OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Un ex-directeur de BNP balance http://owni.fr/2011/11/25/directeur-bnp-paribas-balance-tumblr/ http://owni.fr/2011/11/25/directeur-bnp-paribas-balance-tumblr/#comments Fri, 25 Nov 2011 08:23:01 +0000 Sabine Blanc http://owni.fr/?p=87979

Lundi 14 novembre au matin, les employés de BNP Paribas Securities Services (BP2S), l’activité de titres de BNP Paribas, ont reçu un étonnant mail de leur ancien directeur, Jacques-Philippe Marson :

Chères amies, Cher amis, Dear Friends,

Le 9 novembre dernier marquait l’anniversaire de deux années passées après le premier jour d’une inspection générale “spéciale” qui a conduit scandaleusement à mon licenciement.  J’ai décidé de rompre le silence que je m’étais imposé et de m’exprimer publiquement par le biais d’un blog.
Je publierai au fil des jours et semaines qui viennent les événements tels que je les ai vécus.  Je vous livrerai analyse et reflexion à ce dossier qui s’avèrera accablant pour ceux qui l’ont intitié et pour ceux qui l’ont soutenu.

Intitulé “Histoire d’un licenciement abusif”, son site sur Tumblr (une plate-forme de microblogging) met sur la place publique les affaires internes qui ont abouti à sa mise à pied fin 2009, suivi de son licenciement pour faute grave. L’affaire avait été médiatisée à l’époque, dans une séquence peu glorieuse pour la finance, entre le krach de 2008 et les affaires Kerviel et Madoff.

En première lecture, l’affaire à l’origine de son éviction apparaît tortueuse. L’ex-dirigeant a été accusé d’avoir profité de sa position pour obtenir des commissions occultes de la part d’un homme d’affaire malien, Aliou Boubacar Diallo dans le cadre d’un projet minier au Mali. Trois plaintes croisées ont été déposées, la BNP contre Jacques-Philippe Marson, Aliou Boubacar Diallo contre Jacques-Philippe Marson et Jacques-Philippe Marson contre Alliou Diallo.

Suite à ces plaintes, le parquet de Paris a décidé de l’ouverture d’une enquête préliminaire confiée aux experts de la Brigade financière, en janvier 2010. Lesquels, depuis, n’ont rien trouvé. Jacques-Philippe Marson justifie de sortir seulement maintenant du silence :

J’ai attendu que les plaintes soient traitées ou classées pour agir. Toutes les plaintes ont été classées. Je consacrerai un chapitre détaillé sur les trois plaintes.

Violence des échanges en milieu tempéré

Les quelques billets qu’il a déjà mis en ligne annonce la couleur, plutôt rouge colère que vert BNP. Promettant d’”appuy[er] par des preuves écrites et par des témoignages” ses accusations, il tape dur, d’emblée :

À ce jour le groupe n’apporte aucune preuve. Il se base uniquement sur le rapport “à charge” de l’inspection générale dont les conclusions sont absolument fausses et totalement mensongères. Une analyse détaillée en sera faite dans les chapitres à venir.

Selon lui, il y a à l’origine de la procédure, “une lettre de dénonciation”, le 30 septembre que “B. Prot, Directeur Général du Groupe BNP Paribas reçoit en mains propres de son frère”, Guillaume Prot alors directeur général du groupe Moniteur. L’avocate de l’homme d’affaire malien, Julia Boutonnet, décrit quant à elle Jacques-Philippe Marson comme un affabulateur. Quant au classement des plaintes, il est logique pour elle :

Le cas de M. Marson relevait plus du civil que du pénal, ce qu’on reprochait à mon client ne tenait pas la route et la BNP ne voulait pas faire de publicité.

Pour le manque de publicité, c’est loupé. L’état-major est aussi passé au couteau :

A ce jour, aucun membre de la direction générale du groupe, aucun membre des cadres dirigeants du groupe, aucun des cadres de mon équipe dirigeante n’ont jugé utile de m’accorder une seconde d’écoute.  Aucune des ces éminentes personnes n’a jugé utile de me soutenir dans cette double et terrible épreuve : professionnelle et personnelle.

Dans un billet publié ce jeudi, Jacques-Philippe Marson accuse implicitement Jacques d’Estais, qui lui a succédé, de diffamation :

Le lendemain, 24 novembre, mon responsable hiérarchique a réuni 350 cadres de BP2S pour les informer de ce qui se passait. Vous trouverez ci-après la version intégrale des propos tenus par Jacques d’Estais. Je vous laisse juge du caractère diffamatoire ou non de son discours.

Choc des cultures

Au final, choc des cultures garanti entre le milieu feutré de la banque, adepte de la logique verticale (“top-down”) et la plate-forme Tumblr, la plus populaire, le seuil d’accès le plus bas au blogging, plus connu pour ses gifs animés que pour servir de porte-voix aux victimes d’injustice.

Jacques-Philippe Marson a bien contacté des journalistes pour tenter d’attirer leur attention sur son histoire mais las : selon ses dires, son histoire n’est pas assez sexy à leurs yeux. Crucifier un ponte de la banque, c’est intéressant (lorsque son affaire a éclaté), le blanchir, nettement moins, a fortiori s’il n’a pas de révélations fracassantes à faire sur la BNP :

BNP est une organisation qu’en tant qu’organisation je respecte, ce sont des personnes qui sont responsables de mon licenciement. Et je ne suis pas un mouchard.

Il n’a pas non plus confiance en la justice, qui l’a débouté aux prud’hommes en un quart d’heure, comme un vulgaire justiciable de base :

D’habitude, ces affaires ne se règlent pas aux prud’hommes.

Selon lui, son drame se heurte au corporatisme des salariés, qui auraient modestement relayé ses demandes. Jacques-Philippe Marson parle carrément d’omerta. L’un de ses anciens collègues a ainsi refusé de faire suivre le mail de JP Marson :

je n’ai pas trop envie d’aller à la pêche au mail dans ce cas précis. Ce qui se passe à Pantin reste à Pantin!

L’ex-dirigeant assure que son blog a fait son petit effet. Un salarié nous a raconté que la méthode avait surtout surpris :

Ça a fait parler en interne, enfin surtout vu la méthode utilisée (un mail envoyé sur les mails pro lundi pendant la nuit).

La BNP semble avoir opté pour une défense basique. La plate-forme avait été débloquée voilà quelques temps. Curieusement, peu de temps après l’envoi du mail, l’accès était de nouveau bloqué pour le personnel connecté en interne. Contacté, le service de presse a eu cette réaction :

Il a un blog ? Vous m’apprenez quelque chose. Je ne m’occupe pas de la partie BP2S. [je lui dicte le nom du Tumblr] Tumblr est bloqué chez nous. Bon, il n’est pas content, ça fait du bien de se déverser.

Dans cette ténébreuse affaire, les détails manquent sur les raisons pour lesquelles la BNP aurait décapité l’ancien directeur. Pour l’heure, l’ex-dirigeant n’a que des hypothèses, qu’il refuse que nous rendions publiques. La suite au prochain post. Dans le cadre de cet article, nous avons tenté de recueillir des commentaires de la part de la direction de BP2S. En vain.

Images CC Flickr PaternitéPas d'utilisation commercialePas de modification Cade Buchanan et PaternitéPas d'utilisation commercialePas de modification M Domondon

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Apple, première marque désengagée des réseaux sociaux http://owni.fr/2010/07/29/apple-premiere-marque-desengagee-des-reseaux-sociaux/ http://owni.fr/2010/07/29/apple-premiere-marque-desengagee-des-reseaux-sociaux/#comments Thu, 29 Jul 2010 09:09:49 +0000 Laurent François http://owni.fr/?p=22765 Citoyens !

Un mouvement d’humeur, encore à cause de Steve Jobs, qui a fait une tentative à la Carrefour vs Leclerc vendredi dernier en nous expliquant que les problèmes de réception de l’iPhone 4 étaient communs à tous les smartphones, y compris Blackberry. Drôle d’attitude de vendeurs de tapis pour un pseudo Dieu du marketing

Red Card !

En y regardant de plus près, j’ai la vague impression qu’Apple est en train de renier 3 principes qui faisaient le fondement de sa réputation. Pire, qu’Apple est en train de passer (complètement) à côté des médias sociaux :

  • Une non prise en compte des avis de ses fan-boys qui ont de moins en moins d’arguments rationnels afin de recommander Apple… Tournez les talons devant votre public, vous laisserez une foule révoltée en proie au même sentiment qu’une déception amoureuse. Et bien plus grave : ce sont d’habitude les fans inconditionnels qui faisaient le job auprès du plus grand public. Un problème de compatibilité, un souci quelconque ? C’était un fan boy qui répondait à l’internaute désemparé. En coupant les vivres et l’information au fan-boy, on se coupe en fait du grand public.
  • Une généralisation de la “fuite” comme mode de communication : or les fuites sont comme les bottes secrètes; si on banalise son utilisation, y compris sur des éléments négatifs (rumeur de callback, au hasard…), la marque perd de son impact. Surtout, les fuites ont désormais le temps de faire plusieurs fois le tour de la terre, on n’est plus dans une communication maitrisée vers des influenceurs ou des publics captifs (les fans) mais vers le… grand public. Grand public qui doit commencer à en avoir marre d’être exposé à autant de publicités print partout où il aille mais qui reste sans réponse là où il souhaiterait que la marque réponde clairement : Internet.
  • L’oubli que si Apple souhaite contrôler le pipeline (bienvenue dans le monde enchanté d’Apple où même les médias sont rackettés à hauteur de 30% et où vous serez ou validés ou misérables par l’Etoile Blanche), et bien qu’Apple ne peut pas contrôler les gens. Ces gens qui n’ont désormais normalement plus de dépendance à de quelconques softwares mono OS, mais qui sont dépendants à l’échange, à l’accès au web ouvert, bref à un navigateur. Apple a réinventé les bus de tourisme (trajets uniques, restaurants uniques, expériences limitées mais OH COMBIEN confortables quand on est retraités notamment :p ) quand le grand public réclame une voiture lui permettant d’aller partout se garer.

Apple est donc en train une nouvelle fois d’innover en se dégageant des médias sociaux. Une belle performance, qui serait tenable si Apple pouvait parvenir à avoir toujours un (grand) train d’avance (et pas un bus) et si Apple maitrisait à 100% le contenu.

Dans cette histoire où le pitch est désormais à partager avec de nouveaux acteurs, les consommateurs, on peut parier sur une défiance de plus en plus marquée en 2011. A moins que la stratégie d’Apple soit de cliver son pool de consommateurs entre d’irréductibles (mais moins nombreux) suiveurs, forts consommateurs d’applications et de produits numériques, et le grand public. La bonne nouvelle pour nous : il reste tous les autres fournisseurs.

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Billet initialement publié sur Citizenl.fr.

Crédits Photo CC Flickr : cszar.

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Les enseignements du cas Nestlé – Greenpeace http://owni.fr/2010/04/09/les-enseignements-du-cas-nestle-greenpeace/ http://owni.fr/2010/04/09/les-enseignements-du-cas-nestle-greenpeace/#comments Fri, 09 Apr 2010 08:35:11 +0000 François Guillot http://owni.fr/?p=11866 Greenpeace qui attaque Nestlé sur la question de l’huile de palme, Nestlé qui réagit de travers, la page Facebook du groupe envahie par des commentaires négatifs, un gros buzz sur les médias sociaux, des reprises dans les grands médias et un cours de bourse qui se casse la figure : c’est LE cas de crise web de ce début d’année.

On a pu lire de nombreuses analyses de ce cas important au cours des quinze derniers jours. J’en rejoins certaines, d’autres moins : aussi est-ce à mon tour de m’y coller, avec une reconstitution et une analyse des grands enseignements de cette crise.

Attention, billet long : paresseux s’abstenir.

Image CC Flickr Gauravonomics

Image CC Flickr Gauravonomics

Greenpeace qui attaque Nestlé sur la question de l’huile de palme, Nestlé qui réagit de travers, la page Facebook du groupe envahie par des commentaires négatifs, un gros buzz sur les médias sociaux, des reprises dans les grands médias et un cours de bourse qui se casse la figure : c’est LE cas de crise web de ce début d’année.

On a pu lire de nombreuses analyses de ce cas important au cours des quinze derniers jours. J’en rejoins certaines, d’autres moins : aussi est-ce à mon tour de m’y coller, avec une reconstitution et une analyse des grands enseignements de cette crise.

Attention, billet long : paresseux s’abstenir.

CHRONOLOGIE DES ÉVÉNEMENTS

L’affaire, donc : à la mi-mars, Greenpeace a déclenché une campagne online contre KitKat, marque du groupe Nestlé, responsable à ses yeux de la déforestation de l’Indonésie pour la production de l’huile de palme.

On peut lire une chronologie de la crise ici, et une interview de Greenpeace sur son dispositif là.

Au travers des différentes sources que j’ai pu réunir, voici une reconstitution des faits :

16 mars : le rapport Greenpeace

Greenpeace incrimine Nestlé dans un rapport sur la déforestation en Indonésie. Les victimes sont le climat, la forêt et les orangs-outangs.

17 mars : la machine se met en route

Nestlé répond dans une position officielle qu’il ne travaille plus avec le fournisseur incriminé, Sinar Mas, et dit son engagement à n’utiliser plus que de l’huile de palme « durable » en 2015 (un engagement qui semble antérieur).

Je ne suis pas sûr de savoir si cette position a été publiée avant ou après les autres événements de la journée (voir ci-dessous), mais peu importe.

Greenpeace entre en campagne avec mini-sites dédiés à l’appui, sur lesquels on trouve vidéo parodique, « kit de campagne » (avec logos détournés), information de référence, fil Twitter en temps réel, connection avec Facebook, Twitter et YouTube, e-cards de Pâques, email à envoyer au président de Nestlé, etc.

Des militants Greenpeace déguisés en orangs-outangs manifestent devant les bureaux du groupe en Angleterre.

Greenpeace poste la vidéo parodique sur YouTube, parodiant le concept « have a break » de KitKat de manière, disons, interpellante :

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Alors que la vidéo a été vue moins de 1000 fois, Nestlé la fait retirer de YouTube pour violation du copyright.

Réponse de Greenpeace : republication de la vidéo sur Viméo et information via les médias sociaux comme quoi Nestlé a tenté de censurer la vidéo.

Les militants Greenpeace commencent à poster des commentaires négatifs sur la page Facebook de Nestlé, qui compte 90 000 fans. Nestlé ne les censure pas.

Nestlé répond via un statut sur sa page Facebook et renvoie vers la page « statements » de son site corporate – le post reçoit trente commentaires.

Certains utilisateurs Facebook modifient leur photo de profil au profit du logo KitKat détourné en « Killer », créant un « mème ».

En parallèle, Nestlé publie aussi sa position sur Twitter (moins de 1000 followers) et répond à deux commentaires.

18 mars

Nestlé reçoit un certain nombre de critiques sur la manière dont la page est gérée et réagit de façon sèche. Un statut demande aux internautes de ne pas utiliser le logo détourné.

Nouveau statut Nestlé, reprenant la position officielle. Une quarantaine de commentaires s’ensuivent.

Le même jour, Nestlé publie un update plus détaillé sur son site corporate, sous la forme d’un questions-réponses.

19 mars : emballement sur Facebook

C’est le jour où l’activité sur la page Facebook et dans les médias sociaux sera la plus intense. Nestlé demande aux utilisateurs Facebook de ne pas utiliser le logo KitKat détourné (tout en se disant prêt à accepter tous les commentaires). C’est le premier d’une série de huit statuts consécutifs dans la journée, qui seront commentés de 30 à 200 fois.

Nestlé publie un update de « mea culpa » sur la demande de non-utilisation du logo détourné et l’impolitesse des réponses faites.

L’histoire fait le tour des médias sociaux et de Twitter en particulier, alimentée notamment par Greenpeace qui a habillé ses pages web et médias sociaux aux couleurs de la campagne « Killer » et renvoie vers la page Facebook de Nestlé.

Nestlé republie aussi sa position sur Twitter.

Il est mentionné à plusieurs reprises que Nestlé a fermé sa page Facebook pendant quelques jours, mais je n’ai pas réussi à savoir quand exactement.

22 mars

Nouveau statut de Nestlé : « Social media: as you can see we’re learning as we go. Thanks for the comments. »

Le syndicat des producteurs d’huile de palme indonésiens publie un communiqué menaçant Nestlé de boycott.

23 mars et depuis

Greenpeace appelle a continuer à faire pression sur Nestlé : les engagements pris ne sont « pas suffisants ».

On notera aussi le très grand nombre de posts anti-Nestlé sur la page Facebook, dans l’onglet « just fans » : le rythme de publication continue à être soutenu (une vingtaine rien qu’aujourd’hui, trois semaines après les faits). Cela continue à être le principal élément visible aujourd’hui. Nestlé ne les retire pas.

LES QUESTIONS QUE CE CAS POSE

La première question est la suivante : la crise présente-t-elle un caractère exceptionnel ?

C’est une des questions les plus importantes et la réponse est oui et non.

La campagne est-elle exceptionnelle par le caractère de l’attaque de Greenpeace ?

Pas vraiment. Les méthodes de Greenpeace sont connues et on a déjà vu de sa part des cas de campagnes :

-       ciblées contre une marque

-       produisant un rapport « choc » de référence

-       parodiant les codes et les publicités de la marque, vidéo à l’appui

-       proposant un site dédié et habillant les espaces web de l’ONG

-       équipant les militants pour faire du bruit (e-mailing au président de l’entreprise, maintenant social media)

-       comportant des manifestations « IRL » d’activistes

Les précédentes campagnes Greenpeace contre Apple et Dove, contre la déforestation de l’Indonésie déjà, étaient de bons exemples d’un peu tout cela.

L’originalité de la campagne Greenpeace repose donc plutôt sur la combinaison des moyens proposés et sur le fait d’utiliser tous les canaux disponibles, comme la modification des avatars des militants et le vandalisme de la page Facebook de la marque.

On l’avait vu à l’occasion du « hoax » Sprite de l’été dernier : les formes d’attaques contre les marques se font de plus en plus sophistiquées. La contestation des marques et des entreprises a toujours existé, elle s’étend sous de nouvelles formes, de nouveaux territoires et avec plus de professionnalisme.

Le web social offre aux organisations qui ont des bases de militants de nouveaux moyens d’action : c’était d’ailleurs la principale leçon de la campagne online du candidat Obama.

Là où le cas Nestlé n’a pas de précédent, c’est dans le vandalisme de la page Facebook de l’entreprise ciblée. Et c’est justement sur cet espace-là que Nestlé a commis ses erreurs.

Mais dire qu’on entre dans l’ère de la web-guérilla, comme le fait ReadWriteWeb, n’aura comme effet de faire fuir les entreprises du web social dont le cauchemar est de se retrouver à gérer une situation similaire à Nestlé.

La campagne est-elle exceptionnelle par les résultats qu’elle a obtenus ?

Oui, mais pas unique pour autant. Pour répondre à cette question, je prendrais quatre indicateurs qui se veulent objectifs :

-       le nombre de vidéos vues. Greenpeace en comptabilise plus de 900 000 sur l’ensemble de la campagne. Il est certain qu’aucune entreprise ne signerait pour avoir 900 000 vues sur une vidéo dénigrante. Pour autant, on a déjà vu des phénomènes d’embrasement plus importants : les vidéos Domino’s par exemple avaient totalisé 1 million de vues en deux jours. Les vidéos Sprite sus-mentionnées n’en étaient pas loin après quelques jours d’activité. Certaines vidéos de « mauvaises pratiques » de la grande distribution ont été vues des millions de fois sur Dailymotion.

-       l’activité sur la page Facebook. Les statuts postés par Nestlé ont donc été commentés jusqu’à 200 fois, ce qui n’est somme toute pas gigantesque pour une page qui compte 90 000 fans. En revanche, sur l’onglet « just fans », c’est un véritable carnage.

-       La visibilité dans les médias de masse. Difficile d’avoir une réponse claire à cette question pourtant clé : c’est lorsque la crise bascule dans les médias de masse que l’entreprise ou la marque est véritablement en danger. Hors, il est difficile de reconstituer le bruit « offline » autour de cette affaire. On retrouve assez facilement la couverture des grands médias anglophones de la presse écrite ; en ce qui concerne l’impact télévision et radio, je n’ai pas beaucoup d’éléments.

-       l’impact sur le cours de bourse : il est réel comme le montre la capture d’écran de ReadWriteWeb. Mais pas forcément durable.

À noter enfin sur ces aspects quantitatifs : Greenpeace annonce 120 000 e-mails envoyés à Nestlé.

Le reste (billets sur les blogs, mentions sur Twitter, etc.) est surtout un gros os à ronger pour les experts en médias sociaux qui font leurs choux gras de ce genre de cas, pas si fréquents d’ailleurs, afin de démontrer l’impact du web social en matière d’opinion et de réputation.

Méfions-nous de la circulation circulaire (tous les professionnels de la communication en auront entendu parler, mais quelle part du grand public ?) et de l’ethnocentrisme du microcosme et de l’intelligentsia des médias sociaux (« les blogs que je lis en parlent, donc tout le monde en parle »).

Mais surtout, la visibilité de cette campagne, Greenpeace la doit à… Nestlé : ce qui a permis à la mayonnaise de monter, c’est avant tout la réaction de Nestlé qui a ouvert des brèches à Greenpeace.

Chercher à faire retirer la vidéo a été une aubaine pour Greenpeace. Demander aux internautes de ne pas utiliser le logo détourné à envenimé les choses.

Bref, et une nouvelle fois dans l’histoire de la communication sensible, c’est en plaçant le juridique (le droit) avant l’opinion (le débat, la morale) qu’on jette de l’huile sur le feu.

Pour autant, la campagne montre-t-elle le rôle déterminant du community manager ?

On aurait tort de croire qu’un bon community manager, ou un bon community management, aurait permis de rééquilibrer la situation (voir l’analyse très juste d’Anthony Poncier) : le community management ici aurait surtout pu éviter quelques erreurs :

-       la demande de non-utilisation du logo détourné

-       le trop grand nombre de statuts qui montrait une forme de panique

-       les réponses sèches à certains internautes, qui ont donné lieu à des captures d’écran qui sont en effet assez hallucinantes. L’humilité est pourtant l’une des premières valeurs à s’appliquer en situation sensible. Ici, la tonalité employée est évidemment inadmissible de la part d’une entreprise… C’est en réalité celle d’un individu, forcément rendu nerveux par les événements, et on ne peut faire que l’hypothèse d’une trop grande liberté laissée à l’administrateur de la page.

Cela dit, je trouve injuste de dire que Nestlé n’a pas géré ou a fait preuve de l’amateurisme le plus total.

Des erreurs plombantes ont été commises, cf. ci-dessus, mais c’est assez facile de charger l’entreprise et on notera que Nestlé a quand même :

-       fait preuve de réactivité : réponses quasi-immédiates sur le site du groupe, certes dans une tonalité très corporate, mais elles étaient là et bien là

-       systématiquement renvoyé sur ces positions qui n’ont pas bougé

-       observé un principe de « laisser parler », quitte à laisser sa page Facebook se faire vandaliser

-       publié son mea culpa quant à son attitude

Quelle organisation pour les médias sociaux ?

On peut se demander à qui reportait l’administrateur de la page Facebook Nestlé, ce qui pose justement la question de l’organisation de la fonction social media dans l’entreprise.

Derrière cela, il y a deux choses :

-       la question du profil du community manager

Si vous vous êtes intéressés au cas, vous aurez déjà lu plusieurs fois qu’il faut cesser de confier des postes de community managers à des juniors juste parce qu’ils sont de la génération Y. C’est tout à fait exact. Jeremiah Owyang : « voyez votre page Facebook comme un point de vente. Le confieriez-vous à un junior ? ».

La compétence est complexe parce qu’elle suppose à la fois une compréhension des codes des médias sociaux (et on observe de sacrés gaps culturels entre, disons, les moins de 35 ans et les plus de 35 ans) et une compréhension des enjeux de marque (rare chez les juniors), voire du porte-parolat (qui demande carrément d’être très senior).

C’est aussi une compétence qui s’encadre : par exemple avec des guides d’animation des médias sociaux et des formations à l’animation des espaces sociaux. Pas de solution miracle pour autant : le community manager va apprendre l’essentiel en marchant.

-       la question du pilotage de la fonction.

Je suis effaré de voir ReadWriteWeb (dont vous aurez compris que le papier m’a quelque peu… agacé) écrire que les agences de communication doivent être hors du coup, c’est une grave méconnaissance du rôle des agences qui sont là pour conseiller (et justement pour éviter aux entreprises de commettre des erreurs), pas pour piloter… Mais passons.

Plus globalement, il s’agit de savoir si la fonction community management relève du marketing (ce qui fait sens sur Facebook quand on est sur une page de marque, outil de relation client avant tout), de la communication (ce qui fait sens pour un espace d’entreprise), d’une autre direction ou d’un autre service.

Le ou les community managers de Nestlé viennent-ils d’une culture marketing ou réputation ? Dans un cas de crise comme ici, c’est en tout cas à la communication de piloter, pas au marketing. Les process internes doivent donc permettre à la com de prendre le lead.

Quid du porte-parolat sur les médias sociaux ?

Et oui, une entreprise cotée a des obligations et on voit ici à quel point les médias sociaux sèment la zizanie dans l’organisation de la communication des entreprises : un statut, un commentaire sur Facebook restent des prises de position publiques de la compagnie… Les procédures de validation ont parfois du bon.

Un problème de stratégie ?

On a aussi beaucoup lu dans les billets d’analyse de cette crise Nestlé que cela montrait que Nestlé n’avait pas de stratégie médias sociaux, pas de réflexion, que cela montrait qu’on avait juste lancé un outil, etc.

Peut-être est-ce le cas, peut-être pas, je n’en sais rien : personnellement, je ne crois pas que Nestlé partait de zéro ou a construit tout cela n’importe comment ; mais je crois surtout que la question posée ici est celle de la bonne gestion de crise plutôt que de la bonne stratégie médias sociaux.

Car ce n’est pas en définissant des principes de bonne conduite sur sa page Facebook que l’on empêche des militants d’ONG motivés de la pourrir.

Comment gérer les attaques ?

C’est ici qu’il ne faut pas confondre expertise des médias sociaux et expertise de la crise. De nombreuses entreprises se préparent aux situations de crise en réfléchissant sur la nature des risques, les scénarios possibles, en définissant des process et des responsabilités et en formant leurs équipes. D’autres ne le font pas et ce cas vient rappeler qu’il est tout simplement bon de se préparer.

Rien de nouveau sous le soleil : il faut se préparer aux crises, entretenir son état de préparation… et intégrer la dimension social media dans la crise, à plusieurs niveaux :

-       dans l’analyse des risques (les médias sociaux font naître de nouveaux risques ou permettent à des signaux de se propager plus facilement)

-       dans la fonction de veille (savoir ce qui se dit en situation sensible)

-       dans la gestion de crise (du site corporate aux espace sociaux, en passant par les moteurs de recherche), ce qui suppose a minima d’intégrer un spécialiste du web dans la cellule de crise. Voir notre billet « 15 trucs pour la communication de crise en ligne ».

Qu’aurait pu faire Nestlé ?

En dehors de toutes les considérations de stratégie ou d’organisation, la réponse n’est pas franchement simple.

Il me paraît d’abord difficile, comme je le disais ci-dessus, de se fixer comme objectif de calmer les ardeurs de militants d’ONG. Ils ne sont pas là pour être de bonne foi avec Nestlé et feront tout ce qu’ils peuvent pour appuyer là où ça fait mal. Avec ce type de public, c’est une bataille de communication qui s’engage, mais l’enjeu est la décision industrielle (raccourcir le délai de 2015 comme horizon pour une « huile de palme 100% durable », entre autres).

Au mieux peut-on donc ne pas envenimer la situation, ce qui consiste souvent à faire le dos rond.

De plus, il s’agit d’un sujet où la marque n’aura pas d’ambassadeurs : on ne peut pas imaginer de voir la conversation s’équilibrer d’elle-même.

Il aurait sans doute fallu davantage de proximité dans la formulation des positions : la production d’une vidéo questions – réponses avec le président ou l’autorité compétente chez Nestlé aurait peut-être permis de mieux faire comprendre les positions de la compagnie et permis d’équilibrer le débat.

Je ne crois pas à la possibilité de cantonner le débat dans un onglet spécifique de la page Facebook prévu à cet effet. Je pencherais plutôt pour la définition d’une politique d’usage de la page Facebook qui renverrait l’intégralité de la discussion « huile de palme » sur un espace type plate-forme de feedback (« si vous souhaitez parler de l’huile de palme, rendez-vous sur notre espace dédié »), plus facile à modérer.

Maintenant, faut-il ou pas supprimer les commentaires négatifs qui continuent à être postés en permanence, telle est la question. C’est tout à l’honneur de Nestlé de les laisser en ligne, mais ça fait sacrément désordre.

Franchement ? Comme Cédric Deniaud, qui a à mon avis produit la meilleure analyse du web francophone sur le sujet, je définirais le « contrat social » de la page Facebook et une fois que l’espace de « discussion » sur l’huile de palme (et/ou d’autres sujets) est créé, je renverrais la totalité des conversations dessus, quitte à supprimer les commentaires « hors sujet ».

La bonne nouvelle pour Nestlé, c’est que la critique se lasse toujours. Nestlé doit donc aussi et surtout reprendre le cours de l’animation de sa page avec son flux d’infos et d’annonces, et reprendre la question de son organisation social media et process de crise.

LES ENSEIGNEMENTS

Allez hop, on résume en 10 points clé :

1-Cette crise nous apprend que les attaques contre les marques peuvent se faire de façon de plus en plus sophistiquée, en s’engouffrant sur les espaces sociaux des marques.
2-Facebook (beaucoup plus que Twitter) est le lieu à risque, de par la population massive qu’on y trouve d’une part, de par la liberté de s’exprimer que les fonctionnalités permettent.
3-Quand la logique juridique prend le pas sur la logique d’opinion, on risque le pire. Les codes du web accommodent mal des réglementations : les entreprises sont renvoyées à des interrogations morales et ne peuvent se réfugier derrière le droit.
4-Tous les cas de démonstration de l’impact du web, comme celui-ci, sont utilisés par les professionnels de la profession à des fins prosélytes. C’est à la fois normal et polluant, mais cela invite à bien se poser la question de l’impact réel.
5-Cette crise peut être qualifiée de crise à fort impact, mais on n’est pas pour autant devant quelque chose de dévastateur (notamment parce que l’impact dans les médias audiovisuels ne semble pas clair et massif)
6-L’activisme est avant tout un truc anglo-saxon. Très clair ici.
7-C’est grâce aux erreurs de Nestlé que Greenpeace a réussi sa campagne.
8-Cette crise pose la question de la réflexion de l’entreprise sur la gestion de ses risques, plutôt que de celle de sa stratégie médias sociaux (mais elle ne l’empêche pas pour autant). Il faut plus que jamais se préparer aux risques (évaluation, scénarios, process, formations), et y intégrer la dimension médias sociaux.
9-La bonne gestion des médias sociaux est avant tout une question d’organisation pour les entreprises, et une question complexe. Nécessité d’avoir une stratégie claire, besoin de profils seniors, de multi-compétences, enjeux de périmètres entre la communication et le marketing, ROI à expliciter : c’est la quadrature du cercle et il faut faire des choix.
10-Chaque espace social doit avoir une vocation clairement définie : le mythe de la transparence et du laisser-faire doit être dépassé. Laisser publier des messages négatifs revient in fine à les encourager (enfin, à ne pas les décourager). Et à ce sujet, Facebook est davantage un lieu à vocation « marketing » que « corporate ». Même si les deux ne s’excluent pas toujours.
Billet initialement publié sur Internet & Opinion(s)

Photo de une CC Flickr chibi_ro

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Paie ton RT: la banque des gazouillis http://owni.fr/2010/03/31/paie-ton-rt-la-banque-des-gazouillis/ http://owni.fr/2010/03/31/paie-ton-rt-la-banque-des-gazouillis/#comments Wed, 31 Mar 2010 16:00:57 +0000 Marie-Andrée Weiss http://owni.fr/?p=11267 Image CC Flickr Ivan Walsh

Image CC Flickr Ivan Walsh

Que vaut votre réputation sur les réseaux sociaux ? Plusieurs sites permettent de la monétiser, comme Whuffie ou TwitBank, qui mesurent la valeur en monnaie virtuelle.

Cher Lecteur,

Merci de lire mon article. Vous pouvez me rendre plus riche. Si, après avoir lu ma prose, vous désirez suivre, presque journellement, le flot de mes pensées, suivez moi sur Twitter, retweetez mes tweets, et contribuez ainsi à ma santé financière.

Les banquiers de la réputation

C’est ce que propose une jeune pousse, Whuffie, un site à but non lucratif qui se propose d’être la banque qui monnaye et échange un bien de plus en plus précieux, notre influence sur les sites de réseaux sociaux. Grâce à un algorithme, Whuffie mesure notre influence sur le réseau Twitter, en attendant de le faire pour d’autres sites, dont Facebook. Il est intéressant de noter que, comme toute monnaie, le whuffie peut être échangé ou donné.

Le terme whuffie a été inventé par Cory Doctorow, qui décrit dans son roman de science-fiction Down and Out in the Magic Kingdom, traduit en français sous le titre Dans la dèche au royaume enchanté, un monde où la monnaie est basée sur la valeur de la réputation. Il y est possible de connaitre rapidement le nombre de whuffies au capital de toute personne rencontrée en utilisant une commande ping. Le nombre de whuffies de notre interlocuteur s’affiche alors sur un HUD (Head Up Display), un affichage tête haute, terme emprunté à l’univers du jeu vidéo qui permet au joueur de connaitre son statut.

Selon Jules, le héros du livre de Cory Doctorow, le whuffie « a recréé la véritable valeur de l’argent » car cette unité mesure « votre capital personnel avec vos amis et vos voisins » et vous permet ainsi « d’évaluer au mieux votre succès ». Nos amis, nos voisins ? Il s’agit bien de notre réseau, dont la valeur même dépend du nombre de connections.

L’idée d’une monnaie basée sur la réputation est reprise en France par la TwitBank, qui utilise la « monnaie de remerciement » exploracoeur. Ouvrir un compte à la TwitBank permet de faire des transferts d’exploracoeurs par le biais de Twitter, et d’en recevoir.

Les autres monnaies virtuelles

L’idée d’une monnaie créée par le biais d’un site Internet n’est pas nouvelle. Le site Second Life a sa propre monnaie, le Linden dollar, que les avatars utilisent pour acheter ce dont ils ont besoin, ou envie, dans ce monde virtuel. Second Life a son propre marché d’échange, le site Lindex, qui permet de convertir des Linden dollars en dollars américains, selon un taux de change fluctuant.

Comment calculer la valeur d’une réputation ?

Second Life fonctionne selon une économie de marché traditionnelle, où le prix d’un bien est en rapport avec la demande, mais le whuffie et l’exploracoeur sont des monnaies basées sur la réputation d’une personne sur les réseaux sociaux, et fluctuent en raison de la confiance accordée ou non à cette personne.

Première difficulté : comment évaluer la valeur de notre influence sur les sites de réseaux sociaux ? Au nombre d’amis et d’internautes qui nous suivent ? Apparemment, ce n’est pas si simple : une étude publiée récemment par des chercheurs internationaux démontre que le nombre de personnes suivant nos tweets n’est pas un indice de mesure fiable de l’influence. Il est vrai que l’on peut suivre quelqu’un, mais ne pas lire ses tweets. A cet égard, le nombre de fois que les tweets sont retweetés est un indicateur de valeur bien plus fiable.

Le site Tweetlevel propose aux utilisateurs de Twitter de calculer leur influence en leur donnant un score. Pour ce, le site détermine trois facteurs différents. Tout d’abord, il calcule l’influence, mesurée par le nombre de retweets. Ensuite, vient la popularité, calculée en fonction du nombre de personnes suivant le compte. Enfin, l’engagement personnel, plus ou moins élevé selon que la personne participe aux débats et aux conversations, et ne se contente pas de publier ses tweets.

La banque Whuffie utilise un système similaire afin de calculer la valeur de la réputation. Whuffie prend en compte quatre facteurs : le nombre de fois où la personne est retweetée, le nombre de fois où la personne retweete les messages des autres, si la personne est suivie par une personne elle-même très influente, c’est-à-dire très riche en whuffies, et enfin si les messages de la personne qui sont retweetés contiennent ou non un lien. Les messages sans lien ont plus de valeur que les messages contenant un lien, car ils sont souvent entièrement le fruit de leur auteur.

Pourquoi ne pas vendre notre réputation ?

Est-il possible de vendre notre réputation ? Nous avons vu que l’économie des mondes virtuels et l’économie du monde réel peuvent être liées, un phénomène désigné en anglais par le terme « real money trading » ou RMT. Il est possible de vendre des biens virtuels, ou même un compte joueur, à un acheteur nouveau venu qui souhaite partir d’un bon pied en bénéficiant des points accumulés par un joueur plus expérimenté, si le site le permet toutefois. Par exemple, les joueurs de World of Warcraft ne peuvent transférer leur compte, et passer outre à cette interdiction entraîne l’exclusion du site.

Nous utilisons souvent notre véritable nom sur les réseaux sociaux, et Facebook interdit même à ses usagers d’utiliser un pseudonyme ou un avatar. Cela rend ces comptes difficiles à vendre. Un site américain, tweetervalue.com, propose néanmoins de calculer la valeur en dollars de notre compte Twitter. Plutôt que d’acheter le compte et de l’utiliser à notre place, on peut imaginer utiliser ce chiffre pour négocier la valeur de nos tweets, et accepter de promouvoir différents produits auprès des personnes qui nous suivent. En ce cas, la Federal Trade Commission, une agence fédérale américaine, considère qu’il s’agit d’un endossement publicitaire qui doit être publiquement révélé.

En droit français, seules les « choses qui sont dans le commerce » peuvent être l’objet d’une convention (article 1128 du Code civil). Les droits de la personne sont incessibles : l’honneur et la réputation sont des biens hors commerce.

La valeur de notre réputation est-elle imposable ?

Qu’elle soit considérée comme une monnaie d’échange ou un bien que l’on peut vendre, est-ce les gouvernements appliqueront bientôt un impôt sur la valeur de notre réputation ?

Selon le Code des impôts américain, est passible d’impôt tout revenu, quel que soit son origine. Julian Dibbel, spécialiste des mondes virtuels, avait gagné d’importantes sommes dans le monde réel en vendant des biens virtuels sur le site eBay, pratique désormais limitée. M. Dibbel tenta de déclarer ces revenus à l’administration fiscale, qui lui suggéra de déclarer ses revenus en tant que revenus de troc. Les utilisateurs de Second Life résidant dans l’Union européenne doivent déjà s’acquitter de la T.V.A. sur certaines transactions, tel l’achat de terrains.

En France, l’article 1 A du Code Général des Impôts inclut dans le calcul de l’impôt sur le revenu les « plus-values de cession à titre onéreux de biens ou de droits de toute nature ». Il peut s’agir de biens corporels comme de biens incorporels, tels les produits de la propriété industrielle et de la propriété intellectuelle. Le législateur pourrait à long terme choisir de considérer la réputation comme un bien immatériel, peut-être similaire au know-how, ou à une marque, ce qui nous permettrait à la fois de protéger la marque « Moi » et de profiter financièrement de notre micro-branding.

Quoiqu’il en soit, ne pas payer l’impôt sur notre réputation et sur les revenus qu’elle pourrait engendrer aura un impact négatif sur nos whuffies et nos exploracoeurs. Profitons encore pour quelque temps du caractère non imposable de notre réputation…

> Illustration par mallix sur Flickr

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Oui Xavier, grâce au web, les journalistes deviennent leur propre marque ! http://owni.fr/2009/09/28/oui-xavier-grace-au-web-les-journalistes-deviennent-leur-propre-marque/ http://owni.fr/2009/09/28/oui-xavier-grace-au-web-les-journalistes-deviennent-leur-propre-marque/#comments Mon, 28 Sep 2009 12:27:55 +0000 Damien Van Achter http://owni.fr/?p=4005 Xavier Ternissien, journaliste au Monde, a publié ce samedi un article très révélateur intitulé « Les journalistes vont-ils devenir des marques grâce à Internet ? »

Lui qui, il y 6 mois, n’avait pour ainsi dire pas encore mis un pied sur le web, est en train, grâce notamment à son activité sur Twitter, d’accréditer la thèse de ces passifous-furieux qui pensent que l’entretien de discussions en ligne participe à la légitimation de leur activité professionnelle. A mille lieues des éditorialistes tour-d’Ivoiriens et des lustreurs de parquets Matignonesques.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Oui, je suis convaincu que le web et les réseaux sociaux sont en train de changer la donne. Ceux qui avancent à visage découvert, avec les risques que cela comprend,  et qui assumeront leur ego-trip en se mettant au service de leur(s) audience(s) constitueront à coup sûr la prochaine génération de professionnels de l’information.

A lire aussi:

Xavier Ternissien: « Les journalistes vont-ils devenir des marques grâce à Internet ? »

Jean Quatremer: » Suis-je une marque? Article édifiant de Xavier Ternisien. »

Jeremy Porter: « 70 Percent of Journalists Use Social Networks to Assist in Reporting »

> Article initialement publié sur Blogging the news

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Les mensurations de la quéquette Twitter http://owni.fr/2009/09/25/les-mensurations-de-la-quequette-twitter/ http://owni.fr/2009/09/25/les-mensurations-de-la-quequette-twitter/#comments Fri, 25 Sep 2009 08:45:19 +0000 Thierry Crouzet http://owni.fr/?p=3920

mon seesmic desktop

Les journalistes sont naïfs. Ils voient un compte Twitter avec des dizaines de milliers de followers et ils s’extasient. Ils font du détenteur du compte une star. Mais ont-ils un peu gratté derrière les apparences ?

Je voulais avant de vous raconter cette histoire attendre d’avoir moi-même la plus grosse quéquette de la twittosphère francophone en dépassant le fameux @jeanlucr (manquerait plus que je mette un lien vers lui). Mais pas de chance, une rumeur s’ébruite. Je mènerais une expérience et débusquerais des truanderies.

Je vais donc, plus tôt que prévu, vous raconter une histoire, la mienne, celle d’un jeu de cours d’école. Tout a commencé le 19 mai 2009. Je décide de réserver mon compte Twitter historique @tcrouzet à mon Twiller et d’utiliser @crouzet, compte en sommeil, pour mes autres tweets.

Comme je suivais 200 amis sur @tcrouzet, j’ai commencé à les suivre sur @crouzet. Au bout d’un moment, je me suis dit que c’était pas humain d’effectuer ces invitations à la mano. J’ai alors regardé la doc de l’API Twitter, j’ai chargé une librairie PHP, j’ai pondu un bout de code pour transférer mes amis, le tout terminé en dix minutes. Douze heures plus tard, le 20 mai au matin, 70 de mes anciens amis m’avaient suivi sur @crouzet.

Je me suis alors fait deux remarques.

1/ Si on peut changer aussi facilement de compte, on peut aussi quitter Twitter pour un autre service au besoin. On n’est pas pieds et poings liés. Ce qui confirmait mon idée que Twitter était une technologie plus qu’une plateforme.

2/ Si mes amis me suivent, peut-être que les amis de mes amis qui ne me suivent pas encore me rejoindront.

    À 13:18, je publie un tweet d’explication :

    Expérience en cours. Prendre tous les amis d’un ami @nicolasvoisin et les suivre car logique que nous partagions quelque chose.

    À 17 heures, j’avais invité 1000 personnes, quota maximal de nouveaux amis autorisés par jour. À quelqu’un qui me demandait quel intérêt avait ma manip, j’ai répondu :

    Ce qui m’intéresse avec twitter c’est de saisir le bruit de fond de la conscience globale, pas la conversation.

    Et je n’ai pas changé d’avis. J’ai découvert que suivre des milliers de personnes prises au hasard fait sens car la sérendipité, pas de meilleur mot, me fait attraper des choses qui passent fugitivement. Bien sûr, j’utilise un desktop pour filtrer les tweets. J’ai trois listes « tout le monde », « les gens qui m’intéressent », « les gens qui m’intéressent énormément et dont je lis tous les Tweets ». 200 personnes en gros dans ces deux derniers groupes. Mais j’avoue que je lis plus d’articles pointés par les milliers d’inconnus que par mes « amis ».

    Voici où j’en suis le soir du 20 mai. Le lendemain quand je reviens devant Twitter, je découvre une avalanche de nouveaux followers. Les amis de Nicolas me suivent en masse, près de 30% au bout de quelques jours. Et comme toutes ces conversations stimulent mon esprit, je décide d’inviter les amis d’autres amis. Au fur et à mesure, j’améliore mon programme initial. Je crée une base de données pour savoir qui j’invite, quand, est-ce qu’ils finissent par me suivre, sinon, au bout de 48 heures, les virer.

    C’est toujours un système artisanal mais qui marche de mieux en mieux. Je règle le moteur pour ne pas qu’il se heurte aux limites imposées par Twitter. Les nouveaux amis s’accumulent : 1000, 2000, 3000 en juillet. Tout cela reste amateur. Mon machin tourne quelques heures, plante, puis je l’oublie. De temps en temps, ça me prend et je le lance.

    Arrivent les vacances d’août, les Pyrénées, randonnées, pas de connexion, puis je me retrouve dans la maison familiale de ma femme avec à nouveau un wifi. C’est là que je me dis que je devrais défier virtuellement la plus grosse quéquette française : 68 000 followers à l’époque.

    J’importe ses amis et commence à les inviter au rythme de 1000 par jours, du taff pour plus de 70 jours car il progresse aussi le bougre. Et la, stupéfaction. Rendement extraordinaire. Et qui sont mes nouveaux amis : quelques véritables utilisateurs mais une ribambelle de prostituées, de spam bots et d’autres arnaqueurs en tout genre. Pas folichon. La sérendipité en prend un coup.

    Début septembre, je perfectionne encore le processus. Je le lance dans un screen sur un serveur Linux. Mon robot tourne depuis 24h/24 et doucement je m’approche des 10 000 amis. Je constate alors que la grosse quéquette progresse presque aussi vite que moi et je commence à soupçonner qu’il utilise une technique comparable. Je peux pas le jurer mais bon.

    Pour lui, c’est business as usual. Je ne dis pas que ses tweets ne sont pas intéressants mais on est aussi dans une expérience, une façon de démontrer son expertise, surtout à des clients potentiels.

    « Ce mec avec près de 80 000 amis, il peut nous faire une promo de feu. » Belle illusion quand on connait la logique. Je voulais révéler la combine un peu plus tard, je devance, ça change pas grand-chose. Rien de nouveau sur Internet. Les geeks s’amusent. Certains en font un business pour allumer les gogos. C’est la vie.

    C’est dit, c’est fait. A priori j’ai pas l’intention de couper le machin. La partie peut continuer, d’autres peuvent s’y joindre, les règles sont maintenant claires pour tout le monde. Journalistes, ouvrez les yeux. La belle histoire dans notre monde est celle que je viens de raconter. C’est celle de la technologie dont on pousse les usages.

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