OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Pour un Internet polisson ! http://owni.fr/2012/06/15/pses-pour-un-internet-polisson/ http://owni.fr/2012/06/15/pses-pour-un-internet-polisson/#comments Fri, 15 Jun 2012 08:17:33 +0000 Guillaume Ledit, Andréa Fradin et Ophelia Noor http://owni.fr/?p=113447

Ouverture de Pas Sage En Seine à La Cantine, passage des panoramas, Paris. (cc) Ophelia Noor

Charges anti-Apple, tee-shirts Telecomix, chiffrement de données et barbes en broussaille : pas de doute, nous sommes bien à Pas Sage en Seine. Trublion reflet du plus institutionnel Futur en Seine, le grand raout numérique organisé en parallèle par la Ville de Paris et la Région Ile-de-France, ce festival donne pendant quatre jours la parole à quiconque souhaite parler d’Internet. Mais de préférence en empruntant les itinéraires bis. Car ici, hors de question de suivre les autoroutes confortables tracées sur le réseau par les mastodontes Apple, Google ou Facebook. Ici, “des gens pas sages du tout rendent visibles, intelligibles et pédagogiques les activités numériques underground ou tout simplement libres.” Pour un résultat gonflé d’impertinence, qui bouscule les standards élaborés par les services que nous utilisons au quotidien sur Internet. Le tout pour notre petit confort. Mais bien souvent au détriment de nos libertés.

Lignes de fuite et bidouillabilité

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“L’auteur aurait intérêt à être piraté”

“L’auteur aurait intérêt à être piraté”

Thomas Cadène est un auteur de bédé atypique. Passionné par Internet, il y a créé Les autres gens. Du modèle ...

Un constat qui s’impose avant tout sur le mobile.

”Avec les iPhone, il y a quelqu’un, en Californie, qui contrôle ce que vous avez le droit d’utiliser sur une machine que vous avez pourtant achetée” a alerté Tristan Nitot, évangéliste en chef de la fondation Mozilla en Europe, en ouverture de cette première journée du festival. Nos téléphones intelligents, iPhone, Blackberry et compagnie, nous verrouillent malgré nous dans un cocon aseptisé, où il est impossible de bouger un orteil sans aval préalable des firmes californiennes.

Sur l’AppStore, la plate-forme d’applications pour matériel Apple, pensée, conçue et validée de A à Z par la marque à la pomme, bon nombre de contenus sont ainsi persona non grata. Grand prude devant l’éternel, Steve Jobs a par exemple banni toute forme de nudité de ses joujoux du temps de son vivant. Exit le porn, tout comme des oeuvres de l’esprit autrement moins polémiques ; la BD collaborative française Les Autres Gens en fait par exemple les frais, au détriment de son rayonnement.

Mais le problème ne s’arrête pas à une histoire de fesses. Pour Tristan Nitot,

le téléphone mobile, comme le PC en son temps, c’est l’interface entre l’utilisateur et finalement, le reste du monde. C’est l’interface avec les amis, avec les informations et autres. Ce n’est donc pas neutre si quelqu’un contrôle absolument tout.

La solution ? Ouvrir le capot ! Adepte du sémillant concept de “bidouillabilité”, Tristan Nitot préconise de créer une interface mobile dont le code source serait complètement accessible aux utilisateurs. Taille, forme, couleurs (et bien plus encore) de tout objet affiché sur votre portable pourraient ainsi être modifiées, pour peu d’y consacrer du temps et de ne pas redouter de mettre les mains dans le cambouis. Un projet élevé au niveau industriel par Mozilla (pour le moment sous le nom de “Boot to Gecko”), qui ambitionne de proposer ces téléphones d’un nouveau genre dès le début de l’année prochaine. En partenariat avec l’opérateur Telefonica, ils ne devraient atterrir dans un premier temps que sur le marché brésilien. Mais Tristan Nitot n’exclut pas un futur débarquement européen qui suivrait cette même injonction : créez vos lignes de fuite

L’Internet polisson

T-shirt de geeeeek (cc) Ophelia Noor

Mot d’ordre en forme de fil rouge pour cette première journée de Pas Sage en Seine, où les sales gosses du Net n’ont pas manqué une occasion de troller les différents intervenants. Ou de moquer certaines figues du milieu, sans surprise absentes à l’événement. Orange, Free, Apple ou même Nadine Morano en ont ainsi pris pour leur grade.

Certains n’ont pas hésité à prendre eux-mêmes le micro pour aller défricher des pistes inexplorées. Ainsi, cette conférence de 15 à 16, intitulée “ Pourquoi les poulpes doivent inspirer Internet ?” [on en a fait une vidéo rien que pour vous]. Par amour de la contradiction, de l’humour potache et en estimant que quoiqu’il arrive, toute connaissance est bonne à prendre – pourvu qu’elle aboutisse à 42 [selon les références du milieu, 42 est la réponse au sens de la vie, NDLA].

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Sur Internet, sortez couvert !

Mais s’ils ont la blague facile, les cyber-effrontés savent se tenir à carreau. Et passent sans problème d’une ambiance rigolarde à une atmosphère studieuse. Car si la navigation menace d’étouffer la liberté des internautes, elle peut tout aussi facilement mettre leur vie en péril. Savoir hacker n’est alors plus question de prudence, mais d’urgence.

Tunisie, Égypte, Syrie, Pas Sage en Seine est l’occasion de rappeler l’impérieuse nécessité de protéger ses activités sur le réseau, en particulier dans les régimes autoritaires. De ceux qui pratiquent la censure, et tentent de restreindre voire couper l’accès au réseau. Les révolutions arabes en ont fourni plusieurs tristes exemples.

Conférence "Internet c'est nous" avec l'intervention de blogueurs tunisiens - (cc) Ophelia Noor

Elles ont aussi montré à quel point les hackers peuvent être d’un précieux secours. Plusieurs agents ”Telecomix, ce groupement de hackers qui aide les activistes des pays concernés en rétablissant la connectivité ou en leur apprenant à communiquer de façon sécurisée, sont d’ailleurs intervenus au long de la journée. Leurs maîtres-mots ? Chiffrement, anonymisation, proxys, VPN, Tor, protection des données : autant de conseils et d’outils qui ont jalonné ce premier jour de Pas Sage en Seine.

Les témoignages de Tunisiens impliqués dans la chute du régime de Ben Ali ou de Syriens en pleine guerre civile renvoyaient à cette réalité bien sensible, que résume d’une phrase Kheops, de Telecomix :

On parle de cyberguerre, mais ça n’a rien de cyber, ça concerne des vies tout ce qu’il y a de plus réel.

Okhin et KheOps de Telecomix (cc) Ophelia Noor

Une réalité sur laquelle Internet agit, tant dans la possibilité pour les États ou les grandes firmes de traquer les activités de leurs citoyens et utilisateurs que dans les moyens de lutter et d’agir contre ces tentatives de censure. Auxquelles sont souvent confrontées les journalistes, cible privilégiée de cette pédagogie par l’exemple, promue au cours d’une intervention par Reporters Sans Frontières. L’ONG mutliplie en effet depuis un an les points de contacts avec “la communauté hacker”. Et a modifié son slogan en passant de “Pour la liberté de la presse” à “Pour la liberté d’information”.

Un slogan qui résonne avec les fondamentaux de l’éthique hacker, selon lesquels l’information devrait être libre et gratuite. Et l’accès aux ordinateurs illimité et total.

Benjamin Bayart, ministre des Internets

Benjamin Bayart pendant sa présentation. (cc) Ophelia Noor

Clou du spectacle et ultime hack de la journée, Benjamin Bayart, président du FAI associatif FDN, a envoûté l’auditoire avec sa conférence “Liste des courses pour les députés.”

Une sorte de BA B.A de la régulation du Net, décliné en trois points : protection de la neutralité, décapage du concept de propriété intellectuelle et encadrement des fichiers policiers. Un laïus qui peut sembler soporifique par le menu, mais qui a tenu la salle de La Cantine bondée (et hilare) jusqu’à près de minuit – explosant de deux heures le temps imparti. Netévangéliste alternant humour, métaphores et trolling de compétition, Benjamin Bayart mériterait donc un compte-rendu à lui tout seul !

Sur la neutralité des réseaux, l’ingénieur de formation a insisté sur la nécessité d’une “grande loi”, courte et claire. Raillant au passage la politique européenne en la matière, qui détermine assez largement les orientations françaises, qui “croit que la main invisible et divine du marché va tout arranger, faire pousser les cheveux et enlarge [grossir, NLDR] les pénis.” Et rappelant que préserver la neutralité du réseau n’est pas un truc de technicien :

Rien n’empêche aujourd’hui un FAI de filtrer un site. Quel qu’il soit. Si un FAI décide un jour de filtrer un site de presse en ligne, parce qu’il décide qu’il ne lui plait pas trop, rien ne l’en empêche. Rien.

Après avoir fait un tour d’horizon des étranges pratiques des opérateurs sur les services de téléphonie et de télévision fournis dans leur “box”, Benjamin Bayart a appelé à une révision de fond en comble du concept de propriété intellectuelle. Rappelant que lorsque l’on reproduit une œuvre, il ne s’agit pas d’un vol car l’auteur de l’œuvre visé peut toujours en disposer. Et faisant quelques clins d’œil à la Hadopi, qualifiée de “verrue infectée” et inefficace.

Pour finir, l’e-tribun a abordé la question du fichage et de la mise en place d’une identité numérique impulsée par l’État. Une volonté absurde selon lui, dans la mesure où l’individu est seul moteur de son identité, en ligne comme “IRL” ["In Real Life", selon le jargon des connectés, NDLA] . Solution : comme dans la vraie vie, il suffirait de pouvoir prouver son identité “par tous les moyens”. Par exemple, avec suffisamment de témoignages. Mais pas en fournissant un matricule écrit et validé par l’État. Qui sublimerait une bonne fois pour toute l’idée que Big Brother is watching you.

Du coup, à qui d’autres pouvait-on laisser le mot de la fin, qui s’adresse à vous tous, les internautes.

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Photographies par Ophelia Noor pour Owni


Retrouvez tous les jours :

- le live de Silicon Maniacs

- les vidéos des conférences sur le site de la Cantine

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Le procès suggestif de Google http://owni.fr/2012/05/23/le-vrai-faux-proces-google-suggest-juif/ http://owni.fr/2012/05/23/le-vrai-faux-proces-google-suggest-juif/#comments Wed, 23 May 2012 06:48:34 +0000 Andréa Fradin et Rodolphe Baron http://owni.fr/?p=110981

Mise à jour (23/05/2012,11h) : le choix du médiateur a bien été confirmé lors de l’audience de ce matin. C’est Jean-Pierre Mattéi qui a été désigné pour trouver un consensus entre les deux parties. Comme prévu aussi, l’accord sera noué dans la plus grande confidentialité. Autrement dit, si le mot “juif” disparaît des radars de Google, ce sera en catimini. Ce qui vaut mieux pour le géant américain, comme l’explique l’article ci-dessous.


Ça ne devrait pas traîner. L’affaire opposant quatre associations, dont SOS Racisme et l’Union des étudiants juifs de France (UEJF), à Google, aboutirait à la recherche d’un médiateur. Le géant américain est mis en cause pour l’association automatique du mot “juif” à des requêtes concernant certaines personnalités françaises. Prévue ce jour, l’audience devrait donc tourner court : à la bataille juridique déjà fortement médiatisée, les deux parties préféreraient la recherche d’un accord. Hors projecteurs. Une sortie de crise confidentielle et préférable pour un contentieux boiteux, qui dépasse le seul cadre juridique.

Fantasme

En cause : le service “Google Suggest” ou ”saisie semie-automatique”. Mise en service en septembre 2008, cette fonctionnalité du moteur de recherche “prédit et affiche des requêtes basées sur les activités de recherche des autres internautes”, nous explique Google. En clair, lorsque vous tapez “chat mignon” dans google.fr, d’autres mots apparaissent au moment de votre saisie : “chat mignon et drôle”, “chat mignon à vendre”… Des mots correspondant à ceux déjà tapés avant vous, sur google.fr, par d’autres personnes intéressées par les chats.

Maintenant, tapez François Hollande, François Fillon ou Jean Dujardin. Très vite, les mots “est juif” s’agglutinent à votre recherche.

Inacceptable pour SOS Racisme, l’Union des étudiants juifs de France, J’Accuse – Action Internationale pour la justice, et le Mouvement contre le racisme et pour l’amitié entre les peuples (Mrap), qui ont assigné Google. “Google incite les internautes à orienter leurs recherches et alimente le fantasme selon lequel les juifs voudraient prendre le contrôle sur le monde” tonne Jonathan Hayoun, à la tête de l’UEJF, contacté par OWNI. L’avocat de SOS Racisme Patrick Klugman va même plus loin, dénonçant “la création de ce qui est probablement le plus grand fichier juif de l’histoire.” Fichier. Le mot est lâché. Et illustre déjà le scabreux du contentieux.

Si la petite phrase a fait son effet dans les médias, difficile en revanche de savoir si elle constitue le fondement de l’infraction visée. “Je ne pense pas que les conditions soient réunies pour justifier un fichier ethnique”, commente Cédric Manara, spécialiste des questions juridiques touchant à Internet, qui doute de la solidité de l’argument du fichage. Car mettre en cause Google sur ce volet revient aussi à accuser l’ensemble des moteurs de recherche. Or la loi informatique et libertés les a déjà sortis de son viseur. Si cette dernière interdit en France de collecter des données dites “sensibles”, telles que l’appartenance religieuse ou l’orientation sexuelle, son article 4 précise bien que les services qui effectuent des “copies temporaires” des données, “à seule fin de permettre à d’autres destinataires du service le meilleur accès possible aux informations transmises”, ne sont pas concernés par ces dispositions. En clair, les moteurs de recherche.

L’action des associations n’est pas loufoque pour autant. Si elles agitent le spectre du fichier ethnique d’un côté, elles demandent également au juge d’interdire à Google “d’associer le mot “juif” aux patronymes des personnes physiques figurant dans les requêtes des internautes.” Une requête qui semble plus recevable.

Bon vouloir

En Europe en effet, Google s’est souvent vu sommé de mettre un terme à la suggestion automatique de deux termes. Particulièrement en France. Le géant du web a ainsi été attaqué pour avoir associé certaines sociétés au mot “arnaque”. Ainsi le Centre national privé de formation à distance (CNFDI) ou Direct Energie. Des particuliers ont aussi rejoint le mouvement. Le fondateur de Skyrock a ainsi obtenu la suppression d’expressions liant son nom aux mots “viol”, “sataniste”, “prison” ou encore “violeur”, pour diffamation. Dans une autre affaire, c’est la conjonction du mot “gay” qui a posé problème : dans la mesure où la personne visée n’avait pas publiquement fait état de son homosexualité, la suggestion automatique de Google a été considérée comme attentatoire à la vie privée.

Pour chacun des cas, comme celui qui nous intéresse, Google a fait valoir le caractère “automatique” et “neutre” du service, plaidant que les résultats étaient “générés de manière totalement algorithmique, sur la base de critères purement objectifs correspondant notamment aux requêtes préalablement saisies par les internautes.” En d’autres termes, ils ne dépendent pas du bon vouloir de Google. Et ne mettent donc pas en cause sa responsabilité. Un argument répété mais pourtant rejeté par le juge.

Car contrairement à ce qu’il avance, Google ne se contente pas de “suggérer” en relayant les recherches d’internautes. Il opère un tri préalable. “Par un procédé qui pourrait s’apparenter à la modération a priori d’un forum de discussion”, explique le juge de l’affaire CNFDI vs Google, le géant californien décide d’exclure les contenus pornographiques, violents ou incitant à la haine. Une “intervention humaine” bien réelle, d’ailleurs mentionnée dans la notice de la fonctionnalité. Qui va jusqu’à exclure des termes pouvant aider l’internaute à atterrir sur des sites portant atteinte à des droits d’auteur. C’est dire si le tri est efficace. Et c’est là que le bât blesse : si Google opère une sélection a priori, excluant certains sujets potentiellement sulfureux, pourquoi ne le ferait-il pas pour d’autres ? Plus qu’un intermédiaire neutre, il se transforme ici en un véritable vecteur de pensée. Susceptible d’être orienté, sous la pression des lois des territoires dans lesquels il opère, ou sous la menace d’un procès. Adieu, donc, la prétendue neutralité.

Casser le miroir

Une situation qui se corse d’autant plus ici, explique Cédric Manara :

Jusqu’alors, Google s’était toujours confronté à des cas particuliers : un individu, une entreprise. Aujourd’hui, il s’agit de la demande d’un groupement d’intérêts.

La requête des associations a en effet une portée globale : elle vaut pour toute personnalité à laquelle le mot “juif” se verrait associer dans le moteur de recherche. Or le juge est attaché à la notion de proportionnalité : toute restriction aux moteurs de recherche doit être à la mesure du préjudice constaté. Car ils “sont des outils indispensables pour rendre effective la libre diffusion de la pensée et de l’information sur ce réseau mondial et décentralisé, dont la contribution à la valeur constitutionnellement et conventionnellement garantie de la liberté d’expression est devenue majeure”, rappelle la jurisprudence.

Certes, mettre un frein à Google Suggest n’empêche aucunement l’accès aux contenus indexés par le moteur de recherche. Il n’en entrave pas moins l’accès à un autre type d’information : ce que tapent les internautes dans Google. Réalité sur laquelle se fonde la fonctionnalité du moteur de recherche. Si “juif” remonte si rapidement dans les suggestions de google.fr, c’est que les Français recherchent en priorité cette information. “À supposer que Google ne ment pas sur le fonctionnement de Suggest, cela signifie qu’il y a un penchant français pour la recherche de la confession religieuse de personnalités”, explique Cédric Manara. Une tendance de fond forcément frappée du sceau du soupçon. Mais pour autant bien réelle. La question étant que faire ? Que faire de cet état de fait, possiblement lié à un vieux fond d’antisémitisme latent ? Le voiler pour espérer qu’il en meurt ? Ou s’en détourner en souhaitant qu’il s’évanouisse dans le flot d’autres recherches ? Éternelle tension entre liberté d’expression et ordre public. Entre ce qui est acceptable et ce qui ne l’est pas. Cédric Manara résume : “supprimer la suggestion consisterait à casser le miroir.” “Pas sûr que ce soit une bonne chose.”

Reste à déterminer le préjudice : en quoi l’association de “juif” à un nom est-il en soi problématique ? Le terme ne saurait constituer une injure. Mais l’ôter de la suggestion automatique, c’est donc lui reconnaître d’emblée un potentiel problématique. Suffisamment important pour mener une action. Sans demander leur avis aux intéressés. Sans se préoccuper de la réalité de leur confession. Ou des contenus auxquels la requête peut renvoyer. Surtout, en présumant nécessairement de la malveillance de la recherche. La boîte de Pandore est ouverte : pourquoi alors ne pas exclure toutes les autres confessions ? “Barack Obama” est par exemple associé à “musulman” et non à “juif”. Et que dire des mots “noirs”, “arabes”, “gay”, “moche”, “gros”; bref, tout terme recouvrant une recherche possiblement polémique, probablement tendancieuse ? “Et pourquoi pas ‘anorexie’ ?” poursuit Cédric Manara, qui raconte qu’en Finlande, une association de lutte contre l’anorexie a profité du blocage du site The Pirate Bay par certains fournisseurs d’accès à Internet (FAI) pour exiger la même chose pour sa cause. Et de conclure :

La question est : où veut-on placer le curseur ?

Accord hors projecteurs

En ce sens, l’affaire Google Suggest dépasse bien la simple confrontation judiciaire. Et constitue un véritable cauchemar pour le juge. Fort heureusement pour lui, les deux parties devraient lui épargner ce supplice. La solution du médiateur lui serait préférée. Afin de “prendre le temps d’examiner, dans un cadre confidentiel, la solution technique qui nous convienne”, précise Patrick Klugman pour SOS Racisme, au téléphone avec OWNI. Également contactés, les avocats de Google sur cette affaire n’ont pas souhaité s’exprimer. Comme souvent.

“Vu leur historique judiciaire, il vaut mieux qu’ils ne passent pas devant le juge et qu’ils fassent profil bas”, estime de son côté Cédric Manara. Selon lui, Google ne peut prendre le risque d’un jugement public le forçant à faire disparaître un terme aussi générique que “juif”, susceptible de faire effet boule de neige ailleurs. Il y a le précédent Yahoo poursuit-il, une décision française qui a eu une répercussion mondiale.” A l’époque déjà, l’UEJF menait la barque en poursuivant Yahoo pour mise à disposition d’objets nazis sur l’une de ses plate-formes américaines, mais évidemment accessible en France. Une affaire hexagonale qui s’est poursuivie aux États-Unis. Et qui a fait plier Yahoo.

“Google va faire en sorte que ça ne se fasse pas. Car c’est la survie même de son service qui est en jeu”, ajoute Cédric Manara. Son cœur de métier, le mode de fonctionnement même de son moteur de recherche est ici attaqué. Autant alors opter pour une négociation discrète avec l’UEJF, “qui sait très bien ce qu’elle fait”, ajoute le juriste. L’association a fait de l’attaque des géants du web une spécialité, mise en avant sur son site. “Google devrait certainement accepter de restreindre la suggestion, mais uniquement en France, et dans la confidentialité”, projette Cédric Manara . Un scénario plus que probable, que confirme l’accusation, par la voix de Patrick Klugman.

Une conclusion rapide et favorable aux deux parties. Qui prive néanmoins la France d’un débat public. “C’est une question importante, qui risque d’être tranchée en dehors des tribunaux., regrette Cédric Manara. Alors même qu’on aurait besoin d’une boussole claire pour indiquer quoi faire.”


Illustrations CC FlickR Tangi Bertin, Creativity 103 et captures d’écran.

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Benjamin Bayart: protéger la biodiversité du Net http://owni.fr/2011/08/10/benjamin-bayart-proteger-la-biodiversite-du-net/ http://owni.fr/2011/08/10/benjamin-bayart-proteger-la-biodiversite-du-net/#comments Wed, 10 Aug 2011 10:46:33 +0000 ZeroS et JBB http://owni.fr/?p=75867 La neutralité du réseau – soit la garantie que tous les flux seront traités à égalité sur le Net – est peu à peu, et sans doute parce qu’elle est de plus en plus menacée, devenue une question politique et médiatique. Il n’y a plus grand monde pour ne pas savoir ce dont il s’agit, et chacun a compris l’absolue nécessité de la préserver.

Il n’en allait pas tout-à-fait – voire pas du tout – de même il y a quatre ans : la neutralité du réseau était alors l’affaire de quelques geeks politiques, peinant à se faire entendre du grand public. Parmi ces précoces sonneurs d’alerte : Benjamin Bayart. Avec une conférence donnée en juillet 2007 à Amiens, intitulée « Internet libre ou Minitel 2.0 » et abondamment visionnée sur le Net (elle est notamment consultable ici), l’homme a largement contribué à faire comprendre l’importance de l’enjeu.

Le président de FDN, plus ancien fournisseur d’accès encore en exercice en France, s’est aussi battu contre Hadopi et pour les logiciels libres. Disons, pour résumer, qu’il milite pour un Internet libre. Il nous en parlait il y a deux mois, voici l’entretien qui en résulte.

Comprendre Internet : c’est un vrai enjeu ?

Je suis retombé hier soir sur le livre Confessions d’un voleur, de Laurent Chemla, l’un des cofondateurs de Gandi ; le titre de l’ouvrage vient d’une chronique publiée dans Le Monde, où il expliquait être un voleur parce qu’il vendait des courants d’air. C’est-à-dire des noms de domaine. Son livre – librement consultable en ligne – date de 2002 mais ses analyses n’ont pas pris une ride. L’auteur pose parfaitement ce qu’est Internet, l’effet que le réseau a sur la société, comment il la restructure et quels profonds bouleversements vont en découler.

Et il explique que les politiques sont outrés de voir débarquer des gueux dans leur salon doré et se mêler de leurs affaires – ni plus ni moins que la définition de WikiLeaks.

Cette très fine compréhension d’Internet n’est pas partagée de tous. De loin. D’abord parce qu’il y a une évidente fracture générationnelle : chez les plus de 50 ans, il n’y a pas grand monde pour comprendre ce qu’est Internet – quelques personnes tout au plus. S’y ajoute un problème de compréhension instinctive de ce qu’est le réseau – je ne parle pas de savoir envoyer un mail, mais d’avoir tellement intégré les pratiques du réseau qu’elles deviennent normales : c’est le cas aujourd’hui d’à peu près tous les moins de 25 ans. À l’inverse, les politiques n’y comprennent rien. Et c’est le cas à droite comme à gauche, extrême-gauche comprise.

D’ailleurs : avez-vous déjà lu les positions du NPA sur le réseau ? Elles sont à peu près aussi brillantes que celles de l’UMP… Ce que propose le NPA, c’est de fermer toutes les boîtes privées, de nationaliser France Telecom et de faire un Internet d’État. Leur niveau de réflexion ne va pas plus loin que cette idée : c’est une industrie, il faut la nationaliser. Point. J’ai pas mal de copains au NPA qui essaient de pousser pour que le programme intègre deux-trois fondamentaux. Quelques petites choses sur les logiciels libres versus les brevets, par exemple, ce ne serait pas idiot.

Le seul parti politique de France, à ma connaissance, qui ait réellement quelque chose d’intéressant sur le réseau dans son programme est le PCF. Soit une ligne assez claire, votée il y a près de dix ans, qui prenait position contre les brevets logiciels. Ils ont une avance considérable sur le sujet. Hors cela : morne plaine.

Tu mentionnais deux-trois fondamentaux pour comprendre le réseau. Quels sont-ils ?

En fait, il ne s’agit pas de comprendre le réseau, mais la société qui vient. Et parmi ces fondamentaux, il y a d’abord la nécessité de comprendre la modification du tissu social. C’est assez facile à expliquer. Posons qu’une société se définit par les interactions entre les gens : le média structure la société. Il n’y a là rien de neuf. C’est-à-dire qu’il y a eu la société de l’écriture manuscrite, puis la société que l’imprimerie a formée – qui est l’un des facteur-clés dans le passage du Moyen-Âge à la Renaissance. Il y a ensuite la société que la télévision a formé, qui est encore différente. Et enfin, il y a Internet, qui change beaucoup plus profondément les choses que la télévision.

Ces évolutions techniques portent des modèles profonds. L’imprimerie, c’est un éditeur qui juge que l’écrit est suffisamment important pour être publié et qui le diffuse vers des lecteurs n’ayant pas eu leur mot à dire dans cette décision. C’est un monde vertical. Alors qu’avec Internet, tout le monde publie, et lit qui veut bien lire.

Le modèle – je parle bien du réseau, pas de services à la Google ou Facebook – est ainsi totalement horizontal.

Premier point, donc : le changement de structure de la société. Dans le monde de l’écrit, vous êtes en contact avec quelques dizaines de personnes – tout au plus. Dans le monde d’Internet, le plus crétin des ados boutonneux a deux cents amis sur sa page Facebook. Le changement de structure est intéressant. Mes parents ou mes grands-parents ne correspondaient pas par écrit avec une cinquantaine personnes. Correspondaient-ils plus profondément, plus véritablement ? Peut-être… Mais ce n’est pas la question.

Société du savoir

Deuxième point : comprendre les enjeux de la question de la propriété intellectuelle. Toute cette société dont on parle est la société du savoir. Les savoirs sont les seules choses y existant réellement ; dans cette société-là, le monde lui-même est une construction intellectuelle. Par conséquent, la notion de propriété intellectuelle est à revoir totalement. Relisez les textes de Louis Blanc sur la question de ce qui était à l’époque appelé propriété littéraire. Il posait parfaitement le problème : comment voulez-vous être propriétaire d’une idée ? Soit vous la gardez dans le fond de votre tête, vous ne l’énoncez jamais et – simplement – elle n’existe pas. Soit vous l’énoncez, et sitôt qu’elle est entendue, elle se répand ; comment voulez-vous la retenir, l’attraper ?

La question de la propriété intellectuelle n’a pas de sens ?

Bien sûr que non. Parce qu’une idée ne peut pas être à vous. Si vous étiez né dans une grotte d’ermite, abandonné par vos parents et élevé par des loups, et qu’il vous vienne une idée géniale, on pourrait légitimement supposer qu’elle est un peu à vous ; elle serait à 90 % aux loups, mais un peu à vous. La véritable quantité d’innovation dans une œuvre de l’esprit est toujours marginale. À preuve, si une œuvre de l’esprit est trop innovante, elle devient incompréhensible : si vous inventez la langue dans laquelle votre texte est écrit, il ne sera jamais lu.

La très grande majorité d’une œuvre appartient donc de facto à la société. L’apport de l’auteur est extrêmement faible – ce qui ne veut pas dire qu’il n’a pas de valeur. C’est l’une des raisons pour laquelle, dans les débats sur le droit d’auteur au début du XIXe, un grand principe s’est imposé, celui du domaine public. Par principe, toute œuvre appartient au domaine public ; par exception et pendant un temps donné, une exclusivité est accordée à l’auteur. C’était alors une exception de très courte durée ; de mémoire, ce devait être neuf ans renouvelables une fois. Aujourd’hui, cette durée est devenue délirante : on parle de rémunérer les petits-enfants pour le travail effectué par le grand-père…

Tout se joue – en fait – à l’aune de Disney : à chaque fois qu’on va atteindre la date de fin des droits d’auteur pour papa Disney, les Américains font le forcing pour qu’on rallonge cette durée. Ça fait déjà un moment qu’on est passé à cinquante ans après la mort de l’auteur, puis c’est devenu soixante-dix quand on a atteint les cinquante ans après la mort de Disney. Et là, ils essayent de pousser pour qu’on passe à 90 ans parce qu’on va bientôt atteindre les 70 ans après la mort de Disney. Pour eux, pas question que Mickey entre dans le domaine public.

Le paradoxe, c’est qu’en fait Mickey est dans le domaine public depuis des dizaines d’années. Tout le monde le connaît, il est même devenu un mot de la langue courante. Mieux : le personnage est en train de tomber dans l’oubli. Cherchez dans votre entourage combien d’enfants ont vu un dessin animé avec Mickey : assez peu. Le mot est donc devenu courant, le personnage tombe dans l’oubli, mais il n’est pas encore entré dans le domaine public. Délirant.

Il faudrait revenir à ce qu’était le droit d’auteur à l’origine : l’auteur d’une œuvre était associé à une exclusivité temporaire dans le cadre d’une exploitation commerciale. Le droit d’auteur protégeait alors les artistes contre les marchands. Il s’agissait d’empêcher que ces derniers ne s’enrichissent indûment sans rémunérer les auteurs. Il faudrait que ça redevienne le cas. Empêcher, par exemple, qu’Apple ne s’enrichisse indûment de la musique des gens avec sa plate-forme iTunes. Pour rappel, il y a quelque chose comme 50 % des revenus d’iTunes qui tombent directement dans les poches d’Apple, le reste partant vers les maisons de disque, où est opéré le partage habituel : au final, seuls 6 ou 7 % de ces 50 % finissent dans les poches de l’auteur. Quand il était encore question de support matériel, ça pouvait – à la limite – se justifier : la fabrication du support coûtait cher, comme la gestion du stock. Mais une fois que le support matériel n’est plus, il en va tout autrement.

Que le support matériel disparaisse : n’est-ce pas un autre de ces fondamentaux que vous évoquiez ?

Tout-à-fait : la dématérialisation est un pilier de cette société qui vient. Une quantité phénoménale de choses n’ont désormais plus besoin de support matériel – musiques, films, écrits. Sur ce point, nombre de gens s’emmêlent les pinceaux : ils disent « virtuel » là où il faut dire « immatériel ». La discussion que vous avez sur Facebook, par mail ou par IRC est immatérielle, et non virtuelle ; ce ne sont pas des êtres imaginaires qui parlent. Le monde de la société du savoir, qui se développe autour d’Internet, n’est pas un monde irréel. La distinction est essentielle.

Le réseau est l’espace physique dans lequel s’inscrit le monde immatériel. Et on ne peut pas accepter que la physique ne soit pas neutre, que la physique du monde dans lequel on vit soit différente selon que vous soyez riche ou pauvre. S’il y a une chose qui touche les riches comme les pauvres, c’est bien la mort, la maladie ou le fait de voir apparaître une bosse quand on se cogne. Il en va de même sur le réseau. C’est fondamental : il n’est pas possible que le substrat de la société à venir soit non-neutre.

Attenter à la neutralité des réseaux devrait donc être considéré comme un crime assez grave.

De quoi s’agit-il ?

Le modèle de développement d’Internet est d’être totalement acentré. Il n’y a pas de centre, pas de partie plus importante ou par principe plus grosse que les autres, afin de rendre l’ensemble indestructible. Les échanges y sont normalisés de manière à préserver une grande hétérogénéité ; Internet a été conçu pour que deux ordinateurs de marque et de constructeur différents puissent discuter entre eux, pour peu qu’ils respectent un tout petit bout de norme.

Ce réseau acentré existe, même s’il est en même temps un optimal qu’on n’atteint par définition jamais. Et ce réseau a de grandes vertus, dont celle de garantir les libertés sur Internet. Je prends un exemple : s’il n’y avait plus que des plateformes centralisées de blogs, vous y publieriez ce qu’on voudrait bien vous laisser publier – nous serions revenus au modèle de la télévision. Mais pour l’instant, aucune plateforme ne peut se permettre de trop censurer, parce qu’il suffit de dix jours pour lancer une nouvelle plateforme. C’est cette capacité d’acentrer qui garantit les libertés dans les systèmes centralisés.

Cela évoque autre chose : il y a finalement une notion de biodiversité sur Internet. C’est-à-dire qu’il y a une diversité strictement nécessaire. Par exemple, s’il n’y a plus qu’un seul système d’exploitation, le réseau change très vite, pouvant dériver vers autre chose. On l’a vu quand Internet Explorer était ultra-hégémonique : le web était paralysé, il n’a à peu près pas évolué pendant dix ans.

Tout cela renvoie – enfin – à l’existence d’une masse critique. S’il n’y a plus assez de partie acentrée, très vite le système dégénère et s’effondre. C’est pour ça que j’ai lancé le sujet sur le minitel 2.0 ; je redoutais et je redoute encore qu’on descende en-dessous de la masse critique. Par exemple, le jour où le service mail sera trop centralisé, ceux qui n’utiliseront pas de grosses messageries se retrouveront le bec dans l’eau. Pour rappel : il y a à peu près 150 fournisseurs de mail sur la planète, dont des très importants (Gmail, Hotmail, Facebook…), des importants (qui sont les gros FAI en général, dont Orange et Free) et enfin, autour, des moucherons. Que les très importants et les importants décident de ne plus parler qu’entre eux, c’est-à-dire de bloquer les mails des moucherons, et ces derniers disparaîtront.

C’est en cours. Il y a des périodes où les mails sortant de telle ou telle micro-structure ne sont pas acceptés par Hotmail, d’autres périodes où ils se retrouvent d’office classés par les spams. Mais tant qu’il reste une masse critique, en l’espèce 1 % du trafic mail géré par les moucherons, les géants ne peuvent pas les ignorer totalement ; ils sont obligés de faire un tout petit peu attention à eux. Au risque, sinon, de provoquer trop de remous : 1 % de la population, ça peut faire du bruit…

C’est étonnant de vous entendre parler – un peu au-dessus – de biodiversité : ça semble incongru s’agissant d’Internet…

Et pourtant… Une illustration très parlante : les écolos sont en train de se saisir de cette idée de réseau acentré, et tout ce qu’ils construisent autour de la notion de développement durable ressemble énormément à Internet. Exemple : les travaux se penchant sur la meilleure façon de gérer l’électricité dégagent deux gros modèles. Soit on a recours à d’énormes centres, qui diffusent des puissances électriques monumentales sur des réseaux gigantesques et où on utilise à peu près 30 % de l’énergie pour chauffer le réseau (c’est-à-dire qu’on la perd en ligne). Soit on est sur des modèles totalement acentrés, où chacun produit un petit peu d’électricité servant à se chauffer (si nécessaire), ou à chauffer les voisins (si superflu). Les écolos se rendent compte, aujourd’hui, que ce second modèle est beaucoup plus efficace.

Résilience des réseaux

Ce modèle ressemble d’ailleurs beaucoup à d’antiques modèles de société, qui sont des sociétés beaucoup plus résilientes. Au XVIe siècle, la peste avait besoin d’un bon bout de temps pour aller d’une partie du pays à l’autre ; aujourd’hui, elle ne mettrait pas quinze jours… La résilience de ces réseaux, on la connait donc depuis très longtemps. Le grand intérêt des systèmes ultra-centralisés qu’on a commencé à construire au Moyen-Âge était de gagner en communication, en vitesse, de permettre à la civilisation de progresser beaucoup plus vite. Mais quand on arrive à l’extrême de ces modèles-là, on débouche sur le monde de la fin du XXe siècle. Soit des sociétés folles, qui sont devenues très fragiles – presque rien suffit à les faire vaciller. Des systèmes dangereux – à l’image des centrales nucléaires. Le problème est là.

Il en va de même en ce qui concerne les serveurs. Si vous avez chez vous un petit bout de serveur qui correspond parfaitement à la puissance dont vous avez besoin (soit moins de puissance qu’un iPhone pour la majorité des gens, c’est-à-dire une quantité d’énergie très limitée) : parfait. Pas besoin d’alimenter des bandes passantes énormes vers des serveurs qui sont à l’autre bout de la planète, stockés par centaines de milliers dans un data-center de 30 000 mètres carrés qu’il faut refroidir en permanence – pour peu que ce soit dans les déserts de Californie, il faut les climatiser….

L’efficacité énergétique est bien meilleure quand le réseau est décentralisé, il est même possible de l’alimenter avec un petit peu de photovoltaïque.

Essayez un petit peu d’alimenter un data-center avec du photovoltaïque, on va doucement rigoler…

Pour résumer : tel qu’il existe aujourd’hui, le coût énergétique du réseau est négligeable par rapport aux gains qu’il permet ; mais il est très important par rapport à ce qu’il pourrait être. Par contre, le coût énergétique des machines de Google – qui ne participe pas du réseau, mais des services – est tout simplement énorme. Vous saviez que Google, qui doit faire tourner peu ou prou dix millions de machines, était le deuxième ou troisième plus gros fabricant d’ordinateur au monde ? Juste pour ses propres besoins… C’est du délire.

D’autant qu’il s’agit d’un service dangereux et intrusif…

Bien sûr. Les atteintes à la vie privée opérées par Google sont inacceptables. Le côté monopolistique de la chose est épouvantablement dangereux. Pour le moment, Google se comporte relativement bien en terme de respect des libertés, mais il n’y a aucune raison que ça dure – donc ça ne durera pas. Google, c’est à deux doigts d’être Big Brother : il sait tout sur tout le monde, tout le temps.

C’est une vraie question : on a là un machin qui indexe la totalité de la connaissance en ligne, plus que n’importe quelle bibliothèque dans le monde. Qui indexe la totalité des échanges en public, comme s’il indexait toutes les conversations de tous les bistrots du monde. Qui indexe – pour peu que vous utilisez Gmail – votre messagerie personnelle, qu’il met en relation ou non, comme bon lui chante, avec la messagerie personnelle des gens qui vous ont écrit ou à qui vous avez écrit. Qui est capable de vous présenter des publicités ciblées, puisqu’il connaît toutes les recherches que vous avez effectuées et quels sont les liens que vous avez sélectionnés dans les résultats de cette recherche. C’est affolant…

Il y a une différence entre la vie du village, où tout le monde surveille tout le monde, et la société de Google, où Google surveille tout le monde. Une différence évidente. Dans la société du village, je suis tout le monde, je surveille mes voisins presque sans le faire exprès. Ok. Mais si un point – en l’espèce Google – surveille tout, et l’homme qui le contrôle bénéficie d’un pouvoir sidérant. C’est un vrai problème, beaucoup plus sérieux que tout le reste.

Verticalisation du Net

Il ne s’agit pas que de Google. Tout cela, ce que j’évoque ici, renvoie à un phénomène que je détaillais largement dans ma conférence sur le Minitel 2.0 : la verticalisation du Net. Celui qui tient le point d’émission décide de ce qu’on a la droit d’émettre. Un exemple super simple, dont je suis surpris qu’il n’ait pas fait davantage hurler : l’iPhone ou l’iPad, sur lesquels il est impossible de visionner du contenu pornographique. Les petites moeurs de Steve Jobs définissent ce qu’on a le droit de faire ou non sur un de ses appareils … C’est un objet que j’ai acheté, sur lequel je peux lire des contenus, regarder des images, visionner des vidéos, et je n’ai pas la liberté de choisir les vidéos en question ? C’est surnaturel ! Et tout ça parce que le patron de la boîte qui me l’a vendu trouve que « touche-zizi » c’est mal…

Nous sommes en plein dans le délire de la centralisation. Steve Jobs n’a pas encore imposé ses idées politiques, mais ça viendra. Et les gens ne réagissent pas, achètent quand même Apple ou choisissent Gmail pour messagerie. Le pire, c’est que ce sont parfois les mêmes qui prétendent défendre les libertés…

Comment renverser la vapeur ?

Il faut d’abord expliquer, faire des efforts de pédagogie ; les gens doivent par exemple comprendre combien Google est dangereux et apprendre à s’en passer. Il faut aussi se débrouiller pour que les outils deviennent plus simples d’usage.

Quand j’ai débuté sur le réseau, les gens considéraient compliqué d’envoyer un mail ; ce n’est plus le cas. Il faut espérer que cette évolution se poursuive. Par exemple : si dans un avenir proche, chacun pouvait s’héberger à domicile – c’est-à-dire posséder un petit serveur personnel – une bonne partie du problème serait résolu. Il n’y a là rien de difficile : n’importe quel accès Internet fixe permet en France d’héberger un serveur, il manque juste des outils simples d’utilisation. Si les gens comprenaient en sus pourquoi il est essentiel de s’auto-héberger, l’autre partie du problème serait réglée.

Nous n’y sommes évidemment pas. Mais cela progresse. Les geeks ont désormais compris qu’il fallait permettre la compréhension du plus grand nombre. Et ils ont aussi compris qu’il y avait effectivement un danger. Que Youtube est utile, mais dangereux. Que Facebook est ultra-dangereux. Que toutes ces plate-formes centralisées sont à éviter. Encore une fois, un bon moyen de les éviter tient à l’existence d’une masse critique acentrée.

C’est finalement étrange que ce combat pour un modèle acentré ne soit pas davantage porté par les sphères radicales…

C’est un problème : dans l’effort de sensibilisation actuellement mené, nous constatons qu’il existe certains publics que nous n’arrivons pas à atteindre. Pour moi, la question du réseau acentré devrait intéresser les gens de la sphère altermondialiste, écolo, libertaire, etc.

Protect the planet, save Internet

Toute la frange écolo ou altermondialiste devrait pourtant comprendre que le sujet est absolument central, que leurs débats perdent tout sens sans le réseau.

Internet est l’un des outils majeurs de la gestion de la fin du pétrole, parce qu’il réduit très largement les déplacements.

Si tu veux revenir dans une société où tu consommes local, ça signifie que tu ne passes pas ton temps à faire 200 bornes en voiture. Mais comment faire pour que ça ne corresponde pas à un déclin de l’humanité, c’est-à-dire à une baisse des connaissances scientifiques ou des savoirs techniques ? Comment feras-tu pour suivre des études universitaires en physique quantique si tu ne peux pas sortir de ton village de province ? Comment feras-tu pour que ta petite université de province ait accès à la totalité des savoirs scientifiques ? Sans le réseau, c’est impossible.

En centralisant, on avait appris à faire des choses qui n’étaient pas possibles avant : les grandes bibliothèques universitaires permettaient de stocker beaucoup plus de savoirs. Aujourd’hui, c’est l’inverse : impossible de réunir tous les savoirs tant les choses vont vite et tant les publications, en France comme à l’étranger, se sont multipliées. Et il n’y a plus que le réseau pour permettre un libre accès à toutes les publications scientifiques du monde, qu’elles traitent de physique, de mathématiques ou de chimie, qu’elles soient rédigées en hindou ou en italien. Il faut comprendre que le réseau sert à ça, à décentraliser, à t’offrir tout le savoir de l’humanité sans que tu n’aies besoin de te déplacer… Il est désormais possible de relocaliser le monde parce que ce qui avait été obtenu par centralisation – à savoir la réunion d’une grande masse de connaissances à un endroit, d’une grande masse de production à un autre – peut désormais être obtenu de manière acentrée avec le réseau.


Article initialement publié sur Article11 sous le titre : « Benjamin Bayart: “Il est désormais possible de relocaliser le monde” »

Crédits Photo FlickR CC: by-sa opensourceway / by-nc-sa Inmigrante a media jordana

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Chaos Computer Club: Revendications pour un Net viable http://owni.fr/2010/12/27/chaos-computer-club-revendications-pour-un-net-viable/ http://owni.fr/2010/12/27/chaos-computer-club-revendications-pour-un-net-viable/#comments Mon, 27 Dec 2010 12:00:03 +0000 vasistas? http://owni.fr/?p=40222 Traduction : À l’occasion du Chaos Computer Congress 27c3, congrès organisé par le Chaos Computer Club à Berlin du 27 au 29 décembre, voici notre traduction en français des revendications du CCC pour un Net viable. La version originale (en allemand donc) se trouve ici.

Rappelant que l’accès à Internet pour tous est une des conditions favorisant la participation à la vie politique et culturelle, ce texte offre un condensé des positions du CCC sur des questions telles que la protection des données personnelles, la neutralité du Net, le droit d’auteur, la transparence des données publiques, ou bien encore sur l’instauration d’un droit à l’anonymat sur le net.

Revendications pour un Net viable

Le Chaos Computer Club a depuis le début de son existence reconnu et promu les chances et opportunités de la vie en réseau. Beaucoup des visions originales (autrefois encore futuristes) ne sont pas seulement devenues une réalité mais également une évidence au cœur de la société. L’avènement d’Internet dans le quotidien de la quasi-totalité de la population a été la source de craintes pour la protection des données privées mais en même temps la source d’une démocratisation et d’un enrichissement scientifique, social et artistique. Les défenses naturelles d’Internet ont pu éviter, sans intervention de l’État, les aberrations dystopiques que l’on craignait. De notre point de vue, le débat actuel est basé sur une mauvaise estimation concernant les domaines où il faut réguler ou non.

Nous avons donc énoncé en termes clairs les acquisitions qui doivent être préservées, les dysfonctionnements qui devraient être traités et les risques que nous craignons pour l’avenir d’une société du Net compétitive et viable. Bien sûr une telle société n’est envisageable qu’avec des citoyens connectés à un Net interactif de manière rapide, non censurée et libre de tutelle.

Nous pensons donc qu’il est problématique que le Net soit considéré comme une éternelle source du mal qui devrait être régulée et qui devrait présenter une valeur ajoutée. En tant que miroir de la vie, le marché a sa place dans le Net – tout comme la politique. Mais aucun des protagonistes ne doit devenir tout-puissant. Pour cela l’État doit donner le bon exemple, ne doit pas se faire arnaquer dans des chantiers informatiques à grande échelle. Il doit respecter la sphère privée numérique de ces citoyens, devenir transparent et ouvrir ses données à une meilleure lisibilité. Et ceux qui démasquent les dysfonctionnements, la corruption ou les scandales liés à la sécurité des données doivent être récompensés et non punis.

Les citoyens du Net ne devraient pas simplement être comptabilisés et traités en tant qu’entités statistiques dans des bases de données. Au contraire : ils sont souverains et doivent être formés en vue d’adopter un comportement autodéterminé sur le Net. Cela comprend également de reconnaître la valeur de la sphère privée et de faire très attention aux secrets les plus intimes. Le Net est une infrastructure partagée, notre État devrait la soutenir et l’entretenir au lieu de se concentrer sur son exploitation et sa régulation.

Nous devons nous assurer que les ayants droit n’utilisent pas les fournisseurs d’accès à Internet et les opérateurs de sites web comme des policiers et bouc émissaires. Parallèlement, il faut corriger les dérapages connus depuis longtemps concernant les brevets logiciels et les droits d’auteur. Sans une réforme de la propriété intellectuelle s’orientant vers le bien commun au lieu des intérêts économiques de quelques uns, le fossé entre les politiciens et la communauté Internet se creusera davantage.

Nous avons résumé notre point de vue dans les onze principes suivants que nous nous proposons de discuter.

Principes pour la politique du Net

1. L’accès à Internet est un droit fondamental et une condition pour la participation à la vie culturelle et politique.

Il est de la responsabilité de l’État de veiller à ce que tous les citoyens aient accès à Internet de haut débit. En tant que source d’information, Internet prend le relai de la télévision. Pour cette raison, l’approvisionnement doit être fait largement afin que chaque citoyen ait la possibilité de s’offrir un accès à Internet de haut débit. En aucun cas la suppression à cet accès ne doit être une sanction car cela empêcherait les citoyens de participer à la vie culturelle et politique.

2. Les bienfaits du Net ne peuvent être accessibles que si la neutralité du Net est garantie

Aucun fournisseur d’accès n’a le droit de modifier en fonction du contenu l’accessibilité, la priorisation ou le débit binaire. La modification est généralement acceptable lorsqu’elle est transparente, qu’elle fait partie des conditions du contrat ou dans le cas de difficultés de capacité. En somme : uniquement pour redistribuer à tous les clients leur partie de la capacité existante.

Par exemple, un fournisseur d’accès aurait droit – si cela fait partie du contrat – de restreindre la bande passante pour tous les clients afin de réserver une bande passante minimale pour la téléphonie autrement les appels ne seraient pas possibles. En limitant le débit binaire, le fournisseur d’accès ne doit pas analyser les données transmises mais seulement, s’il le faut, limiter quelques services.

3. Les grands projets informatiques publics doivent être attribués selon des critères sensés

Les questions de politique pratique doivent être placées au premier plan. La conception et l’attribution de projets technologiques et numériques publics ne doivent plus être considérés uniquement comme des projets de financement de l’industrie informatique. Il est également nécessaire d’examiner l’équilibre entre la réduction de la bureaucratie et la centralisation des données.

En Allemagne, il n’est pas rare que les projets informatiques publics manquent de motifs raisonnables et d’expertise dans leur conception. Ils échouent régulièrement sur toute la ligne. De la radio numérique pour les administrations aux logiciels pour le fisc, en passant par les « fleurons de l’exportation » l’infrastructure de péage et la carte de santé; les projets subventionnés par l’État nous montrent une multitude d’échecs.

4. Gérer les données publiques de manière transparente

Les résultats et contenus obtenus par le financement des impôts doivent être ouverts à la collectivité. L’État doit veiller à ce qu’ils soient accessibles à tous sur Internet. Les brevets sur des résultats obtenus au moyen des impôts devraient être interdits.

Les données qui touchent à la collectivité comme par exemple des données statistiques, météorologiques, géographiques ou des photos satellites doivent également être soumises à cette règle même si elles ne sont pas financées par des moyens publics.

5. Rejet des brevets logiciels

Les brevets logiciels menacent non seulement l’industrie européenne du logiciel mais aussi l’Internet lui-même. Même si selon la loi il n’y a pas de brevets logiciels, l’Office européen des brevets (OEB) en a déjà attribué des centaines. Ces brevets doivent être annulés. Il faut une loi interdisant les brevets logiciels.

6. Moderniser la législation du droit d’auteur

La protection des droits d’auteur doit cesser de dégénérer. Les ayants droit ont fait aboutir leurs droits et revendications ce qui a mené en Allemagne à un modèle commercial de mises en demeure et donc à un abus de droit. Nous exigeons donc une limite minimale pour la poursuite des violations des droits de propriété intellectuelle et une restriction des coûts d’exécution contre les personnes lorsque l’infraction ne leur apportent pas d’avantages commerciaux. La durée de la protection légale des œuvres doit être écourtée afin d’enrichir le bien commun.

Le Chaos Computer Club s’engage à une révision du modèle de rémunération des auteurs. Leurs droits et leur indépendance vis-à-vis des ayants droit doivent être renforcés. A cette fin, le Chaos Computer Club proposera une idée pour le financement des auteurs qui modifie celle de la licence globale.

7. Les fournisseurs d’accès ne sont pas responsables des données de leurs clients

Le déni de responsabilité doit exister non seulement pour les FAI mais également pour les exploitants de sites web. Les fournisseurs d’accès et les exploitants de sites web ne devraient dévoiler les données personnelles de leurs clients et utilisateurs uniquement dans les cas d’affaires criminelles graves.

Les fournisseurs de services doivent être encouragés à ne pas collectionner des données clients et à ne pas demander de données personnelles.

8. Meilleure protection des données à caractère privé

La collecte des données par l’État doit être minimale. Les données qui ne sont pas objectivement utiles ne doivent pas être collectées. Si l’utilité de l’enregistrement ne peut être démontrée, les données accumulées doivent être effacées immédiatement. L’argument du „pourrait – aurait“ des services de police n’est pas acceptable, seule la démonstration de l’utilité concrète peut justifier et compenser les désavantages occasionnés. De lourdes amendes punissant la transmission de données collectées à tort et l’emploi abusif de données personnelles doivent enfin être administrées.

Il faut examiner la réglementation actuelle. Dans d’autres pays tels que les États-Unis et la Grande-Bretagne, la carte d’identité n’existe pas. Pourquoi avons-nous besoin d’une carte d’identité, en particulier avec des données biométriques et la possibilité pour l’administration d’accéder en ligne à nos données? Pourquoi est-il autorisé que des pièces d’identité puissent contenir des données biométriques? Les pièces d’identité biométriques équipées de puces transmettant des informations à distance ne sont pas justifiées, leur diffusion ne devrait donc pas se poursuivre.

9. Établir le droit à l’anonymat

L’anonymat est un bien précieux dans la vie réelle comme sur Internet. Le fait de pouvoir discuter et s’informer sans se sentir observé ou persécuté est essentiel pour le libre arbitre des citoyens. L’authenticité sur le Net ne peut se faire au détriment de l’anonymat.

Nous demandons donc que les réseaux permettant une communication anonyme comme Tor ne soient plus victimes de poursuites et de représailles. Nous demandons également l’introduction d’une loi qui établit que ces réseaux ne soient pas tenus responsables des propos tenus par le biais de leurs services. Les saisies d’ordinateurs qui font fonctionner ces réseaux doivent cesser. Ceci est d’autant plus important que des personnes vivant dans des pays censurés dépendent de ces services.

10. Empêcher le profilage des utilisateurs

De grande quantité de données diffusées sur Internet se rapportent à la vie privée des citoyens et permettent la création de profils vastes et riches d’utilisateur. Ils doivent donc être protégés de manière efficace. Ceci concerne aussi bien les données d’utilisation que le trafic sur Internet. La combinaison des données fournit un éclairage supplémentaire sur la vie privée des citoyens. Par conséquent, il est nécessaire que le droit relatif à la protection des données personnelles stipule que celui qui a légalement accès à plusieurs bases de données n’ait pas le droit de combiner ces données.

Le cryptage des données comme moyen d’auto-défense informatique est un droit fondamental et ne devrait pas être circonscrit. Cela implique également que personne ne devrait être contraint à dévoiler ses mots de passe ou ses clés.

11. Améliorer la protection des lanceurs d’alerte

Les lanceurs d’alerte (whistleblower) doivent être protégés et non pas poursuivis. Ceux qui ont le courage de dénoncer des torts cachés au public ne devraient pas être lésés. Ceux qui dévoilent des vérités gênantes doivent être protégés par la loi.

Liens (en allemand):

[1] Emission Chaosradio: “Hier stehen wir und können nicht anders: CCC-Thesen zur Netzpolitik“.

[2] Thomas de Maizière: 14 Thesen zu den Grundlagen einer gemeinsamen Netzpolitik der Zukunft“.

[3] Antisèche du CCC pour les droits numériques.

>> Article initialement publié sur Vasistas

>> Illustrations FlickR CC : loppsilol, Rétrofuturs (Hulk4598) / Stéphane Massa-Bidal*Zephyrance – don’t wake me up.

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http://owni.fr/2010/12/27/chaos-computer-club-revendications-pour-un-net-viable/feed/ 6
Neutralité: le Sénat place les contenus au coeur du débat http://owni.fr/2010/11/02/neutralite-le-senat-place-les-contenus-au-coeur-du-debat/ http://owni.fr/2010/11/02/neutralite-le-senat-place-les-contenus-au-coeur-du-debat/#comments Tue, 02 Nov 2010 07:30:49 +0000 Andréa Fradin http://owni.fr/?p=33902 Il y a eu le comité d’experts, la remise d’un rapport gouvernemental, les consultations puis les conclusions de l’Arcep, sans oublier les prémisses d’une réflexion européenne au sein de la Commission. La neutralité des réseaux a désormais investi les murs du Sénat. Mardi dernier, les commissions de la culture et de l’économie, représentées dans l’ordre par Catherine Morin-Desailly (UC) et Pierre Hérisson (UMP), ont convié différents acteurs de l’Internet à se mettre (une nouvelle fois) autour de la table pour causer neutralité. Au menu:

Quelle liberté d’accès au réseau en ligne pour la communauté croissante des internautes ? Doit-on autoriser les opérateurs à restreindre l’accès aux contenus, services et applications dont ils permettent la mise en ligne pour des motifs techniques ou économiques ? Faut-il instaurer un cadre de régulation souple, ou envisager de se résoudre à légiférer de façon plus contraignante ? Quelles suites donner aux propositions formulées récemment par le Gouvernement et l’autorité de régulation ?

Vaste programme, synonyme pour certains d’un énième symposium infructueux et bavard, marqué par une sur-représentation des institutions étatiques (CSA, Arcep), des opérateurs (Bouygues Télécom, Orange) et des ayants droit (SACD et APC). Mais si ces discussions ont été le théâtre des traditionnelles oppositions sur le front de l’investissement dans les infrastructures du réseau, opérateurs et services en ligne ne cessant de  se renvoyer la balle en la matière, elles ont le mérite d’avoir soulevé pour la première fois la question des téléviseurs connectés. Au-delà de la conciliation du principe de neutralité avec le risque de congestion, le Sénat a interrogé le statut de ces télé reliées à Internet, secteur notamment investi par les géants Google et Apple.

Neutralité des contenus et neutralité des réseaux

Curiosité de ces nouveaux débats, ils se sont articulés autour de deux tables rondes distinctes, intitulées «neutralité des contenus» et «neutralité des réseaux». La dissociation des thématiques n’a pas manqué de surprendre; elle semble avant tout avoir servi de prétexte à l’évocation en longueur du régime des téléviseurs connectés et des œuvres diffusées sur ces supports. Néanmoins, elle vient inutilement scinder le concept de neutralité des réseaux, qui affirme un libre accès aux sites, services et applications sur Internet, tant en amont (création de contenus) qu’en aval (consultation). De fait, le principe de neutralité tel qu’exposé par Tim Wu englobe déjà la question des contenus; on peut donc s’interroger sur la pertinence et l’impact de cette nouvelle subtilité introduite au Sénat.

Du côté des acteurs traditionnels du secteur, déjà largement consultés sur la thématique, rien de nouveau sous le soleil de la neutralité; opérateurs et services en ligne campent sur leur position.

Le représentant d’Orange Pierre Louette a ainsi répété l’attachement du fournisseur d’accès «au maintien des services gérés, par exemple dans la télévision et les vidéos à la demande». «Les paquets de données ont-ils la même importance ? Pour moi, non», a t-il poursuivi, plaidant pour que les opérateurs puissent «organiser, sans porter un préjudice fondamental aux autres contenus, des formes de priorité pour certains contenus qui ont impact particulier ou qui offrent une garantie”. «Préjudice fondamental», «impact particulier» : autant de termes qu’Orange se doit encore d’éclairer.

Au niveau des sites Internet, représentés par le président de l’Asic Giuseppe de Martino, l’impératif a une nouvelle fois été de rappeler leur contribution au développement des infrastructures, remis en cause par les FAI.

Près de 40% de nos coûts sont des investissements réseaux: bande passante, matériel… Si on nous demande de participer un peu plus, on utilisera l’argument final: ne devrait-on pas profiter aussi un peu plus des abonnements que touchent ces fournisseurs de réseaux ? Car si on s’abonne aujourd’hui, c’est aussi pour bénéficier de nos services, a menacé Giuseppe de Martino.

Au-delà des responsabilités financières de chacun, le débat sénatorial a souffert des travers classiques d’un débat sur la neutralité, à savoir le glissement sémantique vers un Internet «ouvert». Tant et si bien que l’intérêt du débat s’est vu déporté d’une définition de la neutralité vers un balisage du contrôle dont bénéficient aujourd’hui les opérateurs sur les contenus. Au centre des discussions donc, «le contrôle du contrôle», comme l’a justement souligné Claude Kirchner, unique représentant de la communauté scientifique (INRIA): basculement en apparence anodin, qui donne pourtant de fait l’aval à une mainmise des opérateurs.

Télé connectée: simple ordinateur ou secteur à part ?

A l’exception de Claude Kirchner, pour qui le téléviseur connecté «est juste un ordinateur avec une télécommande élaborée», la majorité des intervenants penchés sur la question des contenus ont insisté sur la spécificité de ce nouveau service. «Télescopage de deux univers», celui de l’audiovisuel et de l’Internet, pour Emmanuel Gabla du CSA, monde aux logiques différenciées selon Alain Le Diberder de la SACD. Autrement dit, la petite lucarne n’a pas été d’emblée placée sous l’égide de la neutralité.

La télé connectée, ça va envoyer

S’il déclare vouloir le voir appliqué aux services gérés, le CSA concède timidement que «certains aménagements de ce principe de neutralité des réseaux» pourraient être organisés, «pour répondre aux exigences de certains services en temps réels et pour financer l’établissement de certaines infrastructures», telle la fibre optique.

Infrastructures toujours donc, mais pas que: la nature et le financement des contenus inquiètent également le monde de l’audiovisuel. La marotte hexagonale d’une «spécificité des contenus culturels français», présentée par le sénateur Bruno Retailleau comme constitutive de «notre identité», vient titiller le concept de neutralité… quitte à le contredire, comme le remarque justement Numerama. Le CSA s’est en effet inquiété d’une absence de neutralité sur les moteurs de recherche, qui pourrait se concrétiser en une mise en avant des contenus en provenance d’outre-Atlantique. «Pour favoriser la consommation et la visualisation de contenu d’origine française et européenne, il faut être certain que les moteurs de recherche soient parfaitement neutres», a ainsi déclaré Emmanuel Gabla. Représenté dans la salle, Google France n’a pas manqué de renvoyer la balle aux acteurs de l’audiovisuel français, les appelant à être «pro-actifs» pour être valorisés sur les moteurs de recherche.

«La neutralité du net n’est pas la violation de la propriété intellectuelle»

Autre point jusque là peu -voire pas- abordé dans le débat sur la neutralité des réseaux: le financement du contenu qui circule dans les tuyaux. De nouvelles voix se sont ajoutées à la discussion: celles des sociétés d’auteur, SACD et APC, qui ont abordé le sujet délicat de la propriété intellectuelle.

Là encore, l’investissement de chacun suscite la polémique: pour les ayants droit, il est clair que les nouveaux services qui s’apprêtent à diffuser du contenu sur les téléviseurs connectés, en premier lieu Google et Apple, doivent mettre la main à la poche et financer la création. Frédéric Goldsmith, délégué général de l’APC, l’affirme: «neutralité du net n’est pas [synonyme de] violation de la propriété intellectuelle». Dans la mesure où les contenus audiovisuels constituent un «produit d’appel», poursuit-il, il est impératif que ceux qui les utilisent «investissent dans les œuvres». Même son de cloche du côté de la SACD, qui souhaite voir perdurer une rémunération des création «par l’aval»: des diffuseurs vers les créateurs.

La question du financement de la création a été l’occasion pour les ayants droit de saluer le travail de l’Hadopi,  «qui a le mérite d’avoir jeté certaines bases» selon Frédéric Goldsmith. Elle a aussi permis d’aborder le thème de la licence globale, vite évacué par la SACD, qui souhaite préserver «le droit des auteurs et des producteurs à fixer leur mode de rémunération»; une liberté qualifiée de «fondamentale».

De nouveaux rendez-vous ont été fixés autour de la table, le CSA en particulier a annoncé l’organisation d’un colloque sur les téléviseurs connectés en février prochain. Son cas devrait aussi être examiné dans les mois à venir, puisque l’idée d’un «CSA de l’Internet», écartée début 2009 par les sénateurs, ainsi que d’une fusion des autorités administratives, a de nouveau été évoquée. Visant une régulation plus adéquate du continuum de services en ligne, cette éventualité semble faire du chemin du côté des parlementaires.

En attendant de connaître le sort qui lui sera réservé en France, proposition de loi ou ordonnance, la neutralité des réseaux est au menu d’autres réflexions, dont la récente mission d’information de la Commission des affaires économiques de l’Assemblée, chapeautée par Laure de La Raudière (UMP) et Corinne Ehrel (SRC).

Bref, comme remarque le clairvoyant sénateur Hérisson,

c’est un thème dont on n’a pas fini d’entendre parler dans les mois et les années venir.

Au risque de voir petit à petit se dissoudre le substrat même du principe de neutralité.

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Crédits photo: Flickr CC krossbow, xeni, symbi, greenkozi

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Obama pourrait avoir tout pouvoir sur l’internet américain http://owni.fr/2009/09/02/obama-pourrait-avoir-tout-pouvoir-sur-linternet-americain/ http://owni.fr/2009/09/02/obama-pourrait-avoir-tout-pouvoir-sur-linternet-americain/#comments Wed, 02 Sep 2009 12:28:52 +0000 Guillaume Champeau http://owni.fr/?p=3168 En cas de danger imminent pour la sécurité intérieure, le Président des Etats-Unis pourrait bientôt avoir tout pouvoir sur les réseaux de télécommunications les plus critiques, y compris ceux appartenant aux sociétés privées. Un projet de loi déposé par le sénateur démocrate Jay Rockefeller prévoit en effet la possibilité pour le président de “déclarer une urgence de cybersécurité” liée à des réseaux informatiques “non-gouvernementaux“, et d’en tirer les pouvoirs de faire exécuter toute mesure propre à faire cesser la menace.

La section 201 de la loi permet au président des Etats-Unis de “diriger la réponse nationale à la cyber menace” dans les cas nécessaires à “la défense et la sécurité nationale“. En clair, l’administration pourra exiger d’un FAI qu’il coupe son réseau si, par exemple, il est utilisé pour orchestrer une attaque contre une infrastructure sensible de l’Etat.

Pour mettre en oeuvre la mesure, la Maison Blanche aurait pour obligation d’établir régulièrement une “carte” des réseaux privés jugés “critiques”. Les sociétés concernées auront alors pour obligation de fournir au gouvernement fédéral les informations nécessaires à la sécurité du réseau.

Les Etats-Unis étant un centre névralgique du réseau mondial, avec notamment l’ICANN mais aussi les plus grands acteurs privés comme , Google ou Microsoft, les pouvoirs confiés au président américain pourraient être exorbitants. Pour le moment l’Europe, qui lutte pour une gouvernance mondiale de l’Internet, ne semble pas avoir officiellement réagi à la proposition démocrate.

Selon une source proche du dossier citée par Cnet, la philosophie du projet de loi serait une simple adaptation des pratiques courantes de la présidence. Elle compare le pouvoir de contrôler certains réseaux privés en cas de menace directe sur le réseau à l’ordre qu’avait donné le président George Bush aux compagnies aériennes de faire se poser tous les avions lors des attentats du 11 septembre 2001.

Nous devons protéger notre infrastructure critique à n’importe quel coût“, avait justifié Rockefeller en déposant une première version de son texte en avril dernier. “De l’eau jusqu’à l’électricité, en passant par la banque, les feux de circulation, et les dossiers électroniques de santé“. En cas d’attaque terroriste numérique, le gouvernement américain veut pouvoir répondre immédiatement sans se heurter aux refus des acteurs privés.

En France, le président de la République ne dispose pas des mêmes pouvoirs. A moins d’imaginer – c’est un bon sujet pour les constitutionnalistes – que l’article 16 de la Constitution puisse s’appliquer. Il donne au Président le pouvoir de prendre “les mesures exigées par (les) circonstances“, lorsque “les institutions de la République, l’indépendance de la Nation, l’intégrité de son territoire ou l’exécution de ses engagements internationaux sont menacés d’une manière grave et immédiate“.

Article diffusé sous licence Creative Common by-nc-nd 2.0, écrit par Guillaume Champeau pour Numerama.com

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Internet libre, Minitel 2.0, neutralité des réseaux à l’heure de l’Hadopi http://owni.fr/2009/09/02/internet-libre-minitel-20-neutralite-des-reseaux-a-l%e2%80%99heure-de-l%e2%80%99hadopi/ http://owni.fr/2009/09/02/internet-libre-minitel-20-neutralite-des-reseaux-a-l%e2%80%99heure-de-l%e2%80%99hadopi/#comments Wed, 02 Sep 2009 12:21:16 +0000 Admin http://owni.fr/?p=3165 Un certain nombre de lectures, écoutes et visionnages sur les débats en cours, notamment sur la “neutralité des réseaux“, m’amène à me dire : il est plus qu’urgent de défendre l’Internet que nous aimons et pratiquons, l’Internet décentralisé, où chacun est émetteur et récepteur, où le partage est l’une des bases de ce média (sans émetteur, et/ou sans récepteur, point de réseau, mais du simple monoposte…), où la centralisation pourrait se comprendre, à la limite, dans le cadre d’un commerce en ligne, d’un site de rencontre, ou d’un espace client bancaire, mais pas pour des échanges entre personnes.

> Lire la suite sur Konnectif, le blog de Stéphane Paillet

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Neutralité du Net, liberté d’expression sur Internet http://owni.fr/2009/08/04/neutralite-du-net-liberte-d%e2%80%99expression-sur-internet/ http://owni.fr/2009/08/04/neutralite-du-net-liberte-d%e2%80%99expression-sur-internet/#comments Tue, 04 Aug 2009 10:28:00 +0000 Julien L. http://owni.fr/?p=2172 Lors des Rencontres Mondiales du Logiciel Libre, une table ronde était organisée sur le thème “Neutralité du Net, liberté d’expression sur Internet”. Parmi les intervenants figuraient le patron de FDN, le co-fondateur de la Quadrature du Net et des représentants de l’APRIL et de DéputésGodillots.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

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Mise à jour : la deuxième partie de la vidéo a été mise en ligne ; vous pouvez la voir ci-dessous. Par ailleurs, nos lecteurs ont également mis la vidéo à disposition sur les réseaux P2P comme BitTorrent ou eMule via KAD. Merci à eux.

Du 7 au 11 juillet dernier avait lieu à Nantes les 10e Rencontres Mondiales du Logiciel Libre (RMLL). À travers les nombreuses conférences, tables rondes, démonstrations et autres activités en tout genre, une réunion avait un caractère davantage politique, puisqu’elle portait sur le thème : Neutralité du Net, liberté d’expression sur Internet.

Animée par Benjamin Bayart, le président du FAI French Data Network, cette table ronde accueillait plusieurs intervenants : Jérémie Zimmermann, co-fondateur de la Quadrature du Net, la représentante de l’APRIL Alix Cazenave et Tangui Morlier du célèbre site DéputésGodillots.info.

La table ronde, longue d’un peu plus de trois heures, s’est articulée en trois temps :

  • Une présentation générale par Benjamin Bayart du concept de neutralité du net et de son impact sur la liberté d’expression.
  • Un retour d’expérience des différents intervenants sur les deux textes majeurs de cette année, avec le Paquet Télécom à l’échelle européenne et la loi Hadopi à l’échelle nationale.
  • Une séance de questions/réponses avec l’auditoire.

Note : la vidéo originale pesant très exactement 1 216,75 Mo, il n’était pas possible de la mettre en ligne d’un seul bloc sur une plate-forme d’hébergement vidéo. Il a donc fallu la diviser en trois grandes parties de 445 Mo (x2) et de 323 Mo. La première partie de la table ronde est déjà en ligne et dure une bonne heure.

La dernière vidéo arrivera prochainement. dès que Vimeo réinitialisera le “crédit d’upload” hebdomadaire qui est de 500 Mb. Toutefois, si vous souhaitez récupérer au plus vite toute la conférence, vous avez la possibilité de télécharger la vidéo complète depuis le site de l’APRIL ou en suivant cet autre lien.

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