OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Les MP3 d’occaz’ vont voir leur sort fixé http://owni.fr/2012/10/08/les-mp3-doccaz-vont-voir-leur-sort-fixe/ http://owni.fr/2012/10/08/les-mp3-doccaz-vont-voir-leur-sort-fixe/#comments Mon, 08 Oct 2012 08:47:55 +0000 Claire Berthelemy http://owni.fr/?p=121878 Ce sont les journaux anglophones qui ont dégainé les premiers : le procès opposant le premier site revendeurs de MP3 d’occasion a débuté vendredi.

Ouvert en septembre 2011, le site hérissait le poil des majors quant à l’usage qui pourrait être fait du site de vente en ligne : toute personne ayant acheté sur iTunes ou ailleurs un titre pouvait le vendre sur le site. Après vérification par ReDiGi du côté légal du téléchargement – achat donc – n’importe qui peut mettre en vente le dernier Rihanna, acheté à prix fort en rentrant d’une soirée arrosée.

Vend fichier MP3 très peu servi

Vend fichier MP3 très peu servi

ReDiGi, site spécialisé dans la vente de fichiers MP3 d'occasion (si si), sera fixé sur son sort dans quelques semaines. ...

EMI, l’une des plus grandes maisons de disques, avait déposé une plainte début janvier 2012 au tribunal de New York, par le biais de sa filiale Capitol Records. Argument sorti du chapeau : quand on vend un bien numérique on vend nécessairement la copie. Or seuls EMI et les autres majors se sont octroyés le droit de revendre une copie et sur un marché qu’ils contrôlent : Apple, Amazon et les officiels qui définissent par ailleurs dans leurs conditions générales de ventes qu’il est impossible de revendre des morceaux légalement. Le mélomane achète un droit à l’écoute, une faille dans les droits sur les bien immatériels. Dans le paysage donc, ReDiGi fait figure de poil à gratter.

Dans les chefs d’accusation d’EMI à l’encontre de ReDiGi : infraction au droit d’auteur et incitation à l’infraction au droit d’auteur entre autres. Et les – tristes – majors de leur reprocher de baser leur business model sur la copie en récupérant un pourcentage de 5 à 15 % sur chaque titre vendu.

Le juge Richard Sullivan rejetait déjà le 6 février la demande de Capitol Records de faire fermer ReDiGi. D’autres grands acteurs d’Internet comme Google étaient monté au créneau pour défendre la plateforme de revente de MP3 d’occasion. Peine perdue, le juge veut juger seul.

À voir s’il permet à ReDiGi de continuer à vendre nos MP3 d’occasion ou s’il statue en faveur des géants de la musique.


Photo par Donovan Hand [CC-by-nc-nd]

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La playlist Takieddine http://owni.fr/2012/02/08/la-playlist-takieddine/ http://owni.fr/2012/02/08/la-playlist-takieddine/#comments Wed, 08 Feb 2012 16:52:41 +0000 Jay D. Aqheur http://owni.fr/?p=87099

Un jour, un inconnu vous offre un ordinateur et des disques durs contenant plusieurs centaines de fichiers. D’abord on dit merci. Ensuite, on ne fait rien, rien de précipité, on réfléchit. Oh ! Ce sont les fichiers de Ziad Takieddine, dont certains ont été mis en ligne par Mediapart, dans le cadre de son enquête sur ce marchand d’armes, homme clé dans le volet financier de l’affaire Karachi.

Sur le fond : dans ce dossier, longtemps, Ziad Takieddine a nié être intervenu dans la vente de sous-marins au Pakistan, un contrat signé en 1994 et impliquant une partie de l’entourage de Nicolas Sarkozy. Mais dans ses déclarations Takieddine accusait plutôt le clan Chirac – les anciens maîtres de l’exécutif. Or, selon des informations révélées samedi dernier par Le Monde, une expertise graphologique sur un exemplaire du contrat confirme bel et bien sa participation à l’affaire pakistanaise.

Ce n’est pas la première contradiction qui entoure cet homme d’affaires, serviteur des puissants et de leurs intérêts, parfois multiples, parfois contradictoires. C’est le sentiment qui peut s’imposer à la lecture de ces fichiers.

Qu’y trouve-t-on ? L’ensemble de ses déplacements de 2002 à 2008. Sa comptabilité détaillée sur plusieurs années. Mais aussi des propositions de contrat entre Amesys et la “Grande Jamahiriya arabe libyenne populaire et socialiste” du colonel Kadhafi, des simulations de budget des armes de surveillance et d’espionnage des démocrates libyens que Takieddine et Amesys lui ont vendu, des lettres à Claude Guéant évoquant notamment les guéguerres entre les deux chefs des services de renseignement libyens, d’autres, à Sagem, sur la vente à la Libye d’un “programme d’identification des citoyens libyens” (passeport et carte d’identité), et de modernisation des Mirage F1 et Sukhoi de l’armée libyenne, le scan des passeports de Philippe Vannier, le président d’Amesys, et des ses autres salariés qui sont allés vendre leurs âmes à Tripoli.

Nous y avons trouvé aussi un fichier, caché, intitulé iTunes Music Library.xml

Oh, wait. Ouvrons-le avec un éditeur de texte. Les données inscrites dans le fichier sont formelles, il provient bel et bien de l’ordinateur du marchand d’armes :
file://localhost/C:/Users/Ziad%20Takieddine/Music/iTunes/iTunes%20Music/

Nous transférons illico le fichier aux datajournalists de la rédaction Paule d’Atha, qui en extraient un tableur répertoriant la liste complète des quelques 500 artistes et 1156 chansons de la playlist iTunes de Ziad Takieddine, que nous avons décidé de partager avec vous, y’a pas d’raison.

On y trouve beaucoup d’albums des Bee Gees et puis d’Abba, Luciano Pavarotti et Madonna, des best of (aka florilèges) de Claude Barzotti, Julio Iglesias et Alex Fox, mais également des morceaux de 50 Cent, Jay Z, Eminem, James Blunt, Justin Timberlake, Jennifer Lopez, Nolwen Leroy, Snoop Dog ou Shakira, et puis “Si j’étais président” et “La ballade des gens heureux” de Gérard Lenorman…

Comme OWNI est gentil, et qu’on aime bien les datavisualisations, nous vous avons donc visualiser le “Top 9“, en images, des artistes les plus représentés dans sa playlist (entre parenthèses, le nombre de chansons) :

Les artistes les plus présents

1/Julio Iglesias (48) 2/ ABBA (36) 2/ Luciano Pavarotti (36)
4/ Il Divo (33) 5/ Bee Gees (30) 6/ Madonna (28)
7/ Claude Barzotti (22) 8/ Les Gipsy King (20) 9/ Mickael Jackson (19)

 

Les morceaux les plus écoutés

En bons datajournalistes d’investigation, nous n’en restons pas à cette seule recension. En bas du fichier .xml figure en effet une section intitulée “Top 25 Most Played” et là, stupeur : Ziad Takieddine est en fait un grand fan de Mozart, Bizet et Schubert. Ce qui n’excuse en rien la présence de Mylene Farmer, des Pussy Cat et de Tony Matterhorn dans ce Top 9 des morceaux les plus écoutés. Montrant bien, cela dit, l’importance de qualifier les données, et de ne pas privilégier la quantitatif au qualitatif, et de se défier de ses idées pré-conçues (plutôt utiles dans ce métier).

Au lieu de vous donner la liste de ce Top 9, sous forme de texte, autant vous permettre de les écouter :

1/ “Piano Concerto No. 21 in C Major, K. 467: II. Andante” / Wolfgang Amadeus Mozart / Mozart Best 100 2/ “Intermedio Del Acto III (Carmen)” / Georges Bizet / The Most Relaxing Classical Album In The World…Ever! (Disc 2) 3/ “Miserere” / Adelmo Fornaciari & Bono / Pavarotti & Friends
4/ “Ave Maria, “Ellens Gesang III”, D. 839″ / Franz Schubert / Pavarotti & Friends 5/ “Caruso” / Pavarotti & Friends 6/ “Cosi’ Celeste (Remastered)” / Zucchero, Lester Snell & New Orleans Gospel Choir / All the Best
7/ “Sans Logique” / Mylène Farmer / Clip Video 8/ “Stickwitu” / the pussy cat dolls / Clip Video 9/ “dutty wine” / Tony matterhorn / best R&B 2006

 

Ziad, de Karachi à Hadopi

Histoire de parfaire le tableau, précisons enfin que les sections “Purchased Music” & “Purchased on iphone de Mr takieddine” révèlent que sur les 1156 fichiers (dont 31 vidéo clips) présentes dans sa playlist, il a acheté sept morceaux : les six premiers extraits d’opéra et de musique classique qui figurent en tête de ce top 10, ainsi que Mysteries, de Beth Gibbons (ex-Portishead) & Rustin Man (aka Paul Webb, ex-Talk Talk). Offrant une toute autre image du personnage.

Ce qui ne nous dit pas, en revanche, comment ni où Ziad Takieddine s’est procuré les 1149 autres fichiers de sa playlist ni si, après le scandale Karachi, il pourrait aussi être flashé ou réprimandé par la Hadopi. La vilaine.


Illustrations et couverture par Marie Crochermore pour OWNI /-)

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La nostalgie en mémoire vive http://owni.fr/2011/11/15/cetait-bien-avant-le-numerique/ http://owni.fr/2011/11/15/cetait-bien-avant-le-numerique/#comments Tue, 15 Nov 2011 14:08:48 +0000 l-shepherd http://owni.fr/?p=85971

C’est un truc de génération que l’ensemble de mes expériences culturelles importantes aient été, d’une manière ou d’une autre, non-numériques. J’ai vu mon film préféré (Alien) dans une salle de cinéma. J’ai lu mon livre favori (Portrait de femme) en format papier. Mon premier album préféré, Out of the Blue, des E.L.O., et mon second album préféré, Life’s Rich Pageant de R.E.M. (désolé pour les acronymes, je ne sais pas d’où ça me vient) furent achetés et consommés, abondamment, sur vinyle. Et les concerts – que ce soit Iron Maiden au Hammersmith Odeon ou Blur au Brixton Academy, au cas où vous poseriez la question – furent mes expériences les plus analogiques et les plus uniques de toutes.

Maintenant que je vieillis, que cette époque s’éloigne et qu’une nostalgie naissante me submerge, je suis de plus en plus convaincu que l’exceptionnalité analogique même de ces expériences participe de leur profondeur, et sert également à les graver dans mon esprit. Et je me demande si la particularité de ces expériences est elle-même absolument unique. Est-ce même encore possible de vivre des expériences uniques ? Dans un monde de choix infinis, d’accessibilité massive et d’appareils de lecture omniprésents, toute expérience culturelle est-elle condamnée à être moins significative, plus éphémère – amaigrie ?

Des expériences sans saveur

J’avoue être un peu hanté par cette question. J’ai passé les quinze dernières années à exercer dans les médias numériques, où j’ai été un raseur de première et un militant régulier en faveur des énormes bénéfices humains apportés par les réseaux et les contenus digitalisés. Wikipédia, les e-mails, Twitter, les informations en temps réel, YouTube, l’apprentissage à distance, la banque en ligne et le shopping – la somme des choses qui, je crois, ont rapetissé le monde et l’ont rendu plus interconnecté et plus libre est extraordinaire.

Et oui, iTunes est merveilleux, tout comme le Kindle, et de même l’iPod et l’iPhone. Tous ont fourni un avantage immense à l’achat et la consommation de culture. Pouvoir télécharger Guerre et Paix instantanément sur un objet de la taille d’une pochette de DVD est un miracle, et demeure, j’en suis persuadé, une bonne chose pour l’édition littéraire en tant qu’industrie.

Et pourtant, pourtant…

Lisons ceci d’Anthony Lane, sur la croissance de la vidéo à la demande [en] :

Il n’y a qu’un seul problème avec le home cinéma : il n’existe pas. Son appellation même est un oxymore. Dès lors que vous interrompez votre film pour ouvrir la porte ou aller chercher un Coca, l’expérience cesse d’être du cinéma. L’acte même de choisir l’heure du visionnage signifie que vous avez cessé d’être dans la salle de cinéma. Le choix – de préférence un menu exhaustif – définit assez bien notre statut de consommateurs, et fut pendant longtemps un dogme inamovible de la fête capitaliste, mais en vérité la carte blanche ne peut en aucune manière guider une vie culturelle (ou tout autre forme de vie d’ailleurs), et s’il existe bien une chose qui nourrisse l’expérience théâtrale, de l’Athènes d’Eschyle au multiplex, c’est l’élément de contrainte. Quelqu’un d’autre décide quand le spectacle commence ; on peut décider si on y assiste, mais une fois qu’on est assis on y adhère et on éteint sa volonté. Il en va de même avec les gens qui sont autour de nous, que nous ne connaissons pas et auxquels nous ne ressemblons que dans notre désir caché d’en savoir davantage sur ce qui sera dévoilé en public, sur la scène ou sur l’écran. Nous sommes des étrangers en communion, et une fois que le pacte populeux et intime est cassé, le charme rompt. Les festivités sont terminées.

Je trouve que son idée de contrainte est intéressante, mais pas tout à fait exacte. Je pense que c’est davantage une question d’efforts à produire pour faire une chose, l’attention que nous y investissons et, de manière cruciale, l’exceptionnalité de l’expérience qui donnent à la culture sa résonance. Se trouver au cœur de la foule est une expérience unique. Recevoir un peu de culture en cadeau également ; nous avons vraiment perdu cet art de donner de la musique aux autres lors du passage au numérique – déballer un cadeau de la taille d’un album était l’une des choses les plus épouvantablement excitante au monde. Recevoir un code iTunes à rentrer dans un logiciel est impossiblement comparable. Et ne me branchez pas sur le charme oublié des compilations…

L’exception comme référence

Lorsque la culture est instantanément accessible et disponible, elle perd en éclat ce qu’elle gagne en démocratie. En partie parce qu’elle se dégrade qualitativement ; nous cédons sur des hautes et basses fréquences pour arranger les affaires du MP3. Mais je pense que c’est une fausse piste. Je ne crois pas que les hommes de mon âge (et c’est quasiment toujours les hommes) soient de plus en plus obsédés par le vinyle et l’encodage sans perte uniquement à cause de la qualité sonore. Je crois qu’ils sont à la poursuite d’une expérience unique. Je pense qu’ils veulent que la culture soit plus difficile d’accès, plus incommodante, car de cette manière sa consommation deviendrait davantage un événement. Que la culture paraisse davantage signifier.

J’avais déjà en tête ces différents points lorsque j’ai lu ceci plus tôt dans la journée. Cela provient de l’incomparable livre de Michael Pollan The Botany of Desire [en]. Il y parle de cannabis et de son influence sur la musique :

Tous ceux qui écrivent sur l’effet du cannabis sur la conscience parlent des changements sur la perception qu’ils expérimentent, et spécifiquement d’une intensification de tous les sens. Une nourriture commune devient meilleure, une musique familière est soudainement sublime, un contact sexuel révélateur. Les scientifiques qui ont étudié le phénomène n’observent chez les sujets sous effet de marijuana aucun changement quantifiable dans l’acuité visuelle, auditive ou tactile, pourtant ces gens reportent invariablement qu’ils voient, entendent ou sentent les choses avec une nouvelle finesse, comme s’ils avaient de nouveaux yeux, de nouvelles oreilles et de nouvelles papilles gustatives.

Vous savez ce que c’est, cette italicisation de l’expérience, cette préhension en apparence virginale du monde des sens. Cette chanson, vous l’avez entendue des centaines de fois auparavant, mais désormais vous l’entendez soudainement toute à sa beauté perceuse d’âme, la douce émotion sans fond de la ligne de guitare est comme une révélation, et pour la première vous comprenez enfin, vous comprenez vraiment, ce que Jerry Garcia voulait dire dans chacune de ses notes, sa lente improvisation maléfique et enjoué, délivrant quelque chose de très proche du sens de la vie directement dans votre esprit.

J’adore cette expression d’italicisation de l’expérience, c’est exactement ce dont je parle ici. Je soutiens que la culture numérique a retiré beaucoup d’italicisation (quand bien même ça ne sauterait pas aux yeux dans ce billet). Les expériences sont devenues omniprésentes mais reproductibles à l’envi, exactement comme un fichier musical est devenu reproductible à l’infini. Spotify nous ouvre un monde entier de musique, au détriment de la qualité sonore (évidemment) mais également au détriment d’une mémorable découverte et d’une profonde et mémorable préhension. J’ai tenté d’écouter un album sur Spotify, je ressens cette sorte d’insatisfaction nauséeuse que je ressens après m’être enfilé un plat tout prêt au micro-ondes.

Cela arrive aussi à un niveau industriel. Je ne me souviens pas où je l’ai lu, mais quelqu’un a écrit récemment qu’il n’y aurait jamais un autre Bruce Springsteen, non pas que son talent ne puisse être répliqué, mais parce que Bruce est tout autant notre expérience partagée de Bruce qu’il est un artiste, indivis. Le revers des barrières hautes comme des falaises postées à l’entrée de l’industrie musicale pré-numérique, c’était que ceux qui ont touché un public sont devenus massifs par nécessité, parce que notre appétit de musique était énorme alors que l’offre était délibérément maîtrisée. Bruce était héroïne et diamants, précieux, rare et addictif, mais l’intensité de cette expérience est partie à jamais. Nous l’avons échangé contre quelque chose d’autre.

(Cela ne signifie pas que l’immensité majestueuse de ces groupes pré-numériques n’était pas un peu répugnante. Après tout ils sont devenus riches en donnant libre cours à leur passe-temps. Mais il y avait quelque chose de majestueux de faire partie d’une communauté les vénérant. Il y avait. Et la taille de la communauté n’avait pas d’importance. Il n’existe pas plus dévoué qu’un fan de The Fall).

Alors pour quoi avons-nous échangé tout ça, et est-ce que ça valait le coup ? Nous avons le confort. Nous avons du choix. Nous l’avons pour moins cher (mais dépensons-nous moins en culture et en loisirs ? Certainement pas, je dirais. Sans doute davantage). Parfois et pour certains nous avons acquis la capacité d’adapter et de remixer la culture pour créer du nouveau. Pour ceux qui créent, les outils sont devenus omniprésents et les barrières hautes comme des falaises se sont effondrées dans la mer.

Toutes ces choses ont de la valeur. Ce qu’elles valent pour vous valent différemment pour moi. D’aucuns croient (avec une ferveur toute religieuse) que cette capacité d’une quantité croissante de gens à créer du contenu et à remixer le contenu des autres est l’aube concrète d’un nouvel âge de la culture humaine, une ère dans laquelle nous devenons tous des créateurs et à travers laquelle nos efforts combinés génèrent quelque chose de sublime.

Réintroduire de la rareté

Peut-être est-ce vrai – bien qu’il ne se soit encore rien passé. C’est une vision magnifique mais également, dorénavant, qui requiert un sacré acte de foi – en particulier pour ceux de la génération pré-numérique qui ont modelé toute leur carrière à une époque où la demande excédait l’offre. Mais je crois également que nous devrions prendre garde à préserver au moins un peu de ce qui a rendu la culture pré-numérique si passionnante.

On voit bien que des gens commencent à le faire. J’ai l’impression (bien que je n’ai pas de données chiffrées à ce sujet) que les groupes de lecture sont plus populaires que jamais, les gens cherchant à répéter un sens plus communautaire de la lecture alors que de plus en plus de titres sont disponibles – réintroduisant ainsi la rareté, comme dans le temps. Un de mes amis rassemble tous les mois un groupe d’enregistrement, où les participants choisissent une sélection de morceaux et les jouent aux autres, ils boivent du vin, discutent de musique et partagent en général un bon vieux moment. Des gens se rendent à des festivals littéraires, paient de fortes sommes d’argent pour des tickets de concert, s’abreuvent de plus en plus de culture et revoient des spectacles.

La manière dont les jeunes consomment la musique aujourd’hui est également intéressante. Mes deux enfants (maintenant adolescents) font exactement la même chose. Ils trouvent de la musique rapidement et efficacement, souvent à travers le prisme de la radio et de leurs amis (pas de grand révolution culturelle jusque là). Ils établissent des listes de lecture. Puis ils écoutent ces playlists, encore, encore et encore. Le compteur sur mon iTunes m’indique que ma fille peut écouter le même morceau plus de dix fois dans la soirée. Cela signifie qu’ils continuent à explorer la musique en profondeur. Ils le font juste sur du matériel restituant une qualité sonore inférieure et (c’est crucial) ils font autre chose en même temps. Principalement bavarder en ligne.

Pour nous autres, réfugiés de l’âge sombre pré-numérique, c’est comme un retour en arrière. Retour vers un temps où nous partagions davantage de moments culturels, quand des dizaines de millions de Britanniques regardaient ensemble la diffusion de Morecambe and Wise, quand il n’y avait rien à la télévision le dimanche après-midi et que nous étions forcés, oui, forcés, d’écouter Out of the Blue encore et encore, parce qu’il n’y avait rien d’autre à faire. Conséquence de quoi nous connaissions chaque changement d’accord, chaque note de basse, chaque déformation de cordes, tout comme nous connaissions les couleurs de nos devantures de maison.

Cliquer ici pour voir la vidéo.


Billet original paru sur le blog de Lloyd Shepherd sous le titre “A post about the old days when everything was great“.
Photos via Flickr Sister 72[cc-by-nc-nd], Adam Melancon [by-nc-sa] et Wonker [cc-by].
Traduction : Nicolas Patte

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http://owni.fr/2011/11/15/cetait-bien-avant-le-numerique/feed/ 14
Apple coupe le son http://owni.fr/2011/09/16/battle-apple-versus-hadopi-conseil-etat/ http://owni.fr/2011/09/16/battle-apple-versus-hadopi-conseil-etat/#comments Fri, 16 Sep 2011 15:06:49 +0000 Claire Berthelemy http://owni.fr/?p=79617 De sources juridiques, OWNI a obtenu confirmation que le groupe Apple attaquait devant le Conseil d’État un décret mettant fin aux Mesures techniques de protection, appelées MTP par les professionnels . Ce texte du 10 novembre 2010 oblige ainsi les industriels du web à rendre leurs fichiers et leurs logiciels compatibles les uns avec les autres, en particulier dans le domaine de la musique et des vidéos. Une mesure qui contraint Apple à déverrouiller ses produits iTunes.

Bataille juridique au Conseil d’État

Apple a donc déclenché une guerre de position devant le Conseil d’État contre la Haute autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet (Hadopi), c’est-à-dire l’instance chargée de faire appliquer les différents décrets. Déjà, ce mercredi 14 septembre, neuf juges du Conseil d’État délibéraient sur une précédente requête d’Apple et de sa filiale luxembourgeoise iTunes. Dans ce cas, François Molinié, l’avocat de la firme, demandait l’annulation du décret organisant les attributions mêmes de la Hadopi .


Au cours de la séance à laquelle nous avons assisté, le rapporteur public a demandé un rejet des demandes de l’industriel . Mais le texte attaqué, fixant les statuts de la Hadopi, n’aborde pas les questions de fond sur les Mesures Techniques de Protection.

Pour conserver iTunes et son modèle verrouillé, Apple est prêt à tout. OWNI a contacté la direction de la communication d’Apple pour interroger des responsables de la firme quant aux motifs de cet acharnement juridique. Pour toute réponse, nos interlocuteurs nous ont demandé de leur adresser une copie de notre article.

Interopérabilité versus verrouillage

La peur d’Apple avec Hadopi tient en quelques lettres : l’interopérabilité. Autrement dit la possibilité de lire un même fichier sur tous les supports imaginables. Ce qui n’est pas le cas actuellement avec certains de leurs fichiers circulants. Jusqu’en 2009, tous les MP3 achetés sur l’iTunes Store, la boutique en ligne d’Apple, possédaient des MTP maison. Le verrouillage des produits, marque de fabrique de la pomme, est un véritable outil de gestion de son écosystème : la synchronisation d’un iPod – porte d’entrée des consommateurs dans le système Apple – n’est envisageable qu’avec iTunes. Idem pour l’ajout de morceaux ou vidéos sur l’iPhone. Qui possède l’un de ces produits doit se contenter de le faire fonctionner avec le logiciel made by Apple.

Les démarches devant le Conseil d’État contre les différents décrets visent avant tout à préserver ses bénéfices. Si la requête examinée mercredi devrait être rejetée par le Conseil d’État, en revanche, leur dernière demande sur la régulation des MTP sera l’occasion d’un débat juridique à l’issue plus incertaine.

Illustrations Flickr CC PaternitéPartage selon les Conditions Initiales Xjs-Khaos et Paternité Thing Three

Retrouvez l’ensemble du dossier :
Apple à livre ouvert et Où Apple planque ses tunes

Illustration de Une par Loguy

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http://owni.fr/2011/09/16/battle-apple-versus-hadopi-conseil-etat/feed/ 14
Où Apple planque ses tunes http://owni.fr/2011/09/16/ou-apple-planque-ses-thunes-luxembourg-itunes/ http://owni.fr/2011/09/16/ou-apple-planque-ses-thunes-luxembourg-itunes/#comments Fri, 16 Sep 2011 09:46:33 +0000 Rodolphe Baron http://owni.fr/?p=79542 OWNI a rendu visite à une société soucieuse de s’entourer d’une grande discrétion : Apple au Luxembourg. En plein débat sur la dette nationale, les entreprises à l’origine de systèmes d’évasion fiscale à grande échelle font tâche. À l’image donc de celui d’Apple, qui a domicilié au Luxembourg les activités d’iTunes pour l’Europe.

Depuis le 10 juin 2004, sa plateforme pour la vente en ligne de musique et de films est installée dans le Grand-Duché, véritable planque fiscale. Quand le citoyen français achète sur iTunes, il paye donc une TVA luxembourgeoise qui sert à construire les routes et à entretenir les écoles du Grand-Duché, tout petit mais très riche. Pour rendre compte de l’ampleur de la combine, OWNI s’est rendu sur place.

L’évidence dans le silence

Rendez-vous 8, rue Heinrich Heine, à Luxembourg. Pas de plaque sur le mur ni de logo lumineux. Juste une étiquette à peine visible sur la sonnette et la boîte aux lettres. L’immeuble, lui, n’a rien à voir avec l’idée que l’on se fait d’un quartier général d’iTunes.

Petit mais chic, plus ancien que dernier cri, il est planté au milieu de la rue, à deux pas du château d’ArcelorMittal. Un emplacement discret par rapport aux opulents bâtiments occupés par les banques et les grands groupes. Les voisins que nous avons croisés ignorent qu’iTunes a établi ici son repère. Une libraire de l’avenue adjacente en est toute étonnée.

Le plus informé semble être un livreur en pull jaune, habitué à apporter des colis aux entreprises partageant le même immeuble que la firme. iTunes, il connaît bien :

Oui oui, ils sont juste-là, au dernier étage. Mais ça risque d’être compliqué pour vous d’entrer, c’est une vraie banque là-dedans.

Le terme n’est pas exagéré. Les millions d’euros générés par les ventes de produits immatériels dans toute l’Europe transitent là, derrière trois fenêtres où travaillent une quinzaine de personnes tout au plus.

Sur place, les employés d’iTunes avec lesquels nous nous sommes entretenus se montrent gênés. Ils se font petits, esquivent les questions les plus simples.

On n’est qu’un petit bureau vous savez, rien à voir avec Londres. Il faut l’autorisation de notre hiérarchie pour que l’on puisse répondre à vos questions car beaucoup d’éléments sont confidentiels.

Sans l’accord du service de presse londonien ou de la maison mère américaine personne n’est habilité à s’exprimer, selon une employée qui a systématiquement refusé de commenter les bons résultats financiers de l’entreprise au dernier trimestre. Environ 28,57 milliards de dollars dont plusieurs dizaines de millions grâce à iTunes.

Même pas le trognon pour le fisc

L’opacité de sa communication s’explique sans doute parce que l’astucieuse combine luxembourgeoise en fait râler plus d’un en Europe.

Et il y a de quoi. Depuis que le site a décidé en 2004 de déposer ses mallettes dans le Grand-Duché sa compétitivité s’en est trouvé accrue. Le Luxembourg possède la TVA la moins élevée de l’UE (15%). Mais ce taux serait officieusement négocié avec les autorités compétentes à 6%.

Actuellement, en matière d’e-commerce, l’Europe applique la TVA du pays vendeur plutôt que celui du lieu de résidence de l’internaute qui achète. Ainsi, avec les ventes de musiques et les locations de films / séries TV sur son site, Apple (comme plusieurs de ses concurrents) va directement chercher son chèque à la case départ sans que la France et ses homologues européens, eux aussi lésés dans l’affaire, ne perçoivent la moindre TVA. Un système pour le moins immoral mais légal.

La problématique est d’autant plus ennuyeuse que l’Europe est en période de disette économique. Déjà, en octobre 2009, une synthèse d’un rapport de Greenwich Consulting [PDF] rendu au Sénat estimait que 300 millions étaient passés sous le nez du fisc français en 2008.

La France, l’Allemagne et le Royaume-Uni perdants jusqu’en 2015

Ce dispositif fiscal prendra fin le 1er janvier 2015. Date à laquelle les téléchargements seront progressivement soumis à la TVA du lieu de résidence de l’internaute. Au grand dam des trois poids lourds du e-commerce qui représentaient environ 70% du marché européen en 2008 selon Greenwich Consulting. La disposition qui prévoit que la directive 2008/8/CE règle le problème en 2015 a été adoptée à l’unanimité à « l’issue de discussions difficiles entre les Etats membres » et qu’il n’est par conséquent « pas possible d’envisager une anticipation de sa date d’entrée en vigueur ». D’ici là, beau paradoxe, Apple n’a pas jugé utile d’installer un Apple Store au Luxembourg avant « au moins deux ans » selon les confidences d’un vendeur spécialisé.


A nos lecteurs adeptes (à raison) de Maître Capello : attention, il y a un jeu de mots dans le titre.

Crédits Photo FlickR CC : PaternitéPas d'utilisation commerciale par Finger FoodPaternitéPas de modification par Myrrien ;

Retrouvez l’ensemble du dossier :
Apple coupe le son et Apple à livre ouvert

Illustration de Une par Loguy

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Des films sous perfusions numériques http://owni.fr/2011/08/28/des-films-sous-perfusions-numeriques/ http://owni.fr/2011/08/28/des-films-sous-perfusions-numeriques/#comments Sun, 28 Aug 2011 13:30:12 +0000 Romain Saillet http://owni.fr/?p=76820 Depuis 2009, le ventes de Digital Versatil Disc (DVD) chutent, laissant une place grandissante à la vidéo à la demande (VOD) et au Blu-Ray. Lequel permet une capacité de stockage supérieure et ainsi l’arrivée de la haute définition (HD) dans les foyers.

En France,  au premier trimestre 2011, selon le Syndicat de l’édition vidéo numérique (SEVN), les ventes de Blu-Ray progressent de plus de 20 %, avec un chiffre d’affaires de 44,5 millions d’euros, alors que le marché du DVD perd 9,9 % de son chiffre d’affaires de 276,5 millions d’euros. Le Blu-Ray séduit et ses coûts baissent : il devient alors le légitime remplaçant du DVD pour les distributeurs.

L’année 2011 ne répond pourtant pas à toutes leurs attentes. Malgré les bons résultats des ventes de Blu-Ray, elles ne représentent que 13,7 % du chiffre d’affaires des ventes de supports physiques. Cette trop faible proportion ne permet alors pas de combler les pertes engendrées par la chute des ventes de DVD : le marché des supports physiques perd plus de 6 % en volume, soit 321 millions d’euros, et presque 5 % en valeur, soit 32 millions d’unités vendues.
Aux États-Unis, cette tendance se confirme aussi, même si une étude menée par le groupe NPD [en] nous apprend que les supports physiques conservent outre-Atlantique une grande popularité. Près de 77 % des sondés auraient regardé un programme via un support physique dans les trois derniers mois, alors que seulement 21 % auraient visionné un film en VOD.

Déclin des supports matériels malgré l’arrivée de la 3D

Source: Digital Home Révolution

Pourtant, et de manière générale, cette situation semble évoluer en faveur des supports dématérialisés : le DVD a perdu cette année près de 9 % de son chiffre d’affaires.

Avec l’arrivée des téléviseurs 3D dans les foyers, 2011 devait pourtant marquer un rebond significatif pour les supports physiques. Les constructeurs de télévision prévoient 20 % de téléviseurs 3D vendus pour la fin de l’année 2011, alors que seulement 2 %, soit 200 000 se sont écoulés en 2010 selon CNet France. Au vu des ventes de ces six premiers mois, cet objectif semble cependant difficile à atteindre malgré une diffusion de cette technologie à toutes les tailles de téléviseurs. Les ventes devraient toutefois mécaniquement augmenter.

Alors que le marché de la 3D devait apporter un souffle nouveau pour le marché des films, l’année 2011 ne semble pas répondre entièrement aux objectifs fixés. Sony a d’ailleurs décidé de changer la stratégie de production de ses téléviseurs. Après avoir vendu trois usines, et changé le responsable de la division téléviseurs, le constructeur japonais souhaite stopper la baisse consécutive de son chiffre d’affaires sur ses téléviseurs depuis maintenant huit ans. De nouveaux moyens de distribution de films et séries semblent pourtant apporter des réponses encourageantes aux pertes engendrées par les supports physiques : les supports dématérialisés.

TF1, Fox, HBO : les chaînes misent sur les supports dématérialisés

En Europe, de nombreux distributeurs ont rapidement cru en cette technologie, avec plus de 300 opérateurs recensés en 2011 contre 10 en 2003, en confrontation directe avec le téléchargement légal. Une fois dépassée la barrière de l’achat en ligne par les utilisateurs, la VOD a vite séduit un grand nombre d’internautes. Un large choix de programmes sans se déplacer de chez soi, l’offre plaît et enregistre même une croissance régulière.

En France, selon le Figaro, le marché de la VOD devrait se chiffrer à près de 200 millions d’euros, soit plus de 14 % du marché des supports physiques. TF1 a d’ailleurs saisi cette opportunité pour annoncer une véritable stratégie de développement de sa plateforme dématérialisée TF1Vision.

Aux États-Unis aussi les chaînes souhaitent offrir à leurs téléspectateurs une offre dématérialisée riche. La Fox a récemment mis en place une stratégie multi support permettant aux acheteurs d’un Blu-Ray de retrouver leur programme sur leur téléphone Android, grâce à un code d’accès.

De son coté, HBO vient d’annoncer que l’intégralité des séries qu’elle diffuse sera disponible sur la plateforme iTunes en HD [en], soit avec une qualité d’image proche du Blu-Ray, en contrepartie d’une majoration du coût d’un dollars par épisode. Cette opération permet à la fois à la HBO de bénéficier des abonnés d’iTunes et à la plateforme d’Apple d’enrichir son catalogue.

L’hégémonie d’Apple menacée par un Netflix à la française ?

Apple jouit aujourd’hui d’une hégémonie absolue sur le marché de la VOD sur le net, avec sa plateforme iTunes. Près de 95 % des VOD sur le net en France y sont réalisées, et près de 20 % des locations à la fin de l’année 2010. Et la marque à la pomme ne souhaite pas s’arrêter en si bon chemin. Des rumeurs persistantes prédisent qu’Apple pourrait rapidement proposer la location et la vente de films en 1080p, soit de la HD+ en concurrence direct avec le Blu-Ray. Le renouvellement de l’AppleTV prévu à l’automne 2011 devrait nous en apprendre plus sur la stratégie opérée par la société sur ce secteur.

Malgré cette domination, une nouvelle offre importée des États-Unis devrait voir le jour prochainement en Europe : la sVOD, un service de VOD avec un payement forfaitaire. Netflix l’américain et le français Canal Plus pourraient lancer leurs offres dès l’automne 2011, selon les Échos. Avec un tarif de 10 euros par mois, cette offre pourrait bouleverser le marché de la VOD.

Cependant, en Europe et plus particulièrement en France, la chronologie des médias, régie par une directive européenne, pourrait empêcher une telle offre de se propager. Dans une interview, le patron de Vidéo Futur Rémi Tereszkiewicz affirme même qu’une « offre de purement sVod est impossible en France ». Sa société propose en effet à ses abonnées une offre « combinée » à l’image de celle de Netflix : recevoir le DVD ou Blu-Ray du film commandé, ou alors le visionner directement en VOD pour 2,99 euros.

En effet, dans le cadre d’une vente à l’acte, quatre mois sont nécessaires après la sortie des films dans les salles pour pouvoir les proposer en DVD et VoD. Légalement, cette fenêtre d’exploitation passe de 4 à 36 mois lorsque le programme est intégré dans un forfait, comme la sVoD. Ainsi, les offres de sVoD pourraient être privées des nouveautés, remettant en cause le bénéfice réel pour le consommateur.

À l’inverse, aux États-Unis, cette fenêtre d’exploitation est extrêmement courte avec une durée de seulement 90 jours. La Warner souhaite même raccourcir cette durée à 60 jours. On comprend alors mieux l’intérêt d’une telle offre dans ce cadre législatif.

La VOD et son coût à l’acte pourrait donc avoir encore de belles années devant elle. Des réponses sur l’avenir du marché devraient être apportées dès l’ouverture de l’IFA, le deuxième salon mondial de l’électroménager, des médias numériques et de l’électronique, qui se tiendra du 2 au 7 septembre 2011 à Berlin.


Billet initialement publié sur Ina Global la revue des industries créatives et des médias, sous le titre “La fin des supports physiques audiovisuels est-elle programmée ?”

Illustrations Flickr CC PaternitéPas d'utilisation commercialePas de modification pen3ya

Tableaux : The Digital Entertainment Group (pdf), The Hollywood Reporter, Haute Définition, Wikipédia, La chronologie des médias, Wikipedia.

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Lady Gaga, The Strokes et la patience de l’internaute http://owni.fr/2011/02/16/lady-gaga-the-strokes-et-la-patience-de-linternaute/ http://owni.fr/2011/02/16/lady-gaga-the-strokes-et-la-patience-de-linternaute/#comments Wed, 16 Feb 2011 09:18:39 +0000 Louis Morales-Chanard http://owni.fr/?p=30330 Louis Morales-Chanard écrit sur le blog Pocket Zeitgeist, où il s’intéresse aux tendances artistiques, sociétales, économiques et technologique.

Il s’est passé quelque chose de bizarre la semaine dernière. Je m’explique :

• Mercredi 9, les Strokes ont sorti Under Cover of Darkness leur premier morceau en cinq ans, sans que rien n’ait filtré jusque là sur Internet, mis à part un extrait de quelques secondes uploadé “par erreur” quelques jours plus tôt. Les blogs musicaux les plus pointus ont salué ce “retour aux formes” et Under Cover of Darkness est toujours #1 du classement Hype Machine. D’après le label français du groupe, le single aurait été téléchargé 80 000 fois au niveau mondial un jour après sa mise en ligne. La France était le quatrième territoire en termes de volume de téléchargement.

• Vendredi 11, Lady Gaga a dévoilé Born This Way, premier single de son prochain album à paraître en mai. De même, aucun extrait n’avait circulé sur Internet, si ce n’est une version a cappella du refrain chantée lors des MTV VMAs, en septembre. En vente en téléchargement légal à partir de 15h, Born This Way est entré en tête des ventes iTunes dans 23 pays. Le titre s’est d’ailleurs écoulé à 60 000 exemplaires en 34 heures au Royaume-Uni, lui permettant de se classer directement numéro trois des charts, alors que le titre est maintenant premier des “midweeks”, le classement intermédiaire publié avant celui du dimanche. Sur le territoire américain, le titre est assuré d’obtenir la première place du Billboard avec près de 450 000 exemplaires écoulés en trois jours. Ces chiffres font de Born This Way le 4ème meilleur démarrage digital de tous les temps (avec bien moins d’une semaine de disponibilité). En France, où le marché digital est bien moins dynamique que chez nos voisins anglo-saxons, le single affichait dimanche soir 11950 ventes (date de cloture du classement de la semaine) et en cumulait 16 000 lundi soir. De quoi en faire un numéro 1, de loin.

Ça ne vous frappe pas? Deux événements musicaux majeurs qui, à deux jours d’intervalle, reposaient sur les mêmes principes de secret et d’attente. Deux événements qui semblent avoir réappris (temporairement) la patience aux twittersphère et blogosphère.

Je me souviens du battage que faisaient encore les radios il n’y a pas si longtemps, lorsque Madonna sortait un nouveau single. Pour American Life (lancé en avril 2003… j’étais en seconde aha), les animateurs d’Europe 2 avaient attendu, fébriles, minuit pile pour diffuser officiellement le morceau! Depuis quelques années, une telle situation est juste inimaginable. Les premiers extraits de disque fuitent plusieurs mois à l’avance pour se retrouver sur tous les bons blogs musicaux, et les albums complets sont téléchargeables en fichier .rar en excellente qualité avant même d’être sur iTunes!

A cet égard, les sorties en parallèle des singles des Strokes et de Lady Gaga apparaissent comme des anachronismes. Comment ces artistes ont-ils pu imposer un embargo sur leur musique? Et surtout, comment Internet, ce gamin turbulent, a-t-il pu jouer le jeu?

De manière intuitive, je dirais tout d’abord qu’il ne s’agit pas de n’importe quels artistes. Inutile de présenter Lady Gaga, apparition pop portée aux nues aussi bien par le grand public que les critiques les plus snobs, en passant par les stylistes et les marketeurs. Inutile, également, de présenter les Strokes, a.k.a «le groupe le plus cool du monde», grâce auquel (ou à cause duquel) nous sommes tous encore en train de porter des slims à ce jour. Ce sont des artistes qui ont un poids culturel rare, ce qui leur permet d’imposer leurs conditions à la communauté musicale en ligne.

Mais il ne suffit pas d’être auréolé de hype pour se faire respecter par les twittos, bien au au contraire. La hype se crée et s’entretient. C’est ce que s’est employé à faire Julian Casablancas sur son compte Twitter en révélant au compte-gouttes des détails sur un album sans cesse repoussé depuis trois ans… tout en prenant soin de brouiller les pistes en postant de fausses pochettes de disque aussi immondes que vraisemblables lorsqu’on connaît le goût des Strokes pour le kitsch (cf. la vraie pochette ci-dessus).

De son côté, Lady Gaga a passé les derniers mois à faire monter la sauce au sujet de son deuxième album, annoncé comme «le meilleur de la décennie» (tranquille). Par ailleurs, “Mother monster” maîtrise parfaitement les rouages du buzz sur Twitter en poussant la création de hashtags à sa gloire ou à celle de son single. Et surtout, elle a pris tout le monde de court en avançant la date de sortie du morceau, qui devait être révélé lors des Grammy Awards, de deux jours. Suffisant pour créer un sentiment d’urgence et exciter un peu plus Twitter et, a fortiori, n’importe quel amateur de pop culture.

On voit donc qu’imposer ses conditions au web n’est pas donné à tout le monde, et qu’il faut savoir s’y prendre… Mais on voit surtout qu’étonnamment, cela reste possible!

J’ai l’impression de me répéter mais c’est un fait : le web a achevé de changer notre rapport aux sources traditionnelles de légitimité. Les artistes, qu’ils soient musiciens, cinéastes, plasticiens, etc. ne maîtrisent plus la diffusion de leurs propres œuvres. Les marques peuvent à tout moment perdre le contrôle de leur image et faire l’objet de lynchages 2.0, comme BP (détournement de pub, de compte Twitter) ou Gap (parodie de logos). Les gouvernements eux-mêmes ne peuvent plus prétendre gérer à 100% leur communication avec la montée en puissance du modèle Wikileaks.

Et pourtant, l’exemple des Strokes et de Lady Gaga montre qu’une source traditionnelle de légitimité peut encore prendre la main sur le web, à condition que cela soit bien fait. De quoi redonner espoir à ceux qui se lamentent de l’effet parfois destructeur (je préfère dire “déconstructeur” mais bon) d’Internet sur la communication, et faire naître quelques craintes chez les tenants du “tout ouvert”. A moins qu’il ne s’agisse d’épiphénomènes, d’exceptions qui confirment la règle…

Qu’en pensez-vous?

PS : Dans le genre “je suis une mégamarque et je sais tenir tête aux réseaux sociaux”, cet exemple est aussi très intéressant.

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Le modèle Beezik décortiqué http://owni.fr/2011/02/14/le-modele-beezik-decortique/ http://owni.fr/2011/02/14/le-modele-beezik-decortique/#comments Mon, 14 Feb 2011 11:00:07 +0000 Caroline J. http://owni.fr/?p=30268 Caroline J. vit au Québec et écrit sur le blog EntertainD

Aujourd’hui, je vous présente un petit bijou d’Internet que j’ai découvert et qui, selon moi, représente une véritable révolution dans le monde de la musique: Beezik . Enfin un concept qui ravit tout le monde : une plateforme de téléchargement de musique gratuite ET légale !

L’entreprise naît en 2009 d’un constat très simple : depuis 10 ans, les internautes rechignent à payer pour l’achat de musique. Beaucoup de sites d’écoute de musique apparaissent, mais cela oblige toujours les utilisateurs à rester connectés devant leurs ordinateurs. Ainsi, pour se démarquer, les fondateurs de Beezik ont choisi de miser sur la portabilité des morceaux en créant le premier site de téléchargement de musique entièrement gratuit et légal. Mais comment rentabiliser le site sans faire payer l’utilisateur?

Publicité : oui, mais pas n’importe comment !

Toujours la même recette : la publicité. Mais avec modernité et originalité !
1) une première publicité audiovisuelle apparaît pendant le téléchargement, mais pas n’importe laquelle : celle que vous aurez choisie auparavant parmi les 4 marques qui vous auront été proposées (et il y en a pour tous les goûts!) ;
2) une fois sur votre ordinateur, une publicité fixe de la marque choisie est accolée à l’image du titre extrait ;
3) cette même publicité apparaît sur tous les supports d’écoute où le morceau est exporté (dont la nouvelle application pour iPhone et iPod), car les fondateurs ont optimisé le téléchargement pour proposer des titres sans DRM.
4) et comme si cela ne suffisait pas, à la fin de la procédure, vous êtes récompensé de 0,30€ à dépenser chez les sites transactionnels partenaires.`

Le revers de la médaille

La majorité des revenus du site vient des publicités visualisées pendant le téléchargement. Ainsi, pour survivre, le site doit s’assurer de nombreux annonceurs et donc proposer un concept avantageux à ces marques. C’est là que Beezik devient innovant : en plus de choisir votre publicité, le site ne vous laisse que quelques secondes pour confirmer votre téléchargement. Les fondateurs assurent ainsi à leurs clients annonceurs une grande visibilité : la promesse de visionnage complet de la publicité par les internautes incite les marques à signer.

Mais ça ne s’arrête pas là, la visibilité de la marque est renforcée par sa présence en dessous du titre sur chaque support utilisé. Et, bien sûr, comme c’est l’utilisateur qui a choisi la marque publicisée, l’annonceur est certain de rejoindre un public intéressé. C’est grâce à ce concept intelligent que Beezik a déjà réuni plus de 40 marques et non des moindres : Nike, EMI, Mc Donald, Blackberry…
Et ça rapporte gros! A 25 centimes le clic (pour l’annonceur) et avec plus d’un million de membres, il est certain que la jeune start-up Beezik est vouée à devenir une grande entreprise (Source : Techcrunch).
Enfin, la récompense de 0,30€ par téléchargement est aussi, selon moi, une publicité détournée. Après avoir téléchargé plusieurs morceaux (et donc avoir amassé quelques euros), l’internaute est tenté de dépenser la somme acquise chez les sites partenaires. Et Beezik reçoit certainement un pourcentage des ventes pour la redirection des internautes vers ses partenaires, ce qui assure encore une fois la rentabilité du site.

Et les artistes ???

Bien sûr, une partie des revenus est reversée aux artistes et autres ayant-droits (maisons de production…). Mais les spécialistes du domaine restent partagés : les revenus de ce type de commerce ne sont pas aussi importants que ceux de la vente de disques, ou même de la vente de titres numériques. Et les maisons de production commencent à s’interroger sur l’avenir de la musique face au commerce électronique musical de plus en plus populaire.
Les artistes ont déjà envahi le web pour leur promotion : ils sont maintenant présents sur les réseaux sociaux, créent leur propre site, et profitent des nouvelles chaînes musicales sur internet. De leur côté, bien qu’ils aient accepté cette évolution dans la promotion des artistes et de leurs disques, les producteurs ne sont pas encore prêts à transposer cette révolution dans la distribution de leur musique sur la toile.

Beezik pose la question de la viabilité du modèle de téléchargement sponsorisé par la publicité (après le streaming, avec Spotify et Deezer notamment) mais semble pour le moment être une alternative satisfaisante aux plateformes classiques. Il sera intéressant d’observer l’évolution de ce business model dans les mois à venir.

Article initialement publié sur le blog EntertainD.

Crédits photos : FlickR CC allthatimprobableblue

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Spotify : le freemium devient rentable ? http://owni.fr/2010/12/06/spotify-le-freemium-devient-rentable/ http://owni.fr/2010/12/06/spotify-le-freemium-devient-rentable/#comments Mon, 06 Dec 2010 10:56:34 +0000 Philippe Astor http://owni.fr/?p=28617 Une perte nette de £16,6 millions (19,6 M€) à rapporter à un chiffre d’affaires de £11,3 millions (13,3 M€) : ce sont les résultats de Spotify Ltd, l’entité commerciale principale de la compagnie, et opérateur du service de streaming de musique à l’échelle européenne.

Révélé par le site Music Ally la semaine dernière, ces chiffres laissent le doute subsister quand à la rentabilité du modèle économique freemium. Mais les prévisions encourageante de l’exercice 2010 pourraient changer la donne.

Le service de musique en ligne Spotify, qui a encore enregistré de lourdes pertes en 2009, pourrait bien atteindre l’équilibre en 2010. A condition que la forte progression des abonnements et de la publicité enregistrée sur les neufs premiers mois de l’année se soit poursuivie jusqu’à fin décembre.


Les comptes officiels de la filiale britannique de Spotify, Spotify Ltd, font état d’une perte nette de £16,6 millions en 2009 (19,6 M€), pour un chiffre d’affaires de £11,3 millions (13,3 M€). Ces résultats rendent compte des performances de la start-up de musique en ligne sur l’ensemble des territoires européens où elle est présente (Royaume-Uni, Suède, France, Espagne, Finlande, Norvège, Pays-Bas).

Selon son bilan, dont nous nous sommes procuré une copie intégrale (PDF), Spotify Ltd est en effet l’opérateur direct du service de streaming dans tous ces pays et la principale entité commerciale de la maison mère Spotify Technology SA, basée au Luxembourg.
Dans le détail, les revenus engrangés par Spotify Ltd en 2009 proviennent à 60 % des abonnements, à hauteur de £6,8 millions (8 M€), et à 40 % de la publicité, à hauteur de £4,5 millions (5,3 M€). Au 31 décembre 2009, Spotify revendiquait 7 millions d’utilisateurs, dont 250 000 abonnés, soit un taux de conversion en utilisateurs payants de 3,57 %.

Les coûts de vente de la société, qui couvrent notamment les sommes versées aux ayants droit, se sont élevés à £18,8 millions sur la période (22,1 M€), auxquels se sont ajoutés des coûts de distribution et les dépenses administratives, pour un montant global de £8,8 millions (10,3 M€).

Forte progression de l’abonnement

Fin octobre, Spotify indiquait à Music Ally avoir versé 40 M€ aux ayants droit depuis son lancement, dont 30 M€ sur les huit premiers mois de l’année 2010. Une indication que le chiffre d’affaires de la compagnie, qui revendiquait 601 000 abonnés à fin septembre 2010, dans un document confidentiel adressé à certains ayant droit auquel ElectronLibre a eu accès, aura nettement progressé cette année.

Selon l’évolution du nombre d’abonnés à Spotify, révélée dans ce document, le chiffre d’affaires lié à l’abonnement était déjà de l’ordre de 35 M€ en septembre 2010. Il pourrait atteindre environ 55 M€ fin 2010 si l’objectif déclaré de 770 000 abonnés est atteint, ce qui est en bonne voie. Soit une progression de 587 % sur un an.


Le chiffre d’affaires publicitaire de Spotify aura-t-il progressé dans les mêmes proportions dans l’intervalle ? Les documents dont nous disposons nous permettent de calculer qu’au huitième mois de l’année, les abonnements avaient rapporté 28,5 M€ à Spotify, qui a reversé environ 70 % de ce chiffre d’affaires aux labels, soit près de 20 M€.

C’est-à-dire les deux tiers des droits que la compagnie a déclaré avoir payé en 2010 à cette date. 10 M€ de droits proviendraient donc de la publicité, sur le chiffre d’affaires de laquelle Spotify reverse 50 % aux ayants droit ; soit un CA publicitaire pouvant être estimé à 20 M€ sur les huit premiers mois de 2010, et qui pourrait donc s’établir autour de 30 M€ sur l’ensemble de l’année. Il afficherait ainsi une progression de l’ordre de 660 %. Le chiffre d’affaires global de Spotify Ltd devrait ainsi s’établir autour de 85 M€ en 2010.

Équilibre en perspective

Dans ces conditions, la start-up suédoise pourrait très vite devenir profitable en Europe, avec une proportion croissante de ses revenus en provenance de l’abonnement, qui s’avère beaucoup plus rémunérateur pour les ayants droit, et un taux de conversion en abonnés payants qui devrait se situer autour de 6,5 %. Une ambition que son PDG, Daniel Ek, a déjà affichée publiquement.
En se basant sur notre estimation des revenus publicitaires et d’abonnement de la compagnie en 2010, elle devrait reverser un total de 53,5 M€ aux ayants droit cette année ; le solde (31,5 M€) permettant largement de couvrir ses autres coûts d’exploitation (la part des coûts de vente qui ne relève pas des royalties à payer, les coûts de distribution et les dépenses administratives), pour peu qu’ils ne s’envolent pas.

Leur marge de progression supportable, pour parvenir à l’équilibre dès 2010, est selon nos calculs de l’ordre de 45 %. De là à considérer que Spotify est sur le point de démontrer la rentabilité de son modèle freemium, il n’y a qu’un pas, qui pourra certainement être franchi dès que Spotify Ltd aura publié son bilan 2010.

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Cet article a été initialement publié sur Electron Libre

CC flickr : pedroarilla, Johan Larsson, louisvolant

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[(The Beatles x iTunes) + (Take That x 235 000)] = le curieux marché anglais http://owni.fr/2010/11/17/the-beatles-x-itunes-take-that-x-235-000-le-curieux-marche-anglais/ http://owni.fr/2010/11/17/the-beatles-x-itunes-take-that-x-235-000-le-curieux-marche-anglais/#comments Wed, 17 Nov 2010 16:59:28 +0000 Loïc Dumoulin-Richet http://owni.fr/?p=28086 Le marché musical de nos voisins britanniques réserve décidément bien des surprises. Alors que la barre symbolique des cinq cents millions de téléchargements légaux a été passée en septembre dernier, que leurs chiffres de ventes de musique ont de quoi faire pâlir tous leurs voisins, et que chaque semaine des records tombent, cette semaine devrait laisser des traces.

Ce qui frappe avant tout dans les charts de nos voisins anglais, c’est que leurs ventes de musique sont comparables à celles d’avant la crise. Ils ont en effet largement pris le pli du numérique, notamment pour les singles : le numéro un actuel (Rihanna) a vendu 93 426 titres dont 91 736 en numérique, 1501 CD et 189 “digital bundles”. Chez nous, où l’on comptabilise toujours les ventes numériques à l’écart des ventes physiques, la réalité est tout autre : si une René la Taupe rafle la mise en CD (3 999 ventes, il vous suffit d’ailleurs de vendre 125 disques pour être 20ème du classement…), c’est Shakira qui gagne en numérique, mais avec seulement 15 038 clics sur “acheter”.

Deux groupes de garçons sont par ailleurs au coeur de l’actualité britannique cette semaine. À ma gauche The Beatles, qu’on ne présente plus, et à ma droite, Take That, groupe dont je résume le parcours en quelques lignes, puisque nombre de non-anglais ont toujours en tête l’image des années 90.

Premier “grand” boyband de la vague des 90’s, les cinq Mancuniens ont profondément marqué la culture populaire de leur terre natale, qui a moins bien de problèmes de conscience et de bien-pensance que chez nous, semble-t-il. Séparés en 1996 suite au départ de Robbie Williams (dont la carrière solo l’a mené au premier rang des performers masculins mondiaux durant plus d’une décennie), le groupe s’est reformé en 2006 à quatre, pour une tournée des stades en premier lieu (durant laquelle ils jouaient avec un certain humour sur leur passé de groupe pour jeunes filles en fleurs), puis un album. Le succès est comparable à celui des premières années, c’est-à-dire gigantesque, avec 2,6 millions de disques vendus rien qu’au Royaume-Uni, un BRIT Award et une tournée à guichets fermés. Rebelote en 2008, où l’album The Circus s’est vendu à 433 000 exemplaires au cours de sa première semaine d’exploitation. Un autre Brit Award en poche et une tournée des stades plus tard, le groupe annonce que Robbie Williams effectuera son retour avec ses anciens bandmates fin 2010.

L’album Progress est sorti ce lundi 15 novembre (au lendemain d’une performance live dans l’émission X Factor qui draine 15 millions de téléspectateurs chaque semaine) et a déjà marqué l’histoire des charts. En une journée de commercialisation, le disque s’est écoulé à 235 000 exemplaires, devenant donc le disque le plus vendu en une journée au XXIe siècle. En deux jours, ils en sont à 305 000, soit  Le record précédent appartient au Be Here Now d’Oasis qui avait trouvé 350 000 preneurs en… 1997, soit bien avant ce que l’on appelle aujourd’hui la crise du disque. Sans compter que le quintette a écoulé 1,1 million de places de concert pour sa prochaine tournée estivale qui visitera les stades du pays, dont sept fois le mythique Wembley Stadium de Londres, et ce en une journée, mettant à mal tous les sites de vente en ligne ainsi qu’une partie du réseau téléphonique britannique.

Ces chiffres sont évidemment énormes dans le contexte actuel, largement supérieurs aux prédictions (le premier disquaire du pays, HMV tablait sur un premier jour à 150 000 ventes), mais pas si surprenants pour un marché britannique qui se porte bien mieux que le nôtre. Ou plutôt pour un marché où la population achète quasiment autant de disques qu’il y a dix ans. Le top 50 des ventes contient actuellement vingt albums vendus à plus de 200 000 exemplaires, dont quatre dépassent le million et demi. Cette semaine, le numéro un du top français (Florent Pagny) culmine à 24 864 ventes en première semaine alors que dans le même temps le disque le plus vendu outre-Manche (Susan Boyle) s’écoule à 102 993 exemplaires.

Les tops anglais risquent de subir un second assaut cette semaine, cette fois-ci de la part des ancêtres des Take That, un autre boyband (du calme, les puristes) qui a marqué l’histoire de la musique à une échelle bien plus importante encore. The Beatles, of course.

Après un buzz de près de 24 heures lancé par iTunes lundi, qui annonçait modestement que “demain est un autre jour, que vous n’oublierez jamais”, les fans des Fab Four peuvent se réjouir : le catalogue des Liverpudliens est désormais disponible sur le magasin en ligne de Steve Jobs.

C’est donc au terme d’années de bras de fer entre Apple Corps (l’éditeur du groupe) et Apple que seize albums des Beatles sont disponibles en téléchargement légal. Les prix sont sensiblement supérieurs à ceux pratiqués par la plate-forme pour les autres artistes, puisqu’un LP coûtera 12,99€ aux fans. Les titres à l’unité quant à eux sont proposés au même tarif que les nouveautés, soit 1,29€.

Si la présence d’un tel catalogue était évidemment indispensable chez le premier revendeur de musique en ligne, et son absence une absurdité autant commerciale qu’artistique, on imagine sans peine que les possesseurs des œuvres du groupe les ont numérisées depuis bien longtemps. Sauf qu’à peine trois heures après la mise à disposition des fichiers numériques, pas moins de cinq albums des Beatles se trouvaient dans le top 20 d’iTunes US. Combien d’entre eux seront classés dans les prochains charts anglais et américains ? On peut très bien imaginer le quartet de Liverpool squatter le top 10 anglais à la publication du prochain classement dimanche soir. Pour l’heure les quatre garçons dans le vent grimpent petit à petit dans le top album, prouvant que vieux ou neuf, les Anglais aiment ce qu’ils nomment leurs “national treasures”.

Quoiqu’il en soit, le classement de dimanche soir devrait marquer les annales.

Allez, parce que tout ça n’est finalement que de la musique pop, je vous laisse avec une bonne mise en abîme… (toujours pas de medley Take That par les Beatles, cela dit).

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Crédits photos : LDR / Loguy (clé)

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