OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Téléperformance en ligne directe avec Ben Ali http://owni.fr/2011/07/11/teleperformance-en-ligne-directe-avec-ben-ali/ http://owni.fr/2011/07/11/teleperformance-en-ligne-directe-avec-ben-ali/#comments Mon, 11 Jul 2011 14:09:28 +0000 Guillaume Dasquié et Tarek Saidi http://owni.fr/?p=73353 teleperformance

À Tunis, depuis onze ans, la société Téléperformance gère les centres d’appels des clients français, par exemple Orange, SFR ou La Redoute. Bien souvent, quand vous appelez les services en ligne de ces opérateurs, c’est à un jeune salarié de Tunis ou de Sousse que vous parlez. Et pendant longtemps, ces interventions téléphoniques ont représenté un fructueux commerce pour la dictature tunisienne et pour Téléperformance – réalisées la plupart du temps sans que les clients de SFR ou d’Orange en soient informés.

Au point que Ben Ali en personne a élevé Jacques Berrebi, patron de Téléperformance, au rang d’officier de l’Ordre national du mérite tunisien, le 13 avril 2007. Hasard du calendrier, lors de la même cérémonie, Ben Ali agrafait la même médaille au veston de Belhassen Trabelsi, l’un des hommes lige de la dictature, parmi les plus impliqués dans des détournements de fonds publics. Ces honneurs ne doivent rien au hasard.

Sur place, Teleperformance s’est gravement compromis avec la dictature tunisienne lors d’un tour de passe-passe juridique, spécialement organisé pour l’entreprise française par le régime Ben Ali. Installée à Tunis dans le courant de l’année 2000, Teleperformance avait pris sur place le nom de Société tunisienne de télémarketing (comme le montre le document ci-dessous), et elle bénéficiait du statut de société offshore, puisqu’elle proposait des prestations commerciales à des personnes résidant en dehors de la Tunisie. À ce titre, le gouvernement Ben Ali lui avait accordé une première exemption fiscale pour une période de dix ans.

Dix ans de faveurs fiscales, renouvelables

Mais en 2010, ces faveurs fiscales prenaient fin. Qu’importe : pour les reconduire sur une nouvelle période de dix ans – et sans aucune raison objective – la dictature tunisienne a gentiment proposé aux actionnaires français de changer le nom de leur entreprise. La Société tunisienne de télémarketing (STT) est ainsi devenue la Société méditerranéenne de téléservices (SMT), entre le mois de juillet 2010 et d’août 2010. Permettant d’offrir aux amis français du pouvoir une nouvelle décennie défiscalisée.

La modification est intervenue dans le courant de l’été. En témoignent les feuilles de paie des mois de juillet et août 2010 des salariés tunisiens de Téléperformance, en charge de la clientèle d’Orange. Comme on peut le constater, ils sont rémunérés par la STT puis, le mois suivant, par la SMT (voir ci-dessous). La somme figurant sur ces feuilles de paie est en dinars tunisiens, soit 400 DT, l’équivalent de 200 € mensuel, pour un emploi à plein-temps confié la plupart du temps à des personnels d’un niveau minimum Bac + 3 (s’exprimant donc dans un français correct, sans accent manifeste).

Mais les bas salaires offerts par le marché du travail en Tunisie ne suffisaient donc pas aux dirigeants de Téléperformance. S’y ajoutait la volonté de gagner des profits sur le terrain de la fiscalité, quitte à passer quelques arrangements avec la dictature.

Au sein de l’administration tunisienne de Ben Ali, le transfert des salariés de la STT vers la SMT a même obtenu l’agrément de la part de la direction générale de l’Inspection du Travail. Ainsi que le montre ce procès-verbal du 21 juillet 2010 (voir ci-dessous). il stipule:

La partie syndicale accepte la mise en place des transferts des salariés de la STT vers la SMT et vice-versa, ceci [afin] d’optimiser l’organisation des deux sociétés, ces transferts pourront se dérouler à partir du 1er août 2010.

Nous avons tenté d’obtenir des explications de la part des dirigeants de Téléperfomance, sans succès. Nous nous sommes notamment entretenus avec Bertrand Derazey, patron de Téléperformance en Tunisie. Le 4 juillet, lors d’une discussion sur son téléphone portable, celui-ci nous avait confié qu’il s’agissait d’une « affaire sensible ». Il s’était engagé à nous recevoir sous 48 heures pour en parler. Depuis nous sommes sans nouvelle. La direction du groupe à Paris ne souhaite pas communiquer. Sans que l’on puisse connaître le motif de ce silence. Le risque de prolongements judiciaires, ou simplement la honte ?

Photo CC by nc sa Guillaume Dasquié

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Tunisair détournée de ses vols http://owni.fr/2011/05/18/tunisair-detournes-de-ses-vols/ http://owni.fr/2011/05/18/tunisair-detournes-de-ses-vols/#comments Wed, 18 May 2011 16:58:26 +0000 Guillaume Dasquié http://owni.fr/?p=63359 À Tunis, les comptes de la compagnie Tunisair occupent une bonne part des travaux menés par les 25 avocats tunisiens du Comité national de lutte contre la corruption ; qui se sont réunis lundi dernier, 16 mai. En marge de la conférence de presse qu’ils ont tenue à l’hôtel Golden Tulip de Tunis, plusieurs juristes proches du comité citaient en coulisses les multiples témoignages recueillis ces dernières semaines au sujet des opérations douteuses réalisées au préjudice de Tunisair. Certains de ces témoignages visent de grandes sociétés européennes, cocontractants habituels de Tunisair, comme OWNI a pu le constater sur place.

Dans un premier temps, les membres du comité préparent des dépôts de plainte contre les sociétés et les personnalités domiciliées en Tunisie. Ainsi, selon eux, plusieurs éléments montrent que la société privée Karthago Airlines aurait adopté une stratégie de prédation ; utilisant progressivement les actifs de la compagnie nationale pour développer ses propres affaires. Déjà soupçonnée d’avoir servi de vecteur pour l’enrichissement personnel des Ben Ali, Karthago Airlines est contrôlée par Belhassen Trabelsi, Aziz Miled, et par la compagnie Nouvelair ; comme le montre ce procès-verbal de trois pages (en arabe et en français) signé par les actionnaires.

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Les responsables de Karthago Airlines sont soupçonnés d’avoir profité de contrats de location des appareils de Tunisair à des prix très inférieurs à ceux du marché. Peut-être pour assurer des rotations avec l’Europe, en concurrence des propres lignes de Tunisair. Et les avocats du Comité national de lutte contre la corruption suspectent la société mère, Nouvelair, actionnaire de Karthago, d’avoir fait croître ses activités en détournant elle aussi les moyens de Tunisair.

La présence éventuelle de Nouvelair dans ces dossiers leur donnerait une portée internationale. Deuxième compagnie aérienne tunisienne, Nouvelair revendique plus d’un tiers de parts de marché depuis l’intégration des activités de Karthago, réalisé à partir d’août 2006 sur les conseils de la Compagnie Edmond de Rothschild (comme le raconte la page facebook de Karthago). D’autant que Nouvelair appartient pour sa part à une holding familiale, Tunisian Travel Service (TTS), elle-même sous la tutelle d’Aziz Miled et de ses enfants.

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Aziz Miled, proche de plusieurs industriels européens de l’énergie, de l’aéronautique et de la défense, demeure aux yeux de l’opinion française l’homme par qui le scandale est arrivé. Le 27 février dernier, Michèle Alliot-Marie avait été conduite à démissionner de son poste de ministre des Affaires Étrangères après les révélations du Canard Enchaîné au sujet des droits de construction sur des terrains, cédés aux parents de MAM par l’homme d’affaires tunisien. Qui fréquente depuis longtemps le gratin des décideurs français. Le 1er décembre 2009 par exemple, le patron de Tunisian Travel Service était reçu au siège de GDF Suez pour une réunion de travail…

Cliquer ici pour voir la vidéo.

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Les coordinateurs du comité des avocats annoncent que plusieurs plaintes devraient être déposées dans le cadre de ces diverses affaires en relation avec Tunisair, avant le mois de septembre. Contactés par OWNI, les dirigeants de Karthago Airlines et de Tunisian Travel Service n’ont pas répondu à nos sollicitations.

Photo  CC F. Pietro.

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Un avocat parisien menacé par le clan Ben Ali http://owni.fr/2011/03/24/un-avocat-parisien-menace-par-le-clan-ben-ali-trabelsi-montbrial/ http://owni.fr/2011/03/24/un-avocat-parisien-menace-par-le-clan-ben-ali-trabelsi-montbrial/#comments Thu, 24 Mar 2011 17:50:53 +0000 Guillaume Dasquié http://owni.fr/?p=53144 Selon des sources proches du procureur de la République de Paris, une information judiciaire est en cours au sujet de menaces de mort visant l’avocat parisien Thibault de Montbrial, en raison des dossiers tunisiens qu’il a défendus. Des rapports et des procès-verbaux de la Direction de la police judiciaire, consultés par OWNI, montrent que la Brigade criminelle enquête depuis plusieurs mois et soupçonne des proches du clan Ben Ali.

Les menaces remontent au 15 octobre 2010, quelques mois avant la chute de Ben Ali à Tunis. Prises manifestement très au sérieux par le parquet, elles ont entraîné l’ouverture d’une information judiciaire, le 21 octobre, confiée à la juge Michèle Ganascia. Une chronologie confirmée par l’avocat Pierre-Olivier Sur, chargé de représenter son collègue dans ce dossier :

C’est rarissime et c’est du sérieux. Thibault de Montbrial a fait l’objet d’une longue surveillance avant de recevoir ces menaces. Plusieurs témoins les ont détaillées. D’ailleurs, à la demande de la juge, un suspect est incarcéré depuis plusieurs mois.

Selon les procès-verbaux établis par la Brigade criminelle, ce suspect s’appelle Karim Mahjoubi. À en croire les différents témoignages recueillis, l’homme s’est posté face à l’avocat et a mimé un égorgement avec le tranchant de la main, après l’avoir attendu ostensiblement au pied de son immeuble durant plusieurs jours.

Interpellé et placé en détention provisoire, il a réfuté l’ensemble des griefs. L’enquête a cependant révélé plusieurs contradictions dans ses dépositions et a montré qu’il utilisait diverses identités, au moins six autres. Les policiers ont aussi établi qu’il profitait d’une véritable logistique lors de sa surveillance du cabinet de l’avocat parisien.

Motif des menaces ? La défense d’un homme d’affaires en disgrâce

Thibault de Montbrial (par ailleurs avocat d’un des salariés de Renault accusé à tort d’espionnage) a estimé que ces menaces pourraient être la conséquence de sa défense de l’homme d’affaire tunisien Ghazi Mellouli. Autrefois proche de la famille Trabelsi – du nom de l’épouse du dictateur – ce négociant a connu des aventures plutôt violentes après être tombé en disgrâce à la fin des années 90. Face aux enquêteurs, Me de Montbrial a livré les explications suivantes :

Mellouli reçoit des menaces de violences physiques (enlèvement et sévices) depuis septembre 2010 sur son téléphone portable, de numéros tunisiens (…) Pour bien comprendre la pression qui s’exerce autour de la personne de M. Mellouli, je vous précise que jusqu’à la fin des années 1990, il était en affaire avec l’un des membres les plus puissants de la famille Trabelsi (Moncef Trabelsi), et donc très proche du pouvoir. Ce proche associé a ensuite été retrouvé mort dans des conditions mystérieuses et de ce que j’ai compris de son histoire, Ghazi Mellouli s’est alors fait persécuter par le pouvoir tunisien, qui l’a ruiné et fait emprisonner pendant trois ans.

Pour l’avocat parisien, son client connaît intimement les dessous de la dictature tunisienne, susceptibles d’éclabousser plusieurs personnalités. Les menaces de M. Mahjoubi viseraient donc à le faire renoncer à défendre ce client.

À Paris, une structure clandestine pour les affaires du clan Ben Ali

Leïla Trabelsi Ben Ali

Lors d’un entretien, Ghazi Mellouli nous a expliqué comment l’appareil d’état tunisien avait entretenu à Paris, jusqu’en 2010, une structure chargée d’assister les affaires du clan Ben Ali en recourant à des organisations relevant du grand banditisme. À l’occasion, elles étaient aussi sollicitées pour des opérations d’intimidation.

À Tunis, plusieurs personnalités nous ont assuré que l’existence de telles pratiques était prise très au sérieux – notamment par des avocats membres du Comité de lutte contre la corruption, qui enquête sur les années de dictature. Sur place, nous avons également rencontré un entrepreneur du bâtiment à l’origine d’une des premières procédures pénales pour racket et corruption visant nommément cette même famille Trabelsi, sur la base d’une plainte déposée devant la Cour de Tunis.

Dans cette procédure, Fathi Dammak accuse Belhassen Trabelsi d’avoir tenté de le racketter puis d’avoir organisé l’enlèvement de son fils de 14 ans pour le contraindre à verser des pot-de-vin sur un marché immobilier. Les documents dont nous avons obtenu copie donnent crédit à sa version des faits. Réfugié au Canada depuis la chute de Ben Ali, Belhassen Trabelsi n’a pas indiqué s’il comptait se défendre devant les tribunaux tunisiens.

Crédit Photo FlickR CC : Abode of Chaos // Wikimedia Commons

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Comment Leila Ben Ali et les Trabelsi ont pillé la Tunisie http://owni.fr/2011/01/27/comment-leila-ben-ali-et-les-trabelsi-ont-pille-la-tunisie/ http://owni.fr/2011/01/27/comment-leila-ben-ali-et-les-trabelsi-ont-pille-la-tunisie/#comments Thu, 27 Jan 2011 13:03:31 +0000 Catherine Graciet http://owni.fr/?p=44138 En exil quelque part dans le Golfe persique et intriguant pour s’installer dans la Libye du colonel Kadhafi, l’ex première dame tunisienne, Leila ben Ali née Trabelsi, a réussi un tour de force : faire main basse sur la Tunisie en moins de 15 ans. Retour sur l’ascension d’une vraie mafiosa et de son clan, les Trabelsi.

Étape n°1 : Faire le vide autour de soi

Lorsque Leila Trabelsi épouse Zine el Abidine Ben Ali en 1992, la nouvelle première dame et les siens ne sont pas les bienvenus au Palais de Carthage. Et pour cause ! Quelques hommes liés au président Ben Ali se sont déjà mis à table. Leurs noms ?

  • Kamel Eltaïef, grand ami du chef de l’État que les Tunisiens surnomment le « président bis » car il convoque les ministres tous les matins pour leur communiquer leur feuille de route.
  • Marouane Mabrouk, qui a épousé l’une des filles que Ben Ali a eue avec sa première femme et qui, en guise de remerciement, héritera pèle-mêle de la concession de Mercedes à Tunis, du logement de fonction traditionnellement attribué au directeur de la Sûreté Nationale et d’une partie du Net tunisien qu’il gèrera en bonne entente avec sa femme.
  • Slim Chiboub, lui aussi gendre de Ben Ali, qui outre avoir présidé aux destinées de club de foot l’Espérance Sportive de Tunis, a réussi à installer un hypermarché Carrefour sur un terrain que les domaines de l’État lui ont rétrocédé à un prix symbolique.

A force d’intrigues de palais, Leila Ben Ali parviendra à mettre sur la touche tout ce beau monde. Un mystérieux incendie provoqué par des individus masqués ravage, une nuit de 1996, des entrepôts appartenant à Kamel Eltaief, soupçonné d’y entreposer des dossiers compromettants sur Leila. Le règne des Trabelsi vient de commencer…

Étape n°2 : faire fortune en pillant le patrimoine historique tunisien

Le clan de la première dame commence par jeter son dévolu sur des terrains appartenant à l’État, de préférence inscrits au patrimoine historique car ils ont une plus grande valeur marchande. La méthode employée est bien rodée :

  1. Faire déclasser le lopin de terre convoité grâce à un décret présidentiel de Ben Ali en personne.
  2. L’acquérir pour une bouchée de pain et de préférence à crédit en se promettant de ne jamais rembourser son prêt.
  3. Le faire déclarer constructible par les autorités compétentes.
  4. Le diviser en lots, y bâtir de luxueux immeubles.
  5. Revendre le tout au prix fort.

Si on ne compte plus les terrains que les Trabelsi se sont ainsi appropriés, certains scandales ont marqué les esprits : c’est le cas du parc du château présidentiel de Skanès, à Monastir. L’édifice est pourtant chargé d’histoire puisque au début des années 1990, le roi Hassan II du Maroc avait tenté de l’acquérir pour l’offrir à l’ancien président Bourguiba, destitué par Ben Ali en 1987, afin de lui permettre de finir paisiblement sa vie. Les Trabelsi-Ben Ali n’en ont cure. Le chef de l’État en personne fait déclasser le parc au profit des Trabelsi qui le divisent alors en lots de 600 m2 où des villas de standing sont construites. Choquant ? Ce n’est rien comparé au hold-up que le clan de Leila s’apprête à commettre sur de nombreuses entreprises tunisiennes.

Étape n°3 : mettre la main sur les entreprises des autres

Dans son entreprise de pillage de la Tunisie, Leila Ben Ali peut compter sur le soutien et la complicité sans faille de son frère aîné, Belhassen Trabelsi. Quelques jours à peine avant la chute du président Ben Ali, ce dernier annonçait encore qu’il prenait des parts supplémentaires dans une société d’assurances… Comme peuvent en témoigner de nombreux chefs d’entreprises, les méthodes employées par « Monsieur frère » relèvent de comportements mafieux. Par exemple, en 2006, une lettre anonyme – mais dont les auteurs sont parfaitement informés sur les turpitudes des Trabelsi – est postée sur le Net. Elle relate les malheurs d’un promoteur d’une université privée ayant eu maille à partir avec le frère de Leila : le pauvre promoteur en question « a eu le malheur de voyager en compagnie de Belhassen Trabelsi sur un vol de Tunisair et a eu la saugrenue idée de solliciter son intervention pour l’acquisition d’un terrain afin d’y construire le bâtiment de l’université. Il sera rappelé quelques jours plus tard par l’AFH (Agence foncière d’habitation) qui l’informe qu’un terrain de quatre hectares lui a été octroyé, mais au nom de Belhassen Trabelsi !»

Toutefois, le point d’orgue du parcours de « Monsieur frère » reste son arrivée comme actionnaire ou administrateur dans une société de bonne facture. Il l’a montré en 2008 dans l’affaire de la Banque de Tunisie. Avril 2008. Une certaine Alya Abdallah, épouse d’Abdelwaheb Abdallah, alors ministre des Affaires étrangères qui fait office de valet des Trabelsi, est nommée présidente de la Banque de Tunisie (à ne pas confondre avec la Banque Centrale de Tunisie dont Leila aurait allégé les coffres d’1,5 tonnes d’or). Alya Abdallah jouit pourtant d’une réputation sulfureuse. Alors qu’elle officiait comme présidente du conseil d’administration de l’UIB (Union internationale de banques), une filiale de la Société Générale, le très sérieux cabinet Deloitte avait refusé de certifier les comptes de la banque. Trop de créances douteuses ! Cette casserole n’empêchera pas Alya Abdallah de faire entrer le loup dans la bergerie dès sa prise des commandes de la Banque de Tunisie : elle se dépêche de nommer Belhassen Trabelsi comme administrateur. Aux dernières nouvelles, la banquière aurait été chassée de la présidence de la Banque de Tunisie par ses salariés.

Étape n°4 : nouer une alliance stratégique avec la grande bourgeoisie pour la neutraliser

D’origine modeste — son père vendait des fruits secs —, Leila Ben Ali aura eu une obsession tout au long de son règne : s’élever socialement. Son petit moteur à elle, qui lui fera emprunter une autre voie que celle des salons de coiffure auxquels la destinait son CAP de coiffeuse. C’est dans cette optique qu’elle arrange le mariage de sa fille Nesrine avec le jeune Sakhr Materi qui appartient à cette puissante bourgeoisie tunisoise d’origine turque et que l’on appelle les Beldis.

Le jouvenceau filait le parfait amour avec une autre ? Leila fait convoquer l’amoureuse éplorée au commissariat qui, à l’issue d’une garde-à-vue houleuse de 48 heures, préfèrera s’exiler en France, le cœur brisé. Sakhr Materi, lui, deviendra en quelques années, un véritable tycoon à la sauce tunisienne avec un penchant pour les produits à connotation islamiste. Il possède en effet la radio Zitouna qui diffuse des versets du Coran et la banque éponyme, le premier établissement bancaire islamiste du pays. Son mode de vie flamboyant est lui bien éloigné des préceptes du Coran même si le jeune homme est très pratiquant. Après avoir récupéré un vaste terrain à un prix ridicule, Sakhr Materi s’y fait construire une maison de 3000 m2 couverts incluant une mosquée et un zoo personnels. Le tout sera bien sûr foulé au pied (et son tigre tué) lorsque la foule s’en prendra aux biens mal acquis des clans du pouvoir lors de la révolution du Jasmin.

Étape n°5 : continuer de piller sans retenue

Seuls véritables maîtres à bord de Carthage dès 1998, les Trabelsi peuvent continuer leur entreprise de pillage sans la moindre retenue. Même Leila ne prend plus de gants. En 2007, la première dame inaugure l’École internationale de Carthage, un établissement privé du secondaire. Hélas, cette nouvelle école souffre de la concurrence d’une autre, autrement plus prestigieuse : le lycée Louis Pasteur créé par les époux Bouebdelli qui jouit d’une excellente réputation et que les rejetons de la nomenklatura ont l‘habitude de fréquenter. Qu’à cela ne tienne ! A force de tracasseries administratives, d’autorisations d’enseigner retirées du jour au lendemain et d’une épouvantable campagne de diffamation ciblant les Bouebdelli, Leila fera fermer le lycée Louis Pasteur. Écoeuré, son responsable, Mohamed Bouebdelli entre en résistance et écrit en 2009 un livre qui propose de construire une nouvelle Tunisie.

Étape n°6 : s’arranger en famille

En bons chefs de clan, le couple Ben Ali a toujours veillé à ce que chacun ait droit à sa part du gâteau. A ce titre, le partage du secteur des voitures importées, de préférence de luxe, est exemplaire. Ainsi, la société Ennakl qui distribue Audi, Volkswagen et Porsche a été privatisée au profit de « Monsieur gendre » alias Sakhr Materi. Belhassen Trabelsi, possède, lui, l’entreprise qui commercialise Ford et Jaguar. Un des gendres de Ben Ali, Marouane Mabrouk, détient l’entreprise Le Moteur qui a été privatisée à son profit et commercialise les voitures Fiat et Mercedes. Enfin, la société Renault-Berliet a été rachetée par les frères Mzabi, des alliés de l’ancienne première dame.

Alors que le système mafieux Trabelsi-Ben Ali est tombé, se pose maintenant la question ô combien épineuse de la confiscation de leurs biens mal acquis et de leurs avoirs disséminés à travers le monde. Un autre sujet…

Article de Catherine Graciet

Crédit Photo Flickr CC : / Gwenflickr / Wil- / Ocal

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