OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Institubes rend les armes http://owni.fr/2011/03/16/institubes-rend-les-armes/ http://owni.fr/2011/03/16/institubes-rend-les-armes/#comments Wed, 16 Mar 2011 17:46:41 +0000 Loïc Dumoulin-Richet http://owni.fr/?p=31168 C’est une figure de la pop, du hip-hop et de l’electro qui s’éteint aujourd’hui. Mercredi 16 mars, dans un communiqué direct et empreint d’une certaine amertume, le label Institubes a annoncé sa fermeture après huit ans d’activité.

Dans ce contexte, les fondateurs du label, Jean-René Etienne et Emile Shahidi dressent un bilan de leur aventure avec le collectif emmené par les emblématiques Para One, Cuizinier, Orgasmic ou Teki Latex (TTC), Jean Nipon ou encore Chateau Marmont. Il illustre les difficultés rencontrées par les petits labels, pour qui vendre de la musique reste primordial.

Je pourrais écrire dix pages sur les réalités et les difficultés liées au business de la musique […]. Nous n’avons jamais connu l’âge d’or dont nos ainés dans l’industrie chantent les louanges. Nous avons toujours évolué dans un paysage post-apocalyptique et paupérisé jusqu’à la mort, empli de zombies de directeurs artistiques irradiés et de blogueurs mutants et aveugles. Nous avons toujours mené un bataille difficile. Mais les choses ont empiré

Institubes est l’une de ces structures de l’ère post-Napster. Porté par un collectif d’artistes aux influences diverses, le label a su garder une ligne claire et distincte, qui plutôt que de s’ouvrir à des “coups” mainstream rémunérateurs, s’est construit tout au long son existence une cohérence artistique davantage mue par la volonté de se forger une identité forte que par celle de faire concurrence aux majors. D’ailleurs, lorsque Institubes collabore avec Alizée, l’ex Lolita aux millions de disques vendus, en produisant son quatrième album studio Une Enfant du Siècle en 2010, c’est en apportant sa touche plutôt qu’en faisant du “Alizée par Institubes”, comme ont tendance à le faire de nombreux producteurs. Cf. le mercenaire RedOne qui réplique plus ou moins adroitement la même chanson pour toute la planète pop ou presque, de Lady GaGa à Enrique Iglesias en passant par Mylène Farmer et Nicole-Pussycat-Scherzinger.

Si les gros labels peuvent compter sur leurs vaches à lait pour compenser les projets plus risqués, les structures plus modestes se doivent de maintenir un équilibre a minima pour assurer leur survie. “Le fait que notre industrie vive une lutte permanente où 90% de notre temps est consacré à “rester à flot” cache un fait important : nous jouons toujours le jeu selon les règles qui nous ont baisés au départ“.

Car le nerf de la guerre pour tous les labels (et on ne parle pas ici d’artistes DIY) reste, quoiqu’on en dise de vendre de la musique. Ne pas avoir à se diversifier pour multiplier les sources de revenus. Ce qu’Institubes s’est évertué à faire, sans toujours y parvenir : “Tout ce qu’on aurait pu faire (ou presque) pour éviter ou retarder cette issue malheureuse tient en deux mots : lifestyle et branding. Investir dans la production de t-shirts, dans les partenariats avec des marques, signer des contrats de collaboration ou de sponsoring avec des boites aux poches bien pleines. Je n’ai qu’un regret : qu’il nous soit arrivé d’y céder. Nous aurions du refuser plus souvent“.

Un label peut-il donc raisonnablement envisager de survivre dans le contexte actuel en comptant uniquement sur les revenus liés à la seule vente de musique ? La tendance est plutôt au pessimisme, pourtant les contre-exemples existent. On peut notamment citer l’excellent label new-yorkais Neon Gold Records, qui s’est spécialisé dans la détection précoce de talents développés sur un ou plusieurs EP, avant de les faire signer avec des majors. Dans leur panier ? Ellie Goulding, révélation de 2010 aux 300 000 albums vendus au Royaume-Uni, ou encore Marina And The Diamonds, tandis que pour 2011 on peut prédire l’émergence de leurs poulains Monarchy (signés depuis chez Universal) ou encore The Sounds Of Arrows et The Knocks.
Lorsque l’on demande au label bordelais Banzai Lab s’il pourrait subsister sans apport complémentaire de la seule musique, la réponse est claire: “nous vendons des CD mais aussi des concerts, mais on pourrait clairement vivre sans le merch. C’est juste un petit plus. En revanche on ne pourrait pas vivre qu’avec la vente de musique, mais avec musique + spectacles (+ emplois aidés!), ça fonctionne.”

Rester à flot par tous les moyens est un objectif irraisonné. La seule manière honnête pour un label de gagner de l’argent, c’est de vendre de la musique. Cela nous a toujours gênés de vendre autre chose“.

Entre raison financière et volonté de garder sa conscience artistique intacte, il existe désormais un monde que la crise de la musique enregistrée a crée. Jean-René Etienne et Emile Shahidi apportent un élément d’explication pertinent même si pas unique : “La musique est dévaluée […] Au jour d’aujour’hui, la musique n’est pas même le second, le troisième ou le dixième des intérêts et éléments de culture. La mode, Apple, les jeux vidéos, les outils high-tech, les réseaux sociaux etc sont passés devant. J’imagine que c’est cool… Mais je ne veux pas avoir à devenir une dépendance de la mode. Tout comme je refuse de presser un artiste à sortir des titres à moitié aboutis chaque mois juste pour qu’il reste dans le coup.

La mort très publique d’Institubes n’est pas un cas isolé, mais plutôt la partie émergée de l’iceberg constitué d’autres labels, moins connus, moins hype qui disparaissent chaque jour. Les nombreuses réactions ce matin sur les réseaux sociaux prouvent un point qu’il ne faut pas oublier. Le collectif est né en pleine crise et a réussi à vivre pendant huit ans, en produisant un nombre d’artistes considérable et réussissant à s’imposer sans trop sacrifier son intégrité artistique. Pour cela, il manquera sans doute au paysage musical, mais quitte la scène avec classe, en offrant une réflexion pertinente si ce n’est nouvelle sur la vie des petites structures.

Crédits photos : FlickR CC Caesar Sebastien

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Dis moi comment tu vends ta musique, je te dirai qui tu es http://owni.fr/2011/03/05/dis-moi-comment-tu-vends-ta-musique-je-te-dirai-qui-tu-es/ http://owni.fr/2011/03/05/dis-moi-comment-tu-vends-ta-musique-je-te-dirai-qui-tu-es/#comments Sat, 05 Mar 2011 09:00:21 +0000 Anastasia Lévy http://owni.fr/?p=49789 L’expérience Radiohead

En 2007, Radiohead avait eu l’air de proposer le meilleur modèle possible pour vendre son album, In Rainbows. Le pay-what-you-want, un système avec lequel tout le monde était gagnant, sauf les maisons de disques, pointées comme des exploiteurs d’art, faisant leur beurre sur le dos des artistes et du public. Alors que tout le monde avait salué cette démarche, à part quelques commentateurs n’y voyant que le côté commercial, Radiohead remet tout en cause en ce début d’année et propose son nouvel album à un prix fixe. Ou à des prix fixes plutôt. Les internautes doivent dépenser au moins 7 € pour télécharger huit titres en mp3, jusqu’à 39 € pour un mystérieux futur « newspaper album » et dès à présent les titres en .wav. Thom Yorke avait prévenu dès 2008 (interview dans The Hollywood Reporter) que la distribution d’In Rainbows était une réponse unique à une situation particulière (après leur bataille pour se séparer d’EMI), mais tout le monde autour martelait (par ici ou par là) que ça avait été particulièrement bénéfique pour eux, au moins par les retombées externes à l’album (concerts, réputation, impact même de l’album sur l’industrie de la musique). Radiohead revient aujourd’hui dessus, expliquant que c’est une « progression logique ».

Mais de logique, personne ne peut parler aujourd’hui, dans l’industrie de la musique. Chacun y va de son innovation plus ou moins intéressée/intéressante, mais aucun modèle ne s’impose finalement. Alors que se développent difficilement des lieux de rencontre et de dialogue pour les acteurs qui veulent se poser la question de l’évolution de ce marché (voir, par exemple, le bilan de MusicNet.works) la tendance est encore à l’opposition, du simple mépris aux procès qui durent des années (majors contre plateformes de téléchargement, majors contre artistes, artistes contre plateformes, et même pire, artistes contre public).

Ce n’est évidemment pas parce que Radiohead l’a abandonné que le pay-what-you-want est mort. Si le groupe d’Oxford est le poil à gratter des majors, Nine Inch Nails est leur cauchemar. Pas question pour le groupe de repasser à une autre formule que le pay-what-you-want pour le groupe de Trent Reznor qui avait, à l’époque où ils étaient chez Universal, appelé leurs fans à voler leurs albums, et fait l’apologie du site de « piratage » Oink.

Le DIY et le crowdfunding

Ce système ne marche pas, comme on pourrait le croire, qu’avec des groupes déjà bien installés. Il a récemment permis à de petits groupes de faire le buzz autour de leur premier album, comme les excellents Yellow Ostrich, qui proposent de « name your price » pour télécharger l’album en numérique : « Download it for free, or pay-what-you-want, its your choice ». Forts de leur démarche, qui prend plutôt bien, ils placent sur leur bandcamp un lien vers Kickstarter, site de financement par les internautes sur lequel ils proposent d’investir dans… la production de leur album en vinyl. Le groupe n’a donc rien déboursé pour leur album physique : pour qu’il soit produit, il fallait que les internautes investissent (sans retour sur investissement possible, à part un cadeau déterminé à l’avance) au moins 2500 $, objectif atteint en quelques semaines. Ca fait rêver, tant la simplicité de la démarche a propulsé sa réussite.

Le côté pratique des majors

Et pourtant, même pour les jeunes groupes, la signature sur un gros label reste un des premiers objectifs. Frida Hyvonen nous confiait récemment que sa signature chez Universal Publishing, après trois albums en production et distribution indépendantes, était un soulagement : plus d’argent et donc plus de temps pour créer et pour enregistrer. C’est effectivement encore là que les moyens de production sont concentrés, et que les artistes sont chouchoutés. On comprend ainsi que les gros, type Daft Punk ou Dr Dre ne cherchent pas à se séparer de ceux qui leur offrent sécurité et visibilité (voire matraquage médiatique).
Et le rapport de force s’inverse : les maisons de disques signent aujourd’hui des contrats qui bénéficient plus aux artistes qu’avant. Les labels sont devenus les employés des artistes.

Par ailleurs, les majors ont développé ou racheté des labels spécialisés ou indie, comme Blue note (label jazz d’Herbie Hancock ou John Coltrane) chez EMI, ou Nonesuch chez Warner, qu’ils tiennent à bout de bras. Besoin d’une caution artistique ? Peut-être, mais personne ne peut nier que c’est bénéfique pour les artistes. Mais…aussi pour les majors, qui évitent ainsi de prendre les risques nécessaires à la vitalité du monde musical. Au lieu de produire des artistes non calibrés pour le marché, elles exploitent les catalogues de ceux qui ont pris ces risques.

Des labels qui pèsent

De trop rares exemples prouvent que la signature sur un label indé n’empêche pas un tel succès : Arcade Fire, sur Merge records, connaît un succès phénoménal, tandis que récemment Vampire Weekend, sur XL’s recordings, voyait son album Contra devenir n°1 des charts albums aux Etats-Unis. XL ne sort pourtant que…six albums par an, et signe un nouvel artiste par an : le choix de l’hyper-spécialisation. Richard Russell, le PDG du label confiait au Guardian : « On refuse 200 000 démos par an. En gros, on dit non à tout, et même à plein de grands artistes. Il faut une dose de courage pour faire ça. C’est une philosophie anti-commerciale ». Russell évite les dépenses inutiles (des clips ? pour quoi faire…) et ne dépense jamais plus que ce qu’il a… Un modèle simple et payant.

Certains musiciens refusent encore de traiter les questions bassement matérielles de distribution et de se poser même la question de l’avenir de l’industrie dans laquelle ils vivent. Est-ce déshonorant de parler d’autre chose que d’art ? Ceux qui le font sont en général attaqués là-dessus (voyez les dizaines de critiques de Radiohead…), alors que ça ne suppose absolument pas de mettre de côté l’aspect musical.
Toute l’industrie de la musique s’agite depuis une dizaine d’années déjà pour savoir quel modèle ressortira vainqueur du séisme de la gratuité. Mais la réponse sera peut-être dans l’hétérogénéité, chaque groupe définissant son modèle personnel comme une partie de sa personnalité.

Article initialement publié sur OWNImusic

Crédits photos CC flickr : dunechaser, dullhunk, superde1uxe

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Mais que font les indépendants ? http://owni.fr/2011/01/21/mais-que-font-les-independants/ http://owni.fr/2011/01/21/mais-que-font-les-independants/#comments Fri, 21 Jan 2011 17:37:01 +0000 Rémi Bouton http://owni.fr/?p=29744 Rémi Bouton est journaliste et a travaillé sur Ouï FM, puis dans la presse pour Billboard et Musique Info mais aussi chez Naïve. Le secteur de la musique n’a donc aucun secret pour lui.

Le marché de la musique enregistrée a changé. Il ne s’agit plus de vendre des titres, un par un, au plus grand nombre possible mais de gagner l’attention des auditeurs qui, par leur écoute, rémunéreront les ayants droits. De quoi bouleverser les équilibres entre majors et indépendants.

Dans un marché de la musique par abonnement, Deezer, Spotify, mais aussi où la radio, les synchros et les lieux sonorisés (cf les coiffeurs) contribuent de plus en plus aux revenus des ayants droits, la musique est en quelque sorte prépayée… à charge de rétribuer chacun selon les titres diffusés ou
écoutés par le public.

En d’autres termes, on ne demande plus au citoyen de payer pour quelque chose qu’il a envie d’écouter, mais de rétribuer via des circuits complexes, la musique qu’il a écouté à tel ou tel moment de la journée sur son smartphone, à la radio ou chez le coiffeur… dans le cloud.

Ce qui change pour le public, pas grand-chose par rapport au modèle actuel si ce n’est qu’il lui faudra peut-être payer un peu plus (abonnements, copie privée, redevances voire licence globale) pour financer la création de cette musique.

Ce qui change pour les maisons de disques : tout.

Jusqu’à ce jour, le but du jeu était de vendre des disques, des titres, qu’ils soient écoutés ou non, en activant les mass média de TF1 à NRJ, via d’importantes opérations de promotion marketing et pub TV. Aujourd’hui, on ne vend plus la musique. L’enjeu est d’attirer l’attention du public sur des titres, des artistes pour qu’il écoute, qu’il aime et qu’il y revienne. Et plus il écoutera, plus l’argent arrivera alors via les circuits dont je parlais ci-dessus.

D’une économie de la vente, on passe à celle de l’attention à son public. Les maisons de disques, qui ont toujours superbement ignoré leur public en passant par l’intermédiaire des médias pour la promotion ou des disquaires pour la vente, se trouvent désormais dans l’obligation de chercher à mieux le connaître : l’identifier, le séduire, l’avertir sur toutes les nouveautés qu’il pourrait aimer.

Ceci n’est pas tout à fait nouveau. Depuis quelques années déjà les managers s’intéressent aux fans de leurs artistes et aux modèles qui vont avec. De même, avec des outils comme Open Disc les producteurs ont cherché à construire des communautés autour de leurs stars. Mais on restait dans l’artisanat. Ce qui est nouveau, c’est que le modèle est en train de basculer complètement, que les maisons de disques commencent à adapter le procédé de façon industrielle, pour l’ensemble de leurs artistes, de leurs catalogues.

C’est sans doute là la raison de la création d’Off TV. Le média, intermédiaire hier entre le créateur de contenu et le public, devient la propriété de la major (Universal) afin que celle-ci contrôle mieux les contenus qui y circulent, mais aussi, gagne une meilleure connaissance des publics qui les consomment. Ainsi, tout média qui intègre des contenus d’Off TV permet de remonter les informations à la major. Dans un monde « idéal », cet outil permet de monitorer tous les flux, c’est-à- dire de pouvoir analyser la manière dont le succès viral se développe sur le net, la présence de telles ou telles communautés sur tels ou tels blogs, leur impact sur la croissance des écoutes sur les offres de streaming, des ventes de billets de concert, etc.

Évidemment, les maisons de disques ont toujours analysé les médias et les ventes pour chercher à optimiser leurs opérations promotionnelles. Savoir que la diffusion d’un titre sur une radio régionale, qu’une date de concert permet d’optimiser la mise en place du disque dans les Fnac et les hypers du secteur, est un secret de Polichinelle qu’on s’échangeait au siècle dernier. Analyser les ventes magasin par magasin pour chercher à dresser le profil des acheteurs également.

Avec Off TV, Universal va beaucoup plus loin. Cet outil ultra efficace diffuse des contenus exclusifs et gratuits. Ceux-ci peuvent circuler librement sur la Toile mais à une condition essentielle de traçabilité. Ainsi, l’outil permet à Universal de développer la visibilité de ses artistes sur l’ensemble des sites qui adoptent le système et en même temps, l’outil permet de remonter des informations sur la fréquentation de chacun de ces sites et donc d’avoir une meilleure connaissance de tous cesmédias avec lesquels elle pourrait optimiser ses opérations marketing et promotion.

De plus, en apportant des contenus gratuits, Universal augmente ses chances de les voir diffuser et améliore son image de « major assise sur des contenus qu’elle nous interdit d’échanger ».

Alors certes, Universal ne donne pas le bon exemple en offrant du gratuit quand son président demande dans le même temps que se développent des modèles payants. « Produire quelques minutes d’interview ou d’images vidéos sur le vif coûte beaucoup moins cher que de produire un album en studio et de développer une carrière » souligne Pascal Nègre. « On peut donner ces contenus d’OFF TV, s’ils nous permettent de mieux vendre notre musique » dit en substance le PdG d’Universal.

Malin. Voilà une bonne façon de préparer l’avenir et de gagner le soutien des internautes qui seront ravis de pouvoir publier sur leurs blogs des images de leurs artistes préférés et voient dans Off TV un média vraiment cool. Une façon aussi de prendre de l’avance sur la concurrence en ayant une meilleure connaissance du secteur. C’est bien joué de la part d’Universal qui, en tant que leader du marché, a toujours su jouer de sa position pour prendre des positions, en avance sur la concurrence, et conserver ainsi sa part de marché.

A l’époque où NRJ faisait encore la pluie et le beau temps sur le top 50, Universal était déjà leader et avait déjà de meilleurs accès aux médias phares et de meilleurs conditions pour acheter de l’espace publicitaire. Les producteurs indépendants ont dénoncé ces distorsions de concurrence, mais sans jamais savoir vraiment s’organiser pour reprendre le dessus. Avec Off TV et alors que la pub TV et les FM perdent tout impact sur le succès des artistes, Universal reprend une longueur d’avance que la concurrence risque d’avoir bien du mal à rattraper.

Et notamment les indépendants, qui sont pourtant les garants de la diversité culturelle. En ayant rejeté les propositions de gestion collective de leurs droits en ligne, ils ont pris une sérieuse hypothèque sur leur avenir. En étant incapables de s’entendre sur le développement de projets communs (comme l’ont fait par exemple les tous petits labels alternatifs de cd1d), les producteurs indépendants ne construisent pas leur modèle économique du futur. Pourquoi ne cherchent-ils pas, eux aussi à créer des plateformes communes pour développer leurs artistes ?

Demander des aides de l’État est compréhensible. En période de crise, il est normal que la puissance publique apporte de l’aide aux secteurs en difficultés. Mais encore faut-il bâtir le futur de la filière. L’État ne pourra pas aider indéfiniment.

La bonne nouvelle, c’est la création annoncée d’une Centre national de la Musique – que l’auteur de ces lignes appelle de ses vœux depuis des années. On en reparlera probablement au Midem.

Crédits photos : Johnnyalive; zilverpics; pkirn

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Un manager : est-ce bien raisonnable ? http://owni.fr/2010/10/12/un-manager-est-ce-bien-raisonnable/ http://owni.fr/2010/10/12/un-manager-est-ce-bien-raisonnable/#comments Tue, 12 Oct 2010 08:00:44 +0000 Valéry http://owni.fr/?p=26992 Valéry est le fondateur du site BCommeBoxsons. Le présent article fait partie de son Guide pour les groupes indépendants. Il est également à l’origine du projet Net Emergence.

Oui c’est vrai ça. Les labels se cassent la gueule, personne ne comprend à quoi sert un éditeur, les tourneurs galèrent, les attachés de presse coutent trop cher, et le manager alors ? Un jour on annonce sa disparition (à l’époque où les contrats 360 se développaient), le lendemain on explique que c’est le futur sauveur (en tant que chef d’orchestre du Do it Yourself). Dans tous les cas, voici 5 questions à se poser avant de s’engager.

Qu’est-ce que cela va apporter au manager?

Si tu ne sais pas, il y a un problème. Manager, même à l’anglo-saxonne, c’est quand même un peu un boulot assez dur qui paye très très mal. Voire très très très mal. Un peu comme un type qui proposerait spontanément d’aller nettoyer les chiottes pour un quart de SMIC. Bref, c’est un peu comme au poker: si tu ne sais pas qui est le pigeon, c’est que c’est toi.

Tu attends quoi d’un manager?

Si tu ne sais pas non plus, décidément tu es léger. Mais même si tu sais il y a autant de façon de “manager” un groupe (je déteste le terme) que de manager. Et parfois un petit manager va faire du super boulot avec un groupe pendant qu’un gros manager a fait de la merde à coté. Question d’approche, de réseau et d’attentes. Tu rêves de passer sur TF1? Oui bah prend un manager qui est déjà infiltré si tu peux. Tu veux infiltrer le milieu indé, passer aux inrocks. OK, ben oublie le manager de TF1. Si tu n’es pas au clair sur ce que tu attends, tu ne peux pas vraiment choisir le bon manager.

Es-tu prêt à te voir représenté par cette personne ?

C’est un des éléments qu’on passe trop souvent sous silence. Ton nom, le nom de ton groupe vont être accolés à celui du manager. Il va parler pour toi, il te représentera auprès de professionnels. Ce n’est pas anodin. Ca peut même être destructeur. Le manager a besoin de pouvoir te représenter et discuter en ton nom. Ca ne veut pas dire qu’il décide à ta place, mais il peut parler en ton nom. Et le manager est comme l’humain normal, il parle plus quand il est bourré. Bref si ton manager se retrouve à poil une soirée sur deux, ça peut être intéressant hein, mais faut être sûr… Tu peux également choisir un fumier, quelqu’un de très très dur avec les autres et te planquer derrière en disant “moi je suis cool, c’est mon manager, il défend mes intérêts”.

Tu peux, plus vraisemblablement, choisir un pote, un fan ou ta grand-mère. Tu choisiras donc au hasard un pochtron qui négociera tes cachets en pintes, un type tellement énamouré qu’il acceptera tout ou une personne complètement larguée qui ne comprend rien à rien. Attention donc…

As-tu envie de travailler avec cette personne pour plus d’une année?

Non parce manager si ça se passe mal, ça peut durer une semaine (ça s’est vu) mais ça peut aussi durer 10 ans. C’est à dire que si ça se passe bien, ça peut. Donc c’est important de se poser la question (personnellement je pense que quand on n’a plus envie de bosser ensemble il faut arrêter).

Es-tu prêt à DONNER de l’argent à ton manager?

Parce que ça quand même ça risque d’arriver. Et, c’est amusant, mais dès qu’il s’agit de filer des thunes à un manager, c’est à dire de le payer, on trouve que non ben finalement c’est pas si bien son job, non vraiment hein. Donc pour éviter ça, c’est bien que les deux (groupes et manager) se prennent la tête sur l’argent avant de signer quoi que ce soit…

Article initialement publié sur BCommeBoxsons

Crédits photos : FlickR CC Great Beyond ; Carsten Knoch

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Concentration majors/ indépendants : rock the music industry ! http://owni.fr/2010/09/18/concentration-majorsindependants-rock-the-music-industry/ http://owni.fr/2010/09/18/concentration-majorsindependants-rock-the-music-industry/#comments Sat, 18 Sep 2010 08:00:34 +0000 Hugo Amsellem http://owni.fr/?p=26575 Hugo Amsellem revient sur l’impressionnant mouvement de concentration, déconcentration et re-concentration qu’a connu l’industrie musicale à partir des années 50, et qui a pour origine une forte secousse au sein du champ institutionnel : le rock’n'roll !

La crise… de 1929

La crise de 1929 accentuée par l’émergence de grandes chaines de radio a fait chuter les ventes de disques de 150 millions à 25 millions en 1935 aux Etats-Unis. La radio est premièrement tenue responsable de cette crise, car elle offre gratuitement l’écoute de musique. Pour faire face à ces revenus en chute, l’industrie musicale se restructure et ce concentre. Ainsi à la fin des années 1930, le marché mondial est dominé par 3 entreprises : Victor, Columbia, EMI et Decca fondé en 1934. La stratégie est dès lors différente puisque les maisons de disque impliquent désormais les grandes chaines de radios dans la promotion des artistes.

Decca fut la première entreprise à se consacrer uniquement à la production, à la commercialisation, et la promotion de ses artistes. Ainsi cette firme créée elle même le fameux « star-system » en ne concentrant ses efforts que sur quelques artistes, répondant désormais an nom de « stars ». Les nombreux « hit parade » rassemblent chaque samedi soir des milliers d’américains derrières leurs postes de radios pour connaître l’artiste le plus acheté de la semaine.

50s – 70s : it’s (not) only rock’n'roll

En 1954, avec l’explosion de la culture « Rock and Roll », les majors ne sont plus qu’à l’origine de 34% des disques figurant dans le top 100. En effet, le rock est contestataire, et donc indépendant. Les labels indépendants deviennent donc très puissants sur ces segments anciennement de niche. L’industrie musicale assiste donc pendant cette période la a un phénomène de déconcentration du marché, avec de nouveaux entrants qui viennent prendre des parts de marché importantes aux acteurs principaux du secteur.

Suite à cette révolution « Rock & Roll » les majors vont adopter une toute nouvelle stratégie. Avant cela, les maisons de disques produisaient un nombre relativement peu élevé d’artistes, mais avec un matraquage médiatique tel que ces artistes devenaient des stars avec les retombées financières attendues. Mais face à la menace de nouveaux entrants les majors adoptent une nouvelle stratégie qui part d’une remise en cause de leur cœur de métier. D’une part car les indépendants déplacent leur centre de gravité de la commercialisation des disques, à la découverte de nouveaux talents. Et ce cœur de métier n’est pas imitable pour les majors, ce qui confère aux indépendants un avantage concurrentiel certain.

La stratégie introduite par Warner au cours des années 1970 fut de construire « des organisations multidivisionnelles par lesquelles les firmes deviennent des fédérations de labels ». Ainsi la division musique de Warner-Bros rachète successivement trois des labels indépendants les plus innovants : Atlantic, Electra et Asylum. La découverte de talents est donc externalisé puisque les labels achetés gardent une autonomie stratégique mais sont toujours rattachés à la maison mère.

De part cette nouvelle stratégie adoptée par la suite par tous les acteurs de l’industrie, les majors combattent l’incertitude du marché. Avec des coûts de productions et surtout de promotion importants, les majors multiplient les sorties pour espérer rentabiliser les productions dont 1/10ème atteint l’équilibre financier. Ainsi on assiste à une concentration verticale de l’industrie qui a pour but ultime de réduire les coût fixes et créer des économies d’échelles.

Pendant cette longue période qui s’étale de l’invention du phonographe à aujourd’hui, on distingue principalement 6 régimes de concurrence :

- La concurrence sur les appareils d’écoute notamment entre Berliner et Edison

- La concurrence se déplace alors sur la qualité des systèmes d’écoute

- La concurrence va alors s’installer sur les « stars » dans le modèle du « star system »

- Puis avec l’émergence de nouveaux courants musicaux, la concurrence se déplace vers la capacité des maisons de disques à produire des musiques alternatives, et donc d’anticiper, de découvrir, et de profiter des nouvelles tendances.

- Après 1960 les majors vont réorganiser le système en firmes multidivisionnelles et la concurrence s’effectue sur la stratégie de fusion et d’acquisition des labels.

- Le dernier régime de concurrence va se déplacer vers la gestion du catalogue, en monétisant le « back catalogue » avec l’apparition dans chaque majors d’une division « publishing ».

Et aujourd’hui ?

En 2009, nous nous retrouvons en quelques sorte dans la même configuration qu’au début des années 50. 4 Majors se partagent 80% du marché de la musique enregistrée (en valeur) et trustent presque toutes les places des tops. Et encore une fois les nouveaux comportements consommateurs remettent en cause cette domination et intrinsèquement le modèle même des majors. Quel nouveau modèle va émerger de cette révolution? Le pouvoir ne semble cette fois-ci pas être transféré vers les indépendants, ou en tout cas pas pour l’instant.

Article initialement publié sur industriemusicale.com

Crédits photos CC FlickR Artnow314; timpearcelosgatos; ikaink

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