OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 [LABO] Oussama Ben Laden, augmenté http://owni.fr/2011/05/20/labo-oussama-ben-laden-augmente/ http://owni.fr/2011/05/20/labo-oussama-ben-laden-augmente/#comments Fri, 20 May 2011 14:33:49 +0000 Andréa Fradin et Olivier Tesquet http://owni.fr/?p=63703 Près de trois semaines après sa mort, que reste-t-il d’Oussama Ben Laden? Médiatiquement, la disparition du fondateur d’Al-Qaida, ennemi numéro un des Etats-Unis depuis dix ans, a fait l’effet d’une déflagration. Sans précédent? Pas vraiment. Quelques jours avant, le mariage princier entre William et Kate Middleton a atteint un pic d’attention similaire, avant de s’éroder à la même vitesse que le terroriste islamiste, comme le montre cette courbe établie sur Google Trends (en rouge le mariage, en bleu Ben Laden):

Dans la volonté d’être un laboratoire de R&D, OWNI s’est demandé comment redonner du sens à cet épisode, vécu sur le mode de l’ultra-temps réel. Nous avons donc développé un module de vidéo “augmentée” qui, en plus du flux principal, ajoute du contenu relatif, qu’il s’agisse d’images, de vidéos, de pages web, ou même de GIF animés.

Le prototype repose sur une base de code préexistante, ajustée à nos besoins – ajaxification des éléments connexes synchronisés sur la vidéo principale (sic).

Pour en savoir plus sur ce qu’est l’hypervidéo (pour “hyperlinked video“, ou vidéo cliquable en VF), vous pouvez également lire le billet qu’en avait fait Tristan Nitot, ou encore regarder ce qu’en avait fait Upian et Arte pour Notre poison quotidien, le documentaire de Marie-Monique Robin. Et n’hésitez pas à envoyer un mail à tech@owni.fr pour plus de précisions.

Enfin, et pour profiter pleinement de l’expérience, nous vous conseillons de naviguer directement dans l’application:

http://app.owni.fr/augmented/benladen/

L’élimination d’OBL marque la chute d’un symbole, remarquablement décrite par l’essayiste américain Greil Marcus dans L’Amérique et ses prophètes, publié en 2006. Dans un climat post-11 Septembre déjà bien consommé, il dressait ce constat sans appel:

La nation américaine: une invention qui pouvait être détruite comme elle avait été construite.

Sur le même postulat, l’administration Obama a défiguré le visage de la peur d’une balle en pleine tête, avant de jeter son corps à la mer depuis le pont d’un porte-avions stationné en mer d’Oman. Dans les heures et les jours qui ont suivi l’opération menée par les Navy Seals dans la petite bourgade pakistanaise d’Abbottabad, les États-Unis ont mis en branle un storytelling jamais effrayé par la contradiction. Ben Laden aurait été tué parce qu’il cherchait à se défendre, ce qui a été démenti; il se serait servi d’une femme comme bouclier humain, ce qui a été démenti; la photo de son cadavre devait être montrée à la presse et au grand public, ce qui a été refusé.

Avec la disparition de l’icône wahhabite, la culture populaire s’est immédiatement réappropriée l’événement, à grand renfort de détournements. Les médias ont dû gérer l’afflux d’information primaire, qu’elle provienne de la Maison-Blanche ou de Twitter. Les théories du complot ont repris du poil de la bête. C’est tout ce que nous avons essayé de visualiser, en 3 minutes – et quelques digressions.

N’hésitez pas à nous faire parvenir vos retours, à tech@owni.fr


Illustration CC FlickR: swanksalot

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Data journalism : pourquoi les médias français ne s’y mettent pas ? http://owni.fr/2010/03/08/data-journalism-pourquoi-les-medias-francais-ne-s%e2%80%99y-mettent-pas/ http://owni.fr/2010/03/08/data-journalism-pourquoi-les-medias-francais-ne-s%e2%80%99y-mettent-pas/#comments Mon, 08 Mar 2010 10:39:24 +0000 Caroline Goulard http://owni.fr/?p=9630

Pourquoi les médias français se sont-ils si peu saisis du data journalism, à la différence des médias anglo-saxons ? Quelques éléments de réponses ont déjà été apportés : par Valérie Peugeot sur www.lavoixdudodo.info et par Elodie Castelli sur www.journalismes.info. Après les études de cas, je vous livre ici ma synthèse. L’occasion de vous faire partager les enseignements tirés de cinq entretiens, réalisés en janvier dernier avec Hubert Guillaud, Jean-Marc Manach et Charles Népote de la Fing, avec Fabrice Epelboin de RWW France et avec Nicolas Voisin de Owni.fr.

Comment expliquer le peu d’empressement des rédactions françaises à s’emparer du journalisme de données ? Plusieurs facteurs se combinent, certains relèvent des rédactions, d’autres de leur environnement

Côté rédactions :

Des rédactions en manque de moyens financiers…

Tout d’abord, côté rédactions traditionnelles, la plupart consacrent très peu de ressources à la R&D, et donc à du journalisme d’expérimentation, comme de la visualisation de données. La presse quotidienne n’en a tout simplement pas les moyens, les pure players difficilement. La presse magazine ou le secteur audiovisuel pourraient peut-être parier sur le journalisme de données, mais la crise économique ne les incite pas à de tels investissements.

Quelques exceptions néanmoins : l’Express.fr a recruté deux documentalistes pour réfléchir sur la structuration de données (plus d’info sur le blog d’Eric Mettout) ; France 24 mène un gros travail autour du Web sémantique au sein de son Lab (plus d’info sur le blog de Mikiane)

… en manque de moyens humains

Les rédactions ne sont pas seulement appauvries sur le plan financier, elles manquent aussi de ressources humaines. Car le data journalism nécessite du temps et des compétences : en datamining, en statistiques, en développement, en web-design, en interaction design, en sémiologie visuelle…

Actuellement, personne en France n’a réussi à réunir le bon mix de compétences. Pourtant, c’est sans doute ce qui fait le succès des visualisations du nytimes.com depuis deux ans : le titre fait travailler ensemble des ingénieurs, des infographistes et des journalistes, tous payés le même salaire et sur un même pied d’égalité. Rien à voir avec l’état d’esprit des rédactions françaises, dans lesquelles les « informaticiens » sont déconsidérés.

Ce cloisonnement des rédactions est sans doute un peu moins prégnant lorsqu’on s’intéresse aux rédactions web, mais il n’en reste pas moins un frein au développement du data journalism en France.

… en manque de culture web

Tout simplement, les rédactions traditionnelles n’ont souvent pas l’intuition du data journalism. La plupart du temps, elles ont un train de retard par rapport aux développements du web. Les écoles de journalisme commencent juste à intégrer le journalisme d’innovation et le web dans leurs enseignements. Pour beaucoup des acteurs de ce secteur, cela reste encore un truc de « geek ».

… en manque d’approche statistique

Ce manque d’intuition n’est pas sans rapport avec une culture journalistique très française. Une certaine hagiographie du journalisme made in France prend racine dans l’opposition « facts vs fiction » : opposition entre le journalisme de faits à l’anglo-saxonne et le journalisme littéraire et d’opinion du pays d’Albert Londres. La mythologie journalistique française sacralise la belle plume et le subjectivisme. Sur ce terreau pousse la défiance de nombreux journalistes envers tout ce qui pourrait paraître trop rationaliste, trop technophile ou trop américain.

A ceci s’ajoute la faible culture mathématique, statistique et scientifique de bien des rédacteurs de presse généraliste.

Aversion à mettre les mains dans les données brutes, malaisance avec les valeurs chiffrées, crainte de voir les techniciens commander les rédactions : autant de sensations diffuses qui ne facilitent pas la reconnaissance du data journalism en France.

Pour trouver quelques affinités entre la visualisation de données et l’histoire française, il faut sortir du champ journalistique et se pencher sur celui de la sémiologie. En particulier, la sémiologie graphique, inventée en France par Jacques Bertin, aborde les problématiques de visualisation d’informations géographiques.

Des journalistes américains au service des communautés locales ?

Enfin, une dernière hypothèse pourrait expliquer l’affinité des médias anglosaxons avec le data journalism. Les journalistes américains se considèrent peut-être plus comme étant au service d’une communauté.

Aux États-Unis, les journalisme de données s’est beaucoup développé à l’échelon local avec du crimemapping et des services pratiques (les horaires d’ouvertures des magasins, par exemple). La référence en la matière reste EveryBlock d’Adrian Holovaty : un « agrégateur-visualiseur » de données micro-locales (critiques de restaurants, prix de l’immobilier, etc.).

Les données jouent un rôle important dans la valorisation des territoires. Le journalisme de données, au niveau hyperlocal, peut ainsi être utilisé par les rédactions pour générer de la proximité avec les communauté d’habitants pour lesquelles elles travaillent.

Côté environnement :

Une autre dimension doit être prise en compte : le journalisme de données ne dépend pas uniquement des journalistes, mais également des données à leur disposition.

Une culture de la transparence différente entre la France et les pays anglo-saxons

Et, là aussi, la France est à la traine par rapport aux Anglo-Saxons. Les États-Unis et la Grande Bretagne se sont illustrés par leurs mouvements d’ouverture des données : avec les sites gouvernementaux data.gov et data.gov.uk, mais aussi avec de puissants militants de la cause de l’opendata, la Sunlight Foundation aux États-Unis, et le datablog du Guardian en Grande Bretagne.

Ici encore, on pourrait invoquer un fossé culturel : la culture anglo-saxonne de la transparence dans la gestion publique n’a pas d’équivalent en France. La campagne « Give us back our crown jewels », portée par le Guardian en 2006, ne pourrait pas avoir d’écho sur nos terres républicaines. Pourtant elle a joué un rôle important dans la libération des données publiques en Grande Bretagne. Le Guardian a ainsi activement milité pour que les données collectées grâce à l’argent du contribuable britannique soient accessibles gratuitement, afin de stimuler l’innovation. Il a joué un rôle d’exemplarité en ouvrant ses propres bases de données (DataStore) et en organisant un concours d’applications basées sur ces données libérées. (Voir à ce sujet l’article de Jean Marc Manach « Les joyaux de la couronne n’appartiennent à personne »)

Pas de consensus sur la valeur économique de l’ouverture des données en France

Dans son plaidoyer pour l’ouverture des données, le Guardian insistait sur l’enjeu économique de l’ouverture des données publiques : une meilleure valorisation des données stratégiques, plus de services, plus d’opportunités commerciales, plus d’innovation, moins d’asymétrie informationnelle et donc des marchés plus efficients, et au final, un plus grand dynamisme économique.

En France, il n’y a pas de consensus sur la valeur économique des données publiques. Les entreprises dont l’activité repose sur la privatisation de données n’ont pas intérêt à leur ouverture. L’avantage économique de la libération des données ne s’est pas imposé face aux gains espérés de leur monétisation via la vente de licences. C’est ainsi, par exemple, que l’IGN continue à faire payer l’accès à une importante partie de ses bases de données. (voir ce précédent post pour plus d’info)

Les conditions juridiques de la réutilisation des bases de données

Sans aller jusqu’à dire que l’appareil juridique français est un frein à l’ouverture des données, il faut garder en tête certaines particularités de notre doit des bases de données.

Premier point : le droit d’auteur. Les données brutes ne sont pas, en elles-mêmes, soumises au droit d’auteur mais une base de données peut-être protégée par le droit d’auteur si elle découle d’un acte de création intellectuelle, c’est à dire si elle témoigne d’une originalité caractérisée. L’auteur de la base de données jouit alors d’un monopole d’exploitation de son œuvre (droits patrimoniaux) ainsi que de droits au respect de l’intégrité de son œuvre et au respect de sa paternité sur l’œuvre (droits moraux).

Deuxième point : le droit des producteurs de bases de données. Lorsque que la création d’une base de données nécessite un investissement financier, humain et matériel substantiel, le droit des producteurs reconnaît au créateur un droit de protection analogue à celui de l’auteur sur son œuvre. Cette disposition est destinée à protéger l’investissement des personnes qui prennent l’initiative et le risque économique de créer une base de données. Cette protection garantie au producteur de la base de données un monopole d’exploitation, il peut interdire toute extraction substantielle de données de sa base.

Pour plus de détails voir la très bonne synthèse de Didier Frochot sur les-infostratèges.com et l’étude de la jurisprudence par Bernard Lamon.

Troisième point : la CNIL et les dispositions relatives à la protection de la vie privée. Toute base de données impliquant des données nominatives et/ou personnelles doit faire l’objet d’une déclaration à la CNIL. La collecte et la conservation des données d’une telle base sont également soumises à conditions (voire le site de la CNIL pour plus d’info). De même, doit être soumis à la CNIL tout croisement de bases de données qui aboutirait à qualifier des données personnelles.

L’enjeu de la structuration des données

Enfin, l’ouverture des données repose avant tout sur un enjeu d’accessibilité. Certes, on trouve aujourd’hui de nombreuses données chiffrées sur des organismes publics ou privés. Mais bien souvent ces données sont perdues au milieu de fichiers pdf, éparpillées entre des masses de texte, scannées en format image… et lorsqu’il s’agit de croiser de bases de données, on se retrouve face à des formats disparates et peu malléables… bref, les données sont rarement structurées.

D’accord, la loi du 17 juillet 1978 reconnaît à tout citoyen français le droit d’obtenir communication des documents détenus par une administration.

D’accord, une autorité administrative dédiée, la CADA (commission d’accès aux documents administratifs), veille au bon respect de ce droit d’accès aux documents administratifs.

Mais rien n’oblige les administrations à communiquer leurs données sous format numérique, encore moins de façon structurée.

Sur ce sujet, l’expérience de Nicolas Kayser-Bril est édifiante (voir l’article « On l’a pas en format ordinateur »).

Billet initialement paru sur Database journalism

Illustration : http://www.sxc.hu/

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