L’heure est au renforcement des positions dans le classement du Véritomètre, permettant de vérifier l’exactitude des déclarations chiffrées ou chiffrables des six principaux candidats à l’élection présidentielle. Avec 63,4 % de crédibilité, Jean-Luc Mélenchon se maintient en tête, tandis que Nicolas Sarkozy voit son score remonter de 0,5 points, s’éloignant un peu plus de Marine Le Pen, toujours lanterne rouge du tableau.

Durant ces dernières 72 heures, l’équipe du Véritomètre a vérifié 53 citations chiffrées des candidats à l’élection présidentielle. Résumé des quelques faits chiffrés qui ont retenu notre attention.

Jean-Luc Mélenchon nuance sur Merah

De tous les candidats à l’élection présidentielle, Jean-Luc Mélenchon est sans doute celui qui s’est le moins exprimé sur “l’affaire Merah”. Aux chiffres du nombre de salafistes en France évoqués par Marine Le Pen, le candidat du Front de gauche a préféré parler, dans son discours à Lille, le mardi 27 mars, des revendications d’actes terroristes sur le sol français en 2010 :

En 2010, sur 84 attaques caractérisées de terroristes, il y en aucune qui ait été perpétrée au titre de ladite religion, mais 84 l’ont été au titre des séparatistes.

Une déclaration que le candidat du Front de Gauche a d’ailleurs réitérée lors de la matinale de France Info du jeudi 29 mars :

L’année dernière il y a eu 84 actes qualifiés de terroristes en France. Sur 84 actes, il n’y en a pas un qui se soit réclamé d’une façon ou d’une autre de l’Islam !

Des faits qui sont mentionnés par l’agence intergouvernementale Europol dans son rapport de 2011 sur la situation du terrorisme dans l’UE [PDF]. L’organisation a effectivement recensé 84 actes qualifiés de terroristes en France en 2010 (page 36). Dont aucun n’a été revendiqué par un mouvement islamiste, donnant donc raison à Jean-Luc Mélenchon.

François Bayrou dérape encore sur l’automobile

Tant qu’elle n’est pas en France, l’industrie automobile fascine François Bayrou, toujours prompt à vanter les mérites d’une production industrielle nationale. Outre la comparaison entre le nombre de véhicules produits par Renault en France et par Volkswagen en Allemagne qu’il a une nouvelle fois répétée lors de son discours à Besançon, le 27 mars dernier, le candidat MoDem a mis le cap en Asie :

[La Corée du Sud a] les chantiers automobiles les plus importants [du monde] !

“L’importance des chantiers automobiles” à l’échelle internationale n’étant pas comptabilisée par un seul organisme statistique à notre connaissance, l’équipe du Véritomètre a choisi de s’arrêter sur la part de marché de chaque pays dans la production mondiale de véhicules.

Ainsi comptabilisés, les “chantiers automobiles” sud-coréens arrivent au cinquième rang mondial, avec 9% des parts de marché en 2011, selon les données de l’Organisation internationale des constructeurs d’automobiles. Très loin derrière la Chine, qui a produit, l’année dernière, 23% de l’ensemble des nouveaux véhicules dans le monde.

En précisant un peu plus ses propos lors d’un prochain discours, François Bayrou pourrait néanmoins tenir des propos corrects sur l’industrie automobile en Corée du Sud. Car, à sa décharge, le pays abrite la plus grande usine automobile du monde en superficie, celle de Hyundai dans la ville d’Ulsan.

Charles de Gaulle chute sur le Tour

Parmi les “tourments du présent” qui le taraudent, le candidat de Gaulle a préféré lui se tourner vers les menaces extérieures plutôt qu’intérieures. En l’occurrence, celle que représenterait selon lui le bloc soviétique naissant, sujet récurent de ses interventions publiques. A l’occasion de son discours de Rennes, le 27 juillet 1947, le candidat du Rassemblement du peuple français (RPF) a notamment insisté sur la distance qui nous sépare de cette alliance qu’il désigne comme nouvel ennemi :

Sa frontière n’est séparée de la nôtre que par 500 kilomètres, soit à peine la longueur de deux étapes du tour de France cycliste !

A la date où le discours a été prononcé, le dernier marathon cycliste en date était celui de 1947. Selon le Guide historique du Tour de France (page 38) publié par l’organisateur actuel de l’évènement (Amaury Sport Organisation), cette édition s’était déroulée sur 4642 kilomètres pour un total de 21 étapes, soit une moyenne par étape de 221 kilomètres. Soit 442 km pour deux étapes.

Au regard des 500 km qui nous sépareraient du bloc soviétique selon le président du RPF, la marge d’erreur atteint 13,1%. De quoi faire perdre les pédales à l’imprécis Charles de Gaulle.

Ce mardi 13 mars à 18 heures, Marine Le Pen reste indétrônable de la dernière place  du classement de l’indice de crédibilité du Véritomètre, permettant de vérifier l’exactitude de toutes les déclarations chiffrées des candidats. Tout comme Eva Joly conserve la tête de la compétition avec 65,8 %, suivie par Jean-Luc Mélenchon à 59,4 %.

Au cours des dernières 24 heures, l’équipe du Véritomètre a vérifié 37 citations chiffrées des candidats à la présidentielle. Résumé des principaux éléments.

Le circuit automobile de François Bayrou

Pour illustrer le déclin de la production industrielle française, François Bayrou a un refrain en tête qu’il entonne souvent : la comparaison entre la part de production réalisée par Volkswagen en Allemagne et par Renault en France, croissante pour première, décroissante pour la seconde.

Parmi les interventions vérifiées par l’équipe du Véritomètre, François Bayrou cite quatre fois cet exemple, avec de légères variantes.

Le 14 février, invité de Bruce Toussaint sur Europe 1 il évoque :

Il y a dix ans, Renault produisait en France 1 150 000 véhicules par an (…) Volkswagen produisait en Allemagne 1 150 000 véhicules par an. Comment se fait-il que Volkswagen ait augmenté le nombre des véhicules produits et que Renault ait abaissé à ce point le nombre de véhicules produits ?

Cinq jours plus tard, au 19:45 de M6, il récidive :

Il y a 10 ans, ou peut-être même moins, 7 ans, Renault produisait en France 1 100 000 voitures tous les ans, Volkswagen [produisait] en Allemagne 1 100 000 voitures. Cette année, Volkswagen est montée de 1 100 000 à 1 300 000 [voitures produites] en Allemagne et Renault (…) est descendu de 1 100 000 à 400 000

Rebelote lors de son discours à Angers du 1er mars :

En 2005, Volkswagen et Renault fabriquaient le même nombre de voitures en France et en Allemagne : 1 200 000 voitures à l’époque. Cette année, Renault a baissé sa production en France [...] à 440 000 véhicules (…) Volkswagen a augmenté sa production en Allemagne de 1 200 000 à 2 100 000 véhicules

Et enfin, lors de l’émission “Des paroles et des actes” de France 2 le 8 mars dernier :

Volkswagen produisait, il y a 7 ans en 2005, en Allemagne, 1,2 million de voitures (…) Renault produisait en 2005, 1,2 million de voitures (…) cette année, Renault produit 440 000 véhicules (…) cette année volkswagen produit 2,2 millions de véhicules.

Outre les fluctuations de dates – “il y a dix ans”, “il y a sept ans” -, François Bayrou utilise alternativement “voitures” ou “véhicules”. Or les deux ne sont pas synonymes. Pour les constructeurs, les voitures désignent les automobiles conçues pour les particuliers, tandis que les véhicules regroupent également les véhicules professionnels et utilitaires. La différence est de taille : Renault a produit 444 862 voitures en France en 2010 et 666 520 véhicules au total. De plus, dans ses rapports annuels, Volkswagen indique uniquement le nombre de véhicules produits, sans jamais préciser la part de voitures particulières dans ce montant.

Mais le flou autour de l’argument de l’industrie automobile ne tient pas qu’au vocabulaire utilisé par François Bayrou. Les rapports annuels de la marque allemande et du Comité des constructeurs français d’automobiles pour Renault ne décrivent pas la même réalité que le candidat du MoDem.

En 2005, Volkswagen produisait en Allemagne 1,913 million de véhicules : pas 1,150 ni 1,100 ni encore 1,200.

En 2005, Renault produisait en France 1,042 million de voitures et 1,318 million de véhicules : c’est sur M6 que François Bayrou est le plus proche des chiffres du constructeur, mais il est encore à 5,5 % de marge d’erreur.

Les dernières données disponibles sont celles de 2010. Elles s’approchent de ce qu’évoque François Bayrou pour Renault : 444 862 voitures ont été produites en France en 2010 alors que le candidat parle de 440 000 lors de ces deux dernières interventions.

Il est encore plus proche pour Volkswagen : la marque a produit 2,115 millions de véhicules en 2010. Ce qui correspond aux “2,2 millions de véhicules” évoqué dans l’émission “Des paroles et des actes”, aux “2 100 000″ évoqués dans son discours d’Angers ou encore l’estimation d’augmentation faite sur Europe 1 le 14 février.

A un détail près : en affirmant que ces chiffres datent de “cette année” alors que les constructeurs n’ont pas publié leurs données pour 2012, François Bayrou prend 2010 pour 2012.

Nicolas Sarkozy partiel sur les chiffres du travail

Lors de l’émission fleuve “Des paroles et des actes” sur France 2 le 6 mars dernier, le Président-candidat a longuement évoqué l’emploi et le chômage. Il évoque notamment les travailleurs à temps partiel, en se risquant à une estimation chiffrée :

600 000 travailleurs qui travaillent à temps partiel.

Les chiffres dont disposent l’Insee ne sont pas tout à fait les mêmes. Selon l’institut national de la statistique, 22,3% des actifs travaillaient à temps partiel en 2010 en France. Ce qui représente 4 573 354 personnes, soit 7,62 fois plus que ce qu’affirme Nicolas Sarkozy.

Le calendrier socialiste

Dans son discours de Dijon le 3 mars dernier, François Hollande a évoqué la hausse de la TVA annoncée par Nicolas Sarkozy, avec un peu de précipitation :

La TVA qui a augmenté de 1,6 point.

Or, si cette augmentation du taux plein de la TVA de 1,6 point a bien été votée,  elle ne sera applicable qu’au 1er octobre 2012. Pour l’heure, le taux de la TVA appliqué est encore de 19,6 %.

En évoquant cette hausse au passé, François Hollande fait l’impasse sur quelques mois de 2012.