OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 10 bonnes résolutions journalistiques http://owni.fr/2011/12/27/10-bonnes-resolutions-journalistiques/ http://owni.fr/2011/12/27/10-bonnes-resolutions-journalistiques/#comments Tue, 27 Dec 2011 07:31:27 +0000 Damien Van Achter http://owni.fr/?p=91758

La recommandation par les pairs est l’un des phénomènes les plus puissants révélé par la “démocratisation de la diffusion”. En 2012, pour les journalistes, et ceux qui aspirent à le devenir, justifier sa place de médiateur de l’information passe donc immanquablement par une plongée en apnée dans le grand bain des réseaux sociaux. Twitter, Facebook, Instagram, Soundcloud, Storify… sont donc AUSSI le terrain.

Je n’ai pas de baguette magique mais voici 10 pistes qui me semblent intéressantes à creuser.

1) Trouvez-vous un binôme, un partenaire, un homme/femme de confiance avec qui le courant passe bien. Et faites comme Starsky et Hutch. Couvrez-vous l’un l’autre. À la vie à la mort. Pendant que l’un se rend physiquement sur un évènement, prend des photos “décalées” (càd pas celles über conventionnelles que tous les autres auront), chope de la vidéo (idem), tweete (idem) et prend la température de ce qui se trame, l’autre, au poste devant son desk, se charge de mettre en musique le tout et de re-raconter l’histoire en y ajoutant les réactions/commentaires publiés par les internautes. Inversez de temps en temps les rôles et ajustez le curseur de votre collaboration. C’est à mon sens l’un des meilleures façons de lutter contre le darwinisme à l’œuvre dans les rédactions.

2) Partagez et donnez à voir de vous tout ce qui permettra aux internautes de sentir de quel bois vous vous chauffez. Tout ce que vous ne partagerez pas, vous le perdrez. Et assumez une bonne fois pour toutes que si vous faites ce métier, c’est aussi pour soigner votre égo, légèrement surdimensionné par rapport aux individus lambda. Vous verrez, ça fait un bien fou et votre psy vous félicitera. Vous apprendrez d’autant plus facilement de vos échecs et vos succès auront bien meilleur goût.

3) Gardez en tête que chaque tweet peut être le dernier pour le compte de votre employeur actuel. Si vous le critiquez en ligne, il sera obligé de vous virer. Idem si vous sortez des clous de la légalité. Soyez conscient que même après votre service, vous êtes toujours identifié comme employé de votre média. Si vous souhaitez garder une partie de votre vie privée, ne la mettez pas ligne. Et arrangez-vous avec vos potes pour qu’ils respectent l’intimité de vos beuveries.

4) Testez, expérimentez, bidouillez. Et recommencez. C’est à ça que servent votre liste Twitter “Technologies” et votre blog. Apprenez à coder. Mettez les mains dans le cambouis. Le web est un outil. Ce que vous en ferez ne dépend que de vous et de votre curiosité.

5) Ne faites pas comme si vous aviez la science infuse. Plus personne ne vous croit quand vous traitez le même jour 10 infos sur des secteurs complètement différents en prétendant avoir “fait le tour de la question”. Rendez à César ce qui lui appartient. Faites des liens, embeddez des tweets, sourcez le blogeur qui a inspiré votre papier. Dites quand votre définition vient de Wikipédia. Gagner la confiance des individus connectés ne se fait pas en un jour… Avouez vos limites, ouvrez la porte aux experts en ligne qui pourraient enrichir et augmenter votre travail. Faites-le de préférence en amont de sa diffusion.

Google Analytics n’est pas sale !

6) Intéressez-vous à ce qui se passe près de chez vous, là où vous habitez. Votre boulangère, votre facteur ou votre plombier sont d’excellentes sources d’informations. Allez boire des coups au bistro du coin. C’est aussi ça le terrain. Et une opportunité stratégique parmi les plus intéressantes.

7) Ouvrez vos contenus et faites en sorte qu’aucune barrière ne subsiste à leur propagation. Tracez-en l’usage et faites en sorte d’apprendre tous les jours un petit peu plus à qui vous vous adressez. Intéressez-vous à leurs centres d’intérêts. Ils ne sont pas arrivés sur votre article par hasard. Plongez-vous dans Google Analytics, ce n’est pas sale.

8) Harcelez vos institutions publiques pour qu’elles mettent à votre disposition et à celle des internautes les données relatives à son fonctionnement. En tant que citoyen, vous avez le devoir de vous insurger contre leur utilisation exclusivement commerciale par des entreprises privées. En tant que journaliste, c’est une mine d’or pour traquer les dysfonctionnements et mettre en lumière les paradoxes de notre société.

9) Soyez béton sur les faits, recoupez vos sources et respectez celles qui demandent à rester anonymes. C’est ce qui vous différenciera. Car pour tout le reste, le commentaire, l’analyse, la mise en contexte, la polémique, la critique… il ne faut pas être journaliste.

10) Vous n’avez pas choisi le métier le plus facile ni le plus bankable, alors faites au moins en sorte de prendre votre pied. Soyez vous-mêmes et dites-vous bien qu’on n’a pas attendu le numérique pour voir les cons voler.

Bonne année à tous !

À lire aussi:

Ten things every journalist should know in 2012 (Journalism.co.uk)

Quelles tendances pour 2012 ? (Work In Progress)

Article publié initialement sur le blog de maître Damien Van Achter sous le titre Journaliste : en 2012, trouvez votre Starsky.

Photo : FlickR CC-BY Euthmann.

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http://owni.fr/2011/12/27/10-bonnes-resolutions-journalistiques/feed/ 26
Médias en ligne : 10 tendances tech US http://owni.fr/2010/11/08/medias-en-ligne-10-tendances-tech-us/ http://owni.fr/2010/11/08/medias-en-ligne-10-tendances-tech-us/#comments Mon, 08 Nov 2010 07:32:52 +0000 Eric Scherer http://owni.fr/?p=34847

Comme chaque année à la conférence de l’ONA, Ammy Webb, consultante média, a fait salle comble avec son « top ten » des tendances technologiques appliquées aux médias.

Voici le cru 2010 :

1-Le scan de codes-barres par téléphones mobiles

Utilisé depuis une quinzaine d’années en Asie, le fait de scanner, via des smartphones, des codes-barres, répartis un peu partout dans la ville et les médias, se développe fortement aux USA. Il permet de renforcer l’engagement du média et de ses annonceurs avec son audience. Les médias devraient utiliser davantage ces comportements urbains en offrant des liens vers leurs médias ou depuis leurs médias. Google utilise bien cette fonction.

Extension progressive vers la reconnaissance optiques de caractères.

2-Les clôtures géolocalisées

Aujourd’hui, les gens qui utilisent Foursquare ou Yelp peuvent tricher sur leurs vrais lieux d’enregistrement manuel. Les distances réelles restent floues en raison des limites des systèmes d’exploitation. Certains téléphones offrent des notifications push, mais d’autres n’en ont pas. Il faut alors vérifier les mises à jour. C’est contraignant.

Mais il est facile de créer des notifications envoyées automatiquement à partir de l’entrée sur un territoire, pour des applications mobiles, des réseaux sociaux et des contenus. (Pratique pour surveiller ses enfants :-) , recevoir des messages pertinents de boutiques dans une zone ou des informations à des lecteurs d’une région).

Certaines peuvent être dynamiques et réactualisées en temps réel en fonction de votre position géographique.

Une application de «geofencing» est disponible sur l’iStore.

Autres exemples :

-Miso
-Tunerfish (Comcast)
-Fanvibe
-Superglued
-iSwig
-TabbedOut
-Plerts

3-L’analyse prédictive des comportements

L’analyse prédictive permet d’anticiper le comportement des utilisateurs en ligne et dans les réseaux sociaux, pour déterminer ce qu’ils voudront regarder, lire, acheter, etc.

Des informations d’analyse prédictive, produites à partir de données personnelles librement communiquées (volontairement ou non), sont utilisées par des marques dans Facebook où il est désormais possible d’acheter des produits. cf Kembrel.

-Amazon s’est ainsi associé à Facebook pour y présenter des solutions e-commerce. À utiliser en combinaison avec Quora.
-ESPN.com les utilise aussi à son avantage pour cibler son audience et mieux comprendre l’attitude de ses visiteurs internautes.
-Twitter va lancer sous peu un outil mesurant vos centres d’intérêt.

4-De l’hyperlocal à l’hyperpersonnel

Oui, les gens veulent savoir ce qui se passe autour d’eux, mais ils souhaitent une approche plus sophistiquée que ce qui est proposé aujourd’hui. Pour l’instant, les initiatives hyperlocales sont limitées à un public de geeks, d’universités et de fondations. Le grand public n’en a cure.

Le tableau ci-dessous montre les limites du succès des initiatives hyperlocales :

Il vaut donc mieux privilégier l’hyperpersonnel :

Le contenu doit être un contenu de niche. Pas hyperlocal, mais géographiquement spécifique.
« Local » signifie l’endroit où je suis maintenant. Pas forcément là où je vis ou je travaille.
Le contenu doit être crédible et en temps réel.
Il ne s’agit pas seulement de cartographies et de contenus UGC.
Le contenu doit impliquer les réseaux sociaux pour réussir.

5-Le tri sélectif dynamique

Le public souhaite être en mesure de trier en temps réel et de manière dynamique les continus qu’il a choisis, par exemple via les flux RSS et surtout désormais via les réseaux sociaux.

Sur l’iPad, l’application Flipboard est un des exemples les plus aboutis de l’avenir d’une information, triée par des personnes en qui vous avez confiance.

Autres exemples :
-Wavii (private alpha)
-Storify (private beta) : un CMS pour des flux venant des réseaux sociaux en temps réel. Utilisé par le site TBD.
-Qwiki (private alpha)

ou encore Paper.li et Twittertim.es pour les flux Twitter.

Les médias doivent utiliser ces outils pour publier leurs contenus et aider au tri sélectif des contenus du web. Un des objectifs serait de remplacer Google News par ce type d’outils sociaux intelligents. Mieux qu’un simple agrégateur !

6-Le « search » devient personnel

De nouveaux outils de recherche moissonnent les réseaux sociaux pour creuser et trouver l’information. Très utile pour les journalistes mais, attention, danger pour vos données personnelles.

Exemples :

-Greplin.com (bêta privé) permet de chercher dans tous vos réseaux sociaux, ainsi que sur le web, le courrier électronique et dans d’autres endroits, tout à la fois. Le meilleur ami des reporters !
-Google a racheté Angströ pour dopper Google Me et concurrencer Facebook.
-Spokeo combiné avec KnowEm peut maintenant être utilisé pour traquer les noms d’utilisateur caché.

Facebook devient aussi de plus en plus un moteur de recherche.

7-La réalité augmentée

La réalité augmentée va changer la manière dont le public va accéder à l’information.

- Voir quelques vidéos spectaculaires de démos sur The Astonishing Tribe.

Noter aussi l’arrivée de la techno de la « réalité diminuée », qui permet de supprimer en temps réel des objets dans une vidéo (comme dans PhotoShop).

Attention donc à bien géo-tagger les contenus.

8-Les tablettes

2011 sera l’année des tablettes ! Et pas que pour l’iPad !

Essai comparatif Webbmedia ici.

9-La télévision connectée

Évidemment, tous les regards sont tournés vers la Google TV et son OS Androïd.

Mais attention aussi aux fabricants de téléviseurs (Samsung, Toshiba, Vizio, Sony), aux fabricants de boites décodeurs, aux fournisseurs d’accès, aux différents intermédiaires. Et bien sûr à Apple (application iPad MyGeneration).

L’informatique dans les nuages va stocker nos contenus préférés.

Certaines tablettes sont capables d’écouter la télé et de donner du background pertinent !

La recommandation est de ne pas fournir des contenus à des seules fins de marketing.  Pour l’instant, ces initiatives manquent de contenus….

Pour l’instant, les alliances et regroupements ressemblent à ça :

10-Mesures personnelles

De plus en plus l’Internet des objets et les puces RFID éparpillent des tags et des étiquettes un peu partout dans le monde réel. Ces données pourront être reliées à nos vies personnelles.

Exemple de BodyMedia : un bracelet envoie toutes sortes d’informations pertinentes sur sa santé et se synchronise avec son ordi ou son iPhone tout au long de la journée.

Apple a déposé beaucoup de brevets autour de ces sujets.

Billet publié initialement publié sur Metamedia ; image CC Flickr rutty

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http://owni.fr/2010/11/08/medias-en-ligne-10-tendances-tech-us/feed/ 4
L’information hyperlocale peut-elle être viable ? http://owni.fr/2010/08/10/l%e2%80%99information-hyperlocale-peut-elle-etre-viable/ http://owni.fr/2010/08/10/l%e2%80%99information-hyperlocale-peut-elle-etre-viable/#comments Tue, 10 Aug 2010 10:56:54 +0000 Marc Mentré http://owni.fr/?p=24331 L’information hyperlocale a-t-elle un avenir ? À Paris, deux sites, dixhuitinfo et dixneufinfo, ont été lancés sans que pour l’instant ils n’aient réellement trouvé leur équilibre économique. L’occasion de réfléchir à ce qui se passe ailleurs, et en particulier aux États-Unis, où l’information hyperlocale connaît un développement important, initié par de puissants groupes de médias comme AOL et NSMBC, voir plus plus localement par des groupes de presse comme le Boston Globe (groupe New York Times).

Pour mesurer à quel point, le nombre de sites d’information de proximité a crû, il suffit de lire l’article que consacre à cette question Johnny Diaz du Boston Globe. Il prend l’exemple du choix offert à une habitante d’Harlington, ville de 45.000 habitants dans le Massachusetts. Elle peut consulter

  • les pages locales du Boston Globe, qui sont en fait un mini site. Le Boston Globe a créé en 2008 une rubrique Your Town, qui regroupe aujourd’hui 31 de ces sites. Très rapidement, 9 nouvelles villes devraient être couvertes par ce réseau.
  • le site Wiked Local Arlington, du groupe GateHouse Media. Ce groupe spécialisé dans l’information locale, possède entre autres 87 quotidiens, 271 hebdomadaires et 260 sites web de proximité (chiffres 2009)
  • yourarlington.com, un site communautaire local
  • ArlingtonPatch, créé par Patch.com, une filiale d’AOL. Actuellement, une trentaine de sites sont en ligne, mais il devrait y en avoir une centaine d’ici la fin de 2010.

Tous ces sites sont en accès gratuit, aucun d’eux n’ayant retenu le modèle du « payant ». L’équilibre financier —schématiquement— doit donc être trouvé entre les coûts de fabrication du contenu, de développement du site (coût technique, marketing, etc.) d’un côté  et les ressources publicitaires locales mais aussi nationales, la vente de services et la revente de contenus de l’autre.

Le jeu consiste donc d’abord à abaisser le plus possible les coûts de fabrication. Pour cela, les sites de ces chaînes (y compris Your Town du Boston Globe) sont des clones [clusters] construits sur un même modèle, un même graphisme. Un site local de Patch.com de la côte Est des États-Unis, sera exactement semblable (contenu mis à part) à un autre de la Californie ou du Texas.

Il existe plusieurs modèles d’information hyperlocale. J’en retiens trois principaux.

Extension et enrichissement d’un site existant

Celui du Boston Globe, avec Your Town. Le modèle ressemble à celui du réseau français Maville avec cette différence que dans le cas de Your Town, chaque site est une entité propre réalisée par une équipe rédactionnelle dédiée, composée d’un reporter et d’un « editor » (secrétaire de rédaction multimédia), ce dernier étant chargé d’animer le réseau de correspondants. Ces sites bénéficient de l’avantage considérable d’être « étiquetés » Boston Globe, le quotidien local de référence, et d’être accessible à partir du site principal de ce médias qui du coup devient un portail. Ces mini-sites permettent au site du journal d’augmenter son trafic (4,2 millions de pages vues par mois en juin 2010, pour l’ensemble du site et 200.000 pages vues pour les 25 sites Your Town en ligne) et ses ressources publicitaires, puisque chacun d’eux en génèrent en propre.

Le modèle des sites Wicked Local en est assez proche, à la différence que ceux-ci sont alimentés par les journaux [une centaine dans le seul État du Massachussetts !] que possède le groupe  GateHouse Media [la liste des publications du groupe ici].

Agrégation de contenus

Le site Outside.in est un agrégateur de contenus produits par d’autres, qu’il s’agisse des sites de journaux locaux (et donc ceux de concurrents comme Your Town ou équivalents), de télévisions locales, de blogueurs locaux, d’informations municipales, d’informations immobilières mais aussi de réseaux sociaux ou de Twitter. D’après son Pdg, Mark Josephson, Outside.in agrège plus de 40.000 sources différentes. Ces contenus agrégés sont ensuite redistribués localement, de manière automatique. Un moyen d’être réellement hyperlocal, puisque Outside.in affirme alimenter plus de 57.000 sites.

Outside.in ne se vit pas comme un « concurrent » des médias traditionnels, puisqu’il travaille avec eux, leur offrant ses services pour améliorer leur couverture locale. Un moyen pour ces derniers de serrer leurs coûts de fabrication. Déjà une centaine d’entre eux, comme le New York Post de Murdoch, Tribune qui édite le Los Angeles Time, ou des télévisions comme CBS, NBC ou Fox sont entrés dans la boucle. [source : Gigaom - Outside.in to AOL's Patch: Bring it On]

Il existe d’autres agrégateurs comme Topix, qui ajoute à ce service la géolocalisation, ou Placebloggers, qui, comme son nom l’indique, agrège les résultats de blogueurs.

Ce système de redistribution de l’information à grande échelle, très proche de ce que fait Google news, mais l’échelle hyperlocale, semble être un modèle d’autant plus prometteur, qu’il se marie parfaitement avec l’information sur téléphone mobile (ou les tablettes style iPad), où la géolocalisation a une importance primordiale.

AOL a mis un pied dans l’hyperlocal

Le réseau Patch.com est développé par AOL. Cette société s’est séparée de Time Warner en 2009, et a été reprise par Tim Armstrong, lequel s’est empressé de racheter deux start-ups qu’il jugeait prometteuses :

  • Going, basé à Boston, qui réalise des sites locaux dédiés à l’événementiel [trente sont actuellement en service, qui couvre les principales villes des États-Unis]
  • Patch.com, dont il était l’un des principaux investisseurs.

Avec ces deux investissements, Tim Armstrong entend réorienter AOL du service, vers le contenu en particulier local. « Le local, explique-t-il dans un mail aux salariés, demeure le plus grand des espaces vierges. » Ce qu’il propose comme projet est donc « de s’emparer de ce qui est le plus dispersé actuellement sur le web, et de faire en sorte que les consommateurs puissent trouver facilement et vraiment rapidement l’information locale dont ils ont besoin. » [Le texte complet de l'email ici, sur TechCrunch].

Comme l’estime Johnny Diaz, c’est une stratégie risquée, car « AOL entre dans le secteur de l’information locale sans posséder les ressources journalistiques [reporting muscle] d’un grand groupe de presse. » Pour réussir, Tim Armstrong investit massivement, autour de 50 millions de dollars (38 millions d’euros), ce qui devrait lui  permettre d’ouvrir une centaine de sites Patch.com rapidement.

Ces sites fonctionnent, en fait comme des blogs. Chacun emploie un journaliste, dont la tâche est considérable, puisqu’il doit assurer le travail d’un reporter multmédia (couverture de l’actualité locale en texte, photo et vidéo, gestion de l’agenda…), être son propre secrétaire de rédaction, mais aussi être un rédacteur en chef (et un directeur des relations humaines) puisqu’il doit embaucher et gérer les journalistes pigistes qu’il emploie et les payer. Il devra aussi alimenter le fil Twitter du site. À cela s’ajoute aussi des fonctions dans le marketing.

Autant dire que les journées sont à rallonge. Andrew Kersey, qui tient Manhattanbeach.patch.com, avoue, à 35 ans, « n’avoir jamais travaillé autant de sa vie ». Certains craquent comme cette journaliste qui a écrit à Den Kennedy, enseignant en journalisme à la Norstheastern University, qu’elle n’en peut plus de travailler 70 heures par semaine :

Fondamentalement, c’est un travail 24h/24, 7 jours sur 7, avec peu de moyens pour avoir un peu de temps libre – nuits, week-ends, jours de vacances, qui sont pourtant prévus dans notre contrat AOL (certains rédacteurs en chef régionaux essaient de nous aider ; les autres non). Cette question du temps libre est devenu une préoccupation majeure pour les éditeurs locaux. Ce sont des semaines de travail de 70 heures. Oui, 70 heures et plus. C’est une start-up et tout ce qui va avec, et je savais que ce serait un travail dur. Mais, ce qui devient inquiétant c’est que je ne peux pas avoir un break. J’ai travaillé plus de 20 ans dans le journalisme, comme reporter, éditeur online, secrétaire de rédaction de magazine, mais je n’ai jamais travaillé autant de ma vie. [lire l'email complet ici]

Le modèle, on le conçoit, pose de nombreuses questions (sans parler de la charge de travail imposée aux journalistes), en particulier celle de sa viabilité économique. Business Insider a publié une étude réalisée par Mike Fourcher, l’éditeur d’un site d’information hyperlocal CenterSquareJournal.com, basée sur Manhattanbeach.patch.com.

Côté coûts, dit-il, le journaliste « en pied » de Patch.com est payé entre 38 et 45.000 dollars par an [28 à 34.000 euros], auquel il faut ajouter les piges, soit environ 50 dollars par article [38 euros]. Il compte une moyenne d’un pige par jour. À cela il faut ajouter d’autres frais, comme les taxes, la sécurité sociale, les frais d’essence, etc.

Côté recettes, Patch.com fait payer 15 dollars [11 euros] le CPM [coût pour mille visites]. Mike Fourcher a recensé six emplacements publicitaires sur chaque page du site [quatre pour des bannières destinées à des annonceurs régionaux ou nationaux, et deux emplacements "self service" en bas de la page]. Il ajoute que Manhattan Beach compte 40.000 habitants, mais Patch.com a plusieurs concurrents dont le Los Angeles Times et Outside.in.  Quoiqu’il en soit, il compte généreusement 20.000 pages vues pour le premier mois. Un score qui devrait s’améliorer et tourner autour de 60.000 à la fin du sixième mois d’existence du site.

Il ne lui reste plus qu’a additionner [il prend la fourchette basse du salaire]. Résultat : le site est déficitaire le premier mois de 4.000 dollars [3.000 euros] et dégage un formidable bénéfice de…  33 dollars [25 euros] le sixième mois.

Bref, le modèle économique de Patch.com semble bien fragile, d’autant que la fréquentation ne semble pas encore au rendez-vous. Selon Nielsen, en juin 2010, la fréquentation de la totalité des sites Patch.com était de 210.000 visiteurs uniques par mois. Des chiffres à revoir lorsque le réseau sera déployé. Néanmoins, il faut espérer qu’existent d’autres ressources que la seule publicité, sinon il repose sur l’énergie et un investissement personnel de chacun des journalistes qui anime ces micro-sites. Sur la durée, ce système low cost cela ne semble pas tenable. Comme le dit plus crûment Mike Fourcher « le modèle économique d’AOL – Patch n’a pas de sens » [AOL's Patch revenue model make no sense].

Pour aller plus loin

Source : Silicon Valley Insider

L’économiste spécialiste des médias, Ken Doctor défend sur le site Seeking Alpha le modèle de l’information hyperlocale prôné par Patch.com

Le graphique ci-dessus montre la chute du chiffre d’affaires d’AOL entre 2007 (dernier trimestre) et 2010 (premier trimestre). Une courbe qui explique peut-être aussi le basculement initié par Tim Armstrong du service vers le contenu.

Article initialement publié sur Media Trend

Image CC Flickr Leo Prieto

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http://owni.fr/2010/08/10/l%e2%80%99information-hyperlocale-peut-elle-etre-viable/feed/ 10
Jeff Jarvis: repenser l’écosystème de l’information http://owni.fr/2010/07/06/jeff-jarvis-repenser-lecosysteme-de-linformation/ http://owni.fr/2010/07/06/jeff-jarvis-repenser-lecosysteme-de-linformation/#comments Tue, 06 Jul 2010 16:39:59 +0000 Guillaume Ledit http://owni.fr/?p=21274 Cela fait un moment que Jeff Jarvis, sur son blog et ailleurs, essaye de redéfinir l’avenir des médias en ligne. Il revient au cours d’une conférence à la Columbia Business School sur certains des aspects qui l’intéressent le plus.

Optimiste de nature, Jeff Jarvis estime qu’il existe de nombreux nouveaux business models pour l’information, et que le discours déprimant et fataliste traditionnel peut être remise en cause. Notamment celui qui vise à accuser Internet de tous les maux.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

De la gestion de la rareté à l’offre de service

Aujourd’hui, nous n’en sommes pas au moment où une nouvelle grosse entreprise maligne remplace les anciennes grosses entreprises. Nous sommes déjà dans un écosystème où plusieurs acteurs opèrent de différentes manières, et ce avec des business models variés.

L’hyperlocal est un des éléments de ce nouvel écosystème, bien qu’il faille maîtriser les techniques du marketing pour pouvoir en vivre. Là où il y a une immense marge de progression, c’est dans les relations entre les blogueurs “hyperlocaux” et  les commerçants. Ceux-ci ne veulent pas de bannières ou de publicités qui clignotent, ils veulent du service.

Jarvis propose donc d’aller de la gestion de la rareté à l’offre de service.

Si les entreprises de presse doivent s’adapter aux mutations en cours, ce n’est pas une raison de supprimer le journalisme d’investigation, qui créé une image de marque et positionne le journal.

Éloge de la petite entreprise en réseau

Pour qu’une entreprise qui produit de l’information soit bénéficiaire, il faut qu’elle soit de petite taille. Ainsi, le Washington Post et sa rédaction de 750 employés aura énormément de mal à être rentable en ligne, alors que pour un entrepreneur qui démarre, c’est faisable. Pour autant, personne n’a envie de voir disparaître le Washington Post. L’une des solutions pourraient être de créer une multitude de blogs qui seraient autant de micro-entreprises fondées sur la confiance construite au cours des ans.

Nous allons donc vers une ère de réseau, dans laquelle différents agents indépendants participent au même projet.

Ces réseaux peuvent être créés dans une optique “non-profit”, mais ce n’est pas forcément l’idéal, tant il est difficile de savoir si le marché  supportera cela.

D’un point de vue de la pratique journalistique, ils se passent des choses intéressantes au sein de ces écosystèmes. Les journalistes participant à un projet en réseau le font souvent au sein de leur propre entreprise, et développent des relations plus étroites avec leurs lecteurs.

La valeur est dans la relation

Douze pages sont consultées en moyenne par utilisateur et par mois sur les sites des grands médias d’information.

C’est “honteusement” faible, selon Jarvis, qui rappelle que Facebook a le même taux, mais par jour. L’importance de la communauté est ici une nouvelle fois soulignée.

Il s’agit de transformer la manière dont on considère l’information. Chez Google, Marissa Mayer (vice-présidente de Google, en charge des produits de recherche et des services aux  utilisateurs) pense que l’on s’oriente vers un flux d’information hyper-personnalisé. Organiser la sérendipité inhérente au web grâce à un algorithme est une idée étrange pour Jarvis.

La question est donc de savoir comment on accède aux informations. Auparavant, on le faisait uniquement par l’intermédiaire des marques-médias. On s’est ensuite mis à rechercher l’information, ce qui inverse la relation. Les algorithmes ont tenté quant à eux de gérer le flux d’information. Les liens établis par des êtres humains sont aujourd’hui au centre de l’accès à l’information.

Dans son ensemble, Google génère 4 milliards de visiteurs vers les sites d’information. C’est ensuite à eux de développer une relation avec les personnes que Google leur envoie. Et comme le dit Jeff Jarvis dans une invective directe à Rupert Murdoch :

S’ils ne le font pas Monsieur Murdoch, c’est leur putain de faute.

Jeff Jarvis enjoint ainsi de repenser l’ensemble de l’architecture de l’information, afin de comprendre comment valoriser la relation avec les lecteurs : les paywalls sont pour lui une aberration, il faut pouvoir faire ce qu’on fait de mieux, pour renvoyer au reste (“Publish the best, link to the rest”).

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http://owni.fr/2010/07/06/jeff-jarvis-repenser-lecosysteme-de-linformation/feed/ 25
Mon Keynote sur l’hyperlocal http://owni.fr/2010/02/12/mon-keynote-sur-l%e2%80%99hyperlocal/ http://owni.fr/2010/02/12/mon-keynote-sur-l%e2%80%99hyperlocal/#comments Fri, 12 Feb 2010 08:27:04 +0000 Bertrand Soulier http://owni.fr/?p=7966 J’ai participé lors de la journée WebCitoyens le 30 janvier à Paris à une table ronde dans laquelle j’ai présenté un peu le tendances et outils actuels du local et l’hyperlocal. J’ai repris les idées de la présentation de ce jour là pour en faire un document plus complet, plus compréhensible sans mes commentaires et avec des liens vers quelques outils.

» Article initialement publié sur Web local

» Photo d’illustration dpstyles™

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http://owni.fr/2010/02/12/mon-keynote-sur-l%e2%80%99hyperlocal/feed/ 0
PACinfo: Où sont passés les 10 milliards de la PAC? http://owni.fr/2010/01/13/pacinfo/ http://owni.fr/2010/01/13/pacinfo/#comments Wed, 13 Jan 2010 19:19:27 +0000 Nicolas Kayser-Bril http://owni.fr/?p=6955 9,94 milliards, c’est un netbook pour chaque Français. C’est le train gratuit pour tous pendant 6 mois. C’est le feu d’artifice du 14 juillet (celui du Champ de Mars, hein, pas de Agen) tous les jours de l’année dans toutes les capitales de région.

C’est aussi ce que reçoit la France tous les ans au titre de la politique agricole commune. OK, on paye moins qu’on ne donne. Mais ca signifie que les autres prétendants à des subventions européennes sont désavantagés (régions, associations) puisque Bruxelles essaye d’aplanir le solde net de chaque pays.

Malgré des sommes colossales et des enjeux qui dépassent largement l’agriculture, les contribuables ne reçoivent que peu d’info de qualité. Depuis maintenant 9 mois, la liste des bénéficiaires de la PAC est en ligne. Le site farmsubsidy.org l’a même remise en forme, pour que les internautes ne soient pas obligés de subir le site du ministère de l’agriculture. Malgré cette manne d’info, les journalistes français se sont montrés très circonspects.

Pourtant, l’OLAF (les incorruptibles de l’Union) a trouvé en 2006 que 48% des vaches slovènes n’existaient que sur les formulaires de demande de subvention. Plus tôt, c’était les Irlandais qui faisaient tourner leurs moutons d’exploitation en exploitation pour toucher plus de sous. Selon toute probabilité, les chiffres de la PAC recèlent bien d’autres histoires salaces.

L’année dernière déjà, j’avais lancé un ballon d’essai pour un projet de datajournalisme sur la PAC, sans résultat. J’ai mené depuis une plus grande étude de faisabilité, mais je ne peux pas aller plus loin, faute de temps et d’argent.

mokup

Je balance ici mes plans, dans l’espoir qu’un codeur (ou, qui sait, un rédac chef) la reprenne et la développe.

1. Récupérer les données

Construire un programme pour récupérer les 135.000 points de données, c’est long. C’est pour ca que farmsubsidy.org a déjà fait le boulot et vous offre une base Access à peu près propre. (Le lien vers le fichier zip si vous le demandez dans les coms).

2. Localiser les bénéficiaires

La base nous donne le nom et la commune du bénéficiaire. On peut donc les chercher dans l’annuaire.

  • Les Pages Blanches nous offrent les adresses.
  • L’API de Google Maps nous permet de les placer sur la carte.

3. Trouver des données hyperlocales (niveau: facile)

Pour chaque territoire, il serait intéressant de voir si les subventions reçues s’éloignent de la moyenne nationale.

Grâce à de telles données, le journaliste et l’utilisateur peuvent très vite identifier les zones s’éloignant sensiblement de la moyenne. Et commencer à enquêter.

4. Trouver des données hyperlocales (niveau: difficile)

  • société.com ou Infogreffe possèdent suffisamment d’infos sur les entreprises pour pouvoir établir des stats significatives sur le ratio subvention/chiffre d’affaire. Mais ces sites sont loin d’être complets ou structurés.
  • Le cadastre en ligne est une mine d’infos sur la structure des communes et des exploitations. Mais je n’ai pas encore trouvé de moyen de l’interroger automatiquement.
  • Wikipédia et sa petite sœur structurée dbpedia peuvent aussi se rendre utile, en donnant par exemple la couleur politique d’une commune.
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