OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Fais-moi jouer, fais-moi jouir http://owni.fr/2011/03/13/fais-moi-jouer-fais-moi-jouir/ http://owni.fr/2011/03/13/fais-moi-jouer-fais-moi-jouir/#comments Sun, 13 Mar 2011 09:30:13 +0000 Maud Serpin (Fais-moi jouer !) http://owni.fr/?p=50668 Difficile d’avoir raté ces derniers jours les controverses autour de We dare, un party game coquin développé par Ubisoft et à jouer entre couples.  Loin d’inviter à prendre parti,  ces polémiques inspirent davantage une analyse sur le rapport entre ces deux mots à 4 lettres : le sexe et les jeux (et, enfin, un clin d’œil au nom de ce blog, il était temps !).

Chaque mois, d’après Google AdWords, il y a 301.000 personnes qui tapent « jeu sexe » dans leur moteur de recherche. De quoi questionner la place du charnel dans les jeux vidéo et les jeux online : simple « complément » visuel, élément majeur du gameplay ou encore aide à une jouissance qui, de purement ludique, se mue en purement sexuelle ?
Il ne s’agira pas ici ni d’augmenter le référencement naturel de ce site à grands renforts de tags en bold ni de donner à voir un panorama exhaustif de l’existant ludiquo-sexuel, mais plutôt de comprendre comment, sur un axe « plaisir ludique/plaisir sexuel », le curseur se déplace de gauche à droite.

Des fesses de Bayonetta au Hot coffee mod de GTA

Il suffit d’aller une fois dans sa vie au salon du jeu vidéo et/ou d’admirer des photo de cosplays sur Flickr pour comprendre que les codes du sexy et de l’érotisme y sont largement présents. De l’érotisme souvent coquin, parfois fripon : un besoin visiblement partagé par l’ensemble des utilisateurs (majoritairement jeunes), sans pour autant que le gameplay en soit modifié. Considérons ici cette érotisation comme un aspect graphique agréable et plaisant à l’œil, qui confère au plaisir ludique un indéniable « plus ».

Mais la température monte d’un cran, abandonnons cette sensualité gentille – que l’on retrouve au final également dans le dernier blockbuster US – pour pénétrer dans un monde où la sexualité, plus crue, plus perverse, prend davantage de place.  Ici , on pense à des scènes dans God of War, dans Dante’s Inferno, ou encore à ce mini-jeu qui a fait scandale dans GTA [en]. Sans oublier les allusions équivoques à peine dissimulées des jeux issus de l’industrie japonaise (mais que me rappellent donc ces grandes traînées de crème fouettée maculant le visage de la jeune fille ?)

Ce ne sont pas seulement des seins plantureux ou des fessiers délicieusement galbés qui apparaissent cette fois à l’écran, mais des actes – tripotage, fellation, pénétration…- sciemment voulus et activés par le joueur.

Nous sommes cependant toujours dans le domaine du plaisir ludique, et le sexe n’est ici qu’un élément mineur du gameplay, plus ou moins à même d’avoir des incidences sur la trame narrative du jeu et/ou de remplacer dans certains cas le film érotique du samedi soir.

Or certains veulent aller plus loin, à l’instar de ce forumeur déçu (l’image ci-dessous est également destinée à baisser le pourcentage d’images cochonnes publiées  dans cet article).

Du jeu érotique au jeu-prétexte

Poussons le curseur un peu plus loin sur notre axe plaisir ludique/plaisir sexuel,  juste au milieu. Qu’avons-nous là ? Des jeux érotiques, et assumés comme tels. Comme par exemple : de l’Adult Interactive Fiction [en], du MMORPG, du jeu de stratégie [en] et même un ARG [en] ! La liste complète serait longue, notamment du côté du Japon…

Il s’agit ici de parvenir à un équilibre où jouissance du jeu et potentielle jouissance de la chair sont idéalement combinées. Une gageure audacieuse : est-il possible de se concentrer, de prendre les bonnes décisions, d’améliorer son score, bref, de jouer sérieusement comme cela est proposé dans Playboy Mansion [en] alors que la tentation charnelle taraude en permanence le corps physique du joueur ?

Et lorsque le curseur bascule finalement tout à droite, c’est la nature même du jeu qui bascule : le jeu en soi, comme activité se suffisant à elle-même, devient ici instrument, moyen, prétexte. Le plaisir ludique s’efface au profit du plaisir sexuel.

Pour le casual gaming à deux ou plus, cela va donner de véritables « facilitateurs de coït », à l’instar de l’application mobile Action Vérité Hot. Les règles d’un véritable rapport sexuel, habituellement fixées par les protagonistes eux-mêmes, tacitement ou de manière explicite, sont ici édictées par le jeu. Ce dernier questionne les partenaires pour faire monter leur désir réciproque, leur proposant même, en cours de route, d’écourter la partie !

Le nerd devant sa console aura quant à lui droit à de jolis produits 100% NSFW (165.000 recherches mensuelles par mois sur « jeu hentaï », et au sujet du hentaï, je vous renvoie à ce bon article qui raconte à merveille des premiers émois adolescents).

Le jeu comme une aide à la masturbation ? Mais ce n’est pas nouveau : comme l’explique très bien Antonio Casilli dans les premières slides de son séminaire « Le ‘droit de jouissance’ dans la culture du numérique : objets et représentations du netporn »,  cela fait en réalité longtemps, près de cinquante ans, que le X cherche à s’immiscer dans des applications numériques pour adultes. Et cela vaut évidemment pour les jeux.

Dès lors, la plupart de ces jeux,  stimuli sexuels et accélérateurs de jouissance, se réduisent fréquemment à de simples animations Flash interactives – leur en demande-t-on plus ?
Parfois, le jeu contient quand même plusieurs étapes, comme dans les « Meet’n’Fuck », où il convient de répondre correctement pour accéder à la suite de l’histoire (où, en général, les couches de vêtements recouvrant les personnages sautent les unes après les autres). Le plaisir sexuel n’est donc atteint que si le contrat du jeu est respecté.

Mais bien souvent, il n’y a qu’un seul écran, avec une protagoniste et divers outils mis à disposition de l’utilisateur. C’est le retour au jeu de la poupée façon pervers : manipuler un corps sans défense selon son bon vouloir, le caresser gentiment ou lui faire subir les pires outrages…Il n’y a rien à gagner si ce n’est sa propre jouissance (mais certains otakus diront certainement que le jeu en vaut la chandelle !).
Par ailleurs, nul besoin d’utiliser son imagination pour vivre virtuellement un fantasme hors du commun ; comme pour le porno, il y en a pour tout les goûts (enfin, surtout japonais) sur le web en matière de petits jeux Flash. Et bientôt également sur Kinect [en] ?

Une seule et unique lettre sépare « jouer » et « jouir » dans la langue française, un hasard ? Amusons-nous à croire que non. Car si dans de nombreux cas, plaisir ludique et plaisir sexuel ne sont absolument pas liés, d’autres situations nous montrent que jeu et sexe font tout à fait bon ménage. Même s’il est parfois difficile d’imaginer comment quelque chose de charnel -  et donc de chaud, de vivant – peut être traduit à travers le virtuel froid des jeux numériques, et seulement à travers deux sens, la vue et l’ouïe.
Si l’on veut combiner tous les sens, il semble en effet qu’un retour au réel s’impose. Et n’en déplaise à Seth Priebatsch, le chantre du game layer on the top of the world [vidéo, en], il n’y a pas eu de gamification des rapports sexuels. Simplement, les composantes du jeu – communément définies par une activité librement choisie / une extraction hors du réel / un cadre codifié avec des règles / une issue incertaine – ressemblent furieusement à celles d’une partie de jambes en l’air. Ce qui propulse d’un coup les gamers au rang de bons amants potentiels, non ? À méditer.


Retrouvez tous les articles de notre dossier jeux vidéo:

- Lara, Zelda, Samus: pourquoi sont-elles aussi sexy ?
- Prendre le jeu au sérieux

ff

Billet initialement publié sur Fais-moi jouer ! ; image CC Flickr cloneofsnake

Passionnée par l’exploration des territoires digitaux, des Wonderland contemporains qu’elle étudie quotidiennement au sein de Curiouser, Maud Serpin s’intéresse de près à tout ce qui se passe lorsque ludique, fiction, et nouvelles technologies se mélangent et se répondent. Vous pouvez suivre son actualité ici !

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11 événements mémorables du cyberespace http://owni.fr/2011/03/11/10-evenements-memorables-du-cyberespace/ http://owni.fr/2011/03/11/10-evenements-memorables-du-cyberespace/#comments Fri, 11 Mar 2011 12:50:24 +0000 Yann Leroux http://owni.fr/?p=50879 1.Elk cloner [1982]


1982 est l’année d’une grande innovation en informatique: Elk cloner, premier virus se disséminant de façon incontrôlée. Jusque-là, quelques virus avaient été programmés mais uniquement à des fins d’observation et d’étude. Elk cloner se propage via la disquette de démarrage de l’Apple II. À chaque démarrage avec une disquette infectée, une copie du virus est activée et se loge en mémoire vive. Il contamine alors toute disquette saine introduite dans le lecteur de disquette, et se propage ainsi de machine à machine. C’est une grande nouveauté: un virus peut sortir du pré carré d’une machine et partir  à l’aventure de machines en machines. Tous les cinquante démarrages, Elk  signale sa présence par un petit texte ironique :

It will get on all your disks
It will infiltrate your chips
Yes it’s Cloner!
It will stick to you like glue
It will modify RAM too
Send in the Cloner!

Ce premier virus est une sorte d’épure d’un fait dont l’auteur du programme, Nick Skrenta, 15 ans à l’époque, était coutumier. Il avait en effet la fâcheuse tendance à bricoler les machines pour qu’elles affichent des messages provocants ou qu’elles s’éteignent. Cela avait conduit ses amis à ne jamais le laisser toucher leurs ordinateurs, et Nick Skrenta a inventé un stratagème lui permettant d’agir à distance.

2. Leza EverQuest [novembre 2000]

En 2000, une joueuse rejoint la guilde “The companions of Light” sur EverQuest sous le nom de Leza. Son dynamisme et son investissement font qu’elle est rapidement nommée guide par l’éditeur du jeu. Les joueurs peuvent ainsi faire appel à elle pour demander de l’aide et des précisions sur les règles. Elle prend son travail très à cœur même si certains, parfois, se plaignent de ses manières brusques. Beaucoup lui pardonnent car on lui connaît une vie difficile : celle qui s’appelle dans le civil Sheyla a 16 ans, un bébé, et vit chez sa belle-mère car elle a perdu sa mère il y a un an.

En novembre 2000, Leza brise les règles de l’éditeur, en utilisant son nom de guide en dehors des forums officiels du jeu. Verant, l’éditeur,  lui supprime sa fonction de guide. Deux jours plus tard, Kinudi, sa petite sœur avec laquelle elle joue parfois, annonce sa mort sur le forum officiel. Le choc dans la communauté des joueurs est effroyable. Des messages de condoléances affluent, l’éditeur est pointé du doigt. Verant s’affole, et efface tous les messages de son ancienne guide, ce qui ajoute encore à la confusion et à la colère des joueurs.

Des informations contradictoires

Un membre de sa guilde William Joseph Seemer se souvient qu’au printemps, elle était de retour dans le jeu douze heures après l’opération à cœur ouvert qu’elle avait annoncée et qui lui avait valu beaucoup de messages de sympathie. Il avait quelque peu perdu de vue Leza mais, à l’annonce de son suicide, il lui revient à l’esprit qu’elle avait raconté qu’elle avait été enceinte une fois, et qu’après une fausse couche, elle ne pouvait plus avoir d’enfant. Il est donc surpris de la découvrir mariée et mère d’un enfant de deux ans. Seemer sait qu’elle habite près d’Oklahoma City, et il commence à se renseigner auprès des morgues des environs et n’entend pas parler de suicide. Il téléphone à Jolena, la sœur de Leza et sa colocataire lui apprend qu’elle a déménagé des mois plus tôt et qu’elle n’a jamais eu de sœur.

Seemer n’est pas le seul à s’étonner. Après l’effacement des messages de Leza par Verant, des admins de différents forums (Quellious Quaters bulletin Boards), Scott Jenning (Lum the Mad), des journalistes de sites comme Adrenaline vault et gamers.com, sillonnent l’Oklahoma et le Colorado. Ils appellent les postes de police, fouillent dans les adresses IP et les headers des mails que Leza a envoyés, comparent les logs des chats et appellent le FAI de Leza. Pour en arriver à ceci : Sheyla / Leza et sa famille sont une construction d’un couple qui partageait un compte email et qui vit à Oklahoma city. Leza n’a jamais existé – sauf de façon imaginaire. Jolena était jouée par Madame et Sheyla par son mari. Il y a bien eu une mort : celle du couple. Le suicide a été élaboré par le mari pour prouver ainsi l’instabilité de sa femme afin d’obtenir du tribunal un jugement qui lui soit favorable pour la garde de leur fille.

3. Shawn Woolley EverQuest [novembre 2001]

En novembre 2001, Shawn Woolley se suicide avec une arme à feu, son ordinateur connecté au jeu. Les circonstances de sa mort provoqueront un grand émoi et contribueront grandement à répandre l’idée que les jeux vidéos, et plus particulièrement les jeux massivement multi-joueurs puissent être des objets d’addiction.

Shawn Woolley commence à jouer à Everquest en février 2000. En avril, il emménage dans un appartement. Le 1er juillet, Shawn Woolley fait une crise d’épilepsie importante, imputée aux nombreuses heures de jeu qu’il a passées à jouer à EverQuest les jours précédents. Son patron exige de lui qu’il assume son travail et refuse de le renvoyer chez lui alors que d’évidence, il n’en est pas capable. Shawn Woolley démissionne. Il entre dans ce qui semble être une profonde dépression: il ne sort plus de chez lui, ne cherche pas un nouvel emploi, et consacre tout son temps à EverQuest. En septembre, il est expulsé et retrouve la maison de sa mère. Un conseil est pris auprès d’un professionnel qui conclut à l’absence d’addiction. À la maison, le climat se détériore: Shawn joue, et sa mère le pousse à trouver un travail. Finalement, elle lui demande de quitter la maison. Shawn emménage dans un hôtel.

Il hallucine: il est dans le jeu

En janvier, suite aux démarches de sa mère, Shawn est reçu dans un centre de traitement: une dépression et un comportement schizoïde sont diagnostiqués. Shawn est admis dans l’institution. Un traitement médicamenteux et une thérapie de groupe sont appliqués. De janvier à février, une amélioration est notée. Shawn joue toujours à EverQuest en l’absence de sa mère. Lorsqu’elle s’en aperçoit, elle emporte le clavier avec elle. Il achète un clavier. En juin 2001, Shawn quitte l’institution pour un appartement thérapeutique. Il rentre toujours chez sa mère pour jouer à EverQuest. Le 20 juin, après une crise d’épilepsie survenue pendant qu’il jouait, il hallucine: il est dans le jeu. En août, il s’achète un ordinateur pour jouer à EverQuest. Du 30 octobre au 10 novembre, il ne se connecte pas sur son compte habituel.

En novembre, sa mère souhaite qu’il passe Thanksgiving en famille. Elle tente de le contacter deux semaines avant les vacances et, n’y arrivant pas, elle appelle son superviseur. Elle apprend que Shawn n’a pas été vu depuis une semaine, et que ses collègues s’inquiètent car il n’est pas du genre à s’absenter. Entre temps, Shawn a commencé à jouer sur un autre serveur. Le 13 novembre, il a acheté un pistolet. Le jeudi avant Thanksgiving, Mme Woolley va chez son fils. Shawn ne la laisse pas entrer. Il lui affirme qu’il a changé de travail. Le lundi suivant, lorsqu’elle se rend à l’adresse qu’il lui a indiquée, elle apprend que l’on a jamais entendu parler d’un Shawn Woolley. Le vendredi 21 novembre, Mme Woolley se rend à nouveau chez son fils mais trouve encore porte close. Le lendemain, elle se fait ouvrir la porte par le propriétaire. James est assis devant son ordinateur. Il s’est tué avec son pistolet. La dernière connexion remonte au 20 novembre.

4. Le meurtre de Lord British – Ultima Online [8 août 1997]

Le 8 août 1998, la quasi totalité de la population d’Ultima Online est réunie dans le château de Lord British alias Richard Gariott, fondateur du jeu. Le roi doit y faire une apparition aussi rare qu’attendue. Il se prépare au château de Lord Blackthorn en compagnie de quelques proches lorsqu’un joueur nommé Rainz l’attaque. La garde, tout comme les chevaliers de Lord Blackthorn restent immobiles et le roi tombe sous les coups de “fire field” de Rainz qui disparait une fois son forfait accompli. La nouvelle se répand rapidement sur le serveur, provoquant la stupeur: le roi est mort. Rainz sera banni du serveur, officiellement du fait de plaintes de personnes à son encontre. La mort du roi sera mise au compte de l’oubli de Richard Garriott d’exécuter la commande qui aurait protégé son personnage et du lag.

5. Leroy Jenkins ! – World of Warcraft [avril 2005]

Alors qu’un groupe d’aventuriers se prépare à livrer un difficile combat et échafaude le meilleur plan tactique à suivre, un paladin, Leroy Jenkins, se rue sur un groupe de dragons en criant son nom. La suite est un désastre total: tout le groupe est massacré. La vidéo fera le tour du Net et le nom de Leroy Jenkins entrera dans la légende : une ballade lui est consacrée, son nom est cité comme indice dans le jeu Jeopardy, un personnage du jeu de carte World of Warcraft porte son nom, d’autres jeux MMJ (massivement multijoueurs) y font référence, et “to pull a Leroy” signifie maintenant “faire une connerie qui ruine les efforts de tout le monde”.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

6. Un coup de maître – EVE Online [avril 2005]

18 avril 2005. Systeme d’Aras. 05 heures. Mirial, CEO de Ubiqua Seraph Corporation et son fidèle lieutenant, Arenis Xemdal, émergent d’un portail de téléportation. Tous deux pilotent des vaisseaux de classe Apocalypse, les plus puissants et les plus onéreux d’EVE online, un MMORG. Leurs vaisseaux sont attaqués et détruits. Mirial est assassinée ainsi que son fidèle lieutenant. Mirial naviguait dans un vaisseau de classe Navy Apocalypse. C’est le point de départ d’une opération de grande envergure de la Guiding Hand Social Club. Pour un milliard d’ISK, la GHSC avait accepté une année plus tôt un contact assez spécial: la preuve de la mort de la CEO. Un tel contrat sur EVE Online n’est pas rare. Ce qui l’est plus, c’est la longueur de la préparation de l’opération, son ampleur, et le montant du butin final. En une heure, l’Ubiqua Seraph Corporation voit ses hangars investis, ses coffres vidés, et ses principaux officiers tués. La GHSC rapportera de cette opération la satisfaction totale de son client qui, pour des raisons de vengeance personnelle, souhaitait que Ubiqua Seraph Corporation vive un Peal Harbour. La Guiding Hand Social Club tirera de l’opération 30 milliards d’ISK (16.500 USD) de biens volés, et une notoriété due à la précision et à l’audace de ce coup de maître.

7. L’épidémie de peste – World of Warcraft [septembre 2005]

En septembre 2005, une épidémie ravage les capitales de ForgeFer et d’Oggrimar. Le foyer infectieux vient de Zul’Gurub, une instance qui vient d’être ouverte avec le Patch 1.7 et dans laquelle une équipe de vingt joueurs doit faire face à Hakkar l’Écorcheur d’Âmes, Sang Dieu d’une ancienne tribu de trolls de la jungle. Hakkar jette sur ses premiers adversaires son sort de Sang Corrompu qui diminue à intervalle répété les points de vie du personnage infecté. Le sort se répand également par contamination. Il devait être limité à l’instance, mais il a été conduit à l’extérieur par les compagnons des chasseurs et des démonistes. Du fait de la concentration de la population, le Sang Corrompu se répand comme un feu de paille dans les capitales, tuant en quelques secondes les personnes de bas niveau. Un patch de Blizzard mettra fin à la contamination.

8. La mort du Dormeur, EverQuest [15-17 novembre 2003] – ou La Mort De Ce Qui Ne Pouvait Être Tué

Présenté comme “intuable”, Kerafyrm le Dormeur provoqua une grande excitation dans EverQuest. Avec une fourchette allant de 100 à 400 millions de points de vie (une divinité en a deux millions), réveiller le Dormeur était devenu un défi de taille et particulièrement excitant: le Dormeur ne pouvait être réveillé qu’une seule fois par serveur. Il sera relevé par deux cents joueurs qui viendront à bout du titan en quatre heures. Mais la fin n’est pas à la hauteur de leurs espérances. À 27% de points de vie, le Dormeur disparait soudainement, sauvé de sa mort “impossible” par un bug ou un maître de jeu. Sony s’en excusera, et les même joueurs en viendront à bout le lendemain en moins de trois heures.

Le Dormeur avait été réveillé une première fois sur le serveur The Rathe le 28 juillet 2001 après que la guilde Blood Spider avait tué Ventani, le quatrième gardien. Le 15 novembre 2003, sur le serveur PvP Rallos Zek, trois guildes de haut niveau (Ascending Dawn, Wudan, and Magus Imperialis Magicus) ont rassemblé plus de 180 joueurs pour réveiller le Dormeur. Les guildes s’étaient associées pour couper l’herbe sous le pied à un moine, Stynkfyst, qui tentait de rassembler autour de lui suffisamment de joueurs pour tuer Kerafyrm et empêcher ainsi les guildes de se partager son butin. Il sera vaincu avec la facilité que l’on sait, grâce aux sorts de brûlure du mana des sorciers, aux armes épiques, et aux clercs qui ramèneront à la vie leurs compagnons plus vite que Kerafrym ne pouvait les tuer.

9. La quête du lapin estrocante (”vorpal bunny quest”) Asheron’s call [date non retrouvée]

Dans le jeu Ascheron’s Call, les personnages de niveau 10-14 peuvent mener une quête nommée “The vorpal bunny”, en référence à la scène de Sacré Graal [vidéo] dans laquelle des chevaliers sont massacrés par un petit lapin blanc. Des personnages n’ayant pas effectué la quête en temps voulu commencèrent une campagne de lobbying pour que la quête soit accessible après le niveau 14. Ils finirent par avoir gain de cause: les caractéristiques de l’estrocant lapin sont augmentées. Quelques heures plus tard, un seul survivant se présente à la porte de la ville, talonné par le lapin qui y fait, exactement comme dans Sacré Graal, un massacre. Des centaines de personnages sont tués. Le lapin est si rapide qu’il faut faire des captures d’écran pour pouvoir le voir. Du haut d’une tour, des magiciens lui lancent des sort, avec pour seul effet de constater que le lapin est immunisé à la magie. Un joueur réussira à l’attirer en dehors des limites de la ville, mettant fin au massacre. À la suite de cet incident, une Chasse au Lapin Estrocant sera ouverte à tout personnage au dessus du niveau 20.

10. La personne de l’année Times [décembre 2006]

L’histoire n’est plus faite seulement par quelques individualités, mais par la multitude. L’Internet, et plus exactement le www, permet à une multitude de s’organiser, de travailler et de jouer en commun. Le Time officialise ainsi pour le monde offline ce que Tim O’Reilly avait pressenti en septembre 2005 et baptisé du nom de web 2.0 en faisant de l’internaute la personne de l’année 2006.

11. Anshe Chung millionnaire en dollars dans Second Life [2006]

Une brèche est portée dans le mur qui jusque-là voulait établir une distinction étanche entre monde réel et monde virtuel. En deux ans et demi,  Anshe Chung a converti une mise initiale de 9,95 dollars par mois en une rente d’un million de dollars. Elle a acheté et revendu (ou loué) les terrains qu’elle avait précédemment valorisés en le mettant en forme. Elle gère aujourd’hui une entreprise d’une dizaine de personnes à Wuhan. Anshe Chung est connue sous le nom de Ailin Graef à Francfort.

Billet initialement publié sur Psy et Geek ;-)

Image CC FlickR Tamara Areshian Idiolector damclean Zebra Pares crazykinux

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http://owni.fr/2011/03/11/10-evenements-memorables-du-cyberespace/feed/ 9
(R)évolution de la langue grâce au clavier:l’hybridation des codes http://owni.fr/2010/05/01/revolution-de-la-langue-grace-au-clavier-lhybridation-des-codes/ http://owni.fr/2010/05/01/revolution-de-la-langue-grace-au-clavier-lhybridation-des-codes/#comments Sat, 01 May 2010 09:16:18 +0000 [Enikao] http://owni.fr/?p=13647 Un jour on reçoit un courrier électronique, que l’on appelle courriel, e-mail voire mail par paresse. Il semble rédigé dans une novlangue étrange. Et plutôt que de sauter au plafond d’étonnement, d’appeler l’Académie Française pour outrage ou encore de filer vers la Bibliothèque Nationale pour compulser dictionnaires et ouvrages de sémiologie, ma réaction fut différente et enthousiaste.

Il est effectivement temps de faire un petit point sur les nouvelles formes créatives et culturellement hybrides d’écriture et d’expression.

Voici le contenu :

De : Nicolas Voisin

A : [Enikao] & Alphoenix

Copie : Media Hacker

L’un de vous deux+trois ou les deux-1 *et j’y suis pour rien* {vous/tu/ne rédigerai/riez} pas 1 (billet /-) _précis de typographie signifiante_ à destination de kevin -> parce qu’un jour lui aussi <- issu de la LOLculture et autres /b/ et #tuvoiscequejeveuxg33k [hein] ?

</plus j’y pense plus je me dis>

une bit.ly sur la bouche

(test Monoyer adapté : parlez-vous le geek ?)

Etonnante missive numérique de prime abord pour qui serait étranger aux codes d’Internet… mais qui m’a réjouit.

#Quandjaicompris le contenu de ce message

#Quandjaicompris le contenu de ce message qui mêle divers codes au sens propre comme figuré : langage HTML, smileys et symboles issues des messageries instantanées comme MSN et autres chats, #hashtag de Twitter, langage issu des forums et de 4chan… Il contient de nombreuses typographies du clavier, de celles que la génération des doigts (manettes de jeu vidéo, digicodes, claviers d’ordinateurs, concours de SMS et autres interfaces tactiles) aime à glisser dans ses textes tapés et qui ressemblent à du chinois pour le néophyte. Dans sa structure aussi, il diffère du français académique car ce message est dans une écriture non linéaire : en lisant de gauche à droite et de bas en haut on obtient des éléments contextuels dans un ordre inhabituel. Et effectivement, le langage de la génération LOL peut paraître déroutant au néophyte.

 (fossé générationnel de la contestation, allégorie de Michaelski)

Traduction dudit message dans la langue de Jean Ferrat :

Camarades, l’un de vous deux+trois ou les deux-1

Une idée me travaille depuis un moment </plus j’y pense plus je me dis> (fermeture d’une division en code HTML : vous voyez bien que ce morceau de texte à la fin doit être remis au début)

et de manière insistante *et j’y suis pour rien*

J’ai besoin de votre collaboration pour un exercice d’écriture éventuellement collective, selon les modalités de collaboration qui vous conviendront le mieux : seul, à deux ou trois mains. l’un de vous deux+trois ou les deux-1 {vous/tu/ ne rédigerai/riez} pas

Il s’agit d’un billet pour owni. un (billet /-)

Sous couvert de parler à la jeune génération dite « kikoolol », il s’agit d’analyser et de décoder les nouveaux usages linguistiques à destination de ceux qui les caricaturent. _précis de typographie signifiante_ à destination de kevin

Il faudra donc recontextualiser -> parce qu’un jour lui aussi <-

et rappeler que les références culturelles, notamment numériques, humoristiques, parodiques voire fantasmatiques divergent. issu de la LOLculture et autres /b/

Nous glisserons tout ceci dans la rubrique « vague but exciting », n’est-ce pas ? #tuvoiscequejeveuxg33k [hein] ?

Je vous salue affectueusement, vous que je lis et que je lie. une bit.ly sur la bouche

C’était pourtant limpide, non ?

#Quandjaicompris l’enjeu de ce qui se déroule

#Quandjaicompris l’enjeu de ce qui se déroule et l’ampleur du mouvement de pénétration d’autres cultures textuelles dans nos pratiques écrites des claviers. Petit panorama de ces nouveaux codes de langage, sans ordre particulier.

Le jargon de la grande volière volage Twitter entre dans des pratiques écrites voire orales : tweet-clash pour se brouiller avec quelqu’un, twitpiquer signifie prendre une photo avec son smartphone (et pas forcément l’envoyer sur Twitter, d’ailleurs), RT ou retwitter indique que l’on va répéter, faire suivre aux amis, fake pour indiquer une contrefaçon ou une fausse qualité. Par exemple un SMS contenant le message brunch l8 demain ? check 4², amis welcome, plz RT signifie Je pensais organiser un brunch demain matin tard, qu’en pensez-vous ? Pour le lieu consulter mon profil Foursquare. Tu peux venir accompagné et rameuter des copains, fais passer le message à qui de droit.

Ca peut sembler être une lubie de technophile hyperconnecté, geek et autre nerd, mais introduire des #hashtags, ces marqueurs contextuels de Twitter, dans un courrier électronique pour donner une information supplémentaire n’est pas si étrange. C’est aussi un moyen d’attirer l’attention sur une notion en particulier, ou de dire dans quel(s) cadre(s) on doit comprendre la phrase en question. Le fameux #fail indiquant un échec manifeste est devenu un classique du genre. Oups, on n’avait pas rendez-vous il y a une heure ? #fail indique que l’on est conscient de sa boulette, c’est même un mea culpa en règle.

Dans la vie courante, nous commençons à voir des acronymes venir coloniser d’autres univers écrits et même oraux. En particulier, les acronymes des forums et chats : le très répandu LOL (laugh out loud) et son pendant français MDR, mais aussi le bien franchouillot OSEF (on s’en fout), VDM (vie de merde) et son homologue anglophone LABATYD (life’s a bitch and then you die), les bien connus ASAP (as soon as possible) et BTW (by the way) que l’on croise souvent dans le monde professionnel, NSFW (not safe for work, sous-entendu : contenu à caractère pornographique), OMG/OMFG (oh my god/oh my f*cking god), AMHA/IMHO (à mon humble avis/in my humble opinion), WTF (what the f*ck), STFU (shut the f*ck up), RTFM (read the f*cking manual), AKA (also known as). Certains ont un peu disparu : ASV (Age/Sexe/Ville) et ASVP (avec une photo) n’ont plus de sens à l’heure où les réseaux sociaux affichent des profils complets et pas seulement un simple pseudonyme, ROFL (rolling on the floor laughing) n’a pas vraiment perduré mais son équivalent français PTDR (pété de rire) se trouve encore, BKAC (between keyboard and chair, sous-entendu : le problème n’est pas technique mais humain, sous-entendu : tu es une tanche) se fait plus rare, AFK/AFKbio (away from keyboard : je m’absente du clavier mais reste connecté, la précision “bio” indique que l’on satisfait un besoin biologique) également, TGIF (thank god it’s friday) n’a pas eu de succès dans l’Hexagone. Et bien sûr, ces exemples ne sont pas exhaustifs.

(RTFM : read the f*cking manual)

Le jargon des joueurs de jeux vidéo est aussi présent, sous forme d’onomatopées ou d’expressions dérivées insérées à l’intérieur de phrases : GG pour good game (bien joué), n00b pour newbie (débutant), pwnd/powned/pwn3d (tu t’es fait avoir, je t’ai battu), TK ou team kill (dommage collatéral), skin (habillage d’un avatar, ou plus largement la personnalisation d’une interface), roxer (dérivé de l’anglais it rocks, l’expression roxer du poney est devenue un classique et proviendrait du jeu Dark Age of Camelot), OOM (out of mana, à court d’énergie magique, pour indiquer que l’on est sans argent ou trop fatigué), loot (trouver quelque chose), être stuffé (être paré, équipé), ou encore faire level up ou gagner des XP ou PEXer (gagner de l’expérience, progresser) pour ne prendre que les plus courants et faciles à placer.

Le leet speak ou 1337 5|°34|<, langage qui substitue un caractère par une graphie similaire ou détournée (le 3 est un E à l’envers, le 2 est un R sans la barre verticale, le k se décompose en |<), s’introduit en partie dans les mots, pour quelques lettres, sans forcément effectuer un remplacement complet. Par exemple les comptes Twitter d’Electron Libre (devenu 3l3ctr0nLibr3) ou Owni (devenu 0wn1). Ces interversions constituent un marqueur social qui indique quelque chose comme : je suis technophile et appartiens à la culture Internet. C’est aussi un moyen de parler un langage codé que ne comprennent que quelques initiés : pr0n est une façon de parler (presque) discrètement de pornographie, en travestissant porn.

Plutôt que de répondre à quelqu’un qui vous agace “va te faire voir chez les endettés”, j’ai entendu récemment un camarade lâcher très nettement un bon “/rude” (lire slash rude), en référence aux commandes de gestes dans les jeux en ligne dits MMORPG (les fameux… meuporg /-) qui font faire à votre personnage un geste disons… injurieux. Les autres commandes ont un succès proportionnel à leur expressivité et à leur simplicité de prononciation /bow pour je m’incline, /wave pour je vous salue à la cantonade, /quit pour je dois vous laisser

Les images, dessins et textes en ASCII (American Standard Code for Information Interchange) consistent à faire un assemblage de caractères du clavier utilisant ce standard afin d’obtenir un graphisme, un peu sur le même principe que le canevas. Fréquent il y a 15 ans à l’époque où les pages ne permettaient pas de grande liberté de mise en forme, où le haut débit n’existait presque pas et où les images étaient rares, cela a disparu progressivement sauf pour les nostalgiques acharnés des contre-cultures du web qui y voient là une forme d’impressionnisme numérique. Les smileys participent de cette même idée.

(page d'accueil du site de hackers Cult of the Dead Cow, fin des années 1998)

Les smileys (et leurs variantes japonaises verticales, les kao moji) se glissent un peu partout dans les courriers électroniques, dans les billets de blog, dans les commentaires, dans les SMS… et jouent un rôle de ponctuation ou de nuance. On a par exemple des :’-( ou :-( ou :-/ oue encore T_T pour ça m’attriste, :-P pour notifier une espièglerie ou un caractère coquin, :-) ou ^_^ ou ^^ pour la joie, :-D ou XD pour la satisfaction à pleines dents, :-0 ou o_O pour l’étonnement, \o/ pour la victoire, la liste serait longue. L’usage des émoticônes a connu une belle expansion grâce aux salons de chat pour rajouter de l’expression de sentiment dans du texte jugé trop froid, les outils de dialogue en ligne comme ICQ, puis les messageries instantanées plus élaborées comme MSN Messenger et Skype ont fortement popularisé les émoticônes, de même que les téléphones mobiles grâce aux SMS. Notons que le symbole cœur <3 est un grand classique que l’on retrouve également sur les blogs, profils MySpace voire dans les conversations : comment va ton plus petit que trois ? pour comment va ton chéri / ta chérie ?

Certains textes utilisent sciemment les caractères barrés, par exemple le point 6 du manifeste Internet de journalistes web et blogueurs allemands affirme : Internet change améliore le journalisme. Ce n’est pas un barrage d’erreur, mais bel et bien une façon d’indiquer l’opinion dominante ou le préjugé pour le dépasser. Ici, il faut comprendre : Internet fait plus que changer le journalisme, il l’améliore ! Il est parfois difficile de distinguer l’ironie de l’erreur dans les textes barrés, mais justement leur schizophrénie les rend délicieusement ambigus et ce doute fait partie intégrante du texte lui-même. Alors que barrer à la main n’est qu’une rature. On perd du sens et du sous-entendu.

On peut voir des morceaux de code HTML jusque… dans des manifestations contre la guerre en Irak ! Ici, la fin de la division <war>, sous-entendu Arrêtons la guerre.


Il peut paraître étonnant de trouver des morceaux de calcul mathématiques comme le célèbre +1 (qui n’a rien à voir avec le Plussain de Dofus) et sa déclinaison pour geek lettré, le verbe plussoyer. Signifiant je souscris pleinement à ton assertion, je te rejoins, il a le mérite d’être simple, court et efficace. Il permet aussi de compter le nombre de participants à un événement  _Je sors manger à la pizzeria du coin, qui vient ? _+1 ! Pour mettre de l’emphase on pourra également employer des +1000 et autres +∞ (symbole infini).

Les médias sociaux ont aussi leur part dans le changement de vocabulaire : il y a eu le fameux I’m blogging this il y a 5 ans qui n’a pas connu grand succès en zone francophone, mais en peu de temps avec le succès de Facebook et Twitter on a vu arriver dans les conversations et les échanges en ligne ça se twitte, ça se twitpique, j’aime/je like, on se poke on se rappelle, il m’énerve je l’ai désamifié.

#Quandjaicompris la spécificité structurelle des pianoteurs de clavier

La culture de l’écrit à la main laisse en apparence davantage de liberté, par le simple fait que les lignes, formes, traits n’ont de limite que l’imagination de celui qui tient l’instrument d’écriture. On peut songer aussi à des formes plus artistiques et originales, comme Apollinaire et ses calligrammes, ou les calligraphies arabes et japonaises qui sont des arts à part entière.

De son côté, l’écriture au clavier permet de développer des pratiques à plus grande échelle parce qu’il y a standardisation de l’écriture (une touche ou une combinaison de touches donne un caractère) autant qu’ouverture des possibles (chacun peut effectuer des compositions à partir d’un existant). L’écriture à la main ne procède pas de ce double mécanisme et ne facilite donc pas la réappropriation, la modification et la vie des codes d’écriture et de langage.

Il y a une dimension véritablement hiéroglyphique dans ces nouvelles formes d’écrits, par la simple utilisation de symboles qui apportent du sens par leur aspect graphique, et du contexte par les sous-entendus et présupposés culturels qu’ils impliquent.

#Quandjaicompris l’aspect mémétique de ces nouvelles pratiques

La théorie des mèmes de Richard Dawkins fait de nos esprits des supports de mémoire tout comme notre un corps est un support de patrimoine génétique, ainsi gènes comme mèmes font partie d’une famille plus grande baptisée “répliquants”. Mémétique et génétique partagent des processus similaires : reproduction, mutation, lutte pour la survie et parfois mort. Les mèmes sont des comportements sociaux qui tendent à se produire et à subir des modifications, ils participent à une culture commune et on compte parmi eux les mythes (et les religions pour les athées les plus militants), les proverbes, les comptines, la chanson Happy Birthday, l’humour de répétition, les images célèbres (Mona Lisa, les photos à la Warhol, l’iconographie des campagnes de propagande du début du XXème siècle), le symbole ♥ et tout un tas de pratiques et habitudes dont on ne se souvient jamais vraiment du moment où on les a adoptées. Le marketing viral s’appuie par exemple sur la puissance mémétique. Bien entendu, par le pouvoir de duplication rapide du copier/coller et les outils de retouche, et grâce aux médias sociaux permettant de propulser les contenus, Internet est devenu une formidable machine à mèmes humoristiques, des LOLcats à La Chute en passant par Captain Obvious et autres Chuck Norris Facts.

Les nouveaux codes de langage issus des univers numériques s’inscrivent directement dans cette perspective, à ceci près qu’ils ont aussi un rôle cathartique à jouer. Aussi, s’opposer de manière frontale à la réappropriation créative de la langue et critiquer l’intrusion de nouveaux codes au nom de la tradition (qui n’est parfois que le synonyme d’un conservatisme passéiste, irrationnel et figé) n’est sans doute pas le meilleur service à rendre à la langue de Bobby Lapointe. Bien sûr, on connaît des langues codifiées et figées, bien rigides, avec leurs gardiens du temple. Il s’agit d’ailleurs… de langues mortes.

Une langue vivante, au sens où on utilise cette expression dans l’enseignement, mute et évolue. Face à leurs voisins anglophones, nos amis de la Belle Province manient subtilement le travail normatif pour faire la chasse aux anglicismes inutiles et la traduction / adaptation : e-mail devient l’élégant courriel, chat devient le superbe clavardage. Quand la technique entre dans nos vies, il faut bien nous les approprier et donner un nom est un bon début pour cela : au début fut le verbe

Au-delà de la lutte contre une préservation cocardière de la langue de Serge Gainsbourg, qui participe d’un esprit de clocher bien gaulois de lutte contre l’envahisseur, il faut peut-être regarder l’aspect pratique. Car c’est bien l’usage qui fait l’innovation, pas l’invention. Une invention qui ne sert à rien devient rapidement un souvenir ou une pièce de musée, tandis qu’un usage qui se développe participe au changement. Le regretté Douglas Adams, auteur d’ouvrages de science-fiction burlesque proche des Monty Python et personnalité excentrique, avait entamé un travail avec le joueur de tennis John Loyd baptisé The meaning of Liff pour tenter de mettre des mot sur des expériences humaines bien connues mais qui ne portent pas encore de nom. Voilà qui est créatif, drôle (clunes : catégorie de gens qui ne partent jamais alors qu’on aimerait les voir partir, sconser : personne qui vous parle en regardant autour s’il n’y a pas quelqu’un de plus intéressant avec qui parler, thrup : faire vibrer une règle sur un coin de bureau en la rapprochant progressivement pour qu’elle fasse un bruit plus rapproché et sec), et surtout qui comble un potentiel manque. Ces mots sont créés pour indiquer une réalité jusqu’alors sans nom spécifique, et on se demande d’ailleurs bien pourquoi parce qu’elles correspondent à des réalités tangibles.

En un mot, on définit une idée parfois complexe, et c’est bien dans cet esprit hiérogplyphique ou idéogrammatique que se situent les codes venus du clavier. Ils rajoutent des couches d’information et disent beaucoup tout en étant économes en espace occupé. Du smiley au +1 en passant par les acronymes, on ajoute du sens aux signes en comprenant les codes venus de divers univers. C’est donc bien une langue, avec ses étymologies et ses usages grammaticaux. Et elle est vivante, elle évolue grâce à ses locuteurs.

Pour revenir à la missive d’origine, il devient évident qu’il ne s’agit pas de faire pour Owni un dictionnaire. Certains s’y attèlent déjà avec une certaine créativité et une justesse qui forcent le respect, comme le Dictionnaire du futur. Mais il n’en est pas question ici. Après ce que je viens d’écrire, figer les codes serait du plus beau ridicule. Aussi, en guise de conclusion, je vais simplement répondre au message d’origine. Comprenne qui pourra.

/lit/ > done {</body> & in the dark } \o/

Vraiment #OOM car *mine de rien* l00ter des pic et bit.ly ->pour faire de la pédagogie<- c’est nécessaire /-) mais |<20n0|°|-|463.

Kevin va pouvoir aider _sur des arguments solides AMHA_ la GenX à PEXer en #LOLculture. GG @Loguy 4 [JPEG]

</work> AFK.

8^)

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http://owni.fr/2010/05/01/revolution-de-la-langue-grace-au-clavier-lhybridation-des-codes/feed/ 14
Meuporg ! http://owni.fr/2010/03/24/meuporg/ http://owni.fr/2010/03/24/meuporg/#comments Wed, 24 Mar 2010 10:48:35 +0000 Yann Leroux http://owni.fr/?p=10737 Photo CC SewPixie sur Flickr

Photo CC SewPixie sur Flickr

Lors d’une émission récente de Télématin, sur France 2, l’addiction aux jeux vidéos a de nouveau été remise sur le tapis, alors que cette pathologie n’existe pas.

Meuporg est définitivement le mot de la journée. Et il y a des chances qu’il entre dans le vocabulaire de l’Internet. Si vous ne savez pas ce qu’est un meuporg (faut-il une majuscule ?) c’est que vous avez manqué Nathanaël de Rincquesen sur Télématin pendant l’émission Télé Matin que “. La vidéo a déjà été vue plus de 155.000 fois et le mot dispose de six fan pages sur Facebook.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Meuporg ? Vous aurez donc compris qu’il s’agit d’un MMORPGW

Nathanaël de Rincquesen se faisait l’écho d’un court papier de Libération : Cyberdépendance : un enjeu en ligne de mire. Malheureusement, il ne semble pas avoir vu les guillemets et les points d’interrogation du journal. Il parle doctement de choses dont manifestement il ignore tout en filant la métaphore de la toxicomanie. Si les drogués consomment des produits, alors il est probable que “des jeunes passent leurs journées derrière un écran à se goinfrer des meuporg”.  Il faut reconnaitre à Nathanaël de Rincquesen un certain talent : en 54 secondes, tous les signaux d’alarme sont tirés : “l’addiction à la vidéo”, “les spécialistes nous parlent de conduite addictive”, “un phénomène plutôt préoccupant”, “jeunes qui passent leur journée derrière un écran à se goinfrer des “meuporg

Double jeu.

Reconnaissons à Nathanaël de Rincquesen au moins une chose : la plupart des “spécialistes” des jeux vidéo viennent de l’addictologie, ce qui n’aide pas à y voir plus clair. Si l’on compte les psy* qui s’occupent des jeux vidéo et qui apparaissent dans l’espace médiatique : la plupart viennent de l’addictologie. Marc Valleur (psychiatre), Thomas Gaon (psychologue), Elisabeth Rossé (psychologue), Serge Tisseron (psychiatre, psychanalyste), Michael Stora (psychologue, psychanalyste) et moi-même. La moitié travaille à Marmottan et tous parlaient d’une addiction aux jeux vidéo. Avant mars 2009, on ne trouve aucun psychologue/psychothérapeute/psychiatre qui dise aussi clairement : il n’y a pas d’addiction aux jeux vidéo.

Certes, parfois Marc Valleur dit des choses comme : “Disons le clairement, nous n’avons pas connaissance de dépendance ou d’addiction aux jeux vidéos parmi les enfants, mais certains abus, certaines pratiques frénétiques témoignent d’un malaise et souvent d’un dysfonctionnement au sein du cercle familial.” (Valleur & Matysiak, 2004) mais malheureusement il le dit après une trentaine de pages ou il laisse entendre que les MMO causent des problèmes.

On pourrait s’en satisfaire. Mais pourquoi alors ne ferme t-il pas cette consultation de cyberdépendance qu’il dirige à Marmottant ? Cela fait six années qu’il dit clairement qu’il n’y a pas de dépendance ou d’addiction aux jeux vidéo parmi les enfants ! Six ans ! Pourquoi recevoir dans un service d’addictologie des personnes qui n’en relèvent pas ? Reçoit-on en gastroentérologie quelqu’un qui relève de la dermatologie ?

S’il n’y a pas d’addiction aux jeux vidéo, pourquoi en parler dans le stage de formation “Première approche du jeu pathologique et du jeu excessif” ? Pourquoi former des infirmiers, des psy*, des éducateurs, etc, qui vont repartir dans leurs institutions parler d’une pathologie dont on dit par ailleurs qu’elle n’existe pas ?

Il s’entretient là un double jeu des plus dommageables. Car lorsque l’on parle de “sur-consommation de jeux vidéo”, c’est tout l’imaginaire de l’alcoolique ou du toxicomane que l’on convoque. Parler de “dépendance” plutôt que d’“addiction” ne change rien car on sait bien que l’ivrogne est dépendant de sa bouteille et le drogué de ses cachetons.

Billet publié initialement sur Psy et geek ;-)

Image de une CC LincolnStein sur Flickr

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News junkies et web addicts : effet retard, et déconnecté http://owni.fr/2009/08/28/news-junkies-et-web-addicts-effet-retard-et-deconnecte/ http://owni.fr/2009/08/28/news-junkies-et-web-addicts-effet-retard-et-deconnecte/#comments Fri, 28 Aug 2009 14:35:51 +0000 [Enikao] http://owni.fr/?p=2926 Les hyperconnectés sont qualifiés fréquemment de toxicomanes du web. Facebook, MySpace, Twitter, blogs, jeux en ligne (MMORPG), ils ont du mal à décrocher du mulot, du clavier et de l’écran. Une version plus spécialisée, les drogués des médias, ou news junkies, sont dans une recherche permanente et monomaniaque de l’information.

Un élément de des comportements de ces camés de l’info, et dans une moindre mesure des web addicts (les joueurs en ligne constituent un cas à part, en particulier quand ils en deviennent otaku, reclus chez eux) n’est pas suffisament mis en avant. Le véritable plaisir de cette addiction n’est pas dans l’acte lui-même mais dans son exploitation sociale a posteriori.

Dans une toxicomanie habituelle, qu’il s’agisse de substances psychotropes, de comportements sociaux (sexe, nourriture, pouvoir) ou d’alcoolisme, le plaisir, ce qui fait revenir à la chose est dans l’acte lui-même. Le fix, le sniff, l’orgie, le verre, c’est la consommation qui donne satisfaction, et qui donne envie de revenir par la suite à l’état de plaisir ou de satisfaction.

web_addictAprès, c’est la chute, la descente, le manque. Il faut donc recommencer, car la privation stresse, et génère l’envie, psychologique et/ou psychique, de s’adonner à nouveau à son plaisir. Car en dehors des pratiques ou substances sévèrement addictives, c’est bien le besoin de recréer les conditions du plaisir qui pousse à recommencer. Progressivement, on en vient à augmenter les doses pour retrouver les effets désirés, c’est l’accoutumance.

Dans le cas des news junkies et des web addicts, il n’est pas du tout certain que le seul plaisir provienne de l’acte. Bloguer, commenter, twitter, chercher l’information, la commenter et l’enrichir, enquêter soi-même, parcourir au hasard son graphe social… Il y a là une certaine excitation. C’est le cas par exemple des moments que l’on perçoit comme historiques, quand on est face à des évènements prenants, d’ordre privé ou globaux.

On peut ressentir le frisson, l’adrénaline quand le temps presse ou que l’information s’accélère (11 septembre 2001, nuit des présidentielles américaines qui vit la victoire de Barack Obama ou mort de Michael Jackson pour prendre trois cas récents), et même ne pas être spectateur passif. On peut chercher des sources, suivre des tendances, chercher de l’information alternative, dénicher des incohérences ou des maladresses. On peut même ne pas être passif du tout et commenter en temps réel, voire apporter un éclairage si l’on est connaisseur, témoin ou expert.

Les effets néfastes sur la vie sociale sont là également. Trop d’attention à donner peut nuire à la capacité de concentration et génèrerait une volatilité des pensées. Que dire de ceux qui restent connectés en permanence par peur de manquer quelque chose d’important dans le flux de l’information. Grâce aux appareils mobiles, ils sont connectés et lecteurs ou même actifs à table, avec leurs amis, en famille, voire aux toilettes ou à la messe. Certains en oublient les tâches quotidiennes, d’autres se mettent à tout analyser sous l’angle des médias sociaux (avant : “I’m blogging this”, aujourd’hui “ça se twitte”) avec le besoin compulsif de garder une trace numérique de tout, de tout partager.

Le manque existe aussi : les hyperconnectés sont mal quand ils n’ont plus d’accès à internet, quand la technique ne suit pas, quand ils ne peuvent satisfaire leur boulimie numérique. La cyberdépendance est d’ailleurs considérée comme une pathologie, même s’il semble que pour l’instant on ne traite que les joueurs en ligne et les clavardeurs (chatteurs, mais dit par nos camarades de la Belle Province) compulsifs.

Et bien entendu, certains tentent une cure, ou ont besoin d’un sevrage plus progressif en maintenant des doses minimes ou en cherchant des substituts.

Pour autant, le réel plaisir, la satisfaction personnelle (ego, sentiment de partager et de se rendre utile, reconnaissance sociale) vient plutôt après. Il y a comme un effet d’emmagasinage, de stockage, pour libérer le tout plus tard, comme un effet retard.

Etre dans la posture de celui qui sait est surtout valorisant dans la vie déconnectée, dans les relations sociales avec ses amis, ses collègues, ses connaissances. L’information est une monnaie sociale. C’est pourquoi son acquisition peut être grisante, comme l’est la constitution de richesses bien matérielles ou monétaires. On montre ce dont on est capable.

Nous sommes là face à une toxicomanie étrange où l’acte n’est pas la jouissance en soi, et où son exploitation s’effectue en-dehors du cadre de son exercice même. Un peu comme si un alcoolique était d’un coup éméché lors d’un repas sobre alors qu’il a bu trois jours avant, ou comme si un sex-addict prenait son pied durant un repas dominical avec sa famille puritaine. Car jusqu’à présent, être news junkie est parfois considéré avec dédain ou ironie, mais pas (encore ?) avec dégout ou horreur.

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