurer un régime obligatoire par la loi.

Nous avons interrogé Jean-Marc Plueger, co-fondateur et PDG de Jiwa, à propos de cette fermeture, des minimums garantis (MG), et du futur des services de musique en ligne.

Quelle est la principale raison de la fermeture de Jiwa ? Les minimums garantis ?

Oui. Les minimums garantis, l’accès au catalogue, sont un problème pour nous et pour tout le secteur. Les contrats avec les majors sont très difficiles à négocier. Ils sont très longs à obtenir, et se font au compte-goutte. Et les paiements des MG sont très importants, et entravent le développement du site. Pour chaque type d’exploitation, les majors demandent un MG supplémentaire : il y en a un pour la diffusion streaming financée par la publicité, un pour un mode Premium, un si c’est pour une diffusion par mobile, etc. Toutes les nouvelles offres de musique en ligne doivent aussi faire face à deux concurrences énormes. Un poids lourd de l’offre légale avec Apple qui détient 70% du chiffre d’affaire de la musique en ligne en France. Et dont la part de marché continue à augmenter avec des exclusivités, par exemple sur l’iPhone. Et le piratage qui doit représenter plus de 90% de la consommation de musique en France.

Avoir dévoilé le montant des MG est mal passé…

Oui. C’est un milieu où personne ne communique les chiffres : ce que ça coûte, le montant des MG, etc. Aujourd’hui il y a quelque chose qui fait très peur aux majors, c’est la gestion collective. A tort ou à raison. Elles n’apprécient donc pas tout ce qui est communication sur leurs pratiques commerciales.

Et que pensez-vous du régime de gestion collective ?

Que du bien. Si on veut vraiment qu’il y ait du développement dans le secteur, c’est indispensable. Le fait de pouvoir accéder à un prix raisonnable aux catalogues.

Depuis la remise en janvier du rapport Zelnik les discussions ont-elles avancées ?

Un médiateur a été nommé, il s’agit d’Emmanuel Hoog, ancien président de l’INA et actuel président de l’AFP. Il a reçu les différents acteurs (les maisons de disque, etc.). Et on en est là.

Les majors sont vent debout contre le système de gestion collective

Cela peut-il évoluer ?

Aujourd’hui la situation est bloquée. Les majors sont vent debout contre le système de gestion collective. Elles sont très déterminées à ce que ça ne se mette pas en place. Alors que pour beaucoup d’acteurs d’Internet, c’est l’unique solution pour pouvoir avancer sur le sujet. Et on en arrive à une situation schizophrénique, par exemple à Vivendi où SFR est pour, et Universal contre. Dans le rapport Zelnik (pdf), il y a une menace de procéder à une solution législative. Il est dit «mettez-vous d’accord ou le législateur passera une loi d’ici la fin de l’année». Mais aujourd’hui, on a d’un côté les sites Internet qui ont beaucoup d’appétence pour ce régime, et de l’autre les majors qui sont totalement contre. Il faut qu’il y ait une volonté politique très forte. Donc la question est : y a t-il une vraie volonté politique ou non ?

Quel futur pour le marché sans cette gestion collective ?

S’il n’y pas de système de gestion collective, le marché va se concentrer de plus en plus. Les acteurs indépendants vont soit être revendus aux plus gros, comme c’est la cas avec Deezer et Orange, soit disparaître comme Jiwa. Et on aura plus que quelques acteurs essentiellement anglo-saxons. En Belgique par exemple, Apple détient 90% du chiffre d’affaires de la musique sur Internet. Et il n’existe même pas de version belge de l’Apple Store. C’est-à-dire que si vous êtes un artiste belge qui commence, vous n’avez aucune chance d’être mis en avant. Demain, la politique culturelle française en matière de diffusion dépendra t-elle de ce qui est décidé à Palo Alto ?

S’il n’y pas de système de gestion collective, le marché va se concentrer de plus en plus

Considérez-vous également avoir fait des erreurs stratégiques ?

Certainement. On a fait plein d’erreurs. Et il y a plein de choses qu’on ferait différemment. On ferait justement en sorte d’être moins dépendant des majors. En se concentrant sur les catalogues de musique indépendante ou sur les modes de diffusion qui bénéficient déjà d’un système de gestion collective comme la webradio avec la SCPP [Société Civile des Producteurs de Phonogrammes ndlr] et la SPPF [Société civile des Producteurs de Phonogrammes en France ndlr]. C’est beaucoup plus facile pour signer les contrats, et moins cher. Le rapport Zelnik propose d’ailleurs d’étendre le régime des radios hertziennes aux webradios.

Comment cela se passe t-il aujourd’hui pour Jiwa ? Vous avez annoncé une fermeture du site en plusieurs étapes…

Le tribunal du Commerce de Paris a prononcé le 29 juillet dernier une liquidation judiciaire “sans poursuite de l’activité”. On est en train de voir avec le mandataire judiciaire les solutions pour pouvoir laisser le site ouvert en stoppant l’écoute de la musique tout en laissant l’écoute des playlists en mode radio.

Une reprise du site est-elle envisagée ou envisageable ?

Je sais que des sociétés regardent le dossier. Mais est-ce que ça va aboutir… ?

Le gouvernement pointe souvent l’absence d’un maillage de petites entreprises françaises de services Internet. Quels ont été vos rapports avec le gouvernement ?

Une déception. En début d’année, les pouvoirs publics ont fait un ensemble de promesses pour aider les sociétés du secteur. On y croyait vraiment en janvier. Mais elles se sont toutes dégonflées comme des baudruches. Par exemple la Carte Musique Jeunes [l'une des propositions du rapport Zelnik ndlr] annoncée par Nicolas Sarkozy en janvier et qui devait être prête pour la Fête de la musique en juin. On y a passé des dizaines d’heures, une nombre de réunions incalculables, pour finalement nous expliquer un dispositif qui était une vraie usine à gaz. Et qui ne correspondait vraiment pas au mode de consommation de la musique en ligne aujourd’hui. On nous a annoncé que ça devait arriver le 21 juin, puis que c’était repoussé en septembre, et aujourd’hui que ça pourrait ne pas voir le jour du tout. On y a perdu pas mal de temps et d’énergie.

Un bilan de ces quatre années de Jiwa ?

La morale de l’histoire ? … Je ne sais pas. Quelqu’un à côté de moi souffle : «La musique sur Internet, c’est un business de riches». Je ne suis pas en désaccord.

Illustration CC FlickR par Stéfan

]]>
http://owni.fr/2010/08/03/jiwa-la-musique-en-ligne-un-business-de-riches/feed/ 5