OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Internet, les origines http://owni.fr/2012/08/09/internet-les-origines/ http://owni.fr/2012/08/09/internet-les-origines/#comments Thu, 09 Aug 2012 12:07:47 +0000 Andréa Fradin http://owni.fr/?p=117779

Ouvrons ensemble le grand livre des Internets

[Lu sur le Wall Street Journal, Slate, LATimes]

Vautrés que vous étiez sur une plage de sable fin (ok, nous aussi), vous avez peut-être loupé l’une des dernières guéguerres en date sur Internet. A savoir : une lutte pour attribuer la paternité du réseau des réseaux.

Internet par la racine

Internet par la racine

Racine d'Internet par-ci, racine d'Internet par-là : mais c'est quoi ce bulbe magique générateur de réseau ?! Et pourquoi ...

Car pour certains, pas de doute, les entreprises privées sont les génitrices de ce bien joli bébé. “Contrairement à la légende, il ne s’agit pas du gouvernement [américain]“ peut-on lire dans le Wall Street Journal sous la plume de Gordon Crovitz, ancien du journal et aujourd’hui consultant média et nouvelles technologies.

Publiée fin juillet, sa tribune “Who really invented the Internet?” (“Qui a vraiment inventé l’Internet?”) attribue la paternité du Net à une entreprise made in USA, Xerox, à l’origine d’une autre technologie : Ethernet. Et réécrit donc au passage l’histoire communément admise, selon laquelle Internet découle des travaux menés dans les années 1960 au sein du DARPA (Defense Advanced Research Projects Agency), une agence du département de la Défense américain. Le fameux “Arpanet”, qui, s’il n’était pas à proprement parler Internet, n’en constituait pas moins un embryon, ainsi que le creuset de la communauté dont les travaux et les découvertes constituent le socle du roi des réseaux.

Un projet du gouvernement

Cette réinterprétation historique n’est pas passée inaperçue, suscitant une déferlante de réactions sur le Net en question. Cité comme référence dans l’article incriminé, le journaliste du LA Times Michael Hiltzik s’est inscrit en faux en réaffirmant dans un article que selon lui, “Internet tel que nous le connaissons est bel et bien né d’un projet du gouvernement.” Et d’ajouter :

Il est vrai qu’Internet a décollé après sa privatisation en 1995. Mais pour être privatisé, il faut d’abord appartenir à l’État.

Sur Slate.com, Farhad Manjoo se fait plus violent, écrivant que “quasiment tout l’article de Crovitz est d’une délirante ineptie” :

Il se trompe sur l’histoire de base, il se trompe sur les technologies qui définissent Internet, et, surtout, il passe à côté de l’importante interaction entre fonds publics et privés nécessaires à toutes les grandes avancées technologiques modernes.

Et le spécialiste nouvelles technologies du site de démonter point par point l’argumentaire de son ancien confrère. En profitant notamment pour rappeler qu’AT&T, gros bonnet des télécommunications américaines, s’était opposé à l’idée d’un ingénieur qui avait imaginé un réseau décentralisé, au fonctionnement rappelant étrangement Internet. Et Manjoo d’enfoncer le clou : “L’affirmation de Crovitz selon laquelle le gouvernement a ralenti le développement d’Internet est aussi complètement crétine. En fait, si vous voulez vraiment reprocher à quelqu’un d’avoir mis des bâtons dans les roues d’Internet, vous auriez tout à gagner en pariant sur la plus grande entreprise privée du pays —AT&T.”

Les commentaires sous l’article de Crovitz (comme sous celui de Slate) ne se veulent pas plus tendres, reprochant également la tonalité politique d’une telle tribune. Celle-ci se fonde en effet sur la critique d’une déclaration récente d’un Barack Obama en campagne :

Internet ne s’est pas inventé tout seul. La recherche publique a créé Internet, pour que toutes les entreprises puissent gagner de l’argent grâce à lui.

Soit un appeau à trolls de choix dans un pays où la libre entreprise est reine, et où le gouvernement est prié de ne pas fourrer son nez partout, et particulièrement dans le business, merci bien.

Au-delà de la bisbille politicienne, ce débat est surtout l’occasion d’ouvrir le grand livre des Internets pour mieux en comprendre les origines multiples et fascinantes. Slate propose d’ailleurs toute une tripotée de liens pour mettre à jour sa connaissance du réseau et je ne saurais que vous conseiller la lecture de Ruling the root, de Milton Mueller pour compléter ces -chouettes- devoirs de vacances.


Illustration CC FlickR : adriangonsalves

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Les barbouzes de l’e-réputation http://owni.fr/2012/04/24/une-cyberguerre-contre-usa-today/ http://owni.fr/2012/04/24/une-cyberguerre-contre-usa-today/#comments Tue, 24 Apr 2012 16:35:18 +0000 Rodolphe Baron http://owni.fr/?p=107570 USA Today ont été victimes d'une violente campagne de dénigrement sur Internet, afin de les décrédibiliser, avant publication de leur article.]]>

Aux États-unis, deux journalistes du quotidien USA Today ont lancé un pavé dans la mare. Ils affirment avoir été la cible d’une campagne de dénigrement visant à détruire leurs réputations professionnelles sur la toile. Leur tort, avoir enquêté sur des sociétés privées, suspectées d’être employées par le département américain de la défense pour mener une guerre de propagande.

Début 2012, Tom Vanden Brook et Ray Locker s’engagent sur un terrain miné : les campagnes de propagande menées en Afghanistan ou en Irak par des cabinets de communication spécialisés travaillant pour le Pentagone.

Ces “psyops” sont comparables à des opérations d’influence, voire de manipulation, réalisées auprès des populations des pays dans lesquels est déployée l’armée américaine afin d’influencer la population par le biais de messages de propagande voire de manipuler l’opinion public pour faciliter les opérations militaires. Les deux journalistes supposent que la facture de cette guerre de propagande pourrait être salée pour le contribuable.

Compte-tenu du secteur au sein duquel leur enquête évolue, les deux journalistes sont repérés dès les premières prises de contact avec les sociétés engagées dans le programme du Pentagone, comme Leonie Industries qui a passé de juteux contrats avec l’US Army. Le sujet est suffisamment sensible pour que soit décidé de calmer ces deux journalistes un peu trop fouineurs.

Ainsi, le 7 janvier dernier, seulement deux semaines après les premiers coups de fils, les sites TomVandenBrook.com puis RayLocker.com sont créés. Rapidement, des comptes Facebook et Twitter eux aussi faux, viennent compléter le dispositif de propagande.

Ceux qui s’en prennent aux deux journalistes possèdent suffisamment de compétences en informatique pour masquer leurs identités à grands coups de serveur proxy et utilisent des adresses fictives localisées dans le Colorado. Les deux faux-sites s’emploient à altérer les réputations des vrais Tom Vanden Brook et Ray Locker en les accusants de travailler pour le compte des talibans. Cette première “e-agression” confirme au tandem qu’il se trouve sur une piste certes sinueuse mais néanmoins prometteuse. Ils décident de poursuivre.

Devant la témérité des gêneurs, une deuxième salve est tirée sur Vanden Brook, le 8 février 2012. Une page Wikipédia portant le nom du journaliste est créée et relaye de fausses informations sur son passé professionnel en lui attribuant, à tort, “une notoriété mondiale” pour “sa désinformation” dans la catastrophe de la mine de Sago.

Six années auparavant, en janvier 2006, une explosion a lieu dans une mine de charbon à Sago en Virginie-Occidentale piégeant treize mineurs sous terre. Un rapport contenant des informations erronées est remis au responsable de la mine puis transmis au USA Today ainsi qu’au New York Times. Pris dans la confusion,Vanden Brook annonce que douze mineurs sont sauvés. En réalité, seul un mineur en ressortira vivant.

Pour parfaire la manoeuvre, les auteurs du stratagème utilisent le faux compte Twitter de Vanden Brook (@TomVandenBrook) pour simuler la réaction et la défense du journaliste au sujet de l’accusation en s’arrangeant pour l’enfoncer encore un peu plus. Contacté par OWNI, Ray Locker, nous a expliqué que sa hiérarchie lui avait demandé de ne plus s’exprimer sur cette affaire. Dans une récente interview, il déplorait la manière dont l’histoire a été utilisée pour nuire à Vanden Brook :

Ils se sont servis de cette affaire pour tenter d’ébranler sa crédibilité. En 30 ans, je n’ai jamais vu cela.

Les comptes Twitter, Facebook ainsi que tous les sites internet usurpant les identités des deux journalistes ont été fermés depuis. L’affaire pourrait remonter jusque dans les plus hautes sphères de l’Etat. USA Today n’exclue pas que les sites internet en question aient été lancés avec le soutien financier de fonds fédéraux. Un tel financement, en plus de poser la question des atteintes à la liberté de la presse aux États-Unis, violerait la loi fédérale américaine prohibant “la propagande à des fins domestiques”.

L’enquête des deux journalistes a été publiée le 29 février. Elle a révélé que le Pentagone avait versé des centaines de millions de dollars à ces entreprises privées pour qu’elles diligentent des opérations de “guerre psychologique“. Le Pentagone a assuré à l’AFP ne “pas être au courant” de telles activités de la part des contractuels qu’il emploit.

De son côté, Ray Locker préfère regarder cette affaire avec philosophie :

Je pense que c’est bien que nous ayons porté l’attention sur elle [la propagande NDLR]. Je suis content que les gens qui travaillent avec moi me soutiennent.


Illustration par PropagandaTimes (cc)

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La croisière s’amuse à Guantanamo http://owni.fr/2012/01/04/la-croisiere-amuse-guantanamo/ http://owni.fr/2012/01/04/la-croisiere-amuse-guantanamo/#comments Wed, 04 Jan 2012 16:50:32 +0000 Jean Marc Manach http://owni.fr/?p=92335 Cet article a logiquement été “augmenté” avec la bande son de “La croisière s’amuse“… mais avec un volume diminué, histoire de ne pas trop vous embêter; vous pouvez cela dit le diminuer, ou le couper, en cliquant là :

Le 25 décembre dernier, au petit matin, quelques enfants mêlés à des soldats déguisés en lapin rose ou en petit lutin ont distribué, alors que le soleil ne s’était pas encore levé, des chaussettes fourrées de Noël à ceux qui venaient travailler au centre de détention de Guantanamo. En 2010, ils avaient entonné des chants de Noël, en uniforme, mais avec des bonnets rouges à pompons, rempli plus de 1000 chaussettes (avec, notamment, des… cotons-tiges comme cadeaux), puis s’étaient vu offrir des dizaines de milliers de cookies par des petites filles scouts d’Amérique. En 2009, les enfants de Gitmo -le surnom de la base américaine de Guantanamo- avaient même eu droit à la visite du Père Noël.

Le Père Noël s’affiche également en “une” du numéro de Noël de Wire, le journal de la base de Guantanamo qui, sur sa page “Command Corner“, affiche une photo, et les meilleurs voeux, du “Joint Task Fore Guantanamo Command Leadership“. Et dans le numéro suivant, fêtant la nouvelle année, outre un reportage photo sur la distribution de chaussettes à Noël, on apprend que le père Noël est venu à Guantanamo pour organiser l’envoi de bidons d’essence en Afghanistan :


En page 4, un officier explique aux soldats comment identifier les déprimés, et aider ceux qui voudraient se suicider. En page 5, on découvre que les soldats “adoptent” des enfants de 7-8 ans dont ils deviennent des correspondants. En page 7, un reportage photo sur une partie de paintball où les soldats devaient capturer un père Noël et, en page 8, un compte-rendu des concerts qui se sont tenus au Tiki Bar de Guantanamo, suivi du programme des deux cinémas de Guantanamo (le soir de Noël, c’était Les Trois Mousquetaires en 3D au Camp Bulkeley et Alvin et les Chipmunks au Downtown Lyceum, le cinéma en plein air de 2500 places de Guantanamo), puis des horaires d’ouverture des différents bars et restaurants de Guantanamo (dont un KFC, un Pizza Hut, et un karaoké).

Sur la page consacrée aux voyages de presse organisés à Guantanamo, on apprend par ailleurs que les journalistes peuvent également y manger mexicain au Taco Bell, acheter un sandwich Subway, ou un burger au McDonald’s((D’après la BBC, des “Happy Meals” auraient ainsi été proposés aux détenus lors des interrogatoires…)). Pour dormir, par contre, les journalistes devront se contenter de tentes collectives. Les toilettes des journalistes sont elles aussi des tentes collectives, tout comme les douches, la buanderie, et la “tente de récréation“, qui accueille une table de pin pont, une télévision, un baby foot… Parce qu’on sait aussi s’amuser, à Gitmo. Dans un autre numéro de Wire, on découvre qu’à Guantanamo, on organise ainsi des concours de vitesse sur des petits vélos à pédales d’enfants…

Le package de “bienvenue à bord (sic) destiné aux nouveaux arrivants précise que le département “Morale, bien-être et loisirs” de Guantanamo permet aux soldats, à leurs familles et enfants de louer un vélo ou un bateau, de faire de la pêche en apnée, ou au harpon, du kayak, du bowling, du golf, du paintball, et bien sûr de la plongée. Car le gros avantage de Guantanamo, explique Adam Pop, président de Soldiers Undertaking Disabled Scuba, qui incite les militaires amputés au combat à se mettre à la plongée, c’est qu’on n’y trouve aucun touriste :

La page Fitness & Sports de la base navale de Guantanamo indique que les ligues “fun” de volleyball (beach ou pas), baseball, basketball, etc. sont ouvertes aux 4-14 ans, mais également, bien sûr, à leurs parents. Des fêtes familiales sont aussi organisées, à l’instar de cette régate de pirates qui permettent aux enfants de ramer avec maman ou papa sur des rafiots bricolés.

Signe que la vie de famille bat son plein à Gitmo, le numéro de juillet de la Guantanamo Bay Gazette, l’autre journal de la base militaire, nous apprend que, en un an et demi, 29 bébés sont nés à Guantanamo :

A Guantanamo, on peut aussi assister à de nombreuses soirées et spectacles : pour Halloween, un concours de sosies avait ainsi été organisé, avec de vrais sosies de Cher, Madonna et de Lady Gaga ; pour la fête de la bière, les soldats de Guantanamo pouvaient manger des saucisses, et assister à un concert de musique bavaroise :


Sur les 3465 photos, 607 reportages et 445 vidéos partagés par les communicants de Guantanamo sur Dvidshub.net (Defense Video & Imagery Distribution System), le site créé pour fournir aux médias du monde entier des reportages sur l’action de l’armée US, on trouve aussi des reportages sur le “bataillon de la beauté de Gitmo” (sic), qui propose massages et soins de beauté, la blanchisserie de Guantanamo, ou encore sur ces groupes de rock qui se produisent régulièrement sur la base militaire mais, par contre, beaucoup moins d’informations sur le quotidien des prisonniers.

Tout juste apprend-on qu’au camp Delta, il y a un baby-foot, des barbelés, et des pigeons, mais également une bibliothèque. Au camp VI, où sont réunis les prisonniers “coopératifs“, pendant la “récréation“, on peut jouer au foot ou faire du footing dans la cour, alors qu’au camp V, on peut faire du vélo d’appartement, entre autres instruments de musculation. Par contre, si l’on veut s’asseoir sur le canapé bleu, il faut accepter d’y être entrâvé par le pied, tout comme le sont aussi ceux qui s’assoient dans la salle commune :


A contrario, les soldats de Guantanamo courent beaucoup, un peu partout : non seulement à l’entraînement, mais également lors des nombreux courses de fond, souvent intitulées “fun run“, organisées pour aller courir avec leurs chiens, ou dans la boue, ou encore à l’occasion des nombreuses épreuves sportives ou évènements qui, régulièrement, permettent aux communicants de Gitmo de filmer les soldats témoigner de leur enthousiasme :

Pure propagande, dénonce Daphne Eviatar de l’ONG Human Right’s First, qui refuse, depuis des années, de participer aux visites organisées pour la presse au motif qu’elles visent surtout à présenter Guantanamo comme un lieu de vie fort agréable où les détenus font du sport, prennent des cours de dessin, corrigent leur curriculum vitae, vont chercher des livres à la bibliothèque (menottes aux mains), apprennent à utiliser les logiciels de Microsoft ou se font soigner les dents, ce qui “détourne l’attention sur le fait que ces gens sont emprisonnés indéfiniment, sans procès, totalement coupés de leurs familles et communautés“.

Dix ans après l’arrivée du premier des 775 détenus passés par Guantanamo, 171 hommes y sont encore incarcérés, déplorait récemment Amnesty International. Sur les 12 qui y sont internés depuis janvier 2002, 11 n’ont toujours pas eu droit à un procès. A l’occasion de cet anniversaire, l’ONG publie un rapport accablant (.pdf) sur les très nombreuses violations des droits de l’homme incarnées par le centre de détention de Guantanamo.

En attendant que les Etats-Unis se conforment enfin au droit international, on pourra toujours suivre les aventures de Gitmo sur tout ou partie des différents comptes créés sur les réseaux sociaux par les chargés de com’ de Guantanamo : YouTube, Facebook, Flickr, Twitter, ou Dvidshub.net.

La plupart de ces vidéos et photos n’avaient été visionnées, à ce jour, que par quelques dizaines d’internautes seulement. OWNI a donc décidé d’aider les services de communication de Guantanamo à les faire connaître du grand public. C’était notre modeste contribution à la guerre contre le terrorisme international.