OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 L’agence tous leaks http://owni.fr/2012/08/29/lagence-tous-leaks/ http://owni.fr/2012/08/29/lagence-tous-leaks/#comments Wed, 29 Aug 2012 16:49:26 +0000 Pierre Alonso http://owni.fr/?p=119045 "son propre média", selon la recette éprouvée de WikiLeaks.]]>

L’aventure de WikiLeaks se poursuit, et pas seulement avec les imbroglios judiciaires et diplomatiques de son fondateur Julian Assange. Des projets similaires se multiplient. L’année dernière était lancé Open Leaks par Daniel Domscheit-Berg, une ancienne figure de l’organisation de Julian Assange. Sans grands résultats à ce jour.

Anonymous dans le pré de WikiLeaks

Anonymous dans le pré de WikiLeaks

Des collectifs d'Anonymous aussi ont leur propre plateforme de diffusion d'informations confidentielles, leur WikiLeaks sauce ...

Des plateformes de recueil d’informations confidentielles ont été déclinées dans plusieurs pays (French Leaks, MagyarLeaks) et sur différents sujets (EnviroLeaks). La bannière Anonymous flotte même sur une autre déclinaison, Par:noia.

Lanceurs d’alerte

Des initiatives intéressantes qui n’ont pas satisfait Pedro Noel, un activiste brésilien venu du mouvement Occupy, et ancien de “WikiLeaks Central”. Il fait partie des fondateurs de l’Associated Whistleblowing Press (AWP), un collectif qui vient de lancer son site – whistle.is. Un projet ambitieux au nom évocateur : le nom de la célèbre agence américaine – Associated Press – est saupoudrée d’une composante de “lancement d’alerte” (whistleblowing en VO). AWP s’inspire des réussites comme des échecs de WikiLeaks, explique Pedro Noel, joint par chat :

Nous ne voulons pas être des rivaux de WikiLeaks. Nous sommes simplement plusieurs personnes à avoir quitté WikiLeaks Central pour lancer un autre projet, car c’est devenu un portail pour les médias très centré sur Assange et WikiLeaks.

AWP veut être son propre média. L’équipe est composée d’environ six éditeurs, dont les deux fondateurs, Pedro Noel donc, et Santiago Carrion. Le site est hébergé en Islande, un pays “qui se bat pour fournir aux éditeurs, journalistes et lanceurs d’alerte un cadre légal protecteur”. Au sein de AWP, les rôles tourneront. Pedro Noel est rédacteur en chef pour le moment, mais ne devrait pas le rester. Les décisions sont prises de façon concertée, en respect de la philosophie hacktiviste.

Le collectif veut englober toute la chaîne de diffusion d’informations confidentielles (les leaks). Depuis la récolte via une plateforme sécurisée jusqu’au traitement des données et leur publication. Une réaction aux “médias commerciaux” pour lesquels AWP affiche une forte défiance. Sur leur site, ils écrivent :

La censure est pratiquée de façon quotidienne dans les médias de masse – des informations cruciales sont négligées, l’apathie est encouragée. Tout est fait pour maintenir ou augmenter la puissance des propriétaires des médias ainsi que le milieu socio-économique auquel ils appartiennent. Est alors affectée la nature même du journalisme : fournir des informations impartiales, justes pour que les citoyens soient gouvernés correctement.

Les mots sont durs, mais dans les faits, AWP ne considère pas “les médias commerciaux” de façon indiscriminée. Plusieurs grands journaux européens ont été contactés pour établir des partenariats, encore à l’étude. Des raisons plus pragmatiques expliquent cette méfiance. Les fondateurs avouent avoir été déçus par le traitement des leaks, par les médias ou WikiLeaks, et par leur impact parfois limité.

“Les moyens actuels pour publier les données fuitées sont très inefficaces” déplorent-ils dans la présentation de leur site. “La diffusion d’informations confidentielles continue de dépendre des médias commerciaux pour combler le vide entre les données brutes et les véritables infos.”

“Aider les communautés”

L’ambition est de revenir à des niveaux plus modestes, ne pas forcément chercher à faire trembler la terre entière mais privilégier un impact plus local et plus direct. La plateforme sécurisée d’AWP se déclinera en plusieurs plateformes régionales, locales. “Il faut convaincre les gens de faire fuiter tout ce qui touche à la vie de la cité, public ou privé” détaille un journaliste intéressé par l’aventure.

Là encore point une distinction nette avec WikiLeaks : “C’est un problème que des organisations comme WikiLeaks soient très centrées sur le monde anglo-saxon et ne révèlent des informations que d’intérêt mondial et souvent en lien avec les États-Unis” explique Pedro Noel. “Nous voulons AIDER les communautés” assène-t-il.

Dans l’idéal, les plateformes locales permettront à des membres d’une mairie ou d’une entreprise, même petite, de transmettre en toute discrétion des documents que des journalistes du coin traiteront. Dans l’idéal seulement. Les éditeurs contrôlent les informations du début à la fin, et pourraient choisir d’en favoriser certaines. Le mélange des genres entre activistes, blogueurs et journalistes fait aussi craindre que AWP se transforme en un site militant, tout feu tout flamme. Un temps, l’équipe avait pensé au nom de domaine dénoncer.fr, avant qu’un membre français de l’équipe rappelle la forte charge symbolique du terme.


Illustration la galerie Flickr de Truthout [CC-byncsa]

Mise à jour, 30 août, à 16h : AWP a précisé qu’ils avaient des liens avec WikiLeaks Central, et non WikiLeaks.

]]>
http://owni.fr/2012/08/29/lagence-tous-leaks/feed/ 22
Assange interroge les révoltes arabes http://owni.fr/2012/05/08/assange-interroge-les-revoltes-arabes/ http://owni.fr/2012/05/08/assange-interroge-les-revoltes-arabes/#comments Tue, 08 May 2012 09:15:30 +0000 Pierre Alonso http://owni.fr/?p=109489

Nouvelle interview de Julian Assange sur RT, anciennement Russian TV, la télévision proche du Kremlin. Pour le quatrième épisode de “The World Tomorrow”, le fondateur de WikiLeaks a choisi d’interroger deux activistes arabes, l’Egyptien Alaa Abd El-Fattah et le Bahreïni Nabil Rajab.

Samedi, Nabil Rajab, régulièrement harcelé par les forces de sécurité, a été arrêté, probablement en raison de la diffusion aujourd’hui de son interview aujourd’hui a avancé WikiLeaks. L’organisation a décidé de la maintenir et d’en profiter pour attirer l’attention sur la répression des activistes au Bahreïn. L’organisation de Julian Assange proposait dès dimanche aux médias intéressés une transcription de l’interview, réalisée le 29 février.

La révolution en cours au Bahreïn

Après le chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah, pour la grande première, le conservateur américain David Horowitz et Slavoj Zizek pour le deuxième épisode, le président tunisien Monzef Marzouki pour le troisième, “The World Tomorrow” poursuit sa plongée dans le monde arabe.

À l’exemple tunisien, “sans doute le plus fructueux” dit Assange, s’oppose l’Égypte dont “le gouvernement n’est pas exactement tombé pour l’instant” commente l’activiste Alaa Abd El-Fattah. Et surtout le Bahreïn qui “n’est pas un échec” pour Nabil Rajab, car la révolution “y est encore en cours” :

Elle a un prix et nous devons payer ce prix. Le coût sera peut-être très élevé, nous avons déjà payé beaucoup mais nous voulons continuer afin d’obtenir les changements pour lesquels nous nous battons. (…) Beaucoup ont été tués comparé à la population du pays [Environ 1,2 million, NDLR], beaucoup plus qu’en Égypte ou en Tunisie. Le nombre de personnes emprisonnées aussi est bien plus élevé par rapport à la population. Des gens ont été renvoyés de leur travail, des gens ont été torturés systématiquement, des gens ont été tués, des mosquées détruites, des maisons mises à sac…

Dans ce panorama moyen-oriental, où Assange s’étonne d’entendre de la musique au début de l’interview réalisée par Skype – “l’appel à la prière” corrige Alaa Abd El-Fattah en direct du Caire – le fondateur de WikiLeaks interroge longuement ses deux invités sur leur passé, leur parcours de militant, mais aussi sur ses lubies : l’impérialisme américain et l’hacktivisme (et sa sainte trinité Facebook, Twitter, WikiLeaks ; Amen).

À propos de l’oncle Sam, Assange demande à ses invités s’ils sont d’accord avec les néo-conservateurs américains. L’invasion américaine en Irak fut-elle le printemps qui annonça neuf ans plus tard les révolutions arabes ? Non, répondent à l’unisson les deux activistes. Nabil Rajab :

Hé bien, c’est assez drôle. Les Américains n’étaient même pas préparés à ces révolutions en Tunisie et en Égypte. (…) Ils n’ont pas soutenu la révolution égyptienne de la même façon qu’ils ne l’avaient pas soutenue en Tunisie. Quand ils ont réalisé que c’était un fait, qu’elle allait se produire avec ou sans eux, ils ont été forcés de se positionner, au risque de faire de ces nouveaux gouvernements des ennemis dans le futur. (…) Ces régimes dictatoriaux répressifs ont été soutenus et renforcés toutes ces années par les Américains. Ils étaient leurs agents dans notre région. (…) Aujourd’hui, les Américains sont contre la démocratie au Bahreïn.

Même refus pour Alaa Abd El-Fattah, pour qui l’invasion américaine a pu jouer un rôle dans le déclenchement des révoltes arabes, mais pas dans le sens que Dick Cheney prétend :

[L'invasion américaine en Irak] a définitivement retiré la dernière once de légitimité aux régimes arabes qui n’ont pas réussi à protéger l’Irak.

Et de rappeler les manifestations en opposition à la guerre en 2003 au Caire, vivement réprimées, qui s’étaient retournées contre Moubarak, potentat jugé trop atlantiste.

Critique de l’impérialisme donc, mais aussi de théories plus ou moins étayées sur les véritables causes de ces révoltes. En creux, les deux activistes réfutent la thèse d’un soutien de Washington par fondations interposées, comme la National Endowment for Democracy (NED) qui a financé Canvas en Serbie, où avaient séjourné des membres d’un groupe d’activistes égyptiens quelques temps avant la révolution.

D’autant que le NED est soupçonné d’avoir également financé le Bahrain Centre for Human Rights auquel appartient Nabil Rajab. Lui dément avoir reçu le moindre dollar du gouvernement américain. En revanche, il reste plus évasif sur les dollars de la société civile, quel qu’en soit le pays d’origine et son circuit, fût-ce via d’éventuelles fondations destinées à leur ôter toute couleur politique.

Les récits des révolutions

Pour Washington et sa secrétaire d’État Hillary Clinton, les révolutions ont été victorieuses grâce “à deux grandes entreprises américaines, Twitter et Facebook” lance Julian Assange, cabotin, avant de partir d’un rire partagé avec ses invités. Une apostrophe certes, qui permet tout de même à l’activiste égyptien de développer sa pensée sur le rôle, tant commenté, des réseaux pendant la révolution.

La révolution se joue tant dans les rues que dans les récits qui en sont fait, explique-il. Dans cette concurrence des récits de la révolution, quelle est vraiment la place, si disputée, de la génération Facebook ? Il répond, lucide et introspectif :

Ces jeunes gens aisés de la classe moyenne, très éduqués, connectés à Internet, ont joué un rôle important dans la révolution et ils ont été, pour des raisons tout à fait tactiques, les symboles de la révolution. On avait besoin que le monde entier aime cette révolution égyptienne ! (…) Hillary Clinton ne défendait pas seulement les entreprises américaines, elle défendait un récit écrit pour arrêter la révolution, pour ne pas qu’elle aille plus loin que Moubarak. Mais Twitter et Facebook ont quand même été très utiles.

Le Bahreïn offre un autre visage de l’hacktivisme. Non seulement parce que le Bahreïn est “le pays le plus actif sur Twitter dans le monde arabe”, mais parce que le gouvernement aussi est l’un “des plus intelligents dans son utilisation” des réseaux sociaux détaille Nabil Rajab. Selon lui, le gouvernement emploie des entreprises de relations publiques pour gérer son image sur les réseaux et diffuser sa propagande. Des community managers de la famille régnante du Bahreïn, la famille Al-Khalifa, qui “créent une fausse opinion publique, la trompent, montrent une réalité différente de celle qui existe réellement dans le pays.”

Le gouvernement du Bahreïn a essayé d’apprendre et riposte en utilisant les mêmes outils.

Le cyberutopisme semble bien loin et le scepticisme d’Eygeny Morozov plus que jamais d’actualité : les hacktivistes utilisent les réseaux sociaux, les dictatures aussi. Pour diffuser de la propagande, pour surveiller la population comme les exemples libyen et syrien ont achevé de le démontrer. La répression existe, déplore Nabil Rajab, elle est terrible (“des activistes sur Twitter ont été emprisonnés, certains torturés à mort”) mais au moins, de plus en plus de personnes investissent les réseaux sociaux et Internet, même sa mère – et celle d’Assange s’empresse d’ajouter celui-ci.

Comme à son habitude, le fondateur de WikiLeaks a joué de sa proximité avec les activistes, en raison des ennuis judiciaires qu’il connaît.

Alaa Abd El-Fattah : Alors dans quel pays vas-tu être emprisonné ?

Assange : Hé bien, c’est une question intéressante… En ce moment, assigné à résidence au Royaume-Uni, peut-être un peu en prison ici aussi, peut-être emprisonné en Suède, et peut-être aux États-Unis. Et toi, Bahreïn ?

Nabil Rajab : Je peux vous proposer le Bahreïn.

]]>
http://owni.fr/2012/05/08/assange-interroge-les-revoltes-arabes/feed/ 8
Assange cause avec le chef du Hezbollah http://owni.fr/2012/04/17/assange-interviewe-le-chef-du-hezbollah/ http://owni.fr/2012/04/17/assange-interviewe-le-chef-du-hezbollah/#comments Tue, 17 Apr 2012 15:21:29 +0000 Pierre Alonso http://owni.fr/?p=106463

Pour sa première interview sur RT, le fondateur de WikiLeaks, Julian Assange, a choisi un invité inattendu : Hassan Nasrallah, le leader du Hezbollah, en visio-conférence depuis un endroit tenu secret au Liban (à son habitude). Aujourd’hui l’une des principales forces politiques libanaises, le “parti d’Allah”, chiite, est classé parmi les organisations terroristes de plusieurs pays occidentaux, mais pas dans l’Union européenne.

En guise de préambule et en forme de justification, Julian Assange a d’ailleurs précisé la participation du Hezbollah au gouvernement libanais actuel. Et en guise de conclusion, Assange a interrogé Nasrallah sur le combat contre les hégémons, à Washington ou dans les croyances religieuses.

Première interview depuis 2006

Depuis 2006 et le dernier conflit contre Israël, Nasrallah n’avait donné aucune interview et n’était apparu publiquement qu’à de rares occasions. Assange ne cache pas son enthousiasme de recevoir celui qu’il appelle à plusieurs reprises par son titre “seyyed” :

Il est l’une des personnalités les plus extraordinaires du Moyen-Orient. (…) Je veux savoir pourquoi il est qualifié de combattant de la liberté par des millions de personnes et en même temps de terroriste par des millions d’autres.

Interrogé sur la position du Hezbollah sur Israël, Nasrallah a rappelé que “l’occupation de la Palestine demeurait illégale” et que la seule issue est un État unique. “Le but [des attaques de roquettes] est de créer une sorte d’équilibre de la dissuasion pour éviter qu’Israël tue des civils libanais” a-t-il ajouté.

Hassan Nasrallah s’est aussi expliqué sur le contenu d’un télégramme diplomatique de l’ambassade américaine à Beyrouth rendu public par WikiLeaks. Le diplomate rapportait que Nasrallah était choqué par le comportement de certains membres du parti d’Allah, ce qu’il a contesté :

Ce qu’ils ont dit sur cette affaire est incorrecte. Ce sont des rumeurs qu’ils ont répandues pour discréditer le Hezbollah et altérer son image.

Hassan Nasrallah tente quand même de se justifier, en évoquant un phénomène très limité, lié aux changements de la structure militante du parti.

La faute de l’opposition syrienne

Sur la Syrie, fidèle allié du Hezbollah, Nasrallah a invoqué le principe de non-ingérence pour justifier son inaction :

Nous appelons au dialogue et aux réformes. L’alternative est de précipiter la Syrie dans la guerre civile et c’est précisément ce que veulent les États-Unis et Israël.

Pressé par Assange de préciser quand il comptait faire plus, Nasrallah a invoqué des tentatives de médiation passées, soulignant “que le Président Assad était très désireux de conduire des réformes radicales et importantes”. Et rejetant la faute sur une opposition qui “a rejeté le dialogue”, “n’était pas préparée à les accepter mais cherchait simplement à obtenir le renversement du régime. C’est ça le problème.”

Pour enfoncer le clou, Nasrallah a affirmé que “les groupes armés syriens ont aussi tué de nombreux civils” et reçoivent le soutien financier et des livraisons d’armes de “pays arabes et pays non-arabes”.

Le fondateur de WikiLeaks a poursuivi sur ses sujets fétiches : la liberté d’expression bafouée aux Etats-Unis et la sécurité informatique. Nasrallah a raconté comment “la simplicité peut vaincre la complexité” ou comment l’argot des villages utilisés par les militants se révèle être le meilleur chiffrement, mais “ça ne sera pas d’une grande aide pour WikiLeaks” a-t-il conclu dans un éclat de rire complice partagé par Assange.

La vidéo, mise en ligne sur la page d’Assange sur RT, est proposée au format payant sur YouTube. Le transcript de la conversation est lui disponible sur le site de la boite de production londonienne, Journeyman Pictures.


Illustration : capture d’écran de la vidéo sur assange.rt.com

]]>
http://owni.fr/2012/04/17/assange-interviewe-le-chef-du-hezbollah/feed/ 5
WikiLeaks & associés http://owni.fr/2012/03/02/wikileaks-anonymous-gi-files/ http://owni.fr/2012/03/02/wikileaks-anonymous-gi-files/#comments Fri, 02 Mar 2012 17:46:10 +0000 Aidan MacGuill http://owni.fr/?p=100305

Les dernières publications de WikiLeaks, plus de cinq millions d’e-mails dérobés sur les serveurs de l’entreprise de renseignement privé Stratfor, marquent un nouveau départ pour l’organisation d’activistes de la transparence. WikiLeaks est resté bouche cousue sur la manière dont cette énorme quantité de documents a été obtenue. Un indice, néanmoins : des hackers agissant sous la bannière des Anonymous ont revendiqué l’infiltration des serveurs de Stratfor en décembre 2011.

Plus précisément, l’opération a été menée par le groupe Antisec, une sous-section d’Anonymous qui s’est spécialisée dans ce genre de piratage et dans les attaques par déni de service (DDOS). Dans le cadre de l’opération LulzXmas (Lulz renvoie à un rire grinçant et Xmas à Noël, NDLR), Antisec avait déjà publié des informations personnelles sur les clients de Stratfor. Des numéros de cartes de crédit avaient aussi été utilisés pour faire des dons à des organisation de bienfaisance. L’opération s’était achevée sur la publication de cinq millions d’e-mails, les mêmes que ceux publiés par WikiLeaks depuis lundi.

Insomnies

Sur Twitter, des comptes liés aux Anonymous ont publié des déclarations confirmant le don de ces e-mails à WikiLeaks :

Pour clarifier auprès des journalistes – OUI, #Anonymous a donné à WikiLeaks les e-mails obtenus lors du piratage LulzXmas en 2011. #GIFiles [Le hashtag correspondant à la dernière opération de WikiLeaks, NDLR]

Selon le magazine américain Wired, ce tweet codé de WikiLeaks, publié dans les jours suivant le piratage de Stratfor, servait à confirmer la bonne réception des e-mails :

Rats for donavon.

La collaboration entre les hackers d’Antisec et WikiLeaks est sans précédent et elle débouchera très probablement sur quelques insomnies pour les experts en sécurité des États ou des entreprises dans les semaines à venir. Elle pourrait aussi annoncer un nouvel afflux d’information pour une organisation au bord de la mise à mort depuis quelques temps.

WikiLeaks déshabille Stratfor

WikiLeaks déshabille Stratfor

En partenariat avec WikiLeaks, OWNI met en évidence le fonctionnement de l'un des leaders du renseignement privé, ...

Blocage financier

Depuis plusieurs mois, WikiLeaks annonçait la mise en place à venir d’un nouveau portail d’envoi de documents. Qui ne s’est toujours pas matérialisé. Car ce qui reste des forces vives de l’organisation est surtout occupé à lever des fonds et résoudre les problèmes légaux rencontrés par Julian Assange. Les médias se font d’ailleurs l’écho de guéguerres internes et du style de management erratique d’Assange. A l’inverse, le blocage financier exercé par PayPal ou Amazon contre WikiLeaks a souvent été passé sous silence, alors même que les entreprises auraient subi des pressions du gouvernement américain au lendemain du Cablegate.

Yochai Benkler, chercheur en Entrepreneurial Legal Studies à la faculté de droit de Harvard, fait le lien entre ce blocage et les dispositifs prévus par les projets de loi SOPA et PIPA. Si ces mesures étaient entérinées, elles permettraient au gouvernement américain de contourner les contraintes légales habituelles en exerçant une pression directement sur les fournisseurs d’accès à Internet pour qu’ils ne travaillent pas avec certains sites. Dont WikiLeaks.

La nouveauté de ce type d’attaque réside dans le choix de la cible : un site entier, et non des contenus spécifiques. En plus de viser les systèmes techniques, ce nouveau mode opératoire utilise les leviers financiers et commerciaux et se positionne hors du champ légal pour obtenir des résultats que la loi ne n’autoriserait pas.

Il reste que l’expérience de WikiLeaks dans la manipulation et la diffusion d’informations sensibles n’est plus à prouver, en témoigne la dernière opération secrète pour rendre publique les e-mails de Stratfor. Une opération qu’OWNI, comme les 25 autres partenaires médias, a pu suivre de près. Le groupe de hackers Antisec peut certes accéder à d’immenses quantités de données secrètes, matière première de toute organisation médiatique respectable. Mais WikiLeaks est parvenu à coordonner une équipe internationale de journalistes pour justement exploiter ces données, les analyser et les vérifier. WikiLeaks sert donc aussi de tampon, tant moral que légal.

L’attention du grand public a été attirée sur la marque Anonymous quand ses membres ont attaqué les sites de MasterCard, Visa et PayPal, en représailles des sanctions financières décrétées unilatéralement contre WikiLeaks.

Hackers très qualifiés

Pour soutenir des revendications très variées, Anonymous peut faire appel à des hackers qualifiés partout dans le monde. Et nombreux sont ceux qui s’identifient à la cause de la transparence des données, justement défendue par WikiLeaks. Mais Anonymous manque d’expérience dans la diffusion d’informations secrètes. De grandes erreurs ont été commises par le passé, comme avec l’opération DarkNet, visant à mettre au jour les réseaux pédophiles du web. Le résultat de ces publications massives a bien souvent été préjudiciable sur des affaires que les autorités suivaient depuis des mois.

Néanmoins, quelques figures proéminentes des Anonymous, comme le hacker Sabu, ont commencé à demander ouvertement que les futurs documents leur soient adressés directement pour les publier eux-mêmes :

Si vous avez des données à publier (fuites importantes, codes sources, documents en cache, etc.), faites signe à @anonymouStun.

[MàJ] Sur les traces de Lulz Security, les hackers invisibles

[MàJ] Sur les traces de Lulz Security, les hackers invisibles

Mais qui est donc LulzSec, ce mystérieux groupe de hackers qui attaque tout ce qui bouge depuis un mois? OWNI est parti à ...

Une contradiction insoluble demeure, cependant. D’un côté, les membres d’Anonymous et WikiLeaks cherchent à ouvrir toujours plus les gouvernements et les entreprises par tous les moyens nécessaires. De l’autre, ils s’indignent lorsque ces mêmes gouvernements et entreprises empiètent sur les droits à la vie privée des citoyens lambda.

Impératif moral

L’examen de conscience reviendra sans doute aux partenaires médias que WikiLeaks invitera lors des prochaines publications. Les Anonymous désireux de commettre autant de piratages que possible ne sont pas prêts de manquer à l’appel. WikiLeaks conserve une croyance ferme en un impératif moral qui justifie la publication de toute information pouvant mettre en lumière ou en difficulté le pouvoir. Beaucoup se sont interrogés sur la valeur des informations de Stratfor rendues publiques. Car la publication de documents dérobés à une entreprise pose de sérieuses questions de morale – même s’il ne s’agit pas d’une entreprise financée par des fonds publics.

Il est pourtant difficile d’avoir de la sympathie pour Stratfor : les e-mails publiés montrent que l’entreprise utilisait elle-même des informations rendues publiques par LulzSec et WikiLeaks pour rédiger leurs rapports, vendus ensuite à prix d’or à leurs clients. Dans un autre e-mail, un analyste de Stratfor évoque les “compétences de hacking assez remarquables” des Anonymous, tout en se demandant si les hactivistes se donneraient un jour la mission de “coordonner une attaque visant à voler du renseignement par exemple”.

Dans les semaines et mois à venir, le niveau de coordination et les compétences en hacking d’Antisec pourraient se préciser, en évoluant peut-être vers une cible plus substantielle qu’une entreprise de renseignement privé qui a tout intérêt à exagérer son accès supposés aux couloirs noirs du pouvoir. Il fait peu de doutes que le résultat de cette opération sera communiqué à WikiLeaks et ses partenaires médias.


Article paru en anglais sur OWNI.eu sous le titre : What’s to Come From an Anonymous-WikiLeaks Partnership?
Traduction par Pierre Alonso pour OWNI
Illustrations FlickR [CC-by] Abode of Chaos

]]>
http://owni.fr/2012/03/02/wikileaks-anonymous-gi-files/feed/ 20
Fuites d’argent contre WikiLeaks http://owni.fr/2012/02/27/fuites-dargent-contre-wikileaks/ http://owni.fr/2012/02/27/fuites-dargent-contre-wikileaks/#comments Mon, 27 Feb 2012 02:33:08 +0000 Guillaume Dasquié http://owni.fr/?p=99808

Un constat. Les chasseurs de vérités (au pluriel parce que la vérité est plurielle) terminent rarement leur parcours fortune faite. L’argent qu’on leur confie reste un moyen pour s’engager dans les chemins qu’ils empruntent. Rien qui ne représente un but. Juste une ressource, parmi d’autres, pour mener à bien leur quête au jour le jour.

C’est leur fragilité essentielle, systémique. Car les institutions qu’ils combattent perçoivent ce vecteur financier comme l’instrument permettant de les ralentir, de les embarrasser au moins, fût-ce en les contraignant, épisodiquement, à parler autant de leurs difficultés matérielles que des vérités mises à jour. WikiLeaks n’échappe pas à la règle.

Internet massivement surveillé

Internet massivement surveillé

En partenariat avec WikiLeaks, OWNI révèle l'existence d'un nouveau marché des interceptions massives, permettant ...

C’est la raison pour laquelle nous avons décidé de soutenir la campagne appelant à effectuer des dons à son profit. Ces dernières années, grâce à ces soutiens, WikiLeaks a déjà apporté une contribution décisive aux relations longtemps déséquilibrées entre les citoyens et les États sur les questions d’intérêt général – sur la guerre en Irak, la guerre en Afghanistan, sur l’impact de la diplomatie américaine sur les affaires du monde, ou encore sur les technologies de surveillance massive des communications.

Autant de sujets majeurs dont la remise à plat a conduit de puissants intérêts à tout entreprendre pour faire taire l’organisation et la décrédibiliser. Ainsi, depuis le mois de décembre 2010, les fonds destinés à faire fonctionner WikiLeaks ont été bloqués à l’initiative d’établissements financiers de nationalité américaine qui par ailleurs assurent une large partie des transactions financières à travers le monde.

Soit les entreprises Visa, Mastercard, PayPal, Western Union et Bank of America. Lesquelles ont délibérément bloqué l’argent de WikiLeaks transitant par leur système, sans qu’aucune décision de justice ne le leur permette, au plan du droit.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Débats

Reconnaître ces réalités, reconnaître l’apport de WikiLeaks dans la vie de la cité, et la soutenir même modestement, n’implique pas d’évacuer tous les débats sur son fonctionnement et sa gestion, sur les trajectoires de ses membres ou sur les relations qu’elle noue à travers le monde.

C’est seulement admettre l’utilité d’une telle organisation non-gouvernementale au sortir d’une longue période où une partie de la presse se cantonnait à défendre un parti pris politique et moral ou à défendre le parti pris de ses annonceurs ; plutôt que d’amener le monde à se regarder dans un miroir, sans opinion à imposer.

Dans une société de l’information devenue une société de com’, où s’exprime plus que jamais la nécessité d’ouvrir des données dans leur globalité, WikiLeaks a permis de penser que ce projet d’open data pourrait au moins partiellement s’étendre aux sujets d’ordinaire couverts par la raison d’État. Pour que des intérêts partisans peu compatibles avec l’intérêt général cessent de se dissimuler derrière cette raison-là.


Illustration par Loguy pour Owni /-)

]]>
http://owni.fr/2012/02/27/fuites-dargent-contre-wikileaks/feed/ 4
Les confusions d’un dissident de WikiLeaks http://owni.fr/2011/08/23/les-confusions-dun-dissident-de-wikileaks/ http://owni.fr/2011/08/23/les-confusions-dun-dissident-de-wikileaks/#comments Tue, 23 Aug 2011 15:48:53 +0000 Olivier Tesquet http://owni.fr/?p=76747 La guerre est déclarée. Après plusieurs mois d’une médiation impossible, WikiLeaks a décidé de solder le passif avec Daniel Domscheit-Berg, l’ancien porte-parole de l’organisation. En l’espace de quelques jours, les observateurs attentifs du site le plus célèbre de l’année 2010 ont compris pourquoi celui-ci avait subitement ralenti son activité et retardait l’échéance de son prochain coup d’éclat: DDB, comme on l’appelle désormais, a détruit 3 500 documents confidentiels transmis par des sources anonymes. “Pour [les] protéger”, selon lui. Joint au téléphone, l’activiste allemand revendique son acte et explique son geste pour la première fois lors d’un entretien réalisé ce mardi par OWNI :

J’ai détruit ma copie de 3500 documents transmis à WikiLeaks entre janvier et septembre 2010. De ce que j’ai vu, seuls 10 à 20% des documents étaient dignes d’intérêt. Les plus significatifs ont été extraits et publiés par WikiLeaks en 2010. Ce qu’il restait, je l’ai détruit.

Sur les raisons d’un tel comportement, Domscheit-Berg reste évasif:

Nous avons décidé de détruire ces données quand nous avons réalisé que l’ensemble des télégrammes (du Cablegate, initié en novembre 2010, ndlr) avaient été dispersés dans la nature, par ignorance et négligence. C’est la publication la plus irresponsable que je connaisse, et si c’était le seul fruit d’une erreur évitable, mes doutes auraient pu être dissipés.

Parmi les informations perdues figureraient la liste complète des personnes interdites de vol aux Etats-Unis, des dizaines de milliers d’emails du parti national-démocrate allemand, la composition de 20 groupuscules néo-nazis. Et surtout, 5 gigabits de données relatives à Bank of America, une fuite promise de longue date par Assange. Mais pour Domscheit-Berg :

Il n’y a jamais eu de documents sur la Bank of America dans ceux que j’avais. Si vous regardez de près, vous verrez que Julian avait annoncé la publication de ces informations dès le mois d’octobre 2009. Il a renouvelé sa promesse, avant de déclarer récemment qu’il ne pouvait pas l’honorer parce qu’il était soumis au chantage de la banque. Aujourd’hui, il dit que j’ai effacé les données, ça ne colle pas. Encore une fois, les documents s’étalaient sur la période de janvier à septembre 2010, pas avant.

La bataille de Finowfurt

Pour comprendre ce règlement de comptes interne à WikiLeaks, il faut remonter au 10 août dernier. Ce jour-là, à 70 kilomètres de Berlin, dans le cadre du Chaos Communication Camp, le plus grand rassemblement européen de hackers, Daniel Domscheit-Berg présente OpenLeaks, concurrent déclaré de WikiLeaks. Pour la première fois depuis la sortie de son livre très critique à l’encontre d’Assange, l’ancien porte-parole vient défendre son projet alternatif devant un parterre de camarades pas toujours acquis à sa cause.

Julian Assange et Daniel Domscheit-Berg, quand tout allait bien

Au mois de décembre dernier, Domscheit-Berg nous présentait son prétendu robinet à fuites, encore à l’état de projet huit mois plus tard. Echaudés par ces lenteurs, les participants l’interrogent sur la fiabilité de son site. DDB leur propose d’éprouver la solidité de la structure pendant les cinq jours de l’événement. Dans une interview à l’hebdomadaire allemand Der Freitag, il affirme alors ne rien avoir emporté lors de son départ de WikiLeaks. “Nous n’avons pas un trésor de guerre dans lequel nous pouvons piocher”, soutient-il. Si la première assertion est fausse, on sait désormais que la seconde est vraie, par la force des choses.

L’initiative d’OpenLeaks est très mal perçue et déclenche la colère du Chaos Computer Club, la prestigieuse organisation de hackers allemands, dont fait partie Domscheit-Berg. Dans les colonnes du Spiegel, Andy Müller-Maguhn, le porte-parole du CCC, exprime même des doutes sur l’honnêteté de son encombrant sociétaire, “flexible avec les faits”. Il révèle en outre qu’il a joué les intermédiaires entre Assange et DDB pendant 11 mois pour essayer de sauver les documents. En vain. Quelques heures plus tard, Domscheit-Berg est exclu du CCC.

Aujourd’hui, il explique que c’est l’empressement de la médiation qui aurait précipité la destruction des documents :

Nous avons décidé que les effacer était la solution la plus sûre. Je ne compromettrai pas la sécurité d’une source pour l’intérêt d’un individu ou d’un projet. La protection des sources est prioritaire, et ça ne changera jamais. WikiLeaks n’a jamais daigné traiter avec moi directement, et j’avais fait savoir à Andy à de multiples reprises que je ne souhaitais pas discuter avec lui.

“Je n’ai jamais eu accès qu’au serveur d’emails”

Alors que la rumeur enfle en même temps que les campeurs du CCCamp rentrent chez eux, WikiLeaks décide de faire publiquement pression sur son ancien collaborateur par le truchement de son compte Twitter. “DDB crache sur tous les informateurs courageux qui font fuiter des informations s’il détruit les clés et refuse de les rendre. C’est inacceptable” :

Deux jours plus tard, Julian Assange publie un communiqué pour attester de la disparition de milliers de documents envoyés à sa plateforme. Pire, il accuse DDB de discuter avec le FBI et d’être sous l’influence de sa femme, Anke, en charge des questions d’open data chez Microsoft. Sur ces points, Domscheit-Berg refuse de s’exprimer, se contentant d’affirmer qu’il s’agit de “la chose la plus stupide qu’il ait jamais entendu”.

Le néo-dissident nie également avoir claqué la porte en emportant les clés :

En septembre dernier, quand moi et d’autres avons décidé de partir, nous avons également arrêté de financer certains serveurs. A titre personnel, j’en payais quatre. L’un d’entre eux contenait des documents à transmettre. Julian n’y a pas consacré une seule minute, et nous les avons pris parce que personne n’était capable de nous dire où les stocker.

Quant à la jachère de WikiLeaks, déjà bien ankylosé par la procédure judiciaire qui pèse sur Julian Assange (son affaire de mœurs en Suède), DDB l’impute avant tout à une mauvaise gestion :

Je n’ai jamais eu accès qu’au serveur d’emails. Je n’ai jamais rien manipulé, et la seule raison pour laquelle WikiLeaks est défaillant aujourd’hui n’a rien à voir avec moi. C’est le résultat de la paranoïa et d’une incompétence technique.

Sur son blog 21st Century Samizdat, une blogueuse australienne s’interroge sur l’opportunité de l’acrobatie de Domscheit-Berg. “Détruire des documents quand vous êtes un activiste de la transparence n’est pas très bon en termes de relations publiques”, écrit-elle. OpenLeaks, qui prétend avoir appris des erreurs de son aîné, s’efforce également de soigner son image. Mais pour beaucoup de militants de cet écosystème open source, l’effet de cette initiative un peu folle n’est pas vertueux. Il est désastreux.


Retrouvez tout notre traitement éditorial sur WikiLeaks, notre page wikileaks.owni.fr ainsi que l’ebook d’Olivier Tesquet, La véritable histoire de WikiLeaks

Crédits photo: Flickr CC andygee1, re:publica 11

]]>
http://owni.fr/2011/08/23/les-confusions-dun-dissident-de-wikileaks/feed/ 21
“La véritable histoire de WikiLeaks”, 1er eBook d’OWNI http://owni.fr/2011/06/07/bonnes-feuilles-ebook-comprendre-wikileaks-tesquet/ http://owni.fr/2011/06/07/bonnes-feuilles-ebook-comprendre-wikileaks-tesquet/#comments Tue, 07 Jun 2011 08:50:40 +0000 Admin http://owni.fr/?p=66254 Retrouvez Olivier Tesquet, l’auteur de l’ebook, en chat, mardi 7 juin à partir de 16h, ainsi que notre premier ebook sur OWNIshop !


Découpé en neuf chapitres, La véritable histoire de WikiLeaks essaie de répondre aux questions les plus régulièrement posées:

  • Comment fonctionne le site?
  • Quelle valeur ajoutée apportent les informations qu’il publie?
  • Comment les médias s’adaptent-ils au nouvel écosystème de l’information institué par l’organisation?

Ce court (50 pages) ouvrage pédagogique s’attache aussi à élucider des points plus rarement soulevés. Retrouvez-en ici quelques bonnes feuilles, issue de la partie traitant de l’idéologie derrière WikiLeaks.

Quelle idéologie pour WikiLeaks?

Dans le discours de Julian Assange, deux expressions reviennent inlassablement, quel que soit l’interlocuteur et quel que soit le sujet: “Maximiser l’impact”, et “obliger les gouvernements à être transparents” pour que l’exercice de la démocratie puisse se dérouler en place publique. Ses détracteurs n’ont pas manqué de le souligner, ces deux positions peuvent rapidement devenir antinomiques. Maximiser l’impact, cela veut dire qu’on garde la main sur l’agenda, pour influer directement sur le cours des événements, ce qui place d’emblée WikiLeaks dans une position d’éditeur actif, plus de récipiendaire passif.

Tantôt présenté comme un crypto-marxiste voire un anarchiste, Assange est un personnage difficile à cerner sur le plan politique, et il n’est pas toujours évident de placer WikiLeaks dans un courant de pensée. S’il jouit d’une popularité importante parmi les gens “de gauche” qui se reconnaissent dans son combat, il bénéficie d’appuis importants chez la droite libertarienne, qui voit l’Etat comme une structure coercitive. C’est d’ailleurs dans cette catégorie qu’il faut ranger son mécène Vaughan Smith, ancien journaliste et fondateur du Frontline Club, qui héberge Assange dans son manoir du Suffolk depuis que celui-ci est assigné à résidence.

Le passé a montré que des informateurs pouvaient avoir un impact véritable sur la vie des nations. Les Pentagon Papers de l’ancien analyste de la RAND Daniel Ellsberg (l’aïeul avoué d’Assange) publiés en 1971 et consignant 7 000 pages secret-défense sur le rôle des Etats-Unis au Vietnam, ont été la première “affaire” de la presse américaine moderne, précédant le Watergate. Mais l’histoire récente a également montré que les whistleblowers (littéralement les “lanceurs d’alerte”) pouvaient s’inscrire dans un intérêt public largement reconnu par les autorités. C’est notamment le cas de l’affaire Enron. En 2002, Sherron Watkins, ancienne dirigeante de la société texane, contribua largement à révéler les fraudes massives de son entreprise, qui précipitèrent sa faillite. A ce titre, elle reçut la distinction de “personne de l’année” pour le magazine TIME, aux côtés d’enquêteurs du FBI, sous la dénomination “The Whistleblowers”, précisément. Au-delà de l’anecdote, cet épisode vient rappeler que le statut de “lanceur d’alerte” est reconnu par la législation américaine, et qu’il est même protégé depuis 150 ans, et le False Claims Act, voté en 1863.

L’histoire de WikiLeaks en une infographie

L’infographie ci-dessous compare la notoriété de WikiLeaks en fonction de ses fuites. Karen Bastien, qui a participé à la réalisation de cette visualisation, explique la méthodologie:

“A la lecture de l’ouvrage [d'Olivier], l’une des choses qui m’a marquée est cette volonté constante de Julian Assange de défier les médias. Comme tu l’écris de ne pas être “une simple source”, mais “un véritable acteur de la presse d’informations”. De là est née l’idée de comparer l’audience, la notoriété de WikiLeaks et son impact sur la scène internationale. S’il n’est pas seulement un tuyau, mais un acteur de la scène médiatique, alors voyons comment WikiLeaks influence nos sociétés.

Pour cela, un outil assez simple, mais efficace : Google Insights ou “Tendances des recherches”, qui indique la quantité de recherches ayant été effectuées pour un terme donné, par rapport au nombre total de recherches effectuées sur Google au cours de la même période. Un très bon indicateur de la notoriété d’une entité. Nous avons effectué une recherche sur le mot WikiLeaks, sur toute région du monde, entre décembre 2006 (date de la première fuite) et 2011. Le relevé effectué, semaine après semaine, a servi de base pour l’échelle de la timeline et nous l’avons ensuite mise en regard des différentes fuites de WikiLeaks.”

Ce livre peut également être lu sur du vrai papier, sous le titre “Comprendre WikiLeaks”, d’Olivier Tesquet et Aleksi Cavaillez, éditions Max Milo.


Crédits photo: Flickr CC mataparda

Infographies: Karen Bastien et François Prosper pour OWNI.

]]>
http://owni.fr/2011/06/07/bonnes-feuilles-ebook-comprendre-wikileaks-tesquet/feed/ 6
Chat avec Olivier Tesquet, auteur de “La véritable histoire de Wikileaks” http://owni.fr/2011/06/07/chat-avec-olivier-tesquet-auteur-de-la-veritable-histoire-de-wikileaks/ http://owni.fr/2011/06/07/chat-avec-olivier-tesquet-auteur-de-la-veritable-histoire-de-wikileaks/#comments Tue, 07 Jun 2011 08:40:10 +0000 Admin http://owni.fr/?p=65875 N’hésitez pas à poser vos questions à Olivier Tesquet, auteur de “La véritable histoire de Wikileaks”, via Cover It Live, Facebook ou encore le PiratePad (s’il n’est pas surchargé), il y répondra en direct ce mardi à 16h…:

]]>
http://owni.fr/2011/06/07/chat-avec-olivier-tesquet-auteur-de-la-veritable-histoire-de-wikileaks/feed/ 1
Eloge de la fuite http://owni.fr/2011/03/30/eloge-de-la-fuite/ http://owni.fr/2011/03/30/eloge-de-la-fuite/#comments Wed, 30 Mar 2011 08:07:28 +0000 Frank Furedi http://owni.fr/?p=52990
Article initialement publié sur Owni.eu, Frank Furedi on the cult of leaking

Depuis quelques temps, la vie publique en occident souffre d’un syndrome psycho-culturel bien curieux. Les principaux symptômes de ce trouble sont la perte de confiance en notre capacité à connaître et à donner du sens à certaines expériences humaines. En dépit de la rhétorique à propos de « l’ère de la connaissance », il y a aujourd’hui une puissante tendance à minimiser ce qui est connu par rapport à l’idée que « ce que nous ne savons pas » serait plus important pour déterminer notre avenir.

Les gens sont souvent amenés à croire que les événements clés, notamment ceux qui n’ont pas été anticipés, sont le fruit de projets tenus secrets. L’idée que notre destin est guidé par la manipulation organisée de forces malveillantes est continuellement répandue par la culture populaire et les médias. La perte de croyance en la capacité des gens à maîtriser leur vie, couplée à une diminution du degré d’autorité de la connaissance, ont renforcé le sentiment que ce que nous ne pouvons pas voir est plus important que le reste.

Voir ne veut plus dire croire. Que vous écoutiez les observateurs publics ou que vous regardiez les séries télévisées, il est tentant de conclure qu’il y a deux mondes qui co-existent aujourd’hui : le monde des apparences, et celui de l’ombre, monde caché où toutes les décisions importantes sont prises. Et ce n’est plus seulement une poignée de conspirateurs fantaisistes qui croient à la théorie du complot. Au contraire, c’est même l’ancien secrétaire américain de la Défense, Donald Rumsfeld, qui a apporté le concept « d’inconnus non connus » (unknown unknowns en anglais) à l’attention du public.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Son argument pour envahir l’Irak était fondé sur le principe simple selon lequel il n’était pas important de prouver l’existence du prétendu programme d’armes de destruction massives de Saddam Hussein, et que « l’absence de preuves ne constitue pas une preuve ». Plutôt que de s’intéresser à ce qui était connu, il était davantage préoccupé par les « inconnus non connus », ces menaces dont nous ne savions même pas qu’elles étaient inconnues.

Du point de vue conspirationniste, ces mots font sens. Une fois que l’imagination est concentrée sur les zones d’ombre, le simple fait que les inspecteurs de l’ONU n’aient pu trouver des armes de destruction massive peut être interprété comme l’existence d’une menace dangereuse. L’absence de preuves peut ainsi servir de preuve indirecte que Saddam était un acteur tellement subtil qu’il pouvait même tromper les inspecteurs.

L’obsession de Rumsfeld pour ce que nous ne pouvons pas voir ni savoir a aussi été adopté avec ferveur par ses opposants politiques, bon nombre d’entre eux croient qu’un complot néoconservateur ou néolibéral contrôle littéralement tout sur la planète. Si une personne peut représenter au mieux cette pensée conspirationniste, c’est bien Julian Assange de WikiLeaks. Dans un article intitulé La conspiration comme gouvernance [PDF en anglais] publié en décembre 2006, il décrivait un monde dominé par la machination conspiratrice d’un réseau de gouvernements autoritaires.

Assange croit que les comportements conspirationnistes sont la cause de tout ce qui est mauvais dans ce monde

Assange écrit : « lorsque les détails du fonctionnement interne des régimes autoritaires sont connus, on voit les interactions entre les conspirateurs des élites politiques, et pas simplement en conséquence des privilèges liés au régime, mais comme une méthodologie de planification de premier choix. » Il prétend que « l’information circule de conspirateurs à conspirateurs », ajoutant que « tous les conspirateurs ne connaissent pas tous les autres, même s’ils sont connectés ». Ce qui est intéressant dans l’argument d’Assange, c’est que le « comportement conspirationniste » est présenté comme une forme d’action qui n’est pas nécessairement attachée à un ordre du jour, un objectif ou un intérêt en particulier. Cela fonctionne simplement comme un impératif interne au système, selon la propre logique de celui-ci. Presque comme si la conspiration existait de manière omniprésente, libre, indépendamment des intentions des conspirateurs eux-mêmes.

De ce point de vue, le comportement du complot devient la cause de tout ce qui est mal dans ce monde. Le fait qu’Assange puisse désormais nonchalamment prétendre que le comportement de ses anciens amis et collaborateurs du journal britannique The Guardian appartienne à un complot juif, comme l’a récemment révélé Private Eye est assez anecdotique dans sa vision du monde. Il se trouve juste que le filon des histoires de peurs anti-juives est accessible de tout ceux qui ont des perspectives conspirationnistes, et que les théories conspirationnistes sont presque spontanément attirées vers la recherche des connexions au sein des pouvoirs qui existent.

La théorie d’Assange est basée sur l’idée que tant que les divers réseaux de conspirateurs seront libres de comploter derrière le rideau, leur domination du monde continuera. Ainsi, exposer leurs activités néfastes sous les lumières des projecteurs est comme un souffle de liberté, puisqu’il diminue « le flux de communications importantes entre les conspirateurs autoritaires » et affaiblit leur emprise sur la société. Par conséquent, selon Assange et ses acolytes, les fuites d’informations en soi représentent un acte de libération, une sorte d’équivalent moral aux révolutions démocratiques des XIXe et XXe siècles. L’objectif n’est pas d’organiser des fuites d’échanges conspirateurs en particulier, mais plutôt d’éliminer la capacité d’échanger des confidences privées. En résumé, un régime de transparence totale – l’érosion de la ligne de séparation entre la vie publique et la vie privée – représente une alternative positive à l’ordre mondial actuel.

D’un point de vue sociologique, ce qui est le plus fascinant à propos du concept de « conspiration comme une gouvernance », cher à Assange, n’est pas la simplicité ou la superficialité de sa vision de comment marche le monde, mais plutôt que sa posture infantile soit prise si au sérieux par les institutions et les personnes influentes. La célébration médiatique et l’éloge de WikiLeaks révèle que les méthodes d’Assange et ses idées – si ce n’est son entière théorie – sont soutenues par des secteurs significatifs de l’élite culturel occidentale. WikiLeaks a remporté plusieurs récompenses de la part de The Economist en 2008, et d’Amnesty International en 2009. Quelques uns des journaux les plus influents comme le New York Times, Le Monde et The Guardian ont travaillé en étroite collaboration avec WikiLeaks. L’année dernière, Assange est arrivé en tête du sondage du Time Magazine pour élire la personnalité de l’année.

L’acclamation de WikiLeaks par une partie des médias révèle l’influence grandissante de la pensée conspirationniste des journalistes. De nombreux journalistes ont internalisé l’idée selon laquelle ce qui importe aujourd’hui n’est pas l’histoire, mais l’histoire derrière l’histoire. Le déclin de l’autorité de la connaissance nous a menés dans une situation où les journalistes voient maintenant les fuites comme la « vérité vraie ». De nombreux journalistes sont plus à l’aise à expliquer un événement en le réduisant à un complot secret plutôt que de fournir une analyse des causes sociales et politiques d’une chaîne d’événements.

Alors pourquoi la théorie du complot dominateur, et la pratique du fuitage a-t-elle gagné une telle faveur parmi des personnes ayant par ailleurs des opinions politiques divergentes ?

La normalisation de la rupture de confiance

Le fuitage, ou la révélation d’informations confidentielles, a longtemps été perçu comme un acte de déloyauté, d’irresponsabilité, voire de traitrise. Toutefois, depuis la fin des années 70, c’est le secret, la confidentialité et la vie privée qui ont été de plus en plus stigmatisés. En fait, ce qui était autrefois fustigé comme un acte de traitrise – le fuitage – a été promu en un acte héroique d’un dénonciateur courageux. En Grande Bretagne, dans les années 80, il y eu un flot de fuites, le fuitage était devenu une routine de la vie politique. Parmi les exemples frappants, il y eu notamment les cas de Sarah Tisdall et de Clive Ponting, dans lesquels les deux fonctionnaires ont cherché à justifier le fuitage d’informations officielles sur le motif de l’intérêt public. Bien que Tisdall ait été reconnu coupable d’un crime devant la cour de justice (Ponting a été acquitté), les deux ont été traités comme des héros qui s‘étaient dressés pour rétablir la justice et la responsabilité publique. À partir de là, la dénonciation est devenue routinière.

Et le fuitage ne se limite pas à des causes d’activistes. Des figures de l’establishment britannique utilisent maintenant des fuites non reconnues pour tenter de jeter le discrédit sur leurs opposants. Contrairement à l’opinion populaire selon laquelle le fuitage contribue à exposer des programmes secrets, les fuiteurs tentent souvent de manipuler l’opinion publique. Cela arrive notamment à travers des propos « off » ou au moyen de fuites d’informations officielles sélectivement adressées au public pour en diriger la conscience collective. De telles pratiques peuvent causer de réels préjudices. En 2003, par exemple, en instrumentalisant le journaliste Robert Novak, la Maison Blanche révéla que Valerie Plame était un agent de la CIA. Cet acte téméraire avait été conçu pour faire pression sur Joseph Wilson, ancien ambassadeur et mari de Valerie Plame, qui avait remis en cause les justifications développées par l’administration Bush pour envahir l’Irak.

Les fantaisistes conspirationnistes ont encouragé la recherche effrenée de programmes secrets

Une des raisons pour lesquelles le fuitage a prospéré est la perte d’autorité et l’érosion de la confiance dans la bureaucratie. Depuis quelques temps maintenant, l’idée selon laquelle les politiciens mentent est devenue une vérité incontestable. Il y a une suspicion très forte à l’égard des politiciens et représentants officiels. Dans de telles circonstances, ce qu’ils disent ou font importe peu par rapport à ce qu’ils auraient tenté de cacher. Et une des conséquences de ce cynisme est que la responsabilité démocratique est de plus en plus perçue comme provoquée par les dénonciateurs plutôt que par le contrôle publique. Ce sentiment a été résumé par un journaliste de la manière suivante : « les fuites politiques font, à plusieurs égards, l’élément vital de la vie politique » avant de conclure « qu’elles sont un élément valable et vital du processus démocratique. »

La façon presque imprudente avec laquelle la trahison de la confiance a été reclassée comme garante de la démocratie témoigne de l’influence de l’idée qu’un monde parallèle secret détermine notre existence.

Conséquence de la normalisation de la rupture de confiance, la bureaucratie a plus ou moins renoncé à lutter sérieusement contre ce problème. Du coup, quand le secrétaire de cabinet Gus O’Donnell a apporté des preuves au comité d’investigation du parlement britannique de l’existence de de fuites et de dénonciations au sein du gouvernement, il a déclaré que les investigations officielles se concentraient désormais sur la prévention des fuites plus que sur la poursuite des destinataires des fuites. Le rapport du comité conclut que « les preuves que nous avons reçues suggèrent que les investigations internes aboutissent rarement ». Il ajoutait aussi que « cela résultait d’un culture politique tolérant faiblement le fuitage politique ». Autrement dit, puisque les fuites sont devenues un fait de société, il est inutile d’en faire toute une affaire.

De temps à autre, certains politiciens font vœu de lutter contre l’institutionnalisation du fuitage. En Novembre dernier, le secrétaire de la défense britannique Liam Fox fit la promesse de lutter contre ce qu’il caractérisait de « culture de la fuite » après que plusieurs révélations aient mis en cause son ministère. Néanmoins, ni Fox ni personne d’autre ne fera probablement changer quoi que ce soit à la valorisation culturelle des dénonciateurs aujourd’hui. A moins qu’un gouvernement ne soit confronté à une faille de sécurité majeure, à l’image du récent épisode WikiLeaks, ils donneront simplement l’impression de s’attaquer au problème.

Cibler la sphère privée

La vision du monde simpliste des adeptes de la théorie du complot contribue à alimenter la suspicion et la méfiance à l’égard de la politique. Cela supplante le débat public en le remplaçant par une quête destructrice du complot caché. Cette mise en scène de la vie privée et des intérêts personnels des politiques contribue à la théatralisation du débat public au détriment de la vérité. Les médias alimentent cette tendance en donnant le signal que ce qui est important n’est pas ce que disent les politiques, mais ce que leurs intérêts dictent. Les médias incitent le public à rechercher les motivations cachés. Personne n’est ce à quoi il ressemble.

Cette normalisation de la suspicion et de cette défiance n’a aucune vertu positive. Au contraire, l’idée que la vie des gens serait contrôlée par des forces cachées incompréhensibles tend à renforcer l’immobilisme. Pire encore, la suspicion à l’égard du comportement en coulisses des politiques et autres représentants a progressivement été étendue à tout un chacun, menant à une généralisation de la défiance envers la sphère privée. C’est la principale raison pour laquelle la transparence est devenue une vertu culturelle si importante au XXIe siècle. La transparence est maintenue car les gens sont présumés être mauvais, à moins qu’ils ne soient tenus de rendre des comptes, avec des procédures et bien sûr des traces écrites. Il y a une convergence de l’incertitude vis-à-vis de la capacité à savoir et la méfiance à l’égard des comportements humains qui nourrit l’imagination conspirationniste et la divination de la transparence.

La culture contemporaine a encore un petit peu de respect pour la vie privée et la vie de famille. Pourtant les campagnes politiques et la culture populaire recherchent en permanence à démontrer les méfaits de ces institutions de la sphère privée. Des expressions comme « la face cachée de la vie de famille » évoque un sentiment d’effroi à l’égard des relations privées et/ou invisible. Les décideurs et entrepreneurs de vertu ont été à la pointe de la lutte pour davantage de surveillance publique de la vie privée. Les penseurs féministes, en particulier, ont mené une critique acerbe de la vie privée. De nombreuses féministes prétendent que dans la sphère privée, les femmes sont rendues invisibles, que leur travail n’est pas reconnu, et donc dévalorisé, et que leur vie est martyrisée par la violence des hommes. Cette vision selon laquelle la sphère privée serait un espace dangereux – et ce particulièrement pour les femmes et les enfants – est devenue une vérité incontestée dans la culture populaire. Ainsi, des politiques intrusives ont été mises en place dans le but d’ouvrir la vie privée au regards extérieurs. Un des arguments, souvent répété contre ceux qui veulent préserver l’autonomie de la sphère publique, est que seules des institutions très vigilantes pourraient protéger les enfants des adultes prédateurs. Ainsi, du point de vue conspirationniste, l’ouverture de la sphère privée à l’opinion publique serait toujours une bonne chose.

La vie privée est souvent décrite comme un manteau ou un simulacre qui permettrait à des horreurs sans nom d’avoir lieu dans le cercle familial. Cela suppose que, laissés à leur propre jugement et loin de tout regard extérieur, les gens auraient tendance à être dominés par des émotions destructrices. Les hommes sont tout particulièrement condamnés pour l’utilisation du privilège de la vie privée afin de terroriser les femmes et les enfants. Cette représentation peu flatteuse des relations intimes promeut l’idée que l’on serait tous sous la menace imminente de la victimisation. Et la vie privée n’aurait donc aucun intérêt légitime. Pour certains – les féministes en particulier – l’intimité serait même par définition une relation de violence.

Il y a peu de doute que la vie privée peut être violente et dégradante dans certaines circonstances. La vie privée est un endroit sûr pour exercer des comportements destructeurs. Mais ces aspects négatifs de la vie privée ne sont pas un argumentaire cohérent pour éradiquer la sphère privée dans son ensemble, pas plus que l’existence de violences dans les rues ne sont un argument valable pour revendiquer l’élimination de la sphère publique. Aujourd’hui, la destitution de la sphère privée dénigre l’un des aspects les plus importants de l’expérience humaine. La séparation de la sphère privée et publique a été essentielle pour l’émergence de l’individu moderne. L’aspiration à l’autonomie et à l’identité personnelle ne peut être complètement assouvie dans la sphère publique car la sphère privée ne fournit pas seulement un espace de réflexion mais aussi un espace de développement personnel. Les relations intimes ont besoin de vie privée si on ne veut pas qu’elles se désintègrent sous la pression de la surveillance publique. Quels que soient les problèmes qui puissent exister dans la sphère privée, celle-ci offre néanmoins un lieu de développement de l’expression et de l’exploration personnelle.

Les idées, les émotions et les passions qui peuvent être exprimées à une âme-sœur deviennent très différentes lorsqu’elles sont divulguées au grand public. Comme Hannah Arendt l’expliquait :

L’amour est tué ou éteint au moment où il est divulgué au public.

L’observation d’Arendt sur l’impact destructeur d’un régime de transparence de la sphère privée peut aussi être appliquée à l’institutionnalisation du fuitage dans le domaine public. Dans les deux cas, quelques uns des pires traits de caractère – voyeurisme passif, déloyauté, traitrise, exhibitionnisme – sont transformés en serviteurs de l’intérêt public.

Les fuites peuvent embarrasser les individus et les institutions. Elles peuvent mettre en lumière des faits jusque-là inconnus. Cependant, elles sont davantage susceptibles d’alimenter la suspicion, les rumeurs, et ainsi de distraire et de semer la confusion. Ce qu’une fuite révèle n’est rien, comparé à ce qui peut être potentiellement appris par l’analyse du monde, à travers la recherche et l’investigation, et bien sûr le débat d’idées et d’opinions. Mais le véritable dommage causé par le fuitage est qu’il alimente la suspicion, et qu’il donne lieu à une perspective conspirationniste qui encourage chacun à rechercher les manipulations cachées plutôt que de chercher les réponses aux problèmes auxquels notre monde fait face.

Spiked et traduit de l’anglais par Stanislas Jourdan

>> Illustrations flickr CC OperationPaperStorm ; Aga Slodownic ; Mike Pickard

]]>
http://owni.fr/2011/03/30/eloge-de-la-fuite/feed/ 4
Le procès de Julian Assange http://owni.fr/2011/02/09/le-proces-de-julian-assange/ http://owni.fr/2011/02/09/le-proces-de-julian-assange/#comments Wed, 09 Feb 2011 17:19:01 +0000 Federica Cocco http://owni.fr/?p=45881 En publiant des télégrammes diplomatiques sur les drôles de missions confiées à des diplomates américains, sur les dictateurs du Moyen-Orient ou sur la mafia italienne, WikiLeaks a ouvert une boite de Pandore. L’humanité est alors entrée dans un nouvel âge, l’âge de la transparence.

Et les projecteurs se sont braqués sur Assange. Est-il celui que le monde attendait ? Ce n’est sans doute pas l’avis des deux Suédoises qui essaient d’obtenir son extradition pour “mauvaise conduite sexuelle”. Cette affaire, personnelle, a rejailli sur WikiLeaks obligeant Assange à défendre sa crédibilité et, ironiquement, sa vie privée.

Assange, héros ou criminel ? Récit de deux jours et demi de procès à Londres par l’envoyée spéciale d’OWNI à Londres (en version originale sur owni.eu)

Accès au Jour 2 du procès

Accès au Jour 3 du procès

[8h00 - Jour 1] Chez WikiLeaks, nous connaissons la différence entre le secret et la vie privée

L’année dernière en août, Assange était au sommet du monde. Il défiait la superpuissance américaine avec les warlogs afghans, suivis de la plus grande fuite de documents diplomatiques de l’Histoire. Il était une superstar en Suède, où il donnait des interviews et tentait d’obtenir un permis de séjour. Aujourd’hui, il fait tout pour ne pas retourner dans ce pays.

Pendant l’été dernier, il a eu des relations sexuelles avec deux femmes, connues sous le nom de Miss A et Miss W. Ces deux femmes prétendent qu’elles ont été violées ; l’une pendant qu’elle dormait ; l’autre en assurant qu’Assange aurait volontairement déchiré le préservatif. Ces deux femmes cherchent à faire extrader Assange du Royaume-Uni vers la Suède pour qu’il y soit jugé, réveillant ainsi un scandale qui continue d’affecter la crédibilité de WikiLeaks.

Les projecteurs se sont alors pointés sur Assange, mais cette fois-ci avec un éclat sinistre. Après avoir été arrêté par la police londonnienne, une audience préliminaire a eu lieu lieu le 11 janvier. L’avocat d’Assange y dévoilait la structure de son argumentation contre l’extradition de son client : “il n’a pas été accusé d’un crime, en raison de failles dans l’accusation des procureurs suédois – et parce qu’une extradition pourrait le conduire tout droit à la baie de Guantanamo ou dans le couloir des condamnés à mort”.

Alors que le scandale a provoqué l’indignation des organisations féministes qui insistent pour qu’Assange soit présenté devant la justice, Assange prétend de son coté que l’affaire n’est qu’un coup politique. Quelques jours avant l’audience, il publie une vidéo pour ses supporters, faisant valoir son droit de tenir les gouvernements responsables sans encourir de poursuites :

Nous croyons au pouvoir transparent, pas en la transparence du peuple.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

[8h15] Et WikiLeaks ?

Tout au long de l’affaire de l’extradition, Assange a toujours été clair sur le fait que WikiLeaks continuerait de publier les mémos diplomatiques. Samedi dernier, le site a publié pas moins de 800 documents diplomatiques. Est-ce que ces publications ont un lien avec l’audience d’aujourd’hui ? Probablement, étant donné qu’il semble difficile de cloisonner totalement l’affaire du “viol” avec le travail de Assange chez WikiLeaks.

Le Guardian a aussi examiné les conséquences des mémos diplomatiques à travers le monde, et comment cela a affecté la communauté internationale à l’aide d’un documentaire vidéo.

[9h42] L’extradition vers les Etats-Unis est-elle une option envisageable ?

Selon Assange et son équipe juridique, la possibilité d’une extradition vers les Etats-Unis existe si la Suède gagne cette procédure. Est-ce une réelle possibilité ? Dans la plupart des pays européens, il est illégal d’extrader quelqu’un vers un pays où la peine de mort est autorisée. Mais cela sera-t-il suffisant poids face à l‘argument de “terrorisme” ? Selon notre journaliste Federica Cocco :

L’Angleterre et les Etats-Unis ont signé un traité d’extradition rapide en 2003 afin d’accélérer le transfert de terroristes suspects. Depuis avril 2007, 23 personnes ont été extradées de l’Angleterre vers les Etats-Unis.

Par le passé, la Suède a déjà extradé des personnes vers les Etats-Unis.

Par conséquent, en dépit des normes européennes, le sort d’Assange reste incertain sur ce point.

[10h14] Le calme avant la tempête

[10h47] Le cirque médiatique

Avec le déclenchement de l’affaire WikiLeaks et ses suites, il est difficile de traiter cette audience sur le mode particulier, sans la placer dans son contexte. Pour le commun des mortels, une telle audience n’agiterait pas les médias. Mais il est certain que l’intérêt pour cette affaire n’est pas tant de savoir ce qu’Assange a fait ou pas, mais plutôt de savoir qui il est en tant que célébrité.

[11h15] L’audience commence

Tout le monde est à sa place, Assange semble détendu dans la salle d’audience. Le juge Howard Riddle vient de confirmer le nom d’Assange et son adresse, donnant ainsi le départ de l’audience. Apparemment, l’audience sera enregistrée, ce qui est inhabituel. Peut être est-ce une mesure de précaution parce que la justice s’est prise les pieds dans le tapis par le passé (des vices de procédure ont été relevé) ?

La baronne Helena Kennedy défendra Assange aujourd’hui alors que Clare Montgomery représente l’accusation. Alors que les deux plaignantes ont été nommées lors de la précédente audience préliminaire, celles-ci continueront à être évoquées sous les noms de Miss A et Miss B.

Pour rappel, Miss A accuse Assange de trois agressions sexuelles tandis que Miss B l’accuse de viol (au sens très spécifique définit par le droit suédoise).

[11h37] Assange extradé seulement pour un interrogatoire ?

“La définition du viol en Suède est la violation délibérée de l’intégrité sexuelle d’une femme par la pénétration”,  affirme Clare Montgomery. “Dans le cas de Miss W, M. Assange a eu un rapport sexuel avec elle et a profité du fait qu’elle était endormie”. Elle poursuit pour indiquer que M. Assange avait conscience que Miss W ne consentirait à avoir un rapport sexuel que de manière protégée, ce qui est apparemment aussi une infraction au regard du droit anglaise. Du coup la question est de savoir si l’affaire doit être traitée au Royaume-Uni ou en Suède.

Mais ce que dit la défense, c’est que l’accusation n’a pas vraiment apporté de charges, mais demande plutôt l’extradition afin de procéder à un interrogatoire. Si tel était le cas, cela serait un abus de mandat d’arrêt européen. Montgomery précise sa position en expliquant que “ce mandat d’arrêt remplit sans aucun doute toutes les conditions requises par les directives européennes”, car il y a une intention d’accusation.

Selon la procédure légale, il doit y avoir un interrogatoire après l’extradition. “Le tribunal ne peut pas confirmer que sa présence n’est requise que pour un interrogatoire” détaille Montgomery, ce qui signifie qu’il y a une forte intention de l’inculper pour agression sexuelle. Sur les sept points de défense d’Assange, le deuxième vient d’être renversé.

[12h06] L’extradion vers les USA est-elle possible ? (part 2)

Montgomery continue son accusation:

Il est impossible de prétendre qu’un procès juste ne puisse avoir lieu en Suède, puisque le pays a signé les conventions des droits de l’homme. En ce qui concerne la menace d’être extradé vers les Etats-Unis, cette plainte ne repose que sur des hypothèses… sans substance ni fondement sur des événements factuels. Donc, dans le cas où l’extradition vers les USA serait demandée, le Royaume-Uni pourrait intervenir.

En résumé, Montgomery abat la défense d’Assange en expliquant que l’extradition vers les USA n’est qu’une théorie visant à obtenir du soutien.

Pour la défense d’Assange, Robertson a affirmé que si le procès devait avoir lieu en Suède, il serait impossible d’avoir un procès juste en raison de la politique de la justice suédoise qui consiste à empêcher les médias d’accéder à la salle d’audience. “Vous ne pouvez pas avoir un procès juste si la presse et le public sont exclus du tribunal. C’est ce qui arriverait si le procès devait avoir lieu en Suède“, affirme-t-il avec insistance : “En raison du danger de préjudice dans ce cas particulier, il est plus important que le procès soit totalement ouvert.” Robertson a aussi signalé le fait que la Suède avait de très mauvais précédents en matière de traitement des détenus étrangers, et a d’ailleurs été critiquée par la commission européenne.

[12h30] Définition du viol, Suède vs. Angleterre

Selon la défense, “aucune des inculpations ne prétendent qu’Assange avait raisonnablement cru que la femme ne consentait pas.” Ce qui est intéressant ici, c’est que Robertson utilise le terme d’ “inculpation” plutôt que d’”allégations”. Cela indique-t-il que l’équipe juridique d’Assange reconnait l’argument précédent de Montgomery ?

Robertson poursuit :

L’accusation décrit l’inculpation comme un “délit mineur”. Ce qui est une contradiction dans les termes. Le viol en Angleterre n’est pas un délit mineur et entraine des peines d’un minimum de cinq ans. Soit les allégations sont qu’il y a eu abus dans la relation, soit manque de consentement, ou les deux.

Ainsi, Robertson résume : ce qui est considéré comme un “viol mineur” sous la loi suédoise n’est pas un viol dans les autres pays.

Robertson affirme qu’il y a eu trois relations durant la soirée : “pas moins de trois rapports sexuels consentis.” Lors du quatrième et controversé rapport, elle pense qu’il n’a pas mis de préservatif, et le laisse finalement continuer, allant même jusqu’à en blaguer (même s’il n’est pas clair que l’humour était mutuel ou si Assange tentait de dédramatiser la situation).

[12h56] Controverse sur le mandat d’arrêt européen

L’essentiel de la défense repose sur la mauvaise utilisation du mandat d’arrêt européen. Le 20 août, en plein milieu de l’interrogatoire d’Assange, le procureur a fait savoir qu’Assange faisait l’objet d’une investigation. La presse  a contacté la plaignante, qui a confirmé la procédure, ce qui est illégal au regard de la loi suédoise.

Après que l’affaire a été classée, Mme Ny a décidé de se réengager dans l’enquête. Le 14 Septembre, un représentant d’Assange a demandé à Mme Ny si elle voulait poursuivre l’affaire. Cette dernière a laissé le temps passer avant de notifier à Assange qu’il devait être interrogé à nouveau. Quand on lui a demandé si Assange pouvait être interrogé par Skype ou à quel moment ils pouvaient fixer un rendez-vous avec Mme Ny, elle a rejeté les suggestions. D’après la défense, Assange était prêt à être interrogé pendant cinq semaines, mais Mme Ny n’a pas donné suite.

Mme Ny a affirmé qu’elle était autorisée à lancer un mandat d’arrêt européen (MAE), et a appelé elle-même le “directeur des poursuites publiques”. L’avocat d’Assange a demandé si Marianne Ny avait le droit de délivrer un mandat d’arrêt européen, puisque le mandat d’arrêt doit être émis par une autorité officielle autorisée et non par des citoyens privés. Il a affirmé également que le mandat d’arrêt européen était émis pour un interrogatoire seulement, et non pour les chefs d’accusation contre Assange. Robertson a expliqué en effet qu’ “à ce stade, Mme Ny pouvait elle-même être remplacée par le procureur général. Nous n’étions pas au stade où Assange était irrévocablement assigné en justice. Comment peuvent-ils lancer un mandat alors qu’Assange a été interrogé uniquement sans inculpations ?”

[13h55] Le premier témoin : Britta Sundberg-Weitman

Le premier témoin pour Assange est Britta Sundberg-Weitman, qui est un juge d’appel suédois à la retraite. En 1981, il a été promu à la Cour d’appel, mais il a pris sa retraite en 2001 et a une carrière universitaire depuis. La suite est une transcription rapide de l’interrogatoire de Robertson :

Robertson : Que pensez-vous de la procédure visant Assange ?

Britta Sundberg-Weitman : Extrêmement étrange. Ma spécialité est le droit administratif.

Robertson : Qu’avez-vous vu en relation avec l’autorité de la loi ?

Britta Sundberg-Weitman : Elle était dans l’obligation de ne pas confirmer qu’Assange était visé par une enquête. C’est une entorse à la confidentialité, bien qu’elle ne puisse pas être attaquée parce que chacun est libre de s’exprimer. Ce n’est pas une bonne chose mais ça ne contrevient pas au droit suédois (il continue et dit que les réactions contre Assange étaient hostiles en Suède, la plupart des gens considérant comme acquis qu’il a violé deux femmes). Ny en particulier est “contre les hommes”.

Robertson : Il semblerait que Mme Ny soit en faveur de l’enfermement d’hommes innocents ?

Britta Sundberg-Weitman : Hé bien, je ne pense pas qu’elle veuille ça… Honnêtement, je n’arrive pas à comprendre son attitude à l’encontre d’Assange. Ca a l’air malveillant. Il aurait été si simple de l’avoir entendu alors qu’il était en Suède. Elle aurait pu être d’accord pour l’entendre au téléphone, en vidéoconférence etc.

Robertson : Les procureurs sont-ils autorisés à entendre les suspects au téléphone ?

Britta Sundberg-Weitman : Oui, c’est dans le manuel. C’est recommandé. Il n’y a aucun règle spécial de droit contre les interviews vidéos.

Robertson : Rien ne décourage l’utilisation d’interviews téléphoniques.

Britta Sundberg-Weitman : Absolument. Elle veut qu’il revienne en Suède, peu importe ce qu’il dit. Je pense que son but est qu’il soit arrêté et peut-être qu’il souffre pour qu’il devienne plus tendre.

Robertson : Elle a demandé qu’il soit détenu au secret ?

Britta Sundberg-Weitman : Je suis surpris, la décision ne le dit pas.

Robertson : C’est dans la décision du tribunal d’instance. Est-ce normal ?

Britta Sundberg-Weitman : Oui, c’est normal. Il ne faut pas que la possibilité d’influencer les témoins lui soit donnée.

Robertson : Qu’en est-il de l’entraide judiciaire ?

Britta Sundberg-Weitman : Oui, c’est une possibilité, il existe un manuel spécial à ce sujet. Quand le suspect est à l’étranger, l’entraide judiciaire est possible. C’est régulé par une convention et c’est encouragé.

Robertson : Il y a une règle qui dit que l’enquête préliminaire doit être menée aussi rapidement que possible, n’est-ce pas ?

Britta Sundberg-Weitman : Ah oui, c’est une partie très importante de la procédure. Très souvent, elle n’est pas du tout respectée et rien ne se passe.

Robertson : Est-il important en Suède pour les procureurs de demander au suspect s’il veut que des preuves soient examinées ou des témoins interrogés ? Est-il nécessaire pour le suspect que toutes les preuves lui soient montrées ?

Britta Sundberg-Weitman : OUI, une fois qu’ils décident de le poursuivre. Je pense qu’avant de décider de le poursuivre ils doivent montrer toutes les preuves au suspect.

Robertson : La décision de délivrer un mandat d’arrêt est-elle une entorse au principe de proportionnalité ?

Sundberg Britta-Weitman : Oui. Une autorité ne doit jamais utiliser des moyens plus sévères que ce qui est nécessaire. Ce principe n’a pas été respecté du tout. Je ne pense pas que vous puissiez faire plus de mal à une personne que cela a été fait dans le cas présent. Il est connu dans le monde entier comme un violeur !

Robertson : Le mandat d’arrêt européen implique qu’il devra aller en Suède, être détenu au secret et aura un procès à huis-clos ?

Sundberg Britta-Weitman : Oui.

Robertson : Pensez-vous que c’est devenu une question politique en Suède ?

Britta Sundberg-Weitman : Tout à fait, tout à fait.

Robertson : Les attaques de M. Bergstrom contre M. Assange ont été largement rapportées.

Sundberg Britta-Weitman : Oui.

[15h24] Contre-interrogatoire de Montgomery

Montgomery vient de terminer son contre-interrogatoire, et l’échange pourrait nuire gravement au témoignage précédent de Britta Sundberg-Weitman. Tout au long de l’examen on aurait dit qu’il y avait des problèmes avec la traduction, comme l’anglais n’est pas la langue maternelle de Britta Sundberg-Weitman. En résumé, il semble que Britta Sundberg-Weitman ait admis l’interprétation de Montgomery selon laquelle Mme Nye peut émettre un mandat d’arrêt européen en vertu du droit suédois. De plus, Montgomery aurait essayé de prouver que Hurtig savait et avait eu accès aux preuves malgré les affirmations de la défense.

Voilà une transcription rapide des événements par notre correspondante via Twitter :

Montgomery : Diriez-vous que vous êtes un expert du droit pénal suédois ?

Britta Sundberg-Weitman: Hé bien, j’ai une expérience de plus de 30 ans.

Montgomery : Sur quels faits fondez-vous votre opinion ?

Britta Sundberg-Weitman : Des faits.

Montgomery : Est-ce seulement ce que vous a dit l’équipe de défense d’Assange ? Savez-vous vous-mêmes de façon certaine ce que le procureur a fait en engageant les poursuites ?

Britta Sundberg-Weitman : Non, j’ai suivi depuis le début ce que le procureur a dit en public.

Montgomery : Avez-vous connaissance de la communication de Mme Ny entre le procureur et M. Hertig avant qu’Assange quitte la Suède ?

Britta Sundberg-Weitman : Non.

Montgomery : Ceci est une question hypothétique. Si en tant que juge on vous avait dit que le procureur avait contacté l’avocat du défendeur, et l’avocat avait dit qu’il ne pouvait pas contacter le suspect, auriez-vous des raisons d’entamer des poursuites ?

Brita Sundberg-Weitman : C’est très hypothétique en effet. Ce serait un cas différent du cas présent.

Montgomery : Sur la seule base de ce que vous avez entendu de ce qui s’est passé. Mme Ny a demandé un mandat que parce que, lorsqu’elle a contacté l’avocat d’Assange, elle n’a pas obtenu de réponse.

Britta Sundberg-Weitman : Je ne peux pas considérer comme un fait que Mme Ny a refusé de fournir à Assange et ses avocats les informations nécessaires.

Montgomery : Avant qu’un procureur puisse obtenir un mandat d’arrêt, elle devait aller au tribunal. Ny est allée au tribunal d’instance de Stockholm. Elle est aussi allée à la Cour d’appel.

Britta Sundberg-Weitman : Ny a tenu pour acquis que rien ne changerait. C’est irrespectueux envers la Cour d’appel.

Montgomery : La cour d’appel de Svea a estimé que l’émission était proportionnelle.

Britta Sundberg-Weitman : Il n’y a pas beaucoup de juristes en Suède qui s’intéressent à ce principe juridique. La plupart des avocats et des juges suédois pensent que le principe de proportionnalité repose sur l’intuition. Pourtant ce n’est pas exact.

Montgomery : Pensez-vous que c’était à vous de dire à la cour de Svea et à la court d’appel votre point de vue ?

Britta Sundberg-Weitman : Mais pour moi il était évident qu’ils se trompaient.

Montgomery : Êtes-vous d’accord que le tribunal de Svea et le tribunal d’instance aurait été en contact avec Mme Ny et l’avocat d’Assage ? Le tribunal d’instance et la cour d’appel aurait-ils été en contact avec l’avocat d’Assange ? M. Hurtig était-il au tribunal de Svea et au tribunal d’instance ?

Britta Sundberg-Weitman : Il a été demandé à Mme Ny de s’expliquer avant la Cour d’appel et elle avait deux jours.

Montgomery : Hurtig était-il là ou non ?

Britta Sundberg-Weitman : Je ne pense pas, mais je n’ai pas regardé ce détail particulier.

Montgomery : La question de la détention provisoire ou de la caution était-elle sous le contrôle du tribunal ?

Britta Sundberg-Weitman : Nous n’avons pas de système de caution en Suède. Il aurait dû être enfermé ou bien informer la police de ses déplacements comme il le fait maintenant.

Montgomery : La Suède est-elle dotée d’un système judiciaire indépendant et impartial ?

Britta Sundberg-Weitman : J’ai bien peur que ma réponse soit non.

Montgomery : Y’a-t-il une pluralité de points de vue d’autres experts parmi lesquels certains considèrent que la Suède peut rendre un jugement impartial ? La Suède accepte-t-elle la juridiction obligatoire de la Cour de Strasbourg ?

Britta Sundberg-Weitman : Oui.

Montgomery : Autre question hypothétique. Si la décision de poursuite Assange avait été prise, Mlle Ny avait le droit de délivrer un mandat d’arrêt, n’est-ce pas ?

Britta Sundberg-Weitman : En vertu du droit suédois, oui.

Montgomery : Pensez-vous que le cadre des directives dise que le droit d’émettre un mandat d’arrêt européen en Suède ne survient que lorsqu’on a pris une décision finale de privation de liberté ? Je suggère qu’il n’est pas nécessaire d’atteindre un stade particulier dans les procédures à condition que le procureur ait émis un mandat d’arrêt.

Britta Sundberg-Weitman : Vous avez peut-être raison.

Montgomery : Êtes-vous d’accord que le procureur avait assez de preuves pour qu’il ou elle puisse entamer des poursuites ?

Britta Sundberg-Weitman : Oui.

Montgomery : S’il y a assez de preuves pour justifier une condamnation, alors il est justifié de poursuivre en justice ?

Britta Sundberg-Weitman : Oui.

[16h10] Britta Sundberg-Weitman à nouveau interrogé par Robertson

Roberston commence son réexamen en demandant à Britta s’il pensait qu’il était acceptable pour Mme Ny de descendre les tentatives de Assange de prendre contact avec Mme Ny. Britta confirme que ça ne l’est pas. Britta a ajouté que Ny avait le droit de délivrer un mandat d’arrêt européen en vertu de la loi suédoise, elle n’était pas autorisée à le faire en vertu du droit européen.

[17h01] Témoin suivant: Gorun Rudling

“Ma langue maternelle est le suédois, et si je ne comprends pas la question, je vais vous demander à nouveau,” commence Gordling. “Êtes-vous un supporter de WikiLeaks ou d’Assange?”, demande Sven-Erik Ahlem, l’un des avocats d’Assange. “Non, je ne le suis pas, mais je pense que vous devriez faire attention lorsque vous faites fuiter des informations”.

Rudling continue en racontant comment l’histoire de Mme A n’était pas été tout à fait exacte. Apparemment, il avait contacté la police et les avaient informés que Mlle A. avait supprimé de son compte les tweets qui prouvaient qu’elle était heureuse dans la société d’Assange. Elle l’avait tweeté après le 13 et le 14 août, les jours autour desquels le délit a eu lieu.

Mlle A avait montré son intention de nuire en publiant un manuel de vengeance en sept étapes. Dans ce document, elle a conseillé: “Souvenez-vous quels sont vos objectifs pendant que vous opérez, vérifiez que votre victime souffre de la même manière qu’il vous a fait souffrir.”

Le reste de sa déclaration écrite peut être consulté en ligne.

[17h20] Contre interrogatoire

“Quelles preuves avez-vous vues sur la poursuite exactement?”, demande Montgomery en premier. Elle indique ensuite que, même si Rudling avait lu plus de 100 pages de preuves, ce n’était pas le fichier de police, mais seulement les documents qui ont été envoyés à Assange. Par ailleurs, elle demande si Rudling sait pourquoi Mme A avait supprimé ces tweets précédents. Quand Rudling a dit qu’il ne sait pas exactement, Montgomery a clarifié que les tweets avaient été supprimés pour éviter l’attention des médias et de lui permettre de conserver un statut anonyme.

Rudling est ensuite révoqué et l’audience est suspendue pour le reste de la journée.

[17h51] Déclaration d’Assange après le premier jour

Alors que Julian Assange essaie de faire sa déclaration, une femme crie: “Pas de justice, pas de paix!” et la police intervient. Assange continue :

Une boîte noire a été posée sur ma vie. A l’extérieur de la boîte noire a été écrit le mot “viol”. Cette boîte, grâce à un procès ouvert, est maintenant en train de s’ouvrir.

Ce sont les brefs mots qu’Assange a donné aux médias, avant de sortir. Le procès reprendra demain à 10h. En attendant, les avocats d’Assange ont publié l’ensemble de leurs documents au public.

[18h33] Où sont les manifestants?

Depuis ce matin, le fan club d’Assange n’a pas grossi à l’extérieur de Belmarsh Cour. Il y avait peut-être plus de pancartes, mais pas un plus grand nombre de supporters :

Peut-être que le supporter type d’Assange et de WikiLeaks préfère les rassemblements aux sittings à l’extérieur d’un palais de justice pendant toute la journée.

Il ne fait aucun doute que Julien Assange est capable de rassembler les foules. Hier, à Syndey, un très grand nombre de ses compatriotes ont organisé un rassemblement pour WikiLeaks. Le groupe de ce soir montrera-t-il le même enthousiasme ?

[19h00] Premier jour du procès d’extradition de Julian Assange – Un résumé

Au cours du procès préliminaire le mois dernier, nous nous sommes arrêtés aux principales remarques de l’équipe juridique d’Assange. Une réclamation majeure était que le recours à un mandat d’arrêt européen était abusif, puisque l’accusation semble juste vouloir interroger Assange plutôt que de lui intenter un procès. Clare Montgomery du ministère public a balayé ces arguments en disant que l’intention était suffisante pour poursuivre en justice Assange et que l’utilisation du mandat d’arrêt européen était légale en vertu du droit suédois. De plus, elle a rejeté l’idée qu’Assange pourrait être extradé vers les États-Unis.

La défense a présenté deux témoins aujourd’hui. Le premier était Britta Sundberg-Weitman, un juge suédois à la retraite. Elle a témoigné que cette affaire était “extrêmement étrange” étant donné que les revendications de comportement sexuel inconvenant n’ont pas été faites de bonne foi. Montgomery a contrecarré en invoquant des subtilités techniques entre le droit suédois et le droit européen.

Le deuxième témoin a été Gorun Rudling, qui avait des informations pour contredire le récit de Mme A. Il a affirmé que la femme a mis un plan de vengeance en ligne et a supprimé les messages twitter qui montraient sa satisfaction concernant son travail à WikiLeaks.

Dans l’ensemble, cette affaire repose sur l’interprétation du MAE. Le droit international est compliqué à cause de l’imbrication de pays souverains qui ont compétence égale pour interpréter des questions juridiques. L’interprétation du droit international de la Suède va-t-il s’appliquer au Royaume-Uni ? Découvrez-le demain pendant la deuxième journée du procès d’extradition d’Assange.

[09h30] Suivi du rassemblement de la nuit dernière

Bienvenue dans la seconde journée du procès d’extradition de Julian Assange ! Avant que l’affaire commence dans un peu plus d’une heure, nous sommes de donner des précisions sur les événements qui se sont déroulés hier après l’audience. Après le premier jour de l’affaire d’extradition, Julian Assange a fait cette déclaration:

Depuis les derniers cinq mois et demi, nous avons été dans un état où une boîte noire a été posée sur ma vie. A l’extérieur de la boîte noire a été écrit le mot «viol». Cette boîte, grâce à un procès ouvert, est maintenant ouverte. J’espère que nous verrons au cours de la journée suivante que cette boîte est en fait vide et n’a rien à voir avec les mots qui sont écrits à l’extérieur. Nous avons pu le constater aujourd’hui et je tiens à remercier ceux qui me soutiennent et mes avocats qui continuent de m’aider.

Hier soir, le soutien à WikiLeaks a continué avec un rassemblement organisé par Stop the War. Plusieurs intervenants importants ont prononcé des discours passionnés sur la liberté d’expression. Dans son introduction à la manifestation, Tony Benn a déclaré: “L’exigence de démocratie s’exprime partout dans le monde … WikiLeaks est un exemple très clair de comment cette bataille peut être gagnée.”

[11h58] Premier témoin

Le procès a finalement commencé une heure après l’heure prévue, avec Sven-Erik Alhem comme premier témoin. Alhem était un ancien procureur général suédois qui a critiqué les erreurs commises dans l’enquête précédente d’Assange. Lors de l’interrogatoire, il a fait les remarques suivantes :

1. La convention européenne confère des droits très importants aux suspects d’un crime : “Le suspect a le droit d’être informé dès que possible et en détail du contenu des poursuites. Il ou elle doit avoir la possibilité de donner sa version des faits et de commenter ce qui a été dit par l’autre partie. Une règle d’or quand il s’agit de poursuites criminelles est que les deux parties doivent être entendues.”

2. Il est possible (mais pas courant) de mener des entretiens à l’étranger si une rencontre en personne n’est pas possible.

3. Alhem estime que l’accent a été trop mis sur la question des pistes fermées dans les tribunaux en Suède. “À mon avis, l’accent a été trop mis sur la question du huis clos. Cela sert à contrebalancer les positions dans lesquelles se trouvent les parties. J’ai débattu de la question, l’avantage du huis clos est que vous n’avez pas besoin rendre publiques les embarrassantes déclarations des demandeurs… J’hésite sur cette question.”

Après un premier interrogatoire, Clare Montgomery a mené le contre interrogatoire. Avant qu’elle commence à interroger Alhem, elle a demandé à M. Hurtig de quitter la salle.

Montgomery : Les déclarations faites par Mme Ny et Hurtig – les avez-vous lues ?

Alhem : Non je ne les ai pas lues, mais je n’ai rien dit à leur sujet.

Montgomery : Pensez-vous qu’il aurait été important de les comprendre avant de se faire une idée des actions de l’accusation ?

Alhem : Je pense que cette question devrait être posée à Hurtig, on m’a demandé de donner mon avis sur les questions relatives à la convention européenne. Je ne pense pas qu’il y ait un problème avec le mandat d’arrêt européen (MAE), s’il est vrai que la justice n’était pas en mesure d’interroger le suspect. Si cette audience ne répondait pas aux attentes, alors vous avez encore la possibilité d’utiliser le MAE. Pour éviter tout malentendu, vous pouvez avoir une opinion sur la façon dont M. Assange traite cela. Si j’étais à – comment dire en anglais – à sa place, je serais allé en Suède. Je pense que ça aurait été important de lever tout soupçon sur mon nom.

Montgomery poursuit en lisant le témoignage officiel de Mme Ny pour le témoin (à lire en intégralité sur owni.eu).

Alhem a répondu que si les événements étaient sous sa propre juridiction, il aurait placé Assange en détention immédiate. “Pour être honnête, ces informations ne correspondent pas aux informations que j’ai reçues. J’ai entendu parler d’une audience qui a été reportée parce qu’un policier était malade, auquel cas il aurait été très facile de prendre des dispositions pour un nouvel entretien.” Néanmoins, quand il a tenté de clarifier son point de vue sur la proportionnalité juridique et son droit d’être interrogé au Royaume-Uni, Montgomery l’a congedié car il ne répondait pas à la question posée.

L’interrogatoire se poursuit pour préciser les points suivants :

1. Le mandat d’arrêt européen était une méthode acceptable pour trouver Assange si les échantillons d’ADN étaient un élément nécessaire de l’interrogatoire.

2. Que l’audition en Suède soit publique ou à huis clos est entièrement à la discrétion du système juridique suédois, bien qu’il soit possible pour les juridictions européennes de faire appel.

3. Il serait impossible pour les États-Unis d’extrader Julian Assange sans déclencher “une tempête médiatique.”

L’avocat d’Assange commence le contre-interrogatoire, lui demandant s’il était possible de préveler les échantillons d’ADN à l’étranger. Alhem réaffirme son opinion : l’échantillonnage d’ADN était une bonne raison pour Julian de retourner en Suède.

Finalement, après un interrogatoire serré, Alhem est renvoyé de la barre et une pause de 10 minutes est décidée.

[14h20] Le procureur général australien répond

Selon WikiLeaks central, le gouvernement australien a répondu à des appels lui demandant de renforcer et d’organiser la défense d’Assange. La lettre dit :

Le gouvernement australien a déclaré que la diffusion à grande échelle de centaines de milliers de documents classifiés du gouvernement des États-Unis est imprudente, irresponsable et potentiellement dangereuse. En ce qui concerne M. Assange, il jouit des mêmes droits que tout autre citoyen australien, y compris une aide consulaire et le droit de retourner en Australie. Le gouvernement ne se livrera pas à un commentaire détaillé sur la question de WikiLeaks ou la procédure judiciaire contre M. Assange.

On dirait qu’Assange est tout seul aujourd’hui, puisque le gouvernement australien veut clairement mettre une certaine distance entre lui et l’homme qui a enragé l’ensemble du monde diplomatique.

[15h30] Bjorn Hurtig monte à la barre : interrogatoire par Robertson

Bjorn Hurtig, avocat Julian Assange pendant la correspondance entre Assange et Melle Ny, monte à la barre pour témoigner. Résumé des événements :

1. M. Hurtig a déclaré que même si cette affaire a déjà beaucoup attiré l’attention des médias, il est peu probable qu’une audience en Suède soit ouverte au public.

2. Assange n’a pas reçu les documents en anglais par le ministère public, ce qui est une violation de ses droits.

3. Il rappelle la difficulté et la confusion qu’il a rencontré pour tenter d’organiser un interrogatoire entre Assange et Mme Ny.

4. Hurtig évoque également certaines des informations classifiées auxquelles il avait un accès limité.

[17h35] Bjorn Hurtig Partie II: contre-interrogatoire

Montgomery interroge le témoin, et a insisté sur le fait que M. Hurtig avait plus de contact avec Melle Ny que son témoignage ne l’indiquait. Après double vérification de ses dossiers, il avait effectivement plus de contact. Montgomery poursuit en demandant l’étendue de ses tentatives d’entrer en contact avec Assange. “Au minimum je lui ai dit de me rappeler. Vous devez tenir comme acquis que je lui ai envoyé des messages” a été la réponse de Hurtig. L’interrogatoire a duré, Montgomery mettant l’accent sur le fait qu’Assange devenait un “homme recherché” et qu’il était de la responsabilité de Hurtig d’informer son client.

L’interrogatoire a abordé la question de l’échantillon ADN. Les deux avocats n’étaient pas d’accord sur le fait qu’Assange avait besoin de revenir en Suède pour l’échantillon :

Hurtig : il était clair à ce moment-là qu’ils voulaient l’interroger, mais au milieu d’autres choses dans d’autres conversations avec Lejnefors, ce n’était pas tout à fait clair qu’il ne pouvait pas être interrogé au téléphone.

Montgomery : Mais vous saviez qu’ils devait prélever un échantillon d’ADN !

Hurtig : Ce n’est pas vrai. Les deux parties ont convenu qu’il y avait eu du sexe, alors pourquoi avoir besoin d’ADN pour le prouver ?

Montgomery : Parce que le préservatif s’est déchiré.

Hurtig : Cela dépend du fait qu’il utilisait un préservatif et du fait qu’il y ait eu éjaculation.

Montgomery : C’est quelque chose que l’on doit établir face à face.

Hurtig : Pourquoi ?

Montgomery : Pour obtenir l’échantillon !

Hurtig : Dans ce cas, pourquoi ne pas passer un test de salive ou un test ADN en Angleterre?

Montgomery : il est possible que les procureurs ne veuillent pas. Il est possible qu’ils veuillent préveler l’échantillon en personne.

Hurtig : Je ne suis pas d’accord. Pensez au cas l’an dernier en Finlande, la police s’est rendue en Suède pour faire un test ADN pour un interrogatoire finlandais.

Montgomery : Vous êtes d’accord que l’absence de test ADN est une faiblesse dans le cas.

Hurtig : Oui, mais à ce moment-là, je n’avais pas de déclaration de Julian donc je ne savais pas quelle était sa position. A voir vos compétences, je pressens que vous auriez procédé de la même façon.

[18h00] Pas de verdict ce soir

Robertson conclut le témoignage d’Hurtig, soulignant qu’il était possible que l’ADN soit prévelé au Royaume-Uni au lieu d’obliger son client à retourner en Suède. Robertson informe le juge que Julian a initialement refusé de donner un échantillon ADN, mais a plus tard admis de le faire de son propre grés. Robertson a aussi demandé à Hurtig pourquoi Mme Ny n’avait pas pu se rendre à Londres pour l’audience d’aujourd’hui, Hurtig a répondu qu’il n’en connaissait pas la raison.

[19h, deuxième jour : après la reprise de l’audition]

Selon le Guardian, Mark Stephens qui appartient à l’équipe de défense d’Assange a mis au défi Mme Ny de venir à Londres pour témoigner en son nom. Il a indiqué qu’elle était prête à mettre Assange sous les projecteurs mais ne voulait pas s’y retrouver elle-même. Assange dit à peu près la même chose :

La journée a été longue. Ce à quoi nous avons assisté était des abus de droits après des abus de droits.

Résumé du jour 2 : L’essentiel du débat a été de savoir qui était responsable de l’échec des communications dans la mise en place d’un interrogatoire d’Assange. Alors qu’il est clair que le ministère public a essayé à plusieurs reprises d’entrer en contact avec Assange, il apparaît qu’il y avait une faille de système du côté de la défense ; Assange était préoccupé par les retombées de WikiLeaks et son avocat n’était pas informé de la gravité de ce cas. Il y avait aussi un désaccord entre les parties sur la nécessité pour Assange de retourner en Suède pour un prélèvement ADN qui pouvait être effectué au Royaume-Uni comme la défense l’a souligné.

[11 février, 10h41] Jour 3

La séance de clôture va bientôt commencer, à 10h30 à Londres. Il est prévu qu’aucune décision ne soit prise aujourd’hui et il est probable que les deux parties feront appel si la décision n’est pas en leur faveur.

A quel point Assange et WikiLeaks seront touchés par ce scandale à long terme ? WikiLeaks a soutenu Assange, affirmant que ces accusations de comportement sexuel inconvenant était motivées politiquement. Cependant l’attitude d’Assange a poussé certains anciens employés à lancer leur propre site concurrent intitulé OpenLeaks. Selon le Guardian, Daniel Domscheit-Berg, le fondateur d’OpenLeaks, vient de publier son livre WikiLeaks: Inside Julian Assange’s War on Secrecy. Pour Domscheit-Berg, Julian est « un “empereur”, qui était obsédé par le pouvoir et l’argent et avait un penchant pour les jeunes femmes ». Daniel a également rappelé le besoin de domination d’Assange dans pratiquement toutes les situations :

Le verdict n’a pas encore déterminé à point Assange est responsable des accusations de comportement sexuel inconvenant. Quoi qu’il en soit, Assange sera-t-il en mesure de rester le visage de WikiLeaks ?

[11h30] Conclusions : parole à la défense

L’audition a commencé avec Geoffery Robertson qui a demandé un ajournement à cause des commentaires du Premier Ministre suédois sur l’affaire.

De notre point de vue, cela renforce la perception d’une justice affaiblie. Preuve de la “nature toxique” de l’antagonisme, d’autant plus étonnante que le Premier Ministre a dit en janvier qu’il aurait tort de commenter l’affaire. Pourquoi a-t-il donc imaginé qu’il pouvait lancer une telle attaque seulement quelques semaines plus tard ? A-t-il des motivations d’ordre politiques ? C’est du pur mépris pour le principe de présomption d’innocence.

Même si le juge Howard Riddle a admis la remarque de Robertson, la demande d’ajournement a été rejetée pour finir l’audience aujourd’hui.


Robertson avait une heure pour conclure son plaidoyer. Ses dernières remarques incluaient :

  • La charge de la preuve incombant à l’accusation, Mme Ny devrai être tenue de témoigner.
  • Les tribunaux suédois ne sont pas aussi efficaces qu’on ne le pense, même s’ils sont membres de la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH). Ils ont en ce moment 139 000 procès en instance devant la CEDH. Si le procès se passait mal en Suède, il pourrait falloir des années avant que justice soit rendue. De plus, le procès d’Assange serait probablement à huis-clos, ce qui peut faire douter de son caractère équitable.
  • Lors de l’émission du Mandat d’Arrêt Européen (MAE), l’accent a trop été mis sur le système juridique suédois au détriment d’une plus large perspective internationale : “L’émission [ne peut pas être faite par] un procureur général, mais par le ministère public suédois. Surtout parce qu’il ne s’agit pas d’un mandat d’arrêt. La procureur Ny a complètement et entièrement tort.”
  • Autre infraction du MAE, l’émission du mandat était “disproportionnée” puisqu’il existait des moyens de communication plus faciles comme des entretiens téléphoniques qui ont été écartés par l’accusation.
  • La question de la double incrimination a été relevée. En Suède, il existe une gradation dans le viol dont une forme s’appelle le “viol mineur”. Ce terme juridique n’existe qu’en Suède, d’autres pays considérerant qu’Assange a été jugé deux fois pour le même délit.

[14h00] Conclusions : l’accusation


La procureur Clare Montgomery a conclu par les arguments suivants :

  • L’autorité de Marianne Ny pour émettre le MAE est vérifiable.
  • La raison d’être du mandat était clair dans un contexte international. Le MAE était clairement destiné à engager des poursuites, et cela n’a rien à voir avec le fait d’être reconnu coupable de viol.
  • Quoi qu’il en soit, le viol est un crime très grave et peut dès lors entraîner une extradition en vertu du droit européen. Les mesures prises sont donc proportionnelles.
  • Mme Ny ne devrait pas être obligée d’être témoin à l’audience sur l’extradition, puisque c’est une preuve pour une affaire différente.
  • Montgomery a clarifié les questions relatives au procès qui se déroulerait à huis-clos en Suède. “Comme pour le secret, personne ne prétend que le tribunal suédois est insensible à cette question. L’appeler “un procès secret” tient de la parodie. Il s’agit simplement d’examiner les preuves en privé… Rien ne suggère aujourd’hui qu’il y aura des forfaitures ou que le procès serait mené de façon injuste.”

Robertson a brièvement répondu en 10 minutes. Il a précisé qu’il n’avait jamais dit que le viol n’était pas un grave délit, mais qu’il revenait au tribunal de décider si les accusations correspondaient au viol en vertu du droit britannique et européen et pas seulement en vertu du droit suédois.

Le procès s’est terminé pour la journée, le verdict d’Assange doit être rendu le jeudi 24 février.

[16h30] Jour 3 : dernière déclaration avant le verdict, le 24 février

Après une longue audition de deux jours et demi, le tribunal a ajourné le procès pour deux semaines pour réfléchir à sa décision finale. Il est très probable que les parties feront appel même après le verdict du 24 février. Il est ainsi bien difficile de dire jusqu’où l’affaire ira pour le visage de WikiLeaks.

Channel 4 a tweeté la déclaration d’Assange après les conclusions d’aujourd’hui :

__

Traduit par Pierre Alonso

Crédits photo: Federica Cocco, Mataparda

]]>
http://owni.fr/2011/02/09/le-proces-de-julian-assange/feed/ 8