OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Des mobiles et des hommes http://owni.fr/2012/06/28/free-guerre-au-mobile/ http://owni.fr/2012/06/28/free-guerre-au-mobile/#comments Thu, 28 Jun 2012 19:14:46 +0000 Andréa Fradin http://owni.fr/?p=114129 Owni vous raconte les dessous et les batailles de ce conflit sans merci, duquel il est dit que Bouygues Telecom s’apprêterait à annoncer un plan social dès juillet.]]>

C’est une partie qui démarre sur les chapeaux de roues. Avant de sérieusement se corser. Récit de la quête du Saint-Mobile, dans l’impitoyable contrée des Télécoms, en un texte… et une infographie (voir en bas d’article), par Loguy.

L’Iliad et l’Odyssée

Le 10 janvier 2012, Xavier Niel, président d’Iliad et co-fondateur de Free, s’avance sur une estrade installée dans son QG, près du métro Madeleine à Paris. Casque-micro vissé sur la caboche, dégaine à la fois offensive et fébrile. Il ne lance pas Free Mobile : il le propulse tel un missile dans le monde des télécoms. Et au-delà.

Free frime

Free frime

Un Xavier Niel au bord des larmes, une communauté surexcitée sur Twitter et une couverture médiatique unanime. C’est le ...

“Rocket is on the launch pad”. Le mystérieux message, signe du lancement imminent du quatrième opérateur mobile français, circulait depuis quelques jours sur Internet et annonçait déjà la couleur. Chauffant à blanc l’attente de toute une communauté, les “freenautes”, déjà lancée dans un jeu de piste effréné, consistant à trouver les détails des futurs forfaits de Free Mobile. Énigme savamment orchestrée par l’opérateur : pas d’affiches ni de spots, juste quelques indices disséminés sous forme de lignes de code sur Internet. Miser sur le silence et la rareté pour faire monter la sauce. Jusqu’à l’explosion : la présentation des deux forfaits. L’“illimité” à 19,99 euros, le “social” à 2 : une rupture avec les pratiques du secteur.

Niel s’enflamme : Free Mobile est une affaire de transparence, de justice, de probité. “On vient pas là pour gagner de l’argent on vient là pour foutre le bordel.” Un marketing de robin des bois, de chevalier blanc, qui n’est pas sans rappeler une certaine marque à la pomme. Et qui marche. Vivas dans la salle et couverture médiatique euphorique. Free explose les highscores : carton d’audience pour les sites de presse en ligne, mais aussi affluence record sur la plate-forme commerciale de l’opérateur. Xavier Niel évoque le chiffre de 3 à 4 millions de demandes d’information. Le site tombe dans la journée. La machine à gagner Free Mobile est en surchauffe : c’est le début des bugs.

Fight !

Dès le surlendemain, l’organisme en charge du transfert des numéros des clients souhaitant changer d’opérateur (“le GIE portabilité”), annonce le triplement des demandes. Free, qui s’était engagé à livrer les cartes SIM sous 24 heures, ne peut tenir ses promesses. Embouteillage dans le traitement des dossiers, mini pépins techniques… les soucis s’accumulent et le ton change dans la presse, qui se fait le porte-voix des clients mécontents. Sous les articles, néo-Freenautes désabusés et Free-fans convaincus s’affrontent à coup de commentaires. De son côté, Xavier Niel met en cause la portabilité des numéros, accusant le GIE de mal faire son travail. Et crie au complot à mots à peine voilés :

Tous les moyens sont bons pour discréditer le petit nouveau […] mais nous sommes peut-être parano chez Free…

Free Mobile crie au complot

Free Mobile crie au complot

Free Mobile : mytho, parano ou réglo ? Xavier Niel semble débordé par le buzz qu'il a lui-même provoqué avec son offre ...

Il faut dire que la bataille commence à faire rage du côté des concurrents. Parallèlement aux couacs commerciaux, Free Mobile connaîtrait des dysfonctionnements techniques. Pire, son réseau ne serait conformes aux obligations que l’opérateur est censé remplir. Soit une couverture effective de 27% de la population française. Free, hors des clous ? La question enfle dans les médias. Les témoignages à charge “d’ingénieur des télécoms” pleuvent. Sans qu’il soit possible de démêler l’info de l’intox, la défaillance de l’enfumage. Expertises, contre-expertises, constats d’huissiers : le pouls des télécoms français bat au rythme de Free mobile. Complot ou non, le pari est d’ores et déjà gagné pour le petit dernier du secteur : mieux vaut la désinformation à l’indifférence.

Une confrontation sanglante dans laquelle Xavier Niel a été le premier à sonner la charge. Non content de briser leur rente de situation, il s’est moqué de ses concurrents, rappelant la condamnation d’Orange, Bouygues et SFR en 2005 pour entente, et mettant en doute leur virginité nouvellement acquise. Et prononçant cette phrase devenue célèbre :

Si vous ne passez pas chez Free Mobile, vous êtes des pigeons !

Une agressivité qui n’aurait donné suite à aucun procès. Et dont Xavier Niel serait revenu. A en croire une récente interview à Challenges, le patron de Free aurait raccroché les gants… ou presque, taclant encore les pratiques “inavouables” de ses camarades.

Player 1 : Orange, opérateur à papa

Seul épargné du pugilat, Orange. L’opérateur à papa, comme aime à le désigner Xavier Niel, a finalement été peu accroché dans la bataille. Parce qu’on ne tape pas sur celui qui, bon gré mal gré, vous soutient.

L’actuel patron d’Orange, Stéphane Richard, s’est lui-même montré bienveillant envers Free et son ambition de décrocher la quatrième licence mobile. C’était dans une autre vie, alors qu’il était directeur de cabinet de la ministre de l’Économie Christine Lagarde. Ce qui lui a tout de même valu quelques remerciements chaleureux de la part de Xavier Niel.

Sans compter qu’en concluant un accord d’itinérance avec Free, Orange a mis à sa disposition une infrastructure solide, sur laquelle le quatrième opérateur a pu s’appuyer pour parer à ses défaillances.

L’Arcep et Besson se disputent sur Free

L’Arcep et Besson se disputent sur Free

Free Mobile est officiellement le trublion du secteur des telecom. A tel point que l'autorité de régulation et le ...

Peut-être un peu trop : constatant qu’une grande partie du trafic de Free circulait par ses antennes, et redoutant que les pannes touchant ce dernier ne l’affecte aussi, Orange a fait les gros yeux, menaçant de rompre l’accord. L’affaire semble aujourd’hui apaisée, avec une réévaluation à la hausse des gains qu’Orange est susceptible de tirer de cette affaire. D’abord estimés aux alentours de 1 milliard, ils pourraient rapporter plus du double. Juteux pour l’opérateur historique, qui se défend de vouloir aider Free : “c’est la meilleure protection pour l’entreprise, ses salariés, ses actionnaires, que je pouvais trouver face à l’arrivée du quatrième opérateur”, explique Stéphane Richard.

Il n’empêche. Arroseur arrosé, les soupçons d’entente entre Orange et Free gonflent. Et Xavier Niel n’arrange rien, en présentant les deux opérateurs comme les plus “légitimes” du secteur. Orange comme historique un peu chicos, Free comme petit dernier provocateur. De quoi provoquer la colère de SFR, Bouygues et des autres joueurs de la partie télécom. Ils dégainent les coups spéciaux. Selon Le Parisien, une plainte serait déposée auprès de la Brigade financière. Et SFR réfléchirait à une action auprès de Bruxelles.

Arcep vs Besson

Face aux critiques visant son réseau, Free n’a pas non plus hésité à brandir la carte justice. “A compter de ce jour, Free Mobile attaquera en justice toute personne dénigrant la réalité de sa couverture (réseau) ou de ses investissements” tonne l’opérateur dans un communiqué en date de mars 2012. Une menace qui aurait selon lui eu son petit effet : aujourd’hui, la polémique sur la couverture de Free Mobile semble s’être dégonflée comme un soufflé mal cuit. Mais dans l’intervalle, elle a secoué les plus hautes instances de la République. Ravivant de vieilles querelles qu’on croyait éteintes.

En l’occurrence, entre le ministère de l’Industrie et l’Arcep, le gendarme des télécoms, qui a encadré l’introduction de Free Mobile sur le marché. Ou plus précisément, entre le cabinet d’Éric Besson et l’Arcep, alors en froid depuis un an. Le premier tapant sur le second, en lui reprochant d’avoir mal vérifié le réseau et en le sommant de recommencer. Le second s’en défendant, fustigeant les pratiques de certains opérateurs. Le tout nappé d’une crise d’autorité, dans laquelle chacun tente de publiquement prouver qu’il a la main sur le dossier. En résulte une guerre de communiqués, des accusations de courrier anti-daté et des réponses par voie de presse interposée.

Free Mobile couvert

Free Mobile couvert

Oui, Free Mobile couvre bien 27% de la population. Et c'est le gendarme des télécoms qui le dit, tentant ainsi de mettre un ...

Fin janvier, le régulateur des télécoms décide néanmoins de vérifier une seconde fois le réseau de Free. Pour le valider à nouveau, un mois plus tard.

En marge de l’Arcep, l’Industrie somme l’Anfr (Agence nationale des fréquences), instance directement placée sous ses ordres, de procéder également à une vérification de la couverture du quatrième opérateur. Là encore, le constat va dans le même sens, l’agence estimant que Free peut couvrir 30,8 % de la population métropolitaine [PDF].

Try again : level Emploi

Besson parti, l’histoire des réseaux en grande partie derrière eux, les télécoms n’en ont pourtant pas fini avec Free Mobile. Une nouvelle bataille s’intensifie. Cette fois-ci, pas question d’antennes, de cartes SIM ou d’entente, mais d’emplois. D’une vague de licenciements dans le secteur mobile dont Free, et sa prestation que la concurrence qualifie de “low-cost”, seraient seuls responsables.

Et s’ils ont chiffré l’hémorragie de leur clientèle, Orange, Bouygues et SFR sont autrement plus réticents à parler d’éventuelles saignées dans leurs rangs. Stéphane Richard l’a d’ailleurs assuré au micro de BFM : pas de plan social en perspective. Pourtant, les chiffres pleuvent : le président de l’Arcep Jean-Ludovic Silicani avance un chiffre de 10 000 pertes, le syndicat Force ouvrière table lui sur 30 000 disparitions de postes en France. Une récente étude a fait état de plus de 70 000 destruction d’emplois. Il y a quelques années, Orange, SFR et Bouygues eux-mêmes, n’hésitaient pas à agiter le chiffon rouge des licenciements massifs pour dissuader les autorités de donner une quatrième licence mobile. Intox ou réelle menace ?

Affaiblis dans cette guerre du mobile, les opérateurs historiques disposent peut-être d’une carte Joker sur le volet de l’emploi : Arnaud Montebourg. Dans une interview à Challenges, le ministre du redressement productif fraîchement installé s’est fendu d’une sortie contre l’Arcep. Et, en creux, contre Free Mobile, estime de nombreux observateurs. Déclarant notamment :

Pour le gouvernement, la concurrence doit trouver sa limite dans la préservation de l’emploi.

Aujourd’hui à Bercy, l’intérêt du secteur prime sur celui des consommateurs et Montebourg le fait savoir. Ouvrant une brèche dans laquelle s’engagent -sans surprise- opérateurs (Thierry Breton et Stéphane Richard, respectivement ancien et actuel patrons de France Telecom) et ayants-droits, par la voix de Pascal Rogard, pour qui forfaits à bas prix riment avec pillage des œuvres sur Internet. En face, l’intéressé a déjà riposté dans Les Échos, lançant que les pertes d’emplois s’étaient amorcées avant Free Mobile…

Les troupes se reforment donc et fourbissent leurs armes. La saga est loin d’être terminée. Et risque d’être sérieusement relancée dès juillet, quand Bouygues Telecom devrait selon nos informations annoncer un plan social touchant plusieurs milliers d’employés. Contacté par OWNI, l’opérateur ne souhaite pas faire de commentaires. N’infirmant, ni ne confirmant. Le jeu vient de se relancer. “Other players are ready to play”.

Baladez votre souris et découvrez dans les cercles gris les liens qui font l’histoire de la guerre aux mobiles !



Full disclosure : Xavier Niel est actionnaire, à titre personnel, de la SAS 22Mars, maison mère d’OWNI (à hauteur de 6%). Suite à la scission de 22Mars et OWNI, j’ignore ce qu’il advient de son investissement. Mais comme le dit justement Manhack, OSEF.


Illustrations par Loguy (CC)

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Le régulateur se remet à la neutralité du net http://owni.fr/2012/05/18/le-regulateur-se-remet-a-la-neutralite-du-net/ http://owni.fr/2012/05/18/le-regulateur-se-remet-a-la-neutralite-du-net/#comments Fri, 18 May 2012 15:23:25 +0000 Andréa Fradin http://owni.fr/?p=110630

“Quel contrôle les opérateurs de l’Internet ont le droit d’exercer sur le trafic qu’ils acheminent” ? Pour son dernier rapport ([PDF] et en fin d’article), le gendarme des télécoms français (Arcep) frappe fort en plaçant la surveillance des fournisseurs d’accès à Internet (FAI) au cœur même de la définition du concept de neutralité du Net - qui affirme que les flux d’informations doivent être transportés de la même façon sur le réseau, “indépendamment de leur nature, de leur contenu, de leur expéditeur ou de leur destinataire” (p.9).

Une approche qui tranche avec les positions adoptées par l’Arcep ces derniers mois en matière de neutralité. L’Autorité semble avoir pris en compte certaines mises en garde, dont nous nous faisons le relais depuis des mois. Pour parfois même les reprendre à son compte dans ce nouveau texte, présenté au gouvernement fraîchement installé, au Parlement à venir, mais aussi au public, invité à le commenter jusqu’au 20 juin prochain.

Face à un Internet français qui connaît “des améliorations mais aussi des risques de dégradation”, le régulateur souhaite poursuivre et renforcer les travaux entrepris depuis 2010, et la formulation de ses fameuses “dix propositions” pour un Internet neutre. Dans le viseur, quatre chantiers : renforcement de la concurrence et de la transparence, qualité de service de l’accès à Internet, interconnexion et surtout gestion de trafic. Quelque peu oublié ces derniers mois, l’encadrement de cette pratique est aujourd’hui la pierre angulaire du projet neutralité. Mais si l’Arcep se veut plus offensive, la protection de ce principe dans la loi ne semble pas être à l’ordre du jour.

Opérateurs dans le viseur

Ce qui ne l’empêche pas d’égratigner les opérateurs. Un exercice auquel l’Autorité n’est pas rompu, en particulier dans le cas de la neutralité des réseaux, mais auquel elle s’emploie par petites touches dans ce dernier rapport.

La plus symbolique est certainement d’avoir choisi de lier, dès les premières pages du document, Internet neutre et comportement des opérateurs. A la définition traditionnelle de la neutralité – qui se focalise sur le fond, la non-discrimination des contenus-, l’Arcep préfère désigner les acteurs qui peuvent mettre en œuvre cette discrimination : les FAI. Et appeler un chat un chat. Y compris dans un rapport administratif où les circonvolutions sont généralement de rigueur.

Elle ne révolutionne néanmoins pas le genre et ne répond pas explicitement aux questions qu’elle soulève dès la page 4 :

Le débat sur la « neutralité de l’internet » porte sur la question de savoir quel contrôle les opérateurs de l’internet ont le droit d’exercer sur le trafic qu’ils acheminent. Peuvent-ils bloquer des services, ralentir certaines applications, prioriser certains contenus ? Doivent-ils au contraire s’en tenir strictement au respect du principe d’égalité de traitement, tel qu’imaginé par les concepteurs de l’internet ?

De même, elle n’évacue pas les arguments des opérateurs qui estiment que le principe de neutralité n’est plus forcément compatible “avec la croissance exponentielle du trafic sur les réseaux, notamment mobiles, et avec la nécessité de financer les investissements qui en résultent” (p.4).

Internet se fera sonder en profondeur

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Rencontre avec Luc Saccavini, principal responsable technique du futur observatoire d'Internet de l'Inria. Avec ce ...

Au fil de cette synthèse néanmoins, son argumentaire semble pencher en faveur d’un encadrement effectif voire renforcé des opérateurs. L’Autorité n’hésite pas pour y parvenir à tâcler -certes, en douceur- les orientations des ces derniers.

L’un des coups de griffe les plus significatifs est le pied de nez fait à l’un des arguments préférés des FAI pour justifier les atteintes à la neutralité des réseaux : avec l’augmentation croissance des usages sur Internet, particulièrement gourmands en capacités de réseau (streaming vidéo et musical, jeux en ligne, …), ils estiment devoir supporter des coûts plus importants. Réponse de l’Arcep : non, la hausse du trafic n’est pas liée à une croissance réelle des coûts.

Après avoir disséqué l’investissement requis pour entretenir le réseau fixe d’un FAI, le gendarme des télécoms est sans appel (p.19) :

Les coûts augmentent finalement peu avec la hausse du trafic.

Une réalité souvent brandie par les observateurs en faveur de la neutralité des réseaux, mais aussi par des scientifiques : ainsi l’Inria (l’Institut de la recherche en informatique et en automatique ), il y a quelques mois sur OWNI.

A la décharge des opérateurs, l’Arcep reconnaît néanmoins les investissements importants demandés par le déploiement de nouveaux réseaux (très haut débit fixe et mobile). Mais enfonce le clou, en rappelant aux FAI que s’ils financent ces infrastructures, ce n’est pas en raison “de la seule augmentation du trafic internet”. Bien au contraire, ce mouvement “s’inscrit dans une dynamique beaucoup plus large, qui dépend de la stratégie des opérateurs, de l’impulsion des pouvoirs publics et des choix des utilisateurs.” En clair, mollo sur la complainte des investissements.

Le régulateur des télécoms va encore plus loin, en plaçant les futurs modèles des opérateurs dans son collimateur. Si elle se montre peu claire quand elle les aborde de façon directe, estimant qu’ils peuvent “avoir des conséquences à long terme sur l’écosystème de l’internet, puisqu’[ils] modifient les conditions dans lesquelles les utilisateurs accèdent à l’information ou en diffusent”, elle se veut beaucoup plus incisive en rentrant dans le vif du sujet.

La fin de l’Internet illimité

La fin de l’Internet illimité

Des opérateurs veulent mettre un terme aux forfaits Internet illimités dans les foyers français. Un document de la ...

Ainsi dans le mobile, où elle dénonce “le risque de discrimination” et l’atteinte concurrentielle de certains forfaits. En cause, les offres qui soumettent certaines applications et pas d’autres à la limite de consommation de données sur Internet. Ce seuil, appelé fair use, existe pour la majorité des forfaits mobiles, mais des opérateurs ne l’appliquent pas à des sites de leur choix… souvent partenaires. Ainsi, Orange avec Deezer. L’Arcep recommande donc “que les FAI, d’une part, proposent des offres ne privilégiant pas certains services, d’autre part, qu’à défaut, ils aient une approche par typologie de services et non pas par services individuels.” Et la neutralité sera bien gardée.

L’occasion aussi pour le régulateur de revenir à pas feutrés sur la polémique de l’été dernier, concernant la fin rêvée (par les opérateurs) de l’Internet illimité dans les foyers français. L’Arcep se veut rassurante, estimant l’éventualité “peu probable” (p.47). Mais “à court terme” seulement, et dans “le cadre d’un marché fortement concurrentiel et transparent”“les opérateurs ne sont pas confrontés, pour des consommations classiques, à des coûts d’acheminement du trafic qui augmentent significativement avec le volume consommé”. Beaucoup de conditions pour une situation qui, rappelle l’Autorité, ne met pas directement en cause la neutralité. Qu’elle estime même “préférable” (p.48) aux pratiques qui discriminent des contenus sur d’autres.

Gestion de trafic

C’est d’ailleurs le point chaud du rapport : la gestion de trafic. Ces pratiques qui consistent, pour un opérateur, à favoriser, limiter voire bloquer la diffusion de certains contenus sur Internet. Et “susceptibles, écrit l’Arcep (p.4), d’entraver, dans certaines circonstances, le principe de neutralité de l’Internet.”

Pour encadrer ces pratiques, l’Autorité des télécoms suggère de s’en tenir aux recommandations qu’elle avait formulées en 2010 : oui à la gestion de trafic, nécessaire notamment à la bonne tenue du réseau, mais à condition qu’elle respecte “pertinence, proportionnalité, efficacité, transparence, non-discrimination des acteurs.”

L’intérêt de l’Autorité pour ce comportement n’est donc pas nouveau. Mais voir la gestion de trafic trôner en si bonne place dans le rapport constitue un renouveau. Les militants de La Quadrature du Net pointaient du doigt “un retard considérable” de l’Arcep en la matière. L’autorité semble avoir enregistré le message, et redresse quelque peu la barre.

En particulier dans le mobile, où elle se fait menaçante. Si elle note une “diminution de ces pratiques”, elle estime néanmoins que certaines subsistent, et portent atteinte à la neutralité du Net. En particulier le blocage de services tels que la voix sur IP (Skype, par exemple) ou le peer-to-peer. Si la situation n’évolue pas, l’Arcep prévient qu’elle “détient des compétences qui lui permettront de mettre en œuvre ses recommandations.”

Sur le fixe, l’Autorité se veut tout aussi vigilante, en particulier face à la coexistence de deux modèles sur les tuyaux du Net : l’accès à Internet d’un côté et une multitude de services tels que la télévision ou la téléphonie sur IP, de l’autre. Le premier étant fourni sur le principe du “best effort”, autrement dit, les opérateurs font du mieux qu’ils peuvent ; les seconds bénéficiant d’une qualité garantie – c’est ce qu’on appelle les “services gérés”. L’Arcep redoute de voir la qualité des services gérés progressivement rogner celle de l’accès à Internet même (p.22). Ce qui pourrait mener à un Internet “à plusieurs vitesses”.

Qualité de service sous surveillance

La société civile contrôlera aussi le Net

La société civile contrôlera aussi le Net

Initialement, la qualité du service proposé par vos fournisseurs d'accès à Internet devait être contrôlée par... ces ...

Une situation qui justifie l’observation rigoureuse de la qualité du réseau : ce que l’Arcep tente de mettre sur pied depuis septembre, dans depuis quelques temps, il y a du mieux.

Le régulateur semble en effet avoir pris en compte les mises en garde d’acteurs autres que les opérateurs. En particulier sur la mesure de cette qualité, qui dépendait au départ largement du bon vouloir des FAI. Faisant d’eux juges et parties. Une aberration quelque peu atténuée, mais qui persiste. Ainsi, les opérateurs détiennent toujours la possibilité de choisir le prestataire qui effectuera les mesures sur leur réseau.

L’Arcep appelle donc le Parlement “s’il l’estime utile”, à lui donner “les moyens juridiques et financiers pour mesurer de façon plus indépendante les indicateurs de qualité de service.” Elle s’appuie notamment sur un autre rapport, récent aussi, de Laure de la Raudière (UMP) qui appelait à une telle évolution. Un progrès considérable, quand on sait les difficultés de l’Arcep et de son président, Jean-Ludovic Silicani, à reconnaître les biais de ce dispositif.

Une neutralité socialiste ?

Ce revirement traduit de manière générale une prise en compte plus large des arguments venant d’autres parties que les opérateurs. Encore imparfait, cet ajustement est donc plutôt une bonne nouvelle pour Internet, en particulier à l’heure où la Commission européenne semble plus que jamais proche des intérêts des FAI.

L’Europe délaisse la neutralité du Net

L’Europe délaisse la neutralité du Net

La commissaire européenne en charge des affaires numériques Neelie Kroes a livré ce matin sa vision d'un Internet ...

L’Arcep souhaite-t-elle affirmer son autorité à l’heure d’une recomposition imminente du paysage administratif ? Elle aurait en tout cas tout intérêt à le faire, pour exister face à un CSA (Conseil Supérieur de l’Audiovisuel) qui affiche de plus en plus son ambition de reprendre la main sur les tuyaux du Net. Une attitude qui pourrait aussi expliquer certaines recommandations plus politiques de l’autorité sur des questions qui sortent de ses attributions, comme le blocage de sites. Sur ce point, l’Arcep invite les FAI à “porter une attention particulière aux possibles effets secondaires non souhaités de tout blocage” (p.49).

Reste à savoir comment en France, le nouveau gouvernement, et le Parlement à venir, s’empareront de ce rapport. Lors de la campagne présidentielle, la responsable numérique Fleur Pellerin n’avait pas été très claire quant à ses intentions sur la neutralité. Se disant attachée au principe, elle n’avait pas précisé les modalités concrètes envisagées pour sa protection.

Sur ce point, l’Arcep joue la carte de la prudence, invitant à ne pas trop “détailler” d’éventuelles dispositions, afin d’éviter une péremption de la loi trop rapide (p.55).

La neutralité du Net pourrait néanmoins trouver un allié de taille à la tête même du gouvernement. Jean-Marc Ayrault a déjà exprimé son intention de défendre une loi pro-neutralité : c’était en février 2011, lors de l’adoption avortée d’un projet déposé par le député PS Christian Paul.

Si les législatives de juin prochain donnent aux socialistes une majorité à l’Hémicycle, ce scénario pourrait être envisageable.


Illustrations CC FlickR : Viktor Hertz

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Agir pour la neutralité du Net http://owni.fr/2012/05/10/agir-pour-la-neutralite/ http://owni.fr/2012/05/10/agir-pour-la-neutralite/#comments Thu, 10 May 2012 16:28:23 +0000 Andréa Fradin http://owni.fr/?p=109652

“Les pouvoirs publics devront intervenir dans un avenir proche.” C’est le constat sans appel d’un nouveau rapport [PDF] sur la neutralité des réseaux, remis hier à Eric Besson par Laure de la Raudière.

En avril 2011, la députée UMP avait déjà déposé un texte auprès de l’Assemblée nationale. Le ministre de l’Industrie, depuis peu relevé de ses fonctions, voulait qu’elle complète cette première approche par un “panorama de l’état des débats sur la neutralité du Net en Europe” (p.5).

Conclusion du tour d’horizon : “le jeu de la concurrence n’est pas suffisant pour garantir la neutralité du Net”. Laure de la Raudière préconise une “intervention publique”, accompagnée d’un éventail de mesures en faveur de la transparence des opérateurs, d’un renforcement du régulateur des télécoms (Arcep) et d’une mesure indépendante de la qualité d’accès à Internet.

Transparence limitée

La société civile contrôlera aussi le Net

La société civile contrôlera aussi le Net

Initialement, la qualité du service proposé par vos fournisseurs d'accès à Internet devait être contrôlée par... ces ...

“Mieux vaut prévenir que guérir”(p.14) prévient l’élue UMP. Car si la France est “en avance” en matière de neutralité du Net, de nombreux flous persistent quant au périmètre et aux garanties à apporter à ce principe pourtant fondamental.

Pendant du “mode de fonctionnement historique de l’Internet” il garantit l’acheminement des informations “sans discrimination sur les réseaux” rappelle Laure de la Raudière (p. 4). Concrètement, il embrasse trois “questions” explique le rapport : “la gestion de trafic (blocage, dégradation ou priorisation de certains flux)”, “l’interconnexion” (la façon dont les acteurs du Net se relient entre eux) et le filtrage du réseau.

Trois questions aux conséquences essentielles en termes économiques d’abord mais aussi de liberté d’expression et d’information sur Internet. Trois questions qui imposent donc d’éviter d’adopter “des décisions dans l’urgence”: “il faut anticiper”‘ conclut l’étude (p.14).

Anticipation d’abord synonyme d’une intervention des pouvoirs publics, “nécessaire pour corriger le marché”.

Parallèlement à cette initiative, Laure de la Raudière invite le gouvernement à “améliorer” la transparence des opérateurs. Selon elle, les fournisseurs d’accès à Internet (FAI) sont “prêts à travailler à rendre leurs offres plus lisibles pour les consommateurs et mieux expliquer la façon dont ils gèrent le trafic” (p.15). Ce qui tombe plutôt bien mais qui semble un poil optimiste.

Parler ouvertement de leurs pratiques dite de gestion de trafic, autrement dit, expliquer quels services ou applications ils bloquent ou favorisent, fait encore grincer quelques dents du côté des opérateurs. La transparence constitue bien souvent le nœud des dissensions au sein des différents groupes de travail (et ils sont nombreux) qui se penchent sur la neutralité des réseaux.

La neutralité cachée d’Internet

La neutralité cachée d’Internet

Alors que le gendarme des réseaux, l'Arcep, présente ses travaux en conférence de presse ce vendredi matin, OWNI ...

L’Arcep, qui a récemment confié l’étude de ces pratiques au comité chargé de mesurer la qualité de l’accès à Internet, s’est ainsi confrontée à une levée de boucliers du secteur des télécoms. Comme nous vous l’annoncions il y a quelques jours, cette analyse devrait bénéficier d’un statut à part, ne faisant pas l’objet d’une publication systématique, ouverte et transparente, à l’inverse des autres résultats.

De même, le groupe responsable de la “transparence relative aux pratiques de gestion de trafic” devrait tourner à bas régime. Vite rebaptisé “groupe de travail sur la différenciation technique et tarifaire”, une appellation plus heureuse pour les opérateurs, il devrait surtout consister à mettre en place une signalétique, visant à indiquer aux abonnés à Internet la nature de leur forfait. Une bonne nouvelle pour les consommateurs, mais qui évite soigneusement d’aborder un détail essentiel : l’encadrement de ces pratiques elles-mêmes. Une transparence a minima.

Arcep renforcée

Dans ses conclusions, Laure de la Raudière s’attarde aussi sur la nécessité que “les consommateurs aient confiance dans les services que leur fournissent les opérateurs.” Seule solution pour y parvenir :

Il faut que la qualité de service soit évaluée par un acteur indépendant.

Les télécoms perdent toute autorité

Les télécoms perdent toute autorité

Hier matin, le régulateur des télécoms a tenu sa conférence de rentrée. L'occasion de poser les questions qui fâchent ...

Une préconisation qui fait clairement écho à la polémique suscitée par le chantier de mesure de la qualité d’accès à Internet, mené depuis plusieurs mois au sein de l’Arcep, et dont OWNI suit l’évolution. Dès le départ, experts et associations ont dénoncé le manque d’indépendance du prestataire chargé de la récolte des données : choisi par les seuls opérateurs, il ne pouvait constituer à lui seul une garantie d’indépendance.

Sans se référer explicitement aux travaux de l’Arcep, Laure de la Raudière partage ces craintes et propose, pour s’en prémunir, de doter l’autorité de nouveaux moyens : “en France, l’Arcep doit être dotée des moyens de faire réaliser des mesures indépendantes, soit par le biais de sa dotation budgétaire, soit en lui donnant (juridiquement) la faculté d’imposer un prestataire aux opérateurs pour faire réaliser, sous son contrôle mais à leurs frais, des mesures de qualité de service.”

Cet appel au renflouement des caisses de l’autorité des télécoms ne devrait pas déplaire à son patron, Jean-Ludovic Silicani. Interrogé il y a quelques mois par OWNI sur ce dossier brûlant, il avait renvoyé le politique dans ses cordes, lançant :

Si les parlementaires veulent attribuer plus de pouvoir à l’Arcep, ils doivent le prévoir !

Message visiblement reçu du côté de Laure de la Raudière.

Gommage des disparités

Si les conclusions de l’élue UMP sont en faveur d’une protection renforcée de la neutralité, la neutralité des réseaux ne suscitent pourtant pas le consensus en Europe. C’est l’un des éléments clés du rapport : tous ne s’accordent pas sur la façon de garantir ce principe.

Selon les pays, l’approche diffère : d’une protection législative de la neutralité aux Pays-Bas (p.13) à un scepticisme sur l’opportunité à agir. Ainsi au Royaume-Uni, où a été préférée une “auto-régulation de l’industrie” indique l’étude, ou même au sein des institutions européennes, parmi lesquelles la Commission, depuis longtemps engagée dans une valse hésitation sur le sujet, dénoncée à de nombreuses reprises. Elle était “initialement réticente à intervenir”, commente Laure de la Raudière.

Initialement. Les temps changent, note l’élue UMP ; au fil des réflexions menées dans les différents États, leurs disparités semblent s’atténuer. “J’ai pu constater [...] combien l’orientation de la Commission avait changé” confie-t-elle. Les travaux réalisés par l’Orece, le régulateur européen des télécoms, sur les pratiques de gestion de trafic des opérateurs, auraient infléchi la position de l’institution :

Pour les services de la Commission européenne, ces premiers résultats montrent qu’il existe des entorses au principe de neutralité du Net.

Flou de la Commission

L’Europe délaisse la neutralité du Net

L’Europe délaisse la neutralité du Net

La commissaire européenne en charge des affaires numériques Neelie Kroes a livré ce matin sa vision d'un Internet ...

Reste à savoir si elle souhaitera mettre un terme à ces pratiques. Or pour le moment, ses troupes n’en font pas la démonstration. En matière de neutralité, la commissaire en charge du dossier, Neelie Kroes, s’illustre à l’inverse par sa modération et son ambiguïté. Dans une récente sortie, à la World Wide Web Conference de Lyon, elle se disait ainsi “engagée à garantir la neutralité du Net” d’un côté, tout en refusant d’associer ce combat au “bannissement de toutes les offres ciblées ou limitées” de l’autre. Rien de bien nouveau donc sous le soleil européen.

Si ce n’est peut-être l’émergence d’un nouveau discours, qui met la responsabilité de la neutralité sur le dos des consommateurs. Et qui évacue d’un même coup toute initiative législative forte.

Dans ce même discours de Lyon, Neelie Kroes assimilait la transparence des offres des opérateurs à l’assurance d’une neutralité des réseaux protégée : être neutre signifiant alors “laisser aux consommateurs la possibilité de choisir librement et aisément s’ils les souhaitent ou non”. Quitte à ce qu’ils choisissent un accès à Internet non neutre :

Et bien très bien. C’est loin d’être de la censure. Si on a seulement besoin de consulter occasionnellement les e-mails en 3G et que quelqu’un est prêt à vous offrir ce service – pourquoi devrait-on subventionner ceux qui consomment des films ?

Difficile alors de percevoir ce revirement dont le rapport se fait pourtant écho. Il faudra bien pourtant que l’Europe clarifie ses positions. Car c’est bel et bien elle qui sera l’ultime garante de la neutralité des réseaux. Comme le souligne le rapport, “une définition homogène [...] devrait être promue au niveau européen.” Pas encore gagné.



Portrait d’Eric Besson via la galerie Flickr du MEDEF (CC-bysa) / Laure de la Raudière via UMP photo (CC-byncnd)

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http://owni.fr/2012/05/10/agir-pour-la-neutralite/feed/ 2
La société civile contrôlera aussi le Net http://owni.fr/2012/05/07/la-societe-civile-controlera-aussi-le-net/ http://owni.fr/2012/05/07/la-societe-civile-controlera-aussi-le-net/#comments Mon, 07 May 2012 11:00:14 +0000 Andréa Fradin http://owni.fr/?p=109089 OWNI. Mais, sous la pression de plusieurs associations, le régulateur des télécoms (Arcep) ajuste le tir dans son projet de mesure de la qualité du Net français, selon des informations que nous avons recueillies auprès de proches du dossier. Un début de bonne nouvelle pour les consommateurs.]]>

Branchements internet de trois opérateurs différents - (cc) Nicolas Nova

“Très positif”. En plaçant des garde-fous dans le dispositif visant à mesurer la qualité de l’accès à l’Internet fixe, l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep) a marqué des points. Surtout auprès de certains représentants de la société civile, dont la voix devrait porter plus que prévu. Une caution non négligeable, même si tout reste à faire pour prendre le pouls du Net français en toute transparence.

Gardiens de la transparence

Désormais, les structures pressenties pour auditer la qualité du Net en France ne sont plus les seuls opérateurs. Aux côtés de France Télécom, SFR, Bouygues Telecom, Free, Numericable, Darty Telecom – qui couvrent plus de 100.000 foyers- et de la Fédération Française des Télécoms (FTT), qui les représente pour la plupart, l’Arcep a décidé d’ajouter les “représentants d’associations d’utilisateurs et des experts indépendants ayant manifesté leur intérêt pour le travail.”

Free, SFR, Orange et Bouygues en autocontrôle

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Accorder à Orange, Free, SFR et Bouygues le luxe de devenir les seuls juges de la qualité de leurs offres d'accès à ...

Une décision présentée il y a quelques jours dans les locaux de l’Autorité, qui rompt avec les premières orientations des travaux. Ces derniers mois, la ligne suivie par l’Arcep laissait en effet aux fournisseurs d’accès à Internet (FAI) la maîtrise de la mesure d’un bout à l’autre de la chaîne : choix de la méthodologie, du responsable des mesures…

Certaines associations (Afnic, La Quadrature du Net, UFC Que Choisir) avaient pointé du doigt les risques d’une telle orientation, qui confie aux FAI le double rôle avantageux de juge et partie : fournissant une prestation d’un côté, lui donnant une note de l’autre. Pour en faire au final une utilisation commerciale, vantant les bons résultats de la mesure.

Face à la levée de boucliers de la société civile, l’Arcep a donc changé de cap. Une décision qui va plutôt “dans le bon sens” nous confie-t-on du côté des opérateurs, qui souhaitent dénouer “le fantasme sur la relation entre l’autorité et les opérateurs.”

Encadrement et contrôle

Concrètement, le “comité technique” ainsi installé a la lourde tâche de définir et d’installer le système permettant de mesurer la qualité du réseau français à l’horizon 2013. Le tout dans un souci de “transparence de la démarche”, ainsi que de “sincérité et [d’]objectivité des mesures”, indiquent les documents de travail que nous avons consultés.

Des paroles suivies d’encadrements stricts. A priori. Dans une “charte de fonctionnement”, l’Arcep indique que “les opérateurs s’engagent” à justifier le choix du prestataire unique chargé de mesurer la qualité du réseau. Expliquer les raisons de leur préférence mais aussi incorporer les éventuelles remarques adressées par les autres membres du comité technique. A savoir, la société civile. Une nouveauté que les opérateurs disent accepter, sous réserve de “proportionnalité”. Autrement dit, hors de question qu’ils prennent en charge un dispositif, qu’ils sont déjà obligés de financer, trop coûteux. La distinction entre les précautions nécessaires et superflues seront à coup sûr au centre de tous les débats.

Internet se fera sonder en profondeur

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Rencontre avec Luc Saccavini, principal responsable technique du futur observatoire d'Internet de l'Inria. Avec ce ...

Les opérateurs et l’Arcep s’orienteraient vers la mise en place de “lignes dédiées”, sur lesquelles le prestataire effectuerait 24 heures sur 24 une batterie de mesures. Débits descendant et ascendant, temps de chargement d’une page web ou qualité de visionnage de vidéos devraient être passés au crible.

Pour encadrer le dispositif, le gendarme des télécoms s’engage également à financer un système de mesures parallèles. En janvier, l’organisme de recherche Inria proposait de s’associer à l’initiative. Difficile à ce stade d’en savoir davantage, mais l’Arcep favoriserait le volontariat, des internautes effectuant eux-mêmes des tests à domicile. Contactée par OWNI, l’autorité s’abstient de tout commentaire, indiquant qu’elle ne communiquerait que lorsqu’elle aura “une annonce finalisée à faire.”

Reste à savoir comment les résultats de ce contrôle individuel pourra être comparé à ceux du prestataire, sur les “lignes dédiées”. Autrement dit, sur des lignes privées de tous les biais liés à un usage quotidien et normal du Net : performances du poste, accès en WiFi…

Gestion de trafic dans le viseur

Plus intéressant encore, l’Arcep réintègre dans son dispositif les mesures de gestion de trafic. Ces pratiques des opérateurs, qui permettent de dégrader ou même de bloquer un site ou un service -à tout hasard, le peer-to-peer-, avaient été d’abord écartées du chantier. Chantier visant pourtant à juger la qualité de la prestation des FAI. Une aberration pour La Quadrature du Net, qui avait signalé à l’Arcep la nécessité de leur prise en compte dans un chantier visant à garantir la neutralité des réseaux :

Pour pallier aux graves carences de son approche de la notion de qualité de service, l’Arcep doit faire évoluer ses indicateurs, de manière effective, vers la mesure des pratiques de gestion de trafic et de la dégradation sélective [...]. Pour ce faire, elle doit réfléchir urgemment à un calendrier et à une méthode adéquats. Il n’y a qu’ainsi qu’elle pourra contrôler les dires des opérateurs quant à leurs pratiques de gestion de trafic et contrôler le respect de leurs obligations de transparence.

Pas sûr néanmoins que le résultat de ces mesures atterrissent dans le grand public. L’affaire est soumise à de multiples précautions. Car si l’on constate une dégradation de service sur un réseau, l’opérateur qui en a la charge risque d’être mis au ban des consommateurs. Or il peut pâtir des mauvaises pratiques d’un concurrent, plaident les FAI :

Sur le peer-to-peer par exemple, il suffit qu’un maillon fasse une restriction pour qu’elle soit identifié sur l’ensemble de la chaîne.

L’Arcep va donc prendre ces mesures avec des pincettes, en n’effectuant dans un premier temps que des tests très simples sur les débits. Afin de déterminer si les offres vendues par les opérateurs correspondent à la réalité.

Les autres mesures quant à elles devraient faire l’objet de publication semestrielle. Les consommateurs pourront les retrouver à la fois sur le site des opérateurs et sur le site de l’Arcep.

Rien n’est cependant arrêté, puisque le régulateur prévoit de lancer une nouvelle consultation publique sur le sujet. Mais les réajustements du gendarme des télécoms rendent optimistes certains participants, qui ”n’attendaient plus rien ou très peu” de ce groupe de travail. S’ils reconnaissent les efforts de l’Arcep, d’autres en revanche se montrent plus prudents. A l’UFC Que Choisir, le responsable des dossiers numériques Édouard Barreiro reconnaît ainsi la “bonne volonté de l’Arcep” tout en regrettant que “la collecte et le premier traitement des informations issues des mesures demeurent au main des opérateurs.” “Il y a toujours une suspicion”, conclue-t-il. Difficile en l’état de s’assurer que les mesures de contrôle seront suffisantes. Surtout au vu de la charge de travail, que les représentants de la société civile auront le plus grand mal à suivre. L’un d’entre eux confie : “ils ouvrent les portes, mais nous n’avons pas les moyens de participer à toutes ces réunions. À l’inverse des opérateurs.”

Pour le comité technique en effet, la tache s’annonce chronophage : deux réunions par mois sont à prévoir jusqu’en 2013. Puis d’autres, pour assurer le suivi du dispositif. Un fardeau titanesque mais nécessaire, pour faire en sorte que cette mesure donne aux 22 millions de foyers branchés en haut ou très haut débit une véritable chance de contrôler la prestation de leur FAI. Et pour que ce projet ambitieux ne devienne pas un simple miroir aux alouettes.


Photo par Nicolas Nova (CC-by)

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La guerre des tuyaux http://owni.fr/2012/04/04/interconnexion-arcep-tuyaux-guerre/ http://owni.fr/2012/04/04/interconnexion-arcep-tuyaux-guerre/#comments Wed, 04 Apr 2012 15:33:31 +0000 Andréa Fradin http://owni.fr/?p=104515

L’Arcep veut fouiller les entrailles du net ! Le gendarme des télécoms cherche à comprendre les accords qui se nouent dans l’ombre, entre les différents acteurs de l’Internet, des plus connus (fournisseurs d’accès à Internet et sites) aux plus anonymes (tels que des intermédiaires techniques), afin que les octets circulent entre eux et jusqu’à l’internaute. Une décision [PDF] en ce sens a été publiée vendredi pour “la mise en place d’une collecte d’informations sur les conditions techniques et tarifaires de l’interconnexion et de l’acheminement de données” sur le réseau.

L’internaute, au bout de la chaine, a rarement conscience de ce business de coulisses. Pourtant, dès que ça bloque dans les tuyaux, l’effet peut vite se faire sentir sur sa navigation et déterminer ce à quoi l’utilisateur a ou non accès sur Internet. Ainsi pour les abonnés de Free, qui ont parfois du mal à lire une vidéo sur YouTube : une bisbille d’interconnexion ! Un cas concret à l’image d’un rapport de force bien plus large, qui oppose les opérateurs aux titans du web tels que Google ; les premiers exigeant des seconds qu’ils mettent davantage la main au porte-monnaie afin d’entretenir les infrastructures d’Internet. Car dans les tuyaux comme ailleurs, l’argent est le nerf de la guerre.

Résultat, la petite spéléologie appliquée au réseau que souhaite l’Arcep divise les forces en présence. Les seuls opérateurs nationaux à avoir répondu, Orange, SFR (dont la réponse n’a pas été rendu publique à sa demande) ou Free, y sont plutôt favorables quand d’autres, en majorité représentants des sites Internet, s’opposent à une telle initiative.

Petite spéléologie appliquée au réseau

Pour l’Arcep néanmoins, la question ne se pose pas : il faut étudier ces “prestations d’interconnexion et d’acheminement de données”, qu’elle juge au “fondement” même de l’Internet. En particulier parce qu’elles renvoient à des“usages et [des] contrats partiellement non écrits et souvent non publics” peu propices à une compréhension limpide du marché. Historiquement en effet, ces accords d’interconnexion se concluent de façon informelle, au coin d’une table, autour d’une bière, et font l’objet de clauses de confidentialité.

La neutralité cachée d’Internet

La neutralité cachée d’Internet

Alors que le gendarme des réseaux, l'Arcep, présente ses travaux en conférence de presse ce vendredi matin, OWNI ...

Par ailleurs, aussi étonnant que cela puisse paraître, en matière d’interconnexion la règle n’est pas à la rétribution. Mais plutôt au troc : les raccordements au réseau n’entraînent en général aucune contrepartie sonnante et trébuchante. On parle alors de “peering”. Et à en croire une étude du Packet Clearing House relevée par Google [PDF] dans sa réponse [ZIP] à l’Arcep sur le sujet, ce serait encore majoritairement le cas à plus de 99%. Un modèle d’autorégulation, spécifique à Internet, et à la base même de sa construction. L’idée étant que chaque acteur, de taille équivalente, a intérêt à se relier à un autre. Et qu’il ne sert à rien – sauf à engendrer des frais administratifs inutiles – de facturer cette liaison, puisque le trafic envoyé par l’un est équivalent au trafic envoyé par l’autre. En somme, du gagnant-gagnant, dans lequel les trafics se compensent. Mais où il est difficile pour une institution comme l’Arcep d’y voir clair.

Pour autant, hors de question de réguler ex ante ce marché si particulier : la Commission européenne a d’ailleurs déjà communiqué en ce sens. L’autorité des télécoms française déclare simplement désirer étendre sa connaissance des usages d’interconnexion via la mise en place d’un questionnaire, auxquels certains acteurs auront l’obligation de répondre “au plus tard deux mois après la fin de chaque semestre, à compter du premier semestre 2012.” Première échéance : 31 août prochain, prévient l’Arcep, qui exige des informations très précises : “nom et coordonnées du partenaire”, “informations sur le point / site d’interconnexion” ou bien encore “conditions financières” de la liaison.

Une curiosité qui fait frémir les parties concernées, quelque soit leur bord, opérateur ou éditeur. Dans une synthèse [PDF], l’autorité indique ainsi :

La quasi-totalité des contributeurs souligne le caractère hautement confidentiel des informations demandées et invite l’ARCEP à garantir pleinement, notamment sur le plan réglementaire, la confidentialité des  données collectées (secret des affaires) et à expliciter l’utilisation effective qu’elle entend en faire.

Internet, c’est pas français

D’autant qu’un autre problème de taille s’oppose à la divulgation de ces informations : si le régulateur peut demander de telles informations à des acteurs nationaux, il paraît beaucoup plus compliqué de le faire au niveau international. Problème : qui dit Internet, dit portée mondiale. L’Arcep en a d’ailleurs pleinement conscience puisqu’elle déclare vouloir étudier “les conditions de l’interconnexion et de l’acheminement de données susceptibles d’avoir un effet sur le territoire français, et ce quel que soit l’endroit où la personne concernée est établie.” On voit mal néanmoins comment elle peut parvenir à ses fins. Ce qui ne l’empêche pas d’essayer.

Ainsi, seuls les opérateurs de communication électronique qui ont “l’obligation de se déclarer à l’Arcep” sont tenus de répondre au questionnaire. En clair, des acteurs comme les FAI (Orange, Free, etc.) ou les hébergeurs tel OVH explique l’Autorité interrogée par OWNI. Quant aux autres, en particulier les sites étrangers, le régulateur se réserve le droit de les consulter afin de “vérifier ou compléter les informations recueillies” dans le questionnaire. Entre notamment en ligne de compte les acteurs ayant développé une “démarche active” à l’égard des internautes français : outre être établi dans l’Hexagone, détenir un site Internet en .fr, proposer des contenus en français ou bien encore proposer des services fournis en France. Ce qui fait pas mal de monde.

Dans le tas, certains ont déjà fait comprendre au régulateur français qu’il était hors de question de le voir mettre son nez dans leurs affaires. Ainsi l’opérateur Verizon, l’un des principaux opérateurs aux États-Unis, conclue sa réponse [ZIP] par un cinglant :

Verizon France apporte la démonstration que le projet de collecte trimestrielle d’informations sur les conditions techniques et tarifaires d’interconnexion et d’acheminement de données [...] est dépourvu de toute base légale lui permettant de l’imposer aux opérateurs. C’est pourquoi Verizon France sollicite de l’Autorité le retrait pur et simple de ce projet.

Même fin de non recevoir du côté des anglais du LINX, ou London Internet Exchange, échangeur londonien où s’interconnectent près de 400 acteurs de l’écosystème Internet. “Il y a tellement de pays dans le monde, si la responsabilité des opérateurs venait à être étendue aux autorités de toutes les pays concernés par leurs opérations, y compris ceux qui sont indirectement affectés, ils supporteraient une charge insupportable et le conflit juridique serait impossible à résoudre”, explique [ZIP] le responsable juridique de LINX, en qualifiant le projet de l’Arcep d’“obligation extra-territoriale” qui ne saurait s’appliquer aux opérateurs non établis en France. Y compris s’ils sont connectés à un réseau français.

Impasse juridique

Du côté des frenchies, on refuse aussi de jouer le jeu. France Telecom a indiqué [ZIP] qu’il ne donnerait pas d’informations concernant les acteurs étrangers avec qui il est en relation. Une alternative qui aurait pu s’avérer pratique pour contourner l’impasse juridique. Mais pour l’opérateur historique, “aucune obligation relevant de la réglementation sectorielle ne peut contraindre un opérateur national, à révéler l’identité ou des informations relevant strictement du secret des affaires portant sur un contractant, ne disposant d’aucune activité de fournisseur de services de communications électroniques sur le territoire national.” Sauf éventuellement dans le cas d’une enquête formelle menée par le régulateur français, qui peut être saisie de différends opposants certains acteurs du secteur. Mais pas dans le cadre d’une simple collecte d’informations.

Sans compter que le dispositif est lourd et contraignant. De nombreux acteurs, opérateurs comme éditeurs de contenu, s’en inquiètent, signalant qu’un relevé de données trimestriel engendrerait un coût non négligeable, en particulier pour les acteurs plus modestes d’Internet. Ce qui pousse les représentants des sites Internet tels que Google ou Facebook à plaider en faveur d’une démarche plus hiérarchisée au sein de l’Arcep. Le lobby Voice on the Net (VON) Europe, qui regroupe en son sein Google ou Skype, accuse [ZIP] ainsi le régulateur français de trop se disperser, laissant de côté des problèmes prioritaires, tels que “les pratiques discriminatoires mises en place par les opérateurs en France” sur les réseaux mobile et fixe :

VON s’étonne par ailleurs de voir que, alors que des projets précédents lancés dans le cadre de la neutralité des réseaux n’ont pas encore abouti de façon concrète, l’ARCEP se concentre maintenant sur l’interconnexion et les accords de peering entre les différents acteurs. Le fameux proverbe ‘Qui trop embrasse, mal étreint’ nous vient quelque peu à l’esprit.

La guerre du net

Un marché opaque, qui a le défaut de s’étendre au monde entier et sur lequel l’Arcep n’a que peu de prises. Pourquoi alors avoir publié cette décision, qui ne semble avoir qu’une portée très relative et bien maigre sur le vaste monde de l’Internet ?

Difficile d’en savoir plus en interrogeant directement l’Arcep. Il semblerait néanmoins que l’autorité veuille mettre son nez dans “un désaccord profond” qui “s’est installé et s’exprime de plus en plus concernant le financement de l’acheminement du trafic”. Désaccord qui s’assimile davantage à une guerre de position entre FAI et géants du web. Pour les opérateurs, les sites générateurs de contenu, tels que YouTube, encombrent leurs réseaux sans pour autant mettre la main à la poche. Pour les seconds, si les FAI disposent d’autant d’abonnés, c’est parce que les internautes veulent consulter les contenus que les sites mettent à leur disposition. Les forfaits doivent donc financer en contrepartie l’entretien des tuyaux du net, afin que les octets arrivent à bon port, sans encombres.

Le modèle d’interconnexion à la bonne franquette a donc du plomb dans l’aile. Les opérateurs, écrivait encore l’Arcep en 2010, souhaitant “une refonte des mécanismes d’interconnexion” afin de mettre en place un système plus formalisé, contrat et rémunération à l’appui, “sur le même modèle que la terminaison d’appel vocal.”

En France, cette guerre de tranchée a un emblème : l’affrontement de Free et YouTube, qui dure depuis des années. Les abonnés à Free savent qu’il est parfois difficile de consulter les vidéos du site de Google, en particulier à l’heure où la demande est la plus grande, le soir venu. Difficile en revanche de savoir qui en est responsable. Du côté de chez Free, on plaide que YouTube sature le réseau, et qu’il doit faire le nécessaire pour acheminer correctement ses vidéos jusqu’aux internautes. Le nécessaire étant un investissement dans les infrastructures du réseau. Et si Google garde le silence en la matière, des associations le représentant, telle que l’Asic, a déjà eu l’occasion d’expliquer sa position sur le sujet : les sites aussi contribuent au financement des tuyaux, pas la peine d’en rajouter. Résultat : chacun se renvoie la patate chaude. Et en attendant, les internautes se voient bénéficier d’un accès restreint à une partie d’Internet.

Bien plus qu’une seule question de techniciens ou d’argentiers, la guerre de l’interconnexion met donc la nature même d’Internet en jeu. Au même titre que les groupes de travail sur la qualité de service de l’accès à Internet, ou sur la transparence des pratiques des opérateurs sur Internet : toutes ces réflexions entrent dans le grand chantier neutralité des réseaux dans laquelle l’autorité s’est lancée fin 2010. Un rapport était attendu au Parlement et au Gouvernement “début 2012″ [PDF]. Il se fait toujours attendre.


Illustrations via FlickR: Quelqueparsurterre [cc-by-nc] et AndiH [cc-by-nc-nd]

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La neutralité cachée d’Internet http://owni.fr/2012/03/23/lintrouvable-neutralite-du-net/ http://owni.fr/2012/03/23/lintrouvable-neutralite-du-net/#comments Fri, 23 Mar 2012 07:02:47 +0000 Andréa Fradin http://owni.fr/?p=103049 OWNI dresse un bilan critique du chantier de la neutralité d'Internet et des réseaux. Un sujet stratégique pour l'avenir du numérique. Pour l'heure, les multiples compromis du moment portent en germe les compromissions de demain. ]]>

La neutralité des réseaux : “La moitié du travail du régulateur sur les deux années à venir”. Selon le patron de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep) Jean-Ludovic Silicani, le sujet est le gros morceau qui occupera le gendarme des télécoms à l’avenir. Et qui le tourmente déjà.

L’autorité devait initialement rendre un rapport sur le sujet “au Parlement et au Gouvernement début 2012″. Fin mars de cette même année, l’affaire patine encore, saucissonnée en plusieurs groupes de travail, eux-mêmes répartis entre Paris et Bruxelles.

Pas facile d’y voir clair, mais l’Arcep nous l’assure : la neutralité sera au menu de sa conférence de presse de ce matin. Sans l’attendre, nous avons anticipé en réalisant une première inspection du chantier de la neutralité. Pour un résultat foutraque et opaque : peu d’informations filtrent sur l’avancement des travaux. Du côté des opérateurs, on refuse de communiquer sur le sujet, redoutant de voir la polémique de l’été dernier, sur la fin de l’Internet illimité, renaître. Pourtant, sous des apparences technocratiques et emberlificotées, ce débat a tout intérêt à être porté à la connaissance des usagers. Car c’est la définition même d’Internet qui est en jeu. Une définition susceptible de considérablement rogner les prés carrés de Bouygues, Orange et consorts…

Juge et partie

La fin de l’Internet illimité

La fin de l’Internet illimité

Des opérateurs veulent mettre un terme aux forfaits Internet illimités dans les foyers français. Un document de la ...


Premier volet du chantier neutralité : la “qualité de service de l’accès à Internet”. Bien avancé, ce groupe de travail a pour objectif de prendre le pouls du réseau français, afin d’apprécier la qualité des prestations des plus gros fournisseurs d’accès à Internet (FAI). Et pour éventuellement fixer, dans un second temps, un seuil au-dessus duquel le service des FAI sera jugé “suffisant”. L’enjeu est donc de taille pour ces derniers. C’est leur cœur de métier qui est ici évalué.

Si l’initiative est saluée de toute part, opérateurs, associations, experts réseau ou scientifiques s’accordant sur la nécessité de dresser un panorama de l’état du net français, de nombreux écueils sont pointés du doigt. Le plus gros étant le risque de mainmise des FAI sur la mesure, l’Arcep leur accordant en la matière des avantages considérables. Comme le choix du prestataire en charge de cette tâche ; confiant peu ou prou aux FAI un rôle de juge et partie. Un avantage sous le feu des critiques, dont OWNI s’est fait l’écho dès le démarrage de ce groupe de travail.

Dans sa réponse à la consultation publique [PDF] lancée par l’Arcep sur le sujet -et désormais clôturée-, l’association de défense des libertés sur Internet La Quadrature du Net s’en alarme :

Le fait que les opérateurs aient le choix du prestataire réalisant les mesures pose problème du point de vue de l’objectivité et de la sincérité des ces dernières, et les orientations fournies pour contrôler ces aspects n’apparaissent pas suffisamment convaincantes.

Les opérateurs juges et parties du net

Les opérateurs juges et parties du net

Le régulateur des télécoms cherche à déterminer la qualité du réseau français. Pour mettre en place le dispositif de ...

Pour remédier à ce problème, l’Afnic, qui a également publié sa réponse à la consultation du régulateur, préconise que les mesures soient effectuées “par un tiers réellement indépendant, s’appuyant sur des logiciels ouverts et publics, et en suivant une méthodologie transparente.”

Interrogée par OWNI, l’association UFC-Que Choisir, qui avait déjà alarmé l’Arcep à ce sujet, va plus loin : en l’état, les orientations du régulateur pour définir la qualité du réseau français “ne peuvent pas permettre d’atteindre cet objectif.” “Les méthodes choisies ne peuvent aboutir à une information transparente, objective et indépendante pour le consommateur” ajoute Édouard Barreiro, responsable du numérique à l’UFC.

Car outre le choix du prestataire, les opérateurs garderaient également la main sur la définition de la méthodologie employée pour la mesure, ou “référentiel commun”. De même, la solution préconisée par l’Arcep, qui consiste en la pose d’une “sonde matérielle” sur la ligne des utilisateurs, peut être contournée. “Le risque existe en effet que les opérateurs biaisent les mesures, par exemple en offrant une qualité de service supérieure aux abonnés « tests » ainsi repérés”, prévient La Quadrature du Net. Là encore, des mesures de contrôle indépendantes sont préconisées.

Les télécoms perdent toute autorité

Les télécoms perdent toute autorité

Hier matin, le régulateur des télécoms a tenu sa conférence de rentrée. L'occasion de poser les questions qui fâchent ...

Pour le moment, difficile de connaître les intentions des opérateurs. Contactés par OWNI, la majorité se refuse à donner son avis sur la question avant que le gendarme des télécoms ne publie officiellement les réponses. De même pour la Fédération française des télécoms, qui réunit les FAI (à l’exception notable de Free et Numericable) et qui n’a pas souhaité nous en dire plus, tout en confirmant avoir répondu à l’appel de l’Arcep.

Laquelle devrait donner la date de publication de ces contributions après la conférence de presse de ce vendredi, sans donner plus de précisions. Il y a quelques mois, nous avions demandé au patron du gendarme des télécoms Jean-Ludovic Silicani de réagir à ces critiques : visiblement irrité, il nous avait renvoyé à ” l’auto-responsabilité des entreprises”. “Nous faisons confiance aux opérateurs, sans pour autant exécuter leurs ordres” avait-il ajouté.

Opaque transparence

Pas sûr que ces déclarations suffisent à dissiper les inquiétudes. D’autant qu’un autre groupe de travail, toujours sur la neutralité des réseaux, vient corser l’affaire.
En collaboration avec l’Arcep, deux délégations du ministère de l’Industrie (la DGCIS et la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), planchent parallèlement sur la question de la “transparence relative aux pratiques de gestion de trafic” mises en place par les opérateurs.

A priori, l’enjeu est de faire en sorte qu’Orange, Free, SFR ou Numericable communiquent sur la réalité de leurs offres Internet, en indiquant clairement pour quels services leurs clients paient. Une approche particulièrement importante sur le mobile, sur lequel le peer-to-peer ou la voix sur IP (par exemple Skype) ont été historiquement bannis des abonnements.

L’Internet illimité au purgatoire

L’Internet illimité au purgatoire

L'idée de brider Internet était promise aux enfers. À en croire les opérateurs, en particulier Orange, le projet aurait ...

Mais là encore, difficile d’en savoir davantage. Côté Arcep et DGCCRF, c’est motus et bouche-cousue. “Il n’est pas opportun de communiquer là-dessus” nous affirme-t-on du côté de Bercy, sans toutefois préciser la nature de cette inconvenance. Il semblerait que l’ombre de l’été dernier plane sur le groupe de travail : les opérateurs redoutent en effet de voir se répéter la sortie médiatique sur la fin de l’Internet fixe illimité. Pour éviter ce fiasco, hors de question que le moindre élément filtre. Drôle de situation pour un groupe qui travaille à rendre plus transparente la communication des opérateurs . Chez ces derniers, certains expliquent qu’un tel silence est moins dû à l’enjeu des discussions qu’à leur nature. En bref : tout ce qui touche à la neutralité suscite passions et polémique, quelques soient les intentions, bonnes ou mauvaises, des FAI.

En attendant, communiquer sur les modalités des nombreux forfaits offrant un accès à Internet, c’est aussi prendre le risque de voir sauter l’appellation “Internet”. Si tant est que l’on veuille protéger le principe de neutralité des réseaux, qui affirme que les contenus doivent être traités de manière égale sur Internet – à de rares exceptions près. Une orientation que semble vouloir prendre l’Arcep, à en croire ses dix recommandations sur le sujet [PDF], en date de septembre 2010. Le régulateur préconisait alors qu’en dehors de certaines exceptions strictement encadrées, le terme Internet ne saurait être utilisé.

En théorie, les opérateurs risquent donc de perdre le précieux label pour certaines de leurs offres. Des offres fixes et mobiles sans le mot “Internet” : une option peu souhaitable pour faire commerce. Mais que les opérateurs se rassurent. Car des “pratiques de gestion de trafic”, il devrait être assez peu question au sein de ce groupe de travail. L’intitulé lui-même aurait déjà sauté. L’expression, plus large -et donc plus vague- de “groupe de travail sur la différenciation technique et tarifaire” ayant été privilégiée dès les premières réunions.

En bref, pas ou peu de soucis pour les FAI. La réflexion ne devrait pas dépasser la seule mise en place d’une signalétique, qui vise à indiquer aux abonnés à Internet la nature de leur forfait. Un progrès déjà notable pour ces derniers. Mais qui laisse de côté un détail majeur, voire central : l’encadrement des pratiques de gestion de trafic elles-même. Soit en somme, la définition d’un Internet jugé acceptable. Et à l’inverse, d’un Internet qui n’en est tout simplement pas un.


Illustration par Viktor Hertz (CCbyncsa) remixée par Ophelia Noor pour Owni /-)

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Free Mobile couvert http://owni.fr/2012/02/29/free-mobile-couvert/ http://owni.fr/2012/02/29/free-mobile-couvert/#comments Wed, 29 Feb 2012 10:30:13 +0000 Andréa Fradin http://owni.fr/?p=100134

Le président de l'Arcep Jean-Ludovic Silicani

L’Arcep a tranché : Free Mobile n’est pas en tort. Son président, Jean-Ludovic Silicani, a donné l’information “en exclusivité” aux députés qui l’auditionnaient hier soir: après vérification, le dernier né du secteur couvrirait bel et bien 27% de la population, conformément aux obligations fixées par le régulateur.

Un joli coup de com’ pour le gendarme des télécoms, qui cloue d’un même geste le bec de la concurrence, fortement suspicieuse à l’égard du réseau Free Mobile, et d’Eric Besson, ministre en charge du numérique, avec qui il se disputait la reprise en main du dossier.

Free dans les clous de l’Arcep mais pas d’Orange

Free frime

Free frime

Un Xavier Niel au bord des larmes, une communauté surexcitée sur Twitter et une couverture médiatique unanime. C’est le ...

Mené début février, le contrôle a établi que Free détenait 753 antennes “allumées” sur un total d’un millier installées et susceptibles d’être utilisées, a indiqué le patron de l’Arcep. Un déploiement qui “se poursuit”, a précisé un communiqué de presse envoyé dans la foulée, et qui devrait à ce jour compter plus de 800 stations en activité, a ajouté Jean-Ludovic Silicani.

Suite à son lancement tonitruant, début janvier 2012, Free Mobile a connu des moments plus difficiles ; un ensemble de dysfonctionnements commerciaux et techniques étant reprochés à l’opérateur. Dont un en particulier : la réalité de son réseau. Free s’est vu accuser de ne pas avoir installé les infrastructures suffisantes pour supporter ses nouveaux abonnés et de ne compter que sur le réseau d’Orange pour distribuer ses appels. Les deux opérateurs sont certes liés par un accord d’itinérance, qui vise précisément à combler les carences de Free Mobile en matière de couverture réseau. Mais cet accord n’est valable que si le quatrième opérateur couvre au minimum 27% de la population. Et il en va de même pour sa licence d’opérateur mobile…

C’est là que ça se complique. Car si Free remplit ses objectifs de couverture, le régulateur ne nie pas néanmoins que la majorité de son trafic passe bel et bien sur le réseau d’Orange, jugé “plus efficace” par Jean-Ludovic Silicani. En d’autres termes, il y a une différence entre le déploiement des antennes et la qualité du service rendu. “Dans la licence et les obligations [de Free], il y a une exigence de couverture, pas de qualité” a expliqué le patron de l’Arcep. Pour les consommateurs, le résultat est le même : portés par Free ou Orange, les appels arrivent à destinations. L’opérateur historique en revanche, peut pâtir de cette surcharge de trafic, qui ne correspond pas aux termes de l’accord d’itinérance. C’est à lui qu’incombe la responsabilité de rétablir un équilibre, a poursuivi Jean-Ludovic Silicani, qui a déclaré savoir que les deux opérateurs étaient en pourparlers.

“Faire courir des rumeurs sur le net, ce ne sont pas des méthodes très correctes”.

Free Mobile crie au complot

Free Mobile crie au complot

Free Mobile : mytho, parano ou réglo ? Xavier Niel semble débordé par le buzz qu'il a lui-même provoqué avec son offre ...

La déficience présumée du réseau Free Mobile avait fait les gorges chaudes des médias ces derniers mois. C’est pour cette raison et “dans un souci de transparence et de sérénité [que] l’Arcep a décidé de renouveler ses mesures sur le réseau de Free Mobile ”, indique le communiqué de presse. Rien ne l’y obligeait, a renchéri Jean-Ludovic Silicani, l’Autorité ayant déjà inspecté le réseau de l’opérateur en décembre dernier, à la suite d’une première batterie de mesures. Une validation formelle qui avait inauguré l’entrée de Free dans le marché mobile.

Sur ce dossier, la concurrence a officiellement misé sur la retenue, laissant tout au plus planer un doute, à l’instar d’un Stéphane Richard, patron de France Télécom, qui déclarait fin janvier au JDD : qu’il existait “grande confusion” sur l’état du réseau Free mobile. Une communication officielle doublée néanmoins d’une pluie de témoignages anonymes, dans la presse, d’ingénieurs de SFR, Orange et Bouygues Telecom.

Un double jeu dénoncé hier par le président de l’Arcep :

Faire courir des rumeurs sur le net, en parlant aux journalistes, ce ne sont pas à mon sens des méthodes très correctes.

Les opérateurs, qui avaient la possibilité de faire part au régulateur de leur doute quant à la fiabilité du réseau Free Mobile, ont finalement décidé de ne lancer aucune procédure. Seuls des syndicats d’opérateurs de téléphonie mobile ont formellement saisi l’ARCEP “d’une demande d’enquête concernant le respect par Free Mobile de l’obligation de déploiement d’un réseau 3G dans des conditions conformes à son autorisation”, indique l’Autorité.

Mais si les attaques n’étaient pas explicites, les trois premiers opérateurs mobiles n’ont pas épargné Free. Bien au contraire : sa campagne publicitaire, son service client, son aptitude à créer des emplois en France, et bien sûr, sa capacité à investir dans un réseau d’antennes pérenne : tout est passé dans la moulinette de la concurrence. Egalement auditionnés par la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale, les patrons des opérateurs n’ont pas mâché leurs mots : Stéphane Richard avait appelé “l’Arcep à faire son travail” tout en dénonçant la violence des propos de Xavier Niel, patron d’Iliad (maison-mère de Free), qui avait qualifié de “pigeons” les clients de ses concurrents ; chez SFR, Franck Esser a mis en doute la “pérennité [des] innovations tarifaires” du quatrième opérateur, estimant qu’il était “impossible” de soutenir les investissements nécessaires au déploiement du réseau mobile avec des abonnements si peu élevés. Un modèle synonyme d’un “réseau au rabais” pour Olivier Roussat de Bouygues Telecom, interrogé par les députés peu de temps avant le patron de l’Arcep.

Faire la nique à Éric Besson

L’Arcep et Besson se disputent sur Free

L’Arcep et Besson se disputent sur Free

Free Mobile est officiellement le trublion du secteur des telecom. A tel point que l'autorité de régulation et le ...

Avec cette communication imprévue -l’Arcep avait indiqué par voie de communiqué qu’elle ferait la lumière sur le réseau Free Mobile début mars à l’occasion d’une conférence de presse -, le régulateur des télécoms bénéficie d’un double effet Kiss Cool. A l’encontre d’Orange, SFR et Bouygues Télécom, déjà, qui peuvent aller se rhabiller. Mais aussi à l’encontre du ministre de l’Industrie et de l’économie numérique, Eric Besson, avait qui l’Arcep s’était lancé dans un bras de fer sur le dossier.

Les inimités entre le cabinet du ministre et l’autorité administrative indépendante ne sont pas nouvelles, mais se sont renforcées avec l’émergence de cette polémique. L’enjeu ? Savoir lequel des deux s’est saisi le premier de cette affaire au potentiel explosif. Et, par voie de conséquence, lequel des deux a laissé s’envenimer le bousin. En résulte une guerre de communication, faite de courriers, de communiqués et d’articles de presse, laissant entendre l’un que Bercy a saisi l’Arcep du problème, l’autre que l’Arcep a informé Bercy de sa volonté de s’auto-saisir du dossier. Dernier épisode en date de ce drama made in administration, une lettre d’Eric Besson à une autre institution, rattachée à son ministère : l’Agence nationale des fréquences (ANFR), qu’il a chargée de vérifier le réseau mobile de Free. En marge de l’audit effectué par l’Arcep. Les résultats de ce contrôle étaient attendus ce jour même. Le régulateur des télécoms a donc grillé la priorité au ministre, tout en se disant en excellents termes avec l’ANFR. Devant les députés, Jean-Ludovic Silicani a d’ailleurs nié toute concurrence avec cette agence : “je veux bien me coordonner avec qui veut bien communiquer avec moi”, a-t-il lancé, évasif, à la commission des affaires économiques. Poursuivant séchement :

Je lui avais demandé [NDLR : à Eric Besson], par une lettre envoyée directement, et non par voie de presse, d’associer l’ANFR à notre initiative.

Reste à découvrir les résultats de cet audit, prochain numéro de la (déjà) grande saga Free Mobile.


Illustration Arcep © Dominique Simon

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Free Mobile crie au complot http://owni.fr/2012/01/27/free-mobilise-par-sa-parano/ http://owni.fr/2012/01/27/free-mobilise-par-sa-parano/#comments Fri, 27 Jan 2012 11:28:04 +0000 Andréa Fradin http://owni.fr/?p=95955

Xavier Niel en décembre 2011/LeWeb11

Que se passe-t-il chez Free mobile ? Ces derniers jours, la presse aligne les articles pointant l’un les dysfonctionnements techniques, l’autre les couacs d’une arrivée de clientèle massive et mal gérée. Laissant derrière elle l’euphorie (l’hystérie ?) des premiers jours du lancement de l’offre mobile de Free.

Du côté de l’opérateur, on crie au complot à mots à peine voilés. Auditionné mercredi matin à l’Assemblée nationale, le désormais iconique patron de Free Xavier Niel a attribué les difficultés rencontrées à la malveillance de ses “petits camarades” :

Tous les moyens sont bons pour discréditer le petit nouveau(…) mais nous sommes peut-être parano chez Free…

Le réseau du plus fort est toujours…

Pour ce qui est de son réseau, Free est formel : rien à signaler, il est irréprochable. “Allumé depuis le premier jour, il fonctionne de façon significative” a appuyé Xavier Niel devant les députés de la commission des affaires économiques. Unique concession : sur le millier d’antennes déclarées actives, seul le déploiement sur Paris laisse à désirer. La faute à la concurrence : “on pense que nos petits camarades bloquent le déploiement. Ailleurs, nous déployons sans grande difficulté”, a poursuivi le patron d’Iliad (maison-mère de Free).

L’opérateur est tenu d’assurer la couverture de 27% de la population avec son infrastructure, déployée en amont de son arrivée sur le marché mobile. Pour le reste, il a signé un accord d’itinérance avec Orange, d’un montant de 1 milliard d’euros, lui permettant de s’appuyer sur les antennes de l’opérateur historique. Problème : selon des observateurs cités chez nos confrères, le réseau de Free serait éteint. L’intégralité du trafic généré par les nouveaux clients Free mobile passerait sur l’infrastructure de France Telecom. Ce qui pourrait mettre en péril l’accord d’itinérance, valable uniquement si les 27% sont assurés. Et remettre en cause la capacité de Free à tenir le rôle tant attendu de quatrième opérateur.

Free frime

Free frime

Un Xavier Niel au bord des larmes, une communauté surexcitée sur Twitter et une couverture médiatique unanime. C’est le ...

Le Figaro, qui a dégainé le premier, écrit que l’information émane de “certains concurrents” de Free. Sans plus de précision. Même son de cloche ailleurs : on fait appel à des “ingénieurs”, des “sources internes” aux autres opérateurs. Pour Free, l’affaire est trop belle pour ne pas y voir une tentative de déstabilisation de la concurrence. Quant à cette dernière, elle oscille officiellement entre bouche cousue et déclarations ambiguës. Interrogés par OWNI, Bouygues Telecom et SFR n’ont pas souhaité faire de commentaires. Du côté d’Orange, son président Stéphane Richard explique qu’il existe une “grande confusion” sur l’état du réseau Free mobile, sans toutefois en dire davantage. Contre-attaque de l’ancien monde mobile pour certains, arnaque de Niel pour d’autres, l’incertitude pèse et pousse à disséquer le moindre élément présenté comme preuve de la déficience de Free mobile.

Seul fait établi : les opérateurs n’ont pour le moment rien mis en œuvre pour faire constater l’éventuelle défaillance. “Qu’ils poursuivent l’Arcep !” avait lancé Xavier Niel devant les députés, rappelant qu’en décembre dernier, le régulateur des télécoms avait validé la couverture de son réseau mobile, donnant ainsi son feu vert à l’arrivée des offres de Free sur le marché. “Sauf à considérer qu’elle n’est pas indépendante, l’autorité l’a constaté. [...] Elle produira un jour un très bel audit si on lui demande”, avait poursuivi le fondateur de Free. Du côté du régulateur, on confirme qu’aucune “réaction officielle” n’a été enregistrée : “nous n’avons été formellement saisi par aucun opérateur” a déclaré l’Arcep à OWNI.

Les syndicats CFE-CGC et UNSA des opérateurs mobiles se sont en revanche adressés à l’autorité, lui faisant part de leur “forte préoccupation relative au respect par FREE MOBILE de ses obligations réglementaires”. Ils demandent l’ouverture d’une enquête. Sans pour autant être soutenu par leur direction. “C’est surréaliste, regrette Sébastien Crozier, président de la CFE-CGC/UNSA de France Télécom-Orange, ils n’osent pas prendre position, ils ont peur d’être lynchés par l’opinion publique !”

Pas de portabilité dans les portables

“Dans le monde des télécoms, il y a beaucoup de coups bas”, estime Edouard Barreiro de l’UFC-Que Choisir. “Mais ça n’excuse pas tout.” En particulier quand les tentatives de sabotage des uns et des autres laissent l’utilisateur au bord de la route. Peu affecté par le drame qui se joue autour du réseau de Free mobile, ce dernier pâtit en revanche de la mise en service laborieuse des offres de l’opérateur. Le service après-vente serait injoignable, le délai d’attente des cartes SIM interminable. Et les nouveaux clients laissés en rade, leur numéro ayant été transféré de leur ancien opérateur vers Free mobile, avant même réception de la carte SIM (procédure de “portabilité” du numéro).

Devant les députés, Xavier Niel a plaidé des difficultés à l’allumage tout en minimisant. “Nous avons été débordé par les demandes” a-t-il expliqué, se déclarant victime du succès de Free mobile des tout premiers jours. La seule journée de lancement aurait généré 3 à 4 millions de demandes d’information, mettant ainsi hors service le site prévu à cet effet. Mais aujourd’hui, tout va bien. Ou plus exactement, la cause des autres dysfonctionnements est à chercher dans le camp d’en face.

FreeMobile : combien ça coûte ?

FreeMobile : combien ça coûte ?

Etrangement, FreeMobile ne propose pas de calculette permettant d'estimer les économies que l'on pourrait réaliser en ...

Pour les cartes SIM retardées, Xavier Niel pointe vers La Poste, sans la nommer : “certains courriers ont été perdus, sur des centaines de milliers, c’était inévitable” a-t-il répondu lors de son audition à l’Assemblée. Pour les problèmes de portabilité, c’est de la responsabilité du GIE-EGP, l’organisme qui regroupe une trentaine d’opérateurs mobile, entre lesquels il assure le transfert des numéros. Pour le fondateur de Free, ce groupement ne suivrait pas la montée en charge. “Le maximum de traitement de ce service est de 30.000 par jour et va monter à 40.000, a-t-il détaillé. Ils promettent 80.000 d’ici la fin de la semaine. Ca ne va pas très vite.”

Réponse agacée du berger à la bergère : Free n’avait qu’à mieux estimer ses besoins ! “Ils n’ont pas anticipé cette hausse de la demande et le fait qu’elle causerait un goulot d’étranglement”, rétorque le directeur opérationnel du GIE Nicolas Houéry. “On avait prévu une augmentation avec l’arrivée de Free mobile, mais on ne s’attendait pas à autant. Nous avions fait des estimations mais Free n’a pas réagi.” L’opérateur est membre du GIE depuis décembre 2010. Ensemble, ils avaient opéré des tests techniques “qui se sont bien passés”, poursuit le directeur opérationnel, qui assure faire le nécessaire pour ajouter du matériel visant à accélerer la portabilité.

Un joyeux bordel donc, dans lequel chacun se renvoie la balle dans un climat de suspicions et de mauvaise foi. Sur la portabilité toujours, Xavier Niel n’a d’ailleurs pas manqué de répéter sa complainte du soupçon, déclarant espérer que le GIE, et ses opérateurs de membres, “sont de bonne foi”. Ambiance.

Mésaventures

Dans cet embrouillamini, seul le retour des utilisateurs semble dessiner plus honnêtement les contours de la situation. Et force est de constater que de nombreux convertis Free mobile se plaignent des retards. Sur Twitter, Facebook ou les forums de Free (pour ne citer qu’eux), les commentaires pleuvent. Y compris de la part des Freenautes, cette communauté si proche de la marque de Xavier Niel. Un de nos lecteurs, se décrivant comme “un de ces passionnés qui on attendus Free mobile comme le ‘messie’” raconte ses mésaventures :

Inscription le 11/01 à 8h30 (passionné ! Galvanisé par cette conférence de presse !)
Envoi de la carte SIM le 13/01.
Portabilité effective le 16/01 et coupure de tout service.
Je n’ai jamais reçu de SIM.
Visiblement, il y a eu un bug dans l’adressage.
Le service client est joignable au bout d’une heure d’attente. La seule solution proposée est d’attendre…
Ils refusent de communique votre RIO [NDLR : l'identifiant permettant le transfert du numéro vers un autre opérateur] permettant de quitter Free mobile.
Suite à mes réclamation, une seconde SIM est envoyée le 20/01.
A ce jour, 25 janvier aucunes nouvelles.
Je suis en relation avec @freemobile. Je leur réclame mon RIO, il me demandent mes coordonées… Rien à faire, je me sent complétement coincé.
10 jours sans portable. Le pigeon, c’est moi !

Pour autant, la lune de miel semble encore durer. Chez Free, on nous dit être “serein”, expliquant que si les problèmes étaient aussi graves que présentés dans la presse, la colère de la communauté virerait en “émeute”. Du côté de l’association UFC-Que Choisir, on fait état de réclamations portant sur l’annulation de la portabilité, difficile à mettre en œuvre, ou sur des litiges sur les sept jours de rétractation obligatoires. “Ils ont merdé sur la gestion” lâche Edouard Barreiro. Sans toutefois parler d’émeutes.


Photo de Xavier Niel par LeWeb11/Flickr (CC-by)

Full disclosure : Xavier Niel est actionnaire, à titre personnel, de la SAS 22Mars, maison mère d’OWNI, mais, comme dirait @manhack, #OSEF.

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Des SMS furtifs sur vos portables http://owni.fr/2012/01/26/vos-sms-furtifs/ http://owni.fr/2012/01/26/vos-sms-furtifs/#comments Thu, 26 Jan 2012 09:59:34 +0000 Fabien Soyez http://owni.fr/?p=94755

C’est une question au gouvernement qui nous a mis la puce à l’oreille. En juin 2011, Colette Giudicelli, sénatrice des Alpes Maritimes, écrit à Claude Guéant, ministre de l’intérieur :

Plusieurs services de police judiciaire et de renseignement étrangers utilisent des SMS furtifs pour localiser des suspects ou des personnes disparues : cette méthode consiste à envoyer vers le téléphone portable de ce suspect un SMS qui passe inaperçu et renvoie un signal à l’émetteur du message. Mme Colette Giudicelli aimerait savoir si cette procédure est déjà utilisée en France.

Sept mois plus tard, toujours pas de réponse du gouvernement. Le sujet aurait pu tomber aux oubliettes s’il n’y avait eu, fin décembre, la 28ème édition du Chaos Communication Congress, à Berlin. Lors de cette conférence de hackers, le chercheur Karsten Nohl expert en sécurité de mobiles lance : “En Allemagne, la police a envoyé en 2010 des milliers de SMS furtifs pour localiser des suspects.”

Le SMS furtif obéit au principe du signal aller-retour que l’on ne voit pas, ou du “ping” dans le jargon des informaticiens. Les développeurs de la société Silent Services, à l’origine d’un des premiers logiciels permettant d’envoyer ce genre de SMS, expliquent :

Les SMS furtifs vous permettent d’envoyer un message à un autre portable à l’insu de son propriétaire. Le message est rejeté sur le téléphone de ce dernier et il n’existe aucune trace. Vous obtenez, en retour, un message de l’opérateur vous attestant que votre message a été reçu.

Techniquement, les SMS furtifs, ou “silent SMS“, serviraient donc à savoir si une personne a allumé son portable et permettraient aux opérateurs de “tester” les réseaux, sans gêner les usagers. Mais une toute autre utilisation en est faite par les services de renseignement et la police. Contacté par OWNI, Neil Croft, diplômé du département des sciences informatiques de l’Université de Pretoria, en Afrique du Sud, explique :

Envoyer un SMS furtif, c’est comme envoyer un SMS normal, sauf que le mobile ne voit pas le message qu’il a reçu. Les informations du SMS sont modifiées, dans le programme de codage des données, pour que l’utilisateur qui le reçoit ne s’aperçoive de rien. Un SMS furtif peut aider les services de police à détecter un mobile sans que la personne concernée soit au courant de la requête.

Pour trafiquer les informations du SMS et le rendre silencieux, les services de sécurité passent par une passerelle SMS, comme Jataayu SMS gateway, qui permet d’interconnecter les systèmes GSM et informatique. Neil Croft, désormais président d’une société de marketing par SMS, nous explique :

Ces SMS furtifs sont aussi utilisés par certains hackers pour mener des attaques dites “de déni de service” (DDOS). Le résultat, c’est une batterie qui se décharge anormalement vite, et l’impossibilité de recevoir des appels. Un tel procédé ne coûte pas cher : on peut envoyer un SMS furtif par seconde pendant une heure pour environ 36 euros.

Ce procédé d’envoi en masse apparaît largement utilisé par les services. En novembre 2011, Anna Conrad, du parti Die Linke (La Gauche), pose une question écrite au Landtag de Rhénanie du Nord-Westphalie, à propos de l’usage par la police allemande de SMS furtifs, ou “Stille SMS”. Réponse du Parlement local : en 2010, le Land a mené 778 enquêtes et envoyé 256 000 SMS furtifs. Mais pour Mathias Monroy, journaliste à Heise online ces technologies de surveillance profitent surtout d’un vide juridique :

C’est très problématique pour la vie privée, parce que juridiquement, on ne sait pas si les SMS furtifs sont ou non une communication (…) Le Land a considéré que ce n’en était pas une, puisqu’il n’y a aucun contenu. C’est pratique, car s’il ne s’agit pas d’une communication, cela ne rentre pas dans le cadre de l’inviolabilité des télécommunications de l’article 10 de la Constitution allemande.

Et votre mobile se change en balise

Et votre mobile se change en balise

Des milliers de localisations cellulaires sont effectuées chaque année en France, notamment dans le cadre de procédures ...

Mais le 6 décembre, suite à une question d’un député de gauche, Andrej Hunko, sur l’utilisation des SMS furtifs par la police allemande, le ministre de l’intérieur a joué le jeu de la transparence. Au total, ces dernières années, les services de police et de renseignement allemands auront envoyé une moyenne de 440 000 SMS furtifs en un an.
Après chaque SMS envoyé, le lien était fait avec Vodafone, E-Plus, O2 et T-Mobile, les quatre opérateurs de téléphonie mobile, afin d’accéder aux informations de communication des personnes surveillées. Pour agréger les données brutes fournies par les opérateurs, la police allemande utilise les logiciels Koyote et rsCase, fournis par Rola Security Solutions, une société qui élabore des “solutions logicielles pour la police” depuis 1983.

Souriez, vous êtes pistés

Le journaliste spécialisé Mathias Monroy s’inquiète d’une utilisation croissante de ces technologies de surveillance. Car les SMS furtifs permettent de connaître très finement la position des personnes espionnées. Cette localisation utilise le réseau GSM, comme nous l’explique Karsten Nohl :

On peut localiser un utilisateur en repérant les trois antennes relais les plus proches de son mobile, puis en déduisant, par triangulation, la distance d’après la vitesse que met un signal [comme un SMS furtif, NDLR] à faire un aller-retour.Un téléphone mobile met à jour sa présence sur le réseau régulièrement, mais quand la personne se déplace, l’information n’est pas mise à jour tout de suite. En envoyant un SMS furtif, la localisation du mobile est instantanément mise à jour. C’est très pratique, parce que cela permet de localiser quelqu’un à un instant T, en fonction des ondes.

Un SMS furtif sert notamment (mais pas seulement) à affiner la position dans le temps, en forçant la mise à jour d’un mobile. Une technique bien plus efficace qu’une simple localisation cellulaire (Cell-ID). Contacté par OWNI, François-Bernard Huyghes, chercheur à l’IRIS, commente l’utilisation de ces SMS furtifs :

C’est la seule méthode immédiate et pratique pour suivre constamment un mobile hors des périodes d’utilisation. On parle alors de géopositionnement et non plus de géolocalisation. Après cela, soit les policiers suivent l’information via les opérateurs, soit des sociétés privées traitent les données et, par exemple renvoient à l’enquêteur une carte où apparaissent les déplacements du téléphone surveillé en temps réel.

Les bénéfices des SMS furtifs ne s’arrêtent pas là : en envoyant un grand nombre de ces SMS les services de sécurité peuvent aussi perturber le mobile, ou réactiver ses signaux à distance ou encore décharger sa batterie. Un porte-parole du ministère de l’Intérieur Allemand explique à OWNI :

La police et les services de renseignement allemands utilisent les SMS furtifs pour réactiver des mobiles inactifs et améliorer la géolocalisation d’un suspect, par exemple quand celui-ci se déplace lors d’une entrevue. Les SMS furtifs sont un outil précieux d’investigation, qui est utilisé uniquement dans le cadre d’une surveillance des télécommunications ordonnée par le juge, dans un cas précis, sans jamais violer le droit fondamental à la protection de la vie privée.

Réactiver à distance

En France, la police et les services de renseignement travaillent notamment avec Deveryware, un “opérateur de géolocalisation”, qui vend également aux entreprises un service de “géopointage” de leurs salariés, le Geohub, accessible via une base de donnée baptisée DeveryLoc.

Pour alimenter son Geohub, Deveryware combine la localisation cellulaire, le GPS, ainsi que d’autres techniques de “localisation en temps réel”. Quand on demande à la société si les SMS furtifs font partie de ces techniques, réponse évasive :

Nous sommes au regret de ne pouvoir répondre, vu le caractère confidentiel imposé par les réquisitions judiciaires.

Les applications de Deveryware permettent aux enquêteurs de cartographier les déplacements d’un suspect et d’en avoir un historique. Interrogé par OWNI, Laurent Ysern, responsable investigation pour SGP Police, constate :

Tous les services d’investigation ont accès à la plateforme de Deveryware. Grâce à ce système, on peut suivre une personne sans être obligé d’être derrière elle. Pas besoin de filatures, donc moins de fonctionnaires et de matériel à mobiliser.

Alors qu’en Allemagne, le ministère de l’Intérieur répond dans les 48 heures, en France, étrange silence. Unique réponse, provenant du Service d’information et de communication de la police nationale :

Malheureusement, personne à la PJ ou à la sécurité publique ne veut communiquer sur le sujet, ce sont des techniques d’enquête…

Même silence chez les opérateurs, SFR et Bouygues Telecom. Sébastien Crozier, délégué syndical CFE-CGC-Unsa chez France Télécom-Orange, lance :

Les opérateurs collaborent toujours avec la police, c’est une obligation de service public : ils agissent sur réquisition judiciaire, tout comme pour les requêtes de fadettes. Il n’y a pas de méthode absolue, l’envoi de SMS est une partie des méthodes utilisées pour géolocaliser un utilisateur. On utilise surtout cette technique pour “réactiver” le téléphone : le réseau va se mettre en situation active.

En France, d’ici à 2013, l’utilisation de ces procédés de surveillance entreront dans une phase industrielle. Le ministère de la Justice mettra sur place, avec le concours de la société d’armement Thales, une nouvelle plateforme nationale des interceptions judiciaires (PNIJ), qui devrait permettre de centraliser l’ensemble des interceptions judiciaires, autrement dit les écoutes, mais aussi les réquisitions telles que les demandes de localisation cellulaire. Sébastien Crozier remarque :

Cette interface entre officiers de police judiciaire et opérateurs permettra de rationaliser les frais de justice, de réduire les coûts de traitement de moitié, parce que jusqu’ici, les réquisitions sont gérées commissariat par commissariat… Il y aura encore plus de demandes, mais ça sera moins coûteux pour les opérateurs comme pour la police.


Couverture, Illustrations et photos sous licences Creatives Commons via Flickr par Nicolas Nova ; Arlo Bates ; Keoshi ; Luciano Belviso ; Meanest Indian ; Photo de couverture remixée par Ophelia Noor avec l’aimable autorisation de Spo0nman [CC-by-nc-nd]

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Les télécoms perdent toute autorité http://owni.fr/2012/01/12/les-telecoms-sans-autorite/ http://owni.fr/2012/01/12/les-telecoms-sans-autorite/#comments Thu, 12 Jan 2012 09:59:46 +0000 Andréa Fradin http://owni.fr/?p=93850

Entourés de quelques lieutenants, le patron de l’Autorité de Régulation des Communications Électroniques et des Postes (Arcep), Jean-Ludovic Silicani, a été assez bref dans son exposé relatif à la neutralité des réseaux. Le point, abordé en conclusion de la présentation, représente pourtant aux dires de ce dernier “la moitié du travail du régulateur sur les deux années à venir”. Un chantier considérable, dont Jean-Ludovic Silicani a tout de même rappelé l’importance : “c’est l’avenir des communications électroniques qui est en jeu”.

Qualité de service : l’Arcep n’a “pas choisi”

Sur le fond, deux volets ont été présentés : “le suivi de la qualité du service d’accès à l’Internet” et la “collecte régulière d’informations sur les conditions techniques et tarifaires d’interconnexion et d’acheminement des données”. Ils font suite à la publication par l’Arcep de dix propositions sur la neutralité des réseaux, en septembre 2010.

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Concernant la qualité de service de l’accès à Internet, qui consiste à prendre le pouls du réseau français et à en évaluer les performances, OWNI s’interrogeait dès septembre (voir “Les opérateurs juges et parties du net”, “L’Internet illimité au purgatoire” et “Free, SFR, Orange et Bouygues en autocontrôle“) sur les enjeux et les risques d’un tel chantier. En particulier sur le fait de confier aux opérateurs la responsabilité du choix du prestataire externe qui sera en charge des mesures. À la question de savoir si une telle orientation ne risquait pas de biaiser d’emblée le résultat de cet observatoire du net, qui vise précisément à apprécier la qualité des prestations des gros opérateurs (disposant de plus de 100 000 clients), Jean-Ludovic Silicani botte en touche. Il explique que l’Arcep n’a “pas choisi” de confier cette responsabilité aux opérateurs, mais qu’elle s’est contentée de “respecter le décret” qui prévoit la mise en place de ce chantier. En effet, selon l’article D98-4 d’un décret d’application du Code des postes et des communications électroniques :

L’opérateur mesure la valeur des indicateurs de qualité de service définis par l’Autorité de régulation des communications électroniques.

Le patron de l’Arcep poursuit en expliquant que “pour les paramètres techniques, une définition précise sera donnée” et que le régulateur se garde le droit de “demander qu’un second prestataire vérifie que les méthodes de mesure ont bien été suivies”. Reste à savoir qui définira ces paramètres techniques, ainsi que la nature du second prestataire en charge des mesures de contrôle. Sur le premier point, un document de travail (voir image ci-dessous) indique bien que les paramètres, ou “référentiel commun”, seront définis “par l’Arcep et les opérateurs”. Le patron de l’Arcep assure néanmoins du contraire, précisant que “plusieurs acteurs” seront associés à la réflexion. Quant à la charge de la mesure de contrôle, il rétorque que cette contrainte relève également du décret d’application. Sauf erreur de notre part, cette précision ne figure pas dans le décret en question.

Visiblement agacé par la question, Jean-Ludovic Silicani a déclaré : “si le prestataire fait n’importe quoi, alors on le saura. L’auto-responsabilité des entreprises existent dans ce pays”, ajoutant que le régulateur faisait “confiance aux opérateurs”, sans pour autant “exécuter leurs ordres”. Et de conclure, en tâclant au passage le pouvoir politique :

Nous appliquons la loi. Si les parlementaires veulent attribuer plus de pouvoir à l’Arcep, ils doivent le prévoir !

La Fusion ? “Une question à l’intérêt mineur”

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Autre question qui fâche : celle de la fusion des autorités administratives en charge des questions relatives à Internet. Arcep pour les “tuyaux” d’Internet, CSA pour les contenus audiovisuels, Hadopi pour le statut des oeuvres culturelles sur Internet. “Une question à l’intérêt mineur” pour Jean-Ludovic Silicani, qui s’est pourtant épanché sur les implications d’un tel scénario. “La question n’est pas tant la fusion, mais quelle régulation on souhaite”, a-t-il expliqué. Mettant en parallèle la régulation “très forte” qui prévaut au CSA, et celle “très légère” pour les questions Internet traitées au sein de l’Arcep, il a également abordé le sort en suspens des contenus audiovisuels sur Internet. Jean-Ludovic Silicani a aussi déclaré que s’il fallait fusionner des autorités telles le CSA et l’Arcep, il faudrait également envisager la “fusion des ministères” en charge de la Culture et du numérique, ainsi que les lois et codes qui régissent ces secteurs. A l’aube de la campagne présidentielle, la rivalité entre les deux secteurs culturels et numérique pour prendre en charge les problématiques du net est un point clivant, tant à l’UMP qu’au PS.

La conférence de presse a surtout été l’occasion pour l’Arcep de dresser l’état des lieux du marché des communications électroniques, fixes et mobiles. Sur le mobile, Jean-Ludovic Silicani a salué l’arrivée de Free, tout en se montrant prudent : “une offre c’est un prix et un service. La proposition de Free sur le prix est très concurrentielle. Il faut maintenant voir quel type de services Free offrira, notamment sur le service après-vente, sur lequel il est très attendu”. Il a également tenu à “tordre le cou à l’idée selon laquelle le secteur du mobile serait saturé ou mature”, se réjouissant notamment de “l’appétence des opérateurs pour la 4G”. Sur le fixe, les derniers chiffres des abonnements au haut débit et très haut débit ont été donnés. Le déploiement en très haut débit a été rapidement abordé. Le détail des chiffres est disponible dans le dossier presse [PDF] de l’Arcep.


Crédits photo : © Dominique Simon

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