OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 La dictature du smiley, lol http://owni.fr/2011/01/30/la-dictature-du-smiley-lol/ http://owni.fr/2011/01/30/la-dictature-du-smiley-lol/#comments Sun, 30 Jan 2011 09:00:28 +0000 VinZ http://owni.fr/?p=44332 Avez-vous remarqué que la plupart de nos correspondances électroniques sont accompagnées d’un ;) :) ou encore d’un bon lol bien gras quand les grands défenseurs de Molière usent du MDR ? Entendons-nous bien que j’aborde ici les conversations personnelles. Car dans un cadre professionnel, si vous avez réussi à vous faire embaucher avec un :) dans votre CV, vous êtes soit clown de profession soit menteur.
Le smiley est devenu tellement courant que ça en devient naturel. Impossible d’envisager une blague au second degré sur les réseaux sociaux sans ajouter le ;) qui aura pour lourde tâche de faire comprendre qu’on déconne, le :) qu’on éprouve de la sympathie pour une personne et le :D qu’on est ptdr. Je passerai sur le #fail, puisque de nos jours, si tu ne tagues pas ta vie, tu es à la ramasse.
Et le lol, n’en parlons même pas. On le tape en fin de phrase sans y réfléchir davantage. Pour autant, on ne sourit pas nous-même lors de son écriture. Vous me direz, on aurait l’air con, à la limite du dangereux psychopathe (il ne doit y avoir que le joker de Batman qui sourit quand il tape “lol”).
On lol pour désamorcer une discussion, on lol pour un kitten, on lol pour un #fail, on lol tout court. et Bernard Pivot aime des airs. (Tu lol ?)

Mais comment faisait-on auparavant ? Je veux dire, avant les sms ? Alors certes, on s’envoyait beaucoup moins de correspondances écrites, mais prenons l’exemple de la carte postale. Ceux de mon âge et au-delà (des années 80, on se comprend), on a tous envoyé des dizaines de cartes postales étant jeunes. Je n’ai pas souvenir d’avoir mis du :) en signature pour démontrer que le soleil était bien au rendez-vous ! Probablement qu’étant donné que la correspondance était destinée à une personne connue, on était davantage en confiance et on risquait moins la mauvaise interprétation. Aujourd’hui, à l’heure du réseau one-to-million, un message humoristique mais sans lol peut faire basculer le monde entier, provoquer des faillites en bourse et que sais-je encore !
Imaginez le mémo de Steve Jobs : “je pars en congés maladie… lol” et le mémo “je pars en congés maladie…”. Si on écarte d’emblée le fait que Steve Jobs ne soit pas le genre de type à faire des blagues ailleurs que durant une Keynote un iPhone à la main en se foutant de la gueule de Nokia, on reconnaîtra l’importance du lol dans la compréhension du message. Peut-être que les “…” peuvent encourager une interprétation divergente mais ça laisserait la porte ouverte à tous les délires.

Ceux qui n’ont plus l’âge pour faire partie de la “lol generation” n’usent guère de ces excès de clavier, et pourtant ils sont quasiment tout autant connectés que nous, génération lol, Y ou Millennials (c’est selon la mode). Étaient-ils plus stricts à l’école au point qu’un traumatisme leur a interdit de dessiner des figures joyeuses sur leurs brouillons ? Ou sont-ils simplement mauvais en dessin ?

Attention, ce constat de la génération sérieuse n’est pas une généralité, je connais des personnes qui lolent et smilent chaque jour, et j’exclus la marionnette de Nikos aux Guignols. On le voit simplement en passant en revue certains comptes Twitter. Par exemple, à l’heure où j’écris ces mots (en esquivant tant bien que mal le ;) ), vous avez @ Vinvin qui :-) au 3ème tweet, @ pjournel au 8ème et @ guybirenbaum qui nous fait un ;-) au 7ème.
À l’inverse, j’ai l’impression que @ MRYemery tire la gueule, pas un smile ces vingt-quatre dernières heures et il n’y a rien de surprenant à ça, depuis le temps que je le lis, je sais que ce n’est pas dans ses habitudes. Mais du coup, sa timeline me paraît… comment dire… plus austère ? Moins joyeuse ?? Sourit-il vraiment dans la vie ?!? Bien sûr, ceux qui connaissent son écriture savent comment déceler l’ironie de ses paroles mais quand même, j’ai le sentiment que rien n’est plus significatif encore aujourd’hui dans un message qu’un :) franc et sympathique.
Tiens, d’ailleurs, je remarque que ces personnes citées faisant usage du : ) ne font pas l’économie du nez, je veux dire le “-” entre le “:” et le “)”. Faut-il en tirer une conclusion (bien hâtive) que les jeunes préfèrent aller encore plus directement au fait ? Je : ), pas besoin que je : – ), tu piges ! Sans évoquer le caractère supplémentaire pour un tweet (ou à l’époque du sms limité), il y a aujourd’hui de quoi se fatiguer le clavier.

De ces constats, il n’y a pas de conclusion à imposer. Je n’en ai pas la prétention. Héritage du sms, héritage du lolcat, héritage d’une culture et d’un champ lexical en berne (une excuse à la Finkelkraut), que sais-je encore ! Je préfère laisser les conclusions aux pros.

Mais pour loler, je me lance dès maintenant dans une petite expérience : faire disparaître de toutes mes conversations écrites les smileys, les lol et autres variantes du rofl. Je crains de me faire avoir tellement la pratique est devenue naturelle. Je peux également craindre que les gens pensent que je leur fasse la gueule, et je vais aussi probablement éviter certaines blagues ou des nuances casse-gueule. J’ai annoncé sur Twitter une semaine de lolfree. J’essaierai d’aller plus loin afin de tester l’étendue d’un monde sans cyber-sourire. Enfin, du moins jusqu’au prochain #fail !

Billet initialement publié sur Vinzblog

Image CC Flickr Visions photographiques et Rob Boudon

]]>
http://owni.fr/2011/01/30/la-dictature-du-smiley-lol/feed/ 34
(R)évolution de la langue grâce au clavier:l’hybridation des codes http://owni.fr/2010/05/01/revolution-de-la-langue-grace-au-clavier-lhybridation-des-codes/ http://owni.fr/2010/05/01/revolution-de-la-langue-grace-au-clavier-lhybridation-des-codes/#comments Sat, 01 May 2010 09:16:18 +0000 [Enikao] http://owni.fr/?p=13647 Un jour on reçoit un courrier électronique, que l’on appelle courriel, e-mail voire mail par paresse. Il semble rédigé dans une novlangue étrange. Et plutôt que de sauter au plafond d’étonnement, d’appeler l’Académie Française pour outrage ou encore de filer vers la Bibliothèque Nationale pour compulser dictionnaires et ouvrages de sémiologie, ma réaction fut différente et enthousiaste.

Il est effectivement temps de faire un petit point sur les nouvelles formes créatives et culturellement hybrides d’écriture et d’expression.

Voici le contenu :

De : Nicolas Voisin

A : [Enikao] & Alphoenix

Copie : Media Hacker

L’un de vous deux+trois ou les deux-1 *et j’y suis pour rien* {vous/tu/ne rédigerai/riez} pas 1 (billet /-) _précis de typographie signifiante_ à destination de kevin -> parce qu’un jour lui aussi <- issu de la LOLculture et autres /b/ et #tuvoiscequejeveuxg33k [hein] ?

</plus j’y pense plus je me dis>

une bit.ly sur la bouche

(test Monoyer adapté : parlez-vous le geek ?)

Etonnante missive numérique de prime abord pour qui serait étranger aux codes d’Internet… mais qui m’a réjouit.

#Quandjaicompris le contenu de ce message

#Quandjaicompris le contenu de ce message qui mêle divers codes au sens propre comme figuré : langage HTML, smileys et symboles issues des messageries instantanées comme MSN et autres chats, #hashtag de Twitter, langage issu des forums et de 4chan… Il contient de nombreuses typographies du clavier, de celles que la génération des doigts (manettes de jeu vidéo, digicodes, claviers d’ordinateurs, concours de SMS et autres interfaces tactiles) aime à glisser dans ses textes tapés et qui ressemblent à du chinois pour le néophyte. Dans sa structure aussi, il diffère du français académique car ce message est dans une écriture non linéaire : en lisant de gauche à droite et de bas en haut on obtient des éléments contextuels dans un ordre inhabituel. Et effectivement, le langage de la génération LOL peut paraître déroutant au néophyte.

 (fossé générationnel de la contestation, allégorie de Michaelski)

Traduction dudit message dans la langue de Jean Ferrat :

Camarades, l’un de vous deux+trois ou les deux-1

Une idée me travaille depuis un moment </plus j’y pense plus je me dis> (fermeture d’une division en code HTML : vous voyez bien que ce morceau de texte à la fin doit être remis au début)

et de manière insistante *et j’y suis pour rien*

J’ai besoin de votre collaboration pour un exercice d’écriture éventuellement collective, selon les modalités de collaboration qui vous conviendront le mieux : seul, à deux ou trois mains. l’un de vous deux+trois ou les deux-1 {vous/tu/ ne rédigerai/riez} pas

Il s’agit d’un billet pour owni. un (billet /-)

Sous couvert de parler à la jeune génération dite « kikoolol », il s’agit d’analyser et de décoder les nouveaux usages linguistiques à destination de ceux qui les caricaturent. _précis de typographie signifiante_ à destination de kevin

Il faudra donc recontextualiser -> parce qu’un jour lui aussi <-

et rappeler que les références culturelles, notamment numériques, humoristiques, parodiques voire fantasmatiques divergent. issu de la LOLculture et autres /b/

Nous glisserons tout ceci dans la rubrique « vague but exciting », n’est-ce pas ? #tuvoiscequejeveuxg33k [hein] ?

Je vous salue affectueusement, vous que je lis et que je lie. une bit.ly sur la bouche

C’était pourtant limpide, non ?

#Quandjaicompris l’enjeu de ce qui se déroule

#Quandjaicompris l’enjeu de ce qui se déroule et l’ampleur du mouvement de pénétration d’autres cultures textuelles dans nos pratiques écrites des claviers. Petit panorama de ces nouveaux codes de langage, sans ordre particulier.

Le jargon de la grande volière volage Twitter entre dans des pratiques écrites voire orales : tweet-clash pour se brouiller avec quelqu’un, twitpiquer signifie prendre une photo avec son smartphone (et pas forcément l’envoyer sur Twitter, d’ailleurs), RT ou retwitter indique que l’on va répéter, faire suivre aux amis, fake pour indiquer une contrefaçon ou une fausse qualité. Par exemple un SMS contenant le message brunch l8 demain ? check 4², amis welcome, plz RT signifie Je pensais organiser un brunch demain matin tard, qu’en pensez-vous ? Pour le lieu consulter mon profil Foursquare. Tu peux venir accompagné et rameuter des copains, fais passer le message à qui de droit.

Ca peut sembler être une lubie de technophile hyperconnecté, geek et autre nerd, mais introduire des #hashtags, ces marqueurs contextuels de Twitter, dans un courrier électronique pour donner une information supplémentaire n’est pas si étrange. C’est aussi un moyen d’attirer l’attention sur une notion en particulier, ou de dire dans quel(s) cadre(s) on doit comprendre la phrase en question. Le fameux #fail indiquant un échec manifeste est devenu un classique du genre. Oups, on n’avait pas rendez-vous il y a une heure ? #fail indique que l’on est conscient de sa boulette, c’est même un mea culpa en règle.

Dans la vie courante, nous commençons à voir des acronymes venir coloniser d’autres univers écrits et même oraux. En particulier, les acronymes des forums et chats : le très répandu LOL (laugh out loud) et son pendant français MDR, mais aussi le bien franchouillot OSEF (on s’en fout), VDM (vie de merde) et son homologue anglophone LABATYD (life’s a bitch and then you die), les bien connus ASAP (as soon as possible) et BTW (by the way) que l’on croise souvent dans le monde professionnel, NSFW (not safe for work, sous-entendu : contenu à caractère pornographique), OMG/OMFG (oh my god/oh my f*cking god), AMHA/IMHO (à mon humble avis/in my humble opinion), WTF (what the f*ck), STFU (shut the f*ck up), RTFM (read the f*cking manual), AKA (also known as). Certains ont un peu disparu : ASV (Age/Sexe/Ville) et ASVP (avec une photo) n’ont plus de sens à l’heure où les réseaux sociaux affichent des profils complets et pas seulement un simple pseudonyme, ROFL (rolling on the floor laughing) n’a pas vraiment perduré mais son équivalent français PTDR (pété de rire) se trouve encore, BKAC (between keyboard and chair, sous-entendu : le problème n’est pas technique mais humain, sous-entendu : tu es une tanche) se fait plus rare, AFK/AFKbio (away from keyboard : je m’absente du clavier mais reste connecté, la précision “bio” indique que l’on satisfait un besoin biologique) également, TGIF (thank god it’s friday) n’a pas eu de succès dans l’Hexagone. Et bien sûr, ces exemples ne sont pas exhaustifs.

(RTFM : read the f*cking manual)

Le jargon des joueurs de jeux vidéo est aussi présent, sous forme d’onomatopées ou d’expressions dérivées insérées à l’intérieur de phrases : GG pour good game (bien joué), n00b pour newbie (débutant), pwnd/powned/pwn3d (tu t’es fait avoir, je t’ai battu), TK ou team kill (dommage collatéral), skin (habillage d’un avatar, ou plus largement la personnalisation d’une interface), roxer (dérivé de l’anglais it rocks, l’expression roxer du poney est devenue un classique et proviendrait du jeu Dark Age of Camelot), OOM (out of mana, à court d’énergie magique, pour indiquer que l’on est sans argent ou trop fatigué), loot (trouver quelque chose), être stuffé (être paré, équipé), ou encore faire level up ou gagner des XP ou PEXer (gagner de l’expérience, progresser) pour ne prendre que les plus courants et faciles à placer.

Le leet speak ou 1337 5|°34|<, langage qui substitue un caractère par une graphie similaire ou détournée (le 3 est un E à l’envers, le 2 est un R sans la barre verticale, le k se décompose en |<), s’introduit en partie dans les mots, pour quelques lettres, sans forcément effectuer un remplacement complet. Par exemple les comptes Twitter d’Electron Libre (devenu 3l3ctr0nLibr3) ou Owni (devenu 0wn1). Ces interversions constituent un marqueur social qui indique quelque chose comme : je suis technophile et appartiens à la culture Internet. C’est aussi un moyen de parler un langage codé que ne comprennent que quelques initiés : pr0n est une façon de parler (presque) discrètement de pornographie, en travestissant porn.

Plutôt que de répondre à quelqu’un qui vous agace “va te faire voir chez les endettés”, j’ai entendu récemment un camarade lâcher très nettement un bon “/rude” (lire slash rude), en référence aux commandes de gestes dans les jeux en ligne dits MMORPG (les fameux… meuporg /-) qui font faire à votre personnage un geste disons… injurieux. Les autres commandes ont un succès proportionnel à leur expressivité et à leur simplicité de prononciation /bow pour je m’incline, /wave pour je vous salue à la cantonade, /quit pour je dois vous laisser

Les images, dessins et textes en ASCII (American Standard Code for Information Interchange) consistent à faire un assemblage de caractères du clavier utilisant ce standard afin d’obtenir un graphisme, un peu sur le même principe que le canevas. Fréquent il y a 15 ans à l’époque où les pages ne permettaient pas de grande liberté de mise en forme, où le haut débit n’existait presque pas et où les images étaient rares, cela a disparu progressivement sauf pour les nostalgiques acharnés des contre-cultures du web qui y voient là une forme d’impressionnisme numérique. Les smileys participent de cette même idée.

(page d'accueil du site de hackers Cult of the Dead Cow, fin des années 1998)

Les smileys (et leurs variantes japonaises verticales, les kao moji) se glissent un peu partout dans les courriers électroniques, dans les billets de blog, dans les commentaires, dans les SMS… et jouent un rôle de ponctuation ou de nuance. On a par exemple des :’-( ou :-( ou :-/ oue encore T_T pour ça m’attriste, :-P pour notifier une espièglerie ou un caractère coquin, :-) ou ^_^ ou ^^ pour la joie, :-D ou XD pour la satisfaction à pleines dents, :-0 ou o_O pour l’étonnement, \o/ pour la victoire, la liste serait longue. L’usage des émoticônes a connu une belle expansion grâce aux salons de chat pour rajouter de l’expression de sentiment dans du texte jugé trop froid, les outils de dialogue en ligne comme ICQ, puis les messageries instantanées plus élaborées comme MSN Messenger et Skype ont fortement popularisé les émoticônes, de même que les téléphones mobiles grâce aux SMS. Notons que le symbole cœur <3 est un grand classique que l’on retrouve également sur les blogs, profils MySpace voire dans les conversations : comment va ton plus petit que trois ? pour comment va ton chéri / ta chérie ?

Certains textes utilisent sciemment les caractères barrés, par exemple le point 6 du manifeste Internet de journalistes web et blogueurs allemands affirme : Internet change améliore le journalisme. Ce n’est pas un barrage d’erreur, mais bel et bien une façon d’indiquer l’opinion dominante ou le préjugé pour le dépasser. Ici, il faut comprendre : Internet fait plus que changer le journalisme, il l’améliore ! Il est parfois difficile de distinguer l’ironie de l’erreur dans les textes barrés, mais justement leur schizophrénie les rend délicieusement ambigus et ce doute fait partie intégrante du texte lui-même. Alors que barrer à la main n’est qu’une rature. On perd du sens et du sous-entendu.

On peut voir des morceaux de code HTML jusque… dans des manifestations contre la guerre en Irak ! Ici, la fin de la division <war>, sous-entendu Arrêtons la guerre.


Il peut paraître étonnant de trouver des morceaux de calcul mathématiques comme le célèbre +1 (qui n’a rien à voir avec le Plussain de Dofus) et sa déclinaison pour geek lettré, le verbe plussoyer. Signifiant je souscris pleinement à ton assertion, je te rejoins, il a le mérite d’être simple, court et efficace. Il permet aussi de compter le nombre de participants à un événement  _Je sors manger à la pizzeria du coin, qui vient ? _+1 ! Pour mettre de l’emphase on pourra également employer des +1000 et autres +∞ (symbole infini).

Les médias sociaux ont aussi leur part dans le changement de vocabulaire : il y a eu le fameux I’m blogging this il y a 5 ans qui n’a pas connu grand succès en zone francophone, mais en peu de temps avec le succès de Facebook et Twitter on a vu arriver dans les conversations et les échanges en ligne ça se twitte, ça se twitpique, j’aime/je like, on se poke on se rappelle, il m’énerve je l’ai désamifié.

#Quandjaicompris la spécificité structurelle des pianoteurs de clavier

La culture de l’écrit à la main laisse en apparence davantage de liberté, par le simple fait que les lignes, formes, traits n’ont de limite que l’imagination de celui qui tient l’instrument d’écriture. On peut songer aussi à des formes plus artistiques et originales, comme Apollinaire et ses calligrammes, ou les calligraphies arabes et japonaises qui sont des arts à part entière.

De son côté, l’écriture au clavier permet de développer des pratiques à plus grande échelle parce qu’il y a standardisation de l’écriture (une touche ou une combinaison de touches donne un caractère) autant qu’ouverture des possibles (chacun peut effectuer des compositions à partir d’un existant). L’écriture à la main ne procède pas de ce double mécanisme et ne facilite donc pas la réappropriation, la modification et la vie des codes d’écriture et de langage.

Il y a une dimension véritablement hiéroglyphique dans ces nouvelles formes d’écrits, par la simple utilisation de symboles qui apportent du sens par leur aspect graphique, et du contexte par les sous-entendus et présupposés culturels qu’ils impliquent.

#Quandjaicompris l’aspect mémétique de ces nouvelles pratiques

La théorie des mèmes de Richard Dawkins fait de nos esprits des supports de mémoire tout comme notre un corps est un support de patrimoine génétique, ainsi gènes comme mèmes font partie d’une famille plus grande baptisée “répliquants”. Mémétique et génétique partagent des processus similaires : reproduction, mutation, lutte pour la survie et parfois mort. Les mèmes sont des comportements sociaux qui tendent à se produire et à subir des modifications, ils participent à une culture commune et on compte parmi eux les mythes (et les religions pour les athées les plus militants), les proverbes, les comptines, la chanson Happy Birthday, l’humour de répétition, les images célèbres (Mona Lisa, les photos à la Warhol, l’iconographie des campagnes de propagande du début du XXème siècle), le symbole ♥ et tout un tas de pratiques et habitudes dont on ne se souvient jamais vraiment du moment où on les a adoptées. Le marketing viral s’appuie par exemple sur la puissance mémétique. Bien entendu, par le pouvoir de duplication rapide du copier/coller et les outils de retouche, et grâce aux médias sociaux permettant de propulser les contenus, Internet est devenu une formidable machine à mèmes humoristiques, des LOLcats à La Chute en passant par Captain Obvious et autres Chuck Norris Facts.

Les nouveaux codes de langage issus des univers numériques s’inscrivent directement dans cette perspective, à ceci près qu’ils ont aussi un rôle cathartique à jouer. Aussi, s’opposer de manière frontale à la réappropriation créative de la langue et critiquer l’intrusion de nouveaux codes au nom de la tradition (qui n’est parfois que le synonyme d’un conservatisme passéiste, irrationnel et figé) n’est sans doute pas le meilleur service à rendre à la langue de Bobby Lapointe. Bien sûr, on connaît des langues codifiées et figées, bien rigides, avec leurs gardiens du temple. Il s’agit d’ailleurs… de langues mortes.

Une langue vivante, au sens où on utilise cette expression dans l’enseignement, mute et évolue. Face à leurs voisins anglophones, nos amis de la Belle Province manient subtilement le travail normatif pour faire la chasse aux anglicismes inutiles et la traduction / adaptation : e-mail devient l’élégant courriel, chat devient le superbe clavardage. Quand la technique entre dans nos vies, il faut bien nous les approprier et donner un nom est un bon début pour cela : au début fut le verbe

Au-delà de la lutte contre une préservation cocardière de la langue de Serge Gainsbourg, qui participe d’un esprit de clocher bien gaulois de lutte contre l’envahisseur, il faut peut-être regarder l’aspect pratique. Car c’est bien l’usage qui fait l’innovation, pas l’invention. Une invention qui ne sert à rien devient rapidement un souvenir ou une pièce de musée, tandis qu’un usage qui se développe participe au changement. Le regretté Douglas Adams, auteur d’ouvrages de science-fiction burlesque proche des Monty Python et personnalité excentrique, avait entamé un travail avec le joueur de tennis John Loyd baptisé The meaning of Liff pour tenter de mettre des mot sur des expériences humaines bien connues mais qui ne portent pas encore de nom. Voilà qui est créatif, drôle (clunes : catégorie de gens qui ne partent jamais alors qu’on aimerait les voir partir, sconser : personne qui vous parle en regardant autour s’il n’y a pas quelqu’un de plus intéressant avec qui parler, thrup : faire vibrer une règle sur un coin de bureau en la rapprochant progressivement pour qu’elle fasse un bruit plus rapproché et sec), et surtout qui comble un potentiel manque. Ces mots sont créés pour indiquer une réalité jusqu’alors sans nom spécifique, et on se demande d’ailleurs bien pourquoi parce qu’elles correspondent à des réalités tangibles.

En un mot, on définit une idée parfois complexe, et c’est bien dans cet esprit hiérogplyphique ou idéogrammatique que se situent les codes venus du clavier. Ils rajoutent des couches d’information et disent beaucoup tout en étant économes en espace occupé. Du smiley au +1 en passant par les acronymes, on ajoute du sens aux signes en comprenant les codes venus de divers univers. C’est donc bien une langue, avec ses étymologies et ses usages grammaticaux. Et elle est vivante, elle évolue grâce à ses locuteurs.

Pour revenir à la missive d’origine, il devient évident qu’il ne s’agit pas de faire pour Owni un dictionnaire. Certains s’y attèlent déjà avec une certaine créativité et une justesse qui forcent le respect, comme le Dictionnaire du futur. Mais il n’en est pas question ici. Après ce que je viens d’écrire, figer les codes serait du plus beau ridicule. Aussi, en guise de conclusion, je vais simplement répondre au message d’origine. Comprenne qui pourra.

/lit/ > done {</body> & in the dark } \o/

Vraiment #OOM car *mine de rien* l00ter des pic et bit.ly ->pour faire de la pédagogie<- c’est nécessaire /-) mais |<20n0|°|-|463.

Kevin va pouvoir aider _sur des arguments solides AMHA_ la GenX à PEXer en #LOLculture. GG @Loguy 4 [JPEG]

</work> AFK.

8^)

]]>
http://owni.fr/2010/05/01/revolution-de-la-langue-grace-au-clavier-lhybridation-des-codes/feed/ 14
Style et smileys http://owni.fr/2010/04/21/style-et-smileys/ http://owni.fr/2010/04/21/style-et-smileys/#comments Wed, 21 Apr 2010 09:20:47 +0000 workingirl http://owni.fr/?p=12742

Image CC Flickr Leo Reynolds

D’où vient l’émoticône (en bon français dans le texte), l’utiliser, est-ce nécessairement un signe d’analphabétisme, comment en user avec bon goût ? Analyse par workingirl, nouvelle venue sur la soucoupe. \o/

On va commencer la semaine en beauté.

Commençons par une généralité. Internet produisant de nouveaux moyens de communication, il engendre également des formes langagières inédites. Au premier rang desquelles, une source de crispation, un sujet d’interminable polémique : les smileys. Impardonnable faute de goût pour certains, signe de cool attitude pour d’autres, leur usage divise désormais le pays en deux. Ceux qui les utilisent VS ceux qui ne les utilisent pas.

Et la question agite même les milieux universitaires : doit-on croire aux potentialités stylistiques des émoticônes ? De très sérieux universitaires s’y sont intéressés (la preuve en lien).

Un peu d’histoire

En des temps immémoriaux, ils se réduisaient à deux expressions assez simples.
Il y avait    :-) et   :-(
On est en 1982, précisément le 19 septembre à 11:44 am et Scott E. Fahlman, professeur à l’université, vient d’envoyer un message historique dans lequel il propose l’emploi de ces deux symboles pour simplifier les communications informatiques. Contrairement aux usages modernes, il ne s’agissait pas du tout d’une opposition entre content et pas content. A l’époque, le premier devait servir à préciser que le message était à prendre sur un ton humoristique alors que le second était sensé souligner le caractère sérieux du libellé — parce que quand on est sérieux, on fait la gueule. Distinction effectivement fort utile puisque la communication exclusivement écrite du web et son emploi d’expressions orales peut donner lieu à de nombreux malentendus.

Graphisme

Il existe deux grandes familles d’émoticônes : les japonais et les occidentaux. Les émoticônes japonais sont beaucoup plus expressifs que les occidentaux (voir le tableau sur la page wiki).  Autre infériorité des émoticônes occidentaux : il faut se tordre la tête pour qu’ils prennent sens.
Et si on prend l’exemple de la colère, entre  :-(    et    è_é    y a pas à tortiller. Ou l’étonnement    :-o et      O_o
Face aux binettes japonaises, j’ai juste envie de dire \o/ (pour les plus de 19 ans je précise qu’il s’agit bien sûr d’un bonhomme qui lève les bras d’enthousiasme).

Utilité

Le smiley a gardé cette utilité de préciser le ton sur lequel prendre le message. En linguistique, on dit que le smiley sert à compenser l’absence de para verbal, c’est-à-dire les intonations, postures, regards de notre interlocuteur. Cette compensation n’est pas négligeable, la communication inter individu s’appuyant autant, si ce n’est plus, sur ce qui est explicitement dit que sur la manière dont c’est dit.

Imaginons une situation de la vie de tous les jours. Un garçon écrit à une fille « va te faire foutre ». Comment doit-elle le prendre ?

va te faire foutre :-) => discret appel du pied dans une perspective copulatoire jouant sur la polysémie de la lexie  »foutre ». (Évidemment, s’il avait écrit ça 3====D c’était tout de suite beaucoup plus clair.)
va te faire foutre :-( => je t’emmerde connasse.
Mais bien sûr on va rétorquer que nos ancêtres s’écrivaient et que Mme de Sévigné n’a jamais eu besoin de smiley pour se faire comprendre de sa chère fille. De là, on passe rapidement à l’idée que l’émoticône marque une défaite du langage verbal, l’incapacité des mots à traduire nos inflexions. Avant les gens s’exprimaient intelligemment, maintenant ils sont tellement analphabètes qu’ils ont recours à de ridicules personnages pour mimer leurs intentions.
Sauf que la vitesse de transmission des messages s’est considérablement accélérée depuis les pigeons voyageurs ou même les pneumatiques. Et corrélativement, le nombre de messages. On peaufine moins ses mails qu’anciennement les lettres. C’est le règne de l’efficacité. Il faut aller au plus direct et là, l’émoticône a toute sa place. Il permet de lever en deux touches une possible ambiguïté verbale. Deuxième argument, le langage Internet, contrairement à l’épistolaire plus classique, marque une tendance à copier l’oralité, donc des expressions plus crues et directes qui, transposées à l’écrit, nécessitent une précision (comme dans l’exemple ci-dessus du « va te faire foutre », que Mme de Sévigné employait assez peu).
Évidemment, on ne peut pas nier que derrière les smileys, il y a un problème d’éducation et de niveau social. Leur emploi est perçu soit comme une invention saugrenue des jeunes, soit comme un signe d’analphabétisme — avec un recoupement assez facile entre les deux catégories ;-)  (pour la justification de ce clin d’œil, voir plus bas). Et en un sens c’est vrai. Les gens qui ne sont pas à l’aise avec l’écrit auront tendance à multiplier ces signes. Mais ils n’ont peut-être pas tort. Ils s’assurent ainsi une meilleure communication — le but de la communication restant avant tout de se faire comprendre.
Notons tout de même que nombre de journalistes ou chercheurs hautement qualifiés ponctuent leurs blogs de smileys (Narvic, Eolas, Olivier Ertzscheid) ce qui est sans doute pour eux un moyen plus ou moins conscient de marquer leur ancrage dans l’univers du Net, la communication sur Internet n’étant pas une simple transposition sur informatique de l’écrit papier mais bien une forme d’expression différente.

Emplois stylistiques

Il y a un code implicite du bon goût régissant les emplois stylistiques des émoticônes. Si pour les puristes l’apparition d’un :-) est ontologiquement une faute impardonnable, d’autres acceptent sa modernité et tentent d’en exploiter la richesse. Il devient ridicule quand on sent combien telle figure s’insérerait parfaitement dans un message de ne pas le faire de peur de paraître ringard.
Tout l’art de la chose consiste à jouer sur les degrés de décalage entre la valeur du smiley et le sens verbal du message qui l’accompagne.
En règle générale, plus l’adéquation entre message et smiley est forte, plus l’emploi du smiley paraîtra maladroit car redondant (à moins que le degré de compétence linguistique de l’énonciateur ne suffise à faire comprendre qu’il feint la maladresse).
C’est toute la différence entre deux réponses à une même question : la soirée s’est bien finie ?
Réponse 1 :    j’ai vomi :-(
Le smiley ne sert ici qu’à insister sur un état et souligne finalement la pauvreté du message.
Réponse 2 :   j’ai vomi :-)
L’apparente contradiction entre les deux enrichit alors considérablement le message.
Le côté gentillet crétin du :-)  peut également être détourné au profit d’une bonne vanne, de n’importe quelle blague atroce (par exemple tournant autour de thème comme la pédophilie) ou d’insanités totales.
- Tu me trouves comment sur la photo ?
- Encore plus moche qu’en vrai :-)
Un usage ironique des smileys a d’autant plus de force que l’ironie est un procédé de discours très élaboré – qui marque donc une forte capacité langagière à l’inverse de l’impression donnée par l’emploi des smileys (comme incapacité).

Le cas à part du ;-)

Le clin d’œil occupe une place à part dans la mesure où il n’exprime pas une émotion mais permet avant tout d’atténuer ses propos.
Retenez une règle simple : éviter au maximum de mettre un ;-)  dans un message ironique. Le propre de l’ironie étant d’être diffuse, un panneau « c’est de l’ironie » ne fait que souligner que vous n’étiez pas très sûr de votre effet. En clair, si vous recevez un message avec un ;-)  c’est soit que votre interlocuteur use d’une référence commune (il est dans une démarche de connivence, une tentative de rapprochement) soit plus généralement qu’il y a quelque chose dans ce message que vous auriez pu mal prendre (comme je l’ai employé dans la vanne sur les jeunes analphabètes).

Billet initialement publié sur Working girl

]]>
http://owni.fr/2010/04/21/style-et-smileys/feed/ 3