OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Le bon parti Pirate http://owni.fr/2012/03/30/le-bon-parti-pirate/ http://owni.fr/2012/03/30/le-bon-parti-pirate/#comments Fri, 30 Mar 2012 11:01:10 +0000 Sabine Blanc http://owni.fr/?p=103861

Le Parti Pirate est “un facteur important” de la vie politique allemande. Cette déclaration ne vient pas d’un porte-parole de cette jeune formation politique née en Suède et qui a essaimé dans plusieurs pays. Mais de la chancelière Angela Merkel.

Elle réagissait à l’entrée dimanche dernier du Parti Pirate (PP) au Parlement de la Sarre, un petit État régional frontalier de la Lorraine. Les pirates affichent un score de 7,4%, ce qui en fait la quatrième force politique dans ce Land, devançant les Verts et les Libéraux du FPD, qui font partie de la coalition gouvernementale. Avec un piteux 1,2% ils sont même privés de sièges en Sarre.

A contrario, nos pirates partaient de… rien.

Berlin prend le parti des pirates

Berlin prend le parti des pirates

Contre les surveillances électroniques. Pour les libertés numériques. Pour la libre circulation des savoirs... Les Partis ...

Un coup d’éclat qui conforte celui de septembre dans la ville-État de Berlin : 9% des voix, 15 sièges sur 149. Mais ce nouveau beau score a  davantage surpris certains. La victoire du PP de cet automne “n’est pas si étonnante vue de Berlin, analysait OWNI. “Son programme est fondé sur des idéaux de libertés, de partage des connaissances et de démocratie participative chers à une partie importante de l’électorat local. Pour une ville peuplée de jeunes créatifs cosmopolites, dont une kyrielle d’artistes digitaux, graphistes et vidéastes en tous genres, ces idées ont rencontré les attentes d’une génération.”

On the road, IRL

Mais la Sarre n’a pas le même profil, c’est un tout petit État industriel : “Je croyais que les Pirates étaient un phénomène de grandes villes. Je suis un peu étonné de leur score en Sarre”, a expliqué à l’AFP le politologue de l’Université libre de Berlin, Nils Diederich. Des idées reçues qui indiffèrent les pirates qu’OWNI a contactés. À commencer par les gagnants :

Nous avons décidé de rencontrer les gens “offline” dans les zones provinciales de la Sarre. Nous avons présenté nos événements de la “tournée des pirates” dans les régions provinciales. Nous pensons que de nombreuses personnes comprennent notre message politique. Nous ne sommes plus le parti d’une seule bataille.

Si le cœur de cible, lié à ses origines, est celui des des “geeks”, son audience semble bien aller au-delà. Gefion Thürmer, membre du bureau national, renchérit :

Le PP est peut-être vu comme une formation urbaine par des observateurs superficiels, mais ce n’est certainement pas le cas. Nos centres d’intérêt, les droits fondamentaux, la participation citoyenne ou la transparence de l’État, sont aussi importants dans les zones urbaines que rurales. Ils touchent les gens dans toutes les couches de la société.

Le père du PP “impressionné”

Le Suédois Rick Falkvinge, qui a lancé le PP en 2005 avant de se mettre en retrait, analyse à l’aune de l’expérience dans son pays :

Je ne pense pas que ce soit si urbain, comme c’est un changement progressif et global qui met l’accent sur les citoyens en tant que force positive dans la société, d’une façon que les partis traditionnels ont délaissée. Après la victoire du PP suédois aux élections européennes, les analystes politiques étaient dans l’embarras car aucun des clivages traditionnels ne s’appliquaient. Seuls deux phénomènes revenaient : les jeunes nous soutenaient beaucoup et nous avions des places fortes dans les universités, en particulier les universités de technologie. Ce qui signifie que nous avions beaucoup d’activistes dans les villes avec des universités et notre organisation était moins forte dans des zones industrielles.

Surpris n’est peut-être pas le mot juste mais je dois reconnaitre que je suis impressionné par la capacité opérative et politique du PP allemand, comment ils apprennent et s’adaptent vite.”

Le Parti Pirate fait chavirer Berlin

Le Parti Pirate fait chavirer Berlin

Le Parti Pirate allemand a fait parler de lui en obtenant 15 sièges au Parlement de Berlin. Il revendique une stratégie ...

Selon lui, Berlin, de par sa nature de ville progressiste, a constitué un terreau fertile dans leur essor. Sans compter l’impact symbolique d’une victoire dans la capitale.

“Ils ont pu étendre leurs propositions à d’autres sujets de société, poursuit Maxime Rouquet, le co-président du Parti Pirate français. Par exemple ils ont proposé la gratuité des transports à Berlin. C’est un des différents avenirs possibles pour les PP.”

En revanche, derrière l’hommage d’Angela Merkel, on sent poindre du mépris du côté des partis traditionnels. Ainsi le secrétaire général de la CDU Hermann Gröhe a rejeté le PP dans les limbes des partis protestataires, une façon de dire qu’il ne saurait être un parti de gouvernement sérieux :

Les jeunes hommes qui votent pour la première fois émettent de forts messages protestataires (…) Comment répondre à ces appels à plus de transparence et de participation en politique ?

Plus de 10 000 nouveaux adhérents

L’objectif est maintenant de conforter ces débuts fracassants – un record depuis la fondation de la République fédérale allemande, note Der Spiegel. Les tests électoraux vont vite venir et le PP se montre confiant, à l’image des sondages : si la Sarre s’est senti concerné par le programme du PP, le Schleswig-Holstein et la Rhénanie-du-Nord-Westphalie devrait en faire autant, conclut Gefion Thürmer. Elle brandit des chiffres flatteurs :

Depuis les premiers sondages à Berlin qui nous donnaient presque 5% et grâce à notre entrée dans  les deux parlements, nous avons gagné plus de 10 000 nouveaux adhérents. Ils ont besoin d’être intégrés, nous avons deux élections régionales encore cette année et il faut préparer le scrutin national de 2013. Nous sommes persuadés que nous pouvons remporter quelques sièges au Bundestag.

Si le cas se présente, quelle coalition rejoindre ? La question n’est pas encore tranchée : “nos membres devront le décider, détaille Gefion Thürmer. Bien sûr, nous voulons faire avancer nos positions politiques et si, à long terme, c’est mieux de passer par une coalition, c’est quelque chose que nous envisagerons.”

Rick Falkvinge est confiant dans sa progéniture, au point de considérer l’entrée au Bundestag comme acquise :

Je suis persuadé que le PP allemand continuera d’avoir du succès à court terme. Une fois au Bundestag, il y aura d’autres défis. Mais à voir comment ils influent le jeu politique avec une honnêteté brute de décoffrage envers les gens qui les ont élus, mon sentiment est qu’ils vont continuer de grossir dans les décennies suivantes et rester une locomotive pour les autres PP.

Aux élections à venir en mai, le PP est crédité de 5% des intentions de vote au Schleswig-Holstein et de 6% en Rhénanie du Nord-Westphalie, en mai.

Rick Falkvinge, fondateur du Parti Pirate, en Suède en 2009

Si le développement de cette force politique nouvelle rappelle l’émergence des partis “Verts”, il s’agit d’éviter de suivre leur exemple en s’engluant dans des accords de coalition. Gefion Thürmer estime qu’ils sauront éviter cet écueil. Question de bons réflexes et d’époque aussi :

Les Verts ont vieilli et au lieu de garder en tête ce qui faisait leur spécificité, ils se sont institutionnalisés et ont adopté le comportement des autres, ils n’osent plus suivre de nouvelles idées ou élaborer des concepts inédits.

Le système du PP, fondé sur une démocratie qui vient d’en bas et où toutes les décisions sont prises par les membres, ne court pas autant le risque que cela arrive, il y a tant de gens qui apportent de nouvelles idées.

L’exemple allemand

Avec la Suède, l’Allemagne est le seul pays où les pirates ont pris un tel essor politique. Gefion Thürmer estime que le contexte allemand n’est qu’un des aspects qui a contribué à leur succès :

Les Allemands ont certainement attendu un parti qui ne les déçoive pas et essaye vraiment de servir le peuple. Ils sont habitués à  des hommes politiques qui n’écoutent pas leurs besoins ou ne comprennent pas la façon dont la société fonctionne aujourd’hui, avec les nouveaux développements de la société de l’information. Le PP est différent : il part d’une génération qui embrasse ces changements au lieu de les rejeter et essaye d’adapter dans la mesure du possible pour rendre la politique davantage ouverte vers les gens au lieu de décider d’en haut ce qui est le mieux pour eux. Les gens veulent être responsables de leur vie et de leur société et le PP veut mettre tout le monde en capacité de le faire. Vraiment.

Et un des outils de ce qu’ils ont appelé la “démocratie liquide”, c’est LiquidFeedback, une plate-forme pour faire des propositions, les amender, les voter.

Le PP français, qui présentera des candidats aux législatives en juin, commence à suivre l’exemple allemand, même si notre système électoral est moins favorable aux petites formations. Maxime Rouquet détaille leur programme :

C’est une source d’inspiration pour nous. Cette année, nous mettrons en avant cinq thèmes, le libre accès à la culture, l’indépendance de la justice, l’ouverture des données publiques, la défense de la vie privée et la transparence de la vie politique. On commence aussi à prendre positon sur l’écologie. Nous pouvons nous appuyer sur les PP qui sont le plus en avant sur tel thème, comme nous communiquons beaucoup. Avant de faire une proposition, nous voulons bien étudier le dossier.

Histoire de ne pas prendre une petite claque perfide du type de celle du politologue Nils Diederich, rapportée par l’AFP :

Je n’exclus pas qu’ils passent le seuil des 5% pour entrer au Bundestag, mais il leur faudra ajouter un peu plus de substance politique.


Photographie de l’assemblée et graphique via le Parti Pirate de Sarre (CC-BY)
Portrait de Rick Falkvinge par Robin I Rönnlund (CC-by)

]]>
http://owni.fr/2012/03/30/le-bon-parti-pirate/feed/ 8
Le retour du peer-to-peer http://owni.fr/2012/02/21/le-retour-du-peer-to-peer/ http://owni.fr/2012/02/21/le-retour-du-peer-to-peer/#comments Tue, 21 Feb 2012 12:37:39 +0000 Fabien Soyez http://owni.fr/?p=98178

En 2009, Arbor Networks, société spécialisée dans la gestion des réseaux, affirmait que le modèle de l’échange de fichiers en peer-to-peer, dans lequel chaque client est un serveur,  était en déclin au profit du streaming.

Le 19 janvier, le FBI a ordonné la fermeture de Megaupload, la plus grosse plateforme de téléchargement direct. Panique sur les réseaux. Cogent et Carpathia Hosting, qui transportaient une partie des flux du site de stockage, ont perdu 30% de leur trafic. Craignant la grande purge, des sites comme VideoBB et Fileserve ont rapidement vidé leurs serveurs. Rapidshare et MediaFire ont de leur côté décidé de faire la police eux-mêmes, et de sévir contre leurs propres clients. Au Washington Pirate Party, succursale du Parti pirate américain, Jeffrey Talada constate :

Ces sites sont comme une hydre : vous en supprimez un, vingt naissent à la place. Si Megaupload est coupable, ils iront hors des États-Unis. Mais il subsistera toujours la même faiblesse : la centralisation.

Pour ce farouche opposant au traité Acta et à la loi antipiratage SOPA, “Megaupload a prouvé qu’un système centralisé était faible. Des millions d’internautes se rendaient chaque jour sur un seul site, il a suffit de le couper pour que tout disparaisse. Cela n’aurait jamais pu arriver avec le peer-to-peer.” Et de prôner un retour aux sources :

Les gens ont-ils jamais quitté le P2P ? Si le gouvernement ferme quelque chose, les gens iront ailleurs, vers quelque chose d’autre, qu’ils connaissent déjà un peu de préférence.

Selon un observatoire de l’usage de la bande passante à travers le monde mis en place par le constructeur de routeurs Ipoque, le niveau de trafic du P2P, s’est brutalement emballé en Europe après le 20 janvier.

Ressuscité, le peer-to-peer.

La semaine suivant la fermeture de Megaupload, les graphiques mis en ligne par Ipoque montraient ainsi des pics atteignant 15% du trafic total de la bande passante européenne. Les courbes se sont désormais stabilisées. Bittorrent et eDonkey constituent les deux protocoles d’échange les plus utilisés. Selon le site Peerates.net, qui publie des statistiques sur l’usage des serveurs eMule, le nombre de recherches effectuées sur eDonkey serait passé de 110 000 au début du mois de janvier à 200 000 après la fermeture de Megaupload.

Retour aux sources

Au parti pirate français, Maxime Rouquet, co-président, constate un “désœuvrement” des utilisateurs du streaming et du téléchargement direct. Pour lui, le salut passe par le P2P. “Avec l’effondrement en bourse de Cogent, on réalise que techniquement la centralisation est une très mauvaise chose.” Benjamin Bayart, président du fournisseur d’accès indépendantFrench Data Network (FDN) précise :

Techniquement, le téléchargement direct, c’est un point hypercentralisé qui diffuse du contenu en masse. Un État a décidé de couper, ça a été extrêmement rapide. Un système ultra-centralisé est très faible. Le P2P lui, est un système de flux individuels. Entre les deux systèmes, c’est comme entre Internet et le minitel : pour ce dernier, si on coupe le système central, on coupe tout. Pour le Net, c’est un peu plus compliqué, on peut difficilement le couper… Le peer-to-peer, tout comme Internet, ne peuvent être mis en panne.

Économiquement, le Peer-to-Peer serait également “la bonne solution” pour des FAI en surcharge : “Quand des millions de personnes téléchargent en masse en téléchargement direct, ça crée un débit énorme, des instabilités très difficiles à gérer. Le streaming, quant à lui, vous fait télécharger plusieurs fois la même chose… Ces deux systèmes sont dramatiques pour la gestion du réseau.” Le président de FDN ajoute :

Le peer-to-peer lui, est un système de flux individuels qui bougent par petits paquets, jamais par gros blocs, il n’engorge pas le réseau, parce que le trafic est réparti. Les FAI et les opérateurs qui le combattaient il y a cinq ans se rendent compte que c’était peut-être une erreur. Tous les techniciens sérieux savent que le P2P est le plus simple et le plus solide des systèmes. Pour qu’un fichier disparaisse, il faudrait qu’il disparaisse de tous les ordinateurs qui le partagent.

Pas de doute pour Benjamin Bayart, “les gens qui regardaient des vidéos sur Megaupload vont se déployer ailleurs et cela va se traduire par un regain d’activité sur le P2P.”

Le 21 janvier, peu après la fermeture de Megaupload, Bittorrent Inc. annonçait avoir atteint 150 millions d’utilisateurs. Le fondateur du parti pirate suédois (Piratepartiet), Rick Falkvinge, prophétise un avenir en peer-to-peer :

Certaines entreprises distribuent déjà des jeux et des mises à jour en utilisant la technologie peer-to-peer, car cela diminue leur consommation de bande passante, et les coûts par la suite. Les gens aiment partager, ils veulent partager, et ils trouveront toujours de nouveaux moyens de le faire. On ne peut pas les stopper.

Certains clients P2P exploitent à fond l’aspect décentralisé du système. Sur TorrentFreak, on redécouvre ainsi Tribler, une solution BitTorrent entièrement décentralisée créée il y a dix ans. Utilisé par quelques milliers de personnes seulement, Tribler serait en passe de devenir un outil clé du peer-to-peer décentralisé. Comme l’explique sur TorrentFreak le docteur Pouwelse, qui dirige le projet : “Avec Tribler, nous avons réussi à ne pas avoir la moindre coupure sur les six dernières années, tout cela parce que nous ne nous appuyons pas sur des fondations branlantes telles que les DNS, les serveurs web ou les portails de recherches”. Les recherches se font d’utilisateur à utilisateur, et selon le docteur Pouwelse, “la seule manière de briser Tribler serait de briser Internet lui-même”.

Parmi les évolutions du peer-to-peer attendues, figure également le P2P caching, “extrêmement bénéfique pour le réseau”, explique Jeffrey Talada, du Washington Pirate Party.

Les FAI conservent les données échangées dans des caches pour accélérer les échanges. Quand un internaute demande une information, plutôt que de la télécharger à l’autre bout du monde, elle est déjà en cache, parce que quelqu’un d’autre l’a déjà téléchargée. Ces caches permettent une grande rapidité et surtout évitent de saturer les réseaux. Mais les mécanismes qui visent les intermédiaires, comme Acta, sont un obstacle au développement de ce genre de système.

Vers un peer-to-peer souterrain

Le retour du peer-to-peer peut-il se faire sans victimes ? Pour Maxime Rouquet, “l’Hadopi ne marche pas, et n’a jamais déconnecté personne. Un relevé d’adresses IP ne sera jamais une preuve suffisante.On est devant une démarche de communication pour faire peur.” La Haute autorité vient pourtant de transmettre des dossiers d’internautes aux procureurs de la République.

Pour les différents partis pirates comme pour Benjamin Bayart, face à la peur du gendarme, ce qui risque d’exploser, ce sont bien les systèmes permettant de chiffrer les connexions, de brouiller les pistes. Rick Falkvinge décrit le peer-to-peer de demain comme un système de plus en plus “souterrain”, vers toujours plus d’anonymat. “Les internautes retourneront vers les protocoles Bittorrent et eDonkey, mais ils utiliseront de nouveaux moyens, pour contrer le pistage”.

Pour éviter aux utilisateurs d’être repérés, le peer-to-peer fonctionne déjà avec plusieurs systèmes d’anonymisation, comme les magnet links.  “Au début, avec Bittorrent, on devait récupérer des fichier torrents, qui contenaient des hashcodes, ou signatures numériques, sur un serveur central, ou tracker, comme The Pirate Bay ou OpenBittorrent. Désormais, on partage les informations entre une multitude de pairs qui se connectent au réseau. Les torrents sont décentralisés, on peut se passer de trackers”, explique Maxime Rouquet, du parti pirate français.

Les magnet links protègent les utilisateurs, car ils ne contiennent que la signature numérique des fichiers partagés, et ne permettent pas de remonter jusqu’à eux. Depuis janvier, The Pirate Bay s’est concentré sur les magnet links pour éviter de devenir le “nouveau Megaupload”.

Maxime Rouquet pense que les internautes risquent d’aller encore plus loin :

Avec des idioties comme Hadopi, on risque de ramener tout le monde au peer-to-peer, mais derrière un VPN, ou réseau privé virtuel, un système permettant de chiffrer sa connexion, utilisé à la base par les activistes dans des pays où règne la censure. En chiffrant sa connexion, on est sûr d’être immunisé contre l’Hadopi et de pouvoir utiliser n’importe quel logiciel de téléchargement sans risques. Avec les VPN, on peut aussi se connecter à des sites verrouillés, comme Hulu, bridé hors des USA pour des questions de droits d’auteurs.

Rick Falkvinge préfère quant à lui parler de Tor , un projet imaginé puis mis en place par des hackers militants il y a déjà dix ans. Le principe est simple : l’internaute installe un logiciel sur son ordinateur, l’active, puis peut surfer anonymement. “A la base, Tor permet de contourner les systèmes nationaux de blocage, donc la censure : les informations transitent dans un réseau de serveurs relais qui empêchent les autorités de remonter jusqu’à vous”, indique Rick Falkvinge. C’est le principe du “routage en oignon.”

Le meilleur du peer

Pour certains, comme Maxime Rouquet ou la Quadrature du Net, la lutte contre le piratage pousse les internautes à sécuriser de plus en plus leur connexion, ce qui peut avoir des effets désastreux sur le réseau.

“Et bien sûr, rien ne sera reversé aux artistes”, complète Benjamin Bayart. Pour lui, “avec le peer-to-peer, tout le monde y gagne. Personne ne gagne ni ne perd d’argent. En général, on cherche quelque chose qu’on n’a simplement pas trouvé ailleurs, ou qui n’est pas abordable. Les gens qui ont de l’argent et qui ne dépensent pas sont une minorité.” Le président de French Data Network conclut :

Si on essaie de bloquer le peer-to-peer, que feront les gens ? Le dernier épisode de Dexter qu’ils cherchaient deviendrait introuvable. Résultat, les gens cesseront de regarder la série. L’œuvre perdra du même coup de sa valeur. C’est exactement comme si on ne diffusait plus une chanson à la radio : c’est une audience de perdue. Le seul moyen de s’assurer que les gens ne téléchargent plus, ça serait peut être de supprimer leur envie pour les œuvres…

Reste une innovation à suivre de près. Celle de Bram Cohen, l’inventeur de Bittorrent. Depuis trois ans, l’informaticien travaille sur un nouveau protocole, sorte de streaming en peer-to-peer, permettant de diffuser en direct du contenu, mais de façon décentralisée : Bittorrent Live. Contacté par OWNI, il explique :

Le streaming est aujourd’hui cher, et il fait face à de nombreux défis techniques. Je savais que l’architecture décentralisée du P2P pourrait résoudre beaucoup de ces défis. Le but de Bittorrent Live, c’est d’avoir une très faible latence, et 99% de offload, c’est à dire 99% de données provenant des pairs. Ce qui signifie qu’aucune infrastructure serveur ou fournisseur d’hébergement ne sera nécessaire. Tous les vendredi soirs, à 20h, les gens peuvent avoir accès à la version beta.

Les internautes peuvent ainsi regarder un concert en streaming sur Bittorrent Live. Pas de détails quant à la possibilité de fusionner le nouveau protocole et celui plus classique de téléchargement, mais d’après Bram Cohen, Bittorrent Live permet, tout comme le protocole open source μTP (pour Micro Transmission Protocol) de son invention, de “réduire les pertes de paquets” et “de limiter les congestions réseau, un avantage pour les FAI.”

Histoire de faire aussi la promotion d’un futur aux couleurs du peer-to-peer :

Les technologies peer-to-peer intéressent de plus en plus d’entreprises et de services. C’est un moyen très efficace de faire circuler des données. Par exemple, Facebook, Twitter et Etsy utilisent le protocole BitTorrent pour l’efficacité du réseau interne. L’éditeur de jeux vidéo Blizzard utilise BitTorrent pour distribuer des mises à jour à des millions de joueurs à travers le monde.

Avec Bittorrent Live, Bram Cohen compte allier ce qui a fait le succès du streaming – regarder une vidéo instantanément – et l’aspect décentralisé et convivial du bon vieux P2P. “Beaucoup de vidéos ne sont toujours pas trouvables sur Internet”, expliquait Bram Cohen le 13 février au Sommet MusicTech de San Francisco. Matchs de foot, concerts, séries, films, la liste des possibilités est sans fin.

Au MusicTech, l’inventeur de Bittorrent lâchait, plaisantant à moitié : “mon but, c’est tuer la télévision.” Bittorrent Live n’en est encore qu’à ses balbutiements, mais Bram Cohen pourrait aussi faire d’une pierre deux coups, enterrant définitivement Megaupload et ses amis.


Photos et illustrations par Jacob Köhler (CC-byncnd) ; AndiH (CC-byncnd) et SFBrit (CCbyncnd)

]]>
http://owni.fr/2012/02/21/le-retour-du-peer-to-peer/feed/ 46
Les plans des pirates par eux mêmes http://owni.fr/2011/09/20/partis-pirates-europe-suede-allemagne-engstrom-falkvinge/ http://owni.fr/2011/09/20/partis-pirates-europe-suede-allemagne-engstrom-falkvinge/#comments Tue, 20 Sep 2011 09:37:16 +0000 Media Hacker http://owni.fr/?p=79864

À 51 ans, le Suédois Christian Engström est député européen depuis 2009. Ancien membre du Parti libéral, cet ingénieur en informatique milite au sein du Parlement européen pour la défense des libertés sur Internet.

Vous vous attendiez à un tel succès ?

Pour être parfaitement honnête, non. Ça a été une énorme surprise pour tout le monde je crois. Il y a trois mois, ils étaient à 3% dans les sondages. Je ne sais pas ce qu’il s’est passé à Berlin, mais je suis très très heureux de ce fantastique succès.

Pensez-vous que c’est parce que le PP allemand s’adresse à de jeunes gens, particulièrement via les réseaux sociaux ?

Je crois savoir qu’effectivement, ils sont plus présents chez les jeunes électeurs que chez les plus âgés. Mais c’est ce à quoi on peut s’attendre : c’était presque exactement la même situation pour nous en Suède, quand nous sommes entrés au Parlement en 2009. En fait, ce sont les jeunes gens qui comprennent Internet, et qui sont conscients de l’importance des problématiques qui lui sont liées.

Il y a-t-il des propositions qui sont communes aux différents partis pirates (PP) européens ?

Oui, le cœur des propositions est commun aux différents partis pirates: nous voulons protéger les droits fondamentaux sur Internet, nous voulons légaliser l’échange de fichiers et réformer le droit d’auteur. J’ai cru comprendre que les Berlinois ont étendu cette plateforme commune à d’autres thèmes qui sont spécifiques à Berlin : la fin des amendes dans les transports publics par exemple.

En tant que député européen pirate, comment faites-vous avancer vos idées ?

De nouveaux sujets apparaissent continuellement au Parlement européen. Cet automne par exemple, le traité ACTA sera à l’ordre du jour. Il s’agit d’un accord commercial entre l’Union Européenne et les États-Unis, qui a pour but d’encourager les États-Membres à introduire des lois de type Hadopi dans leur législation.

Je fais partie du groupe Les Verts au Parlement Européen. Avant les élections, nous avions déclaré que nous rejoindrions le groupe le plus proche de nos positions. Et cela a été les Verts, mais les libéraux étaient également proches de certaines de nos propositions. Je suis très satisfait de faire partie de ce groupe, avec qui la coopération se passe à merveille.
Il est d’ailleurs assez intéressant d’observer qu’à Berlin, les pirates ont pris un certain nombre de voix aux Verts : c’est naturel, puisqu’ils sont proches de nous, mais ils ne vont pas assez loin, apparemment.

Pensez-vous que ce résultat constitue le début d’un mouvement à l’échelle de l’Europe ?

Absolument. Il y a des partis pirates dans une quarantaine de pays, la plupart étant très petits. Partout où vous avez Internet et des jeunes, il y a un parti pirate, et ces questions sont sur la table.

Le Suédois Rick Falkvinge est le « père » du mouvement des PP. C’est lui qui a lancé l’idée en décembre 2005, qui sera ensuite reprise dans plus de quarante pays. Il s’est depuis retiré du PP, tout en continuant d’évangéliser. Il nous a répondu du siège du PP à Berlin.

Pourquoi un tel succès ?

Le Parti Pirate allemand, je pense, est celui qui est allé le plus loin dans la compréhension de la société de l’information. Il y a beaucoup de parallèle avec l’émergence des partis écologiques il y a 40 ans. Ils sont partis d’une plateforme étroite et un sens de la communauté dans les pays avec des partis verts et petit à petit, ils ont étendu leurs politiques hors de leur sphère initiale, tout en gardant un sens fort de la communauté. Durant les élections de 2010 en Suède, la raison majeure pour laquelle les gens n’ont pas voté pour nous était que nous n’avions pas une plateforme complète. Le PP allemand a amélioré ce point et il me semble que nous pouvons nous appuyer sur la croissance et le développement des Verts pour prédire les prochaines étapes du mouvement du PP.

Les PP ont-ils une plate-forme commune ?

Il existe certainement un noyau commun. C’est formulé de façon quelque peu différente d’un PP à l’autre mais la démocratie, la transparence, le droit à la vie privée (privacy, ndlr) et les autres libertés civiles et l’amour du partage et de l’Internet.

Est-ce le début de l’explosion des PP ?

Les PP ont maintenant des sièges dans cinq pays. Nous continuons d’apprendre les uns des autres, et nous agissons bien plus vite que les autres mouvements politiques qui nous ont précédés. Je m’attends à ce que nous soyons présents dans la plupart des parlements européens d’ici dix ans.

C’est une longue période pour nous qui sommes habitués à résoudre un problème en une session de code de 24 heures, mais c’est un battement de cils en politique. Alors pour les personnes qui reculeraient devant cette longue perspective : nous ne sommes pas de vrais hommes politiques parce que nous le voulons mais parce que nous avons à. Et comme c’est une obligation, nous devons nous assurer qu’on s’amuse tout le long, également.

Maxime Rouquet est le président du Parti Pirate français, créé en 2006. Le PP s’est présenté pour la première fois à un scrutin en 2009, dans le cadre d’une législative partielle.

Comment expliquez-vous le succès du Parti Pirate en Allemagne ?

Ce succès était annoncé depuis quelques jours, on voyait une montée du PP dans les sondages. Je pense qu’ils ont été diffusés massivement après avoir dépassé un seuil minimal dans les sondages, cela leur permettait d’être annoncé au même plan que les plus gros partis, parmi les six principales forces politiques. Certains électeurs qui ne connaissaient pas le PP ont pris connaissance des idées qu’il défend et de leur intérêt.

De plus en Allemagne, il y a un grand attachement aux libertés individuelles, à la liberté d’expression, à la défense de la vie privé, ces thèmes parlent beaucoup aux Allemands, en particulier les plus jeunes, du moins ceux sensibilisés aux nouvelles technologies et leurs enjeux. C’était une bonne opportunité pour les citoyens de montrer leur attachement à ses sujets.

Que manque-t-il au Parti Pirate français pour rencontrer un tel succès ?

Nous avons du retard par rapport à nos homologues germaniques car ils ont déjà participé à une élection législative d’envergure nationale où ils avaient obtenu 2%. Ce score leur a ouvert le financement public, ils ont donc davantage de moyens, même s’ils avaient à Berlin moins d’argent que les autres partis, à peu près 40.000 euros. Ils sont aussi plus connus du public puisque tous les Allemands ont déjà eu la possibilité de voter pour le Parti pirate. En France, nous participerons l’année prochaine à une élection similaire, avec les législatives, nous espérons motiver assez de personnes pour se présenter, et devenir d’ici un ou deux ans la 5ème ou 6ème force politique du pays.

Comment allez-vous préparer les prochaines échéances électorales ?

Nous avons deux échéances importantes à venir : d’une part une échéance “interne”, avec l’assemblée générale du 16 octobre. Les membres pourront voter, nous sommes très attachés à la démocratie directe et participative. Et d’autre part les élections législatives de juin 2012. Le Parti Pirate aurait sa place au Parlement pour rétablir une véritable défense des droits des citoyens, mais les législatives seraient aussi et avant tout l’occasion de participer à une campagne d’envergure nationale.

En plus de faire découvrir nos idées au grand public, le résultat aux élections législatives détermine le droit éventuel au financement public des partis. Un bon résultat nous donnerait donc des moyens supplémentaires pour défendre nos idées, et diminuerait notre handicap par rapport aux partis déjà en place.

Nous réunissons en ligne beaucoup de sympathisants, mais il est plus délicat de trouver des volontaires pour participer à des actions AFK (ou IRL), et nous en aurons besoin pour les campagnes électorales. Afin de permettre aux pirates de chaque région de se rencontrer et les
habituer à agir ensemble, nous avons lancé un appel à organiser des pique-nique “pirates” dans chaque région le 4 septembre : plusieurs grandes villes de France ont ainsi réuni quelques dizaines de pirates motivés.

Nous espérons que cette initiative prendra de l’ampleur dans les prochains mois, et que les citoyens se saisiront de cet outil qu’est le Parti Pirate pour se réapproprier la vie politique et rétablir une véritable défense de leurs droits.

Pensez-vous que les Partis Pirates vont monter en puissance, sur la lancée de ce succès ?

Ce résultat montre que de plus en plus de citoyennes et de citoyens sont prêts à voter pour le Parti Pirate. Cela vient confirmer la crédibilité du mouvement des Partis Pirates, et nous anticipons évidemment un essor de celui-ci dans les différents pays où un Parti Pirate est présent. Dans chaque pays, la démarche du mouvement des Partis Pirates est plus que jamais d’actualité. Ces idées sont partagées par un nombre croissant de citoyennes et de citoyens, quelle que soit leur sensibilité politique. Pour peu que nous fassions la preuve de notre crédibilité et que nous nous montrions dignes de leur confiance, comme le Piratenpartei l’a fait à Berlin, le Parti Pirate a le potentiel pour devenir un parti bien ancré dans le paysage politique et faire passer ses réformes.

Le résultat du Piraten Partei à Berlin est un nouveau signal fort à l’encontre de tous ceux qui, une fois au pouvoir, sacrifient les libertés et droits des citoyens au profit de quelques lobbies. Le Parti Pirate est un mouvement tourné vers l’avenir. Il est temps de prendre le vent des nouvelles technologies et des nouveaux usages, plutôt que s’ancrer dans des idéologies du passé et défendre des situations de monopole qui n’avantagent plus que quelques intermédiaires.

Propos recueillis par Sabine Blanc et Guillaume Ledit


Crédit CC Flickr PaternitéPas d'utilisation commercialePartage selon les Conditions Initiales Fanboy30 et Paternité mac_filko

À lire aussi Berlin prend le parti des pirates

]]>
http://owni.fr/2011/09/20/partis-pirates-europe-suede-allemagne-engstrom-falkvinge/feed/ 15