OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Bactéries du futur [3/3] http://owni.fr/2012/03/26/bacteries-du-futur-33/ http://owni.fr/2012/03/26/bacteries-du-futur-33/#comments Mon, 26 Mar 2012 13:57:16 +0000 Marion Wagner http://owni.fr/?p=103214


[Suite de notre enquête sur la biologie de synthèse. Retrouvez ici la première et la deuxième partie]


Diplomatie et financement

Il pleut. À l’intérieur du bâtiment Necker du ministère de l’économie et des finances, à Bercy, le Conseil général de l’industrie, de l’énergie et des technologies est installé au bout d’un long dédale de couloirs feutrés et incurvés.

Françoise Roure y préside la section Technologies et société :

En Chine, au Brésil, aux États-Unis la biologie de synthèse fait partie de programmes subventionnés par les pouvoirs publics. Chacun a un prisme particulier. En Chine c’est l’autosuffisance alimentaire de long terme, c’est-à-dire nourrir 1,3 milliard d’habitants sur 100 ans, au Brésil c’est le décollage économique par l’exploitation de ressources organiques et aux États-Unis les besoins énergétiques sont énormes. Pour toutes ces raisons la biologie de synthèse pour les biocarburants fait partie des options diplomatiques et de politiques intérieures extrêmement fortes. La continuité de l’approvisionnement énergétique conditionne énormément de choses, notamment l’approvisionnement durable en eau.

Bactéries du futur [1/3]

Bactéries du futur [1/3]

Dans leurs éprouvettes, des chercheurs préparent la biologie et la génétique de demain. Des "biologistes-ingénieurs" qui ...


Le ton est donné. Françoise Roure, qui a rencontré, au nom de la France, les spécialistes de la question dans le monde entier, de l’Allemagne aux États-Unis en passant par l’Autriche, poursuit : “A l’heure actuelle, on est sous la barre des 10 millions d’euros de financements publics en France pour les projets spécifiques liés à la biologie de synthèse. Au niveau européen, nous sommes à moins de 50 millions d’euros. Je regrette que ce soit le parent pauvre des programmes de recherche. La question pour moi, d’un point de vue de la puissance publique est ‘qui va financer l’acquisition des connaissances, et de quelles connaissances?’”

Elle ajoute :

Il y a encore beaucoup d’inconnus. La puissance publique peut aider à financer des recherches en amont sur l’impact écologique ou toxicologique qui ne sont pas prises en charge par l’économie de marché, et elle doit susciter des débats éthiques.

Culture scientifique

Retour à l’Assemblée nationale, rue de l’Université. Dans son petit bureau de députée, Geneviève Fioraso ouvre puis ferme la fenêtre. Ouverte, trop de bruit ; fermée, trop chaud.

Je pense que la biologie de synthèse est une technologie de rupture. C’est important de s’y intéresser tout de suite si on ne veut pas que son évolution soit complètement guidée par l’industrie et garder la maîtrise du sens de la science.

L’élue socialiste a à cœur de mener les discussions sur les enjeux de la biologie synthétique en amont, avant ses développements industriels. “Ce n’est pas un luxe, ça permet de sortir des débats idéologiques et de posture. Ça me paraît beaucoup plus efficace que les grands principes idéologiques, comme le principe de précaution, où finalement il n’y a aucune démarche d’évaluation au fur et à mesure. Parce que franchement les débats qu’on a eux dans l’hémicycle sur les OGM n’étaient pas passionnants”.


Elle poursuit : “Pour l’instant la biologie de synthèse c’est un peu un microcosme, je suis complètement favorable à un débat science-société. Mais je pense qu’il faut travailler à rehausser le niveau scientifique des citoyens : je ne crois pas à un grand débat public mais beaucoup plus à un processus de formation continu et permanent”.

En 2011, 25 % des Français ignorent ce que sont les nanotechnologies. Les nanotubes, par exemple, qui en sont un des matériaux, des assemblages d’atomes de carbone en cylindres de quelques milliardièmes de mètres de diamètre, sont utilisés pour renforcer les raquettes de tennis ou les cadres de vélo, dans des circuits de moteurs automobiles et dans certains textiles. Leurs effets potentiels sur la santé sont encore assez méconnus, et même régulièrement montrés du doigt par certains scientifiques.

“La culture scientifique et technique des citoyens de la population française n’est pas préparée à ces débats, or la qualité de la décision publique en dépend. Aux États-Unis, la question de la biologie de synthèse a été étudiée par le comité d’éthique de la Maison Blanche. Les questions d’éthique ont le pouvoir de faire dire ‘non’ “, m’avait rappelé Françoise Roure à Bercy.

Métaphysique

Il y a une dimension métaphysique dans la biologie de synthèse. Cela touche des questions très précieuses, sacrées.

Philippe Marlière n’hésite pas : “Les premiers qui doivent être contre la biologie de synthèse sont ceux qui la font”.

Il ajoute : “On ne peut pas dire que comme la nature bricole elle-même, on peut y faire ce qu’on veut sans aucun risque. Notre savoir est assez frustre mais nous avons quand même tous les outils pour modifier une bactérie qui représente à peu près 30 % de la biomasse marine. Le temps de génération d’une bactérie est très court, une heure environ. Le risque de déplacer des équilibres, de faire changer la couleur de la mer par exemple, existe. Moi je ne le ferai pas, j’aurais des scrupules. Intrinsèquement, le risque biologique croît exponentiellement. Celui du nucléaire, lui, à l’inverse, décroît”.

Conscient que la création d’une vie artificielle prête à la controverse, le généticien assure : ” les bactéries que nous produisons sont amoindries, ce sont des loosers, elles n’ont strictement aucune chance de rentrer en compétition avec des formes sauvages, comme une souris de laboratoire ne passerait pas l’après-midi dans un égout de Paris “.

Le responsable des énergies nouvelles à Total, Vincent Schachter, avait, lui, doctement assuré d’une voix calme à l’Assemblée nationale : ” Nous manipulons des levures génétiquement modifiées de type 1, qui sont réglementées. Ensuite, -c’est la première chose-, nous travaillons en milieu confiné et nous faisons tout ce qu’il faut pour que les organismes modifiés ne sortent pas. Après, au cas où ils sortiraient, ils auront du mal à survivre en milieu naturel. Troisièmement, la manière dont ils sont modifiés n’a absolument aucun rapport avec quelque effet néfaste que ce soit. Et enfin, ‘ceinture et bretelle, toujours’, nous allons évidement tester activement l’impact environnemental de toutes les nouvelles souches bactériennes, nous nous devons de le faire “.

Bactéries du futur [2/3]

Bactéries du futur [2/3]

Tubes à essai, agitateurs, congélateurs et biologie de synthèse : bienvenue dans l'univers de Global Bioenergies. Cette ...


Philippe Marlière précise quand même: ” Bien sûr, il serait très péremptoire de ma part d’affirmer que le risque est nul. Mais les verrous peuvent être multipliés. Nous rendons nos bactéries dépendantes d’une alimentation qui n’existe pas dans la nature et que nous produisons pour elles. Lorsqu’elles n’en trouvent pas, elles meurent “.

Contradictions

L’argument ne convainc pas Dorothée Benoît-Broadweys, déléguée générale de Vivagora.

Assise devant une bière, cette biologiste de formation lâche : ” La question du partage de l’espace et de ressources limitées est importante. Même si ces micro-organismes sont alimentés par des molécules artificielles, elles-mêmes seront produites à partir de ressources qu’il faut partager. Et même si la ressource utilisée est la biomasse, les déchets agricoles, il faut veiller à la question de l’affectation des ressources biologiques. Que la production de ressources énergétiques ne remplace pas les ressources alimentaires “.

L’association entend, selon ses statuts, ” socialiser l’innovation, lui donner ‘du sens’, en plaçant l’homme et sa qualité de vie au cœur des préoccupations, c’est-à-dire permettre aux citoyens de s’emparer des enjeux technologiques, et de s’exprimer pour définir le ’souhaitable’ parmi tous les ‘possibles’ “. Elle procède en organisant des ateliers où scientifiques spécialisés et citoyens novices échangent, fidèle à son objectif : ” mettre en débat les orientations scientifiques et les innovations techniques afin de promouvoir une gouvernance plus démocratique “.

A l’initiative des premières conférences publiques sur la biologie de synthèse, en 2009, l’association a elle aussi été entendue par l’OPECST. Et elle est, à l’heure actuelle, le seul contradicteur en France dans le débat sur la biologie de synthèse.

Dorothée Benoît-Broadweys reprend : ” ce ne sont pas les risques que nous avons mis en avant lorsque nous avons été entendus par les représentants de l’autorité publique mais plutôt la question du rapport au vivant “. Elle cite un peu confusément Paul Ricoeur, Alain et d’autres philosophes dont elle a oublié le nom.

Quelle est la nouvelle donne pour nous, êtres humains qui sommes reliés à un écosystème, comment va-t-on cohabiter avec ces artefacts produits par l’Homme et dont il aura la responsabilité ? On ne peut pas continuer dans l’idée d’une technologie qui s’imaginerait qu’elle peut être toute puissante et prétendre maîtriser la nature, on le voit assez avec les pesticides, les perturbateurs endocriniens, et leurs effets sur la santé. Donc soyons un peu raisonnables, faut-il nécessairement en finir avec la finitude ?

Contre l’intelligence collective

Dans le cercle restreint des spécialistes de biologie synthétique, Vivagora a mauvaise réputation. ” C’est très bien qu’il y ait des lanceurs d’alerte sur le sujet, mais qu’ils fassent correctement leur travail. Ils ne connaissent pas les dossiers “, lâche la chargée de presse de Global Bioenergies.
Philippe Marlière ne mâche pas ses mots : ” Leur espèce de comité citoyen est une pure folie d’un point de vue scientifique, la science ne s’est jamais faite à l’applaudimètre, c’est le contraire.
La science s’est toujours construite contre l’intelligence collective, c’est la grandeur du truc. C’est aristocratique, ça veut dire le gouvernement par les meilleurs. Ça ne veut pas dire que les scientifiques gouvernent le monde mais que la société scientifique est gouvernée de manière aristocratique “
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Il enfonce le clou : ” La position de Vivagora, qui vit de subventions publiques, est que tout est merveilleusement dangereux, tout peut dégénérer dans la pire des apocalypses, donc tout est interdit. Ce n’est pas opérationnel comme position, ce n’est pas une attitude pragmatique. Moi, je gagne de l’argent en convaincant des investisseurs, pas en tendant ma sébile auprès du contribuable “.

A l’assemblée nationale, Geneviève Fioraso grince des dents : ” Le problème, c’est que ce sont en même temps des consultants qui font payer leurs consultations. Et ils ont du mal à toucher les citoyens, ce sont plutôt des happy-few “.

Bioéconomie

La député a rencontré, outre-Atlantique, l’ONG canadienne ETC, pour Action Group on Erosion, Technology and Concentration

Elle indique : ” Leurs propos sont beaucoup plus modérés que ce qu’ils disent dans leurs rapports “.

Le dernier en date, intitulé ” Les maîtres de la biomasse ” est une somme de 90 pages. Sous-titré ” La biologie de synthèse menace la biodiversité et les modes de subsistance “, il reproduit dès son introduction les propos du père de la biologie de synthèse, Craig Venter, datés du 20 avril 2009 :

Quiconque produit des biocarburants en abondance pourrait bien finir par faire plus que des gros sous – il écrira l’histoire… Les entreprises et les pays qui y parviendront seront les vainqueurs économiques de la prochaine ère, au même titre que le sont actuellement les pays bien pourvus en ressources pétrolières.

L’ONG publie régulièrement des dossiers très documentés sur l’impact des nouvelles technologies sur les questions socio-économiques et écologiques, notamment dans les pays les plus pauvres. Elle reproduit dans celui-ci les propos du directeur général d’Amyris Biotechnologies, une start-up américaine spécialisée dans le développement de biocarburants : ” En scrutant le monde et en cherchant où se trouvait la biomasse la moins coûteuse et la plus abondante, nous avons découvert que le Brésil était vraiment l’Arabie Saoudite des énergies renouvelables. “

Total, qui a déjà investit 200 millions de dollars dans le capital d’Amyris, dont il détient plus de 20 %, pénètre le marché brésilien par l’intermédiaire de ce partenaire américain, et projette, d’ici à 2020 de posséder 5 à 10% de la production de canne à sucre brésilienne.

Des investissements qu’ETC appelle la nouvelle ” bioéconomie “, dirigée par ” les nouveaux maîtres du vivant “. Elle dénonce notamment une appropriation par une poignée d’industriels de ce monde vivant, dont la biomasse, ressource de la biologie de synthèse, est issue. L’ONG passe également au crible la conversion de terres à vocation alimentaire en terres à vocation énergétique et l’émergence de nouveaux risques biologiques incontrôlés.

Dénonçant l’arrogance des promoteurs de la biologie de synthèse, comparable à celle des tenants de l’énergie nucléaire, longtemps présentée comme sans risque et peu coûteuse, l’ONG appelle à une mobilisation de la société civile : agriculteurs, populations autochtones, et ” tous ceux qui se sentent concernés par la conservation des forêts, les aspects éthiques qui entourent les changements climatiques, les produits chimiques toxiques, la conservation des océans, la protection des déserts, les droits relatifs à l’eau “.

Elle préconise enfin que les fonds publics soient investis dans l’évaluation des coûts sociétaux et environnementaux de la biologie synthétique.

DIYBio

En France l’information est peut-être dans la zone industrielle de Nanterre. C’est là que l’association la Paillasse, la première communauté de biologistes-amateurs s’installe, au rez-de-chaussée d’un bâtiment de bureaux. Constituée il y a quelques mois elle rejoint l’Electrolab, des geeks, qui détournent les processus électroniques et informatiques pour les adapter à leurs goûts et leurs besoins, dans le plus pur esprit Do It Yourself, DIY.

Né aux États-Unis entre 2007 et 2008 le mouvement DIYBio, pour Do It Yourself biology, a depuis essaimé à Londres, à Madrid, à Vienne, à Boston, à Nanterre…

Electrolab : la révolution à propulsion silencieuse

Electrolab : la révolution à propulsion silencieuse

Le tout jeune Electrolab est un hackerspace basé à Nanterre. Comme son nom le suggère, sa marotte, c'est l'électronique. ...

Dans le demi sous-sol où elle emménage, la Paillasse a déjà accumulé une machine PCR, qui permet de répliquer à l’infini une séquence génétique, un bain-marie, des agitateurs, une centrifugeuse, des micro-pipettes. Tout le matériel, encore dans les cartons, tient sur deux tables. A côté, deux frigos, dont un pour les bactéries. Tout, ou presque, vient de Génopole. Un donateur institutionnel et généreux dont la directrice de la recherche, Françoise Russo-Marie, salue la ” démarche citoyenne “ de la Paillasse.

Leur crédo pourrait être ” pirater est bon, mais le mot a mauvaise réputation “. Car les pirates sont dociles. Une bande de jeunes très diplômés aux compétences vastes et aux centres d’intérêt variés. Ils fédèrent autour d’une poignée d’énergies motrices une dizaine d’ingénieurs, de biologistes, d’informaticiens, d’artistes et d’électrons libres.

Thomas Landrain, 26 ans, ancien étudiant à Normale Sup bio et thésard en biologie de synthèse à l’Institut de biologie systémique et synthétique d’Evry, co-fondateur de la Paillasse, m’explique :

l’idée est que la biologie est en train de devenir une technologie au même rang que l’électronique ou l’informatique, en terme de miniaturisation technologique on n’a pas encore fait mieux que les cellules vivantes ! Et comme on dispose de pièces modulaires pour fabriquer des circuits génétique, il est possible de créer des circuits chez soi, avec du matériel de laboratoire assez simple.

Il prévient : ” Il faut des autorisations pour faire des mutations génétiques actives. Nous ne voulons pas nous mettre en confrontation avec les règlements “. S’il est simple de manipuler le vivant c’est aussi plus risqué qu’en électronique ou en mécanique, puisque une cellule bactérienne génétiquement modifiée qui tombe par terre peut interagir avec son environnement.

Les bio-bidouilleurs s’enracinent

Les bio-bidouilleurs s’enracinent

La première communauté de biologistes hackers a vu le jour il y a quelques mois en France. Greffés au /tmp/lab, entre la ...

La Paillasse a donc opté pour une approche plutôt ” passive ” de la biologie de synthèse et, plus largement, de la génétique. ” Nous voulons être un laboratoire de biotechnologie ouvert, citoyen et transparent. L’idée est de rendre le pouvoir de la recherche accessible à n’importe qui. Aujourd’hui la techno-biologie est de plus en plus importante, c’est devenu une technologie routinière : on établit des diagnostiques médicaux à partir du séquençage d’un génome, les OGM nous entourent. Or ce sont des termes difficiles à comprendre. L’information génétique est partout mais paradoxalement personne ne peut y accéder.”

Le collectif souhaite, pour ses premières réalisations, fabriquer des kits de détection d’OGM, dans la nourriture ou dans l’environnement. Également à l’ordre du jour, des ateliers de sensibilisation à la génétique, comme ceux qui ont déjà été menés au MAC/VAL, le musée d’art moderne de Vitry, dans la banlieue parisienne.

Interrogé sur la signification politique de cet engagement, le biologiste réfléchit, hésite, et énonce clairement : ” C’est forcément une démarche politique puisque nous nous déclarons libres de détourner la technologie par rapport à l’usage que prévoient les règlements. Nous sommes des gens curieux, nous voulons explorer la nature, nous avons des outils à notre disposition, il n’y a pas de raison de s’en priver. Et nous sommes là pour réclamer une liberté par rapport aux informations génétiques, pour qu’elles ne soient pas la propriété d’entreprises privées ou de l’État.
D’ici 10 ou 15 ans nous aurons peut-être notre génome encodé sur notre carte Vitale. Ces informations peuvent être dangereuses à partir du moment où elles sont complètes et qu’elles nous sont propres. Il faut démystifier la génétique “.

Et de conclure :

La société du XXIe siècle va être envahie par les biotechnologies, il semble évident de former les gens à ce qui arrive. L’éducation à la science et à la technique est un véritable contre-pouvoir. Le DIYBio, c’est un peu la science au peuple.

Dont acte.


Illustrations sous licences Creative Commons par Lynn, Anua22a et Kevin Dooley

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William Gibson:|| cyberculture, || une “poésie des bas-fonds” http://owni.fr/2010/05/21/william-gibson-la-cyberculture-une-poesie-des-bas-fonds/ http://owni.fr/2010/05/21/william-gibson-la-cyberculture-une-poesie-des-bas-fonds/#comments Fri, 21 May 2010 09:58:34 +0000 [Enikao] http://owni.fr/?p=16211 A l’occasion d’une séance de dédicace du trop rare William Gibson, j’ai eu l’occasion de l’écouter brosser un panorama de ses inspirations. Simple et abordable, il s’est montré loin de l’idée que l’on se fait d’un auteur qui a tant parlé d’informatique, de cyberespace, de clonage et de sociétés multinationales montant des coups tordus. Moins technophile que rêveur, imprégné par la Beat Generation et Burroughs, effrayé par l’ère Reagan, Gibson revendique avoir créé une “poésie des bas-fonds”.

Dans les uchronies, on imagine souvent ce qui se serait passé si le Japon et l’Allemagne avaient remporté la Seconde Guerre Mondiale. Mais personne n’a essayé de décrire un monde où nous vivrions dans une chanson du Velvet underground“.

Le cyberpunk est né avec le premier roman de William Gibson en 1984 : Neuromancien. Particulièrement salué (Prix Nébula, Prix Hugo et Prix Philip K. Dick), les grandes lignes du genre sont posées. Dans un avenir proche, l’État a abdiqué presque partout, le monde est aux mains de grandes multinationales. L’informatique s’est particulièrement développée, le cyberespace est un lieu où les hackers osent tout.

Clonage, nanotechnologies, implants cybernétiques et intelligences artificielles ont changé les paradigmes sur l’humanité. Les héros sont des parias désabusés des bas-fonds, missionnés pour de sales boulots d’espionnage : entre thriller et complot.

La musique rock et les drogues de synthèse (voire virtuelles) sont présentes en filigrane.

Entretien.

Bonjour, je suis William Gibson, et je vis dans un univers coloré

E : Comment est né Neuromancien, un roman qui a fait date dans l’histoire de la littérature en initiant le mouvement cyberpunk ?

WG : Je n’avais aucune référence de départ, c’est pourquoi il m’a fallu partir d’une armature. Pour cela je suis parti de deux sous-genres (rien de péjoratif) que sont le thriller et l’espionnage pour avoir une trame solide. L’histoire a eu rapidement sa propre dynamique qui m’a un peu échappé, j’ai bien vu des années plus tard qu’elle était difficile à transcrire en script de film. Mais finalement je n’aime pas m’en tenir aux règles d’un genre et je préfère jouer avec les codes pour les mélanger.

E : On vous prête l’invention du cyberespace et des prémisses des mondes virtuels d’aujourd’hui. Êtes-vous un nerd ? Un passionné de science ?

WG : J’ai une solide réputation de visionnaire et de technophile, mais elle est très exagérée. Certes, ça aide à vendre… (rire)

Ce que j’écris du monde des sciences, je le tiens en réalité de mon entourage qui travaille dans tel ou tel secteur. En revanche, je sais reconnaître la nouveauté quand elle me passe sous les yeux. Et puis j’ai une interprétation poétique des langages de la technologie qui me pousse à extrapoler. La première fois que j’ai entendu les mots interfacer en tant que verbe, ou virus informatique, j’ai trouvé ça fascinant. Pour ce dernier, j’ai imaginé qu’il s’agissait de masses de données se reproduisant sur d’autres données, infectant plusieurs endroits à la fois et générant des effets néfastes comme le fait un virus biologique. Bon, j’ai eu de la chance, il se trouve que c’est le cas… Une réputation tient à peu de choses ! (rire)

E : D’après vous, quel rapport entretient la science avec la science-fiction ? Laquelle influence le plus l’autre ? Qui devance qui ?

WG : Je crois en réalité qu’il y a moins de symbiose entre science et science-fiction qu’entre business technologique et science-fiction. La science-fiction invente des trucs que l’on peut montrer au banquier quand on cherche des financements. Les patrons de start-ups posent quelques livres sur la table en disant : “Lisez ça et ça. Ce n’est pas tout à fait ce qu’on peut faire, mais presque. On veut du cash pour le développer”. Et même, certains patrons de sociétés technologiques me disent qu’ils ont été inspirés par nos écrits. Pas tellement les chercheurs… Aujourd’hui, une grande partie de l’énergie créative a migré ailleurs. Il y a eu la science-fiction, puis la musique, aujourd’hui c’est peut-être dans le cinéma et l’animation qu’il faut regarder les progrès techniques significatifs.

E : La plupart de vos héros sont apatrides, est-ce lié à vos lectures sur l’itinérance comme Kerouac ?

WG : C’est plus profond que cela. J’ai grandi dans un tout petit village très sudiste, très religieux, très traditionnel et très blanc. Cet univers fermé aux influences extérieures était oppressant, voire fantasmatique : il était irréel. Aussi, à l’adolescence, je me suis tourné vers la musique, le cinéma, les comics et la science fiction qui avaient pour moi plus de consistance que mon quotidien. Mon refus d’aller faire la guerre au Vietnam en 1968 m’a par la suite poussé sur les routes et je suis parti pour le Canada. En général, je me suis toujours mieux senti avec les gens sans racines ou aux cultures mélangées, et je fuis comme la peste les nationalistes.

E : Quelles ont été vos principales influences littéraires ?

WG : Un auteur qui fait bien son métier digère et assimile, à tel point qu’il n’est plus capable de remonter la filiation. J’ai presque plus de facilité à dire qui ne m’a pas influencé. Bien sûr, Philip K. Dick m’a beaucoup marqué, en particulier Le Maître du Haut Château, mais je lui préfère Thomas Pynchon, que je qualifierai de “parano raffiné”. Mes vraies références sont poétiques, et si un auteur m’aborde pour parler d’abord poésie plutôt que science-fiction, il y a des chances qu’on s’entende bien. Mes romans sont plein de noirceur, de coups tordus, de bidonvilles et de personnages en marge : je crois avoir donné naissance à une forme de poésie des bas-fonds.

E : Le vaudou revient souvent dans vos romans, pourquoi ?

WG : A l’âge de 14 ans, j’ai acheté un manuel vaudou de la Nouvelle Orléans, il comportait des descriptions précises des rites et des schémas et des diagrammes pour les cérémonies. Comme je faisais un peu de bricolage électronique, j’ai trouvé que ça ressemblait à des plans d’assemblage, et je me suis toujours demandé ce qui se passerait si je réalisais mes circuits sur le modèle d’un diagramme vaudou… Et puis je trouve fascinant qu’au XXème siècle, une religion polythéiste soit aussi vivante et contemporaine, répandue dans plusieurs endroits du globe.

E : Vous avez tenu un blog jusqu’en 2005, avez-vous essayé de nouvelles formes d’écriture comme l’hypertextuel ?

WG : Je crois qu’aujourd’hui tout texte est hypertextuel. Tout ce que nous écrivons est une requête Google potentielle. Nous avons pris l’habitude de référencer et de lier, de chercher au hasard. Je ne sais jamais où je vais arriver quand je suis sur le web, et je suis fasciné par ces nouvelles formes d’échange écrit que sont les newsgroups, les blogs et les e-magazines. Pour moi, l’hypertexte est une réalité étendue, même pour les livres papier.

E : Après avoir décrit dans les années 80 un cyberespace, quelle est votre expérience personnelle des univers virtuels dans les années 2000 ? Quel est votre niveau de présence en ligne ?

WG : Je n’ai essayé que Second Life, que j’ai trouvé peu intéressant. L’expérience du blog était passionnante mais est arrivée à son terme. Je continue à participer et à interagir virtuellement sur des forums, de manière anonyme la plupart du temps. Je trouve les échanges souvent riches, et je suis toujours intrigué de trouver des gens qui se connaissent si bien sans s’être jamais rencontrés physiquement.

Humain, post-humain

E : Vos romans se passent souvent dans un avenir assez lointain, les derniers se situent dans un avenir plus proche. Est-ce parce que tout évolue plus vite et que vous n’arrivez pas à vous projeter aussi loin qu’avant ?

WG : Je suis content d’être perçu comme un visionnaire, mais il faut poser une bonne fois pour toutes : la science-fiction, même très futuriste en apparence, ne parle que de notre présent ou de notre passé. Neuromancien était un roman de présent-fiction, Code Source se situe… dans un passé proche. Il ne s’agit pas de prédire ni de décrire mais de regarder dans un autre prisme. C’est en quelque sorte un travail sociologique avec un regard décalé.

Toute représentation de la réalité nécessite une part de spéculation de la part de celui qui observe. Mes premiers romans sont dans un temps lointain car je ne voulais pas qu’ils soient trop vite datés, ni que l’on identifie clairement a posteriori à quel moment ils pouvaient avoir lieu. La fiction est comme l’histoire, elle change à mesure que notre regard rétrospectif évolue. Si je voulais ramener un seul élément du futur, ce serait le regard historique, stratifié et analysé de nos descendants sur ce qui est notre présent. Il faut avoir les outils de la science-fiction, créés au XXème siècle, pour comprendre le monde contemporain.

E : A propos de cybernétique, pensez-vous que les implants que vous décrivez dans vos romans seront une réalité un jour ? Comment seront-ils acceptés ? Serons-nous encore vraiment humains une fois cybernétisés ?

WG : C’est difficile à dire. Les premiers à réclamer l’usage concret de recherches cybernétiques seront sûrement les personnes handicapées. Il sera difficile de refuser à un aveugle un oeil cybernétique. Mais comme toujours, c’est le regard a posteriori qui déterminera quand nous avons changé.

Nos arrière-petits-enfants détermineront la frontière entre humain et plus qu’humain, entre marge et pratique courante.
> Article initialement publié en octobre 2008 chez Enikao

> Illustrations CC Flickr par HAZE – Comatose et Frederic Poirot

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[dossier] Nanotechnologies : on en est où ? http://owni.fr/2009/11/07/dossier-nanotechnologies-on-en-est-ou/ http://owni.fr/2009/11/07/dossier-nanotechnologies-on-en-est-ou/#comments Sat, 07 Nov 2009 07:00:07 +0000 Jean Marc Manach http://owni.fr/?p=5275 A peine lancé, le débat public sur les nanotechnologies, intitulé Je m’informe, je m’exprime, censé éclairer l’Etat sur “l’organisation du contrôle et du suivi des nanomatériaux, la caractérisation de l’exposition et l’évaluation de la toxicité sur l’homme et les écosystèmes, l’information et la protection du travailleur et du consommateur, les modalités de soutien à la recherche et aux innovations dans ce domaine“, fait déjà polémique.

Le collectif Pièces et Mains d’Oeuvre, connu pour ses enquêtes, analyses, ses actions d’éclat et son refus critiques des nanotechnologies, refuse ainsi de participer à ce qu’il qualifie de campagne nationale d’acceptabilité des nanotechnologies destinée à “vaincre la méfiance de citoyens- consommateurs échaudés par trop de scandales techno-industriels : amiante, vache folle, OGM” (voir aussi Aujourd’hui le nanomonde, site qu’ils consacrent à cette opération).

Débat public sur les nanotechnologies

Rappelant avec ironie que pour Paul Valéry “La politique est un mécanisme qui sert à empêcher les gens de prendre part à ce qui les concerne directement“, Dorothée Benoit-Browayes, déléguée générale de l’association Vivagora et auteure de Le Meilleur des nanomondes, estime pour sa part qu’il s’agit là d’un “vaste chantier dans un paysage pourtant déjà bien construit“, et d’ores et déjà financé, à concurrence de plusieurs centaines de millions d’euros, par le gouvernement français :

“Alors que les dés sont largement lancés en France comme dans le monde, un tel processus de discussions sera-t-il en mesure de faire changer d’opinion les sceptiques qui sont légions ?

De quoi sera-t-il question tout au long de ces débats ? De technique ou de politique ? On peut craindre que l’explication cache la forêt, la plupart des Français n’ayant jamais entendu parler de ces nanoobjets. Difficile de débattre sur un tsunami resté invisible. Les nanotechnologies – qui désignent les interventions sur la matière pour réarranger ses briques élémentaires ou atomes – déferlent en effet depuis dix ans sur le marché sans crier gare.”

Un débat mort-né ?

Dimitri Granger, professionnel des relations publiques et blogueur sur Pr2Peer, blog consacré à “la communication corporate à l’âge de la mise en réseau des hommes et des idées” se demande quant à lui si, à peine lancé, le débat public ne serait pas mort-né :

“Si l’initiative semble louable et pleine de bonnes intentions, les objectifs paraissent un peu flous (et) on comprend assez rapidement que le débat est orienté dans un sens précis. Si l’internaute curieux souhaite s’informer et se faire un avis, le site du débat public propose une “base de connaissance” impressionnante de plusieurs centaines de pages entièrement consacrées à valoriser l’énorme potentiel des nanos et dans laquelle on trouve à peine … dix lignes sur les risques liés à ces technologies !

En réalité, et en dehors de toute considération sur le fond (risque/opportunité des nanos, principe de précaution/principe de réalité économique), il est clair que ce débat risque d’être mort-né, en tout cas sur le site officiel. Assez complexe pour freiner les ardeurs du grand public, ce “débat” sera trusté par deux blocs qui s’opposeront, souvent sans nuance, en copiant des argumentaires pré-existants.”

On a ainsi vu, à Toulouse, des opposants au débat distribuer des tracts estampillés Pièces et mains d’oeuvre (tout en jurant ne pas connaître le collectif PMO), “simples citoyens” interrompant le débat et faisant évacuer la salle après y avoir jeter une bouteille d’ammoniac (voir le compte-rendu, désopilant, sur Nanostelia, et celui, en forme de dialogue de sourds, de deux opposants sur Nanomonde).

Nanotechnos, gigamanips

Le 15 octobre dernier, jour du lancement de la consultation, un “community manager” de la société I&E Consultants, spécialisée dans les “stratégies d’opinion et chargée d’organiser le débat public, proposait aux lecteurs d’Agoravox d’y contribuer, afin de “couvrir les réunions publiques qui se dérouleront près de chez vous (et) faire connaître votre avis et vos arguments“.

Quinze jours plus tard, le “média citoyen” ne répertorie qu’une seule contribution évoquant les nanotechnologies, et pas sûr qu’elle calme ou tempère le débat : il s’agit en effet d’un panorama des programmes et investissements militaires en faveur des nanotechnologies. Et l’on y apprend entre autres qu’aux Etats-Unis le ministère de la défense est le principal bénéficiaire du programme national de développement des nanotechnologies : près du quart de ses fonds étant orienté vers la recherche de défense…

Quand le débat crée… du manque

En attendant de savoir ce que cette consultation entraînera (ou pas) en terme de débats, de gouvernance, de pistes de réflexions et d’actions, il est intéressant de voir ce qui, dans un autre pays – en l’occurrence, le Royaume-Uni – s’est passé (ou pas) suite à ce type de débat public.

Le Responsible Nano Forum, qui prône “une utilisation responsable de la nanotechnologie pour le bénéfice de la société” et réunit plusieurs autres réseaux de recherche impliqués dans les enjeux sanitaires et sociaux des nanos (PEN, SafeNano, SnIRC…), a ainsi proposé à 28 experts anglo-saxons de faire le point sur les “opportunités et incertitudes liées à la nanoscience et aux nanotechnologies“.

Le titre du rapport (.pdf), “5 years on – a beacon or just a landmark ? (5 ans après – un phare, ou juste une balise ?)” témoigne de ce que la plupart des questions posées à l’époque restent encore en suspens.

Les experts consultés se félicitent de la prise de conscience des questions et risques associés aux “nano“(matériaux & technologies), qui ne peut plus être contestés. A contrario, ils déplorent également, quasi unanimement, le manque de transparence des entreprises, le manque d’informations et de recherches sur les risques associés, mais aussi le manque de volonté des responsables politiques de les financer, en dépit, pourtant, d’une pléthore de consultations publiques et rapports qui, tous ou presque, relèvent précisément… ces mêmes manques.

Comme si le fait de parler des nanotechnologies se traduisait bien plus en discours, recommandations et propositions qu’en actes concrets et mesures d’(auto)régulations. Dans le même temps, plusieurs des auteurs constatent que les industriels n’ont toujours pas “tiré les leçons des OGM” : sans transparence, il est impossible d’avoir confiance !

OGM, gelée grise… le scénario catastrophe

En 2004, la Royal Society (l’académie des sciences britannique) et la Royal Academy of Engineering (qui fédère, elle, les ingénieurs) publiaient un rapport conjoint, Nanoscience et nanotechnologies : opportunités et incertitudes, qui allait faire date.

Anthony Seaton, professeur de médecine du travail et de l’environnement à l’Université d’Aberdeen et qui en fut l’un des auteurs, rappelle la perception que s’en faisaient les gens : “à l’époque, le Prince Charles avait apposé son sceau royal sur les craintes d’une planète menacée par la gelée grise“, du nom donné à ce scénario catastrophe popularisé dans le roman de science-fiction “La proie” de Michael Crichton, où l’on voyait des nanomachines autorépliquantes finir par absorber notre monde…

Des groupes de pression environnementaux attisaient les peurs sur les risques qu’encouraient tant les humains que l’environnement. Certains signes laissaient penser que le combat pourrait sérieusement entrâver le développement des nanotechnologies, comme cela était arrivé pour les modifications génétiques; certains en appelaient à un moratorium.

Et puis le rapport a été publié, il a été bien accueilli tant par le gouvernement que par la société; les principaux motifs d’anxiété du public et des chercheurs ont été calmés et le développement commercial a repris à un rythme soutenu.

On aurait tort, pourtant, de lire dans cette introduction une charge contre ceux qui s’inquiétaient, ou qui s’inquièteraient encore, des risques associés aux nanotechnologies : “je pense que l’effet le plus important et immédiat du rapport tenait au fait que nous reconnaissions des dangers potentiels, et que nous identifions les domaines nécessitant plus d’investigation“.

Le rapport de 2004 contribua en effet à révéler les liens entre nanoparticules et pollution de l’air d’une part, d’autre part que les nanotubes de carbone avaient une configuration similaire à celle des fibres d’amiante, et qu’ils pourraient s’avérer aussi nocifs. De plus, une bonne partie de ses recommandations portaient sur les risques sanitaires, et les enjeux en terme de régulation, ce qui incita notamment l’Union Européenne à financer plusieurs programmes de recherche axés sur les risques et dangers posés par les nano.

Andrew Maynard, conseiller scientifique du Project on Emerging Nanotechnologies (PEN) et de nombreux autres organismes (dont le Responsible Nano Forum), rappelle ainsi à quel point ce rapport a pu faire autorité, parce qu’il était scientifiquement fondé, qu’il envisageait les aspects tant sociaux, économiques que politiques, et qu’il expliquait, avec “la voix de la raison“, qu’il était urgent de se pencher sur les problèmes susceptibles de se poser, notamment, en terme de santé et d’environnement.

Attention : matériaux similaires à l’amiante

Pourtant, note Maynard, depuis cinq ans, on ne compte plus les discussions, ateliers, rapports et autres consultations au sujet du développement responsable des nanotechnologies qui, pour la plupart, témoigne d’une vision semblant faire fi du rapport de 2004, “comme si le rapport avait servi de balise, et non de phare : tout le monde en a entendu parler mais personne ne prend le temps de le (re)lire.”

Maynard s’étonne ainsi de voir que les autorités britanniques décident de lancer une nouvelle consultation publique afin d’informer les citoyens sur sa stratégie, et de recueillir leurs avis, alors qu’il n’a toujours pas mis en oeuvre l’intégralité des propositions du rapport de 2004.

La conclusion du professeur Seaton est à ce titre plutôt inquiétante, lorsque l’on sait ce qui se vend, aujourd’hui, dans le commerce, et basés sur les nanotechnologies et qui, pour une bonne part, relève de compléments alimentaires, de produits cosmétiques, ou antibactériens.

Il explique en effet qu’il ne se risquera pas, en l’état, à ingérer des nanoparticules antibactériennes (qui pourraient endommager nos systèmes digestifs), pas plus qu’à utiliser d’aérosol contenant des nanoparticules (susceptibles d’endommager le coeur et les poumons), ou encore d’appliquer sur sa peau des produits cosmétiques ou crèmes solaires comportant des nanoparticules (à cause des risques d’allergies et de photosensibilisation) :

En conclusion, j’exhorte les autorités en charge de la sécurité et de la santé à initier un audit et une analyse du cycle de vie de la fabrication et de l’utilisation des nanotubes afin de protéger ceux qui les fabriquent, et ceux qui en usent.

Si nécessaire, je mettrais un panneau d’indication : “Attention : utilisation de matériaux similaires à l’amiante”

NB: l’illustration en noir et blanc est un détournement d’une image illustrant des nanomanipulations biomédicales, republiée sur des dizaines de sites web, et utilisée par I&E pour illustrer son appel au débat public sur Agoravox

Pour approfondir la question :

» la deuxième partie de cet article
» le tag “nanotechnologies” sur Internetactu
» le tag “nanotechnologies” sur aaaliens

» Article initialement publié sur Internet Actu

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http://owni.fr/2009/11/07/dossier-nanotechnologies-on-en-est-ou/feed/ 0