OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 [APP] L’opposition birmane dans le monde http://owni.fr/2011/06/17/app-opposition-birmane-dans-le-monde/ http://owni.fr/2011/06/17/app-opposition-birmane-dans-le-monde/#comments Fri, 17 Jun 2011 10:30:19 +0000 Ophelia Noor http://owni.fr/?p=67972 Le 30 mars 2011, la junte birmane était officiellement dissoute, le généralissime Than Shwe abandonnait le pouvoir et un nouveau chef de gouvernement était nommé. Une décision qui aurait pu passer pour une bonne nouvelle si le premier ministre Thein Sein n’était pas l’énième militaire à prendre les commandes de l’état fédéral du Myanmar depuis 1962.

Cette décision est intervenue quelques mois après les élections générales de novembre 2010, les premières organisées depuis vingt ans et la victoire d’Aung San Suu Kyi. Qualifiées maintes fois de mascarade par les médias autant que par une partie des opposants au régime, elles auraient eu pour dessein de légitimer le pouvoir de la junte militaire en la transformant en gouvernement civil démocratiquement élu.

Au-delà des débats suscités par la convocation de ces élections qui ont divisé les birmans et les principaux partis d’opposition, l’application interactive, réalisée en complément au web-documentaire “Happy World: la dictature de l’absurde”, vous permettra de constituer un panorama non exhaustif des oppositions birmanes, de leurs divergences et leurs points de ralliement.

Qui sont-ils, où sont-ils ? Partis politiques, groupes clandestins, associations, médias, en Birmanie ou exilés. Vous pourrez également rentrer dans le détail sur d’autres points:
Qui est favorable à un dialogue avec la junte?
Qui a boycotté les élections de novembre 2011?
Ou encore, quel groupe est pour le maintien des sanctions économiques?

Selon le dernier classement sur la liberté de la presse dans le monde effectué par RSF en 2010, la Birmanie est classée 174ème sur 178 pays. La censure est extrêmement forte et notamment sur Internet, ce qui lui a valu de figurer au palmarès des 10 pays Ennemis d’Internet dans le monde, aux côtés de l’Arabie saoudite, de l’Ouzbékistan ou encore de la Syrie.

République de l'Union du Myanmar


Une enquête de Marie Normand
Graphisme Antoine Errasti
Développement, Pierre Romera pour OWNI
Design, Pierre Cattan pour 5ème Etage Productions
Edition, Ophelia Noor

Crédits photo:
via Wikimediacommons ; via Flickr Lewihamdream [cc-by-nc] ; et illustrations d’Antoine Errasti pour Happy World
pour Happy World

Retrouvez notre dossier dictature Birmane sur Owni.fr et en anglais sur Owni.eu
Image de Une réalisée par Marion Boucharlat pour Owni /-)

Webdoc Happy World, Birmanie la dictature de l’absurde

Birmanie, l’internet dangereusement civilisé

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La cyberguerre sans y toucher http://owni.fr/2011/01/19/la-cyberguerre-sans-y-toucher/ http://owni.fr/2011/01/19/la-cyberguerre-sans-y-toucher/#comments Wed, 19 Jan 2011 18:03:01 +0000 Olivier Tesquet http://owni.fr/?p=43046

Très peu d’événements en lien avec le cyberespace disposent d’une réelle capacité à causer un choc global.

C’est le constat sans appel que dressent deux chercheurs britanniques dans un rapport de 120 pages (PDF) commandé par l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques). Comme le rappelle avec sagacité le New York Times, on recense aujourd’hui pas moins de 270 ouvrages sur “la cyberguerre”, formule consacrée. Avant d’éplucher les quintaux de pages que représente cet imposant corpus, il était plus que temps de fourbir les armes théoriques pour comprendre – et dédramatiser – le “jour d’après” que nous promettent certains experts.

En renversant la boîte de pétri des laborantins de la cyberfin du monde, Peter Sommer, professeur à la London School of Economics, et Ian Brown, de l’Oxford Internet Institute, vont-ils également renverser la hype, remplaçant les mines affolées par une moue dubitative? La tâche s’annonce ardue: sur les douze derniers mois, le même New York Times a parlé 90 fois de cyberguerre en utilisant le mot “cyberwar”, (101 pour le Washington Post, et 240 pour le Wall Street Journal – même caché derrière un paywall).

Et les articles ne sont pas les seuls à se multiplier comme des petits pains. Aujourd’hui, les États-Unis disposent d’un Cyber Command et d’un “cybertsar” à la Maison-Blanche, Howard Schmidt; le Royaume-Uni possède un Office for Cyber Security and Information Assurance; l’Union européenne a l’ENISA, son agence dédiée mais esseulée; l’Estonie a hérité d’un Cooperative Cyber Defence Centre of Excellence après les incidents de 2007; l’OTAN réfléchit à son propre quartier général (que voudrait récupérer la Corée du Sud); et on ne compte plus les CERT, ces centres d’urgence chargés de répondre aussi vite que possible aux tentatives d’intrusion dans les systèmes d’information.

Le but de la commande de l’OCDE est clair: “Dans quelle mesure des dangers numériques peuvent-ils être aussi destructeurs que des pandémies mondiales ou la crise bancaire?” Pourtant, derrière ses atours prospectifs, l’étude britannique s’appuie sur des structures et des protocoles préexistants. Aussi ses deux auteurs identifient-ils les deux points cruciaux qui régentent l’analyse en vogue. D’un côté, la création du World Wide Web au début des années 90, qui a sensiblement modifié les usages en les fluidifiant. De l’autre, le tournant des années 2000, quand une bonne part (50%, avancent les chercheurs) du PIB des États occidentaux s’est mis à reposer sur les NTIC. Loin des préceptes de la nouvelle économie, ce second élément vise surtout à démontrer la porosité des systèmes gouvernementaux, qui prêtent de facto le flanc aux cyberattaques.

Harder, Better, Faster, Stronger?

“Il y a cette espèce de compétition entre les auteurs, pour dire ‘mon histoire est plus effrayante que la tienne’”, regrette Peter Sommer. Avec son acolyte Brown, il préfère questionner la notion de persistance. Est-ce que les risques pointés par certains auteurs tels que le très médiatisé Richard Clarke, ancien conseiller à la sécurité de trois présidents américains successifs, sont vraiment des chausse-trappes dans lesquels nous sommes susceptibles de tomber à tout moment? Et pour y répondre, rien de mieux qu’un peu de dialectique issue de ce bon vieux Clausewitz, inventeur de la notion de “friction” et géniteur de la fameuse citation “la guerre n’est que la continuation de la politique par d’autres moyens”:

La plupart des cyberattaques seront ciblées et courtes dans le temps [...] Finalement, comme dans toutes les guerres, vous devez penser à la finalité: comme les analystes thermonucléaires pendant la Guerre froide, vous devez vous demander, que restera-t-il?

Plutôt que de répondre à cette épineuse question, les deux chercheurs dégonflent l’hystérie ambiante en énonçant une lapalissade qui arrache un sourire:

A une échelle moindre, si vous voulez que votre ennemi capitule – comment pourra-t-il le faire si vous avez coupé tous ses moyens de communication et son système de décision?

Le retour de Stuxnet

L’étude soulève un deuxième point, encore plus complexe et lourd de conséquences: celui de l’attribution. Il y a quelques jours, en prenant sa retraite, l’ancien chef du Mossad Meir Dagan a relancé le débat sur Stuxnet, en suggérant très fortement qu’il s’agissait d’une arme de conception israélienne, développée avec l’aide des États-Unis et de certains pays européens dont l’Allemagne. “L’Iran ne sera pas en mesure d’avoir l’arme nucléaire avant 2015”, se félicitait-il. Dans la foulée, le New York Times y allait de son affirmation, en titrant “le ver Stuxnet utilisé contre l’Iran a été testé en Israël”. Étayé, cet article n’en reste pas moins déclaratif, comme les allégations israéliennes. D’ailleurs, selon certains spécialistes, le régime des mollahs pourrait “fabriquer une bombe d’ici trois mois”.

Dans ces circonstances, la cyberguerre ressemble moins à une menace armée qu’à une forme moderne de soft power, un outil utilisé dans les administrations et les états-major pour influencer les rapports de force. Meir Dagan est par exemple un opposant notoire à une attaque militaire contre l’Iran. En annonçant fièrement le terrain (supposément) gagné grâce à Stuxnet, il peut servir la position qu’il défend.

Il existe aussi une raison technique à cette difficulté d’identification et d’attribution. “Les revendications d’attaques, par des groupes affiliés aux gouvernement chinois ou russe par exemple, peuvent être contrées en rappelant que leurs ordinateurs peuvent avoir été infiltrés par des tiers, ou qu’il s’agit de l’initiative de hackers patriotiques isolés”, peut-on lire dans l’étude. Aux yeux de ses auteurs, “l’attaque Stuxnet, qui visait apparemment les installations nucléaires iraniennes, pointent autant les difficultés que le futur”.

Cinétique contre numérique

Mais l’identité de celui qui appuie sur le bouton n’est qu’une conséquence. Comme l’écrivent les chercheurs anglais, “L’un des avantages des armes cybernétiques sur les armes conventionnelles, c’est qu’il est beaucoup plus facile de créer une ambiguïté autour de l’individu qui lance l’attaque”. Pour Sommer et Brown, il faut étudier la cyberguerre à l’aune de son aïeule sans préfixe, pour déterminer sa portée:

Pour définir un acte de cyberguerre, il faut montrer qu’il était équivalent à une attaque hostile conventionnelle, dans son intensité, sa durée, son contexte [...] La première considération que nous devrions avoir, c’est la raison pour laquelle un État ou une entité voudrait partir en guerre. Dès lors que l’hostilité existe, il y a fort à parier que les pays ne se limitent pas à des armes conventionnelles. Les armes cybernétiques ne sont qu’un moyen additionnel de mener ces assauts.

Pour l’heure, de telles armes sont encore mal maîtrisées, comme l’attestent les dommages collatéraux du ver Stuxnet, encore lui. C’est peut-être la raison pour laquelle, en guise de conclusion, les deux experts considèrent une “cyberguerre pure” comme “improbable”. Dans un autre cas de figure, celui populaire des attaques par déni de service (DDoS), elles ne sont qu’une munition supplémentaire, sûrement pas le canon de l’arme. La faute à leur faible intensité et leur courte durée de vie. Et si finalement, la fameuse cyberguerre d’après-demain, celle qui mettra les pays à genoux, résidait dans ce déséquilibre? Avant d’imaginer les bombes informatiques, regardons d’abord exploser quelques petits pétards.

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Crédits photo: Flickr CC obeyken, superfem, fixedgear

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Warlogs: L’enquête continue http://owni.fr/2010/09/01/warlogs-lenquete-continue/ http://owni.fr/2010/09/01/warlogs-lenquete-continue/#comments Wed, 01 Sep 2010 06:30:30 +0000 Nicolas Kayser-Bril http://owni.fr/?p=26613 Dans la nuit du 11 octobre 2009, des rebelles afghans tenaient un checkpoint pirate dans une région agricole, Sholgara, dans le nord du pays. Alors qu’ils fouillaient une voiture afghane, ils trouvent des documents à en-tête du gouvernement. La sentence est prononcée immédiatement : le véhicule est brûlé et le conducteur exécuté.

Face à cet affront, les forces de la coalition ne pouvaient pas rester les bras ballants, il en allait de leur crédibilité ! Une opération “search and clear” (“recherches et nettoyage” en français) est mise sur pied le lendemain. Search and clear, en langage OTAN, désigne une fouille des maisons d’un village pour trouver des coupables. Inutile de préciser qu’aucun juge n’a besoin d’émettre de mandat de perquisition. Nous sommes en Afghanistan pour instaurer l’Etat de droit, pas pour l’appliquer.

En arrivant sur place, les forces de la coalition trouvent les habitants peu coopératifs. Les soldats afghans qui les accompagnent se mettent alors en tête de secouer un peu la populace pour les rendre plus loquaces. Un officier particulièrement zélé va même jusqu’à violer une gamine de 16 ans, certainement dans l’espoir de lui faire avouer son appartenance aux talibans.

Le glauque ne s’arrête pas là. La famille de la victime fait le déplacement jusqu’au quartier général du district pour faire état de l’affaire. Plutôt que d’enregistrer leur plainte, l’officier susnommé ordonne à son garde du corps de les descendre. Face à son refus d’obtempérer, il tire sur le garde du corps, sous les yeux de la famille.

Cette histoire est tirée d’un rapport militaire rédigé par la Task Force américaine Warrior, positionnée non-loin de là. Ce rapport, log dans le langage OTAN, est l’un des 76.000 mis en ligne par Wikileaks le mois dernier. Il ne renferme aucun scoop, si bien que les journalistes du Guardian et du New York Times ne s’en sont pas saisis. Il reflète simplement la réalité d’un pays livré à lui-même, où nos armées ne font que soutenir un clan barbare contre un autre.

Dans l'ouest du pays, Mars 2010

Nous avons construit, avec l’aide de Slate.fr et du Monde Diplomatique, une application permettant de naviguer dans ces warlogs, comme nous l’annoncions le 27 juillet. Une nouvelle version a été mise en ligne la semaine dernière, qui donne aux utilisateurs la possibilité de faire remonter les histoires les plus intéressantes.

S’ils n’apprennent rien aux spécialistes, ces instantanés de l’horreur afghane mettent en évidence les vices de la guerre que l’on y mène depuis 9 ans. Au rayon arbitraire, par exemple, prenez ce log, qui se déroule dans la chantante Morghab, à la frontière turkmène. Des militaires US rapportent qu’un groupe d’Afghans s’est rendu au commandement local pour récupérer des corps. On les prévient qu’on ne les y autorisera que s’ils sont accompagnés par des « anciens ». Ils reviennent avec deux personnes supplémentaires (peut-être les anciens en question) qui sont aussitôt arrêtées par les services secrets.

On comprend mieux cette histoire quand on sait que la ville est le QG du colonel Amir Shah Naibzada, que les analystes de l’armée US décrivent (pdf) comme une personnalité ‘controversée’ dont les faits d’armes incluent le viol de 40 femmes d’un coup ! Ce même rapport explique que le ministre de l’énergie, Ismail Khan, voue une haine féroce à l’encontre de Naibzada, ce dernier ayant fait exécuter le fils Khan par ses miliciens. C’est l’une des raisons pour lesquelles cette région reste sous-développée, sans autre espoir de survie que le trafic d’héroïne.

Heureusement, nos soldats sont là-bas pour remettre les choses en ordre, pas vrai ? « Notre présence vise à assurer la stabilité et la sécurité » assurait Hervé Morin la dernière fois que le sujet a été abordé à l’Assemblée, en décembre 2009. Si c’était vraiment le cas, on ne s’associerait pas à l’une des plus grandes milices afghane, à savoir l’armée.

Un autre log permet d’y voir plus clair sur le fonctionnement de cette institution, grave facteur d’instabilité et d’insécurité. Des soldats de la Task Force Catamount y racontent une visite de routine effectuée en 2007 dans l’est du pays. Entre la distribution de sacs de riz et de pois, le militaire fait un rapide examen du peloton stationné sur place, composé de 35 soldats afghans. Sur les 35, seuls 31 sont armés. Sur les 31 armes personnelles, pas une ne provient du gouvernement. En d’autres termes, ces soldats ne sont que des hommes armés contrôlant un village. Leur allégeance au gouvernement leur permet simplement d’éviter les tirs américains et de recevoir des munitions gratuites de Kaboul.

Un conseil des anciens à Kandahar, mai 2010

Ces trois histoires ne sont que des anecdotes, puisées dans les 76.000 que renferment les warlogs. Pour l’instant, nous en avons analysé à peine 600. Déjà, des dizaines d’instantanés comme ceux-ci permettent de rentrer la tête la première dans la réalité d’une guerre que l’on nous présente encore comme stabilisatrice et juste.

Contacté au téléphone pour confirmer ces histoires, la 1st Brigade, qui regroupe les commandements des TF Warrior et Catamount, ne souhaite pas communiquer sur les warlogs. La langue de bois bien pendue, le secrétaire m’assure que les officiers de presse sont tous déployés et qu’on ne peut pas les joindre…

Contribuez vous-aussi à cette enquête !

Rendez-vous sur l’application Warlogs et cliquez sur ‘Je participe’. Vous n’avez qu’à lire l’article et indiquer si vous le considérez intéressant ou pas. Si nous sommes assez nombreux, les histoires les plus choquantes, les plus édifiantes, les plus frappantes remonteront d’elles-mêmes vers le haut de la liste.

Ces témoignages pourront jouer le rôle de la photo de Kim Phuc au Vietnam, la petite fille courant nue sur une route après un bombardement au napalm, ou celui de celles d’Abu Ghraib, qui révélèrent le comportement de l’armée US en Irak. Au minimum, ils relanceront un débat nécessaire sur le départ des troupes de l’OTAN d’Afghanistan.

Dire cela, ce n’est pas condamner les Afghans à une vie sordide et talibane. Des pays similaires sont en train de réussir à sortir de l’extrême pauvreté et à se mettre sur les rails du développement. On peut comparer l’Afghanistan au Tadjikistan, par exemple. En 2001, les 2 pays étaient au coude-à-coude pour le titre de pays le plus pauvre de la région, Douchanbé devançant légèrement Kaboul avec un PIB par habitant de 173$ contre 101$.

Dix ans plus tard, les Afghans sont, en moyenne, 3,6 fois plus riches. Les Tadjiks ont, eux, vus leur richesse multipliée par 4,3. Une différence de taille tient au montant de l’aide américaine annuelle reçue par l’Afghanistan, qui s’élève à près de 2 milliards de dollars, contre 12 million pour son voisin.

Tout comme ce n’est pas la guerre qui a sorti le Vietnam de la pauvreté ni de la dictature, celle que l’on mène en notre nom en Afghanistan ne résoudra rien. Les documents publiés par Wikileaks, s’ils sont pris à leur juste valeur, ont le pouvoir de faire comprendre cette vérité de Lapalisse aux électeurs et aux contribuables. Faites, vous aussi, avancer les choses en contribuant à l’enquête collaborative Warlogs.

Photos CC dvids

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Entre guerre et paix: la ville mobile dans la culture populaire http://owni.fr/2010/07/09/entre-guerre-et-paix-la-ville-mobile-dans-la-culture-populaire/ http://owni.fr/2010/07/09/entre-guerre-et-paix-la-ville-mobile-dans-la-culture-populaire/#comments Fri, 09 Jul 2010 15:08:53 +0000 Philippe Gargov http://owni.fr/?p=21647 La ville du futur sera-t-elle itinérante ? La question anime l’architecture autant que la science-fiction depuis des dizaines d’années, sans pour autant perdre de son originalité. Le projet Homeway, du collectif d’architecture durable Terreform, en est un excellent témoin, remettant au goût du jour le fantasme d’une ville en mouvement. A la différence de la Walking City d’Archigram ou de la cité sur rail du Monde inverti, présentées sur ce blog il y a quelques jours, Homeway n’est pas une superstructure zoomorphique déplaçant des dizaines de milliers d’habitants, mais un système logistique permettant le mouvement individuel et autonome des bâtiments de la ville eux-mêmes. Comme le décrivent les architectes:

“We propose to put our future American dwellings on wheels. These retrofitted houses will flock towards downtown city cores and back. We intended to reinforce our existing highways between cities with an intelligent renewable infrastructure. Therefore our homes will be enabled to flow continuously from urban core to core.”

Nous ne commenterons pas la vision proposée dans ces lignes – d’autres l’ont déjà fait -, mais plutôt les codes visuels utilisés pour représenter la “mobilité” des bâtiments. Ceux-ci soulèvent en effet bien des interrogations. Deux imaginaires se distinguent ainsi : les “pattes” insectoïdes se rapprochent de la vision métallique d’Archigram, tandis que les chenilles donnent aux pavillons des allures de tanks. On a vu plus réjouissant !

L’itinérance d’une ville est-elle nécessairement menaçante ? Cette observation pourrait n’être qu’anecdotique si elle n’était pas récurrente dans l’imaginaire des villes mobiles. Un bel exemple nous est donné dans la bande dessinée Little Nemo in Slumberland : le réveil des immeubles provoque celui du héros, littéralement chassé de son rêve urbain.

Autre exemple, la hutte de l’effrayante sorcière Baba Yaga est perchée sur des pattes de poulets. Cette figure centrale de la mythologie slave a d’ailleurs inspiré Hayao Miyazaki dans la création de son Château ambulant que l’on croirait tout droit sorti d’un cauchemar steampunk.

La présence de nombreux canons, dont certains font office d’yeux, renforce d’ailleurs l’aspect militaire et guerrier de la structure métallique. La ville mobile est une arme comme les autres, semblent dire le Château ambulant ou la Walking City d’Archigram. On remarquera au passage que la maquette du projet Homeway évoque fortement la structure d’un porte-avion. La présence de ces détails militaires est pourtant difficile à justifier. Ainsi, la vocation première du Château ambulant est justement de fuir les combats (une guerre évoquant 14-18) ; de même, la mobilité de Walking City peut être envisagée comme une réponse aux menaces de la Guerre Froide (et à ses conséquences en termes de diminution des ressources).

De même dans certains jeux vidéo récents. Dans Final Fantasy VI, le château de Figaro est capable de se déplacer en souterrain d’un continent à l’autre pour échapper à l’armée d’occupation. Dans Final Fantasy VIII, la superstructure universitaire qui abrite les héros prend littéralement son envol pour échapper à une salve de missiles, devenant du même le nouveau mode de transport principal du joueur.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

L’architecture épurée du bâtiment détone avec les exemples plus agressifs évoqués plus haut. Cela n’empêchera pas cette forteresse volante d’être impliquée dans une bataille mémorable avec l’une de ses “cousines”. Le caractère hostile de la ville mobile semble alors reprendre ses droits.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Cette navigation sélective dans les méandres de la culture populaire soulève encore une fois plus d’interrogations qu’elle ne donne de réponses. Comment expliquer l’aspect hostile observé dans une majorité de ces exemples ? J’y vois pour ma part la traduction visuelle du caractère profondément sédentaire et propriétaire de nos modèles urbains. Dès lors, on peut se demander quel seraient les codes visuels d’une ville mobile qui tiendrait compte de la densification des flux qui caractérisent nos villes contemporaines. Comment traduire ce contexte inédit en utopies itinérantes ? Aux architectes, romanciers ou autres de tracer les contours de ces imaginaires futuristes.

Billet initialement publié sur Le laboratoire des villes invisibles, repéré sur le blog de son auteur pop-up urbain.

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War Game: Catastrophes et jeux vidéos http://owni.fr/2010/04/08/war-game-catastrophes-et-jeux-videos/ http://owni.fr/2010/04/08/war-game-catastrophes-et-jeux-videos/#comments Thu, 08 Apr 2010 18:20:28 +0000 Yoann Moreau http://owni.fr/?p=11892 Yoann Moreau revient sur la vidéo de la “bavure” de l’armée américaine en Irak et questionne le lien profond entre catastrophes et jeux vidéos.

La vidéo de guerre qui gêne l’armée américaine

capture-de28099ecran-2010-04-07-a-185257-300x238

“La guerre, c’est parfois facile comme un jeu vidéo. (…) Comme dans un mauvais remake d’« Apocalypse Now », les occupants de l’hélico de type Apache lancent des « yeah » de joie quand leurs cibles sont touchées, et n’hésitent pas à ouvrir le feu sur des hommes visiblement désarmés qui viennent s’occuper des victimes du premier engagement” (1).

En dehors de l’aspect “bavure” et du comportement “enjoué” des militaires américains (qui, pour ma part, ne me surprennent pas plus que ça), ce qui fait sérieusement question est le lien profond entre catastrophes et jeux vidéos.

S.T.A.L.K.E.R., Shadow of Chernobyl

La première fois que je relevais ce rapport fut quand je travaillais sur le traitement visuel de Tchernobyl. De nombreuses photos du web renvoyaient en effet à des captures d’écran du jeu vidéo S.T.A.L.K.E.R. au principe (très) simple : il s’agit de dégommer le maximum de personnes génétiquement mutées (2). Je surfais alors sur les extraits vidéos, très nombreux sur la toile, et découvrait avec stupeur que c’est certainement l’un des meilleurs moyens de visiter le site de la central désaffectée et de sa ville fantôme mitoyenne Pripyat. Même les personnages principaux sont  directement créés à partir de photos d’archives (celles des “liquidateurs”). Ce jeu aurait-il valeur de document ? “Atmosphere, Authenticity & Detailing” sont d’ailleurs des arguments de vente de cette vidéo promotionnelle qui ne cesse de mettre en regard des photos du site (et des personnes) et leur numérisation fidèle dans le cadre du jeu :

Cliquer ici pour voir la vidéo.

“Devenez vous-même”

La campagne de l’armée de terre française et son fameux slogan “Devenez vous-même” jouait elle aussi, de toute évidence, avec les références (graphiques, rythmiques, musicales et narratives) des vidéogames (et du cinéma). De ce point de vue, un de leur clip à ma “préférence” :

Cliquer ici pour voir la vidéo.

L’ONU met en place un jeu vidéo pour éduquer aux catastrophes

catastrophe-onu-300x216Très récemment, l’ONU et l’ISDR (International Strategy for Disaster Reduction) mettait en place en ligne un “jeu de simulation d’aléas naturels“. Très largement inspiré de SimCity, il s’agit d’aménager des territoires en vue de catastrophes (tsunamis, feux de forêts, tremblements de terre, cyclones) à partir d’un budget limité. La question centrale serait : en quoi une simulation de ce type peut aider à la prévention ? Il s’avère en fait, puisque j’ai (laborieusement) testé l’option tsunami de ce jeu, qu’il s’agit plutôt d’un formatage que d’une formation. En effet, une personne un minimum respectueuse des modes de vie locaux,  tenterait tout d’abord d’aménager le site à partir des ressources locales – baraques en bois et dunes en bords de mer. Mais, dans ce jeu, cette démarche s’avère désastreuse. Il s’agit de se mettre au goût du jour, et de produire quelque chose de plus “censé” : des maisons en bétons et des tétraèdres sur le rivage par exemple. C’est nettement mieux ! Finalement il s’avère que la solution la plus efficace et de loin la moins couteuse est de bétonner le rivage avec des baraques en béton, cela joue à la fois le rôle d’habitation et de protection.

Rush vidéo d’un épisode de la guerre en Iraq

La réalité du terrain militaire semble, vue d’avion ou d’hélicoptère, très proche du jeu vidéo et l’on ne saurait alors s’étonner que l’illusion fonctionne et que les commentaires soient similaires à ceux de potes jouant derrière leurs écrans. Les sous-titres correspondent aux commentaires vocaux des militaires.

Voir le diaporama Flickr réalisé par Yoann Moreau

1. extrait d’un article paru sur Rue89, voir également Keep shoot’n, Keep shoot’n!, de Jean-No : “Les images (…) montrent bien à quel point une vision lointaine — on voit les corps et les mouvements mais on ne distingue pas les visages ni même la nature des objets de manière précise — rend possible les actions les plus inhumaines.”.

2. Serait-ce un moyen  de se débarrasser de ces monstres qui hantent nos imaginaires irradiés ?


> Article initialement publié sur le blog “Catastrophes” de Culture Visuelle

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