OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Silvio Berlusconi renversé par Giuseppe Verdi http://owni.fr/2011/04/24/silvio-berlusconi-renverse-par-giuseppe-verdi/ http://owni.fr/2011/04/24/silvio-berlusconi-renverse-par-giuseppe-verdi/#comments Sun, 24 Apr 2011 15:00:33 +0000 agoravox http://owni.fr/?p=58376 Nabucco de Verdi est une œuvre autant musicale que politique : elle évoque l’épisode de l’esclavage des juifs à Babylone, et le fameux chant « Va pensiero » est celui du Chœur des esclaves opprimés. En Italie, ce chant est le symbole de la quête de liberté du peuple, qui dans les années 1840 – époque où l’opéra fut écrit – était opprimé par l’empire des Habsbourg, et qui se battit jusqu’à la création de l’Italie unifiée.

Avant la représentation, Gianni Alemanno, le maire de Rome, est monté sur scène pour prononcer un discours dénonçant les coupes dans le budget de la culture du gouvernement. Et ce, alors qu’Alemanno est un membre du parti au pouvoir et un ancien ministre de Berlusconi.

Cette intervention politique, dans un moment culturel des plus symboliques pour l’Italie, allait produire un effet inattendu, d’autant plus que Sylvio Berlusconi en personne assistait à la représentation…

Repris par le Times, Riccardo Muti, le chef d’orchestre, raconte ce qui fut une véritable soirée de révolution :

Au tout début, il y a eu une grande ovation dans le public. Puis nous avons commencé l’opéra. Il se déroulait très bien, mais lorsque nous en sommes arrivés au fameux chant Va Pensiero, j’ai immédiatement senti que l’atmosphère devenait tendue dans le public. Il y a des choses que vous ne pouvez pas décrire, mais que vous sentez. Auparavant, c’est le silence du public qui régnait. Mais au moment où les gens ont réalisé que le « Va Pensiero » allait démarrer, le silence s’est rempli d’une véritable ferveur. On pouvait sentir la réaction viscérale du public à la lamentation des esclaves qui chantent : « Oh ma patrie, si belle et perdue !

Alors que le chœur arrivait à sa fin, dans le public certains s’écriaient déjà : « Bis ! ». Le public commençait à crier « Vive l’Italie ! » et « Vive Verdi ! » Des gens du poulailler (places tout en haut de l’opéra) commencèrent à jeter des papiers remplis de messages patriotiques – certains demandant « Muti, sénateur à vie ».

Bien qu’il l’eut déjà fait une seule fois à La Scala de Milan en 1986, Muti hésita à accorder le « bis » pour le Va pensiero. Pour lui, un opéra doit aller du début à la fin. « Je ne voulais pas faire simplement jouer un bis. Il fallait qu’il y ait une intention particulière. », raconte-t-il.

« O mon pays, beau et perdu »

Mais le public avait déjà réveillé son sentiment patriotique. Dans un geste théâtral, le chef d’orchestre s’est alors retourné sur son podium, faisant face à la fois au public et à M. Berlusconi, et voilà ce qui s’est produit :

[Après que les appels pour un « bis » du « Va Pensiero » se soient tus, on entend dans le public : « Longue vie à l'Italie ! »]

Le chef d’orchestre Riccardo Muti : « Oui, je suis d’accord avec ça, “Longue vie à l’Italie” mais… »

[applaudissements]

Muti :

Je n’ai plus 30 ans et j’ai vécu ma vie, mais en tant qu’italien qui a beaucoup parcouru le monde, j’ai honte de ce qui se passe dans mon pays. Donc j’acquiesce à votre demande de bis pour le “Va Pensiero” à nouveau. Ce n’est pas seulement pour la joie patriotique que je ressens, mais parce que ce soir, alors que je dirigeais le choeur qui chantait « O mon pays, beau et perdu », j’ai pensé que si nous continuons ainsi, nous allons tuer la culture sur laquelle l’histoire de l’Italie est bâtie. Auquel cas, nous, notre patrie, serait vraiment « belle et perdue ».

[Applaudissements à tout rompre, y compris des artistes sur scène]

Et le public chanta

Muti :

Depuis que règne par ici un « climat italien », moi, Muti, je me suis tu depuis de trop longues années. Je voudrais maintenant… nous devrions donner du sens à ce chant ; comme nous sommes dans notre Maison, le théâtre de la capitale, et avec un chœur qui a chanté magnifiquement, et qui est accompagné magnifiquement, si vous le voulez bien, je vous propose de vous joindre à nous pour chanter tous ensemble.

C’est alors qu’il invita le public à chanter avec le chœur des esclaves. « J’ai vu des groupes de gens se lever. Tout l’opéra de Rome s’est levé. Et le chœur s’est lui aussi levé. Ce fut un moment magique dans l’opéra. »

« Ce soir-là fut non seulement une représentation du Nabucco, mais également une déclaration du théâtre de la capitale à l’attention des politiciens. »

Cliquer ici pour voir la vidéo.

> Billet initialement publié Agoravox par Roosevelt_vs_Keynes

> Image Flickr PaternitéPas d'utilisation commerciale Niccolò Caranti

Retrouvez les autres articles du dossier : Elf, la pompe Afrique et En finir avec la démocratisation de la culture
Crédits photo : Tsevis

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Guerre en Libye,|| peur des réfugiés en Europe http://owni.fr/2011/04/11/guerre-en-libye-peur-des-refugies-en-europe/ http://owni.fr/2011/04/11/guerre-en-libye-peur-des-refugies-en-europe/#comments Mon, 11 Apr 2011 15:08:12 +0000 Hélène David http://owni.fr/?p=56297

L’Europe ne pourra pas se soustraire à ses responsabilités.

Déclaration signée Silvio Berlusconi en visite samedi sur l’île de Lampedusa, où des milliers de réfugiés venus des côtes tunisiennes et libyennes ont débarqué ces derniers mois. Le chef du gouvernement italien a parlé d’un “tsunami humain”, qui éprouve sur les terres européennes la solidarité effective envers les révolutions arabes.

Pourtant, depuis le 16 février, date du début des manifestations à Benghazi, les forces occidentales ont manifesté leur soutien au peuple lybien. La révolution est réprimée dans la violence mais n’empêche pas le mouvement de prendre de l’ampleur.

Quelques semaines seulement après le début de l’intervention de l’OTAN, les 27 se chamaillent pour savoir qui devra assumer la responsabilité de réfugiés dont personne ne veut.

Rappel. Le 22 février, Mouammar Kadhafi apparaît sur les écrans de télévision, halluciné et hallucinant. Son message est clair quoiqu’à peine croyable: les manifestants sont des drogués et des mercenaires, à la solde de Ben Laden.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Le plus ancien dictateur de la région promet de mourir en martyr s’il le faut, pour “protéger son peuple“.

Les manifestations se transforment en guerre de positions entre les forces fidèles à Kadhafi et les insurgés réfugiés à Benghazi et Misrata. Au total, les affrontements font des milliers de morts.

Internationalisation et politisation du conflit

La répression commence à inquiéter les puissance occidentales. Le 10 mars, Nicolas Sarkozy (qui avait reçu le dictateur en grandes pompes, quoique sous une tente, trois ans plus tôt) reconnaît le Conseil national de transition comme représentant unique de la Libye, pendant que la député Chantal Brunel expose sa solution à la crise humanitaire: remettre (les réfugiés) dans des bateaux. Avec le Royaume-Uni, la France milite pour l’instauration d’une zone d’exclusion aérienne. Les États-Unis, par la voix d’Obama, hésitent, puis acquiescent [en].

Le 17 mars, le Conseil de sécurité de l’ONU adopte la résolution 1973 [en] qui ordonne la protection des civils libyens. La diplomatie française bombe le torse et le conflit s’internationalise, sous l’égide de l’OTAN [en] à partir du 27 mars.

Sur place, cela se traduit par la mobilisation d’hommes et de matériel venus en particulier de France, des États-Unis et de Grande Bretagne. En France, l’affaire prend un tour politicien. Au sommet de Paris de soutien pour le peuple libyen le président Sarkozy dit sa “détermination” à soutenir les peuples arabes :

Des peuples arabes ont choisi de se libérer de la servitude dans laquelle ils se sentaient depuis trop longtemps enfermés. Ces révolutions ont fait naître une immense espérance dans le cœur de tous ceux qui partagent les valeurs de la démocratie et des droits de l’homme. Mais elles ne sont pas sans risque. L’avenir de ces peuples arabes leur appartient. Au milieu des difficultés et des épreuves de toutes sortes qu’ils ont à affronter, ces peuples arabes ont besoin de notre aide et de notre soutien. C’est notre devoir.

L’intervention militaire en Libye commence, menée par les Rafales de l’armée française et le ministre de l’Intérieur manifeste son soutien à Sarkozy, à  “la tête de la croisade” [voir vidéo à 10:25] auprès du Conseil de Sécurité.

La question des réfugiés prend le pas sur la question militaire

Aux prises de paroles inspirées militant pour une intervention militaire en Libye destinée à garantir la sécurité de Libyens, ont succédé des débats plus houleux, sur ces mêmes civils, lorsqu’ils apparaissent aux portes de l’Europe, à Lampedusa ou à Malte.

Alors que l’Italie accordait la semaine dernière des visas Schengen aux réfugiés tunisiens (dans l’objectif clairement affiché de s’en débarrasser), la France prévenait qu’elle n’en voulait pas, et accusait l’Italie d’agir en contradiction avec l’”esprit de Schengen”.

La commissaire européenne Cecilia Malmström a pour sa part appelé les pays membres à se montrer “solidaires”. Et la Commission européenne a débloqué 25 millions d’euros pour aider les pays les plus touchés et parer à l’urgence humanitaire.

La CIMADE (Comité inter mouvements auprès des évacués) dénonce la politique migratoire de l’UE et met en garde contre les “renforcement de la répression à l’encontre des migrants” et “les réflexes de peur et de xénophobie”.

Ce lundi, le Luxembourg accueillait la réunion des 27 ministres de l’Intérieur européens. Au menu des discussions, l’octroi de visas temporaires aux immigrés africains (venus pour la plupart de Tunisie). La question des réfugiés est-elle italienne ou européenne ?  Pour Berlin, le problème est exclusivement italien. La France quant à elle, a déjà instauré un cordon sanitaire, destiné à contrôler les entrées sur le territoire français.

Dans le même temps, les combats se poursuivent en Libye, entre les troupes de Kadhafi et les insurgés. Hier dimanche, l’OTAN a détruit 11 tanks de l’armée libyenne, alors que les présidents mauritanien, malien, congolais et sud-africain, ainsi que le ministre ougandais des Affaires étrangères arrivaient en Libye, mandatés par l’Union africaine pour tenter de trouver une issue à un conflit entamé il y a deux mois, par des manifestations non violentes. Depuis le début des conflits, plus de 448 000 réfugiés, toutes nationalités confondues, ont fui la Libye.

Illustration Flickr CC par Olmovich

Retrouvez notre dossier sur les réfugiés de Libye :

Image de Une CC Marion Boucharlat pour OWNI

L’exil des réfugiés de Libye raconté par les données

En finir avec le mythe des flots de migrants libyens

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Roberto Saviano défie le pouvoir italien http://owni.fr/2011/03/21/roberto-saviano-defie-le-pouvoir-italien/ http://owni.fr/2011/03/21/roberto-saviano-defie-le-pouvoir-italien/#comments Mon, 21 Mar 2011 11:17:10 +0000 Pascal Bories http://owni.fr/?p=52402 La sortie ce mois-ci en Italie du livre de Roberto Saviano “Vieni via con me” (“Pars avec moi”), qui caracole au top des meilleures ventes, pose une question enthousiasmante. La télévision, ce vieux média à papa, aurait-elle encore une utilité ?  Mieux : aurait-elle le pouvoir de diffuser la connaissance, de faire cogiter les “cerveaux disponibles”, voire de déstabiliser un pouvoir politique corrompu ? Et, ainsi, de créer les conditions d’une démocratie plus saine ?

Dans un pays mondialement réputé pour la qualité exécrable de ses programmes télévisés, où le Premier Ministre en personne possède la plupart des grandes chaînes, la chose semblait plus qu’utopique, impensable. Et pourtant, si l’on en croit le succès d’une émission diffusée en fin d’année dernière sur la chaîne RAI 3, dont le livre de Saviano reprend l’ensemble des propos, la réponse pourrait bien être positive.

Conçue et présentée par l’écrivain avec le journaliste Fabio Fazio, Vieni via con me avait emprunté son titre à la magnifique chanson composée en 1981 par le célèbre crooner italien Paolo Conte, “Via con me (It’s Wonderful)”. Au menu : de longs monologues ardus, sur l’histoire ou la Constitution italiennes, entrecoupés de séquences plus humoristiques, mais toujours impertinentes. Exemple : l’acteur Roberto Benigni entonnant la chanson “E tutto mio” (“Tout est à moi”), pour lister sur fond de guitare électrique tout ce que Silvio Berlusconi possède ou prétend posséder : villas, palais, institutions…

Plus de téléspectateurs que Real-Barça

Résultat plus qu’inattendu : dès la diffusion du premier des quatre épisodes, l’émission réunissait 7,6 millions de téléspectateurs, soit plus de 25% de part d’audience. Au troisième épisode, elle attirait 9,6 millions de personnes et atteignait 31,6% de part d’audience. Pour son quatrième et dernier volet, le 29 novembre dernier, elle battait même le match de foot opposant le Real Madrid au FC Barcelone et l’émission de télé-réalité la plus suivie du pays, Grande Fratello. Et ce, en abordant des sujets aussi peu glamour, a priori, que la gestion des déchets, l’euthanasie, la ‘Ndrangheta, ou encore l’histoire de la Constitution et du drapeau national.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Un record historique, sans compter qu’en trois semaines, les vidéos mises en lignes sur le site de la RAI ont été visualisées 8 millions de fois. Et celles mises en ligne sur Youtube 5,5 millions de fois. Le nom le plus souvent associé à la réussite exceptionnelle de ce programme, plus que celui de Fazio et bien que Benigni soit également venu prêter main forte (et voix qui porte) ? Celui de Roberto Saviano, dont les huit interventions n’avaient pourtant rien de comique.

Auteur en 2006 de “Gomorra”, le best-seller dont l’adaptation au cinéma a remporté le Grand Prix du Festival de Cannes en 2008, Saviano est aujourd’hui l’écrivain qui vend le plus de livres en Italie, ceux-ci étant par ailleurs traduits dans le monde entier. Depuis cette enquête choc sur la mafia napolitaine, le ténébreux jeune homme de 31 ans vit sous protection policière permanente car sa tête a été mise à prix. Ce qui ne l’a pas dissuadé de poursuivre ses recherches sur le crime organisé, ni de s’exprimer publiquement à ce sujet.

Le paramètre Mondadori

En revanche, pour publier le livre “Vieni via con me”, l’auteur a dû se résoudre à se séparer de ses éditeurs historiques, avec lesquels il disait pourtant entretenir des liens de fidèle affection. Le problème ? La directrice de ladite maison d’édition, Mondadori, n’est autre que Marina Berlusconi, la fille du Président du Conseil, lui-même étant actionnaire majoritaire via sa holding Fininvest.

Ces derniers mois, les clashs s’étaient multipliés entre la patronne, classée 48ème femme la plus puissante du monde par Forbes en 2010, et l’auteur le plus rentable de sa maison. Motif ? Roberto Saviano avait notamment affirmé en 2009, dans une interview que “le système politique italien ne peut pas faire sans la mafia”, et que “ses relations avec elles sont identiques à celles qu’il entretient avec les multinationales”. Et Silvio Berlusconi lui-même était monté au créneau, accusant l’écrivain de “diffamer le pays” en offrant une telle publicité à la mafia.

Plus problématique encore : Saviano avait ensuite déclaré soutenir les juges milanais dans leur tentative de faire comparaître le Président du Conseil devant les tribunaux. Marina Berlusconi s’était alors dite “horrifiée”, mais pas au point de résilier le contrat le plus juteux de sa maison. C’est donc l’auteur lui-même qui a finalement annoncé début mars son choix de publier “Vieni via con me” chez l’éditeur concurrent Feltrinelli.

Contrepoids médiatique

Plus libre de ses propos, l’écrivain profite désormais de la promotion de son livre, à l’occasion de rencontres dans les librairies de plusieurs grandes villes, pour dénoncer “l’invitation objective du chef du gouvernement à l’omerta”. Une partie de la gauche italienne, qui restait réservée quant à l’engagement politique de Saviano, jugé très limité jusqu’à présent, devrait lui en savoir gré.

Pour mémoire, les liens de Silvio Berlusconi avec Cosa Nostra sont déjà connus, notamment à travers le mafieux Vittorio Mangano, qui fut le chef d’écurie d’une de ses villas dans les années 1970. Ou encore l’arrestation l’an dernier de son allié politique le sénateur de Sicile Marcello Dell’Utri, condamné à sept ans de prison pour ses liens avec la mafia.

Fort du succès phénoménal de l’émission et du livre “Vieni via con me”, Roberto Saviano constitue aujourd’hui, en partie malgré lui, le contrepoids médiatique le plus puissant à “l’invincible” Silvio Berlusconi (comme il se qualifie lui-même). Ce dernier aura dorénavant du mal à employer contre lui sa méthode, qualifiée par l’écrivain de “machine à boue”, consistant à discréditer systématiquement ses adversaires politiques. La preuve : malgré ses démêlés avec Marina Berlusconi, un dirigeant de Mondadori a récemment déclaré à son sujet :

Saviano est et restera un auteur important pour notre maison.

Au pays de la politique-spectacle tous azimuts, qui célèbre ces jours-ci les 150 ans de son unité, Roberto Saviano est lui aussi devenu une star, au même titre que Silvio Berlusconi, qui doit son pouvoir à son statut de vedette plus qu’à un programme politique. Face à la télé Berlusconi, Saviano a donné la preuve qu’une autre télé, instructive et ambitieuse, est possible. En retournant ainsi contre l’ennemi ses propres armes, il a réussi à ébranler la toute-puissance médiatique du chef de gouvernement le plus contesté d’Europe.

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Crédits photo: Flickr CC Enrique Carnicero, dadevoti

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Berlusconi veut couper les “grandes oreilles” de la Justice http://owni.fr/2011/03/21/berlusconi-ecoutes-justice-rubygate/ http://owni.fr/2011/03/21/berlusconi-ecoutes-justice-rubygate/#comments Mon, 21 Mar 2011 10:35:26 +0000 Pascal Bories http://owni.fr/?p=52400 C’est officiel : Silvio Berlusconi n’a plus de téléphone portable. Le 28 février dernier, il s’en expliquait lors d’un meeting de son parti, le Peuple de la Liberté :

Sachez que votre premier ministre n’a plus le moindre mobile parce qu’il est sujet à toutes sortes d’écoutes. […] Tout le monde considère comme une atteinte à la liberté le fait de ne pas pouvoir parler librement au téléphone. C’est pourquoi j’ai régressé dans le temps et n’utilise plus de mobile.

Au passage, il se désignait lui-même, avec la mesure qui le caractérise, comme “l’homme politique le plus persécuté de l’histoire”.

La veille, dans une conférence à Milan, il avait rappelé sa conviction qu’une nouvelle loi sur les écoutes téléphoniques était nécessaire, qualifiant de “pratiques barbares qui doivent cesser” les violations de la vie privée de citoyens ne faisant parfois même pas l’objet de poursuites.

Il faut dire que ce maudit mobile – dont il avait pourtant bien du mal à se séparer – risque aujourd’hui de lui coûter une lourde condamnation pour relations sexuelles avec une prostituée mineure. La fameuse affaire du “Rubygate” repose en effet sur un dossier d’environ 700 pages, constitué en grande partie de retranscriptions d’écoutes téléphoniques et de SMS interceptés par la police judiciaire.

Instrument du Rubygate

Cristina Di Censo, la juge des enquêtes préliminaires à laquelle le parquet de Milan avait transmis ces documents, a confirmé le 15 février leur caractère de “preuves évidentes”, l’autorisant à faire comparaître le Président du Conseil devant un tribunal ordinaire selon une procédure accélérée. La première audience du procès aura donc lieu le 6 avril. Et son issue pourrait coûter cher à un homme simultanément poursuivi dans trois autres affaires, bien qu’il ait jusqu’à présent échappé à toute condamnation effective malgré de nombreuses inculpations.

En attendant, les Italiens ont déjà pu se délecter copieusement de nombreux extraits de ces écoutes, publiés par les grands journaux de gauche italiens et souvent relayés par la presse internationale. Sur le web, de facétieux activistes ont même créé le site Bungle Bungle, (contraction de “Google” et de “bunga bunga“), un moteur de recherche donnant accès à tous les échanges téléphoniques rendus publics dans l’affaire Ruby.

Car plusieurs des jeunes femmes présentes aux “parties fines” (sic) organisées par Silvio dans ses luxueuses villas, dont au moins deux étaient mineures au moment des faits, avaient été mises sur écoute par la justice. C’est d’ailleurs la localisation de leurs téléphones portables qui avait permis de savoir qu’elles y participaient. Leurs conversations et leurs SMS décrivent des orgies sexuelles dont Berlusconi était parfois le seul protagoniste de sexe masculin. Ces retranscriptions mettent aussi en lumière la rivalité qui régnait entre elles, et les encouragements éhontés de leurs propres familles.

Si le président du Conseil persiste à affirmer qu’il n’a “jamais payé pour des rapports avec une femme”, des écoutes datant d’il y a plusieurs années suffisaient déjà à en douter sérieusement. En 2008 et 2009, il avait eu avec l’escort-girl Patrizia D’Addario des rapports intimes tarifés, agrémentés d’onéreux cadeaux.

La bataille des chiffres

On comprend mieux, dès lors, pourquoi Silvio Berlusconi se plaint tant des interceptions de communications téléphoniques par la police judiciaire. Comme les socialistes avant lui, ses gouvernements successifs n’ont eu de cesse de proposer des lois visant à en restreindre l’usage et la divulgation, sans jamais qu’aucune ne parvienne à entrer en vigueur.

Le dernier projet en date a été approuvé par le Sénat en juin dernier, non sans avoir subi quelques modifications suite aux reproches formulés par l’OSCE et le Parlement européen. Des journalistes et une partie de l’opinion s’y étaient également opposés vigoureusement. Mais face à ces critiques, Berlusconi avait alors déclaré que jusqu’à 10 millions de personnes pouvaient être écoutées à leur insu dans son pays, ajoutant :

Le problème est grave, nous sommes tous espionnés.

Un mois plus tard, le journal Il Fatto Quotidiano publiait “les vrais chiffres des interceptions” fournis par le Ministère de la Justice : moins de 40.000 personnes écoutées par an, soit 0,7% de la population totale de l’Italie, qui compte 60 millions d’habitants. L’article précisait en outre que 80% de ces écoutes étaient relatives à des crimes mafieux. Un chiffre non négligeable, tant les Italiens savent ce qu’ils doivent à ce système d’investigation aussi efficace qu’intrusif.

Baptisée Mani Pulite (“Mains Propres”), la vaste opération initiée en 1992 par le juge Antonio Di Pietro avait permis de faire tomber les dirigeants corrompus des grands partis de l’époque : Démocratie Chrétienne (DC) et Parti Socialiste Italien (PSI). Le recours aux écoutes téléphoniques avait été décisif pour révéler les liens entre la mafia et les hommes politiques qui se partageaient le pouvoir depuis des décennies.

Il aurait dû s’agir d’un choc salutaire pour le système italien. Mais c’est justement au terme de cette opération que Silvio Berlusconi, profitant des élections anticipées de 1994, avait remporté sa première victoire électorale. A peine nommé Premier Ministre, il faisait à son tour l’objet d’enquêtes judiciaires, notamment fondées sur des interceptions de communications privées.

Réforme constitutionnelle

Depuis, ses innombrables frasques ont régulièrement alimenté la presse en retranscriptions d’écoutes de ministres, de collaborateurs ou de femmes qu’il a fréquentées. C’est sur ces fuites incessantes de documents censés être à l’usage exclusif de la Justice que le Cavaliere a fondé l’idée de sa persécution par de soi-disant  “juges rouges”, avec la complicité de la presse.

Alors que son projet de réforme constitutionnelle a été adopté le 10 mars en Conseil des ministres, Silvio Berlusconi et son ministre de la Justice Angelino Alfano se disent désormais prêts à présenter devant l’Assemblée un texte spécifiquement destiné à encadrer les écoutes téléphoniques. Celui-ci prévoit de limiter l’écoute d’un individu à 75 jours et de n’y recourir qu’en cas de “graves indices de crime” dans les affaires de droit commun, et en cas d’“indices suffisants” dans les affaires de terrorisme ou de crime organisé.

De plus, la réforme entend soumettre l’action pénale “obligatoire” du Parquet à des “critères établis par la loi”, tout comme il ne pourrait disposer de la police judiciaire que “selon des modalités établies par la loi”. Autrement dit, selon Antonio di Pietro, aujourd’hui leader du parti d’opposition l’Italie des Valeurs :

Le parlement devra décider quels sont les crimes sur lesquels les juges peuvent enquêter… Donc on ne pourra pas mener une enquête sur tous les crimes, mais seulement ceux sur lesquels il y aura un consensus des députés. Et devinez de quel côté seront ces députés ?

Enfin, si la réforme était adoptée, les Procureurs deviendraient “directement responsables des actes accomplis en violation des droits“. Traduction : une écoute téléphonique ne débouchant par sur une condamnation pourrait leur coûter d’importants dommages et intérêts. Et s’ils souhaitaient faire appel de la décision d’acquittement ? Impossible, car ils ne pourraient plus faire appel qu’en cas de condamnation de l’accusé.

La mafia décimée

La presse, seul autre contre-pouvoir à un exécutif englué dans les affaires et à un législateur corrompu, s’estime également menacée. Selon Giuseppe Giulietti, porte-parole d’Articolo 21, une association pour la liberté de l’information, le projet de loi sur les interceptions téléphoniques vise à “introduire une censure, un contrôle de l’information servant seulement le consensus”. Car le texte sur les écoutes prévoit aussi de lourdes sanctions contre les médias divulguant des retranscriptions.

Pendant ce temps, l’actualité italienne n’en finit plus de donner de bonnes raisons aux Italiens de s’insurger contre de telles tentatives de restriction du pouvoir des juges, et de leur recours aux écoutes. La ‘Ndrangheta, l’une des organisations mafieuses les plus redoutées au monde, vient d’être décimée par la police grâce à l’interception de conversations téléphoniques entre Giuseppe Commisso, surnommé “le maître”, et ses lieutenants. Bilan : 41 arrestations.

Heureusement, il reste peu probable que le projet de réforme constitutionnelle de la Justice italienne soit adopté en l’état rapidement. Deux navettes parlementaires avec une majorité des deux tiers de chaque chambre seraient nécessaires à son adoption, sans quoi il devrait faire l’objet d’un référendum. Mais dans ce dernier cas, tout reste possible, tant la désinformation est une arme dont use mieux que quiconque Berlusconi, le magnat des médias “sans portable fixe”.

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Crédits photo: No Mas, paride de carlo, Sergio Maistrello, Niccolo Caranti

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Berlusconi-Kadhafi: Divorce à l’italienne http://owni.fr/2011/03/05/berlusconi-kadhafi-divorce-a-litalienne-libye-italie/ http://owni.fr/2011/03/05/berlusconi-kadhafi-divorce-a-litalienne-libye-italie/#comments Sat, 05 Mar 2011 15:28:23 +0000 Pascal Bories http://owni.fr/?p=49822 Ils étaient si proches. Depuis des décennies, le Président du Conseil italien et le Guide de la Révolution libyen entretenaient des rapports extrêmement privilégiés. Mais aujourd’hui, le divorce entre Silvio Berlusconi, 74 ans, et Mouammar Kadhafi, 69 ans, semble consommé. Enfin ?

Le 22 février, le “Guide de la Révolution” insinuait dans son discours télévisé que les contestataires libyens étaient armés par l’Italie. Bien que l’Italie soit en effet le premier fournisseur d’armes de la Libye, l’information était immédiatement démentie par le ministre Italien des affaires étrangères Franco Frattini. Huit jours plus tard, ce dernier dénonçait le “traité d’amitié, de partenariat et de coopération” signé en 2008 par Berlusconi et Kadhafi, contenant notamment une clause de non-agression. Le même jour, l’entreprise italienne ENI annonçait la fermeture du pipeline gazier de 520km reliant la Libye à la Sicile, et accusait dans la foulée une chute de sa valeur boursière.

Dès lors, Kadhafi était exposé à la menace d’une intervention militaire menée depuis le sol de son ex-allié, où les Etats-Unis disposent de plusieurs bases. Dans son nouveau discours fleuve du mercredi 2 mars, il fanfaronnait de plus belle :

Nous sommes le pays de la dignité et de l’intégrité, ce pays a triomphé de l’Italie.

Ou encore :

Le peuple libyen a bien compris que Kadhafi a obligé l’Italie à s’excuser.

Ainsi, il rappelait que le traité de 2008 reposait avant tout sur les excuses formulées par Berlusconi pour la colonisation de la Libye, de 1911 à 1942, (mise en scène dans le film américano-libyen Le lion du désert, interdit pendant des années en Italie).

Bunga bunga

Depuis de nombreuses années, les deux leaders entretenaient pourtant des rapports plus que cordiaux, intimes. Le Président du Conseil n’a-t-il pas loué l’été dernier, pour la deuxième année consécutive, les services de dizaines de jeunes hôtesses, payées 80 euros chacune, pour accueillir à Rome le dictateur libyen et l’écouter promouvoir l’Islam ? Et la jeune Karima El Marough, alias “Ruby”, dont les rapports tarifés avec le Cavaliere valent à ce dernier d’être poursuivi pour prostitution de mineure, n’a-t-elle pas déclaré :

Berlusconi m’a expliqué que le bunga bunga était un harem inspiré par son ami Kadhafi, avec des filles qui se déshabillent et lui donnent des “plaisirs physiques” ?

Plus officiellement, l’Italie était jusqu’à présent le premier partenaire commercial de la Libye, avec des échanges commerciaux estimés à 12 milliards d’euros l’an dernier. Le traité de 2008 l’engageait par ailleurs à dédommager son ancienne colonie à hauteur de 5 milliards de dollars en vingt ans. La Libye, pour sa part, détenait 2% d’ENI, détenu à 30% par l’Etat italien, et d’autres participations telles que : 7% de la première banque italienne, Unicredit, 2% de l’entreprise d’aéronautique et d’armement Finmeccanica, ou encore 7% de la Juventus de Turin.

Mieux : lorsque l’an dernier, la Libye a ouvert une compétition pour octroyer deux licences à des banques étrangères leur permettant d’exercer sur son territoire, une seule des six banques en lice a finalement été retenue : Unicredit. Mais ces échanges de bons procédés ne datent pas pour autant d’hier. Dans les années 1970, comme le rappelle le journaliste Alberto Toscano, Kadhafi avait déjà volé au secours de Fiat, qui connaissait alors une terrible crise sociale.

Point Godwin

D’un point de vue politique aussi, le Cavaliere est comparable à son compère du désert, dictateur avéré, longtemps redouté pour son rôle actif dans le terrorisme international. Silvio Berlusconi s’était déjà comparé lui-même au Duce Benito Mussolini, à l’occasion d’une conférence de l’OCDE à Paris en mai dernier. Et le grand écrivain italien Umberto Eco, interrogé sur les similitudes entre Silvio Berlusconi et Hosni Moubarak, ajoutait le 26 février dernier dans le Telegraph :

Intellectuellement parlant, une comparaison pourrait être faite avec Hitler, qui est aussi arrivé au pouvoir par des élections libres.

Les deux leaders contestés ont par ailleurs pour point commun une certaine propension à minimiser leur pouvoir. D’abord Berlusconi, en mai dernier : “En tant que premier ministre, je n’ai jamais eu le sentiment d’être au pouvoir.”

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Et Kadhafi, aujourd’hui : “Ce régime, c’est celui de la souveraineté du peuple. (…) Je ne suis qu’un symbole.” Autre similitude troublante : alors que l’un, non content de posséder la majorité des médias de son pays, se permettait récemment d’appeler en direct un animateur pour le prendre à partie, l’autre monopolise sans vergogne l’antenne de sa télévision nationale, pour y tenir des discours de plus de trois heures.

Choix stratégique

La différence évidente entre Berlusconi et le Colonel sanguinaire, Umberto Eco n’omet tout de même pas de la relever : “Berlusconi n’est pas un dictateur comme Moubarak ou Kadhafi, car il a remporté les élections avec le support d’une large majorité d’Italiens”, ajoutant que “c’est triste, mais c’est ainsi”. Dès lors, au lieu de s’enfoncer dans un impossible soutien à son ancien “ami”, Silvio Berlusconi a-t-il choisi d’alerter l’Union Européenne sur les enjeux humains de la crise libyenne. Son meilleur coup? Avoir été le premier, le 1er mars, à décider d’envoyer une mission humanitaire en Tunisie, pour aider les milliers de réfugiés venus de Libye.

Entre le dictateur “ami” et son peuple, le Président du Conseil a sans doute fait un choix plus stratégique que purement philanthrope. Lui-même risquant aujourd’hui quinze ans de prison, et ayant dû faire face à la colère de centaines de milliers d’Italiennes indignées par ses frasques sexuelles, il fait désormais savoir qu’il entend “aller en Afrique construire des hôpitaux” dès la fin de son mandat… Voici donc un “Divorce à l’italienne” beaucoup moins réjouissant que le film du même nom réalisé en 1961 par Pietro Germi, avec Marcello Mastroianni.

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Crédits photo: Flickr CC aenastudios, europeanspeopleparty

Retrouvez notre dossier ainsi que l’ensemble de nos articles sur la Libye.

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Le Popolo Viola défie Berlusconi http://owni.fr/2010/10/28/le-popolo-viola-defie-berlusconi/ http://owni.fr/2010/10/28/le-popolo-viola-defie-berlusconi/#comments Thu, 28 Oct 2010 17:31:07 +0000 Anne Daubrée http://owni.fr/?p=33908 La Piazza della Repubblica est violette de monde. Ce 2 octobre, en France, les syndicats invitent à manifester contre la réforme de retraite. En Italie, à Rome, c’est le « popolo viola » qui déferle, sur fond de crise politique aiguë. Mot d’ordre : « Licenziamolo » (licencions-le). Le message vise Silvio Berlusconi, président du Conseil, et se décline sur tous les tons, jusqu’aux plus carnavalesques. En attendant que le cortège démarre, un homme parade près de la fontaine, portant le « lit doré offert par Poutine » à Berlusconi, (rendu célèbre par les récits d’une prostituée fréquentée par le chef de l’état). À quelques pas de là, une famille toute de violet vêtue, enfants compris, s’adonne à une séance photo. Sous les arbres, un autre manifestant, très applaudi, scande les noms d’hommes politiques, Berlusconi en tête, dont les portraits sont reproduits sur un panneau « stop mafia ».

Un langage commun

Seul point commun entre tous ces manifestants : des banderoles, tee-shirt et écharpes de cette même couleur violette. « Ils se sont autoconvoqués, ils ont découvert un langage commun », commente Domenico Gallo, un magistrat romain croisé lors de la manifestation (en fait, je ne l’ai pas croisé exactement dans le cortège, mais derrière la scène, dans l’espace VIP de la piazza san giovanni). Un peu partout en Italie, ils se sont mobilisés via Internet pour organiser ce « No B day 2 », version abrégée du « no Berlusconi day » deuxième édition.

C’est la deuxième fois que l’autoproclamé « Popolo viola », qui s’est reconnu et agrégé via internet dans son opposition au régime actuel, organise une manifestation de cette envergure. « Nous sommes contre Berlusconi, mais aussi contre le berlusconisme » tient à préciser un manifestant romain. Entendre : contre la corruption, le conflit d’intérêt, les politiques qui mènent à la précarité, pour la liberté de l’information et le respect de la constitution.

Difficile cohabitation des drapeaux

Vers 14h30, le cortège s’ébranle dans une atmosphère plutôt joyeuse. « Berlusconi, espèce de salaud » ou « La Mafia, hors de l’Etat », scande une foule où se mélangent les âges, à travers les rues de la capitale. Aux banderoles violettes venues de toute la péninsule, – via 300 bus, d’après les organisateurs – se joignent celles de plusieurs partis. « On les voit trop », soupire une Turinoise, vêtue de violet.

Particulièrement présents, le bleu et le blanc de l’Italia dei valori (IDV parti fondé par un ex magistrat, Antonio di Pietro, en pointe dans le combat contre la corruption du monde politique) colorent la foule en marge de la majorité violette. Quelques hommes politiques tel que Nichi Vendola, président de la région des Pouilles, et figure montante de l’opposition, plutôt bien acueillis par les manifestants.

Fatiguée d’être en colère

En fin du parcours, les manifestants remplissent l’imposante Piazza San Giovanni. Là, sur une scène, des personnalités engagées issues de la société civile défilent pour parler de justice, des dangers qu’encourt la Constitution, de la crise de l’éducation, ou encore de la liberté de la presse. Pas d’hommes politiques au programme. Militants de la lutte anti mafia, précaires, journalistes engagés se succèdent sur les planches, égrènent les scandales occultés par la majorité des médias. « Je suis fatiguée d’être en colère (…), c’est à votre génération de faire changer les choses », tonne Concita De Gregorio, directrice du journal l’Unità, qui donne un large retentissement aux luttes sociales. Lorsque le frère de Paolo Borsellino juge assassiné par la Mafia, prend la parole, c’est l’ovation.

À l’apparition du visage de Berlusconi en vidéo sur l’écran géant, les lazzis se déchainent, comme une poussée de fièvre. Les derniers manifestants resteront tard pour écouter de jeunes artistes, malgré la fraicheur de la nuit, pendant que les médias se chamaillent déjà autour des chiffres officiels versus ceux des manifestants : 10 000 pour les uns, 50 000, voire plus pour les autres.

Amer apprentissage

C’est en tout cas beaucoup moins que le 5 décembre dernier. Ce jour là, le No B day avait réuni environ 500 000 personnes. Ce 2 octobre laisse un goût de « pas comme la dernière fois » dans la bouche des manifestants, partagés entre la déception et la joie de descendre dans la rue. Entre ces deux dates, les membres du « popolo viola » ont fait l’apprentissage de la politique, pour ceux qui n’avaient pas encore milité, et de l’invention de formes démocratiques en ligne, pour tous. Non sans mal.

Des groupes locaux se sont divisés, notamment sur la question de la collaboration – ou pas – avec les partis politiques. Et les modalités des processus de décision en ligne restent à inventer. « Nous devons apprendre à dialoguer en ligne, à nous modérer », soupire GianFranco Mascia, l’un des organisateurs, qui rêve à la constitution d’un Move on à l’italienne, qui permettrait aux individus de se coaguler en ligne pour intervenir dans le débat politique, sans mettre sur pied une organisation structurée.

Recherche mégaphone

Ces militants d’un nouveau genre sont plutôt étonnés de voir débarquer plusieurs médias français, – France 3, Canal plus – et de s’entendre considérés comme des pionniers de la politique 2.0. « En France, vous savez bloquer un pays », me dit-on plusieurs fois, d’un ton admiratif. Eux désespèrent de se faire entendre dans un espace médiatique cadenassé. Les télévisions, tout particulièrement, sont pratiquement absentes de la manifestation.

La revue de presse du lendemain est éloquente. Les quotidiens d’opposition, dont La Repubblica et Il Fatto quotidiano font écho à la manifestation. Mais Libero, un quotidien qui soutient avec acharnement la politique berlusconienne, titre « haine sur la Place ». Un récit qui colle mal avec l’image de ces manifestants, l’air décidé, qui ont marché dans Rome avec la Constitution italienne pour seule arme de poing.

Illustration de Une au second degré par Loguy, à télécharger par ici

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Les cyberactivistes italiens : précurseurs des nouvelles contestations numériques http://owni.fr/2010/10/28/les-cyberactivistes-italiens-precurseurs-des-nouvelles-contestations-numeriques/ http://owni.fr/2010/10/28/les-cyberactivistes-italiens-precurseurs-des-nouvelles-contestations-numeriques/#comments Thu, 28 Oct 2010 15:18:22 +0000 Anne Daubrée http://owni.fr/?p=33895 Octobre 2009, la toile italienne est en ébullition : la Cour Constitutionnelle vient de déclarer inconstitutionnel un projet de loi mettant Silvio Berlusconi, le président du Conseil, à l’abri de ses multiples procès. Sur Facebook un mystérieux « Saint précaire » lance un appel : tous dans la rue, pour exiger les démissions de Berlusconi. Le 5 décembre, à Rome, quelques 500 000 manifestants se retrouvent dans le cortège. Le fruit de deux mois de travail acharné de volontaires disséminés du Nord au Sud de la péninsule, qui ont ouvert des pages Facebook locales, imprimé et distribué des tracts téléchargés sur Internet, organisés des manifs éclairs (flash mob)…

Opposants de toujours à Berlusconi, précaires en lutte, militants de la lutte anti-mafia, jeunes sans expérience politique, se sont agrégés sur la toile à cette occasion, sous le nom de « Popolo Viola », une couleur choisie pour sa neutralité politique. Au-delà de la manifestation qui a pris d’assaut les rues de la capitale, « une série de réseaux biodégradables se sont développés qui se créent et se dénouent en fonction des situations », observe Emanuele Toscano, sociologue, qui compte parmi les initiateurs du No B Day. Un exemple parmi d’autres du nouvel élan qu’ont trouvé sur la toile des mouvements de contestation étouffés par la “ berlusconisation” de l’espace public.

La télé verrouillée

Internet a ouvert une brèche nouvelle, dans un paysage médiatique jusqu’alors cadenassé par Silvio Berlusconi. Le président du conseil détient un vaste empire audiovisuel privé (Canale 5, Italia 1…) et enfreint la loi pour bloquer les nouveaux entrants. Dans les kiosques aussi, il peut compter sur de nombreux soutiens, dont le quotidien Il Giornale, détenu par son propre frère, où Internet est régulièrement accusé de tous les maux.

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Les chaînes publiques n’ont guère plus de liberté de ton depuis qu’en 2004, Il Cavaliere a fait virer une poignée de journalistes trop critiques à son goût. L’un d’eux, Michele Santoro, animateur de l’émission politique corrosive Anno Zero n’a retrouvé sa place que sur une décision de justice. Le 25 mars dernier, censuré, il a transféré son émission… sur Internet. Pas de vagues sur le service publique. Et, si l’eau s’avise de frémir, le président du Conseil n’hésite pas à décrocher son téléphone pour intervenir en direct, pendant Balloro, une émission politique pourtant bien moins critique que Anno Zero.

Vacance de contre-pouvoirs

Au chapitre des contre-pouvoirs insuffisants figure aussi, en bonne place, l’opposition politique. Les activistes qui se mobilisent contre le berlusconisme via les réseaux « ne sont pas satisfaits de la manière dont l’opposition joue son rôle et préfèrent s’auto-organiser », analyse Federico Mello, journaliste pour Il Fatto Quotidiano. Ils considèrent le leader de l’opposition, le Partido Democratico (PD, Parti démocratique), comme un poids mort de la contestation. De fait, jusqu’à la dernière minute, son secrétaire général, Pier Luigi Bersani, a renaclé à soutenir la manifestation qui a mis 500 000 personnes dans les rues contre son principal adversaire! Le tout, au grand désespoir des jeunes cadres de sa formation.

Un pays fait pour les vieux

Au delà du politique, « l’Italie n’est pas un pays pour les jeunes » titrait Il Corriere della Sera, un quotidien difficile à accuser de gauchisme. Écoles et universités sont en crise, notamment victimes de coupes budgétaires. Les jeunes, y compris les plus diplômés, sont condamnés à des petits boulots précaires. Au second trimestre 2010, le taux de chômage des 15-24 ans est monté à 27,9%, d’après l’Istat (l’institut national de la statistique italienne). Une situation d’autant plus insupportable quand elle est comparée aux pratiques d’un État où des starlettes sont nommées ministres, où les scandales de corruption s’accumulent et où le président du Conseil, trainant d’innombrables casseroles judiciaires, s’illustre par le faste de ses fêtes, ses frasques avec des prostituées et ses tentatives de tordre la Constitution pour éviter les procès.

Privés des canaux traditionnels, l’info et les mouvements contestataires passent par le web. Avec des succès parfois étonnants : dans deux conseils régionaux siègent les élus du « Movimento 5 stelle », mouvement politique né et organisé sur le web, sous l’impulsion du tonitruant Beppe Grillo, mélange de Coluche et Michael Moore. Ce comique très populaire, bouté hors du petit écran pour son irrévérence politique dans les années 80, a trouvé refuge sur la toile depuis 2005 et a su en utiliser toutes les ressources.

Le lance-pierre de l’info

D’après Wikio, le blog de Beppe Grillo est le blog politique le plus lu en Italie. Auquel s’ajoutent d’autres sources d’information libres en ligne. Sur le site de Il Fatto Quotidiano,  jeune journal qui critique aussi bien les dysfonctionnements de l’Etat que l’impuissance de l’opposition, les articles sont partagés jusqu’à 15 000 fois sur les réseaux sociaux ou par mail, d’après Federico Mello, un des journalistes. Pour lui, « les citoyens italiens ne cherchent pas seulement à s’informer, ils veulent aussi diffuser l’information sur le réseau ».

Plus que des relais, les internautes deviennent producteurs d’information : Spinoza, blog d’actualité satirique, reçoit les billets de 7000 personnes. « Le blog a explosé après la victoire électorale de Berlusconi, en 2008. Les lecteurs ont commencé à poster leurs saillies » témoigne Alessandro Bonino, l’un des fondateurs du blog. Articolo 21, du nom de l’article de la Constitution qui sacre la liberté de la presse, a lui aussi choisi de s’appuyer sur les textes envoyés par ses lecteurs. Première mission que se fixent ces sites d’info : démonter la propagande véhiculée par la télévision. Valigia Blu a ainsi organisé devant le siège de la Rai une chorale parodiant les titres les plus ridicules des JT de la chaîne publique :

Un chaton nait, un dauphin rote, ce n’est pas le zoo, mais le sommaire du journal de Rai 1….

Cliquer ici pour voir la vidéo.

Objectif : réclamer les démissions du directeur de l’information.

Frein légal et frein technique

Ces mouvements numériques sont ils assez forts pour parvenir à transformer la politique et la société ? Les freins sont puissants : malgré les 300000 signatures recueillies grâce à une initiative Internet menée par Beppe Grillo, la loi d’initiative populaire qui visait à réformer la vie politique dort au fond d’un tiroir, au Sénat. Pendant ce temps, le gouvernement tente d’en promouvoir d’autres lois, destinées à limiter la liberté d’expression jusqu’à s’attirer les foudres de l’OCDE, qui en juillet dernier, lui a demandé de retirer sa loi dite « bâillon », laquelle visait à limiter la publication du contenu des écoutes téléphoniques par la presse. Un texte qui, au passage, a bien failli clouer définitivement le bec des bloggeurs impertinents. Il leur imposait les mêmes devoirs qu’à la presse, notamment le droit de réponse en 48 heures, sous peine de 12 5000 euros d’amendes.

L’accès à Internet demeure, par ailleurs, pour l’instant très limité : moins d’un ménage sur deux dispose d’une connexion, d’après l’Istat. Et la qualité du réseau est déplorable, l’État n’investissant pratiquement pas, pour améliorer les infrastructures. A contrario, la quasi totalité des Italiens regardent la télévision.

« C’est difficile de parler au reste du pays, on reste entre nous », se désolait une manifestante anti-Berlusconi, le 4 octobre dernier, à Rome. Un isolement qui s’ajoute au caractère composite des mouvements qui se déploient sur Internet jusqu’à les faire parfois basculer dans une véritable cacophonie. Depuis son blog, Beppe Grillo ne soutient pas les initiatives du « Popolo viola ». Entre deux No B day, (le deuxième s’est déroulé le 4 octobre dernier), les groupes qui composent le Popolo Viola se sont divisés sur de multiples questions, dont celles de la collaboration avec les partis politiques. Et l’élaboration des modalités de prises de décision en ligne ne se fait pas sans heurts.

La télévision du président est nue

Néanmoins, le monde politique commence à s’ouvrir. L’IDV, l’Italia dei valori, un parti d’opposition, a soutenu les manifestations du « Popolo Viola ». Dans le PD, des élus et des cadres poussent à l’ouverture du parti. Et une figure montante de la gauche, Nichi Vendola, actuellement gouverneur de la région des Pouilles, se montre parfaitement en phase avec les mouvements qui se développent sur le réseau.

Bien que le gouvernement continue de trainer des pieds pour freiner Internet, la bataille est loin d’être gagnée avec les plus jeunes. Une partie de la nouvelle génération s’informe en ligne, agit et a abandonné cette « pensée paresseuse », décrite par Gian Franco Mascia. Laissant leurs aînés vaincus et sans espoir s’affaler devant la télévision du président du Conseil, les jeunes se tournent vers ce web qui crépite d’une idée qu’on croyait disparue en Italie. Celle d’un changement possible.

Photo FlickR CC JCP.im, Redbanshee, Gengiskunk, Bondine.it.

Cet article doit beaucoup aux ouvrages suivants

Federico Mello, Viola , Aliberti editore 2010

Gianfranco Mascia, Il Libbro viola, B.C.Dalai editore, 2010

Marco Travaglio, La scomparsa dei fatti, Il saggiatore 2007

Concetto Vecchio, giovani e belli, chiarelettere, 2009

Arturo di Corinto, Alessandro Gilioli, I Nemici della Rete, Rizzoli 2010

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Beppe Grillo: comment monter un mouvement politique sur Internet… et avoir des élus ! http://owni.fr/2010/10/28/italie-beppe-grillo-mouvement-politique-sur-internet-elus/ http://owni.fr/2010/10/28/italie-beppe-grillo-mouvement-politique-sur-internet-elus/#comments Thu, 28 Oct 2010 14:58:48 +0000 Anne Daubrée http://owni.fr/?p=33871 Retrouvez la traduction de cet article et l’ensemble de nos articles en anglais sur http://owni.eu !

En quoi consiste il Movimento 5 Stelle (Le mouvement des cinq étoiles) ?

Le Movimento 5 stelle est un mouvement né sur Internet, et uniquement sur Internet.
Tout est parti des posts que je publiais sur mon blog, à raison d’un part jour, sur toutes sortes de sujets, et que j’invitais les gens à commenter. Au bout d’un moment, j’ai lancé (nous avons lancé plutôt) une plate-forme en s’appuyant sur le service web américain Meet Up. Chacun pouvait s’inscrire s’il partageait notre manière de penser afin de se connecter aux autres, de se réunir dans les villes pour entretenir l’activisme politique sur le terrain, uniquement sur ces idées que nous partagions, pas sur des idéologies. Puis, de là sont nées les listes civiques, montées par des citoyens pour reprendre possession de la politique, de l’économie et des institutions italiennes. Maintenant, ses représentants entrent aux conseils municipaux, régionaux et, bientôt, au Parlement. Aujourd’hui, environ 400 groupes, dans 400 villes d’Italie et presque 100000 personnes adhérent à ce mouvement.

Les cinq étoiles, ce sont les cinq grandes idées : l’eau publique est la première étoile, la deuxième, le zéro déchets, c’est-à-dire le tri, la réutilisation et le recyclage. Ensuite, viennent les énergies renouvelables, la mobilité et, enfin, le Wifi libre et gratuit. Au delà de ces cinq idées, nous avons fait tout un programme : nous sommes le seul mouvement avec des idées et non des idéologies ! D’ailleurs, nous connaissons un grand succès et tout le monde est en train de nous copier.

En quoi consistaient les actions de terrains organisées grâce à Meet up ?

Il pouvait s’agir de manifestations : en vélo, du type Critical Mass, pour exiger des pistes cyclables ou pour faire signer des pétitions pour que le service d’eau devienne public, pour un système de tri avec collecte des ordures porte à porte, contre les incinérateurs, contre le nucléaire… Par ailleurs, ils menaient des campagnes d’information en allant à la rencontre des gens : ils imprimaient le journal téléchargeable qui est disponible sur mon blog, pour le diffuser.

Pourquoi le mouvement est il né sur Internet ?

Parce que chez nous les médias sont dans les mains des groupes industriels, des groupes bancaires ou des partis, qui ont tout intérêt à ne pas changer les choses et à se partager le milliard d’euros de remboursement électoral, pour survivre en parlant de tout autre chose. Nous, nous ne touchons pas d’argent public. Le movimento 5 Stelle est auto subventionné. Nous avons obtenu 500 000 signatures sans demander d’argent. Mieux : les 1,7 millions d’euros que nous devions recevoir, nous les avons refusés. Nous, nous parlons de politique : on nous a accusé d’être l’anti-politique mais en fait ce sont eux qui incarnent la vraie anti-politique.

De quoi parlez-vous sur Internet que vous ne pourriez pas aborder dans les médias ?

Nous parlons de comment mon fils se déplacera dans 20 ans. Nous voulons une société qui passe de 6 Kwat à 2 kwat, de 40 à 20 tonnes de marchandises par personne, de la semaine de 40 heures  de travail  qui passe à celle de 20… Nous avons des projets. Sur ce blog, aujourd’hui, écrivent 3 prix Nobel :  Muhammad Yunus, économiste prix Nobel pour la paix, Joseph Stiglitz et Dario Fo.

Pourquoi les médias, selon vous, ne parlent pas de vous ?

Ils n’en parlent pas, parce qu’ils ont foutrement peur ! Nous volons sous leurs radars, nous les contournons, ils ne nous perçoivent pas ! Ici, Internet est bloqué (voir notre article de cadrage, NdR) par ces groupes qui refusent de le faire fonctionner car les réseaux sont entrain de changer la société : les intermédiaires entre les citoyens et l’économie ou la politique comme les politiciens, les journalistes, les boutiquiers vont être éliminés ! Par ailleurs, c’est aussi une question d’âge : les gens de ces groupes ont 70 ans, en moyenne. Sur Internet, ils en ont 25 ou 30.

Et vous, quel âge avez-vous ?

Moi j’ai 62 ans.  Voilà pourquoi je ne me considère pas un internaute : je fais le comique et je me suis donné comme but de faciliter le dialogue entre les personnes. Je mets à disposition des instruments, comme la plate-forme du mouvement, le blog, les Meet up, comme les listes civiques, pour que les personnes, les idées, les comportements s’agrègent. Pour faire la plus grande révolution qu’il y ait dans ce pays. Je pense même qu’il n’existe rien de tel en Europe. Mais ce n’est pas moi qui l’ai faite : j’ai seulement utilisé Internet, qui transforme les usages, l’info, etc. Je fais un spectacle où je montre comment on matérialise les objets depuis le réseau, avec une imprimante 3D, comment on fabrique des objets importés d’Internet chez soi…

Comment fonctionne la plate forme en ligne ?

L’inscription se fait en ligne, gratuitement, en donnant son nom et prénom. Si un citoyen décide de s’occuper de politique, de sa ville, de sa région… Il peut le faire via le portail en lançant une liste civique en six jours. Les modalités sont publiques : nous vérifions qu’il n’a pas de casier judiciaire, qu’il n’a sa carte dans aucun parti et qu’il réside bien dans la ville, dans l’administration de laquelle il souhaite s’impliquer. S’il répond positivement à ces trois prérequis, il obtient un “label” de qualité « inscrit au mouvement cinque stelle, beppegrillo.it”. Une fois le label attribué, ils s’autogèrent, font des primaires, déposent leurs listes… Je vais donner un coup de main physiquement pour organiser des réunions publiques, dans la rue, sur des places…

Nous avons aujourd’hui 42 élus dans des villes importantes comme Bologne, Modène, Reggio Emilia, Venise, Trévise, Brindisi, deux conseillers régionaux en Emilie Romagne et deux dans le Piémont. Et tout ça, sans l’aide des journaux. Au contraire : tout le monde était contre nous !
Quant au programme, il est en wiki : chacun peut l’améliorer, il n’y a rien de figé. Des architectes débattent sur la construction de maisons passives, d’autres parlent transports, énergie, eau…
Bientôt, nous intégrerons un réseau social, une sorte de Facebook, toujours dans l’idée de créer des système simples pour que les gens se rencontrent et échangent des infos. C’est une révolution politique en soi : nous éliminons les partis, nous sommes au dessus d’eux ! Ce sont les citoyens qui se rapproprient la politique.

Au départ, les Meet up organisaient des actions contestataires. Aujourd’hui, le Movimento 5 Stelle, présente des candidats aux élections. Pourquoi être passé de la critique des institutions à leur intégration ?

Avant tout, le mouvement a explosé avec la rage de dire « dehors les parlementaires corrompus ». Notre protestation était constructive, parce que elle n’était pas fin en soi. Maintenant, avec le mouvement 5 Stelle, nous avons évolué : nous voulons proposer des choses. Un simple exemple : à Trévise,  une ville importante, un conseiller a proposé et fait adopter des lois pour  le tri sélectif de 90 écoles à coût zéro pour la commune, et avec un recyclage à 98% des déchet.

Internet était-il le seul moyen d’arriver à un tel résultat ?

Absolument. Internet est sous pression, des lois essaient de le bloquer, de le priver de financement… Ils essaient de le neutraliser par tous les moyens mais il ne s’arrêtera pas. C’est ça la force d’Internet : c’est un virus !

Photo credits: Flickr CC Gengiskunk, cinemich, nulla

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