OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Vendredi c’est Graphism ! http://owni.fr/2012/05/25/vendredi-cest-graphism-signaletique-sonore/ http://owni.fr/2012/05/25/vendredi-cest-graphism-signaletique-sonore/#comments Fri, 25 May 2012 09:11:43 +0000 Geoffrey Dorne http://owni.fr/?p=111419

Hello :)

Aujourd’hui c’est un numéro de Vendredi c’est Graphism tout ensoleillé que je vous propose avec une balade sonore dans la ville, avec un vêtement qui va vous permettre de faire des gestes…précis ou encore avec une vidéo graphique et ludique, sur le Sénat ! Et oui tout arrive ;-) On continuera sur de la visualisation de données et de la musique 8-bit et en conclusion, un doux WTF en extérieur mélangeant de la signalétique ET des animaux.

Bref, c’est Vendredi et c’est… Graphism !

Hop, on commence notre rendez-vous de la semaine avec un concept assez intéressant qui permet d’explorer la ville d’une façon différente. Loin des plans, des magasins, des photos et autres informations classiques, là c’est grâce au son que vous allez découvrir la ville. Le concept repose donc sur une solution interactive explorée à l’aide d’un stéthoscope, qui est en fait un lecteur RFID, afin de détecter des lieux, des emplacements. En termes simples, la carte est synchronisée avec des micros placés autour de la ville. Lorsque le stéthoscope est déplacé sur la position d’un de ces micros, l’utilisateur peut entendre ce qui se passe à cet endroit à ce moment-là.

idee Ecouter et parcourir le murmure de nos villes...

En vidéo :

Cliquer ici pour voir la vidéo.

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Je vous présente aujourd’hui : “Move”, un vêtement technologique conçu par Electricfoxy et qui tente d’améliorer la performance et la précision de vos mouvements. Des activités quotidiennes aux activités sportives ou encore à la danse, ce vêtement propose une approche plus douce, poétique, et plus personnelle. L’idée des designers qui ont travaillé sur ce projet étant également d’éviter la douleur chronique ou même à long terme un mauvais geste ou une mauvaise posture.

Le vêtement comprend quatre capteurs d’étirement et de pliage situés à l’avant, à l’arrière et sur les côtés. Ensemble, ils informent de la position de votre corps et du mouvement musculaire afin de déterminer si ils sont corrects. Le tout est relié à un téléphone mobile ou une tablette et vous permet d’évaluer, de gérer et de personnaliser votre expérience physique.

Bienvenue dans le futur ! :-)

Cliquer ici pour voir la vidéo.

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On enchaîne avec un sujet un peu lourd mais présenté sous forme d’émulsion de noisette, de chantilly, de crème fouettée 0%, bref, un sujet au final traité en toute légère grâce au graphisme, à l’animation, au design. Son titre ? « Commission d’enquête, mission d’information : comment ça marche? ». Son commanditaire ? Le Sénat. Grâce à cette vidéo, vous allez comprendre comment fonctionnent ces outils indispensables à la fonction de contrôle exercée par les sénateurs et vous approprier toutes les réponses grâce à cette vidéo pédagogique.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

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Je vous présente LE site qui a fait le tour du web la semaine dernière… il s’agit d’infogr.am, un site assez formidable ; application en ligne qui met à notre disposition plusieurs modèles (templates) d’infographies ou de diagrammes, dont on peut modifier les données à la volée. Le site comprend plusieurs styles différents et il vous suffira de générer l’infographie en déplaçant les éléments.

Comme les infographies sont de plus en plus nombreuses sur internet, je me doutais bien que ce genre d’outils allait exploser et, en effet, j’en vois de plus en plus. J’attends l’application mobile qui puisse me permettre de créer et de mettre en ligne mon infographie !

Infogr.am en images :

dataviz Créez de belles infographies & datavisualisations gratuitement et en ligne grâce à Infogr.am !

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Cette semaine nous avons eu droit à LA découverte 8-bits ! Plusieurs albums de Radiohead ont été mis à la moulinette de la musique 8-bits et voici celui-ci qui est mon préféré :)  L’artiste QuintonSung a pris à la fois le rythme et la mélodie et l’a et complètement transformée en sonorités 8-bits. De quoi nous rappeler notre jeunesse et nos jeux vidéo !

Les morceaux de musique de Radiohead :

  • 0:00 – Everything in its Right Place
  • 4:15 – Kid A
  • 8:44 – The National Anthem
  • 14:20 – How to Disappear Completely
  • 20:06 – Treefingers
  • 23:27 – Optimistic
  • 28:06 – In Limbo
  • 31:10 – Idioteque
  • 36:25 – Morning Bell
  • 41:18 – Motion Picture Soundtrack

L’album complet en 8-bit :

Cliquer ici pour voir la vidéo.

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On termine sur un WTF animalier ET signalétique avec cette série de photos publiée sur un blog qui recense les animaux qui enfreignent les panneaux et la signalétique des espaces publics ! Amis & collègues designers… et si vous conceviez de la signalétique pour animaux, à quoi cela ressemblerait-il ? Pas à ces panneaux en tous cas ;-)

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Pour le mot de la fin, c’est la fête aux liens, avec la dernière version de la musique du jeu “Sword and Sworcery”, avec les “Designer’s days“, avec une nouvelle façon d’attendre dans les hôpitaux, ou encore avec le Festival d’affiches de Chaumont !

Oh et…si vous passez au WIF de Limoges la semaine prochaine, n’hésitez pas à venir me saluer :)

Geoffrey

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Demain on fiche http://owni.fr/2012/03/05/demain-on-fiche/ http://owni.fr/2012/03/05/demain-on-fiche/#comments Mon, 05 Mar 2012 09:22:48 +0000 Jean Marc Manach http://owni.fr/?p=100304

MaJ, 06/03/2012, 16h56 : par 285 voix pour, 173 contre, sur 458 suffrages exprimés, le fichage des “gens honnêtes” a été adopté à l’Assemblée. Jean-Jacques Urvoas (PS) a déclaré qu’il allait dès demain déposer un recours au Conseil Constitutionnel.

Au XIXe siècle, lors de la conquête de l’Ouest, des ouvriers Chinois, venus construire les lignes de chemin de fer, utilisaient de l’”huile de serpent” (“Snake oil“, en VO) comme remède “naturel” aux douleurs articulaires. Plusieurs escrocs s’emparèrent alors du phénomène, et commercialisèrent de multiples “huiles de serpent“, toutes plus placebo les unes que les autres, en faisant croire qu’elles accompliraient des miracles, et guériraient tous les maux.

Le fichier des “honnêtes gens“, créé pour mettre un terme aux usurpations d’identité, et qui sera adopté ce mardi 6 mars 2012 à l’Assemblée, en sixième lecture (et après 8 rapports parlementaires), s’apparente à une “huile de serpent“, à une “poudre de perlimpinpin“. Aux effets secondaires dévastateur. Pour la première fois depuis le gouvernement de Vichy, il s’agit de ficher l’ensemble de la population française, 60 millions d’”honnêtes gens“, au prétexte de mieux les protéger. Démonstration, en 10 questions qui, étrangement, n’ont jamais été, ou quasiment, débattues au Parlement.

Qui est à l’origine de l’expression de “fichier des gens honnêtes” ?

Le Parlement veut ficher les honnêtes gens

Le Parlement veut ficher les honnêtes gens

Le projet de ficher 60 millions de "gens honnêtes" oppose sénateurs et députés. Depuis le 12 janvier dernier, ces ...

Les défenseurs de la proposition de loi, ainsi qu’un certain nombre de médias, ont avancé, à tort, que l’appellation “Fichier des gens honnêtes” émanait d’opposants à ce projet. Il n’en est rien : c’est François Pillet, rapporteur (apparenté UMP) de la proposition de loi au Sénat qui, le premier, l’a utilisée, le 31 mai 2011, avant de la qualifier de “bombe à retardement pour les libertés publiques“. Le PS a ainsi rappelé que l’on n’avait jamais vu un tel projet de fichier depuis Vichy, et son “fichier général de la population, en 1940“, qui fut d’ailleurs détruit à la Libération.

Le fichier mettra-t-il un terme aux usurpations ?

L’”usurpation d’identité” est un terme générique qualifiant tout autant les faux et usages de faux (papiers, diplômes, CV, profils Facebook ou plaques d’immatriculation, etc.), les fraudes aux allocations sociales ou à la carte bancaire, les titres de transport utilisés à plusieurs ou encore le fait de donner une fausse adresse aux contrôleurs…

Prétendre que le fichier des “honnêtes gens” mettra un terme à l’usurpation d’identité est tout aussi mensonger que d’expliquer que l’”huile de serpent” permet de guérir de la peste ou du choléra.

Le fichier des “gens honnêtes” ne permettra pas vraiment d’empêcher les faux et usages de faux, la fraude aux transports publics non plus que les faux mails ou profils Facebook. En revanche, il permettra aux services de police judiciaire d’accéder aux empreintes digitales de ceux qui y sont recensés dans le cadre d’enquêtes sur des infractions dont le lien avec l’usurpation d’identité est pour le moins “ténu, voire inexistant“.

Selon François Pillet (UMP), rapporteur de la proposition de loi au Sénat, et le député (PS) Serge Blisko, de nombreuses autres poursuites judiciaires autoriseront la police à plonger allègrement dans les données de ce fichier :

- délit de révélation de l’identité d’un agent des services spécialisés de renseignement,

- faux en écritures publiques, même lorsque celles-ci ne portent pas sur l’identité d’une personne,

- escroquerie, même lorsque l’escroc ne se dissimule pas sous une fausse identité,

- franchissement illicite d’un portillon dans le métro ou déplacement sans titre de transport

Or, ce que craint François Pillet, tout comme les députés et sénateurs de l’opposition, ainsi que la présidente de la CNIL, qui s’est dit “inquiète“, c’est que “le dispositif proposé (…) ouvre la voie à d’autres empiètements, à l’avenir, afin d’étendre peu à peu le périmètre de l’utilisation du fichier central biométrique de la population française“, comme ce fut le cas pour le FNAEG, créé pour ficher les empreintes génétiques des criminels sexuels et élargi, depuis, aux simples suspects de la quasi-totalité des crimes et délits. Le FNAEG répertorie ainsi aujourd’hui les empreintes génétiques de près de 2 millions d’individus, dont 67% n’ont jamais été condamnés.

Le fichier mettra-t-il un terme aux fausses pièces d’identité ?

L’objectif affiché du fichier des “honnêtes gens” est d’empêcher quelqu’un de se procurer une carte d’identité au nom de quelqu’un d’autre. Mais le postulat de départ de ce fichier est que les “gens malhonnêtes” attendront patiemment que les 60 millions de “gens honnêtes” aient préalablement confié leurs états civils, empreintes digitales et faciales, avant que de tenter d’usurper leur identité… ce dont on peut légitimement douter.

Dans les faits, le fichier des “gens honnêtes” n’empêchera donc pas une personne malintentionnée de, par exemple, utiliser un faux passeport, un faux document pour usurper votre identité auprès d’administrations publiques ou d’entreprises privées, comme Nicolas Caproni, consultant en cybercriminalité et sécurité des systèmes d’information, à qui cette mésaventure vient d’arriver, s’en est expliqué.

Seuls les officiers de police judiciaire, enquêtant sur des soupçons d’usurpation d’identité, seront habilités à vérifier l’état civil et les empreintes digitales des personnes inscrites au fichier des “gens honnêtes“. Les gendarmes et policiers, employés d’administration ou d’entreprises privées, qui contrôleront nos papiers sans avoir accès au fichier ne pourront donc pas savoir si le titulaire de la carte d’identité qui leur sera présentée est son détenteur légitime, ou non.

Cette problématique n’a rien d’illusoire, ou d’hypothétique : Le Parisien révélait récemment que plus de 10% des passeports biométriques seraient des faux :

Sur les 7 millions de passeports biométriques en circulation, 500 000 (selon certains criminologues) à 1 million (de source officieuse policière) seraient indûment obtenus.

Ces passeports biométriques avaient pourtant, précisément, été sécurisés en s’adossant à un fichier des empreintes digitales et photographies numérisées de leurs détenteurs. Ironie de l’histoire, ce fichier des titres électroniques sécurisés TES est précisément celui qui sera utilisé pour ficher les “gens honnêtes“…

L’usurpation d’identité est-elle en hausse ?

Les défenseurs de la proposition de loi sur la protection de l’identité parlent de 210 000 usurpations d’identité, par an. Ils oublient de préciser qu’il s’agit d’une estimation issue d’un sondage financé par une entreprise commercialisant des broyeurs de documents, et qui avait donc intérêt à exagérer le nombre d’usurpations d’identité.

Comme l’a résumé François Pillet, rapporteur (UMP) de la proposition de loi, ces données “n’ont pas été scientifiquement établies, le chiffre de 210 000 cas (ayant) été obtenu en suivant une méthode unanimement critiquée (et) d’une fiabilité douteuse“.

L’observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP) estime de son côté que le nombre de “faux documents d’identité” est passé de 8361 en 2005 à 6342 en 2010, soit une baisse de 24% en 5 ans, chiffres que se sont bien gardés de mentionner Claude Guéant et les partisans du fichier des “honnêtes gens” au Parlement :

Dans le même document, on apprend que la Police de l’Air et des frontières, a comptabilisé, en 2010, “2 670 documents frauduleux français (dont) 1 142 titres de séjour, 216 visas, 651 cartes d’identité, 510 passeports et 151 permis de conduire“.

Fichez les tous !

Fichez les tous !

Ce mercredi, dans une relative discrétion, l'Assemblée nationale a adopté un texte permettant de ficher la quasi totalité ...

Or, Michel Bergue, directeur de projet sur la lutte contre la fraude documentaire et à l’identité au ministère de l’intérieur, auditionné à l’Assemblée, avait de son côté expliqué qu’”environ 80 % des fraudes détectées sont le fait de ressortissants étrangers souhaitant se maintenir irrégulièrement sur notre territoire“. Le Parlement s’apprête donc à voter le fichage de 60 millions de “gens honnêtes” alors que le ministère de l’Intérieur ne sait même pas combien l’on détecte de fausses cartes d’identité, par an, mais que l’on peut néanmoins estimer qu’il ne dépasse probablement pas le millier.

A quoi servira donc ce fichier des “honnêtes gens” ?

Ce même document contient un autre chiffre très intéressant : on y apprend en effet que si le nombre de faux documents administratifs est passé de 8361 à 6342, en 5 ans, “100 757 personnes ont été signalées pour l’utilisation d’au moins deux états civils différents” en 2010, un chiffre en augmentation de 109,9% en 5 ans :

L’ONDRP tient cela dit à préciser que ce chiffre, “calculé à partir du fichier automatique des empreintes digitales” (FAED) et qui correspond au nombre de personnes qui, “placés en garde à vue pour une affaire de crimes ou délits“, auraient déclaré “au moins deux identités“, est probablement surestimé, dans la mesure où il additionne “les usurpations avérées de celles résultant de fautes d’orthographe ou d’erreurs dans l’enregistrement phonétique des identités“.

En attendant, si on peine à comprendre l’intérêt de vouloir enregistrer les empreintes digitales de 60 millions de “gens honnêtes” afin de lutter contre moins d’un millier de fausses cartes d’identité, on comprend par contre l’intérêt de pouvoir exploiter untel fichier centralisé des empreintes digitales afin d’identifier ceux qui déclarent une fausse identité aux policiers, mais qui ne figureraient pas encore dans le FAED.

En février 2011, ce fichier contenait les empreintes digitales de 3,6 millions d’individus “mis en cause“. Le fichier TES, lui, a d’ores et déjà fiché les empreintes digitales, et photos numérisées, de 7 millions de Français. Aucun parlementaire n’a jamais abordé la question de savoir si les empreintes digitales de ceux qui, parce qu’ils ont demandé un passeport biométrique, y sont déjà fichés, pourront être exploitées de façon policière.

A qui profitera ce fichier des “honnêtes gens” ?

Au-delà des services de police judiciaire, les grands gagnants sont les industriels français des cartes à puce, papiers d’identité sécurisés, de la biométrie et des empreintes digitales, comme l’ont d’ailleurs eux-même reconnu, au Parlement, l’auteur de la proposition de loi, tout comme ses deux rapporteurs :

Les principales entreprises mondiales du secteur sont françaises, dont 3 des 5 leaders mondiaux des technologies de la carte à puce, emploient plusieurs dizaines de milliers de salariés très qualifiés et réalisent 90 % de leur chiffre d’affaires à l’exportation.

Dans ce contexte, le choix de la France d’une carte nationale d’identité électronique serait un signal fort en faveur de notre industrie.

Oberthur, Morpho et Gemalto fournissent 70% des programmes nationaux dans le monde avec un capital de plus de 150 références.

Les entreprises françaises sont en pointe mais elles ne vendent rien en France, ce qui les pénalise à l’exportation par rapport aux concurrents américains.

Le sujet engage aussi des enjeux économiques, industriels : la sécurisation des échanges électroniques est un marché (…) Les entreprises françaises, en pointe sur ce domaine, veulent investir le marché français.

Lobbying pour ficher les bons Français

Lobbying pour ficher les bons Français

Dans une relative discrétion, l'idée de créer un fichier de 45 à 60 millions de Français honnêtes a reçu un accueil ...

De fait, pas moins de 14 représentants du Gixel, le syndicat des industriels de l’électronique, ont été auditionnés par le rapporteur de la proposition de loi au Sénat, contre seulement 2 représentants du ministère de la justice et 6 de l’Intérieur, 2 de la CNIL et 2 autres du Comité consultatif national d’éthique, et 1 représentant de la Ligue des droits de l’homme.

Le Gixel s’était précédemment illustré en proposant, en 2004, de déployer caméras de vidéosurveillance et bornes biométriques dès l’école maternelle, afin d’y habituer les enfants dès leur plus jeune âge. Partant du constat que ces technologies ont un petit côté “Big Brother“, ils espéraient ainsi gagner les coeurs, et vaincre les peurs, des citoyens, et donc doper leur chiffre d’affaires.

De fait, en 2011, pas moins de 544 établissements scolaires français utilisent des dispositifs de reconnaissance biométrique pour contrôler l’accès de leurs élèves à la cantine. Le Gixel plaide depuis des années pour le déploiement de cette carte d’identité électronique, mais a d’autres pistes de développements industriels en perspective :

- contrôle d’accès en mouvement, coopératif ou non, avec reconnaissance faciale ou de l’iris ;
- reconnaissance à la volée, faciale ou de l’iris, avec capacité à identifier et localiser ;

et, en terme d’amélioration de l’efficacité de la vidéo-protection :
- la caractérisation sémantique d’individus pour la recherche sur signalement ;
- la détection d’événements anormaux ;
- le développement de l’exploitation de caméras mobiles, embarquées ;
- la vision nocturne, la prise en compte des conditions environnementales difficiles.

La reconnaissance biométrique est-elle fiable ?

En avril 2011, le ministre de l’Intérieur des Pays-Bas décidait d’effacer les empreintes digitales stockées de ses ressortissants après qu’une étude ait révélé des taux d’erreurs de 20 à 25% :

Il est devenu clair que l’inclusion des empreintes digitales dans les documents de voyage est qualitativement inadéquat.

A contrario, les autorités indiennes, qui ont notamment confié à la société française Morpho, n°1 mondial des empreintes digitales, le soin de délivrer des papiers d’identité biométriques à plus de 1,2 milliards de citoyens, viennent fièrement d’annoncer qu’elles sont en mesure d’identifier, de façon unique, 99,86% de leurs concitoyens (voir notre enquête : Vérités à biométrie variable).

Pour parvenir à un taux d’erreur acceptable, limiter le nombre de “faux positifs” (personnes identifiées, à tort) et de “faux négatifs” (personnes non identifiées à tort), et attribuer un identifiant unique à ces 1,2 milliards d’Indiens, elles n’ont eu d’autre choix que de recueillir les empreintes digitales des 10 doigts de leur main, mais également photographier leurs deux iris. Aucun parlementaire n’a posé la question de savoir comment, avec deux empreintes digitales seulement, il sera possible de parvenir à un taux d’erreurs acceptable et donc d’identifier, de manière unique, 45 à 60 millions de Français.

La question est d’autant plus brûlante qu’on a d’ores et déjà répertorié plusieurs innocents accusés, à tort, par des “experts” de la police scientifique et technique, d’avoir laissé leurs empreintes digitales sur des scène de crime où ils n’avaient jamais mis les pieds ni, a fortiori, les doigts. La reconnaissance biométrique n’est pas quelque chose de “scientifique“, mais de “statistique“, et ça change tout. Non seulement parce qu’elle ne permet pas de “prouver“, mais seulement de “présumer“, mais également parce que les erreurs (humaines, de calcul, de prélèvement ou de comparaison) et biais (méthodologiques ou statistiques) sont d’autant plus difficiles à déceler et combattre que, pour la majeure partie des gens, les “experts” ont forcément raison, puisque leurs preuves sont “scientifiques“…

On tourne donc en rond. Rajoutez-y le fait qu’il est également possible de falsifier des analyses, de fabriquer des “preuves” ou encore de se doter de “vraies-fausses” empreintes digitales à partir de pâte à modeler, de gélatine, de silicone, de latex ou encore de colle à bois, et la boucle est bouclée. En clair : un quidam mal intentionné pourra ainsi venir s’enregistrer dans le fichier des “gens honnêtes” sous le nom de Nicolas Sarkozy, mais avec les empreintes digitales d’Angela Merkel, François Hollande ou toute autre personne dont il aurait prélevé les empreintes digitales, afin de pouvoir les usurper.

Combien ça va nous coûter ?

Aussi étonnant que cela puisse paraître, en temps de crise et de réduction des dépenses et des déficits publics, et alors que cette proposition de loi a fait l’objet de pas moins de 8 rapports parlementaires, et qu’elle a déjà été débattue 5 fois à l’Assemblée, et 6 fois au Sénat, aucune estimation budgétaire n’a jamais été avancée. Aucun parlementaire n’a jamais posé la question de savoir combien cela va coûter à la collectivité, ni combien cela reviendra aux citoyens qui voudront se doter de cette nouvelle carte d’identité. Étonnant, non ?

Aurait-on pu faire autrement ?

Les Etats-Unis n’ont pas de carte d’identité, et y sont fermement opposés. Au Royaume-Uni, le ministre de l’immigration a détruit, en 2010, les disques durs contenant les empreintes digitales de ceux qui avaient accepté de servir de cobaye au projet, désormais avorté, de carte d’identité. Dans ces deux pays, ce sont les partis politiques de droite qui sont le plus farouchement opposés à l’idée même de carte d’identité, perçue comme une main-mise étatique, et donc une atteinte aux libertés des citoyens.

Les règlements européens obligent certes les pays signataires des accords de Schengen à inscrire les empreintes digitales de leurs concitoyens dans leurs passeports… sauf les Britanniques, les Danois et les Irlandais, qui ont réussi à obtenir des dérogations.

En tout état de cause, aucun règlement n’oblige les Etats membres à créer une base de données centralisée des empreintes digitales et photographies numérisées de leurs concitoyens, cette possibilité ayant été laissée à la libre interprétation des pays signataires. De fait, plusieurs pays ont ainsi préféré opter pour des bases de données décentralisées, ou se sont contenté de stocker les empreintes dans la puce contenue sur les papiers d’identité : sur les 13 pays européens ayant décidé de doter leurs concitoyens de cartes d’identité, seuls 3 (Espagne, Lithuanie et Portugal) auraient opté pour une base de données centralisée.

Est-il possible de bloquer la mise en application de ce fichier des “gens honnêtes” ?

La loi informatique et libertés est claire : un fichier ne peut être détourné de sa finalité première, et il est donc fort possible que la loi soit, à terme, retoquée par le Conseil constitutionnel (si tant est qu’un nombre suffisant de sénateurs et/ou députés intentent un recours au Conseil constitutionnel), le Conseil d’Etat, ou encore par la Cour européenne des droits de l’homme, afin d’interdire l’exploitation policière de ce fichier administratif. Les partisans de cette loi répètent à l’envi qu’il s’agit en effet d’un fichier “administratif“, mais son intitulé, sur le site de l’Assemblée, sous l’en-tête “Police et sécurité“, est pourtant on ne peut plus clair :

Last but not least, et ce n’est pas le moindre paradoxe de ce fichier des “gens honnêtes” : s’il est difficile de mener une vie sociale sans carte d’identité ni passeport, la carte d’identité (tout comme le passeport) n’est nullement obligatoire… et ceux qui en ont déjà une pourront continuer à s’en servir, “même lorsqu’elle est périmée, sous réserve dans ce cas que la photo soit ressemblante“.

En attendant, Claude Guéant n’en aura pas moins ouvert la boîte de Pandore du fichage biométrique généralisé de la population.

Lors des précédents votes, la proposition de loi avait été adoptée par moins d’une quinzaine de députés ou sénateurs. Le parti socialiste a obtenu que la proposition de loi fasse l’objet d’un “vote solennel“. Cela ne changera probablement pas grand chose, mais c’est tout un symbole : ce mardi 6 mars, c’est le dernier jour de la session parlementaire. Il était probablement urgent de voter le fichage des “honnêtes gens“.


Voir aussi l’intégralité de nos articles sur ce fichier des “gens honnêtes”.

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http://owni.fr/2012/03/05/demain-on-fiche/feed/ 0
Les honnêtes gens au Sénat http://owni.fr/2012/02/20/les-gens-honnetes-resistent-a-leur-fichier/ http://owni.fr/2012/02/20/les-gens-honnetes-resistent-a-leur-fichier/#comments Mon, 20 Feb 2012 14:05:36 +0000 Jean Marc Manach http://owni.fr/?p=98706 gens honnêtes", du nom de ce projet visant à ficher l'ensemble de la population française, qui a connu un précédent sous l'Occupation. Le gouvernement pousse des quatre fers pour que soit adopté ce texte avant les prochaines échéances électorales. ]]>

Le gouvernement fait tout pour que soit adoptée, avant la présidentielle, la très controversée proposition de loi sur la protection de l’identité.

Déposée en juillet 2010, ce projet vise à ficher l’état civil, ainsi que les empreintes digitales et photographies numérisées de l’ensemble des titulaires d’une carte d’identité. A terme, ce sont quelques 60 millions de “gens honnêtes”, pour reprendre le terme utilisé par un sénateur pour qualifier ce fichier censé lutter contre l’usurpation d’identité, qui pourraient être concernées.

Ce mardi 21 février au Sénat, le projet de loi sera examiné en quatrième lecture. Profitant de la présence de Michel Mercier, garde des Sceaux, les sénateurs de l’opposition se sont lâchés :

Un réel danger, une véritable bombe atomique. (Virginie Klès, PS)

Une atteinte disproportionnée aux libertés fondamentales. (Eliana Assassi, PC)

N’attendons pas qu’éclatent de grands scandales. Essayons d’agir vite. Notre responsabilité est d’alerter en amont. Notre devoir de législateur est d’anticiper et non de subir ! (Jacques Mézard, RDSE)

N’êtes-vous pas censé défendre la justice et les libertés ? Quand le Gouvernement auquel vous appartenez reconnaîtra-t-il enfin par son action que le libéralisme économique et l’impératif sécuritaire ne sont en aucun cas plus légitimes que le droit à la protection de la vie privée ? C’est d’ailleurs d’autant plus vrai que les gouvernants instrumentalisent bien souvent l’insécurité pour justifier des mesures attentatoires aux libertés fondamentales. (Leila Aïchi, écologiste)

“Bombe à retardement pour les libertés publiques”

Lobbying pour ficher les bons Français

Lobbying pour ficher les bons Français

Dans une relative discrétion, l'idée de créer un fichier de 45 à 60 millions de Français honnêtes a reçu un accueil ...

Au-delà des petites phrases et des questions de principe, la palme de la saillie la plus circonstanciée émane probablement de François Pillet, sénateur du Cher apparenté UMP. Ce vice-président de la commission des lois du Sénat connaît d’autant mieux le sujet que, rapporteur de la proposition de loi, il y a consacré pas moins de trois rapports parlementaires. François Pillet est également celui qui a auditionné les 14 représentants du Gixel, ce lobby des industriels des cartes à puce et de la biométrie qui lui ont expliqué que l’adoption du projet leur permettrait de gagner des contrats à l’étranger.

François Pillet n’est aucunement opposé au fait de ficher les “honnêtes gens“, mais à la possibilité d’exploitation policière de ce fichier administratif, qu’il avait qualifié, dans son second rapport parlementaire de “bombe à retardement pour les libertés publiques“.

Pour rassurer les sénateurs et se conformer à l’avis de la Cnil, Claude Guéant et les députés UMP avaient accepté de limiter l’exploitation policière de ce fichier aux seules infractions relatives à l’usurpation d’identité. François Pillet n’est pourtant pas rassuré. Pour lui, “le dispositif proposé (…) ouvre la voie à d’autres empiètements, à l’avenir, afin d’étendre peu à peu le périmètre de l’utilisation du fichier central biométrique de la population française“. Lors de l’examen du texte en commission des lois, le sénateur enfonce le clou :

Ce texte n’apaise pas nos inquiétudes mais, bien au contraire, en suscite de nouvelles. Tout d’abord, il serait possible de recourir au fichier dans le cadre d’enquêtes sur des infractions dont le lien avec l’usurpation d’identité est ténu, voire inexistant : délit de révélation de l’identité d’un agent des services spécialisés de renseignement, faux en écritures publiques, même lorsque celles-ci ne portent pas sur l’identité d’une personne, escroquerie, même lorsque l’escroc ne se dissimule pas sous une fausse identité.

Au cours de son examen à l’Assemblée, le 1er février dernier, le député Serge Blisko (apparenté socialiste) s’était lui aussi étonné de cette extension du nombre de délits permettant aux policiers de consulter le fichier biométrique :

Est-il utile de consulter un fichier biométrique comportant des renseignements intimes sur plusieurs dizaines de millions de personnes pour des délits mineurs tels que le franchissement illicite d’un portillon dans le métro ou le déplacement sans titre de transport ? C’est en effet ce que cela signifie. Je veux bien croire que, pour certains, sauter le portillon dans le métro doit être puni d’une peine très lourde. Mais faut-il pour autant recourir à un fichier biométrique ? Nous craignons une telle dérive. Il est encore temps de revenir à la raison, de ne pas faire en France ce qui n’existe dans aucun pays démocratique d’Europe et de mettre à l’abri nos concitoyens d’aujourd’hui et de demain de ce monde “orwellien” – permettez-moi cette expression – de fichage généralisé.

Le FNAEG, créé pour ficher les empreintes génétiques des criminels sexuels, a ainsi depuis été élargi aux simples “suspects” de la quasi-totalité des crimes et délits. Aujourd’hui, près de 70% des gens qui y sont fichés n’ont jamais été condamnés pour ce qui leur a valu d’être fiché. De même, rien n’empêchera d’élargir le fichier des “gens honnêtes” à de nombreux autres usages.

“Hors de tout contrôle judiciaire”

Le Parlement veut ficher les honnêtes gens

Le Parlement veut ficher les honnêtes gens

Le projet de ficher 60 millions de "gens honnêtes" oppose sénateurs et députés. Depuis le 12 janvier dernier, ces ...

Dans le troisième rapport [PDF] qu’il a consacré à la question, François Pillet déplore qu’”en outre, l’accès à la base serait possible en dehors des procédures prévues [dans la mesure où] l’accès aux données de la base centrale en dehors des procédures prévues fait basculer d’une logique de vérification d’une identité sur laquelle pèse des soupçons, à une logique d’identification dans le cadre d’une recherche criminelle“.

De plus, “les services spécialisés – notamment ceux qui sont chargés de la lutte contre le terrorisme – pourraient y avoir accès hors de tout contrôle judiciaire, puisque le texte ne l’exclut pas“. Pour lui, la possibilité d’utiliser ce fichier administratif à des fins policières pourrait être déclarée anticonstitutionnelle :

Qu’il s’agisse de l’accès au fichier dans les cas non prévus par le texte ou de celui de l’accès ouvert aux services chargés de la lutte contre le terrorisme, les garanties prévues par l’Assemblée nationale paraissent ainsi incomplètes ou insuffisamment précises.
Une telle imprécision pose inévitablement la question de la constitutionnalité du dispositif, alors qu’il appartient au législateur de définir avec précision les garanties légales nécessaire à l’exercice ou la protection des libertés publiques.

Et le sénateur de s’interroger sur la “levée de l’interdiction des procédés de reconnaissance faciale“. Claude Guéant, tout comme les industriels auditionnés à l’Assemblée, avaient précisément évoqué la possibilité, à terme, d’exploiter les systèmes de reconnaissance biométrique faciale afin d’identifier des individus filmés par des caméras de vidéosurveillance.

Or, et dans la mesure où les députés “n’ont apporté aucune précision sur les autres utilisations qui pourraient être faites de la base, par exemple, dans le cadre d’une consultation judiciaire opérée sur le fondement des articles 60-1, 60-2 et 99-3 et 99-4 du code de procédure pénale” (qui portent sur les perquisitions et saisies de données informatiques), François Pillet dénonce également ce détournement de finalité du “fichier des gens honnêtes” :

Dans le silence de la loi, devra-t-on considérer qu’un juge d’instruction pourrait demander à ce qu’une personne, dont le visage a été enregistré par une caméra de surveillance soit identifiée à partir des images numérisées dans le fichier central biométrique, ce qui reviendrait à valider ponctuellement des dispositifs de reconnaissance faciale ?

Pas d’équivalent depuis Vichy

François Pillet rappelle enfin le “refus, très majoritaire en Europe, des fichiers biométriques de population” :

L’Allemagne s’y refuse, invoquant explicitement son passé, ainsi que le Royaume-Uni et la Belgique, pourtant très avancée dans la mise en place de cartes d’identité électroniques. Le ministre de l’intérieur des Pays-Bas a annoncé en avril que les 6 millions d’empreintes digitales recueillies pour l’établissement de passeports biométriques seraient effacées.

Fichez les tous !

Fichez les tous !

Ce mercredi, dans une relative discrétion, l'Assemblée nationale a adopté un texte permettant de ficher la quasi totalité ...

Ce 21 février, le Sénat refusera très probablement d’adopter la proposition de loi telle que Claude Guéant l’a reformulée à l’Assemblée qui, sauf coup de théâtre, devrait l’adopter d’ici la présidentielle. En tout état de cause, François Pillet restera dans les annales comme celui qui, le 31 mai dernier, inventa l’expression de “fichier des gens honnêtes” pour qualifier ce projet, sans équivalent depuis la carte d’identité de Vichy.

En novembre dernier, le site web du groupe UMP du Sénat publiait un communiqué intitulé François Pillet veut “un fichier des gens honnêtes” qui, paradoxalement, expliquait pourquoi il ne veut pas de ce fichier :

Démocrates soucieux des droits protégeant les libertés publiques, nous ne pouvons pas laisser derrière nous un fichier que, dans l’avenir, d’autres pourront transformer en outil dangereux et liberticide.
Que pourraient alors dire les victimes en nous visant ? Ils avaient identifié les risques et ils ne nous en ont pas protégé. Monsieur le ministre, je ne veux pas qu’à ce fichier, ils puissent alors donner un nom, le vôtre, le mien ou le nôtre.


Illustration par Truthout.org (CC-byncsa)

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Deux pays abandonnent la biométrie http://owni.fr/2012/02/01/la-biometrie-supprimee-des-fichiers/ http://owni.fr/2012/02/01/la-biometrie-supprimee-des-fichiers/#comments Wed, 01 Feb 2012 11:41:10 +0000 Jean Marc Manach http://owni.fr/?p=96738

En 2009, Adam Laurie, figure du monde de la sécurité informatique, réussissait à cloner une carte d’identité “sécurisée” britannique, puis à en modifier les données, en 12 minutes. En 2006, il avait mis 48 heures. La Grande-Bretagne fait partie de ces pays qui, à l’instar des États-Unis, n’avaient pas de carte d’identité. Le projet, très controversé, notamment par les partis situés à la droite de l’échiquier politique, a finalement été enterré.

Pour son tout premier discours de politique générale, Nick Clegg, le nouveau vice-Premier ministre libéral-démocrate britannique, avait en effet déclaré, en mai 2010, vouloir mettre un terme la société de surveillance (“database stage“, en VO), mot d’ordre qui avait constitué l’essentiel de sa campagne politique :

Il est scandaleux que les gens respectueux des lois soient régulièrement traitées comme s’ils avaient quelque chose à cacher.

Fichez les tous !

Fichez les tous !

Ce mercredi, dans une relative discrétion, l'Assemblée nationale a adopté un texte permettant de ficher la quasi totalité ...

Evoquant un “big bang” politique, et une “révolution du pouvoir” visant “la liberté du plus grand nombre, et non pas le privilège de quelques-uns“, Nick Clegg avait déclaré vouloir réinstaller “les fondamentaux de la relation entre l’État et le citoyen” afin de “rendre le pouvoir au peuple“, et mettre un terme aux dérives sécuritaires du précédent gouvernement labour (de “gauche“).

Nick Clegg avait alors annoncé l’abandon du projet de carte d’identité, du fichage de l’ADN des suspects, et un encadrement plus strict du recours à la vidéosurveillance. De fait, en février 2011, le ministre de l’Intérieur britannique détruisait les 500 disques durs contenant les identifiants des 15 000 personnes ayant accepté de servir de cobaye au projet de cartes d’identité, et décidait de le médiatiser en en publiant les photos sur Flickr, et une vidéo sur Youtube.

De 20 à 25% d’erreurs

Au Pays-Bas, le ministère de l’Intérieur demandait de son côté, en avril 2011, que l’administration cesse d’utiliser les empreintes digitales contenues dans les passeports néerlandais en matière de vérification ou d’identification des Hollandais en raison d’un trop grand taux d’erreur.

Dans la foulée, le ministre de l’Intérieur demandait également que soient effacées les empreintes digitales détenues par les administrations locales, et qu’il soit interdit d’utiliser les bases de données existantes.

D’octobre à novembre 2009, le maire de la ville de Ruremonde (Roermond, en néerlandais) avait en effet effectué un test pour vérifier les empreintes digitales lors de l’émission de documents de voyage. Or, les empreintes de 21% des 448 personnes venues s’enrôler dans le système étaient de si piètre qualité qu’elles n’étaient pas vérifiables.

Le 27 avril 2011, le ministre de l’Intérieur évoquait même un taux d’erreur de 25%, et décidait de bloquer, temporairement, le stockage des empreintes digitales.

En mai, le ministère de l’Intérieur déclarait avoir demandé à la société française Morpho, ex Sagem Identification (qui avait emporté le marché en 2004) de mandater des experts afin d’effacer de manière totale et définitive l’ensemble des empreintes digitales collectées, d’ici la fin 2011, début 2012.

Dans ce même courrier, le ministre de l’intérieur précisait également que sur les 4,8 millions de demandes de passeports effectuées, aux Pays-Bas, entre septembre 2009 et avril 2011, la prise d’empreintes digitales n’avait pas été physiquement possible dans 48 000 cas, soit 1% des demandeurs. Ce qui n’explique pas le taux d’erreurs de 20 à 25% rencontré par ailleurs.

En Juin 2011, l’ancien ministre de l’Intérieur reconnAISSAIT LUI AUSSI que le taux d’erreur allait à l’encontre des objectifs affichés, en matière de sécurisation de l’identité :

Il est devenu clair que l’inclusion des empreintes digitales dans les documents de voyage est qualitativement inadéquat.

Contrairement à ce que l’on pourrait penser, la reconnaissance biométrique, tout comme la preuve par l’ADN, relève d’un calcul complexe de probabilité : elle ne permet pas d’authentifier à coup sûr l’identité d’un individu, mais d’indiquer la probabilité qu’il s’agit bien de lui… ou pas, et l’on a déjà vu des experts de la police technique et scientifique identifier, à tort, des innocents sur la base de leurs identifiants biométriques, et même de leurs empreintes génétiques (voir ADN: quand les “experts” se trompent).

Un autre courrier, daté de septembre 2011, fait le point sur l’effacement des empreintes digitales. Le ministère de l’Intérieur explique avoir demandé à Morpho d’être assisté par des “experts” afin de s’assurer que même les “traces résiduelles” des empreintes digitales soient effacées. Morpho, de son côté, lui répondait qu’il lui serait “possible” de développer une mise à jour du système cette année, et de le tester début 2012.

En juin 2010, Sagem Identification (filiale de Morpho, groupe Safran) se félicitait d’avoir remporté l’appel d’offres international lancé par le Ministère néerlandais de l’Intérieur et des Relations au sein du Royaume :

À partir du 1er octobre 2011, Sagem Identification fabriquera, personnalisera et distribuera les nouveaux documents de voyage fournis aux ressortissants néerlandais (passeports électroniques et cartes nationales d’identité) pour une durée de sept ans, renouvelable pour trois ans. Plus de 3 millions de documents seront ainsi réalisés chaque année.

Contactée pour savoir où elle en était de l’effacement des empreintes digitales, et du devenir de ce qu’elle devait commencer à fabriquer depuis octobre 2011, Morpho n’a pas répondu à nos questions.

Le pouvoir du lobby

Lobbying pour ficher les bons Français

Lobbying pour ficher les bons Français

Dans une relative discrétion, l'idée de créer un fichier de 45 à 60 millions de Français honnêtes a reçu un accueil ...

N°1 mondial des empreintes digitales, la société Morpho est aussi à la tête du Groupement des industries de composants et systèmes électroniques (Gixel), le lobby français des industriels de l’électronique.

En 2004, constatant que “la sécurité est très souvent vécue dans nos sociétés démocratiques comme une atteinte aux libertés individuelles“, le Gixel avait décidé de “faire accepter par la population les technologies utilisées et parmi celles-ci la biométrie, la vidéosurveillance et les contrôles“, avec des méthodes pour le moins douteuses, qui lui avaient valus un Big Brother Awards. Le lobby proposait en effet aux pouvoirs publics et aux industriels de recourir à plusieurs méthodes, accompagnées d’un “effort de convivialité (et) par l’apport de fonctionnalités attrayantes” afin de “faire accepter la biométrie” :

Éducation dès l’école maternelle, les enfants utilisent cette technologie pour rentrer dans l’école, en sortir, déjeuner à la cantine, et les parents ou leurs représentants s’identifieront pour aller chercher les enfants.

Comme OWNI l’avait évoqué dans l’enquête sur ce lobbying pour ficher les bons Français, ce sont pas moins de quatorze représentants des industriels adhérents au Gixel qui ont défilé dans le bureau du rapporteur de la proposition de loi au Sénat, contre “seulement” deux représentants du ministère de la justice, six du ministère de l’Intérieur, deux représentants de la Commission nationale informatique et libertés (Cnil) et deux autres du Comité consultatif national d’éthique, un représentant de la Ligue des droits de l’homme, du Conseil national des barreaux et de l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales.

Sénateurs et députés ne cherchent même pas à cacher le fait que le fichier des “gens honnêtes” vise aussi et avant tout à soutenir ces industriels, comme s’en était notamment expliqué Jean-René Lecerf, l’auteur de la proposition de loi :

Les entreprises françaises sont en pointe mais elles ne vendent rien en France, ce qui les pénalise à l’exportation par rapport aux concurrents américains.

Au Sénat, Jean-René Lecerf a justifié pourquoi il se rangeait au projet de l’Assemblée nationale et de Claude Guéant qui, contrairement aux sénateurs, veulent autoriser une exploitation policière du fichier des “gens honnêtes“, en expliquant que cela coûterait trop d’argent, et que cela risquerait de pénaliser les entreprises françaises, “les plus performantes au monde“, face à leurs concurrents…


Photos et illustrations par Ynse (CC-by) et Sochacki/Flickr (CC-bysa) remixées par Ophelia Noor pour Owni

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http://owni.fr/2012/02/01/la-biometrie-supprimee-des-fichiers/feed/ 11
Fichez les tous ! http://owni.fr/2012/02/01/fichez-les-tous/ http://owni.fr/2012/02/01/fichez-les-tous/#comments Wed, 01 Feb 2012 01:19:43 +0000 Jean Marc Manach http://owni.fr/?p=95727 "Fichier des gens honnêtes", il contiendra les données privées de 60 millions de personnes. Un tel fichier a déjà existé dans l'histoire. En 1940. Il a été détruit à la Libération en raison des risques majeurs qu'il représentait pour les libertés publiques.]]>
L’Assemblée nationale a adopté ce 1er février 2012 le texte prévoyant le fichage des empreintes digitales et des photographies numérisées de 60 millions de “gens honnêtes“, pour reprendre l’expression du rapporteur (UMP) de la loi au Sénat, François Pillet, qui avait qualifié la proposition de “véritable bombe à retardement“.

MaJ : les députés doivent d’abord débattre de la mise en oeuvre du principe de précaution, et ne pourront donc pas discuter de la proposition de loi avant la fin de l’après-midi.

MAJ, 19h30 : la création du fichier a été adoptée par un hémicycle ne comportant qu’une dizaine de députés. Le lobbying du GIXEL, qui regroupe des industriels de l’électronique, n°1 mondiaux des empreintes digitales et des papiers d’identité biométriques, a gagné. La proposition de loi, telle qu’adoptée par les députés, devra néanmoins être rediscutée, en 5ème lecture, au Sénat -qui la refusera-, puis à l’Assemblée -qui l’adoptera, définitivement, en l’état.

Vers un fichage généralisé des “gens honnêtes”

Vers un fichage généralisé des “gens honnêtes”

Pour lutter contre l'usurpation d'identité, qui représente moins de 15 000 faits constatés chaque année, le projet de ...

C’est la troisième fois, depuis 2005, que le gouvernement essaie de moderniser la carte d’identité. L’objectif affiché est de lutter contre son vol et son détournement, lequel avait déjà valu, en mars 2011, la création d’un nouveau délit d’usurpation d’identité, puni d’un an d’emprisonnement et de 15 000 € d’amende, à l’occasion de l’adoption de la nouvelle Loi d’orientation et de programmation pour la performance de la sécurité publique.

Fin novembre, le ministère de l’Intérieur créait par ailleurs un nouveau fichier policierrelatif à la lutte contre la fraude documentaire et l’usurpation d’identité” et visant, précisément, à ficher l’”état civil réel ou supposé (nom, prénom, date et lieu de naissance, sexe, adresses postale et électronique, coordonnées téléphoniques, filiation, nationalité, photographie, signature)” des auteurs et victimes présumés d’usurpation d’identité.

De nombreux médias ont relayé le chiffre de 210 000 cas d’usurpations d’identité, par an, chiffre issu d’un sondage biaisé et, selon François Pillet, “obtenu en suivant une méthode unanimement critiquée (et) d’une fiabilité douteuse“, à la demande d’une société spécialisée dans les broyeuses de documents, qui avait donc intérêt à gonfler les chiffres.

Le nombre de faux a chuté de 24%

L’observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP) estime de son côté que le nombre d’infractions révélées par les services en matière de “faux documents administratifs” (comprenant, notamment, de fausses cartes d’identité), oscille entre 6000 et 10 000, par an. Dans son dernier rapport annuel, l’ONDRP indique avoir enregistré 13 141 faits constatés de fraudes documentaires et à l’identité, dont 6342 “faux documents d’identité”, en baisse de 24% depuis 2005, chiffre que s’était gardé de mentionner Claude Guéant et les partisans du fichier des “honnêtes gens” au Parlement :

L’ONDRP précise par ailleurs qu’en 2010, 2 670 documents frauduleux français ont été saisis par la Police aux frontières : 1 142 titres de séjour, 216 visas, 651 cartes d’identité, 510 passeports et 151 permis de conduire. Et sur ces 651 cartes d’identité, 133 étaient des contrefaçons, 63 des falsifications, 185 relevaient d’usages frauduleux, 269 avaient été frauduleusement obtenues, et un avait été “volée vierge“.

L’ONDRP ne dispose pas du chiffre total des fausses cartes d’identité saisies par l’ensemble des services de police et de gendarmerie. Étrangement, personne, à aucun moment du débat parlementaire, n’a cherché à l’obtenir, ce qui aurait pourtant permis de mesurer l’ampleur du problème, et donc l’urgence (ou non) de valider la pertinence, et la proportionnalité, de ce fichage généralisé de la population française.

Un précédent détruit à la Libération

En juillet dernier, le député (PS) Serge Blisko déplorait la “procédure parlementaire pour le moins étrange” adoptée par le gouvernement qui, en privilégiant une proposition de loi (à l’initiative d’un sénateur) et non d’un projet de loi (du gouvernement), permet d’éviter d’avoir à recueillir l’avis du Conseil d’État, “pourtant indispensable en ces matières“, ainsi qu’à l’obligation de fournir une étude d’impact :

Vous pensez bien que la création d’un fichier qui, à terme, regroupera plusieurs dizaines de millions de personnes, ne peut pas se passer d’un avis préalable du Conseil d’État et d’une étude d’impact.
Il est vrai que la lutte contre l’usurpation d’identité est un enjeu industriel et commercial important pour la France puisque les entreprises dont nous avons auditionné les dirigeants sont championnes du monde dans ce domaine et qu’elles travaillent à 90 % à l’exportation. Il fallait d’autant plus sécuriser nos débats pour éviter une erreur qui serait très préjudiciable demain à nos industriels.

De plus, soulignait également Serge Blisko, évoquant les auditions des hauts fonctionnaires du ministère de l’intérieur, la prise d’empreintes digitales utilisera la “technique criminologique” des empreintes roulées et non pas posées : “nous ne sommes plus alors dans une démarche de reconnaissance d’identité, mais dans la logique d’un fichier de recherches criminelles“.

La proposition de loi exclue la “possibilité de reconnaissance faciale des individus dans la rue, dans les transports en commun ou lors de manifestations” que le rapporteur de la proposition de loi à l’Assemblée avait pourtant évoqué avec les industriels, et que Claude Guéant avait initialement proposé de permettre. De même, le fichier ne pourra être utilisé par des policiers que dans les cas d’usurpation d’identité. Mais rien n’empêchera, à l’avenir, de modifier la loi pour élargir les conditions d’exploitation du fichier, comme cela fut le cas avec le fichier d’empreinte génétique (FNAEG), créé pour ficher les criminels sexuels, et élargi depuis aux simples suspects de la quasi-totalité des crimes et délits.

Ce qui, pour Serge Blisko, n’est pas sans poser problème, dans la mesure où “le principe de finalité et de proportionnalité – pierre angulaire de la loi Informatique et libertés de 1978, qui est notre credo dans ce domaine depuis plus de trente ans – n’est pas respecté :

Ficher potentiellement 45 à 50 millions de personnes – cette estimation a été avalisée par tous les interlocuteurs auditionnés en commission – dans le seul objectif de lutter contre l’usurpation d’identité qui touche quelques dizaines de milliers de Français par an, peut-il être considéré comme proportionné ?
L’enjeu est d’autant plus majeur que ce processus est irréversible. Une fois ces données biométriques personnelles – intangibles, immuables, inaltérables – collectées, on ne pourra faire marche arrière.
Monsieur le ministre, j’ai le regret de rappeler que la France n’a créé qu’une seule fois un fichier général de la population, c’était en 1940. Il fut d’ailleurs détruit à la Libération.

François Pillet, le rapporteur (UMP) de la proposition de loi, avait ainsi qualifié ce fichier de “bombe à retardement pour les libertés publiques“, et expliqué que, “démocrates soucieux des droits protégeant les libertés publiques, nous ne pouvons pas laisser derrière nous un fichier que, dans l’avenir, d’autres pourront transformer en outil dangereux et liberticide” :

« Que pourraient alors dire les victimes en nous visant ? Ils avaient identifié les risques et ils ne nous en ont pas protégé. Monsieur le ministre, je ne veux pas qu’à ce fichier, ils puissent alors donner un nom, le vôtre, le mien ou le nôtre. »

Le Parlement veut ficher les honnêtes gens

Le Parlement veut ficher les honnêtes gens

Le projet de ficher 60 millions de "gens honnêtes" oppose sénateurs et députés. Depuis le 12 janvier dernier, ces ...

Le ministère de l’Intérieur a récemment reconnu que 10% des passeports biométriques en circulation seraient des faux, alors même qu’ils avaient précisément été créés pour être plus sécurisés que ceux d’avant. Il eut à ce titre été intéressant qu’une étude d’impact évalue la pertinence de ce genre de papiers d’identité biométriques dits “sécurisés“.

Une telle étude d’impact aurait été d’autant plus utile que d’autres pays ont décidé de revenir sur leurs projets respectifs de fichage biométrique de leurs concitoyens. En Grande-Bretagne, le ministre de l’Intérieur a ainsi physiquement détruit, l’an passé, les disques durs contenant les données personnelles de ceux qui avaient postulé pour avoir une carte d’identité. Au Pays-Bas, le ministre de l’Intérieur a de son côté décidé de détruire le stockage les empreintes digitales associées aux passeports biométriques et cartes d’identité, le taux d’erreurs étant de l’ordre de 20 à 25%…

La semaine passée, le Sénat a vainement tenté de s’opposer à l’exploitation policière de ce fichier des “gens honnêtes, au motif qu’il était “dangereux pour la vie privée des individus“, comme l’a souligné Virginie Klès, rapporteur (PS) de la proposition de loi au Sénat :

Je n’ai pas envie de vivre une situation ressemblant à ce que l’on voit dans La Vie des autres ou dans Brazil. Ce scénario, aujourd’hui fictif, pourrait demain être imaginé en France.

En cas de désaccord entre les deux chambres, c’est l’Assemblée qui a le dernier mot. En juillet dernier, en première lecture, la création de ce fichier de 60 millions de “gens honnêtes” avait ainsi été adoptée par sept députés pour, et quatre contre.


Couverture de Marion Boucharlat pour Owni.fr à partir d’une photo de Sochacki/Flickr (CC-bysa) sélectionnée par Ophelia Noor ; Photos et illustrations par Sochacki/Flickr (CC-bysa) et Richardoyork/Flickr (CC-byncnd)

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Le Parlement veut ficher les honnêtes gens http://owni.fr/2012/01/18/le-fichier-des-gens-honnetes-sera-policier/ http://owni.fr/2012/01/18/le-fichier-des-gens-honnetes-sera-policier/#comments Wed, 18 Jan 2012 10:10:10 +0000 Jean Marc Manach http://owni.fr/?p=94063

Ficher 60 millions d’innocents pour les protéger de quelques milliers de coupables – afin que les méchants n’usurpent pas l’identité des gentils, et, plus prosaïquement, afin de garnir les tiroirs caisses des fabricants. Le projet a un petit nom : le fichier des “gens honnêtes (sic).

C’est le grand chantier sécuritaire de Claude Guéant, mais sur lequel sénateurs et députés expriment maintenant de profonds désaccords, mettant en évidence les possibles dérives de cette proposition de loi sur la protection de l’identité, censée instaurer une nouvelle carte d’identité biométrique. La semaine dernière, le 12 janvier, une poignée de députés UMP a introduit un amendement permettant de multiples applications policières.

Vers un fichage généralisé des “gens honnêtes”

Vers un fichage généralisé des “gens honnêtes”

Pour lutter contre l'usurpation d'identité, qui représente moins de 15 000 faits constatés chaque année, le projet de ...

Un an exactement après son premier examen, plusieurs sénateurs UMP refusent catégoriquement de voir leur nom associé à ce fichier administratif qui, sous l’impulsion de Guéant et du lobby des industriels de l’empreinte digitale, a pris entre-temps les allures d’un fichier policier.

Députés et sénateurs sont tous d’accord pour ficher les noms, prénoms, adresses, tailles et couleurs des yeux, empreintes digitales et photographies de tous les détenteurs de cartes d’identité soit, à terme, 45 à 60 millions de Français. Mais, alors que les sénateurs veulent empêcher tout détournement de sa finalité administrative première, et donc empêcher une exploitation policière, les députés voudraient quant à eux pouvoir l’utiliser en matière de police judiciaire.

Claude Guéant, en première lecture à l’Assemblée, avait en effet expliqué, en juillet 2011, qu’il ne voyait pas pourquoi on empêcherait policiers et magistrats de l’utiliser dans leurs enquêtes, laissant entendre qu’à terme, les systèmes de reconnaissance biométrique faciale permettraient ainsi et par exemple d’identifier des individus filmés par des caméras de vidéosurveillance.

Christian Vanneste, de son côté, avait proposé de s’en servir pour mieux “contrôler les flux migratoires“. 7 députés de la majorité, contre 4 de l’opposition, avaient alors voté pour la possibilité d’exploitation policière du fichier.

En octobre 2011, lors de son deuxième passage au Sénat, François Pillet, le rapporteur (UMP) de la proposition de loi, avait de son côté qualifié le fichier de “bombe à retardement pour les libertés publiques“, et expliqué que, “démocrates soucieux des droits protégeant les libertés publiques, nous ne pouvons pas laisser derrière nous un fichier que, dans l’avenir, d’autres pourront transformer en outil dangereux et liberticide” :

« Que pourraient alors dire les victimes en nous visant ? Ils avaient identifié les risques et ils ne nous en ont pas protégés. Monsieur le Ministre, je ne veux pas qu’à ce fichier, ils puissent alors donner un nom, le vôtre, le mien ou le nôtre. »

Fin novembre, un arrêté paru au Journal Officiel crée un nouveau fichier policier “relatif à la lutte contre la fraude documentaire et l’usurpation d’identité” et visant, précisément, à ficher l’”état civil réel ou supposé (nom, prénom, date et lieu de naissance, sexe, adresses postale et électronique, coordonnées téléphoniques, filiation, nationalité, photographie, signature)” des auteurs et victimes présumés d’usurpation d’identité. Ce qui n’a pas empêché Claude Guéant de défendre, auprès des députés, la possibilité d’exploitation policière du fichier des “gens honnêtes“.

Cependant, de retour à l’Assemblée le 13 décembre 2011, la proposition de loi fut modifiée pour ne plus garder que l’empreinte de deux doigts, et non plus de huit, afin de se conformer à une récente censure du Conseil d’Etat visant le nombre d’empreintes dans le passeport biométrique.

Afin de répondre aux observations critiques de la CNIL, le texte écartait également la reconnaissance biométrique faciale, la possibilité de croiser la base de données avec d’autres fichiers administratifs ou policiers, et limitait son exploitation policière à la recherche de corps de victimes de catastrophes collectives et naturelles, ainsi qu’à une dizaine d’infractions allant de l’usurpation d’identité à l’”atteinte aux services spécialisés de renseignement” en passant par l’entrave à l’exercice de la justice.

La commission mixte paritaire, réunie le 10 janvier dernier et censée trouver un terrain d’entente entre les deux chambres, n’a pas permis de trancher le différent, les sénateurs refusant de laisser la porte ouverte à d’autres formes d’exploitation policières du fichier.

Protéger les gens honnêtes de Big Brother

Le texte aurait du repasser le 19 à l’Assemblée. Signe de l’insistance gouvernementale, il a été réexaminé le jeudi 12 janvier au matin, au grand dam des députés de l’opposition qui, à l’instar de député Marc Dolez, co-fondateur du Parti de Gauche et secrétaire de la commission des lois, n’ont été prévenu de la discussion que la veille au soir :

Cette précipitation traduit, selon nous, la volonté de passage en force du Gouvernement. Qu’il soit utilisé à des fins de gestion administrative ou à des fins de police judiciaire, nous estimons dangereux pour les libertés publiques de mettre en place un tel fichier généralisé de la population.

Serge Blisko, député socialiste, rappela quant à lui que “d’autres grands pays européens n’ont pas fait le choix que vous voulez imposer au Parlement, précise Plisko, et le système que vous voulez mettre en place serait unique en Europe par son étendue et ses capacités intrusives” :

Certes la loi prévoit des limitations par rapport à vos intentions d’origine, mais rien ne nous dit, monsieur le rapporteur, qu’appelé demain à de hautes fonctions, vous n’ayez envie d’étendre votre système à d’autres infractions, pour en faire le Big Brother que je décrivais.

Le fichier d’empreinte génétique (FNAEG), conçu initialement pour ne ficher que les seuls criminels sexuels récidivistes, a ainsi été étendu depuis à la quasi-totalité des personnes simplement soupçonnées de n’importe quel crime ou délit. Aujourd’hui, il fiche les empreintes génétiques de près de 2 millions de personnalités, dont un quart seulement a été condamné par la Justice : les 3/4 des fichés n’ont été que “soupçonnés” et sont donc toujours (soit-disant) présumés innocents.

En route vers un système “beaucoup plus intrusif”

Au cœur de cette polémique entre les deux chambres, la notion de “lien faible“, brevetée par Morpho, n° 1 mondial des empreintes digitales, et qui permet d’authentifier une personne en empêchant toute exploitation de ses données personnelles, et donc toute forme d’exploitation policière du fichier.

Or, comme l’a rappelé Philippe Goujon, député UMP et rapporteur de la proposition de loi, ““son inventeur lui-même le dénigre, le qualifiant de « système dégradé » (qui) n’avait été adopté par aucun pays au monde, Israël y ayant renoncé à cause de son manque de fiabilité“, et que, cerise sur le gâteau, les industriels du Groupement professionnel des industries de composants et de systèmes électroniques (GIXEL) ne veulent surtout pas en entendre parler :

Les fabricants regroupés au sein du GIXEL ne veulent pas développer un tel fichier, car cela les pénaliserait vis-à-vis de la concurrence internationale.

Il y a fort à parier que tous les autres pays européens adopteront un autre système, beaucoup plus intrusif.

Lobbying pour ficher les bons Français

Lobbying pour ficher les bons Français

Dans une relative discrétion, l'idée de créer un fichier de 45 à 60 millions de Français honnêtes a reçu un accueil ...

Ce pour quoi les industriels ne voient aucun intérêt à devoir créer un système qu’ils ne pourraient revendre nulle part ailleurs… Comme l’enquête d’OWNI l’avait souligné, le rapporteur de la proposition de loi au Sénat avait ainsi auditionné pas moins de 14 représentants du GIXEL, contre deux représentants seulement du ministère de la justice, et six du ministère de l’Intérieur…

C’est ainsi que ce 12 janvier 2012, à 12 heures, six députés de la majorité ont donc réintroduit la notion de “lien fort“, qui autorise l’exploitation policière des données personnelles dans le fichier des “gens honnêtes“, face à trois députés de l’opposition. La commission mixte paritaire n’ayant pas réussi à opter pour un texte de compromis, le texte, tel qu’il a été amendé par les députés la semaine passée, devra de nouveau passer au Sénat, avant d’être adopté, dans sa version définitive, à l’Assemblée…

Virginie Klès, rapporteur (PS) du texte de loi au Sénat, déplore la léthargie de l’opinion publique et des médias : “je ne sais pas si les gens se rendent compte, ou bien si c’est parce que le gouvernement profite du brouhaha autour de la perte du triple A et des échéances présidentielles pour faire passer cette proposition de loi, mais c’est très très dangereux, on crée là quelque chose de très liberticide, et sans raison valable” :

Si les citoyens se réveillaient vraiment et alpaguaient leurs députés, qui font montre de beaucoup d’absentéisme sur le sujet, mais dont les sièges vont bientôt être renouvelés, peut-être qu’on pourrait faire bouger les choses

A l’exception notable des articles (payants) du site d’informations spécialisées dans la sécurité AISG, d’un article sur PCInpact, d’un billet sur le blog de l’avocat Bensoussan (hébergé par LeFigaro.fr), et d’une dépêche AFP reprise sur LExpress.fr, aucun média n’en a parlé.

Ce silence médiatique est d’autant plus surprenant que c’est précisément suite au scandale issu de la parution d’un article dans Le Monde en 1974, Safari et la chasse aux Français, qui révélait que le ministère de l’Intérieur voulait interconnecter tous les fichiers administratifs français, que la loi informatique et libertés fut adoptée.

En tout état de cause, tout porte à croire que le fichier des “gens honnêtes” pourra donc bel et bien être exploité en matière de police judiciaire. Et rien n’empêchera que, à l’image du FNAEG, ses conditions d’exploitation policières soient à l’avenir élargies dans le futur, et puisse servir, par exemple, pour identifier des individus à partir d’images de caméras de “vidéoprotection“, ou encore pour “contrôler les flux d’immigration“.

De même que le passeport biométrique a finalement été censuré, il est fort possible que ce fichier des “gens honnêtes” soit lui aussi retoqué, par le Conseil Constitutionnel, le Conseil d’Etat ou encore la Cour européenne des droits de l’homme. Les textes fondateurs régissant la présomption d’innocence, la protection de la vie privée ainsi que les droits de l’homme excluent en effet la possibilité de créer des fichiers policiers d’innocents…

MaJ : la proposition de loi sur la protection de l’identité passera en troisième lecture, au Sénat, le 25 janvier à 14h30. La Conférence des Présidents “a fixé à une heure la durée globale du temps dont disposeront, dans la discussion générale, les orateurs des groupes ou ne figurant sur la liste d’aucun groupe“. Elle devra ensuite être redébattue, et définitivement adoptée, à l’Assemblée.


Photos par D’Arcy Norman et Andy Buscemi sous licence CC via Flickr remixées par Ophelia Noor pour Owni.
Illustration issue de la précédente Une #fichage par Marion Boucharlat pour Owni

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Takieddine et Safran fichent en cœur http://owni.fr/2011/12/20/takieddine-et-safran-fichent-la-france-et-la-libye/ http://owni.fr/2011/12/20/takieddine-et-safran-fichent-la-france-et-la-libye/#comments Tue, 20 Dec 2011 15:45:21 +0000 Jean Marc Manach http://owni.fr/?p=91204

Dans le secteur des technologies de sécurité,Ziad Takieddine, l’intermédiaire sulfureux impliqué dans plusieurs affaires politico-financières, ne s’est pas contenté d’aider la société française Amesys à vendre à la Libye un système de “surveillance massive” de l’Internet. Il s’est également activé à vendre à Kadhafi un “système d’identification des citoyens libyens” (passeport et carte d’identité), au nom d’une autre entreprise française, Safran (autrefois nommée Sagem).

Selon plusieurs notes remises à la justice et provenant de l’ordinateur de Takieddine, celui-ci s’est illustré en défendant mordicus Safran auprès d’un certain Claude Guéant. Celui-là même qui, aujourd’hui, veut imposer la création d’un fichier de 45 à 60 millions de “gens honnêtes” afin de lutter contre l’usurpation d’identité, mais aussi et surtout d’aider Safran à conquérir de nouveaux marchés (voir Fichons bien, fichons français !). Morpho, la filiale de Safran chargée des papiers d’identité biométriques, qui se présente comme le “n°1 mondial de l’empreinte digitale“, est en effet l’entreprise pressentie pour le déploiement de ce fichier des “gens honnêtes“.

Ces divers documents, qu’OWNI s’est procurés, montrent qu’en juillet 2005, Ziad Takieddine déplorait la tournure que prenait le projet INES de carte d’”Identité Nationale Electronique Sécurisée” annoncé par Dominique de Villepin quelques mois plus tôt, mais qui commençait à s’enliser :

C’est un programme majeur, le plus important jamais conçu dans l’identification des citoyens en France. C’est un « enfant » de Sarkozy lors de son premier passage à l’Intérieur (2002 à mars 2004), mais qui n’a guère progressé depuis son départ, alors que les attentats de Londres viennent de succéder à ceux de Madrid (11 mars 2004).

Depuis le printemps, se déroule sur la place publique un débat stérile sur INES où une certaine France des contestataires habituels dit n’importe quoi et où la CNIL est dans son rôle habituel d’inhibiteur des systèmes d’information cruciaux 1/ pour la lutte contre le terrorisme et contre la criminalité en général (fraude identitaire), 2/ pour réaliser l’administration électronique et les gains de productivité qui en découlent.

Ziad Takieddine n’avait pas, à l’époque, rendu publique cette dénonciation en règle de ceux qui pointaient alors du doigt les problèmes d’atteintes à la vie privée, et aux libertés, que soulevait ce “programme majeur, le plus important jamais conçu dans l’identification des citoyens en France“.

C’est d’autant plus dommage qu’il nomma le fichier où il prit ainsi la défense de ce fichage en règle de l’ensemble des Français d’un sobre “FICHEZ.doc” (les majuscules sont de lui), comme s’il ne s’agissait pas tant de lutter “contre le terrorisme et la criminalité“, ni de promouvoir “l’administration électronique“, mais bel et bien de “ficher” les Français…

Soulignant que “le ministère de l’Intérieur (…) n’a tout simplement pas la capacité propre de mettre au point et de bien gérer un programme de l’ampleur d’INES, aboutissant à la production d’environ 50 millions de cartes d’identité et de séjour et de 20-30 millions de passeports“, Ziad Takieddine plaidait par ailleurs, dans ce même document, pour “confier la maître (sic) d’œuvre du programme INES à Sagem pour en accélérer la réalisation” :

En confiant la maîtrise d’œuvre du programme INES à Sagem, le ministre de l’Intérieur gagnerait en accélérant son action et en simplifiant ses relations avec les industriels.

En l’espèce, “les industriels” n’étaient pas tous traités à la même enseigne : Takieddine tint en effet à préciser que “les systèmes de personnalisation que Thales avait vendus dans les années 1980-90 (dont celui de l’actuelle carte nationale d’identité) sont techniquement obsolètes“, alors que “parmi les industriels français, Sagem est l’acteur de loin le plus important dans l’identification des citoyens – ayant surtout travaillé au grand export – , le plus qualifié pour la maîtrise d’œuvre et le seul pour la biométrie“.

 

« L’Alliance »

Les poids lourds du secteur avaient pourtant, quelques mois auparavant, signé une paix des braves, afin de se répartir le marché. Le 31 mars 2005, la lettre d’information Intelligence Online révélait en effet que, le 28 janvier précédent, Jean-Pierre Philippe, directeur de la stratégie de EADS Defence and Security Systems, Pierre Maciejowski, directeur général de Thales Security Systems, et Bernard Didier, directeur Business Development de Sagem, avaient signé dans la plus grande discrétion un “mémorandum of understanding” (MOU) les engageant à présenter une offre commune pour bâtir “un grand système d’identité européen” :

Leur objectif est d’obtenir, d’abord auprès du ministère français de l’intérieur, puis dans d’autres pays, une délégation de service public pour mettre en oeuvre – et éventuellement financer – les futures architectures nationales d’identification. La création de ce consortium soulève toutefois quelques vives réactions, notamment parmi les grandes sociétés de services informatiques telles que Atos, Cap Gemini, Accenture, IBM Global Services qui ne veulent pas être exclues d’un marché qui, en France seulement, tourne autour d’un milliard d’euros.

Takieddine ne fut pas particulièrement bien entendu par son ami Claude Guéant, comme le révèle cet autre document, daté de septembre 2005, où il déplore que l’appel d’offres concernant le passeport biométrique, lancé par Bernard Fitoussi, directeur du programme Ines, ait été “dirigé vers THALES en excluant SAGEM“. Evoquant des “discussions avec CG” (Claude Guéant), Takieddine écrivait que SAGEM avait alors décidé de :

Ne pas revoir sa position vis à vis de THALES dans cette consultation parce que cela affaiblirait la position de « l’Alliance » et ne peut conduire qu’à la polémique avec le partenaire, ce qui ne serait pas rassurant pour le Ministère qui souhaite que l’opération se fasse rapidement.

Evoquant le projet INES, Ziad Takieddine estimait alors que “la solution immédiate à apporter sera un partenariat (la co-traitance) entre SAGEM – THALES – l’Imprimerie Nationale, garantissant des prix compétitifs” :

Il faut parvenir à un accord, si ce message est transmis à THALES : c’est gagné.

 

Takieddine soulignait également qu’”il est à craindre que la France prenne une position en recul par rapport aux projets anglais ou espagnol“. De fait, la Grande-Bretagne, dont le Vice-premier ministre (libéral, et de droite) a depuis été élu pour enterrer la société de surveillance, a décidé, en février dernier, d’abandonner purement et simplement son projet de carte d’identité, de détruire, physiquement, les disques durs comportant les identifiants de ceux qui avaient postulé pour en être dotés, et de demander à son ministre de l’immigration d’en publier les preuves sur Flickr, et YouTube :

Après avoir perdu contre Thalès, Sagem se fera ensuite souffler le marché par un troisième concurrent, Oberthur. Mais l’Imprimerie nationale intenta un recours (.pdf), arguant du fait qu’elle seule détient le monopole de la fabrication de titres d’identité. En janvier 2006, l’Imprimerie nationale n’a pas encore emporté le marché, mais Takieddine, dans un troisième document, tente une nouvelle fois de placer son client, évoquant cette fois le risque d’”un conflit social très difficile à gérer, surtout au niveau politique par N. Sarkozy si le ministère persévérait dans son alliance avec Oberthur” :

SOLUTION : le marché est notifié sans appel d’offres (grâce au monopole de l’Imprimerie Nationale) qui s’engage à s’associer au meilleurs des industriels français (SAGEM en premier chef, mais également THALES et OBERTHUR).

Non content de chercher à influencer Claude Guéant, Takieddine se paie également le luxe de proposer de virer le président de l’Imprimerie nationale, et de le remplacer par un certain Braconnier :

Pour s’assurer de la mise en œuvre rapide et efficace de cette solution, il était impératif que le Président actuel de l’Imprimerie Nationale (Loïc de la Cochetière, totalement décrédibilisé par sa gestion de l’affaire), soit révoqué ad-nutum et remplacé par un homme de confiance du Ministère.

Un candidat, crédible et motivé est M. Thierry Braconnier (Groupe Industriel Marcel Dassault) : 12 ans au sein du Groupe Dassault, administrateur de la société nationale de sécurité de l’information Keynectis, qu’il a contribué à créer avec le soutien de l’ensemble du gouvernement (Gilles Grapinet, alors à Matignon et aujourd’hui Directeur de Cabinet de M. Thierry Breton a été l’un des principaux parrains administratifs de la création de Keynectis). Possède un réseau relationnels avec les industriels parmi lesquels SAGEM / THALES / OBERTHUR.

Encore raté : Loïc Lenoir de La Cochetière dirigea l’Imprimerie nationale jusqu’en 2009.

 

Au même moment, Ziad Takieddine travaillait également, pour le compte de Sagem et auprès de la Libye de Kadhafi, sur plusieurs contrats visant à moderniser les Mirage F1 et Sukhoi de l’armée libyenne, à sécuriser les frontières libyennes, mais également à un “programme d’identification des citoyens libyens” (passeport et carte d’identité), comme l’atteste cet autre document :

Sagem Consulting Agreement – Program

 

Contactée, Safran n’a pas été en mesure de nous dire si ces contrats avaient finalement abouti, ou pas.


Photos via Flickr par Dave Bleadsdale [cc-by] et Vince Alongi [cc-by].

Image de Une à télécharger par Marion Boucharlat et Ophelia Noor pour Owni /-)

Retrouvez les articles de la Une “Fichage des gens honnêtes” :

Lobbying pour ficher les bons français
Vers un fichage généralisé des gens honnêtes
Morpho, numéro 1 mondial de l’empreinte digitale

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Google Plus, la dictature des vrais noms http://owni.fr/2011/08/08/google-plus-dictature-vrais-noms-anonymat-identite/ http://owni.fr/2011/08/08/google-plus-dictature-vrais-noms-anonymat-identite/#comments Mon, 08 Aug 2011 19:12:49 +0000 Danah Boyd http://owni.fr/?p=75724 Les liens de cet article sont en anglais.

Tout le monde parle des“nymwars” [(contraction des termes anglais Anonym et Wars (guerres)], suite à la décision de Google Plus d’appliquer sa politique qui n’autorise que les comptes utilisant le “vrai nom” de leurs utilisateurs. Au départ, Google Plus a été pris d’une frénésie de suppression, éliminant les comptes qui enfreignaient la règle. Quand la communauté a fait part de son indignation, les dirigeants de Google Plus ont essayé d’apaiser leur colère en détaillant leur “nouveau” mécanisme “amélioré” pour appliquer la règle des “vrais noms” (en évitant de supprimer des comptes). Cela n’a fait qu’intensifier la discussion autour de la valeur du pseudonymat.

Des dizaines d’articles de blogs défendant le pseudonymat sont apparus, chacun détaillant ses arguments. L’un de ces articles, signé Kirrily “Skud” Robert, contenait une liste d’arguments provenant d’un sondage organisé sur son blog.

  • “Je suis un professeur de lycée, ma vie privée est d’une importance cruciale”
  • “J’utilise ce nom dans le cadre de mon travail. Toute ma famille et mes amis connaissent ce nom. Il me permet de participer aux discussions en ligne sans être sujet au harcèlement que j’ai déjà subi et qui avait poussé mes employeurs à changer leur numéro, pour pouvoir recevoir leurs appels.”
  • “Je ne me sens pas en sécurité si j’utilise mon vrai nom sur le Web car on m’a déjà retrouvé en utilisant ma présence en ligne et certains collègues ont envahi ma vie privée.”
  • “J’ai été victime de harcèlement . J’ai survécu à un viol. Je suis fonctionnaire et je n’ai donc pas le droit d’utiliser ma véritable identité en ligne.”
  • “J’ai été victime de harcèlement et ma famille en a souffert, cela fait à peu près 7 ans que j’utilise [mon surnom] en ligne.”
  • “[Ce nom] est un pseudonyme que j’utilise pour me protéger. Mon site peut être assez controversé et cela a déjà été utilisé contre moi”
  • “J’aime prendre part à une conversation ouverte et mondiale, mais je ne souhaite pas que mes opinions offensent certains membres de ma famille, ou certaines de mes connaissances qui sont conservatrices et religieuses. Je ne souhaite pas non plus que la carrière gouvernementale de mon mari souffre des opinions de sa femme, ou que son équipe se sente gênée par mes propos.”
  • “J’ai le souci de ma vie privée car j’ai été harcelée  par le passé. Je ne changerai pas de nom pour une page Google+. Au vue du prix que je pourrais payer, cela ne vaut pas le coup.”
  • “Au blog, nous avons reçu des menaces de mort. Donc, même si je ne m’inquiète pas que des personnes saines d’esprit me retrouvent, je ne veux quand même pas partager trop d’informations et préfère utiliser un nom d’auteur.”
  • “J’ai utilisé cette identité pour protéger ma véritable identité: je suis gay et ma famille habite dans un petit village dans lequel ils auraient des problèmes si on apprenait que leur fils est gay.”
  • “J’utilise un pseudonyme pour des raisons de sécurité. Étant une femme, je suis prudente en ce qui concerne le harcèlement sur Internet.”

Vous noterez qu’une thématique se dégage…

Un autre site, “My Name Is Me”, rassemble des témoignages d’individus qui défendent les pseudonymes. Ce qui est le plus frappant, c’est la liste des individus affectés par les règlements de type “vrais noms”. On y retrouve des survivants de mauvais traitements, des activistes, des membres de la communauté LGBT, des femmes et des jeunes.

À longueur d’articles, les gens désignent Facebook comme un exemple où la règle des “vrais noms” fonctionne. Cela m’amuse énormément. L’une des choses qui m’est apparue manifestement clair dans mes recherches c’est que d’innombrables ados qui ont rejoint Facebook tardivement ont choisi d’utiliser des pseudonymes ou des surnoms. Ce qui est encore plus remarquable dans mes données c’est qu’un pourcentage extrêmement élevé de personnes de couleur utilisent des pseudonymes, comparés aux ados blancs que j’ai rencontrés. Bien sûr, cela pourrait se comprendre…

Les individus qui se fient le plus aux pseudonymes dans les espaces virtuels sont ceux qui sont le plus marginalisés par les systèmes de pouvoir. Les règlements de type “vrais noms” ne sont pas émancipateurs ; ils constituent une affirmation du pouvoir sur les individus vulnérables.

Ces idées et problématiques ne sont pas nouvelles (et j’en ai même déjà parlé), mais ce qui est nouveau c’est que les marginaux se rassemblent et prennent la parole. Et dieu merci.

Ce qui est amusant, à mon sens, c’est qu’on ne semble pas se rappeler d’où vient la culture des “vrais noms” développée par Facebook. Quand les premiers utilisateurs (d’abord les étudiant d’universités prestigieuses…) ont adopté Facebook, c’était une communauté digne de confiance. Ils se sont enregistrés sous le nom qu’ils utilisaient dans leur université ou dans l’entreprise dont ils faisaient partie.

Ils utilisaient le nom qui correspondait au réseau avec lequel ils avaient rejoint Facebook. Ces noms n’étaient pas nécessairement leurs noms d’état civil ; beaucoup d’entre eux ont choisi Bill à la place de William. Mais ils étaient, en tout état de cause, “vrais”. Le site s’est développé, et les gens ont été aux prises avec de nouveaux arrivants et une gêne s’est installée au sujet des normes. Mais les normes étaient fixées, et les gens continuaient de s’inscrire en utilisant le nom par lequel ils étaient communément connus.

Au moment où les célébrités ont fait leur apparition sur le réseau, Facebook n’a pas demandé pas à Lady Gaga de se renommer Stefani Germanotta, mais bien évidemment, elle avait sa “page fan”, et était de fait séparée de la foule. Pendant ce temps là, ce dont beaucoup ne se sont pas rendus compte, c’est que de nombreux jeunes noirs et latinos se sont inscrits sur le réseau en utilisant des pseudonymes. La plupart des gens ne remarque pas ce que font les jeunes noirs et les jeunes latinos sur le Web.

De la même façon, des individus situés en dehors des États-Unis ont commencé à s’inscrire en utilisant des pseudonymes. Là encore, personne ne l’a remarqué puisque les noms traduits de l’arabe ou du malaisien, ou contenant des phrases en portugais, n’étaient pas particulièrement remarquables pour ceux chargés de faire respecter la règle des “vrais noms”. Les “vrais noms” ne sont en aucun cas universels sur Facebook, mais l’importance des “vrais noms” est un mythe que Facebook aime à faire valoir. Et, pour la plupart d’entre eux, les américains privilégiés utilisent leurs vrais noms sur Facebook. Donc, ça “a l’air” correct.

Puis est arrivé  Google Plus, qui croit pouvoir dicter une règle des “vrais noms”. Sauf qu’ils ont commis une grave erreur. Ils ont permis à la communauté technophile de s’inscrire dans les 48 heures qui ont suivi le lancement. Le problème avec cette communauté est qu’elle a une longue histoire d’utilisation de pseudonymes ou autres surnoms. Et c’est cette communauté qui a du définir les premières normes sociales du site, au lieu d’être socialisée à ces normes par des étudiants confiants qui pensaient avoir rejoint un site qui leur était réservé.

Ce n’était pas la bonne recette pour mettre en place un règlement de type “vrais noms”. Au contraire. Le pire pour Google, c’est que les membres de cette communauté sont TRÈS contents de parler FORT quand ils sont énervés. Alors que d’innombrables noirs et latinos utilisent des pseudonymes sur Facebook depuis le début (comme ils le faisaient d’ailleurs sur Myspace), ils n’ont jamais remis en question la politique de Facebook. Il s’agissait plus d’une approche “vivre et laisser vivre”. Google et sa communauté forcée à l’utilisation de vrais noms n’ont pas été aussi chanceux. Les gens sont maintenant EN COLÈRE.

Je suis personnellement enchantée de voir autant d’indignation. Je suis vraiment très heureuse de voir que des individus très privilégiés prennent ce sujet à coeur, parce que, même si ils sont les moins susceptibles de souffrir de cette règle des “vrais noms”, ils ont l’autorité pour s’élever face au pouvoir. Et tout autour du Web, on souligne le fait que ce sujet est plus profond que de simples noms rigolos (et qu’il est beaucoup plus complexe que sa réduction au simple concept d’anonymat, comme le pensait bêtement Randi Zuckerberg de Facebook).

Ce qui est en jeu c’est le droit des individus à se protéger, leur droit de véritablement maintenir une forme de contrôle qui les sécurise. Si des entreprises comme Facebook ou Google sont vraiment engagées à protéger leurs utilisateurs, elles doivent prendre ces critiques au sérieux. Tout le monde n’est pas plus en sécurité en donnant son vrai nom. Au contraire. Beaucoup de gens sont beaucoup MOINS en sécurité en étant identifiables. Et ceux qui sont le moins en sécurité sont souvent ceux qui sont le plus vulnérables.

De même, le problème de la réputation doit être renversé quand on pense aux individus marginalisés. On s’intéresse aux gens qui font usage de pseudonymes pour masquer leur identité et, en théorie, “protéger” leur réputation. L’hypothèse que cela implique est que l’observateur est qualifié pour évaluer la réputation de quelqu’un. Beaucoup trop souvent, et particulièrement avec les individus marginalisés, l’observateur sort l’individu de son environnement et, en se fondant sur ce qu’il trouve en ligne, ne le juge pas convenablement. Je vais tâcher d’expliquer cela en prenant un exemple dont beaucoup d’entre vous ont du entendre parler.

Il y a des années, j’ai reçu un appel en provenance d’un employé d’une université prestigieuse qui voulait admettre un jeune homme noir originaire de South Central [un quartier défavorisé de Los Angeles]. Le jeune homme avait rempli son formulaire d’admission en expliquant qu’il voulait quitter sa communauté infestée par les gangs. Les employés de l’université avait pourtant trouvé sur son compte MySpace des symboles d’un gang.  La question qui m’était posée était “Pourquoi nous mentirait-il alors que l’on peut trouver la vérité en ligne?”. Connaissant cette communauté, j’étais pratiquement sûre qu’il s’était montré honnête envers l’université; il faisait également ce qu’il devait faire pour rester en vie au sein de sa communauté. S’il avait utilisé un pseudonyme, l’université n’aurait pas pu obtenir ces données hors-contexte et le juger mal à propos. Mais ça n’était pas le cas. Ils estimaient que leur cadre de pensée était ce qui importait le plus. J’espère vraiment qu’il est parvenu à intégrer cette université.

Il n’y a pas de contexte universel, peu importe ce que les geeks peuvent vous dire.  Mais si les gens font le nécessaire pour s’adapter à différents contextes afin de protéger leur sécurité, et pour s’assurer de ne pas être jugés en dehors d’un contexte précis, cela ne veut pas dire qu’ils sont tous des escrocs. Il s’agit au contraire d’une réponse responsable et raisonnable aux conditions structurelles de ces nouveaux médias. Et il est inacceptable de voir les plus puissants et les plus privilégiés dire à ceux qui ne le sont pas qu’il est admissible que leur sécurité soit ébranlée. Vous ne garantissez pas la sécurité en empêchant les gens d’utiliser des pseudonymes, vous sapez leur sécurité.

De mon point de vue, mettre en place des politiques visant à ce que les gens utilisent leurs vrais noms au sein des espaces en ligne est donc un abus de pouvoir.


Article initialement publié sur Apophenia
Traduction Marie Telling et Guillaume Ledit
Illustrations CC FlickR: krissen, martin howard, birgerkin

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Morpho, n° 1 mondial de l’empreinte digitale http://owni.fr/2011/07/05/morpho-n%c2%b0-1-mondial-de-l%e2%80%99empreinte-digitale/ http://owni.fr/2011/07/05/morpho-n%c2%b0-1-mondial-de-l%e2%80%99empreinte-digitale/#comments Tue, 05 Jul 2011 16:25:52 +0000 Jean Marc Manach http://owni.fr/?p=72835 Leader mondial sur le marché de la sécurité“, Morpho (ex-Sagem Sécurité, filiale du groupe Safran), n°4 mondial des cartes à puces, avec un chiffre d’affaires de plus de 1 milliard d’euros, et 6300 employés, se targue d’être le n° 1 mondial de l’empreinte digitale :

Morpho se classe notamment au premier rang mondial pour les applications relatives à l’identité civile (émission et gestion de documents d’identité sécurisés par la biométrie), les solutions d’identification criminelle (AFIS, de l’anglais Automated Fingerprint Identification Systems, ou système automatisé d’identification par empreintes digitales).

Morpho ne donne pas, sur son site, la liste des pays qui ont acheté ses services de cartes d’identité sécurisées, se bornant à mettre en avant la “carte d’identité intelligente (et le) registre d’état civil sécurisé” déployés aux Emirats Arabes Unis en 2003.

Dans ses communiqués de presse, Morpho mentionne également le renouvellement du système d’état civil mauritanien, ainsi que sa participation au “plus vaste projet d’identification biométrique au monde“, lancé en Inde en septembre 2010 :

Le projet Aadhaar a vocation à fournir à chaque résident un numéro d’identification unique offrant un accès doublement sécurisé (empreintes digitales et reconnaissance de l’iris) à un large éventail de prestations et de services.

Dans un article de son journal interne, intituléInde : opération identification, le groupe précise qu’”à terme, le projet Aadhaar vise à constituer une base de données de plus de 1,2 milliard d’individus, soit un sixième de la population mondiale“. En mars dernier, Morpho annonçait avoir émis son deux millionième numéro d’identification, l’objectif étant d’en attribuer 600 millions, d’ici quatre ans.

Capitaliser sur les pauvres

Dans un ouvrage consacré à L’identification biométrique, Bernard Didier, directeur général de Morpho, qu’il avait créé, en 1982, et Carole Pellegrino, responsable des relations institutionnelles de Morpho, évoquent “130 références mondiales de solutions d’identités biométriques, couvrant 70 pays” dont, “à titres d’exemple“, les cartes d’identité en Malaisie et au Botswana, les passeports biométriques en France et aux Pays-Bas et les permis de conduire au Maroc.

Dans le même ouvrage, Keith Breckenridge, universitaire spécialiste de l’histoire de la biométrie, révèle un pan caché de l’histoire de Sagem Sécurité en particulier, et des industriels de la biométrie en général. Son article, intitulé “Capitaliser sur les pauvres“, commence par rappeler que “ces dix dernières années, les projets d’enregistrement biométrique universel ont suivi des trajectoires très similaires” :

De l’enthousiasme démesuré au recul des politiques, en passant par la déception technique et le mécontentement du public. (…)
Les ratages parfois spectaculaires, notamment en Grande-Bretagne, dans la gestion de grosses bases de données ont contribué à renforcer la déjà très populaire critique kafkaïenne des dangers d’une bureaucratie tentaculaire, avec ses erreurs, son arrogance et son enchevêtrement labyrinthique.

Ainsi, et “dans le monde développé, beaucoup d’exemples montrent que les défenseurs de l’enregistrement biométrique universel ont dû battre en retraite“. Restaient donc les migrants et les demandeurs d’asile, ceux qui franchissent les frontières et doivent donc se doter de visas, afin d’”utiliser les bases de données informatiques pour tracer des frontières nationales où, bien souvent, les vraies frontières n’existent pas“. Sont également prisés les pays pauvres dépourvus de registres d’état civil, qui cherchent ainsi à se doter de listes électorales et à se prémunir contre le bourrage d’urnes, ou qui tentent de pallier une bureaucratie corrompue ou désorganisée.

Pressenti, sans appel d’offres, pour constituer la liste électorale des législatives au Gabon, Morpho vient ainsi de perdre ce marché, qui aurait pu lui rapporter 40 millions d’euros, après que des opposants aient rappelé qu’en Côte d’Ivoire, le projet de cartes d’électeurs sécurisé par Sagem Sécurité avait été entâché d’accusations de corruption et de pots-de-vin, ainsi que d’une tentative de rajouter au fichier 429.034 vrais-faux électeurs…

En route vers l’identification consumériste

Le cas nigérian est tout aussi intéressant : en 2003, rappelle Keith Breckenridge, “près de 30 ans après que la junte militaire en eut lancé l’idée dans le sillage de la guerre du Biafra, Sagem délivrait aux Nigérians les premières cartes à authentification biométrique“, qui déboucha sur un gros scandale, quelques mois plus tard, “lorsque tous les hauts fonctionnaires impliqués dans la conception et l’appel d’offres seront poursuivis pour corruption“.

Plusieurs ministres avaient été arrêtés et “accusés d’avoir participé à un extravagant système de pots-de-vin dont l’instigateur serait le représentant de Sagem au Nigéria“. A ce jour, aucune condamnation n’a été prononcée. Le groupe Safran, lui, a rejeté la responsabilité de ce scandale sur l’”ancienne entité Sagem“.

Six ans plus tard, les 2/3 de la population n’ont pas été enregistrés, et “seule une petite partie des 36 millions de personnes correctement enregistrés ont effectivement pris la peine d’aller chercher leur carte“. Signe du succès relatif du projet : le directeur de la Commission de l’identité nationale, en charge du projet, a lui-même admis n’être pas aller chercher sa carte.

Constatant que “les Nigérians n’ont à peu près aucune raison de s’en servir“, ses responsables, conseillés par Sagem, ont donc décidé de réorienter le projet “au motif qu’il existerait une “tendance globale” vers une technologie d’identification multifonctions sécurisée à base de carte à puce“, souligne Keith Breckenridge, qui temporise :

Le rapport ne mentionne nulle part que cette tendance mondiale est principalement le fait d’une entreprise membre de la commission et observe que Sagem possède de l’”expérience dans les technologies de cartes à puce et travaille sur un projet similaire dans les Emirats arabes unis”.

Le projet de carte d’identité ainsi s’est considérablement élargi pour intégrer “tous les aspects de l’identité du citoyen : droit de vote, état civil, permis de conduire, assurance santé et fiscalité” qualifié, par Keith Breckenridge de “projet d’identification consumériste (…) mélange d’identification biométrique et de surveillance informatique des consommateurs” :

En outre, la nouvelle carte franchit résolument la frontière public/privé, devenant obligatoire pour le citoyen souhaitant accéder aux services bancaires, aux droits à la retraite, à la propriété foncière ou encore pour s’inscrire à l’université.

Initialement promu, en France, pour lutter contre le terrorisme et l’immigration illégale, le projet de carte d’identité sécurisé français nous est aujourd’hui vanté afin de lutter contre l’usurpation d’identité. Mieux : une deuxième puce, facultative, permettra de s’identifier auprès de prestataires de commerce électronique… Ce que Morpho sait très bien faire, et vendre.


Voir aussi :
Fichons bien, fichons français !
Vers un fichage généralisé des “gens honnêtes”

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Fichons bien, fichons français ! http://owni.fr/2011/07/05/fichons-bien-fichons-francais/ http://owni.fr/2011/07/05/fichons-bien-fichons-francais/#comments Tue, 05 Jul 2011 15:29:04 +0000 Jean Marc Manach http://owni.fr/?p=72836 La proposition de loi sur la protection de l’identité, qui va créer un fichier de 45 millions de “gens honnêtes” et de leurs empreintes digitales (voir Vers un fichage généralisé des “gens honnêtes”) ne vise pas qu’à lutter contre l’usurpation d’identité, comme le reconnaît son auteur, le sénateur Jean-René Lecerf :

Les entreprises françaises sont en pointe mais elles ne vendent rien en France, ce qui les pénalise à l’exportation par rapport aux concurrents américains.

Le 31 mai, lors de la discussion au Sénat, Jean-René Lecerf soulignait ainsi que “sur la carte d’identité, nous avons été rattrapés, puis distancés par de nombreux États, dont nombre de nos voisins et amis, au risque de remettre en cause le leadership de notre industrie, qui découvrait alors la pertinence du proverbe selon lequel nul n’est prophète en son pays“.

Le rapport de Philippe Goujon, rapporteur de la proposition de loi à l’Assemblée, est encore plus clair, et ne cherche même pas à masquer l’opération de lobbying dont il s’agit : “Comme les industriels du secteur, regroupés au sein du groupement professionnel des industries de composants et de systèmes électroniques (GIXEL), l’ont souligné au cours de leur audition, l’industrie française est particulièrement performante en la matière” :

Les principales entreprises mondiales du secteur sont françaises, dont 3 des 5 leaders mondiaux des technologies de la carte à puce, emploient plusieurs dizaines de milliers de salariés très qualifiés et réalisent 90 % de leur chiffre d’affaires à l’exportation.
Dans ce contexte, le choix de la France d’une carte nationale d’identité électronique serait un signal fort en faveur de notre industrie.

Claude Guéant remarquait de son côté que “plusieurs de nos voisins immédiats comme la Belgique, l’Italie, l’Espagne et l’Allemagne, ont déjà adopté ce système, alors même que la technologie de la carte à puce est un domaine d’excellence français“. François Pillet, rapporteur de la proposition de loi, a été tout aussi clair :

Le sujet engage aussi des enjeux économiques, industriels : la sécurisation des échanges électroniques est un marché (…) Les entreprises françaises, en pointe sur ce domaine, veulent investir le marché français.

Ils le veulent d’autant plus qu’ils peinent, de fait, à s’implanter dans les pays industrialisés, alors même que trois des quatre premiers acteurs mondiaux des titres d’identités sécurisés, électroniques ou biométriques, sont français (Morpho, Gemalto et Oberthur, le quatrième, Giesiecke & Devrient, étant allemand). Si leurs systèmes biométriques à destination des fichiers policiers équipent tout autant les pays dits “développés” que les pays émergents, les dispositifs permettant de “sécuriser” les titres d’identité n’ont pour l’instant essentiellement été vendus qu’à des monarchies pétrolières, pays pauvres ou émergents (voir Morpho, n° 1 mondial de l’empreinte digitale).

Ce secteur d’activités est pourtant considéré comme prioritaire par le gouvernement et ce, depuis des années. En 2005, Dominique de Villepin, alors ministre de l’intérieur, avait ainsi insisté sur l’importance, en termes de “souveraineté économique, industrielle et technologique“, de la maîtrise des “technologies sensibles“, et notamment de la biométrie, considérée “vitale pour notre sécurité“.

En lui succédant, Nicolas Sarkozy avait quant à lui fait de la création de l’Agence nationale des titres sécurisés (ANTS), chargée de la modernisation des titres d’identité et maître d’œuvre du passeport biométrique, l’une de ses priorités. Lors de son inauguration, en décembre 2007, Michèle Alliot-Marie avait souligné le fait que l’ANTS était “en première ligne d’une bataille politique et industrielle :

La France doit être en mesure de proposer des solutions françaises et communiquer de manière sécurisée avec les procédures de ses principaux partenaires, sinon elle court le risque de se voir imposer leurs solutions.
Ceci la priverait à la fois d’un moyen d’influence et supprimerait un levier de développement puissant.

En octobre 2008, la France organisait ainsi un séminaire sur “la valorisation des nouveaux titres biométriques en Europe“, à l’occasion de la présidence française de l’Union européenne, dont le programme confidentiel, révélé par Bakchich, faisait de la biométrie “une priorité de la France” :

L’Union européenne est la première entité au monde à développer à l’échelle de plusieurs pays des titres électroniques interopérables, dont les atouts sont importants en termes de sécurité (fraude, circulation transfrontalières) et de vie quotidienne (e-administration/e-services…). Ce dernier aspect (vie quotidienne) est mal connu du grand public et ce séminaire a pour but de mieux le faire connaître.

Les données personnelles ? Une valeur marchande

Ce soutien gouvernemental à l’industrie de la biométrie relève aussi de la compétition internationale, comme le soulignent Bernard Didier et Carole Pellegrino, de la société Morpho, “leader mondial de l’empreinte digitale“, dans un article intitulé “Que fait l’Europe face aux Etats-Unis ?“, paru dans L’identification biométrique, recueil de textes sorti récemment aux éditions de la maison des Sciences de l’Homme.

Les deux auteurs rappellent en effet que, suite aux attentats de 2001, les États-Unis ont massivement soutenu, favorisé et subventionné leurs propres industriels spécialisés dans la biométrie.

Dans le même temps, l’Europe peinait pour sa part à se positionner sur ces enjeux, du fait de sa “diversité, tant dans la manière dont est appréhendée la problématique liberté/sécurité qu’en ce qui concerne la manière dont est perçue l’industrie de souveraineté par chacun des États membres“, qui varie notamment “selon que les États ont ou non connu des attentats terroristes sur leur propre territoire” :

C’est la raison pour laquelle on constate des retards ou des “décalages” dans les calendriers initialement déterminés au niveau des principaux programmes nationaux ou européens

Le programme français a ainsi constamment été repoussé, et les Britanniques viennent même de renoncer à leur projet de carte d’identité, en déchiquetant publiquement les disques durs comportant les données personnelles de ceux qui s’étaient enrôlés dans le système.

Bernard Didier et Carole Pellegrino déplorent également le fait qu’un certain nombre d’autorités de protection des données personnelles s’opposent au croisement des fichiers, mais également que la CNIL et son homologue espagnole aient interdit, contrairement à d’autres pays, la prise d’empreintes digitales à l’école “comme moyen de contrôle de l’identité des élèves afin de leur permettre d’accéder à la bibliothèque ou à la cantine“.

Plus globalement, ils déplorent l’attitude des autorités de protection des données personnelles, et notamment le G29 (qui réunit les CNIL européennes), qui “s’évertue à rester, à nos yeux, dans une posture de “censeur éclairé” alors que d’autres pays, comme le Canada par exemple, participent au débat et à la recherche transformant le handicap industriel en avantage compétitif“, le modèle idéal étant celui des États-Unis :

Selon l’approche américaine, les données personnelles ne sont pas considérées comme un attribut de la personne, mais comme une valeur marchande régie par les règles du marché.
Par ailleurs, aux États-Unis, il n’existe pas de règles de protection équivalant à celles dont dispose l’Union européenne, ni d’autorité fédérale de protections des données semblable à celles qui sont en place en Europe.

Après avoir rappelé que l’Europe subventionne des programmes de recherche visant à “développer des solutions d’identité innovantes” intégrant des dispositifs de protection des données personnelles au sein même de leurs dispositifs de contrôle biométrique, les deux auteurs estiment qu’il en va du ressort des institutions européennes :

Une feuille de route pour un cadre paneuropéen de la gestion de l’identité en 2010 vise à garantir les modes d’identification électroniques qui maximisent le confort de l’utilisateur tout en respectant la protection des données. Un tel projet devrait faciliter l’adoption de normes européennes relatives à la biométrie.

Sous peine de devenir un acteur politique et industriel de second rang, il est temps pour l’Europe de relancer la dynamique des grands programmes sur la gestion d’identité.


Illustrations CC FlickR: dsevilla, Mr Jaded, Jack of spades

Voir aussi :
- Vers un fichage généralisé des “gens honnêtes”
- Morpho, n° 1 mondial de l’empreinte digitale (à venir)

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