OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Pourquoi les réseaux sociaux sont vitaux pour les artistes http://owni.fr/2011/02/23/pourquoi-les-reseaux-sociaux-sont-vitaux-pour-les-artistes/ http://owni.fr/2011/02/23/pourquoi-les-reseaux-sociaux-sont-vitaux-pour-les-artistes/#comments Wed, 23 Feb 2011 07:30:51 +0000 Ariel Hyatt http://owni.fr/?p=48038 Cet article a été initialement publié en anglais sur Music Think Thank et repéré par OWNImusic.


Ariel Hyatt a fondé Ariel Publicity et Cyber PR, une agence de communication en ligne basée à New York, qui met en relation les artistes avec l’ensemble des médias en ligne. Depuis quatorze ans, elle a travaillé avec plus de 1500 artistes.

Ça s’est passé il y a quelques semaines en Australie. J’étais au cocktail d’inauguration du Song Summit Music Conference de l’APRA (Australian Prudential Regulation Authority), sur les hauteurs du Darling Harbor à Sydney, et je discutais avec un parfait inconnu (qui s’avéra être un chanteur australien connu, auteur de bon nombre de tubes).

Remarquant mon accent étranger, il me demande : “qu’est ce qui vous amène ici ?”. “J’enseigne le marketing en ligne et les média sociaux aux artistes”, lui réponds-je un peu embarrassée, sachant que ce genre d’information ne déclenche pas toujours un enthousiasme débordant.

Lui : Vraiment ?

Moi : Oui.

Lui : Vous savez ce que j’ai remarqué à propos du marketing en ligne et des média sociaux ?

Moi : Quoi donc ?

Lui : J’ai remarqué qu’on n’avait pas vraiment besoin d’être un grand artiste ou d’être respecté par ses pairs musiciens pour avoir du succès de nos jours. Si vous êtes doué pour le marketing, vous aurez plus de succès que vous n’en auriez eu par le passé.

Bon, je ne dis pas que son point de vue est valable, mais il dit ce que pensent 99% des musiciens: “ce mec fait de la musique de m… mais en étant bien insistant, voire lourd sur Facebook, il réussit à fait venir plus de monde que moi à ses concerts, et à vendre plus que moi aussi”.

Vraiment ? C’est ce que vous pensez ?

Mon avis : on s’en fout que vous le trouviez nul. Le truc, c’est que cet artiste a réussi à identifier et a créer un lien avec suffisamment de gens qui pensent que sa musique est géniale. Ses fans récompensent donc ses efforts.

Arrêtez de juger les autres et demandez-vous plutôt comment faire pour vous démarquer. Pourquoi ?

Parce qu’il y a 500 millions de personnes sur Facebook avec qui entrer en contact.

N’importe qui peut être connecté à plusieurs centaines de personnes, créer des relations solides et ensuite vendre sa musique à ces fans qui la veulent et l’apprécient. C’est simple.

Ce qui n’est PAS simple, c’est de passer outre ses avis sur soi-même et sur les autres et de s’y mettre.

Donc voilà, je suis là pour démonter quelques unes (hum) de vos réticences. Celle que je viens de citer est la première sur la liste des…

7 raisons pour lesquelles les artistes sont très réticents aux médias sociaux.

Toi aussi tu as peur ?

#1 Je ne veux pas emmerder les gens et être hype à tout prix comme tous ces artistes que je déteste (ou: “je déteste sa façon de vendre sa musique, et je ne veux pas faire pareil!”)

OK. Parler de soi, ça donne l’impression d’être dans un ego-trip. Mais faire aimer sa musique aux autres, c’est génial.

Donc mon conseil : quand vous utilisez les médias sociaux, ne braquez pas les projecteurs sur vous, mais plutôt sur les autres (les membres de votre communauté / vos fans / vos amis / les artistes que vous respectez).

Partagez les éléments qui vous paraissent banals. Ne songez même pas à vous vendre ou à vendre votre musique avant de bien tout piger. Quand c’est le cas, utilisez tout ça pour amener les gens à s’inscrire à votre newsletter, à visiter votre site web… Ça vous aidera, avec un avantage certain: un super référencement sur Google.

Gardez-ça en tête : 78% des gens font confiance à l’avis de leurs amis (c’est-à-dire le bouton “Like” (J’aime) sur Facebook) pour des produits et des services qu’ils achètent. Seulement 14% d’entre eux font confiance à la télé, la radio et la pub dans la presse. (Source : Socialnomics).

Donc en gros, vous devez devenir un des artistes que les gens recommandent.

#2 Promouvoir ma musique sur les médias sociaux ne va rien me rapporter. J’ai essayé, et la seule chose que j’ai gagné, c’est davantage de travail.

La vérité?

Les médias sociaux ne vont probablement rien vous rapporter directement à court terme. Mais utilisés au côté d’un marketing traditionnel et dans le cadre d’une vraie stratégie, ils peuvent vous permettre de renforcer votre relation avec vos fans, ce qui au final les incitera à acheter.

Récemment, pendant une formation Top Spin, j’ai appris que le référencement Google et la newsletter sont les deux éléments les plus importants pour espérer gagner de l’argent, et les médias sociaux peuvent vous aider à les renforcer.

#3 Les médias sociaux et le marketing prennent trop de temps.

Je veux juste être un artiste, qui répète et qui joue.

Bon, je n’ai jamais dit que tout ça était juste. Le succès a toujours demandé et demande toujours beaucoup de travail. Il y a des questions à se poser :

Quelle est votre définition du succès? Combien de temps voulez-vous consacrer à l’acquisition de nouvelles compétences et à la maîtrise de nouveaux outils ?

Si votre réponse est “aucun, je veux juste faire de la musique”, pas de problème.

Derek Sivers a récemment publié un article émouvant sur ce sujet et les commentaires sont très parlants (faire de la musique pour gagner de l’argent n’est peut être pas fait pour vous!)

Arrêtez d’espérer avoir une valeur aux yeux des autres. Considérez ça comme un bien personnel et précieux pour vous seul. Faites en sorte de gagner de l’argent autrement.

On continue ? Bien, allons-y.

Je me souviens d’un séminaire auquel j’ai participé, “The World’s Greatest Marketing Seminar” (Le meilleur séminaire de marketing du monde), dont le but était d’aider les entrepreneurs à lancer leur entreprise. L’un de ces entrepreneurs est monté sur scène et nous a tenu un discours atroce :

Pour avoir du succès, 70% de votre temps doit être consacré à votre marketing et à l’aspect commercial, les 30% restant à travailler sur votre entreprise.

A ce moment précis, le public a suffoqué en choeur.

(Oui, cela signifie qu’en tant qu’artiste vous devez toujours consacrer du temps à la création, mais que vous avez intérêt à en consacrer beaucoup plus à l’aspect marketing des choses).

#4 Les médias “sociaux” ne sont pas de “vrais” médias, ou Les médias sociaux n’ont pas d’impact réel sur le monde “réel”.

Les journalistes citoyens (blogueurs, podcasteurs, radios en ligne et individus à la tête de grandes communautés de “followers”) sont les nouveaux influenceurs. Soyez attentifs aux médias traditionnels: les chaines de télé vous renvoient en permanence à leur compte Twitter ou leur page Facebook. Certaines d’entre elles font constamment apparaître leur flux Twitter à l’écran (CNN et Fox par exemple).

Les “vrais” médias incitent constamment les téléspectateurs à aller vers les médias sociaux et à y jouer un rôle actif. Et juste comme ça : il existe plus de 200 millions de blogs. Peut être qu’un ou deux d’entre eux voudront bien écrire quelque chose sur vous.

#5 Les médias sociaux, c’est pour les jeunes. Je ne fais pas partie de cette génération là.

Révisez votre jugement : l’âge moyen d’un utilisateur de Twitter est de 39 ans. La classe d’âge qui croît le plus sur Facebook est celle des femmes de 55 à 65 ans. Pourquoi ? Parce que Mamie s’est inscrite pour regarder les photos de son petit-fils, qu’elle s’est rendu compte que ses amis et sa famille étaient actifs sur le réseau, et que… c’est marrant !

#6 Les mises à jour de statuts sur Facebook et Twitter sont débiles. Qui peut bien avoir envie de savoir ce que font les gens en permanence ?

Beaucoup d’artistes ont l’impression que les réseaux sociaux sont faits pour faire de la promo.

C’était le cas à l’époque de MySpace, le premier résau social qui a tant excité les internautes. Le but principal c’était : de la hype, de la hype de la hype ! Faire de la promo. Ajouter frénétiquement autant d’amis que possible. Et faire péter les compteurs par tous les moyens. Sinon, pas la peine d’espérer intéresser tel boite ou se faire signer par tel label.

Ceci dit il n’y avait pas encore ces histoires de “mise à jour de statuts”.

Du coup, beaucoup d’artistes ont une peur bleue des statuts Twitter et Facebook, parce qu’ils pensent que les gens n’ont rien à faire de ce qui leur passe par la tête.

Comme Twitter contrebalance tout ça et sert plus à se bâtir une communauté qu’à faire sa propre promo, il ne savent pas trop qu’en faire ni ce qu’ils doivent y raconter.

Faites particper tous les membres de votre groupe ! Si ça se trouve, l’un d’eux maîtrise bien Twitter mais ne comprend rien à Facebook. Laissez-les alors mettre toute leur énergie dans ce site en particulier. Vous verrez : quelqu’un qui s’implique sur un site qu’il maîtrise, c’est un gros retour sur investissement garanti.

#7 Je ne suis pas “sociable”. En d’autres termes : Je ne veux pas que mes fans connaissent ma vie privée.

Si vous n’êtes pas quelqu’un de sociable, les médias sociaux sont fait pour vous parce que vous êtes derrière un écran, et pas devant d’autres personnes !

C’est vous qui décidez quand et comment répondre à untel, vous avez le temps de réfléchir à ce que vous allez dire, à qui vous allez le dire, sans le stress d’avoir quelqu’un en face de vous qui attend une réponse immédiate.

Ne montrez que ce que vous avez envie de montrer (tout n’est pas personnel !) : les films que vous aimez, les livres que vous lisez, et pourquoi pas les artistes qui vous plaisent ? Vous avez de quoi faire pour commencer.

Vous pouvez retrouver les autres articles associés: Facebook, keep it simple et Medias sociaux : objectif thune
Image de Une: Copyright Fotolia
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Crédits CC flickr Jenn and Tony Bot,

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Marketing musical : la voie du QR code http://owni.fr/2011/02/01/marketing-musical-la-voie-du-qr-code/ http://owni.fr/2011/02/01/marketing-musical-la-voie-du-qr-code/#comments Tue, 01 Feb 2011 06:30:22 +0000 Emmanuel Parent http://owni.fr/?p=29986 Après des études de philosophie et de musicologie, Emmanuel Parent a obtenu un doctorat d’anthropologie à l’EHESS en 2009. Il est chercheur associé au LAHIC et membre du programme ANR Improtech. Co-responsable de la rédaction de Volume! la revue des musiques populaires, il travaille depuis 2009 au Pôle régional des musiques actuelles des Pays de la Loire, en tant que chargé de l’observation.

Le dernier album de Gratuit, projet du musicien nantais Antoine Bellanger (Belone Quartet), a récemment fait l’objet d’une promotion d’un genre nouveau, grâce aux QR Codes (quick response code), aussi appelés carrés d’empreinte. « Rien » est un album d’indie pop lo-fi à la croisée du rock dadaïste et de l’électro, paru à la rentrée et coproduit par 4 labels de la région nantaise Kythibong/Ego Twister/Lespourricords/Hang the DJ (voir la présentation détaillée sur le site d’Ego Twister). Étouffant dans le paysage économique actuel du marché du disque, les labels indépendants fabriquent parfois des œuvres fuyant les logiques rationnelles et rentables. « Rien » a ainsi pris la forme d’un disque vinyle luxueux, « totalement déraisonnable » selon Ego Twister, édité à 300 exemplaires numérotés, assorti d’un coupon numérique et d’une sérigraphie du designer Force béton.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Le clip “Mon sang” de Gratuit, par Pauline Deniel et Vincent Pouplard

Parallèlement à la sortie médiatisée de façon plus classique sous la forme de chroniques, interviews et autres clips sur Youtube, Gratuit a souhaité diffuser ses morceaux d’une façon nouvelle, à la fois innovante numériquement et pourtant difficile d’accès. Il cultive ainsi les vertus cardinales et paradoxales ­de la pop indépendante : être à la fois populaire et tout en restant réservée aux initiés. L’artiste a mis en place une forme de diffusion qui relève autant du marketing viral que de la performance, voire du land art.

La chanson « Séduire », par Gratuit

En effet, secondé par un collectif mystérieusement nommé streetcode, Gratuit a déposé les huit chansons de son album dans Nantes grâce à des QR codes qui permettent au marcheur muni d’un Smartphone de télécharger un à un les titres de l’album… et de savoir où aller chercher le suivant.

Qu’est-ce qu’un QR Code ?

Le QR Code est un code barre à 2 dimensions qui permet de stocker des informations numériques (textes, SMS, adresses de site web, etc.). Il peut-être déchiffré à partir d’un téléphone mobile équipé d’un appareil photo et du lecteur approprié. Imprimé sur un support ou placé dans l’environnement urbain, il permet de relier l’espace physique et l’espace numérique.

En disséminant les chansons dans l’espace urbain, le collectif Streetcode invite les auditeurs à un parcours dans la ville, pensé à l’origine en fonction du temps que dure l’album. On passera ainsi de la friche de Chantenay à une librairie nantaise (l’Index), un restaurant de l’Île de Nantes (le bien nommé « café du progrès »), puis à un squat artistique assez actif actuellement (Bitche) pour terminer chez le disquaire indépendant au cœur de la scène musicale locale, Mélomane. Cette marche dans la ville invite à découvrir des lieux qui font sens et dessine une cartographie située, impliquée, voir militante de l’espace urbain.

La friche de Chantenay a ainsi été revisitée par des grapheurs qui ont peint un immense QR Code qu’on pourrait flasher depuis un hélicoptère ou une des grues posées non loin. L’album, en s’incarnant ainsi concrètement dans l’espace de la ville, accède à une dimension plastique et performative délocalisée, loin du seul temps et lieu du concert.

La forme d’une ville

Dans son livre La forme d’une ville, l’écrivain Julien Gracq invitait le marcheur à déambuler dans la ville de Nantes pour en faire une expérience plus profonde : « Il n’existe nulle coïncidence entre le plan d’une ville dont nous consultons le dépliant et l’image mentale qui surgit en nous, à l’appel de son nom, du sédiment déposé dans la mémoire par nos vagabondages quotidiens. »

Gageons qu’en se doublant d’une expérience auditive via les QR Codes, cette marche dans la ville à laquelle nous invitent Gratuit et le collectif streetcode se personnalise un peu plus et s’emplisse d’émotions pluri sensorielles à même d’affecter nos représentations habituelles de la ville.

Voir la carte des balises qr code de l’album « Rien »

Balbutiante en France, cette technologie semble promise à un avenir important. Elle a d’ailleurs déjà été utilisée dans la pop, notamment par les Pet Shop Boys en 2007, ou par DJ Spooky lors de la biennale Experimenta de 2010. Son utilisation est beaucoup plus développée en Corée ou au Japon, pays où elle a été initialement mise au point dans les années 1990.

Plus proche de nous, le centre de musique traditionnelle Ethnodoc en Vendée a mis en ligne un teaser sur son utilisation expérimentale à Noirmoutier, sur la commune de la Barbâtre, où le premier circuit de découverte patrimoniale a été inauguré le 3 octobre dernier. Ethnodoc entend promouvoir son usage pour valoriser les innombrables archives photos, musicales et vidéos collectées depuis une trentaine d’années.

Par le complément d’informations multimédias qu’il peut aisément mettre à porter du passant, le QR Code se transforme en un puissant allié pour les défenseurs du Patrimoine culturel immatériel. Depuis sa mise en place, ce parcours de QR codes a d’ailleurs créé du lien social : à plusieurs reprises des touristes ont sonné chez les habitants pour retrouver la trace des musiciens évoqués dans les contenus en ligne qu’ils venaient de flasher.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Efface tes traces

Notons que cette évolution technologique (et tout le potentiel d’i-réalité, de balises numériques et de géolocalisation des contenus numériques via les téléphones portables, qui la sous-tend) vient questionner à nouveaux frais une tendance de la modernité et de l’impact des nouvelles technologies sur l’individu.

Depuis la révolution industrielle, la technique avait principalement eu pour effet de lisser et de standardiser l’expérience des hommes, en reproduisant mécaniquement les objets culturels et les marqueurs spatiaux qui construisaient leur environnement quotidien (pensons aux non-lieux analysés par Marc Augé). On peut désormais remarquer que les innovations numériques s’appliquent au contraire à individualiser au maximum les expériences des consommateurs. (Afin, précisément, de rester « grand public ». C’est le paradoxe analysé par Frédéric Martel dans son livre Mainstream.)

On pourrait mobiliser ici les réflexions de Walter Benjamin dans ses essais sur Baudelaire, où sont analysés les effets de dépersonnalisation induits par les mutations de la ville moderne. L’expérience moderne et bourgeoise de la ville conduit selon Benjamin à faire disparaître les traces que les hommes avaient inscrites autour d’eux pour habiter leur quotidien. L’exemple du passage à la numérotation des maisons dans Paris du début du XIXe siècle vaut, pour Benjamin, illustration de ce phénomène :

« Depuis la révolution française, un réseau étendu de surveillance avait pris de plus en plus étroitement dans ses mailles la vie civile et bourgeoise. On peut prendre comme point de repère pour mesurer les progrès de la normalisation la numérotation des immeubles dans la grande ville. En 1805, l’administration de Napoléon l’avait rendue obligatoire pour Paris. Cette simple mesure de police avait, il est vrai, rencontré des résistances dans les quartiers prolétaires ; on lit encore en 1864, au sujet du Faubourg Saint-Antoine, le quartier des ébénistes : ‘‘Lorsqu’on demande son adresse à un habitant de ce faubourg, il donnera toujours le nom que porte sa maison et non le numéro froid et officiel.’’ De telles résistances sont naturellement impuissantes à la longue contre les efforts déployés pour compenser par un réseau multiple d’enregistrements l’absence de traces qui accompagne la disparition des hommes dans les masses des grandes villes. »

La ville moderne aurait broyé l’individu sous son architecture de verre, de fer et de béton, désormais insensible à l’érosion du temps et de l’homme. C’est pourquoi Bertol Brecht, grand complice de Benjamin au cours des années 1930, apostrophait le passant dans son Manuel pour les habitants des villes avec cet inquiétant conseil : « Efface tes traces ! ».

Les balises numériques que sont les QR codes sont-elles un des artifices techniques qui retourne cette tendance pour réinscrire des traces nouvelles dans l’environnement urbain ? Certes, on pourra redouter les récupérations politiques, commerciales et administratives dont peuvent être porteuses ces nouvelles applications numériques. Il est néanmoins heureux que des initiatives venant du rock indépendant ou des musiques traditionnelles soient à même de s’emparer de telles opportunités. Voilà qui vient nous rappeler que la technique reste toujours à la merci de détournements au service d’usages multiples, perpétuant l’invention du quotidien par les marcheurs de campagne et autres habitants des villes.

Références bibliographiques

Marc AUGE, Non-lieux. ntroduction à une anthropologie de la sur-modernité, Paris, Seuil, 1992.

Walter BENJAMIN, « Le Flâneur », Charles Baudelaire, un poète lyrique à l’apogée du capitalisme, Trad. Jean Lacoste, Paris, Payot, 1979, p. 74.

Walter BENJAMIN, « Expérience et pauvreté », Œuvres II, Paris, Gallimard, 2000.

Walter BENJAMIN, « Paris Capitale du XIXe siècle (exposé de 1939) », Paris Capitale du XIXe siècle. Le livre des passages, Trad. Jean Lacoste, Paris, Cerf, 1989.
Bertol BRECHT, Manuel pour les habitants des villes, L’Arche, 2007.

Michel de CERTEAU, L’invention du quotidien. Art de faire I, Paris, Gallimard, 1990.

Julien GRACQ, La forme d’une ville, Paris, José Corti, 1985, p. 2-3.

Gérôme GUIBERT, Analyse d’un courant musical : l’indie pop, mémoire de maîtrise, Nantes, 1998.

Frédéric MARTEL, Mainstream. Enquête sur cette culture qui plaît à tout le monde, Paris, Flammarion, 2010.

Emmanuel PARENT, La Forme d’une ville. Histoire, urbanisme et mémoire, l’exemple de Nantes et de Chantenay, Séminaire Territoire virtuel organisé par le collectif APO33 en novembre 2005.

Article initialement publié sur le site Cultures Sonores

Crédits photos : Flick CC Fluid Forms

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Clips musicaux : money, money, money ? http://owni.fr/2010/11/23/clips-musicaux-money-money-money/ http://owni.fr/2010/11/23/clips-musicaux-money-money-money/#comments Tue, 23 Nov 2010 13:51:55 +0000 FluidRiver http://owni.fr/?p=28205 FluidRiver est un réseau social collaboratif pour réaliser, partager et découvrir des clips vidéos. Cet article provient du blog qui y est associé.

Le clip, objet audiovisuel méconnu, souvent méprisé, parfois adulé, est l’un des outils les plus puissants pour promouvoir et faire découvrir un artiste. A une époque où les technologies de production et de diffusion vidéo sont de plus en plus abordables, mais où les labels voient leurs revenus baisser inexorablement, nous nous sommes intéressés à une question simple : la popularité d’un clip sur Internet dépend-elle de son budget ?

Pourquoi cette étude ?

L’étude présentée a pour but d’analyser le lien entre le budget de production d’un clip et sa popularité sur Internet et de tenter de décrypter les facteurs qui font le succès d’un clip. A notre connaissance, une telle étude n’a jamais été réalisée auparavant.

Nous espérons qu’elle apportera un éclairage intéressant aux labels -majors ou indépendants, ainsi qu’aux artistes -signés ou auto-produits, pour la réussite de leurs stratégies digitales, dans laquelle l’image prend toute sa place. La conclusion principale de l’étude étant que la popularité d’un clip sur Internet est liée à (1) la qualité intrinsèque du clip, (2) la force de la relation entre l’artiste et ses fans et (3) une réflexion stratégique mise en place par le label.

Les limites de cette étude

1. Cette étude ne concerne que la popularité des clips mesurée sur deux importantes plateformes de partage vidéo sur Internet (YouTube et Dailymotion). Nous n’avons pas pris en compte d’autres plateformes, telles que Vimeo, Metacafe, ou d’autres. YouTube étant en effet la plateforme numéro #1 au monde pour le partage de vidéos, et DailyMotion étant la plateforme numéro #1 en France, la somme de leur trafics représente une très large partie du trafic de visionnage des internautes français.

2. Nous n’avons pas pris en compte la visibilité (plus que popularité) des clips sur les chaînes de télévision hertzienne, du câble ou du satellite. Tout simplement parce que notre étude se restreint au cadre d’Internet.

3. Les clips sont tous de langue française, ou interprétés par des artistes de langue française vivant en Europe (règle du FCM)

Le document de base : 114 clips soumis au FCM. Notre étude se base sur un document que nous nous sommes procuré en 2008. Ce document était alors public et en libre accès sur Internet (il a été retiré de la circulation depuis).

Ce document présente les résultats de la commission FCM pour 114 dossiers de demande de subvention pour des clips réalisés en 2007 (le Fonds de Création Musicale est un fonds créé pour soutenir la production de vidéomusiques – en savoir plus sur les origines du FCM ici et les actions de soutien aux vidéomusiques ici).

Pour chaque clip sont indiquées diverses informations: le titre concerné, le devis de production, l’interprète et le nom du label, le nom de la société de production et du réalisateur, le montant de la coproduction et le taux de réinvestissement CNC, la chaîne TV ayant diffusé le clip (ou s’apprêtant à le diffuser), le résultat de la commission du FCM ainsi que le montant de l’aide consentie.

Les labels indépendants sont plutôt bien représentés par rapport à leur part du marché du disque (20%), avec 43 demandes de subvention (soit 37%), contre 71 provenant de majors. Pour des raisons évidentes de confidentialité et parce que nous nous intéressons à une tendance statistique, l’étude présentée ici est évidemment totalement anonyme.

Le principe de l’étude

Pour chaque clip, nous nous sommes rendus sur YouTube et Dailymotion, afin de mesurer: (1) le nombre de pages vues et (2) la durée de mise en ligne. Nous en avons déduit d’un côté la popularité du clip (nombre total de vues) et la popularité instantanée (nombre moyen de pages vues par mois).
Il ne nous restait plus qu’à représenter chaque clip sur deux graphiques distincts : (budget, popularité) et (budget, popularité instantanée)
Les résultats de l’étude

Constat 1 : L’essentiel des pages vues apparaît immédiatement après la mise en ligne
La première chose qui saute aux yeux, c’est que les deux graphiques se ressemblent énormément. La raison ? La viralité : un clip mis en ligne connaît un gros pic de visites après quelques jours ou quelques semaines de diffusion. Ce pic passé, le nombre de visites par jour retombe rapidement. On retrouve le même phénomène avec les sorties de films en salle. Que l’on prenne en compte le nombre de pages vues ou le nombre de pages vues par mois, on est à peu près sur la même tendance.

Constat 2 : la popularité d’un clip ne dépend pas de son budget
Sur chaque graphique, la courbe bleue représente le taux moyen de pages vues en fonction du budget. Surprise : cette courbe est presque horizontale ! Et si l’on retire de ces statistiques les clips les plus vus ou les plus chers (ce qu’on appelle les outliers en statistique), on obtiendrait vraiment une courbe plate. Un clip à 40.000 euros ne sera donc pas vu deux fois plus qu’un clip à 20.000 euros. Dont acte !

Constat 3 : les clips les plus populaires ne sont pas les plus chers
C’est très clair sur le premier graphique : une quinzaine de clips dépassent le million de vues, pour des budgets visiblement moyens, voire inférieurs à la moyenne.

Si l’on regarde en dehors du cadre de cette étude (clips français), l’un des exemples les plus connus de clip ayant couté 0 euro mais approchant (mai 2010) les 39 millions de vues sur YouTube, c’est “Daft Hands”:

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Autre exemple avec “70 Million” par Hold Your Horses

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Ou encore le clip le plus vu sur Dailymotion en 2009: le racoleur “Baby Baby Baby” de “Make The Girl Dance” (1 million de vues en 3 jours, 8 millions de vues à ce jour). Restons-en à l’idée: il fallait y penser et oser le faire

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Dernier exemple : une production à budget très réduit pour un clip en stop motion magnifique, qui rapporte à son auteur la bagatalle de 12 millions de vues sur YouTube en un an.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Constat 4 : on peut faire des clips très chers et peu vus
A la droite des graphiques, on est surpris de trouver que les clips les plus chers du marché sont visiblement très peu vus, voire marginalisés. Peu de gens ont vu ces clips sur Internet, ce qui ne veut pas dire qu’ils n’ont pas connu de belles rotations en télévision. Une explication plausible est que les efforts marketing de la maison de disques ont été concentrés sur les médias traditionnels. Mais, comme nous le soulignons dans les conclusions de cette étude, il est dommage de passer à côté d’un réservoir de visibilité comme Internet, tant pour l’artiste, le label, le réalisateur que pour la société de production du clip.

Conclusion(s)

Quelle conclusion peut-on tirer de cette étude ? Puisque le budget semble être un facteur au final peu important dans le succès d’un clip, quel peut donc bien le facteur déterminant ? En fait, il n’y a pas un facteur, mais des facteurs :

1. La force du clip lui-même : un clip, c’est une idée. Cette idée émane généralement du réalisateur, qui avec sa sensibilité personnelle, sa maîtrise de la fabrication de l’image et dans un dialogue avec l’artiste, va retranscrire à l’écran une émotion perçue dans un morceau. Un clip doit donner envie au spectateur de le regarder jusqu’à la fin, de le revoir et de le partager. Certains clips sont de véritables petits joyaux d’expression audiovisuelle, et parfois, il se produit quelque chose de magique : le clip va littéralement ouvrir à l’artiste des portes au-delà de son public traditionnel parce que le réalisateur aura saisi ce qu’il y a d’universel dans un morceau. L’artiste capte alors de nouveaux fans par l’image. Nous appelons ce phénomène l’overshoot (analogie avec un phénomène physique). Le buzz c’est bien, l’overshoot c’est mieux ! Car l’overshoot est une opportunité unique de grossir la fanbase de manière large et spontanée.

2. La cohérence de l’univers de l’artiste : l’univers d’un artiste va bien au-delà de la musique. Si la démarche est sincère, cet univers sera cohérent et le public le sentira (disques, concerts, collaborations, interviews, pochettes, clips, etc.). Le clip, parce qu’il est un objet visuel, peut rapidement devenir l’image de l’artiste lui-même. Voir un artiste en concert qu’on a aimé voir dans un clip, et des milliers d’images remontent à la surface, procurant une expérience unique au fan.

3. La force du lien entre l’artiste et ses fans : la force d’un artiste, ce sont ses fans, on ne le répètera jamais assez, surtout en cette période de crise de l’industrie de la musique. Plus cette relation est forte et intense, plus l’artiste pourra compter sur ses fans pour assurer sa promotion virale en partageant clips, morceaux, interviews, etc.. Car nous ne partageons que ce qui à de la valeur pour nous, et le sentiment de proximité à un artiste a énormément de valeur pour un fan. Qui dit partage dit potentiel viral…

4. La démographie du public : sociologiquement, plus le public d’un artiste est jeune (ou plutôt adolescent), plus il est rôdé à cette vie digitale en réseau (réseaux sociaux, mail, chat, jeux vidéos en ligne, consoles de jeux connectées à Internet, etc.) et plus la viralité a des chances de s’exprimer. Un artiste dont les fans sont, pour des raisons diverses, moins en phase avec le monde digital et en particulier celui d’Internet, a fatalement moins de chance de donner lieu à un buzz Internet. La prise en compte de ces données est donc un préalable avant toute mise en place d’une stratégie “image” autour d’un artiste. Qui sont ses fans ?

5. La notoriété de l’artiste : plus elle est importante, plus son potentiel de médiatisation est important. Sur les médias traditionnels, ce potentiel est réalisé en prenant d’assaut radios, télévisions, presse. Mais attention, sur Internet, les mêmes stratégies ne fonctionnent pas forcément, comme le révèle le cas des clips à fort budget (donc généralement réservés à des artistes « bankables ») mais à faible popularité. Corollaire : un artiste relativement méconnu du grand public peut tout à fait prendre d’assaut Internet s’il fait les bons choix.

6. La stratégie digitale du label : last but not least, le choix d’une stratégie de marketing digital adaptée, dont le clip fait partie intégrante, explique en grande partie le succès d’un clip sur Internet. Comment expliquer qu’un investissement substantiel sur un projet de clip ne se traduise pas par un nombre important de pages vues sur Internet ? Tout simplement parce que si un label fait l’impasse sur ce point, en préférant concentrer ses efforts sur une stratégie image “classique” (pré-Internet, axée uniquement sur les médias traditionnels), le réservoir de visibilité qu’est Internet finira inexploité. Penser à la vie du clip après sa création est donc aussi important que le clip lui-même. Internet est un média puissant, plastique, dont les usages sont en perpétuelle évolution. Une chose est sûre : les fans d’un artiste sont de plus en plus devant leur écran d’ordinateur ou de portable, et de moins en moins devant la télévision. Le comprendre, c’est déjà comprendre les fans!

Article initialement publié sur FluidRiver

Crédits photos : Flick CC david.torcivia; [phil h]

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Smartphones et musique : à vos Apps ! http://owni.fr/2010/11/17/smartphones-et-musique-a-vos-apps/ http://owni.fr/2010/11/17/smartphones-et-musique-a-vos-apps/#comments Wed, 17 Nov 2010 13:34:27 +0000 Benoit Darcy http://owni.fr/?p=28053 Benoit Darcy nous livre ici un bilan de ce qui se fait de mieux en applications téléphoniques à l’aube de 2011. Cet article est indispensable à toute personne prétendant s’investir dans le “music business”. Benoit Darcy (@zdar sur Twitter) est actuellement employé chez CBS interactive France. Il écrit sur son blog zdar.net, un vrai régal pour tous les amateurs de nouvelles technologies et de musique.

Enfumeur pour certains, visionnaire pour d’autres. Enfumeur-visionnaire pour moi. Force est de constater que Jean-Marie Messier n’aura pas laissé indifférent. Président de Vivendi de 1998 à 2002 – aujourd’hui holding d’Universal Music, de Canal+, SFR et d’Activision – Jean-Marie Messier aura laissé derrière lui plus de 20 milliards d’euros de dettes, des acquisitions malheureuses et survalorisées et quelques visions stratégiques justes, qui trouvent leur sens aujourd’hui. Au premier rang d’entre-elles : la convergence.

Convergence. Ce mot-valise, les journalistes l’utilisent depuis environ 10 ans pour désigner à la fois l’avancée technologique connue par les téléphones mobiles ces dernières années (agglomérant ainsi les fonctionnalités), et l’arrivée des services Web de tout ordre dans la vie de Monsieur-tout-le-monde. Aujourd’hui, la convergence a tellement opéré que l’expression tend même à disparaître. Car c’est un fait, le Web est arrivé dans nos mobiles, en version illimitée et à haut débit, et avec lui, les comportements qui vont avec. De l’avis de beaucoup, Messier avait vu juste. Peut-être quelques années trop tôt…

A qui appartient le marché ?

En France, et selon la dernière étude du Gartner Group (novembre 2010), les ventes de smartphones ont le vent en poupe. Elles sont notamment dopés par l’iPhone et les différents téléphones Androïd, mais la réalité est que ce sont trois autres marques qui dominent le marché : Nokia, Samsung, et LG. Ainsi, les parts de marché des téléphones mobiles (tous modèles confondus) sont : Nokia (28,2%), Samsung (17,2%), et LG (6,6%). Si on isole le seul segment des smartphones (il faut alors ici raisonner en OS plutôt qu’en marques), nous avons comme trio de tête : Symbian (Nokia), Androïd (marques diverses), et iOS (Apple iPhone) avec respectivement 29%, 20% et 13% de parts de marché.

L’iPhone est donc loin d’être en tête. Androïd a le vent en poupe et progresse très rapidement, et Symbian pourrait bien marquer son retour (ou du moins consolider sa position) avec les nouveaux smartphones de Nokia, en particulier le N8, dévoilé récemment.
Pourtant, c’est bien l’iPhone qui fait l’objet de toutes les convoitises. Et pour cause, ses utilisateurs sont les plus riches, ceux dont les comportements sont le plus tournés vers le Web, et le smartphone lui-même constitue l’écrin renfermant la seule entité musicale qui a prouvé sa capacité à générer du business de façon pérenne : iTunes Music Store. Mieux, une récente étude américaine, Going Mobile (réalisée par IHL Group), donne l’iPhone devant Android en intention d’achat (et de switch) de la part des possesseurs de smartphones : 56% veulent passer à l’iPhone, 44% à un mobile Androïd, 24% un BlackBerry et 10% un Windows Phone…

Les différentes catégories d’apps

Dès lors, l’application iPhone semble incontournable. Au delà des coûts, il est ici question de de reach. Puisque musique et iPhone adressent la même cible, la production d’une application devient pertinente et les approches peuvent varier. Après un tour d’horizon de l’inventaire disponible dans l’AppStore, j’en arrive à dénombrer quatre grandes tendances.

Les application d’image

Il s’agit ici de faire exister l’artiste et sa production au sein d’une application. Le rendre accessible et « searcheable » dans l’AppStore et rendre des éléments promotionnels disponibles à l’écoute ou à la visualisation. L’achat de titres ou de l’album complet est en général proposé au sein même de l’application. L’application du rappeur Drake, le petit protégé de Lil’Wayne récemment vu aux côtés de Rihanna, constitue un exemple parfait d’application d’image.

Application Drake (Réalisation : Mobile Roadie, Editeur : Universal Music Group)

Les applications ludiques

Sans mettre en avant l’artiste beaucoup plus que l’affichage du logo du groupe ou du visuel du dernier album, il s’agit de proposer au fan un divertissement dans l’univers de l’artiste en reprenant certains visuels clés ou, mieux, en mettant en scène des avatars des membres du groupe. Un lien vers l’iTunes Store mobile n’est jamais très loin et permet de quitter l’application en douceur pour aller acheter un ou plusieurs titres voire l’album en entier… Un exemple ici avec le flipper de Goldfrapp, un groupe electro-pop britannique.

Application Goldfrapp Pinball (Réalisation : Corporation Pop Ltd, Editeur : Mute Records)

D’autres exemples figurent dans l’Appstore, en particulier pour Gorillaz et Linkin’Park, deux grosses marques sur lesquelles un investissement sérieux a été consenti puisqu’il s’agit ici de jeux plus élaborés. De la 3D pour Gorillaz, et Linkin Park qui fait figure de cas d’école puisqu’on dénombre pas moins de quatre applications dédiées à la formation californienne dans l’AppStore : une application d’image (même principe que pour Drake), un jeu de type « Tapulous », et un jeu proche des « Sims » en version gratuite et limitée, et payante (illimitée).

Les applications décalées

C’est un sous-genre des applications ludiques mais elles sont tellement verticales qu’on peut les isoler dans un segment à part entière. L’un des exemples le plus probants de ce type d’application est incarné par iSébastien, l’application iPhone de… Patrick Sébastien.
Contre 0,79 euros (véridique), vous pourrez faire tourner les iPhone comme vous faites tourner les serviettes… (véridique aussi). Un compteur enregistre les tours (par le biais du gyroscope intégré à l’iPhone) et c’est parti pour des défis entres amis (assumez ou changez d’amis…). Là encore, l’utilisateur se trouve à un clic de l’iTunes Store où il pourra télécharger toute l’oeuvre de Patrick…

Application iSébastien (Réalisation : Sonacom, Editeur : Universal Music France)

Les applications immersives

C’est la catégorie la plus intéressante. Celle où on rencontre les applications les plus originales et élaborées. Il s’agit d’aller beaucoup plus loin que le niveau d’immersion que peut procurer un jeu mobile en impliquant fortement l’utilisateur. Les concepts derrière ce type d’applications peuvent être très variés. Voici deux exemples évocateurs.
Sortie récemment, l’application de Cassius, duo électro incarnant le mouvement French Touch, s’inscrit typiquement dans cette veine. Ainsi, Cassius a récemment sorti un clip dans le but de promouvoir The Rawker, leur dernier EP sorti chez Ed Bangers. Voici le clip, il s’agit du titre I Love You So et l’iPhone y tient une belle place…

Cliquer ici pour voir la vidéo.

En parallèle de ce clip est sorti une application iPhone reprenant exactement les même « vidéos de bouches » qui sont mises en scène dans le clip. Dès lors, l’utilisateur peut s’amuser à refaire le clip chez lui, l’application peut alors procurer une vraie expérience sociale. C’est là le degré le plus élevé de l’immersion. Il ne serait d’ailleurs pas étonnant que des flashmobs utilisant cette application aient lieu prochainement…

Application Cassius I <3 U SO (Réalisation : Julien Adam, Editeur : Ed Banger Records)

Bien que non-officielle, l’approche de l’application iDaft s’avère tout aussi créative. Elle permet, maintenant dans sa version 2, de rejouer les hits interplanétaires de Daft Punk Harder Better Faster Stronger et Technologic. Si l’aspect social est ici négligé, l’application jouit d’une belle popularité auprès de fans, et pourrait servir de tremplin le cas échéant à une version plus élaborée. Notons qu’iDaft2 reste une application gratuite…

Application iDaft2 (Non officielle, réalisation : Sam Vermette)

Gratuité, mécanismes de recrutement, et ROI

Au risque de m’attirer les foudres de détracteurs en mal de revenu (et ce serait légitime), je pose un postulat :

En 2010, en musique, la question essentielle n’est plus « combien un artiste rapporte t-il ? », mais « quelles sont les données en ma possession concernant la fanbase de l’artiste et comment je peux améliorer la collecte de ces données en quantité et en qualité ».

Au premier rang de ces données figurent la reine, celle qui fait l’objet de toutes les convoitises : l’adresse email. Une adresse email est un formidable moyen de de communiquer avec une base de fans, mais également, pour peu qu’elle soit associée à un travail de marketing direct ou de CRM, un moyen de qualifier et de profiler une audience. De receuillir des données socio-démographiques, des affinités par style, par artiste, par similitude.

Une application iPhone peut aider grandement à la collecte. Parce qu’il aura accès à du contenu privilégié, parce qu’il pourra visualiser un contenu avant le « grand public », parce qu’il pourra participer à un jeu concours dont la dotation sera « premium » (accès VIP, rencontre avec l’artiste, voyage pour assister à un gros concert au bout du monde, etc), un fan laissera plus facilement son adresse e-mail. Le recrutement sur iPhone est facilité par la simplification des interfaces. Une application va en général droit au but dans ses fonctionnalités, la collecte de données aussi. Un exemple avec ce que propose Mobile Roadie dans toutes ses applications, ici avec celle de Pink.

Application Pink (Réalisation : Mobile Roadie - Editeur : Sony Music Entertainment)

Les trois piliers du recrutement sont ici représentés : opt-in pour des alertes push (très utile pour réactiver une fanbase quelque peu endormie…), inscription à la mailing-list donnant accès à des exclusivités, et géolocalisation (très utile pour savoir où se situent les fans et donc optimiser des tournées, prévoir des programmations stratégiques à des festivals, vendre mieux et plus de tickets de concerts).

En d’autres termes, considérer une application iPhone comme un canal de revenu important est à mon sens une erreur. Mieux vaut la considérer comme un collecteur de données. Il n’empêche, différents modèles économiques sont à la disposition des éditeurs pour tenter de réaliser un coup-double et générer du revenu. Dans un premier temps, il s’agira d’amortir le coût de développement de l’application (comptez de 5 à 25.000 euros en fonction des prestataires et de la complexité de l’application et du package qui peut être fourni : iPhone+iPad, par exemple). Dans un second temps, cap sur le profit. Dans les deux cas, les business-models ne sont pas si nombreux et limités par les conditions générales de soumission d’une application dans iTunes Store.

L’application idéale

Si certains jeux en 3D ou certaines licences de hits existants (Tapulous…) peuvent justifier un prix conséquent dans l’AppStore (4,99 €), le modèle le plus pertinent semble être celui de l’achat de contenus payants au sein d’une application gratuite (in-App purchase) et possédant quelques fonctionnalités et contenus d’accès gratuit. C’est par exemple ce qui a fait le succès d’un jeu comme FarmVille.

Aujourd’hui – selon Jesse Schell – il y a plus de joueurs sur FarmVille que de comptes sur Twitter…

L’univers d’un groupe ou d’un artiste a tout pour coller au plus près à ce modèle. Il est possible de laisser en libre écoute ou en libre téléchargement certains titres, proposer des jeux pour débloquer d’autres chansons, tout en proposant l’achat de l’album complet sur iTunes. Même raisonnement pour la vente de tickets de concerts et pour le merchandising, même si dans ce dernier cas, il sera toujours impossible de s’affranchir de la chaîne de livraison, avec ses coûts et ses impératifs.

Ajoutez à cela des fonctionnalités de shopping social, telles qu’on peut en trouver sur le très novateur Shop Socially et vous détiendrez probablement une application profitable. Ce site, qui vient de réaliser une levée de fonds de série A (soit un premier tour de table de 1.1 million de dollars auprès de Valhalla Partners), propose de combiner avis de consommateurs, achats, et profils sociaux, sur fond de gamification. Là encore l’univers musical a tout à gagner à s’inspirer de cela.

Aujourd’hui, combien de gens font un check-in une fois arrivés dans une salle de concert pour signifier à leur groupe d’amis qu’ils vont assister au show de tel ou tel artiste. Des centaines de milliers par soir. Quelle exploitation l’industrie réalise t-elle de ces précieuses données ? A peu près aucune. Aujourd’hui, les forums dédiés aux artistes ne sont-ils pas remplis d’utilisateurs à qui des badges d’ancienneté, de comportement sont décernés ? Où est le Foursquare de la fan-attitude ? Nulle part. Il y a probablement encore d’autres pistes à creuser !

Combien ça coûte ?

Voilà. Des mots, beaucoup de mots, et toujours les même acteurs. Les gros. Universal Music, Sony Music. Et toujours les même exemples, aussi. Les gros. Pink, Linkin Park, Gorillaz, Daft Punk… Mais dans la réalité d’un artiste auto-produit, l’application est-elle envisageable. Et, en fait, sert-elle vraiment à quelque chose ? A cette question, la réponse est définitivement oui, à condition d’avoir le temps d’en exploiter les bénéfices. Dans le cadre d’une autoproduction, seul aux commandes, le temps passé à analyser sa base de fans et autant de temps en moins pour composer, enregistrer, médiatiser…

En ce qui concerne la fabrication des applications, sauf à vouloir une application tellement originale qu’il vous faudra passer par un prestataire, certaines sociétés proposent aujourd’hui des outils facilitant la création d’application pour des populations non aguerries au code… Ainsi, de la même façon que des outils comme WordPress ont permis à des millions de gens de monter un site sur Internet, des CMS pour applications font leur apparition. Une société se détache particulièrement du peloton : Mobile Roadie. Certaines applications d’artistes signés en majors sont d’ailleurs réalisées grâce à leur technologie. Voici la vidéo promotionnelle de la version « pro ». Promotionnel donc volontairement impressionnant, mais les idées fortes sont bien réelles : « build an app in minutes » et « publish once, update everywhere ».

Cliquer ici pour voir la vidéo.

OK pour les fonctionnalités et la possibilité de le faire moi-même, mais quid du coût ? Voilà ce qui ressort d’un rapide tour d’horizon : en moyenne, de 500 à 1000 euros pour une application « basique » et jusqu’à 5000 euros pour une application plus évoluée. A cela peuvent s’ajouter des coûts d’abonnement nécessaires à la publication de mises à jour de l’application ou la possibilité de connecter l’application à des flux de données : Twitter, RSS, Flickr, Facebook Fanpage, etc.

Grille tarifaire de Mobile Roadie au 15.11.2010

L’objet de cet article n’étant pas de traiter la fabrication elle-même des applications, je me contenterai ici de vous livrer quelques liens en forme de point de départ pour creuser et trouver un service qui vous convient tant sur le plan des fonctionnalités que sur celui du prix…

Mobile Roadie
Phizuu
Scribble
Custom Band Apps
Mobbase
Get Sound Around

Car là est la réalité, tiraillée entre absolue nécessité de calcul de ROI. Un grand classique économique. iPhone en main, qu’en aurait pensé Messier ?

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Article intialement publié sur: Zdar.net

Crédits photos: Benoit Darcy @zdar

Crédits photos CC flickr: csaila

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Redéfinir les modèles économiques de la musique ? http://owni.fr/2010/11/04/redefinir-les-modeles-economiques-de-la-musique/ http://owni.fr/2010/11/04/redefinir-les-modeles-economiques-de-la-musique/#comments Thu, 04 Nov 2010 10:02:05 +0000 Philippe Astor http://owni.fr/?p=27668 Le journaliste Philippe Astor couvre l’actualité de l’industrie musicale plus vite que son ombre et nous le suivons de près. Il s’est spécialisé dans l’impact des nouvelles technologies sur l’économie de la musique et des médias. Se reposant sur les discours des visionnaires américains Seth Godin et Terry McBride, il nous livre ici un bilan de ce qui avait était prédit et nous éclaire sur les étapes à venir.

Quelle que soit l’efficacité de la loi Création et internet pour endiguer le téléchargement illégal, ou la légitimité du message adressé par les ayants droit aux internautes par l’intermédiaire de cette nouvelle législation – tout créateur doit pouvoir prétendre à une rémunération équitable dès lors que ses œuvres sont mises à la disposition du public ou exploitées, la question d’une redéfinition radicale des modèles économiques de l’industrie musicale à l’heure d’internet reste entière.

Les conséquences de la rupture technologique liée à la révolution numérique et au développement d’Internet, John Perry Barlow, fondateur de l’Electronic Frontier Foundation et ancien parolier des légendaires Grateful Dead, les résumait déjà en des termes on ne peut plus clairs en 2003 :

L’énigme à résoudre est la suivante : si nos biens peuvent être reproduits à l’infini et distribués instantanément dans le monde entier sans le moindre coût, sans que nous en ayons connaissance, et sans même que nous en soyons dépossédés, comment pouvons-nous les protéger ? Comment allons-nous être rémunérés pour le travail de notre esprit? Et si nous ne pouvons être rémunérés, qu’est-ce qui va permettre de poursuivre la création et la distribution de ces biens ?

Le dispositif de riposte graduée mis en place par la loi Création et Internet tente d’apporter une réponse à ce dilemme, en essayant de limiter la manière dont les œuvres peuvent être reproduites et distribuées à l’infini sur Internet, sans l’autorisation de leurs auteurs. Mais ce dispositif souffre déjà de nombreuses failles avant même d’avoir été activé, et tout le monde en est bien conscient, y compris ses défenseurs les plus ardus.

Aux générations successives de réseaux peer-to-peer (P2P), de Napster à BitTorrent, succèdent désormais des systèmes d’échange plus privatifs – d’amis à amis ou friend-to-friend (F2F) -, comme le logiciel open source OneSwarm, qui fait appel à la cryptographie et préserve l’anonymat de ses utilisateurs.. « OneSwarm est capable de résister au monitoring systématique qui est devenu chose courante aujourd’hui sur les réseaux P2P publics », confirment ses créateurs, dont les travaux de recherche sont officiellement supportés par la National Science Foundation et l’Université de Washington aux États-Unis.

Les limites de la riposte graduée

Les canaux empruntés par les échanges de biens numériques entre particuliers se sont en outre largement diversifiés au cours des dernières années : des newsgroups ou forums de discussion du réseau Usenet aux Direct-to-download links (liens de téléchargement directs) vers des plateformes d’hébergement comme Rapidshare, en passant par les logiciels de messagerie instantanée. La liste des protocoles de communication qu’il serait nécessaire de surveiller pour exercer un contrôle efficace sur la circulation des œuvres sur Internet s’allonge de jour en jour.

La surenchère de moyens de surveillance à mettre en œuvre, outre le fait qu’elle est susceptible de soulever de manière récurrente de nombreuses questions relatives à la protection de la vie privée et au respect des libertés publiques, risque d’engendrer des coûts bien plus rédhibitoires à terme que le manque à gagner des ayant droit lié au piratage en ligne. Le seul coût de mise en œuvre de la riposte graduée française, évalué entre 70 M€ et 100 M€, est déjà nettement supérieur à toutes les aides dont bénéficie la filière musicale, qui n’est certes pas la seule concernée.

Pourtant, elle n’en attend pas un renversement miraculeux de la tendance qui a vu ses retours sur investissement se réduire comme peau de chagrin au cours de la décennie passée. « Ce serait irréaliste de penser que cette loi va nous permettre de réaliser + 20 % l’an prochain », nous confiait il y a quelques mois Vincent Frérebeau, président de l’Upfi (Union des producteurs français indépendants) et p-dg du label tôt Ou tard. Tout comme il serait illusoire d’imaginer qu’un retour au statu quo ante, à la situation qui prévalait à la fin des années 90, lorsque l’industrie du disque était florissante, soit encore possible. Car le ressort de cet âge d’or est définitivement cassé.

« Le business du disque était parfait. C’était une industrie parfaite », explique le gourou du marketing en ligne américain Seth Godin dans la transcription, publiée sur le web, d’une conférence donné à l’occasion de la parution de son dernier essai, Tribes, sur les nouvelles tribus du Web. Et d’énoncer tous les ingrédients qui contribuaient à cette perfection : entre autres, un nombre limité de médias, dont toute une partie du spectre était consacrée à la promotion de ce que l’industrie du disque produisait ; quelques puissantes compagnies en situation d’oligopole, incontournables pour produire et distribuer un disque au niveau national comme international ; des chaînes de détaillants qu’elles ne possédaient pas entièrement dévouées à la vente et à la promotion de leurs produits…

Sans parler du florilège de magazines spécialisés dédiés à leur prescription ; d’un système de mise en avant du classement des meilleures ventes favorisant essentiellement le haut de la pyramide ; ou d’un support physique qui ne pouvait pas être copié et avait tous les attributs d’un bien rival, que l’on ne pouvait pas échanger sans en être dépossédé.

Les nouveaux rouages du marketing tribal

Mais la technologie du CD, dont le coût de reproduction était relativement marginal, portait en elle-même ce qui allait précipiter son déclin : le ver du numérique était dans son fruit. “Désormais, si je donne un enregistrement, je le détiens toujours, poursuit Seth Godin. Et ça change tout. Je ne dis pas que c’est mieux, je ne dis pas que c’est pire. Je ne dis pas que c’est moral ou immoral. Je dis seulement que ça change tout et que nous devons l’accepter.”

Pour Seth Godin:

la musique n’est pas en crise. De plus en plus de gens écoutent de plus en plus de musique, comme cela n’a jamais été le cas auparavant dans l’histoire de l’humanité. Probablement cinq fois plus que vingt ans en arrière. [...] Mais l’industrie de la musique est en difficulté. Parce qu’elle se trouve face à un nouveau paradigme.

Les nouveaux médias, comme les détaillants en ligne, prolifèrent sans aucune limite. Le marketing de masse cède le pas à un mode de communication de pair à pair beaucoup plus social. L’accent est mis de plus en plus sur les marchés de niche et de moins en moins sur les hits. Les frontières entre ceux qui produisent la musique et ceux qui la consomment sont de plus en plus perméables. Le cycle de vie des produits de cette industrie est beaucoup plus court. Ses lignes de produits elles-mêmes éclatent et ne sont plus limitées par des contraintes de fabrication mais par l’imagination. Et l’essentiel des investissements porte aujourd’hui sur l’innovation, plutôt que sur la promotion.

« Il n’y aucun moyen de passer de l’ancienne économie de la musique à la nouvelle avec un retour sur investissement garanti et des assurances écrites, ça n’existe pas », explique l’essayiste américain, qui invite les industriels à s’investir dans l’animation de « tribus » de fans, un mode d’organisation sociale hérité d’un lointain passé qui retrouve des lettres de noblesse sur Internet.

« J’ai tous les disques de Rickie Lee Jones, confie-t-il, y compris les bootlegs qu’elle vend. Je les ai presque tous achetés sur son site. Rickie Lee Jones devrait savoir qui je suis ! Ses agents, son équipe, devraient me connaître ! J’attends désespérément qu’elle m’envoie un message pour me dire qu’elle se produit en ville. Je veux qu’elle me demande : ‘Dois-je faire un album de duos avec Willie Nelson ou avec Bruce Springsteen ?’ Je veux avoir cette interaction avec elle. Et je veux qu’elle me dise : ‘J’envisage de sortir un autre bootleg, mais pas avant que 10 000 personnes l’aient acheté’. Parce que je signerais. J’en achèterais même cinq s’il le fallait. Mais elle ne sait pas qui je suis. Elle ne me parle jamais. Et quand son label essaie de me crier quelque chose, je n’écoute pas, parce qu’il pousse son cri dans un lieu [sur MTV, sur les radios du top 40, ndr] auquel je ne prête plus guère d’attention. »

Rupture psychologique

Pour Seth Godin, l’essentiel n’est plus de vendre un disque à un consommateur – « Il peut l’acheter pour 10 balles sur Amazon ou se le procurer gratuitement » -, mais de le connecter à l’artiste et à sa tribu de fans : « Il y a un très grand nombre de gens qui veulent se connecter à cette tribu, et de là où vous vous trouvez, vous avez la possibilité de faire en sorte que cette connexion ait lieu. [...] C’est très important pour les gens de sentir qu’ils appartiennent à une tribu, d’en ressentir l’adrénaline. Nous sommes prêts à payer, à franchir de nombreux obstacles, à être piétinés par la foule, si nécessaire, pour nous retrouver à l’endroit où nous avons le sentiment que les choses se passent. [...] Le prochain modèle, c’est de gagner votre vie en gérant une tribu… des tribus… des silos entiers de tribus ».

Ce changement de paradigme, Terry McBride, le charismatique patron de Nettwerk Records, label indépendant canadien (The Barenaked Ladies, The Weepies, The Old Crow Medicine show, The Submarines…), qui réalise 80 % de son chiffre d’affaires dans le numérique et dans la synchro, avec une croissance annuelle de ses revenus de 25 % dans le numérique, l’a anticipé dès 2002.

« Ce fut quelque chose d’intuitif pour moi, explique-t-il dans une interview accordée au blog américain Rollo & Grady. De toute évidence, le numérique envahissait notre univers depuis trois ans et l’effet Napster se faisait sentir. Étant une petite compagnie, qui travaillait directement avec les artistes, nous avons pu sentir ce qui commençait à se passer. Essayer de l’empêcher n’aurait mené à rien ; il fallait le comprendre et être en mesure de l’accompagner. C’était une véritable rupture psychologique pour nous. Il a fallu plusieurs années pour que le reste de la compagnie et les analystes finissent par se concentrer là-dessus. »

Pour Terry McBride, c’est toujours la pénurie qui crée de la valeur, mais Internet est un photocopieur géant, et « dès qu’une chanson est sortie, elle perd de sa rareté et n’a plus beaucoup de valeur marchande ». Au sein même de l’industrie musicale, il existe cependant de nombreuses autres formes de rareté ou de pénurie à même de créer de la valeur.

L’accès à l’artiste est unique. Et tout ce que vous pouvez organiser autour de cet accès peut créer de nouvelles formes de rareté. Lorsqu’une chanson est sur le point de sortir, elle ne conserve sa rareté que pendant cinq minutes. Mais nous en contrôlons le premier point d’entrée sur le marché, nous pouvons l’introduire de la manière que nous souhaitons, [...] créer une expérience unique à l’occasion de sa sortie, qui peut attirer 10 millions de personnes dans un endroit unique – et essayer de monétiser cette attention. (T. McBride)

Laisser les gens partager

Le patron de Nettwerk, dont le label fêtera ses 25 ans d’existence cette année, rejoint Seth Godin et sa théorie des tribus : « Nous appartenons tous à des tribus, écrit-il sur son blog. Et les membres de votre tribu sont ceux qui vous influencent le plus. Grâce à Internet et à la téléphonie mobile, ces tribus sont plus importantes que jamais et permettent de partager ses passions. Ma conviction est la suivante : laissez les gens partager. Créez un site où il peuvent échanger entre eux, mettez de la pub autour – et désormais, vous pouvez monétiser leur comportement, plutôt que la musique elle-même. Même si c’est sur Youtube. [...] Si je peux amener Avril Lavigne à faire quelque chose sur Youtube qui va la faire passer de 200 millions de connexions à 500 millions, c’est comme vendre un million de disques. »

Un de ses crédos, largement argumenté dans un livre blanc qu’il a co-écrit pour le club de réflexion anglais Musictank (Meet The Millenials ; Fans, Brands and Cultural Communities) est le suivant : « Alors que les infrastructures des labels se rétrécissent, un nouveau paradigme est en train d’émerger, dans lequel ce sont les fans qui constituent leurs nouvelles équipes de marketing, de promotion et de vente ».

Terrry Mc Bride n’en élude pas pour autant le problème posé par les échanges sauvages entre particuliers sur les réseaux peer-to-peer :

Ma conviction est qu’on ne peut pas légiférer pour aller à l’encontre de comportements sociaux, écrit-il dans un autre de ses billets. Le seul endroit où l’on puisse exercer une pression légale ou législative, c’est dans les relations business-to-business. Je pense que les câblo-opérateurs et les fournisseurs d’accès devraient payer une taxe pour rémunérer les contenus qui circulent dans leurs tuyaux. Je ne pense pas que l’on doive couper l’accès à Internet des jeunes, ils ne devraient pas être poursuivis parce qu’ils partagent leur passion pour la musique, même si je considère qu’ils devraient payer pour consommer le contenu produit par d’autres.

Payer sous quelle forme ? Celle d’un montant mensuel forfaitaire, estime-t-il, d’un abonnement aux plateformes des opérateurs ouvrant l’accès à un catalogue étendu. Un modèle auquel se rangent de plus en plus d’industriels de la musique, observe-t-il. « A l’heure où l’industrie se concentre sur 5 % du marché (la part légale du gâteau numérique), l’opportunité de monétiser les 95 % restant se présente. » Mais dans son esprit, fournir un accès étendu aux catalogues pour un montant forfaitaire n’est qu’un premier pas vers l’avenir du business de la musique.

Car une autre rupture technologique est à l’œuvre, qui deviendra selon lui réalité dans les 18 à 24 mois qui viennent. Dès demain, les AppStores d’Apple, de Nokia, de Blakberry, de Google, vont regorger d’agents musicaux intelligents conçus par des développeurs tiers, qui connaîtront les goûts musicaux de chacun et que l’on pourra installer sur les nouvelles générations de smartphones ou de baladeurs wi-fi. Nous pourrons utiliser leurs services d’accès personnalisé aux catalogues pour quelques euros par mois, et ils vont transformer en profondeur le comportement des consommateurs de musique.

Le contexte devient roi

« Il ne sera plus nécessaire de télécharger la musique, ce sera devenu une contrainte, explique Terry Mc Bride. Quantité d’applications vont vous permettre, pour quelques dollars par mois, d’accéder à toute la musique que vous voulez, comme vous voulez, quand vous voulez, à partir de n’importe quel périphérique. Dès lors, pourquoi voudriez-vous télécharger ? Pourquoi iriez-vous sur Internet pour chercher à télécharger cette musique gratuitement ? D’autant que ce que vous allez télécharger gratuitement ne fonctionnera pas nécessairement avec les applications que vous aurez sur votre smartphone. Quelques dollars, ce n’est pas cher payé pour un accès illimité. C’est dans cette direction que vont les choses. »

Pour que toutes ces applications puissent fonctionner correctement, il faudra qu’elles disposent de bonnes métadonnées, avertit le fondateur de Nettwerk Records, à la production desquelles il invite les industriels de la musique à se consacrer.

La valeur ajoutée d’un service de musique, celle que le consommateur sera disposé à payer, résidera dans sa capacité à délivrer un contenu en parfaite adéquation avec un contexte, qui pourra être une émotion ou une circonstance particulière.

Et plus les métadonnées qui accompagneront une chanson ou un morceau de musique seront riches et pertinentes, plus ils auront d’opportunités de ressortir dans un contexte particulier et d’être écoutés.

« A l’heure qu’il est, l’industrie de la musique n’est payée que pour 5 % de la consommation de musique dans l’environnement numérique. Il y a là une formidable opportunité d’augmenter ce pourcentage de manière significative, avance Terry Mc Bride. Ce n’est pas une opportunité d’augmenter le prix de la musique, mais d’augmenter sa valeur. » Un nouveau paradigme dans lequel ce n’est plus le contenu qui est roi, mais le contexte dans lequel il est délivré.

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Cet article a été initialement publié sur Musique Info.

Crédits photo CC flickr : Pieter Baert, virtualmusictv, mathias poujol rost, roberto

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Pourquoi vos fans vous piquent votre musique http://owni.fr/2010/10/08/pourquoi-vos-fans-vous-piquent-votre-musique/ http://owni.fr/2010/10/08/pourquoi-vos-fans-vous-piquent-votre-musique/#comments Fri, 08 Oct 2010 15:08:29 +0000 Kyle Bylin http://owni.fr/?p=26941 Si l’on écoute les arguments autour du partage de fichiers, on peut croire que ceux qui s’y adonnent sont le genre de pourriture prête à jeter mamie avec l’eau du bain ou qui le week-end venu se livre sans états d’âme à la rapine au supermarché du coin (avant de passer au braquage de banque, soyons fous). On sait bien évidemment que tout cela est faux. La plupart des fans qui partagent des fichiers sont comme vous et moi. À ceci près qu’ils ne se doutent pas une seconde que des gars comme nous ont investi beaucoup d’énergie à débattre, à s’opposer, et à essayer de comprendre pourquoi les fans de musique considèrent que celle-ci, le bien le plus précieux que l’on ait, devrait être gratuite.

Comment osent-ils seulement tenter de justifier le fait de ne pas rétribuer les musiciens pour leur travail ?
Les chansons qui nous touchent, nous transportent et dont chaque note et chaque mot nous fait frémir, font ressortir des choses qu’on serait bien incapables d’exprimer seul. Voici donc quatre raisons qui font que les fans téléchargent votre musique illégalement. Quatre raisons que vous pouvez changer.

1-Ils ne savent pas qu’il existe d’autres options

Malgré tous nos efforts pour promouvoir une autre manière de consommer la musique, et tous les jolis sites web à notre portée, je dirais que la plupart des gens n’ont pas la moindre idée de leur existence. Essayez de répéter les mots suivants rapidement trois fois de suite : Project Playlist, Pandora, Last.fm, HypeMachine, Grooveshark, Microsoft Zune Pass, Spotify, Rdio, iLike, TheSixtyOne, Rhapsody, MOG, Napster, Slacker Radio, WeAreHunted et ainsi de suite. Ce sont autant de façons d’écouter de la musique en ligne gratuitement et en streaming. Mais y a-t-il suffisamment de fans qui connaissent ces ressources ?
Une étude datant de l’an dernier disait que la plupart des Européens n’avait aucune idée de l’existence de Spotify, alors même qu’on parlait de la mise en place de sanctions durcies pour les internautes téléchargeant des fichiers illégalement. Le problème, c’est que l’être humain est volontiers récidiviste. Si un fan téléchargeait de la musique via BitComet à l’époque du lycée, et qu’il possédait un compte Demonoid, il est probable qu’il n’ait même pas pris la peine de s’intéresser aux options légales. Ça fonctionne, il trouve toujours ce qu’il cherche, et rapidement en plus !

Solution : si vos fans téléchargent votre musique illégalement et ne savent pas qu’ils peuvent l’écouter sur Grooveshark, dites leur que c’est possible. Au contraire s’ils téléchargent votre musique et que celle-ci n’est pas accessible facilement en streaming, c’est de votre faute.

2. Entendre/aimer/acheter

Andrew Dubber essaie de faire rentrer ça dans la tête de tout le monde depuis des années. Ça vaut la peine de le répéter. Les fans veulent pouvoir entendre votre musique avant de l’acheter. N’étant pas au courant des possibilités d’écouter votre production en streaming (à moins que vous n’ayez même pas pensé à la mettre à leur disposition), ils vont télécharger votre album illégalement pour l’écouter.
Pas seulement parce qu’ils veulent le posséder ou parce qu’ils l’auraient acheté de toute façon. Non, en fait ils veulent juste pouvoir écouter les chansons et s’assurer qu’elles ne sont pas pourries. Acheter un disque sans l’avoir jamais écouté, ça existait avant. Ils écoutaient un ou deux singles à la radio et décidaient alors de se procurer l’album.
Aujourd’hui, ce qu’ils veulent, c’est pouvoir écouter votre œuvre dans son intégralité, voire vivre avec pendant un certain temps. Après seulement, ils envisageront de passer à l’achat.

Solution : simplifiez au maximum l’accès de vos fans à votre musique, via le streaming et le téléchargement de quelques titres. S’ils veulent pouvoir écouter votre musique, cela signifie qu’ils vont savoir s’ils aiment. Pas qu’ils vont acheter.


3. Ils ne vous connaissent pas ou ne vous font pas confiance

La plupart des artistes d’aujourd’hui ne profitent pas du marketing de masse. La radio, la télé et les magasins sont saturés. À cause d’années de MTV et de radios commerciales, la plupart des fans connaissent bien un certain nombre d’artistes. Ainsi, par le simple fait d’avoir déjà entendu parler d’eux et de connaître leur musique, un lien (ténu) de confiance s’est installé. C’est pas grand chose, mais ça suffit. Par cette capacité, même infime, à se rappeler au souvenir de l’auditeur, les artistes des majors ont une grosse longueur d’avance sur vous. Les fans font confiance à Nickelback pour pondre des singles de la même manière qu’ils resteront persuadés que les pâtisseries de supermarché ont un goût de carton.
Ils savent à quoi ils s’exposent. Même s’ils savent aussi qu’ils auraient mieux fait d’aller chez le super pâtissier du coin. Mais non, ils sont quand même allés chez Carrefour. Mais pourquoi ?
Ils savent qu’à chaque fois le goût sera le même, tout comme pour Nickelback. Si votre dernier album n’était pas bon ou si votre son a changé, il est temps de rétablir la confiance.

Solution : établissez un lien de confiance avec vos fans au fil du temps, et rendez votre musique convaincante. Si vous voulez qu’ils l’achètent, il faut qu’ils apprennent à vous connaître et à vous faire confiance. Sinon, ils se la procureront sans payer.

4. Trop de clics ou offre pourrie

Jay Franck, un grand fan de “tubes” résume ça très bien : “Chaque clic qui sépare l’internaute de l’accès à votre musique fait diminuer le nombre de personnes qui l’écouteront. Assurez-vous que vos chansons soient à un clic du fan, dans le plus d’endroit possibles. Moins il y aura de clics à faire, plus le nombre de fans potentiels sera grand.”
Il faut bien prendre en considération vos fans actuels et vos fans potentiels, leur expérience d’achat de votre musique, et vous assurer que le processus est continu et nécessite aussi peu de clics que possible. Il est fort possible que l’accès légal à votre album prenne plus de temps (et donc de clics) qu’avec BitTorrent. mais c’est à vous d’estomper ça. Et sinon, qu’est-ce que vous pouvez vendre qui ne soit pas téléchargeable ?
Jetez un oeil aux différents avantages offerts par Kickstarter ou Pledge Music et vous verrez qu’il y a de nombreux petits plus à accrocher à votre album. S’ils voulaient l’écouter et n’en ont pas eu la possibilité, dites-vous bien qu’ils le possèdent déjà.
Qu’est-ce que vous pouvez offrir de non-téléchargeable ? Les règles du jeu ont changé. Les fans ont besoin d’éléments pour motiver leur achat. Leur refourguer de la musique sans rien d’autre, souvent, ça ne suffit pas.

Solution : certains fans peuvent ne rien vouloir d’autre de vous que votre musique. Vous ne pourrez pas changer ça. Mais c’est à vous (et pas à eux) de faire en sorte que votre production soit facilement accessible et qu’elle soit meilleure, plutôt que gratuite.

Billet initialement publié sur The HypeBot

Crédits photos : FlickR CC nouQraz

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[ITW] Industrie musicale : un goût pour l’auto-destruction ? (3/3) http://owni.fr/2010/09/24/itw-industrie-musicale-un-gout-pour-lauto-destruction-33/ http://owni.fr/2010/09/24/itw-industrie-musicale-un-gout-pour-lauto-destruction-33/#comments Fri, 24 Sep 2010 16:35:30 +0000 Kyle Bylin http://owni.fr/?p=26753 Kyle Bylin, blogueur américain, a rencontré Steve Knopper, contributeur du magazine Rolling Stone et auteur de “Appetite for self-destruction : The spectacular crash of the record industry in the digital age”. (Le goût de l’auto-destruction : comment l’industrie de la musique a explosé en plein vol à l’heure du numérique). Voici la troisème et dernière partie de cet entretien. Les deux premières parties de cette interview est disponible ici et .

Kyle Bylin : dans un élan désespéré pour préserver les normes culturelles et sociales en vigueur ou d’éventuels dégâts à l’encontre de l’institution sociale actuelle, l’industrie du disque traditionelle est entrée en guerre contre une multitude d’ennemis, du phonographe à l’autopiano en passant par la copie privée, pleurnichant que ces nouvelles technologies allaient tuer la musique pour de bon.

L’industrie du disque ne serait-elle pas moins mal en point si elle avait laissé tous les soi-disant révolutionnaires expérimenter ce qu’ils voulaient avec les nouvelles technologies, sans se soucier des normes sociales ou culturelles en place ou des dégâts potentiels pour les institutions sociales actuelles? Ne se porterait-elle pas encore plus mal sans ces évolutions ?

Steve Knopper : Je crois bien que les jeux sont faits. L’industrie a loupé sa chance lorsqu’elle a échoué à signer un accord avec le Napster des débuts, en 1999-2000. Je pense vraiment qu’un tel accord aurait retenu les dizaines de millions de fans de Napster, et aurait transformé une bonne partie d’entre eux en acheteurs, ce qui aurait éliminé une part non négligeable de la demande envers sites de partage de fichiers post-Napster, de Kazaa à BitTorrent en passant par The Pirate Bay. Ceci dit, je pense que les majors devraient davantage avoir envie d’innover. Ok, en Europe elles ont ouvert leurs catalogues à Spotify, mais aux Etat-Unis, elles ont conclu qu’il n’y avait pas de revenus à espérer, et donc on ignore quand le service sera lancé. Pour moi, les labels devraient

inverser la tendance au plus vite, en essayant Spotify et tout un tas d’autres choses, signer des artistes comme Radiohead, NIN, Palmer, The Pixies etc., travailler avec Topspin et d’autres boites, faire signer aux artistes des contrats plus souples voire leur donner un rôle exécutif en leur sein afin de secouer l’ordre établi et de créer de la valeur différemment.

Warner s’y est essayé (voir “Fortune’s Fool” de Fred Goodman), mais si vous regardez leurs initiatives dans le détail, des contrats 360° aux sonneries de téléphone, ils sont restés très traditionnels et ancrés dans le contexte du business d’antan. Le scénario le plus probable est que le business du live va continuer à prospérer (malgré les problèmes de cet été) et que les labels vont fusionner avec des boites de merch, des tourneurs et/ou des agences de management pour accroître le modèle de deals 360° au sein de l’industrie. Et puis, sans doute, le nouveau boss sera le même qu’avant.

KB: On entend souvent l’argument selon lequel ces révolutionnaires seraient de toutes façons incapables de créer davantage de changement que l’industrie du disque ne peut l’imaginer. De même, ils seront “incapables prédire correctement l’impact des ramifications éventuelles car il ont une inclination à surestimer la valeur du nouveau système et parce qu’ils leur manque la capacité à trouver d’autres usages pour les outils mis en oeuvre.

Quelles sont les nouvelles technologies qui pourraient potentiellement mettre à mal l’industrie du disque encore plus qu’elle ne pourrait le supporter ?

SK : Pour moi, ces nouvelles technologies existent déjà : le mp3, le partage de fichiers, Napster, YouTube, etc. Tout le reste passe pour une secousse secondaire. Mais ce qui est sûr c’est que les réseaux sociaux ont le potentiel de modifier le modèle, tout comme la position dominante de Google sur le marché des médias, et les voies émergentes pour gagner de l’argent par la publicité sur internet, la vidéo etc. Tous ces élements réunis semblent mûrs pour être expérimentés et pour que l’on prenne des riques.

KB : Les artistes, qu’ils appartiennent à l’ancienne ou à la nouvelle génération, partagent eux aussi cette dichotomie vis-à-vis les nouvelles technologies et leur volonté de les intégrer à leur carrière.

Pourquoi les artistes doivent-ils absolument traverser le même chaos induit par les nouvelles technologies et le laisser modifier leur rôle de créteurs de biens culturels plutôt que de se raccrocher à des notions dépassées du concept d’”artiste”?

SK : Je ne suis pas sûr que cela soit le rôle de l’artiste. Un artiste doit faire de la musique. S’il peut en plus créer un nouveau model pour vivre de sa musique, tant mieux pour lui. J’admire Radiohead, Amanda Palmer, Josh Freese, Nine Inch Nails etc, mais je n’en respecte pas moins la musique de M.I.A., Taylor Swift ou Eminem parce qu’ils ont décidé de la jouer à l’ancienne. Malgré la révolution qu’a été internet depuis 10 ans, la triste vérité est que signer avec une major et utiliser ses contacts pour percer à la radio et faire un tube est toujours la meilleure façon de passer du statut de parfait inconnu à celui de superstar de la musique. Cela va changer, et les artistes s’y feront, mais je ne pense pas qu’il soit obligatoire qu’un artiste soit la tête de proue de ce changement.

Dans le contexte de l’industrie du disque, le boulot d’un artiste, c’est de faire de la bonne musique. Si en plus c’est un visionnaire comme NIN ou Radiohead en matière de technologie ou de marketing en ligne, c’est du bonus. Mais ce n’est pas obligatoire.

Moi ça me va si Eminem continue à s’accrocher à son contrat chez Universal jusqu’à sa mort ou celle de l’industrie toute entière.Love The Way you Lie est une chanson géniale, et en soi, California Gurls (le tube estival de Katy Perry, ndt) aussi. Bien sûr, les Beatles et d’autres ont mis le concept d’album en avant dans les années 60, ce qui a participé à faire changer le business, passant de la vente de singles à la vente d’albums, un changement révolutionnaire autant que profitable à l’époque. Mais un grand nombre d’artiste de l’époque a continué à faire de très bons singles (cf. la Motown, Stax etc) et je suis ravi qu’ils aient fait ça plutot que de se transformer en ingénieurs ou en “artistes à albums” (ceci dit : youpi pour le What’s Going On de Marvin Gaye!)

KB : Richard Florida formule la réflexion suivante dans son ouvrage The Great Reset : “Pour chaque institution qui a échoué, pour chaque business model qui a survécu à son inutilité, d’autres, plus neufs et meilleurs se sont engouffrés dans la faille. Les périodes de crises passées ontdonné lieu à de nouvelles ères de grande ingéniosité et d’inventivité.” Il avance l’arguement selon lequel les crises (comme celle que traverse l’industrie du disque) “ont existé à des moments où de nouvelles technologies et de nouveaux business models ont été forgés, et elles s’inscrivent également dans des époques où sont nés de nouveaux modèles économiques et sociaux ainsi que de nouveaux modes de vie et manières de travailler”.

De quelle manière ces nouveaux modes de vie et nouvelles manières de travailler vont-ils permettre de créer de la valeur en sortie de crise, à la fois concernant les artistes et l’industrie ainsi que les nouveaux modèles organisationnels pour cette dernière ?

SK : Je crois que l’industrie du disque se remet à croître par un moyen plutôt ancien : les tournées. C’est ce que montrent les exemples les plus révolutionnaires en matière de distribution musicale : Radiohead, NIN, Amanda Palmer etc… (Pardonnez-moi de faire à chaque fois référence aux mêmes exemples, mais je suis fatigué!). Ou du moins en trouvant un moyen d’agréger les revenus générés par les tournées, le merchandising et autres, avec la musique enregistrée et les téléchargements. Des outils comme Spotify, Rhapsody ou le service de cloud qu’Apple serait en train de développer en ce moment finiront bien par arriver au secours du model de la musique enregistrée, mais quand cela arrivera et si cela arrive, ce sera du bonus.

Pour l’heure il faut que les artistes se muent en bêtes de scène.

A mon avis, les problèmes qu’on a connu cet été sont une secousse passagère pour l’industrie du disque, et il n’existe pas de réel bouleversement technologique dans ce secteur, StubHub mis à part pour ce qui est du marché de la revente, ce qui fait référence à une source de revenu additionnelle plutôt qu’à une baisse des revenus primaires. La musique live restera donc une vache à lait, du moins pour un grand nombre d’artistes, à eux de trouver comment utiliser cela à leur avantage économique.

KB : Dans son livre, Florida dit que les “Great Resets” (qu’on pourrait traduire par “les grandes remises à zéro”) sont “des transformations larges et fondamentales de l’ordre social et économique et qu’ils concernent bien plus que des événements purement économiques et financiers. Un vrai “reset” ne fait pas que transformer note manière d’innover et de produire mais introduit un nouvel environnement économique.”. Il affirme également qu’un autre point capital est “leur manière d’amener des changements de consommation qui nourissent les industries en plein essor.

Il est clair que le “Great Reset” dont parle Richard Florida se situe dans un contexte différent de celui qui nous intéresse, mais peut-on dire que l’industrie du disque traverse sa propre “remise à zéro” ?

SK : Je ferai à nouveau référence à l grande revise à zéro de l’industrie du disque en 1999 ou 2000. Aujourd’hui, il s’agit plus de ramasser les morceaux et de trouver comment sauver ce qu’il reste. Il en va de même dans le secteur de la presse.

Article initialement publié sur Hypebot.com

Crédits photos FlickR CC : patrick h lauke ; wlodi ; hoong wei long

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http://owni.fr/2010/09/24/itw-industrie-musicale-un-gout-pour-lauto-destruction-33/feed/ 8
MXP4, Spotify et Mark Ronson : un nouveau concept de publicité musicale http://owni.fr/2010/09/23/mxp4-spotify-et-mark-ronson-un-nouveau-concept-de-publicite-musicale/ http://owni.fr/2010/09/23/mxp4-spotify-et-mark-ronson-un-nouveau-concept-de-publicite-musicale/#comments Thu, 23 Sep 2010 11:27:44 +0000 Benoit Darcy http://owni.fr/?p=26740 Si vous suivez les évolutions de la musique digitale, vous avez déjà sûrement dû entendre parler du MXP4. Longtemps décrit à tort comme « un format », il s’agit surtout d’une technologie qui permet de modifier la structure d’une chanson : écouter les différents instruments séparément, accélérer ou ralentir le tempo, time-shifter, etc.

Remix me I’m famous !

Si de fait le MXP4 ne s’est pas imposé dans nos baladeurs musicaux comme standard d’écoute (était-ce le but ?), on commence à entrevoir les différents usages possibles de cette technologie. L’une des plus évidentes, et des plus pérennes – car monétisable – est d’utiliser le MXP4 pour des opérations de marketing musical. Dans cette perspective, le lancement de Record Collection, le nouvel album de Mark Ronson fait presque figure de cas d’école.

Il y a quelques mois, Mark Ronson et son label français, Jive-Epic (l’une des plus intéressantes écuries de Sony Music de par son souci récurrent d’innovation) rendaient disponible en écoute son premier single : Bang Bang Bang, accompagné de son clip. Un bon démarrage pour ce titre qui en France a même été entendu en générique du Grand Journal, émission fédérant une bonne partie de la fanbase (= le cœur de cible) de l’artiste. Au delà de la pertinence de cette mise en avant, il est intéressant d’observer comme le terrain a été préparé pour ce qui allait suivre. En effet, à maintenant quelques jours de la sortie de l’album (les pré-commandes sur iTunes sont d’ores et déjà ouvertes et le disque sort le 27 septembre), voici venir une offensive marketing de qualité.

D’abord un partenariat avec Spotify, permet d’écouter sur la plateforme 5 titres extraits de Record Collection, le fameux nouvel album. L’offre est reservée aux membres premium de Spotify (9,99 euros par mois). Mais surtout, une petite application MXP4 permet de jouer avec trois titres : Bang Bang Bang, The Bike Song et Somebody To Love Me. Concrètement, il s’agit d’écouter les trois morceaux avec la possibilité d’isoler cinq pistes : voix, basse, batterie, synthé1, synthé2. Le tout est présenté à la manière du populaire jeu « Simon » (dont Sting assurait la publicité en 1983), la prise en main est donc immédiate…

Quand l’aspect ludique fait (presque) oublier l’objectif commercial

Bien évidemment, plus vous connaissez et appréciez le titre original, plus vous passerez de temps à triturer les différentes pistes et réinterpréter à votre manière les chansons. L’ensemble s’avère avant tout ludique, et on en oublie très facilement l’objectif commercial d’un tel déploiement de technologies.

Car l’objectif est bel et bien d’ordre commercial, et l’association Spotify/Ronson ne s’arrête pas là. En effet, le géant suédois du streaming profite de ce lancement pour annoncer un nouveau format de publicité sur sa plateforme. Spotify va donc désormais proposer ce genre de widgets MXP4 en tant que format publicitaire. Ils apparaitront en bandeau, prêts à être cliqués et manipulés par l’utilisateur.

Ce mouvement stratégique est à mon sens lourd de conséquences puisque qu’il recentre les enjeux de la publicité interactive sur une notion essentielle qui passe souvent au second plan : l’attention de l’utilisateur. Et de cette notion découle LA question corollaire : comment capter l’attention de l’utilisateur de la manière la plus pertinente possible. Le fait de proposer une application ludique permet d’apporter des éléments de réponses et de renforcer l’efficacité du dispositif.

Ainsi, il ne s’agit plus ici de délivrer un message ou d’inciter à cliquer par le biais d’une opération simpliste de marketing direct, il s’agit de répondre au sacro-saint trio du marketing digital appliqué à la musique, à savoir :

- Engager les fans un peu plus à chaque évènement (sortie d’un single, d’un clip, d’un album, concert…)

- Maximiser la viralité en s’en donnant les moyens (bien que dans ce cas précis, le widget MXP4 de Mark Ronson n’est pas disponible en « embed ». Un choix, probablement pour privilégier les likes sur la page Facebook…)

- Transformer l’attention captée en achat d’album ou de single

Spotify et Mark Ronson s’offrent avec cette opération un joli coup de projecteur mais c’est surtout la plateforme de streaming qui va pouvoir capitaliser sur cette innovation pour développer son offre commerciale et accroitre significativement ses revenus.

Combien Spotify facture aux labels le déploiement du dispositif ? Quels sont les coûts cachés (tracking, bande passante) ? Autant de questions qui n’ont pas encore de réponse mais une chose est certaine, cette avancée constitue une excellente nouvelle qui devrait séduire les labels et majors US, territoire où Spotify n’est pas encore disponible et dont la start-up suédoise a jusqu’alors retardé la conquête…

Article initialement publié sur zdar.net, le blog de Benoît Darcy

Crédits photos : FlickR CC mick 0 ; andres rueda

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http://owni.fr/2010/09/23/mxp4-spotify-et-mark-ronson-un-nouveau-concept-de-publicite-musicale/feed/ 19
[ITW] Industrie musicale : un goût pour l’auto-destruction ? (2/3) http://owni.fr/2010/09/04/itw-industrie-musicale-un-gout-pour-lauto-destruction-23/ http://owni.fr/2010/09/04/itw-industrie-musicale-un-gout-pour-lauto-destruction-23/#comments Sat, 04 Sep 2010 08:00:12 +0000 Kyle Bylin http://owni.fr/?p=26392 Kyle Bylin, blogueur américain, a rencontré Steve Knopper, contributeur du magazine Rolling Stone et auteur de “Appetite for self-destruction : The spectacular crash of the record industry in the digital age”. (Le goût de l’auto-destruction : comment l’industrie de la musique a explosé en plein vol à l’heure du numérique). Voici la seconde partie de cet entretien. La première partie de cette interview est disponible ici.


Kyle Bylin : Dans Cognitive Surplus, Clay Shirky écrit : “Lorsqu’une technologie nouvelle apparaît, il faut qu’elle trouve sa place dans la société d’une manière ou d’une autre”. Il existe une dichotomie certaine entre l’industrie du disque traditionnelle et le business model du futur dans leur attitude vis-à-vis des avancées technologies et de leur vonlonté de l’intégrer en leur sein.

C’est peu de le dire, mais l’industrie du disque traditionnelle n’est pas vraiment fan des petits malins qui se la jouent radicaux et qui essaient de révolutionner le business model que celle-ci a passé des décennies à perfectionner, améliorer et protéger.

D’autre part, le business model du futur incite les entreprises et les consommateurs à lâcher les vieux modèles et à mettre autant de bordel que possible en adoptant les nouvelles technologies, comme le dit Shirky.


Comment définiriez-vous cette dichotomie entre l’industrie du disque traditionnelle et celle du business musical du futur en ce qui concerne leur approche des nouvelles technologies ?

SK: Je pense qu’il vous faudrait définir “le business musical du futur”. Faites-vous référence à ce qu’ont fait Radiohead, Topspin, Amanda Palmer, Warner Music Group, les sites de vente en ligne comme iTunes ou Amazon ou encore la vague coalition mettant la musique en accès libre et incarnée par MySpace, Google, Spotify etc. voire les sites de partage de fichiers ?
L’industrie du disque traditionnelle adopte actuellement certaines de ces initiatives et arrive même à créer de la valeur grâce à des idées comme Vevo, ou en faisant jouer la concurrence entre iTunes et Amazon, ce qui entraine des prix plus bas pour les consommateurs de musique en ligne.

Globalement, je dirais que l’industrie du disque se porterait bien mieux si elle avait à sa tête un visionnaire high-tech, quelqu’un qui comprenne que l’ancien modèle est mort et que fabriquer des tubes à la Jimmy Iovine ne va pas permettre au modèle de rester à flots pour les 30 années à venir.

KB : Pour Shirky, le grand paradoxe tient au fait que “ceux qui se battent pour résoudre un problème spécifique font aussi tout leur possible pour que ce problème demeure, afin que la solution qu’ils proposent reste viable”. Ainsi, il avance qu’ “on ne peur pas demander à ceux qui dirigent les systèmes traditionnels de voir le bon dans les nouvelles technologies. Ceux qui s’emploient à garder le système actuel sur pieds ont du mal, dans l’ensemble, à considérer qu’un élément qui’ils jugent perturbateur puisse avoir la moindre valeur.”


De quelle manière ce paradoxe influence-t-il le comportement des dirigeants du secteur de disque par rapport aux nouvelles technologies, et ceux-ci ont-ils du mal à envisager que ce qui bouscule leur business model principal puisse avoir de la valeur ?

SK : Depuis Napster, les gros bonnets de l’industrie, et en particulier Doug Morris de chez Universal, nous disent : “On ne pouvait pas anticiper les problèmes, nous ne sommes pas ingénieurs”. Dans mon livre en revanche j’avance qu’un grand nombre d’employés du secteur (les Robin Betchels et autres Erin Yasgars) ont compris qu’il y avait des oppportunités à saisir en travaillant avec Napster et en développant le marketing musical en ligne. Ce sont eux qui criaient à Doug Morris et consorts de faire attention.

“Genre, ce serait bien que vous écoutiez vos propres employés, non ?”

De manière plus générale, je crois que je préfère laisser la parole à Andrew S. Grove et à son ouvrage Only The Paranoid Survive (Seuls les paranoïaques survivent). Il y expose les points d’inflexion stratégique (les moments où une industrie fait face à un nouveau défi technologique et doit s’y adapter ou péricliter) et illustre son propos de cas concrets, distingant ceux qui les ont bousillés (par exemple Apple dans les années 90, avant que Steve Jobs ne reprenne le groupe en main pour développer l’iPod et l’iPhone), et ceux qui s’en sont servis pour croître encore plus (c’est à dire Intel, sa propre entreprise, et à mon avis l’industrie du cinéma avec la VHS).

Pour moi, quand les patrons de l’industrie du disque disent “on n’a rien vu venir”, c’est une excuse bidon.

Au final c’est pour ça que les équipes dirigeantes des labels d’aujourd’hui (les mêmes qui avaient “tué” le point d’inflexion stratégique à l’époque de Napster), ne risquent pas de se transformer en ingénieurs ou même en dirigeants visionnaires à l’origine d’un nouveau business model.

KB: Un écosystème numérique nouveau et plus désordonné est en train d’émeger, nourri en premier lieu par un public dispersé aux quatre coins du web et qui a découvert avec enthousiasme des artistes dont il ne soupçonnaient même pas l’existence.


Quels impacts le comportement de l’industrie du disque vis-à-vis de la technologie aura-t-il dans le cadre de ce nouvel écosystème ? Font-ils entrave au développement d’une culture qui aujourd’hui, pourrait bien être leur seule planche de salut ?

SK : Je ne pense pas que l’industrie du disque ne fait pas entrave aux nouvelles technologies de manière aussi agressive qu’il y a 10 ou même 5 ans, à l’époque où sa seule stratégie web était d’attaquer tout le monde en justice et de coller des DRM sur tous les CD et titres numériques.

Aujourd’hui, le problème tient davantage à un manque d’innovation ou d’anticipation.

Les labels sont d’accord pour autoriser des services comme Spotify ou MOG à utiliser leurs catalogues, mais seulement contre (forte) rétribution (qu’ils ne partagent pas avec les artistes), mais ils refusent d’être proactifs et d’essayer de nouvelles façons de faire (sauf si vous considérez les deals 360° qu’ils font signer). EMI a essayé pendant un moment, lorsqu’ils ont enbauché Corey Andrejka et Douglas Merrell mais tout ça est parti en sucette quand les caisses de l’entreprise se retrouvées à sec.

J’aimerais bien que d’autres labels fassent pareil : embaucher des visionnaires et leur donner toute lattitude pour mettre en oeuvre de nouvelles idées et même échouer sur certaines. Les majors sont pour la plupart toujours dirigées par des mecs de la vieille école qui étaient déjà aux commandes au moment des grosses erreurs commises sous l’ère Napster, de Doug Morris à Edgar Bronfman en passant par Howard Stringer et Rolf Schmidt-Holtz.

Article initialement publié sur Hypebot.com et traduit par Loïc Dumoulin-Richet

Crédits photos : CC flickr Kumar Appaiah & Mykl Roventine & Rust.bucket

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http://owni.fr/2010/09/04/itw-industrie-musicale-un-gout-pour-lauto-destruction-23/feed/ 15
[itw] Industrie musicale : un goût pour l’auto-destruction ? http://owni.fr/2010/08/25/itw-industrie-musicale-un-gout-pour-lauto-destruction/ http://owni.fr/2010/08/25/itw-industrie-musicale-un-gout-pour-lauto-destruction/#comments Wed, 25 Aug 2010 15:09:07 +0000 Kyle Bylin http://owni.fr/?p=26073 Retrouvez cet article et bien d’autres sur OWNImusic, que nous lançons avec joie ces jours-ci !

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J’ai rencontré Steve Knopper, contributeur du magazine Rolling Stone et auteur de “Appetite for self-destruction : The spectacular crash of the record industry in the digital age”. (Le goût de l’auto-destruction : comment l’industrie de la musique a explosé en plein vol à l’heure du numérique).Dans cette interview, Steve nous donne sa vision sur les ressemblances entre la presse et l’industrie de la musique, nous explique pourquoi il est dangereux de traiter la musique comme un produit et nous parle de l’avènement du partage de fichiers.

Le sous-titre de votre ouvrage “Le goût de l’auto-destruction” est “comment l’industrie de la musique a explosé en plein vol à l’heure du numérique”. Pourquoi est-ce si important de faire la distinction entre l’industrie de la “musique” et celle du “disque”, et quels risques y a-t-il à mélanger les deux termes ?

Steve Knopper: Cette distinction est à mon avis assez simple. L’industrie du “disque” fait référence à la musique enregistrée, c’est à dire aux quatre majors, aux gros labels indépendants ainsi qu’à la RIAA (Recording Industry Association of America ou Association Américaine de l’industrie de la musique enregistrée). L’industrie de la “musique” est le business au sens large et comprend les promoteurs de concerts, les managers et agents d’artistes, les stations de radio et même pourquoi pas les magazines comme Rolling Stone.

Avec les difficultés que traverse actuellement le monde de la presse et de l’information et la crise qui le guette, voyez-vous une corrélation entre les difficultés rencontrées par l’industrie de la presse et celle de la musique et si oui, quelles leçons peuvent-elles tirer l’une de l’autre ?

En effet, je dirais que le parallèle est frappant. La presse fait face aux même problèmes liées à internet que l’industrie du disque, à savoir une belle opportunité déguisée en menace. Avec Napster/le mp3/le piratage d’un côté et Craigslist et les contenus gratuits de l’autre. La seule différence, c’est que la presse n’a pas connu le problème des contenus illégaux. Les deux ont échoué à faire évoluer leurs modèles respectifs en même temps que des systèmes de distribution neufs et efficaces capables d’intéresser un public bien plus large. A la place, elles l’ont joué “pauvre de moi, je ne peux pas lutter contre la gratuité”.

Pour ma part je pense que les personnes à la tête de ces industries se sont focalisées sur leurs énormes contrats basés sur les anciens business models, et qu’elles n’avaient aucun intérêt à insuffler le moindre changement malgré les efforts de leurs employés pour s’adapter au mieux.

Dans son ouvrage Convergence Culture, Henry Jenkins, professeur au Massachussets Institute of Technology (MIT) a dit que “le public ne va pas redéfinir sa relation aux médias du jour au lendemain et ceux-ci ne vont pas renoncer à leur mainmise sur la culture sans se laisser faire”.

Dans le cadre de la “renégociation” de leur rôle dans la vie des gens, quel aspect de leur relation avec les fans de musique les médias ne peuvent-ils pas se permettre de manquer cette fois-ci ?

Très franchement je doute que l’industrie du disque ait déjà eu une vraie “relation” avec les fans. Leurs utilisateurs finaux ne sont pas des consommateurs de musique, mais plutôt les distributeurs, de Tower à iTunes. Alors que les radios savent jusqu’à la donnée démographique la plus fine qui sont ses consommateurs, les majors ont toujours produit du contenu et pris des décisions “au feeling”.

Longtemps, cette méthode a fonctionné, mais ce n’est plus le cas aujourd’hui. Pour répondre à votre question, je pense qu’il incombe plus que jamais aux labels d’utiliser toutes les resources high-tech disponibles, de Myspace à Youtube en passant par le plus complexe BigChampagne, pour savoir qui sont leurs consommateurs et comment il doivent les séduire de manière directe.

Dernièrement l’industrie de la musique s’est attelée à comprendre les fans ayant une vraie relation avec “leur” artiste de même qu’un engagement actif pour celui-ci, au lieu de s’occuper uniquement de ceux qui consomment les contenus via la radio et MTV et qui achetaient l’album seulement après.

De quelle manière la gestion des relations avec les fans pourrait-elle aider l’industrie du disque à se relever à l’heure du numérique ? Plus largement, quels sont les éléments qui vous semblent encore et toujours ignorés ?

Vous savez quoi ? J’ai été obligé de googler “gestion des relations avec les fans” (“fan relationship management”) ! Non, mais en vrai, les labels ont toujours été nuls pour ça. Ils signent des artistes qui selon eux vont vendre, et ensuite ils soudoient tout le monde (radios, distributeurs, MTV, presse) pour en faire des stars. Les managers et les promoteurs de concerts (et même Ticketmaster) disposent de bien plus de données via les mailing lists de fans et les infos liées aux places de concerts vendues, et ils en font un usage bien plus efficace.

Si la fusion Live Nation-Ticketmaster se fait, les dirigeants des deux entreprises ont promis qu’ils allaient devenir vraiment très bons sur ces points. Je veux bien les croire, mais il y a d’autres facteurs qui entrent en ligne de compte de cette fusion. Les lois antitrust par exemple.

Dans le deuxième chapitre (How Big Spenders Got Rich in the Post-CD Boom) vous émettez ce commentaire : “Le business est passé de mecs qui mettaient eux-mêmes leurs affaires dans des caisses à un réseau international géré par des mecs surdiplômés”. Et plus tard cet autre remarque : “Sous la pression de la dette, ces hommes en costume ont commencé à exiger que le département “musique” de leur groupe fonctionne comme n’importe quel autre.”

Quel danger y a-t-il à traiter la musique comme n’importe quel autre produit, pour lequel on peut réussir à faire exploser les ventes si l’on fait assez de publicité sur MTV et à la radio, dans l’espoir de dépasser les prévisions trimestrielles ?


Bon, on ne vend pas de la musique comme on vend du savon. Dans la musique, vous ne pouvez pas lancer un produit quand ça vous arrange, et en plus il vous faut un tube. On a pu observer cette tendance ces deux dernières années, où les labels attendaient avidement que leurs poules aux oeuf d’or comme Eminem, Guns N’ Roses, Green Day ou Dr Dre finissent leurs albums pour le sacro-saint quatrième trimestre, à temps pour les courses de Noël. Comme je le dis dans le livre, les labels ont réalisé au cours des années 90 qu’ils ne pouvaient plus se permettre de signer des artistes et de leur laisser des années pour mûrir, comme à l’époque de U2 ou Bruce Springsteen par exemple.

Au cours de cette décennie, ils se sont retrouvés sous la coupe de grands groupes comme Sony ou Vivendi, dont les dirigeants exigent des résultats trimestriels. Je pense qu’il existe un lien de cause à effet direct entre cet état d’esprit et les étoiles filantes qui sont apparues à cette époque, des Third Eye Blind à Chumbawamba, des Spice Girls aux Hanson et à la pop pour ados en général.

“L’apparation du site de partage de fichiers Napster à ce moment précis n’était pas une coincidence”, dites vous plus loin dans le livre. Pourquoi cela ?

Pour moi ça veut dire qu’à la fin des années 90 les consommateurs en avaient ras le bol. Il fallait qu’ils se trimballent dans des magasins de disques pour acheter des CD à 18$ alors qu’ils ne voulaient qu’une ou deux bonnes chansons. Pendant très longtemps, j’ai entendu de nombreux acheteurs se demander pourquoi ils ne pouvaient pas acheter seulement le single qu’ils avaient entendu à la radio et qui leur plaisait tant. Mais comme je le dis dans le livre, les singles n’existaient alors déjà plus.

Etant donnée l’aspect libérateur d’internet, je pense que ce n’est pas un hasard si des gens comme Shawn Fanning (le fondateur de Napster) sont apparus pour offrir aux consommateurs une façon d’y arriver. La demande existait de manière évidente et ce n’était qu’une question de temps pour que la technologie la rattrape. Plus récemment ce phénomène de technologie en phase avec la demande est apparu sur le marché de la revente de billets de concerts grâce à l’avènement de sites comme StarHub et RazorGator.

Ma thèse est simple. Le complexe de la sortie du CD (“The CD-release complex”), comme j’aime l’appeler, n’existe plus. Ce système abstrait constituait la colonne vertébrale de l’industrie du disque moderne, basée sur l’idée que les fans découvraient la musique par les mêmes voies utilisées par les labels pour la promouvoir les nouveautés.

Et si cette commercialisation de la culture a mis la musique à la portée du plus grand nombre, elle n’est pas en phase avec le caractère participatif d’internet.

Au lieu d’envisager uniquement le partage de fichiers, pourquoi l’étude du déclin d’un marketing obsolète, le fractionnement du paysage médiatique ainsi que le développement d’un public organisé en réseau ne nous donneraient-ils pas un aperçu plus précis de “l’évolution socio-culturelle” que nous vivons ?

Voilà une question complexe ! Pour faire simple, je dirais bien sûr qu’Internet puis les réseaux sociaux ont plus que jamais rapproché les individus et favorisé la communication à l’échelle mondiale. Cela a donné de belles opportunités aux entreprises. Il est bien plus facile de toucher un fan de Green Day en regardant sa page Facebook où s’affiche son amour pour le groupe. En 1991, rien de tout ça n’était possible, il fallait deviner.



Dans le même esprit, Bob Garfield de “Advertising Age” a récemment noté : “Le futur s’annonce radieux, mais le présent, c’est l’apocalypse. Il est absurde de penser que la transition (si transition il y a) entre les médias de masse et le marketing et les micro médias et le marketing se fera sans heurts.

Comment ces problèmes aux aspects multiples ont-ils réussi à accoucher d’un tel cataclysme au cours des dix dernières années, alors même que le “changement climatique” au sein de l’industrie est bien plus subtil et sophistiqué que tout ce qu’on aurait pu imaginer ?

Je suis d’accord avec ça. Dans mon livre, Edgar Bronfman dit que qu’entre aujourd’hui et 2020 les choses vont être compliquées mais qu’après ça les opportunités de business seront bien plus nombreuses. Je pense que c’était la même chose dans l’industrie automobile, avec l’avènement de la voiture personnelle au détriment du cheval. Les chauffeurs de diligences étaient sans doute réticents à l’idée d’apprendre à conduire un autre type de véhicule. Mais finalement, ils ont surmonté leurs réticences, s’y sont mis et ont gagné bien plus d’argent qu’avant. Quant à ceux qui n’ont pas voulu évoluer ont fait faillite.

Aujourd’hui, les choses sont clairement plus complexes. Warner a tenté de s’adapter en investissant 33 millions de dollars chez LaLa et iMeem. Il s’avère que ces investissements se sont vraiment plantés. On pourrait citer bien d’autres erreurs dans le domaine. Mais les initiatives intéressantes sont légion : Spotify, Google Chine et d’autres types de services liés à la musique et faits pour inciter les consommateurs à acheter au bout du compte des produits plus onéreux comme des t-shirts et des places de concert.

Ca ne m’étonnerait pas qu’à horizon 5-10 ans il existe un service aussi simple à utiliser qu’iTunes et qui rassemblerait en une seule page web tous ces éléments, facilitant ainsi l’accès des fans à tout l’univers de leurs artistes préférés. Mais il reste beaucoup de choses à négocier et d’éléments juridiques à débroussailler avant d’en arriver là.

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Article intialement publié sur Hypebot.com sous le titre : “Interview: Steve Knopper of Rolling Stone and Appetite for Self-Destruction (Part 1)“.

Retrouvez cet article et bien d’autres sur OWNImusic, que nous lançons avec joie ces jours-ci !

Photos CC Flickr emanuela franchini, Jonathan_W, Martin Neuhof, Stéfan

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