OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Les Anonymous dévoilent Ennahdha http://owni.fr/2012/04/17/les-anonymous-devoilent-ennahda/ http://owni.fr/2012/04/17/les-anonymous-devoilent-ennahda/#comments Tue, 17 Apr 2012 10:53:05 +0000 Rodolphe Baron http://owni.fr/?p=106286 OWNI s'est entretenu, ont installé sur des serveurs plus de 3 000 mails de dirigeants du parti islamiste tunisien Ennahda, actuellement au pouvoir. Dont certains se révèlent embarrassants pour le gouvernement. Un email dévoilé hier envisageait des manoeuvres en vue d'intégrer la charia au droit tunisien, en dépit des déclarations officielles. D'autres évoquent des opérations financières douteuses.]]>

Depuis le début du mois d’avril, des milliers d’emails de dirigeants du parti Ennahdha, au pouvoir en Tunisie, sont piratés et diffusés par les Anonymous. Hier, une nouvelle vague de fuites contenait des documents potentiellement embarrassants pour les dirigeants d’Ennahdha. Ces courriels proviennent du ministre de la l’Agriculture, Mohamed ben Salem.

On peut y lire en particulier un procès-verbal du bureau exécutif d’Ennahdha daté du 19 mars dernier (en arabe). Le document indique que les membres du bureau ont évoqué l’idée d’une opération de déstabilisation contre les institutions internationales qui participent au soutien financier de la Tunisie – soit le FMI, l’Union européenne et la BCE – avant de se rétracter.

Lors de cette même réunion, il a également été question de trouver des solutions pour intégrer des éléments de charia dans le droit tunisien. Même si publiquement le parti Ennahdha revendique la culture musulmane mais se défend de vouloir faire appliquer la charia.

Cette découverte en accompagne des dizaines d’autres. Jusqu’ici, 3 500 documents appartenant notamment au Premier ministre Hamadi Jebali ont été mis en ligne sur des serveurs des Anonymous. Dans ces listes de courriels, il est aussi question de fraudes électorales, de censure ou d’opérations financières.

Ennahdha, majoritaire à l’assemblée constituante, et le gouvernement démentent mordicus la véracité d’une partie des documents. De son coté Anonymous, assure de leur authenticité et promet de nouvelles révélations sur les coulisses du pouvoir de ces deux dernières années.

En octobre 2011, neuf mois après le départ de Ben Ali, qui profite désormais de sa retraite de dictateur dans une salle de sport en Arabie Saoudite, les premières élections libres ont eu lieu en Tunisie. Celles-ci ont pour but la création d’une Assemblée constituante qui devra rédiger la prochaine loi fondamentale du pays. Après décompte, les membres du parti islamiste Ennahdha  sortent très largement vainqueurs du scrutin et raflent 89 sièges sur les 217 que compte la nouvelle Assemblée.

Cependant, un courriel provenant de la boîte mail du Premier ministre, Hamadi Jebali, évoque l’existence de possibles fraudes électorales. Selon le document, les Tunisiens de l’étranger auraient pu voter deux fois. Une première fois dans leur pays de résidence et une seconde fois en Tunisie.

Un rapport de l’organisme supervisant l’élection aurait même été déposé pour annuler les votes du bureau de Bruxelles Nord pour cause d’irrégularités.

Un second document interpelle également sur les règles du scrutin. Selon ce tableau statistique, le nombre de sièges attribués par région ne serait pas conditionné au nombre d’habitants y résidant mais à sa superficie totale.

La légitimité de la première force politique du pays est, potentiellement, sujette à caution si les documents s’avéraient authentiques. D’autant que le nouveau gouvernement ne semble pas avoir souhaité partager le pouvoir. C’est tout du moins ce qu’explique un des membres d’Anonymous Tunisia avec lequel OWNI s’est entretenu :

Nous avons attaqué Hamadi Jebali parce qu’il est le symbole d’un gouvernement qui fait marche arrière sur les libertés, pas parce qu’il fait parti d’Ennahdha. Le gouvernement est responsable d’actes d’agressions commis contre des manifestants chômeurs et du lancement d’une cellule de sécurité pour censurer et contrôler Internet. Le fait d’être élu par le peuple n’est pas une raison pour s’en prendre à nos libertés.

D’ailleurs, dans les mails publiés, un document atteste de l’exclusivité du pouvoir voulue par des responsables du parti islamiste. Celui-ci évoquait la possible suppression par la télévision nationale du terme “transitoire” pour qualifier le gouvernement en place.

Majoritaire à l’Assemblée constituante, Ennahdha a officiellement envisagé jusqu’à la fin mars, d’intégrer la loi islamique dans la nouvelle constitution du pays.  Ennahdha, encore, discutait en interne de la nécessité de garantir la non-indépendance de la Banque centrale tunisienne et déplorait dans un autre documentla pression européenne et française pour accélérer le processus démocratique”.

Mais la ligne politique adoptée par le gouvernement transitoire n’est pas l’unique élément abordé dans ces courriels. Des affaires financières, plus troubles, semblent y apparaître. Comme ce courrier envoyé sur la boîte mail du parti Ennahdha et contenant les coordonnées bancaires de Kamal Ben Amara, un élu Ennahdha à l’Assemblée constituante, titulaire d’un compte à la Qatar international islamic bank. Avant de s’engager en politique il aurait travaillé chez Qatar Petroleum, la compagnie pétrolières nationale du riche État du Qatar, comme le montre un ancien répertoire du groupe. Et dans l’actuel gouvernement ben Amara a été nommé vice-président à la Commission de l’énergie.

À ce titre, il fait partie des membres du gouvernement habilités à négocier, entre autres, les investissements dans la raffinerie de Skhira, la plus grande de Tunisie, avec une production estimée à 120 000 barils par jour.  Coût de construction : 1,4 milliard d’euros. Un appel d’offres remporté par Qatar Petroleum qui pourra l’exploiter en partie pour les deux décennies à venir.

En outre, dans les coordonnées bancaires envoyées par mail à Ennahdha, figure un “Swift Code” utilisé pour les virements internationaux. Le problème étant de savoir dans quel sens les virements bancaires ont été effectués. De Kamal Ben Amara vers Ennahda ou du parti vers Ben Amara, pour les besoins de sa campagne électorale par exemple.

Devant les nombreuses interrogations que posent ces documents, aussi bien dans leurs contenus que sur leur authenticité, Anonymous invite les internautes qui le peuvent à vérifier sans tarder:

Les emails comme les SMS et les moyens de communication électroniques sont devenus des pièces justificatives devant les tribunaux. Les en-têtes des emails confirment les sources et les trajets des courriels via leur identifiant unique. S’ils étaient falsifiés, tout le monde le remarquerait et surtout les spécialistes en informatique. J’invite tous ceux qui doutent à vérifier.

Début avril, le gouvernement tunisien a annoncé qu’il maintenait en activité l’Agence tunisienne d’Internet pour lutter contre la cybercriminalité. Sous la dictature, l’agence gérait la censure sur Internet pour le Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD), l’ancien parti de Ben Ali. Dans le principe de “sécurisation du web”, Anonymous voit un retour masqué de la censure. Incompatible, selon le collectif, avec la garantie des libertés individuelles :

Ceux qui gèrent le pays sont ceux qui doivent assumer. Mais si le Gouvernement change de ligne de conduite, surtout concernant la censure du net, Anonymous fera un pas en arrière.
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Tweet saoudien de lèse-majesté http://owni.fr/2012/04/02/tweet-de-lese-majeste/ http://owni.fr/2012/04/02/tweet-de-lese-majeste/#comments Mon, 02 Apr 2012 21:00:31 +0000 Rodolphe Baron http://owni.fr/?p=104440

Avec plus de 200.000 abonnés, un grand nombre de Saoudiens ont déjà entendu parler de @Mujtahidd. Depuis plus de trois mois, ce twittos saoudien dénonce le train de vie du pouvoir en place, les trafics et les collusions diverses de la famille régnante des Al Saud, et leurs combines avec les grandes capitales occidentales. Lesquelles en contre-partie se montrent très arrangeantes avec son fondamentalisme religieux à visée internationale. Traqué sur la toile par le régime, @Mujtahidd multiplie les révélations avec une démarche influencée par la culture Wikileaks. Entretien.

Comment vous présenteriez-vous ? Qu’est-ce que @Mujtahidd ?

Mujtahidd est un symbole dans une lutte soutenue contre la corruption sale. Un combat qui commence avec la dénonciation de ceux qui sont corrompus et s’achève avec leur suppression. Mujtahidd n’a pas besoin de réveler son identité dans le but d’atteindre cet objectif. En effet, pour de mutliples raisons, rester anonyme peut constituer un avantage.

Votre pseudonyme sur Twitter, @Mujtahidd renvoie-t-il  à Mujtahid, celui qui prononce une interprétation personnelle sur un point de droit dans l’islam ?

Oui et non. Oui, l’orthographe est la même et non car il y a une signification générale. Mujtahid, en général, c’est quelqu’un d’engagé qui fait de son mieux avec responsabilité et sincérité. Premièrement, je fais de mon mieux pour vérifier l’exactitude des informations. Deuxièmement, je décide si cela peut être publié. Troisièmement, je décide comment le publier.

Quel est votre point de vue sur les dirigeants de l’Arabie Saoudite, et la manière dont ils gouvernent ?

Les dirigeants du pays ne s’intéressent pas à son bien-être. Ils sont intéressés par leur propre autorité et leurs privilèges. C’est pourquoi toutes les ressources du pays sont à leurs services. C’est aussi pourquoi le pays souffre de la pauvreté, du chômage, de la criminalité et d’une fracture sociale  en dépit de ses énormes ressources.

Avez-vous des exemples précis pour illustrer cette description ? Quels privilèges dénoncez-vous ?

J’ai écrit des milliers de tweets à ce sujet. En les lisant, vous verrez les rois européens à l’époque du Moyen Âge. Les Al-Saoud traitent le pays comme leur propriété. Le pays, ses ressources, son identité, sa culture, son histoire, tout leur appartient.

La presse saoudienne fait-elle son travail ? Ou sont-ils aussi touchés par la corruption ?

Ils sont controlés par le régime. Toute la presse saoudienne attaque Mujtahid. Le régime a décidé d’élargir l’espace de liberté dans le but de diminuer le role d’Internet et de la télévision par satellite.

Sur Twitter, vous avez plus de 280.000 followers. De quelle façon Twitter constitue-t-il une plate-forme pour dénoncer la corruption et le mode de vie des dirigeants saoudiens ?

Twitter est un moyen beaucoup plus facile et plus rapide pour diffuser un message que les autres réseaux sociaux. C’est plus simple pour vos followers de prendre conscience de votre message et c’est également plus facile d’y interagir. Peut-être que ces caractéristiques font de Twitter un outil efficace pour permettre à une personne sans ressources de réaliser ce que l’on ne pourrait pas faire sans avoir un système de propagande.

Vous êtes souvent comparé à un Wikileaks version saoudienne. Pourquoi faire ces révélations ? Pourquoi prendre ces risques ? Pourquoi vous ?

Parce que je dispose des informations nécessaires et je suis capable de les utiliser de manière efficace pour obtenir le résultat que j’ai mentionné précédemment.

Vous vous en prenez régulièrement au Prince Abdel-Aziz Ben Fahd, pourquoi ?

J’ai commencé avec lui. En matière de corruption financière, il est définitivement le pire. Il a grandi quand son père jouissait d’une autorité absolue avant les premières oppositions relayées par l’Internet et la télévision par satellite. Il avait carte blanche pour faire tout ce qu’il voulait sans la moindre surveillance.

Le connaissez-vous personnellement pour en savoir autant sur lui ?

Je sais tout ce que je publie sur lui.

Souhaitez-vous que l’Arabie Saoudite s’engage sur un chemin démocratique comme l’ont fait la Tunisie puis l’Égypte ?

Cette décision revient au peuple. C’est lui qui décide. Mais si le régime se plie aux demandes de réformes, c’est le meilleur scénario.

Pensez-vous que le régime actuel puisse l’accepter ?

Le régime actuel est à l’abri des réformes. C’est irréformable. Je connais très bien la structure de la famille royale. Les membres les plus importants ne veulent pas de réforme et les membres potentiellement bons n’ont aucune autorité.

Comment pensez-vous être perçu par les saoudiens ?

L’un de mes fans a mené une enquête. La grande majorité croit ce que je dis et pense que j’agis pour de bonnes raisons. La majorité pense également que Mujtahid est une équipe emmenée par une personne très instruite. 12% des 10 000 personnes qui ont répondu à l’enquête ne croit pas que ce que je dis est vrai.

Le pouvoir saoudien cherche-t-il a vous faire taire ?

On m’a proposé des pots-de-vin pour que j’arrête. S’ils pouvaient me localiser physiquement, ils m’arrêteraient. Mon compte Twitter et mon email font constamment l’objet de tentatives de hacking. Mais ce qu’ils font tout le temps, c’est d’utiliser leurs agents pour me mentionner de façon négative sur Twitter. Cela ne fonctionne pas bien et l’enquête en est la preuve.

Est-ce que des saoudiens vous contactent sur Twitter pour vous poser des questions sur le train de vie des dirigeants ou vous fournir des informations ?

Je reçois des mails en tout genre : Informations, commentaires, questions et insultes.

En 2011, le Prince Al-Walid Ben Talal a investi 300 millions de dollars dans Twitter. Demain, s’ils vous empêchent de twetter, que ferez-vous ?

Non. Pour ce que j’en sais, cet investissement ne changera rien à la politique de Twitter. Si cela change, un autre réseau le remplacera.


Illustration par Surian Ssoosay (cc)

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La révolution en marche http://owni.fr/2009/06/03/la-revolution-en-marche/ http://owni.fr/2009/06/03/la-revolution-en-marche/#comments Wed, 03 Jun 2009 16:22:17 +0000 Nugues http://owni.fr/?p=1401 Séquence
Barak Obama élu Président des USA à la suite d’une campagne d’un nouveau style et affichant ses convictions et ses priorités : green economy, soft power, fermeture de Guantanamo etc…

Faillite de Lehman Brothers, de General Motors, Chrysler, nationalisation de AIG…

Inquiétude (bientôt panique après un long sommeil ?) chez les industries d’éditions qui devront s’adapter ou disparaitre au profit de nouveaux opérateurs.
La chaîne de production de contenus papier a du souci à se faire, c’est à dire : les industriels du papier, les éditeurs (presse et livres), les diffuseurs, les distributeurs, les libraires, les points de vente. Cela fait du monde.

D’un autre côté, on assiste ébahi à la montée irrésistible de Google qui met sur le marché une innovation par mois ou par semaine, tous les autres courent derrière.

J’hésite à citer cet autre exemple, mais je crois aux symboles et après tout le sport est une économie à part entière :
sur un mode mineur, mais symbolique GP Brawn, une écurie de F1 sauvée de la débâcle en début de saison, sans moyens, fait la nique aux Ferrari, Mac Laren, BMW. GP Brawn a gagné 4 des 6 premiers GP et a fait 2 doublés, cela ne s’est jamais vu depuis 50 ans.
Les modes de conception et les capacités d’adaptation aux règlements sont à l’origine de ce succès. Par ailleurs, les Grands Prix européens sont menacés.
De plus en plus les instances dirigeantes de la F1 se tournent vers les pays du Sud.

Quelque chose qui ressemble à une révolution est en marche. Le mouvement s’étend à tous les domaines et s’accélère.
Il ne s’agit de la révolution “mythologisée”  par les nostalgiques de 1789 ou de 1917.
Mais une révolution de la civilisation dans laquelle le monde entier est engagé, sans qu’il y ait de points de repères fiables.

Référence

Ce qui ressemblerait le plus à cette mutation est la Renaissance européenne.
Les féodaux perdirent leur pouvoir et leur droits, les évêques furent contraints d’accepter un renouvellement complet des conceptions
religieuses et philosophiques.
Une classe apparut en Europe et allait s’imposer : la bourgeoisie.
Les états nationaux allaient naître.

La société mondiale

La société mondiale va se remodeler. Elle sera composée d’entités régionales puissantes EU, USA/CA, Amérique du Sud, Chine, Inde, Afrique qui va trouver sa voie.
La Turquie, l’Ukraine, le Maroc, la Tunisie, l’Algérie vont faire des choix qui les feront rejoindre les entités pré-citées.
Le grand point d’interrogation reste le Moyen-Orient où les tenants des cultures arabo-musulmannes sunnites et chiites, les chrétiens d’Orient, Israël et l’Iran se déchirent. Tout ce monde arrivera-t-il à s’entendre, se respecter et au bout du compte former un ensemble économique et culturel cohérent et pacifique ?
Il faut y croire et ce n’est peut-être pas si loin que cela.

Il existe aussi de grands dangers immédiats : l’Asie centrale, l’Afghanistan, le Pakistan.

Il ne faut pas non plus négliger l’impact que pourrait avoir les crispations locales, par exemple en Belgique une impossibilité pour les Wallons et les Flamands de continuer à vivre dans un même pays.
Au Royaume Uni, la tentation d’un repli insulaire en apparence protecteur. Dans le monde, il y a beaucoup de points de conflits : Cachemire, Tibet, Congo, Rwanda, Mexique etc…
Souvent défensifs (économies et identités menacées) ces conflits peuvent embraser une région, déséquilibrer un ensemble stable et de proche en proche ruiner les espoirs nés de la mondialisation positive.

Les substrats

Les points d’accord, de consensus de la mondialisation positive pourraient être définis de la façon suivante : libéralisme économique (avec modération régionale), adhésion aux droits universels (des personnes, des peuples, des religions), économie verte, diffusion et circulation libres des données numériques, accès aux sources brutes et aux originaux authentiques.
Internet est central dans cette affaire. Il peut devenir le lieu des manipulations les plus dangereuses ou celui des prises de conscience lucides et salutaires, j’allais dire salvatrices.
Dans ce domaine, les plus avancés des technophiles et les producteurs de contenu ont une grande responsabilité. L’enjeu est considérable.

La façon de penser et de représenter le monde change à une vitesse très élevée.
Les sorties de route sont possibles, probables. Locales ou régionales.

Des conflits peuvent éclater tant les intérêts des uns sont menacés par de nouveaux venus : nouveaux acteurs économiques, culturels, sociaux, intellectuels, spirituels même.

Autre danger : les peurs
La lutte contre les charlatanismes de tous poils, les exploitations des peurs, qu’elles soient justifiées ou irrationnelles, est prépondérante.
Une chose est sûre : cette “bataille” essentielle (au vrai sens du mot) aura lieu sur internet.

De la même façon qu’on ne décrète pas une révolution, il n’est pas possible d’en arrêter le cours.
Les contre-révolutions existent, les restaurations aussi.
Mais la révolution dont nous vivons les débuts a ceci de très particulier qu’elle est décentralisée et présente dans le monde entier.
Les nouvelles technologies en sont le puissant moteur, je peux me sentir en communauté de pensée avec un hindou de Calcutta, un musulman de Djakarta ou de Ouagadougou, un athée de Montréal, un catholique de Palerme, un protestant de Bâle ou de Boston.
Nous partageons les mêmes valeurs et les mêmes convictions fondamentales. A savoir un progrès de l’humanité fondée sur le respect, l’écoute et la volonté d’avancer dans un monde plus écologique, plus équitable.

Les principes idéaux

L’histoire nous montre que les révolutions dérivent souvent. Mais pas toujours. La chute de l’URSS ne s’est pas si tragiquement passé qu’on aurait pu le craindre. Sauf pour les Tchétchènes.

Ferons-nous des progrès dans ce domaine ?
Pour nourrir cet espoir, il faut que toutes les personnes (jadis on disait de bonne volonté) se sentent concernées. L’un des pièges est le radicalisme.
Il pourrait s’avérer nécessaire de circonscrire, aussi pacifiquement que possible, les incendies allumés par les fondamentalismes de tous bords (nourris des réactions négatives à la mondialisation).
Une révolution presque calme, pacifique, voilà qui serait vraiment nouveau et signe d’un vrai progrès de l’humanité.
Doux rêve, irréalisme, angélisme peut-être,  mais peut-être pas. C’est à chacun d’en décider et d’oeuvrer dans le sens de l’intérêt du monde et de ses habitants (tous, nous).

Dominique Nugues est éditeur du Présent de Dieu, plus récent article : Obama et Dieu

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Quand l’imprimerie réveillait l’Europe http://owni.fr/2009/06/02/quand-limprimerie-reveillait-leurope/ http://owni.fr/2009/06/02/quand-limprimerie-reveillait-leurope/#comments Tue, 02 Jun 2009 09:08:12 +0000 Nugues http://owni.fr/?p=1377 De 1455 à 1534, l’ enchevêtrement et les interactions entre les innovations techniques (imprimerie, industrie du papier, diffusion des libelles et des pamphlets sous forme d’affichages publics ou de petits fascicules) suscitent la propagation d’idées qui remettent en cause les conceptions du monde, essentiellement répandues par l’église romaine.
En 70 ans, à cheval sur les XVeme et XVI emesiècle, se conjuguent en Europe le mouvement de la Renaissance, l’Humanisme porté en particulier par Erasme,
puis la Réforme dont les chefs de file sont Luther et ses “disciples” et Calvin.
Dans cette affaire, il est bien difficile de savoir qui a déclenché quoi ? Il s’agit d’un mouvement très profond qui, en réalité, vient de loin et met le feu à l’Europe.

J’ai consacré 2 articles à cette période : La rupture Gutenberg et La Bible, révolution permanente.
Dans se nouveau billet, je souhaite montrer avec une chronologie commentée toute simple, la rapidité avec laquelle l’Europe s’est
mise en marche à partir de 1450.

Rappel : la Bible une nouveauté en 1450

Réalisée à Mayence entre 1452 et 1455, la Bible, vendue par souscription, cette Biblia Latina (La Vulgate) a été achetée à sa parution par des institutions religieuses, essentiellement des monastères. Sur un tirage d’environ 180 exemplaires, 48 ont été conservés jusqu’à aujourd’hui.
Gutenberg ne franchit pas le pas, peut-être n’en a-t-il pas l’idée, d’une traduction de la Bible. Il reste parfaitement compatible avec les dogmes de l’église.

Erasme 1504
Erasme est prêtre, attaché à un monastère en Hollande. Il circule toute sa vie en Europe.
En 1504, Erasme se trouve à Louvain. Dans la bibliothèque du couvent du Parc, il découvre un manuscrit de Lorenza Valla qui suggère d’apporter des corrections à la Vulgate en le recoupant avec le texte grec.
Cette découverte est le point de départ d’une intense réflexion d’Érasme qui débouchera sur sa “philosophie du Christ”.
Érasme cherche à actualiser la Bible en partant du texte grec de la traduction des Septante, faite d’après l’hébreu, et non de la traduction latine traditionnelle connue sous le nom de Vulgate. Ce travail de recherche de manuscrits, de correction de la Vulgate, de traduction et de commentaires aboutira douze ans plus tard à la première édition du Nouveau Testament (Novum Instrumentum).

Il dédie son travail au pape humaniste Léon X. Mais les novations philologiques d’où découlent de profondes remises en cause des dogmes lui vaudront les violentes critiques de théologiens traditionalistes des Universités de Paris, Louvain et Salamanque, ainsi que de bien d’autres savants.
Toutefois Erasme est un pacifiste, s’il sent que ses travaux sont porteurs de risques de conflits, lui-même ne franchira pas la ligne qui le sépare des Protestants. Il reste dans le giron de l’église.

Luther 1517
Martin Luther est lui aussi moine catholique. Il vit à Wittenberg.
C’est en 1517 qu’il déclare la guerre à la papauté.
En effet, il publie ses 95 Thèses, également appelées Thèses de Wittenberg, elles sont imprimées à la fin de l’année et affichées sur le portail de l’église de Wittenberg.
Ces 95 thèses valent le coup d’être lues. Elles sont courtes, ce sont des sentences. Mais elles relèvent d’un refus massif de l’autorité du Pape.
Ce refus est motivé par les dérives matérielles des autorités catholiques. La principale cible de Luther, ce sont les Indulgences, un système qui permettait aux chrétiens de faire à peu près n’importe quoi et de se racheter en donnant de l’argent au clergé.
Lire les 95 thèses de Luther sur Wikipédia

Au début, il s’agit d’une controverse entre théologiens, mais cela tourne vite à l’affrontement public et politique.
Luther est dénoncé à Rome par l’archevêque Albrecht. Le pape Léon X  (un Médicis) lui ordonne de se rétracter par la bulle pontificale Exsurge Domine,
mais Luther la brûle en public et rompt avec Rome. Un an plus tard, commence contre lui un long procès qui aboutira à son excommunication.

Calvin 1533
Son premier écrit, pour lequel il sera suspecté, est le discours de Nicolas Cop, recteur de l’Université de Paris, qu’il a co-écrit, ou au moins très largement inspiré. Cette affaire l’oblige à se cacher puis à quitter Paris.

Jean Calvin est né à Noyon en 1509. Issu d’une famille très pieuse, il bénéficie d’un financement de l’Église catholique lui permettant de suivre des études théologiques à Paris.
Quatre années au collège de Montaigu de 1523 à 1527, centrées sur les commentaires des traités aristotéliciens, le mettent en contact avec la pensée humaniste.
Il est Maître ès arts à 18 ans.

Ensuite Calvin part pour Orléans où il apprend les langues anciennes (Hébreux, Grec).

Ses études de droit vont se poursuivre à Bourges, élargissant son horizon intellectuel. Outre la confirmation de l’empreinte humaniste,
la faculté de Bourges sera surtout le lieu de la première rencontre avec l’approche luthérienne de la foi, initiation essentielle.

A vingt-trois ans,  Calvin  est un lettré humaniste.
Il veut connaître Dieu à la lumière de la Parole, mais à la source.
Il bascule dans le camp réformiste en 1533 où il participe activement à la rédaction du discours académique du recteur de l’université de Paris Nicolas Cop, érasmien notoire, lecteur de Luther.
Plusieurs traits luthériens du discours valent à Calvin d’être immédiatement perçu comme protestant.
Les mesures de répression qui suivent l’affaire des Placards obligent Calvin à fuir la France.

L’affaire des placards 1534

Les placards dont il est question étaient des écrits injurieux et séditieux qui furent affichés dans les rues de Paris et dans diverses villes du royaume (Tours, Orléans) dans la nuit du 17 au 18 octobre 1534.
Ces affiches furent placardées jusque sur la porte de la chambre royale de François Ier au château d’Amboise, ce qui constituait un affront envers la personne même du roi et sa foi.

Ces placards étaient intitulés : Articles véritables sur les horribles grands abus de la messe papale inventée directement contre la Sainte Cène de notre Seigneur, seul médiateur et seul Sauveur Jésus-Christ.
Ce titre évocateur, parfaitement provocateur et insupportable pour l’église, était une attaque directe envers l’Eucharistie (notion fondatrice de la religion catholique).
L’auteur était Antoine Marcourt, pasteur d’origine picarde de Neuchâtel et d’inspiration calviniste.
Le roi se facha contre ce qu’il considérait comme un crime de lèse-majesté.

François Ier confessa ouvertement sa foi catholique. Il ordonna des persécutions. Des bûchers s’allumèrent.
Ces exécutions furent dénoncées par des princes allemands favorables à la Réforme, dont François Ier recherchait par ailleurs l’alliance contre Charles Quint.
Guillaume du Bellay, ambassadeur, défendit la cause de François Ier en affirmant que ces condamnés n’étaient que des révolutionnaires, des  anabaptistes dont il fallait réprimer les excès.

Censure 1534
Se sentant menacé par les idéologies luthériennes, le roi de France fait interdire toute impression de livres.
Il annule sa décision quelques jours plus tard mais conserve le principe de la censure qu’il confie à une commission du parlement de Paris.

Analogie et rétrospective

Si l’on suit l’analogie entre la Rupture Gutenberg et la Rupture numérique, nous nous trouverions aujourd’hui environ à l’équivalent de l’année 1510.
C’est autour de cette année 1510 que se font vraiment sentir les conséquences politiques, sociologiques et religieuses directes de l’invention des caractères mobiles, autrement dit de l’imprimerie.
Auquel cas, nous nous trouverions au moment du plein épanouissement des idées qui mènent à une transformation fondamentale, radicale des sociétés, consécutive à la rupture numérique.
Avec cette différence que notre époque voit une révolution mondiale et non pas seulement régionale.

Dominique Nugues est l’auteur du Présent de Dieu, plus récent article : Obama et Dieu

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