OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Contre le mythe de la lenteur salvatrice, la “démobilité” ? http://owni.fr/2010/11/04/contre-le-mythe-de-la-lenteur-salvatrice-la-demobilite/ http://owni.fr/2010/11/04/contre-le-mythe-de-la-lenteur-salvatrice-la-demobilite/#comments Thu, 04 Nov 2010 13:01:03 +0000 Philippe Gargov http://owni.fr/?p=34665

La vitesse, c’est le mal

“La vitesse physique de déplacement vous fige. On est inerte, délatéralisé. Oui, les œillères, c’est la vitesse”, prêche Paul Virilio dans un entretien fleuve accordée à VICE. “Au secours ! Tout va trop vite !”, titre de son côté Le Monde Magazine pour résumer un peu hâtivement (lol) une excellente interview du sociologue allemand Hartmut Rosa, auteur d’un essai sur “l’accélération” de nos sociétés (La Découverte). Le rappeur Oxmo Puccino, enfin, complète notre trio de Sages avec ces lyrics tirées de Demain peut-être (vers 3’10”) :

“On se dématérialise, devenons matérialistes

Et on ne réalise pas que tout va si vite

Mais la vitesse n’emmène pas loin,

A quoi bon s’élever pour

Tourner en rond ?”

Point commun de ce podium “vitessophobe” ? Vous l’aurez compris : la vitesse c’est le mal, et le progrès technique est sans surprise jugé coupable de cette accélération vertement critiquée (ils ne sont évidemment pas les seuls). Il serait difficile de leur donner tort, du moins sur le constat. À vrai dire, comment pourrait-on contredire Hartmut Rosa quand il rappelle que “le temps a anéanti l’espace. Avec l’accélération des transports, la consommation, la communication, je veux dire “l’accélération technique”, la planète semble se rétrécir tant sur le plan spatial que matériel. Des études ont montré que la Terre nous apparaît soixante fois plus petite qu’avant la révolution des transports. Le monde est à portée de main.” Thank you, Captain Obvious ! Car la critique de la vitesse fait rarement dans la subtilité, et nos sages enfoncent des portes grandes ouvertes.

Les remèdes à ce “mal de vitesse” tombent dans ce schéma sous le coup de l’évidence : tout va trop vite ? ralentissons ! “En ralentissant, vous redonnez du champ”, dit Virilio – et il a bien raison. Oui, car fustiger les détracteurs de la vitesse n’en fait pas de moi son défenseur, bien au contraire. La lenteur est vertueuse, et j’avais déjà fait part de mon opinion sur le sujet dans un texte écrit à l’époque pour le Groupe Chronos : “Prenez le temps d’aller lentement”. Mais alors, me direz-vous, pourquoi diable vous parlé-je de tout ça ? parce qu’il me semble que Virilio ou Rosa se trompent d’ennemis, en se focalisant sur la vitesse et l’accélération.

À marche stressée

À trop axer son discours sur la lenteur comme “remède miracle”, il me semble que l’on ne se pose pas les vrais questions. La lenteur, d’abord, souffre de la largesse de ses définitions. Qu’appelle-t-on “lenteur”, au juste ? Certains évoquent ainsi, pêle-mêle, le tramway, le bus, le vélo ou la marche. Autant de modes aux vitesses sensiblement différentes. La vitesse urbaine moyenne étant aujourd’hui plafonnée à 25 km/h, peut-on vraiment parler de lenteur lorsque l’on est en bus ou en tramway, voire en vélo (les habitués dépassent les 20 km/h moyens) ?

Reste la marche, seule véritable “mode lent” ; elle était justement l’invitée d’honneur d’un forum Chronos auquel j’ai pu assister hier matin (cf. mon compte-rendu : Walkability is in da place). Logiquement, la lenteur y tenait une place de choix. Jusqu’à ce Jean Grébert (Renault) rappelle depuis l’assistance que la marche n’était pas forcément le mode poétique et contemplatif se dessinant entre les lignes de cette “lenteur salvatrice”. Car la marche peut aussi se faire dynamique et tonique lorsqu’elle est subie (ou simplement lorsque l’on n’envisage pas la marche comme un mode au ralenti : cf. mon éloge du “slalom urbain” dans Eyeshield 21).

Hartmut Rosa reproche ainsi à la vitesse de limiter notre capacité à consommer l’espace traversé furtivement : “L’accélération technique s’accompagne très concrètement d’un anéantissement de l’espace en même temps que d’une accélération du rythme de vie. [...] Cette accélération des rythmes de vie génère beaucoup de stress et de frustration. Car nous sommes malgré tout confrontés à l’incapacité de trop accélérer la consommation elle-même. C’est là un des stress majeurs liés à l’accélération du rythme de vie : le monde entier nous est offert en une seconde ou à quelques heures d’avion, et nous n’avons jamais le temps d’en jouir. [...] Cette rapidité et cette proximité nous semblent extraordinaires, mais au même moment chaque décision prise dans le sens de l’accélération implique la réduction des options permettant la jouissance [de l’espace] traversé”. Mais le ralentissement du transit, par exemple par la “mise en marche”, garantira-t-il pour autant la possibilité de “consommer” le territoire ? Rien n’est moins sûr ; car même ralenti, le courant du mouvement emporte le passant vers ses obligations. Dans ces situations, les “œillères” de Virilio restent belles et bien présentes…

Or, et c’est là que le bât blesse, la marche subie est aujourd’hui majoritaire, puisque incluse dans chacun de nos déplacements quotidiens “sous pression” (courses, domicile-travail, rendez-vous, etc.). Que reste-t-il alors des vertus enchanteresses de la marche ? Du vent, mais du vent lent. Ça nous fait une belle jambe. Il faut donc changer de regard, c’est-à-dire d’ennemi dans le viseur.

“Rejoignez l’mouvement”, qu’ils disaient…

Et si le vrai problème n’était pas dans la vitesse/accélération du mouvement, mais dans le mouvement lui-même ? Nos sociétés sont fondées sur l’idée que le mouvement – qu’il soit rapide ou non, soutenable ou non, vivable ou non – est nécessairement positif. C’est palpable dans le discours sur la lenteur, qui ne remet jamais en cause le “pourquoi” du déplacement, en se focalisant sur le “comment”.

Il suffit de jeter un œil aux slogans publicitaires pour en prendre la mesure… au hasard, en se rendant sur le tumblr “Rejoignez le mouvement” qui recense toutes les marques usant et abusant de la formule, des plus attendus (le mouvement étant justement leur argument de vente : Peugeot, Playstation Move…) aux plus surprenants (le Mouvement des Chrétiens Retraités, SRSLY ?!). La formule n’est qu’un des nombreux avatars de ce “dogme du mouvement” (qui fait écho au “dogme du flux” de Bruno Marzloff). Il est loin d’être le seul, et les exemples pourraient remplir un autre tumblr.

Citons ainsi l’Institut pour la Ville en Mouvement, dont l’appellation résume tout des enjeux qui la sous-tendent ; ou le géographe Michel Lussaut qui rappelle que “se tenir immobile dans notre société est considéré comme une remise en cause de la ‘norme sociale puissante’ à l’heure de la mobilité permanente” (via) ; ou encore le philosophe Zigmunt Bauman lorsqu’il propose un angle d’attaque aussi simple que pertinent : la métaphore du “liquide” pour décrire le basculement de nos sociétés dans “l’ère du flux” qui ne connaît “qu’un seul interdit : s’arrêter, faire la pause, se retirer de la course à l’éphémère”. Hors du mouvement point de salut, en somme. Sauf si… ?

Le mouvement ? Faites-le taire !

N’est-il pourtant pas nécessaire de remettre en cause cette “mobilité” trop souvent incontestée, ou du moins d’en questionner la légitimité ? Car les maux décrits par Rosa ou Virilio ne sont pas tant ceux de la vitesse que ceux du mouvement en général, du “liquide” qui rend chaque seconde plus friables nos certitudes et perceptions du quotidien (stabilité de nos relations sociales et professionnelles, par exemple). En termes de déplacement physique, c’est bien les trajets subis qui sont en ligne de mire ; et peu importe qu’ils soient lents, rêveurs ou ludiques s’ils sont vecteurs de stress et de pression. Le remède est dès lors tout trouvé : si la mobilité est la cause, il ne reste qu’à s’en affranchir. C’est certes très binaire, mais ça a le mérite d’être moins largement diffusé.

Cette voie de sortie existe bel et bien ; on la baptisera “démobilité” (note : j’emprunte l’usage de la formule à Chronos). L’écho à la décroissance est volontaire : de même que l’on ne pourra continuer sur ce modèle de consommation bien longtemps [“Si nous continuons sur ce rythme de ‘croissance’, nous aurons besoin de deux planètes en 2030”, selon le Living Planet Report 2010 de WWF. Via.], nous ne pourrons soutenir encore longtemps l’inflation de mouvement qui caractérise nos quotidiens. La formule choisie est donc volontairement choc ; plutôt logique, puisqu’elle propose ni plus ni moins de limiter nos mouvements subis (la précision est ici nécessaire, afin de faire taire l’argument du “droit à la mobilité”), autrement dit de diminuer le nombre de raisons de se déplacer.

“L’organisation du travail est évidemment en arrière-plan car elle conditionne la mobilité, tant subie que choisie”, expliquait Chronos en ouverture d’un forum consacré au sujet (Mobilités et démobilités se conjuguent). Plus généralement, c’est toute l’organisation de notre quotidien qui est à revoir. Le mouvement est déjà lancé, avec le retour des commerces dits “de proximité” dans les centres-villes. De simples initiatives font parfois l’affaire : ainsi, un point de livraison Kiala ou Cityssimo limitera les contraintes temporelles qu’imposeraient autrement l’e-commerce au jeune urbain dynamique type.

Le télétravail, c'est la santé.

Le numérique, un levier essentiel

Logiquement, le numérique est un levier essentiel de ces “démobilités” : télétravail, e-commerce, e-administration etc., autant de pratiques permettant d’étouffer l’inflation des déplacements subis qui caractérise nos ‘vies mouvementées’. Mais elles ne feront pas le travail toutes seules, incapables de supplanter en un claquement de doigt des pratiques professionnelles ou de consommation bien ancrées dans nos routines. L’urbanisme est la clé. La responsabilité du modèle périurbain sur l’explosion de nos déplacements subis est désormais bien connue, et partagée par tous. Sans un meilleur maillage du territoire par les points de livraisons, les télécentres, etc., aucune de ces pratiques de”‘substitution numérique” n’aura de véritable effet. “La Datar estime que c’est le maillage du territoire qui devrait assurer le succès d’un réseau de télécentres”, selon Les Échos qui s’interrogent sur le faible développement du télétravail en France.

Une utopie réaliste, donc. Mais une utopie quand même, dirons certains. Car cela implique de rompre définitivement avec les modèles économiques qui font tourner le monde (“liquidité” des capitaux et des hommes). Comme l’explique l’architecte urbaniste André Lortie :

“Souhaite-t-on se donner les moyens de pouvoir continuer à étendre les grandes villes indéfiniment sur la base de faibles densités [...], ou vise-t-on une occupation du sol raisonnée qui soit plus respectueuse des équilibres entre urbain et non-urbain ? Si le second terme doit être réellement pris au sérieux, il importe de mesurer ce que cela signifie d’un point de vue économique, dans la mesure où la croissance est en partie déterminée par ce choix.

Circuits courts et concentration urbaine induisent une autre forme d’économie que celle de la production de biens manufacturés dont une partie permet de pallier l’appauvrissement urbain induit par une forme d’occupation du territoire expansive et sous-densifiée. La décision n’est pas économique, elle est politique.”

Mais est-on prêt à faire un tel choix ?

Images Marion Boucharlat pour OWNI, CC Flickr Andrew Tallon, maantas et Scumfrog

Une Marion Boucharlat pour OWNI

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http://owni.fr/2010/11/04/contre-le-mythe-de-la-lenteur-salvatrice-la-demobilite/feed/ 14
Le web, mort?|| Autant se demander si le papier l’est aussi! http://owni.fr/2010/08/03/le-web-mort-autant-se-demander-si-le-papier-lest-aussi/ http://owni.fr/2010/08/03/le-web-mort-autant-se-demander-si-le-papier-lest-aussi/#comments Tue, 03 Aug 2010 12:51:19 +0000 Benoit Raphaël http://owni.fr/?p=23745 La question est lancée par un blog américain qui se demande si Chris Anderson, le patron de Wired, n’a pas l’intention d’en faire la prochaine couverture de son magazine. “The Web is Dead” expliquerait que l’arrivée des mobiles et de l’iPad auraient sonné le glas de cet ancien monde que serait devenu le WWW.

Chris Anderson fait partie des visionnaires de notre temps, il est le premier à avoir parlé de la “longue traine” (“The Long Tail“). Il est également l’auteur de “Free”, qui explique que nous sommes entrés dans l’économie du gratuit. Il est possible qu’il n’ait pas écrit d’article prônant la mort du web, mais le simple fait qu’on se demande s’il ne serait pas en train d’y penser, est révélateur des interrogations du moment sur l’avenir de l’Internet.

Et donc, notamment, des prochains investissements des médias.

L’évolution du marché mobile est sans équivoque. 92% de pénétration de la 3G en 2014 en Europe de l’Ouest (selon Morgan Stanley), multiplié par 4 selon Forrester qui prévoit une pénétration de l’Internet mobile de 41% (67% en 2009 pour l’Internet via un ordinateur).

Nous allons clairement vers la mobilité qui, sur le marché dominant des iPhones et des smartphones Android, se manifeste par une tendance à utiliser l’Internet via les applications, au détriment du web (du navigateur web).

Pour autant, la messe est-elle dite ?

Voici quelques pistes.

1) Tablettes: le retour du web

L’arrivée de l’iPad, qui réconcilie l’ordinateur avec la mobilité, continue de dynamiser le marché des applications. Mais il sonne également le retour du web. L’iPad est un excellent navigateur. Et bon nombre d’applications devenues indispensables sur iPhone en raison des limitations ergonomiques de son navigateur (liées au petit écran), ne le sont plus sur l’iPad. Les médias devraient donc réfléchir à deux fois avant de délaisser le web pour se ruer sur les apps.

Par contre il faudra s’adapter aux écrans, et aux usages de navigation sur tablette tactile.

2) Le média personnel

Sur les tablettes, la bataille sera aussi celle des applications d’agrégation: l’ère des médias personnels, comme Pulse, Appolo, Flipboard ou The Early Edition, qui s’adapte à vos usages de lecture et à votre réseau social pour proposer une information de proximité et personnalisée, agrégeant plusieurs sources. Et qui vous accompagne où que vous soyez.

3) La continuité des écrans

La question n’est finalement pas de savoir s’il faut investir dans une application ou dans un site web. Mais d’être capable d’organiser un média en un flux organisé qui accompagne l’utilisateur partout où il se trouve. Et sans rupture.

C’est le principal enjeu de ces prochaines années. L’avenir est aux médias capables de structurer leurs données, mais aussi l’interactivité entre les utilisateurs et leurs données. Aux médias capable de faire vivre leurs données sur les différents espaces de navigation (mobile, application mobile, les navigateurs des tablettes, des ordinateurs, mais aussi sur Facebook…). C’est à dire faire interagir données et utilisateurs sur un réseau qui sera de plus en plus indépendants de ses supports.

A voir, à ce propos, la conférence de Vin Cerf, l’inventeur de l’Internet, qui partage sa vision du futur. Il imagine une “connectivité omniprésente, qui augmenterait notre rapport sensoriel avec le monde réel”.

4) La disparition des supports

Car l’avenir réside bien dans cette connectivité permanente. Dans l’utilisation du réseau et de la technologie pour nous aider à interagir avec le réel. Ce qui nous amène peu à peu à faire disparaître les interfaces technologiques pour retrouver une interaction naturelle et intuitive avec les données réelles ou virtuelles.

La Wii de Nintendo, mais aussi le projet Natal (Kinect) de Microsoft, font peu à peu disparaître les manettes de jeu au profit de la reconnaissance gestuelle, via différents capteurs. Suivant la même tendance, l’iPhone efface la complexité de l’interface et nous fait retrouver des gestes qu’un enfant adopte intuitivement: tourner des pages, interagir avec notre environnement réel grâce à la réalité augmentée.

Si vous n’êtes pas convaincus par la disparition des interfaces, je vous invite à visionner cette démonstration incroyable d’un ingénieur indien, Pranav Mistry, diplomé du MIT: sa technologie (“SixthSense”) permet de faire disparaître l’outil ordinateur ou téléphone, pour permettre à l’utilisateur d’interagir avec les données partout où il se trouve.

L’avenir est donc bien à la structuration des données dans un univers de connectivité permanente qui s’affranchit des outils, pas à la guerre des supports. Le web est mort ? Peut-être. Le téléphone mobile ? Sans doute dans dix ou quinze ans. Peu importe.

Le web est mort ? Autant se demander si le papier est mort…

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Billet initialement publié sur la Social NewsRoom de Benoît Raphaël.

Crédits Photo CC : Greg MarshallElliot Lepers, Martin U.

(Illustration : Chris Anderson par Robert Shaer)

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Livre numérique: on refait en France les mêmes erreurs qu’avec la musique http://owni.fr/2010/07/24/livre-numerique-on-refait-en-france-les-memes-erreurs-quavec-la-musique/ http://owni.fr/2010/07/24/livre-numerique-on-refait-en-france-les-memes-erreurs-quavec-la-musique/#comments Sat, 24 Jul 2010 10:06:48 +0000 Hervé Bienvault http://owni.fr/?p=22784 J’ai beaucoup de retours autour de moi sur les pratiques de lecture, l’adhésion à des lecteurs à la fois comme l’iPad et les lecteurs eInk. J’avais relayé il y a deux ans déjà le petit calcul qui avait été fait sur le Kindle, le nombre de livres à partir duquel on amortissait l’achat d’un lecteur. C’était dix-sept titres. Peut-être vous rappelez-vous ce billet ?

J’ai essayé de refaire cette petite étude (en toute subjectivité) avec quelques éléments chiffrés avec des prix moyens que j’ai pondérés à la fois grand format/poche/occasion/prêt/échange quand il s’agit de l’univers papier et légal/piratage/échange quand il s’agit de l’univers numérique. Le petit tableau ci-dessous synthétise l’ensemble. Il ne repose sur aucune études statistiques mais je pense qu’il n’est pas si éloigné que cela de la réalité. Merci de me donner votre sentiment.

À mon avis, un lecteur qui lit plus de deux livres par mois est aujourd’hui interpellé par l’offre du livre numérique, c’est indéniable. La pondération du côté du gratuit est maintenant forte. On a dépassé très largement le domaine des classiques à papa ! Un univers clandestin du livre s’organise. Près de 1.500 fans sur certains groupes Facebook… D’après mes estimations et quelques sondages réalisés, c’est entre trois cents et cinq cents titres parmi les best-sellers qui circulent déjà sur les réseaux avec une qualité excellente et un format ePub maintenant proposé plus de deux fois sur trois. À la fois scannés et craqués. Les livres scannés sont même souvent de meilleur qualité que ceux proposés par les éditeurs ! Un comble. L’offre est exponentielle depuis quelques mois seulement. Entre trente et quarante-cinq jours, c’est le délai où l’on voit apparaître une version pirate d’un best-seller qui vient de sortir. Confirmé d’ailleurs par un éditeur en début de semaine.

Un marché en retard

Le marché du livre numérique en retard en France ? Du côté des éditeurs, c’est indéniable. Du côté des consommateurs, les choses vont maintenant très vite. Je fais le pari que dans ce domaine comme dans d’autres, nous allons très bientôt rattraper les pays anglo-saxons, mieux les dépasser du côté de l’offre illégale, nous sommes au pays de Voltaire et de Balzac, non ?

La France championne mondiale du piratage, aucune raison que cela reste étanche aux livres ! Nous sommes bien en train d’attiser (avec un très gros soufflet) les charbons de l’offre illégale avec des réductions de prix d’éditeurs qui attendent une baisse de la TVA qui ne viendra sans doute jamais, des DRM qui nous empoisonnent la vie quand on change de lecteurs (tous les deux ans environ et aucune certitude sur des bibliothèques pérennes), l’absence totale de collections de poche et de pans entiers de l’édition populaire (fantasy, polars, fantastique, science-fiction, les plus piratées évidemment). J’ai même rencontré cette semaine un libraire qui vend du livre numérique et qui me dit qu’il n’en achètera jamais pour lui ! (il se reconnaîtra).

Bref, on n’a tiré absolument aucun enseignement de ce qui s’est passé dans la musique et on comprendra mieux l’ombre de la Bérézina des éditeurs, la route sera longue pour inverser les pratiques, croyez-moi…

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Billet initialement publié sur le blog Aldus sous le titre “Livre numérique: les pratiques françaises”

Crédit Photo CC Flickr : Brian J. Matis

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Pourquoi la chute du marche de la musique va désormais s’accélérer … http://owni.fr/2009/11/16/pourquoi-la-chute-du-marche-de-la-musique-va-desormais-saccelerer/ http://owni.fr/2009/11/16/pourquoi-la-chute-du-marche-de-la-musique-va-desormais-saccelerer/#comments Mon, 16 Nov 2009 15:31:08 +0000 Babgi (sawndblog) http://owni.fr/?p=5496 Partie 1

J’ai récemment eu une intéressante discussion avec un groupe d’amis travaillant dans l’industrie de la musique -responsable de start-up, ancien manager de label, ancien responsable de la Sacem, etc.- et il m’a semblé intéressant d’en rapporter le propos en le pimentant de mon avis personnel.

D’une façon générale, le consensus est que les choses vont continuer à évoluer à peu près comme elles l’ont fait durant les huit années passées : une baisse du marché de l’ordre de 10 à 12% en valeur par an et une augmentation du digital trop faible pour compenser quoi que ce soit. Chacun y va de son bon mot pour expliquer que les gens sont prêts à consommer des CDs , si la musique est bonne …
Voici donc dix prédictions et hypothèses… On verra d’ici peu et ce post grave dans le marbre une référence de ma capacité divinatoire, ou à avoir l’air ridicule … mais ça ne tue pas comme chacun sait.

1) la chute du marché physique va s’accélérer. En lisant une hypothèse de l’Idate, j’ai été surpris de constater que l’accélération de la chute n’intervenait qu’en 2012. Or, ces études ne prennent pas assez en compte l’accélération du renouvellement des équipements audio. Une chaine hifi se conservait 6/8 an, il y a dix ans, c’est plutôt 3/4 ans à présent. De surcroît, il s’est vendu 640 millions de téléphone avec un player MP3 en 2008 !! Dites simplement à votre petit neveu de 8 ans que vous allez lui offrir plein de CD de musique pour noël et vous allez voir sa tête !

2) Itunes a mangé son pain blanc. J’ai été un très gros utilisateur de Itunes sur lequel j’ai créé des centaines de playlists. Depuis quelques temps, je l’utilise beaucoup moins, n’y trouvant ni smart radio, ni moteur de similarité intelligent, ni encore le fun que je peux trouver sur LastFM en lisant les Bios et commentaires sur ce que j’écoute.
Plusieurs personnes m’ont raporté que Steve Jobs (le patron d’apple pour ceux à qui ça aurait échappé) a interdit à ses équipes de travailler sur un concurrent de Spotify, convaincu que l’avantage concurrentiel de Itunes est trop important pour que cela vaille le coup. Impossible évidemment de savoir si c’est vrai, mais si c’est le cas, c’est une erreur majeure à mon sens.

3) On va enfin parler de musique mobile. Blutooth 2, un vrai réseau 3G. J’ai souvent dit que même en ayant largement participé à l’émergence du marché de la musique mobile, Musiwave restait un échec car elle n’a jamais réussi à capter plus de 2% de part de marché. L’absence totale d’ergonomie, des catalogues réduits, peu de mobiles compatibles, un réseau pas encore au point et une vraie difficulté à exporter le son vers un ampli ont été quelques uns des facteurs bloquants. Or, avec l’arrivée de players réellement ergonomiques avec des catalogues très complets devrait changer la donne. On ressort totalement épaté d’une démo du player de Spotify, et on me dit que celui de Deezer sera encore mieux.
Cette prédiction un peu prétentieuse que je faisais il y a donc quelques années “le mobile va devenir la télécommande de votre chaine hifi et votre principal point d’accès à la musique” est peut être en passe de devenir tout à fait exacte. L’intégration de Blutooth2 (qui permet de transmettre de la Hifi en Stéréo sur l’autoradio de sa voiture ou la chaine de son salon), et la capacité de la 3G améliorée (HSDPA) sont des verrous désormais enfoncés.

4) le MP3 va réellement commencer à disparaitre dès 2010. Je le dis je le répète, le MP3 en fichier a imposé une expérience trop complexe. Acheter un titre online n’est pas naturel pour beaucoup d’entre nous. S’abonner à Spotify ou Deezer l’est beaucoup plus. De surcroît, la manipulation de milliers de titres se révèle rapidement une tache ardue. L’expérience utilisateur, dix ans après l’arrivée du MP3 est sur le point de changer radicalement, à nouveau.

5) Le P2P va peu à peu s’effacer. Déjà les statistiques sont formelles : le P2P n’est plus en croissance. Si vous avez déjà passé des heures pour essayer de récupérer un titre de musique qui s’avère être coupé au bout de 1,30 minutes, vous savez pourquoi l’expérience est quand même assez limitée. Et toutes les raisons du (4) vont aussi dans ce sens. Dans 4 ans, on n’en parlera plus !

7) Il y aura plusieurs plateforme gagnantes. Tout le monde oppose Deezer contre Spotify et Itunes, google, et d’autres nous ont dressé à croire qu’il ne peut y avoir qu’un leader par marché. Mais dans la musique les paramètres pour être bons sont beaucoup plus nombreux. Ainsi LastFM est le meilleur en similarité, mais le plus mauvais en user-expérience. Deezer est le catalogue le plus pronfond, mais l’ergonomie est moins bonne que Spotify (so far). De surcroit c’est l’intérêt des majors et labels.

8 ) L’échange de playlist va largement se populariser. Si vous avez des ado, vous pouvez directement passer au (9)… Sinon, tapez “spotify playlist” dans google, ça vous éclairera.

9) De nouvelles expériences musicales vont émerger (suivez mon regard). Au 18ème siècle lorsqu’on écoutait de la musique, c’était à l’opéra et ça durant 3 heures. En 1965, c’était surtout dans sa chambre et ça durait entre 3,30 et 45 min (les faces planantes de Pink Floyd). Or, aujourd’hui, le contexte d’écoute n’a jamais évolué autant (en travaillant sur son ordi, en marchant dans la rue…) mais le format n’a pas bougé. C’est aussi pour ces raisons que je crois sans limites au mxp4.

10) le marché de la musique va recommencer à croitre en Europe dès 2011.
Cette affirmation amène tout d’abord une vraie question : pourquoi le marché a dévissé aussi fortement? Pourquoi on n’a pas pu enrayer cette chute? Tout simplement parce que c’était beaucoup plus simple d’utiliser un MP3, pour la rapidité de mise en œuvre (vous vous rappeler du petit tiroir CD de votre chaine hifi et des boites de CD qu’on ne retrouve jamais?), sa capacité d’échange, et aussi la gratuité, mais pas uniquement.
Or on commence à voir des services qui rentrent en concurrence avec la gratuité, car ils amènent une valeur ajoutée suffisament forte pour que le consommateur ait à nouveau envie de payer.
Évidemment, ça n’est pas encore tout à fait évident, mais je parie que ça va le devenir. Ce qui est déjà évident c’est que si Hadopi fonctionne un tant soit peu, ça va largement aider à ouvrir les porte-monnaies. Cette affirmation concerne donc l’Europe, car de nombreux pays vont passer des lois Hadopi-like.

Merci de ne pas trop vous moquer de moi lorsque vous me croiserez dans la rue dans deux ans.

» Retrouvez cet article et la conversation qui s’en est suivie sur Sawnd Blog

Partie 2

pirate

A l’issue du papier “Pourquoi la chute du marche de la musique va désormais s’accélérer”…, nombreux ont été ceux qui se sont exprimés, parfois avec une certaine virulence, directement sur le blog, un peu sur facebook, mais surtout en envoyant directement leurs commentaires dans la boite mail de l’auteur, pour ceux qui la connaissaient.
Certains arguments faisaient beaucoup de sens, tandis que d’autres étaient clairement tendancieux, voire de mauvaise foi. Il nous a donc semblé intéressant de résumer les points de désaccord les plus marqués, pour continuer le débat et tenter de parvenir à un consensus plus élaboré. C’est l’idée des 11 points qui suivent. 10 reprennent ceux de du post, et un onzième fait la synthèse.

1) Concernant “la chute du marché physique va s’accélérer”. C’est sans surprise le seul sur lequel vous avez été tous unanimes. La plupart d’entre vous font d’ailleurs observer que cela fait déja des années qu’ils n’ont pas acheté un CD. Petite surprise cependant, le retour du Vinyl, qui a cru de…. 310% entre 2001 et 2008 en Angleterre… Il est vrai qu’à 340M de £ en 2008, cela reste un petit marché.

2) Concernant “Itunes a mangé son pain blanc”. Il s’agit clairement un point controversé. Mais ce qui semble surprenant, c’est la conviction de beaucoup d’internautes que la position dominante d’Itunes est bien assurée. Il nous semble étonnant de ne pas prendre en compte que ce qui a été fait en cinq ans ne pourrait être défait dans le même temps, voir moins. La notion de possession de la musique (les fichiers sont sur mon disque dur, donc ils sont à moi) semble également être un argument de faible poids. D’ici peu, on oubliera même qu’on stockait la musique en local. Certes, il ne faut pas être prisonnier d’une offre de streaming et il sera impératif que l’on puisse exporter ses playlists (en xml par exemple), mais c’est une idée qui fait son chemin, de ce que j’en sais.
La pseudo dépendance des terminaux avec ITunes ne me semble pas un argument. Ce fut vrai un court moment avec les Ipods -et la DRM Fairplay-. Deezer et Spotify s’affranchissent brillamment de cette contrainte.
Il est également surprenant de constater que beaucoup contestent les prix élevés des CD (physiques), mais que le prix élevé des titres sur Itunes (qui pourtant n’a que peu de coûts logistiques…) semble acceptable…

3) Concernant “On va enfin parler de musique mobile”. C’est un argument qui est contesté sur le plan technique. Les réseaux ne supporteraient pas un usage massif. Or, pour avoir pas mal travaillé sur le sujet, il est très difficile d’affirmer cela. A priori, les réseaux sont à même de supporter un niveau de débit sensiblement supérieur à l’usage que nous en faisons actuellement. Il ne faut pas oublier que l’infrastructure UMTS a au départ été conçue avec l’idée qu’une part non négligeable des abonnés feraient des video-calls ; usage qui ne s’est finalement pas concrétisé. La musique nécessitant environ 8 fois moins de bande-passante qu’un video-call, cela ne semble donc pas être une difficulté incontournable. Sans compter du fait que le HSDPA (la 3,5G) est en déploiement rapide (avec 2Mb en descendant !), que les réseaux micro-cellulaires devraient permettre d’augmenter encore la capacité. Il est ainsi difficile de douter du fait que l’expérience de musique mobile va exploser à court terme, y compris dans les pays émergents.

4) Concernant “le MP3 va réellement commencer à disparaitre dès 2010″. C’est une vraie satisfaction d’observer que personne ne conteste vraiment ceci. Des journalistes américains et Brésilien ont d’ailleurs repris cette note. Il est heureux que cette disparition intervienne, permettant ainsi de faire émerger de nouveaux standards, sensiblement plus performants en ce qui concerne l’expérience artistique.
En revanche, nombreux sont ceux qui doutent que le streaming puisse devenir dominant. Cette notion (un peu grégaire, il faut l’avouer non?) de ‘possession’ des fichiers MP3 semble tenir fortement à coeur de certains ! Les auteurs de ce papier prennent les paris à cinq contre un. Reste à trouver un arbitre fiable.

5) Concernant “le P2P va peu à peu s’effacer”. C’est de loin le point qui a été le plus contesté. Il semblerait que parmi nos lecteurs, beaucoup soient des adeptes de cette technologie. Il est pourtant difficile de contester son déclin, constaté par de nombreuses études. Les ISP eux même confirment que le trafic issue du P2P est en nette baisse. Quand à son efficacité, les doutes exprimés lors de notre post initial peuvent être renouvelés : sur Limewire, en tapant “Dance” et “Prince”, entre l’instant d’envoi de la requête et le début de l’écoute d’un titre, il nous a fallu six minutes (avec un abonnement ADSL 30Mb) avant de commencer à écouter un titre improprement encodé (128kb en MP3). Ça marche certes, mais ça n’est en rien comparable à une plateforme de streaming qui offre une qualité de 256Kb ou plus, et une écoute instantanée.

7) Concernant “Il y aura plusieurs plateforme gagnantes”. Encore une fois, il est étonnant de voir à quel point le joug de Itunes semble être perçu comme une fatalité, pour le siècle à venir. Peu d’entre vous imaginent que les lignes de front puissent être enfoncées et qu’un ou plusieurs autres challengers prennent cette (ces) place enviée. Pourtant, une erreur de stratégie aussi simple que celle qui consiste à ne pas passer au “all you can eat” et au streaming pourrait bien leur être fatal. Mais encore une fois, ne présupposons pas que le vers soit nécessairement dans le fruit… Il est clair qu’historiquement, Apple a fait preuve d’une capacité de réaction remarquable.

8 ) Concernant “L’échange de playlist va largement se populariser”. Il importe de préciser que les playlists s’échangent pour l’instant dans une logique fermée. Votre serviteur a récemment suggéré au management de Spotify et de Deezer d’adopter le xml comme standard d’échange de playlists, ce qui est déja le cas de Itunes.

9) Concernant “De nouvelles expériences musicales vont émerger”. Évidemment, le moins que l’on puisse dire c’est que tout le monde ne suit pas notre conviction que le mxp4 puisse devenir un format de prédilection. Pourtant de nouveaux développements devraient être révélés en 2010, qui devraient pousser les septiques à revoir leur jugement.

10) Concernant “le marché de la musique va recommencer à croitre en Europe dès 2011″.

C’est pour le moins un point contesté ! Beaucoup d’internautes entendent ici “les majors vont à nouveau vivre grassement sur le dos des internautes et des artistes”. Le fait est que toute la croissance du marché devrait être tirée par une nouvelle catégorie d’acteurs, petits labels, start-up internet… Les majors n’ayant -à notre sens- de toute façon plus de structures adaptées à ce nouveau monde.
La question du prix est évidemment très présente dans vos réactions. Or, un calcul assez simple, montrant que si la moitié des foyers français payaient seulement 4,5 euros par mois pour une offre de musique exhaustive, le marché français serait à nouveau en nette croissance. C’est d’ailleurs le point que nous avions défendu auprès de la commission Internet et Création : plus qu’une logique répressive, la mise en avant d’offres compétitives, et économiquement accessibles.

Et 11) En synthèse… Le point le plus notable nous semble être ce sentiment très fort, qu’un nombre assez significatif d’entre vous expriment, concernant la gratuité de la musique. 200 ans après la déclaration des droits de l’homme, il semble que l’accès libre et gratuit à la musique, voire plus largement à tous contenus, soit à présent également considéré comme un droit fondamental.
La notion de licence globale est revenue (par email) à deux reprises ; il semble important de rappeler qu’elle pose des problèmes de Droit assez structurel. La France et l’Europe sont signataires de nombreux accords (GATT, OMC…) sur le respect de la propriété intellectuelle (1), qui -à priori- rendent particulièrement difficile la mise en œuvre de cette idée.
A ce titre, Hadopi en prend pour son grade. Il est vrai que les obstacles semblent nombreux avant que cette loi puisse être mise en œuvre efficacement, si elle l’est. Il n’en reste pas moins vrai qu’il est hypocrite de soutenir que la loi est inique car opérée par des serveurs. Les radars automatiques n’ont aucune modération humaine et malgré tout le Conseil Constitutionnel, le Conseil d’État et la Cour de Justice Européenne ne les ont pas remis en cause.

Romualdo, avec la participation de Babgi.

(1) sur ce sujet et plus globalement un article écrit dans le Figaro, et reproduit par invention.ch, résumant plus largement les enjeux de la propriété intellectuelle et artistique.

NB : vos avis sont bienvenus, la courtoisie et la retenue les rendent encore plus pertinents.

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