OWNI http://owni.fr News, Augmented Tue, 17 Sep 2013 12:04:49 +0000 http://wordpress.org/?v=2.9.2 fr hourly 1 Webjam: le palmarès http://owni.fr/2010/06/07/webjam-le-palmares/ http://owni.fr/2010/06/07/webjam-le-palmares/#comments Mon, 07 Jun 2010 10:28:56 +0000 Léo Gourven http://owni.fr/?p=17670 La Webjam est le concours international de webdesign organisé par le WIF depuis maintenant 10 ans. Les 35 équipes finalistes (représentants 13 pays) avaient été sélectionnées parmi plus de 200 en compétition. Véritable concours marathon, les équipes ont dû en 24h (non-stop) proposer un concept de produit/de service et séduire un jury dirigé par Rémy Bourganel (Directeur Design et Expérience utilisateur chez Orange Vallée) à qui le choix du thème revenait. Le concept à développer qui était:

Je pense à toi“ : communiquer sa présence à un être cher, dans le contexte de la mobilité. Imaginez une palette de manifestations de la présence entre deux êtres chers au cours d’une journée.

Avant de vous présenter globalement les lauréats, il faut savoir que les réactions à l’annonce des résultats ont été pour le moins mitigées.

1er prix :

France

Bobbie Team – http://webjam.webdesign-festival.com/bobbie_team

La Bobbie Team a imaginé une feuille de papier à la fois tactile et connectée au web. Le projet vise à permettre à deux enfants de communiquer par le dessin (chaque enfant dessine sur sa feuille et peut observer ce que l’autre fait en retournant celle-ci).

2ème prix :

Brésil

Vitrolaspin – http://webjam.webdesign-festival.com/vitrolaspin

Le projet de Vitrolaspin propose aux couples de construire une BD comics en agrégeant « vignettes-messages » que l’on peut envoyer à sa compagne/son compagnon sur n’importe quel support (Téléphone portable, ordinateur, télévision etc) pendant son absence.

3ème prix

Japon

o(_____v(__w__)v___ _)_ – http://webjam.webdesign-festival.com/o(_____v(__w__)v___~_)_

Étrange projet que celui des Japonais. Il se concentre sur le partage des petits bonheurs (vous voyez une belle fleur, il fait beau, vous rentrez dans un jean 38, le vin est bon) que vous signalez en envoyant des points à une cagnotte en ligne. Pourquoi ? Pour lancer des discussions, retrouver des petits bonheurs selon l’équipe, retenir les choses positives.

Originalité

Norvège

Kaptein Internett – http://webjam.webdesign-festival.com/kaptein_internett

Un peu fouillis, le projet de Keptein Internet propose de nombreuses fonctionnalités mêlant le très mignon à l’horrible. Le service vous oblige entre autre à supporter en temps réel les plaintes de votre ami(e) en suivant son état (triste ou heureux). Horrible non ?

Malgré ce point, il y a d’excellentes idées dans le panel de fonctionnalités surtout en ce qui concerne l’utilisation de l’espace.Kaptein Internet qui vous permet de déposer un cadeau à votre ami(e) qui peut alors le retrouver, soit par géolocalisation (le cadeau est envoyé quand vous passez à un endroit déterminé) soit par réalité augmentée (vous recevez une notification du type « J’ai caché quelque chose dans l’appartement »).

Meilleur espoir

Argentine

Emedele – http://webjam.webdesign-festival.com/emedele

Concept très basique, une application mobile qui vous permet d’envoyer des médias (Liens, photos, vidéos) via un smiley un peu plus évolué. Que dire de plus ?

Prix du public

Italie

Ochodurando – http://webjam.webdesign-festival.com/ochodurando

La magie d’internet frappe sans s’y attendre, le projet italien de l’équipe Ocho Durando réussi à rafler le prix du public (votes en ligne) en imaginant un sextoy/objet de torture contrôlé par son être cher via le réseau. Le dispositif est composé d’une application mobile connectée au petit joujou qui est capable de décrire vos pensées. Votre ami(e) pense à vous ? Faites lui plaisir. Il/Elle regarde un fessier avec intérêt ? Faites le souffrir comme jamais. Du Lol en perspective !

Le Coup de coeur de la datateam d’OWNI :

France

Danka Studio – http://webjam.webdesign-festival.com/danka_studio/

D’une simplicité d’utilisation extrême, la force d’InTouch c’est de réduire le message à un simple halo lumineux. Le projet supprime toute la sophistication du langage pour se concentrer sur le touché. Beau et poétique, on adore.

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Vous pouvez accéder aux travaux de toutes les équipes sur le site du WIF.

Crédit Photo : Léo Gourven.

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Si vous vous intéressez aux médias, vous deviez être au Wif 2010 http://owni.fr/2010/06/07/si-vous-vous-interessez-aux-medias-vous-deviez-etre-au-wif-2010/ http://owni.fr/2010/06/07/si-vous-vous-interessez-aux-medias-vous-deviez-etre-au-wif-2010/#comments Mon, 07 Jun 2010 10:19:50 +0000 Caroline Goulard http://owni.fr/?p=17649 Mutations sociales, transformation des usages, tendances technologiques, nouveaux supports… tout cela a bouillonné sous le couvercle de la « soucoupe » qui accueillait le WIF (Webdesign International Festival). Et bien que n’étant ni graphiste, ni web-designer et encore moins développeur, j’y ai trouvé plein d’idées pour enrichir le débat sur l’avenir de l’information en ligne.

Un constat partagé : l’ « informationoverload »

Il faut savoir se plonger dans le flux...

Un grand nombre de conférenciers sont partis du même constat : nous vivons à l’ère du chaos informationnel. Avec la multiplication des sites web et de supports de consultation nous devons faire face à une surcharge informationnelle et étayer les soubassements d’une nouvelle économie de l’attention.

La problématique n’est pas nouvelle. Alvin Toefler y réfléchissait déjà dans les années 50, et Diderot même avait pris conscience au 18e siècle que l’on ne pourrait bientôt plus embrasser tout le savoir disponible.

Mais les réponses apportées, elles, changent.

Du designer interactif Benoit Drouillat à l’entrepreneur Jean-Noël Portugal en passant par le designer d’information Olivier Marcellin, la sémiologue Nicole Pigner, le spécialiste des jeux vidéos Sébastien Genvo, le designer d’interaction Antoine Visonneau et le fondateur de la licence Web-journalisme de l’Université de Metz Arnaud Mercier, tous ont, à leur façon, tenté de répondre à la question : « comment naviguer aujourd’hui dans la sur-information ? »


Adapter le design de l’information au potentiel interactif du web

Benoit Drouillat et Olivier Marcellin ont attaqué le problème par le design de l’information. Ils partent du constat que les sites d’information sont souvent mal conçus car leur mode d’organisation est directement hérité du journal papier : de longues pages pensées de manière verticale et figée, débordant d’information et de signaux, nécessitant parfois jusqu’à 8 scrolls pour être parcourues en entier. L’horizontalité n’y est pas exploitée, alors que nos écrans sont tous plus larges que haut ; les pages y sont statiques, se privant ainsi du potentiel interactif de nos supports de consultation.

Pour redonner au visiteur la maîtrise de son information, il faut adopter de nouveaux modes d’organisation. Permettre à l’internaute de sélectionner, de personnaliser, de gérer l’espace, de participer manuellement à l’organisation de la page d’accueil peut ainsi l’aider à gérer la densité informationnelle

La page d’accueil de CNN présente par exemple des onglets rétractables, que l’internaute peut ouvrir ou fermer à sa guise. Le Times Skimmer du New York Times a été construit comme un outil de consultation de l’information qui donne à l’internaute un rôle actif.

Là où l’empilement chronologique de blocs de texte donne une impression figée, ces nouvelles formes de présentation de l’information engagent l’internaute, l’amène à s’approprier son information.

L’internaute peut aussi être mis à contribution dans le design de l’information via les algorithmes sociaux. Le Guardian a ainsi crée une page d’accueil alternative, appelée Zeigeist, où les articles sont organisés selon l’activité sociale qu’ils ont générée.

Ces nouveaux modes de présentation de l’information favorisent aussi la sérendipité, l’exploration aléatoire des contenus.

Le plaisir de l’interaction entre l’usager et l’interface d’information

Deuxième clé d’entrée : les interfaces hommes-machines. Le numérique a fragmenté les pratiques de lecture entre une multitude de supports. Même la Wii permet aujourd’hui de consulter l’actualité. Il faut y voir une formidable opportunité de renouveler l’expérience de consultation de l’information.

En effet, Nicole Pignier nous apprend qu’entre l’usager et l’interface de consultation de l’information, il y a une vraie histoire d’amour. L’intuitivité des objets, leur interfaces tactiles, leur esthétique, déterminent la convivialité de nos objets d’information. La sémioticienne explique que la situation de proximité entre l’individu et l’objet est ressentie par la plupart des usagers comme une interaction nécessitant un investissement affectif et mental.

Lorsque le corps de l’Homme et la Machine deviennent partenaires d’une interaction partagée, une relation symbiotique se met en place. L’expérience de consultation d’information peut alors générer un plaisir proche de l’esthésie, qui provient du parfait ajustement du corps à l’apparail, et du sentiment pour un sujet d’être présent à l’objet, de l’apprécier.

Cette symbiose de l’utilisateur avec son support de consultation d’information peut favoriser des pratiques de lecture immersive, à l’opposé des pratiques de zapping, elle engage l’attention du lecteur.

Les contenus riches et un traitement rich-media

A l’opposé des pratiques de « canon à dépêche », Benoit Drouillat et Olivier Marcellin recommandent d’aller vers des contenus riches, susceptibles de créer des expériences d’information marquantes, différenciantes. Ils y voient une solution pour fidéliser les visiteurs d’un site et les inciter à y revenir plutôt qu’à en exporter les flux RSS.

(Les slides de la présentation de leur présentation sont disponibles sur le site de Benoit Drouillat)

Arnaud Mercier partage ce constat et met l’accent sur la formation des journalistes : ces derniers doivent désormais être polyvalents pour pouvoir manier le traitement rich-media, ils doivent être créatif et inventif, jongler d’une vidéo à un reportage séquencé, penser à décomposer une action en plan, savoir intégrer de la photo dans des supports mouvants ou animés, réaliser un montage sonore, etc.

Trop d'info tue l'info

La dataviz et la visualisation de l’information

Pour Antoine Visonneau, une des principales préoccupation des internautes est « s’y repérer ». Pour capter l’attention des visiteurs et les empêcher de quitter le site au premier clic, il invoque le pouvoir de la visualisation de l’information. Pour ce designer d’interaction, la visualisation est « la clé de l’illumination », les ordinateurs changent le monde car ils rendent la visualisation de données plus facile. Grâce à la visualisation de l’information, couplée à la puissance de calcul de nos machines, il devient possible d’extraire du sens à partir d’une situation chaotique de déluge informationnel.

D’ailleurs, Antoine Visonneau ancre sa définition de la visualisation dans la cybernétique : la visualisation partage des racines avec le mot « gouvernail », elle aide à gouverner en véhiculant du sens.

Arnaud Mercier entend lui aussi intégrer les problématiques de dataviz dans sa toute jeune licence Web-journalisme à Metz. Infographies interactives, cartes personnalisables, CAR (computer assisted reporting) : la ressource informatique est ici utilisée pour produire des contenus inédits mettant en scène de faon conviviale et attractive des données rébarbatives. D’ailleurs, il a annoncé la création prochaine d’une plateforme de visualisation de données au sein de l’Université de Metz.

Le news-gaming et l’expérience des possibles

Dernière approche, et sans doute la plus déroutante, Sébastien Genvo a démontré comment le news-gaming pouvait enrichir l’expérience de consommation d’information.

Les news games (ou jeux d’actualité) emploient les codes du jeu vidéo pour mettre en scène l’actualité de façon ludique. Ils peuvent se présenter sous forme de quizz, de mise en situation dans un évènement d’actualité, de jeux de rôle dans la peau d’un protagoniste, ou de paris sur l’actualité future.

Le site PlayTheNewsGame.com en donne un bon aperçu. Le news gaming doit permettre de tirer les expériences du jeu vidéo pour délivrer de l’information de façon pertinente, pour que les contenus présentés fassent sens et attirent l’attention de l’interlocuteur. Le New York Times avait ainsi développé un jeu mensuel, qui visait à mieux faire comprendre comment fonctionne la Food and Drug Administration aux Etats-Unis en permettant aux joueurs de s’essayer à gérer des flux de nourriture.

Sébastien Genvo part d’un constat évident : dans les journaux papier les casse-tête et autres mots croisés ont toujours été un formidable point d’entrée vers les articles.

A la différence de la presse, de la télé ou de la radio, le jeu est le seul média basé sur la stimulation de l’imagination plutôt que sur la représentation. L’attractivité des jeux, et leur particularité, résident dans la confrontation à  l’incertitude : jouer, c’est faire l’expérience des possibles. Pour que le jeu soit stimulant, le résultat doit être incertain. Sébastien Genvo y voit une caractéristique partagée par l’information. La valeur de l’information, comme celle du jeu, se mesure à l’aune de son incertitude, de son imprévisibilité. L’adage veut que les trains à l’heure n’intéresse personne. De même une situation totalement prédictible n’a aucun intérêt, elle ne génère aucune « news ».

Pour cet ancien game designer, rehausser la valeur de l’information suppose de faire l’expérience des possibles, de ce qui est en puissance dans l’information journalistique, grâce au jeu.

Imagine, test, lance et échoue

Pour finir, je vous propose les quelques mots de conclusion de Jean-Noël Portugal, entrepreneur, consultant, et professionnel des médias, qui intervenait sur les modèles économiques du web :

« Imagine, try, release, fail. But fail fast, modify and succeed »

Ses conseils s’adressaient aux start-up web, mais il me semble que les entreprises medias feraient bien de s’en inspirer également.

Illustrations CC Flickr par verbeeldingskr8 et John McNab

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Ce que nos technologies révèlent de notre société|| (et réciproquement) http://owni.fr/2010/06/07/ce-que-nos-technologies-revelent-de-notre-societe-et-reciproquement/ http://owni.fr/2010/06/07/ce-que-nos-technologies-revelent-de-notre-societe-et-reciproquement/#comments Mon, 07 Jun 2010 09:46:09 +0000 Caroline Goulard http://owni.fr/?p=17646

Stephane Hugon est sociologue à l’Université Descartes-Sorbonne et à Eranos, une société d’études qualitatives spécialisée les imaginaires sociaux contemporains. Vendredi 4 juin, il animait une conférence au WIF sur les mutations des univers sociaux et technologiques. Une heure de passionnante plongée dans l’inconscient collectif de nos outils techniques. Une fascinante réflexion sur ce que la technologie nous dit de notre société et ce que notre société induit pour nos technologies.

Vendredi matin, Stephan Hugon nous a raconté l’éternelle histoire de la poule et de l’œuf : qui apparaît en premier de l’innovation sociétale ou de l’innovation technologique ?

Nos ancêtres se sont-ils mis à construire des cathédrales gothiques parce qu’ils avaient découvert comment construire des monuments d’une hauteur majestueuse ? Ou bien ont-ils bâtis d’imposantes nefs parce que leur imagerie mystique et théologique avait changé ?

Comment faut-il interpréter le passage, dans les années 60, des massifs transistors de salon, devant lesquels toute la famille se regroupait, aux petites radios individuelles et portables ? Une simple conséquence de la miniaturisation des composants technologiques ? Ou bien un effet dérivé de l’esprit de subversion de la fin des années 60 ? Car, la fin des transistors de salons coïncide avec l’invention de la jeunesse, d’une génération qui a essayé de se soustraire au regard et aux goûts musicaux de ses aînés, et qui avait besoin de nouvelles technologies pour cristalliser ses aspirations.

Plus proche de nous, l’avènement du web 2.0 ne dépendait-il que des nouvelles interfaces qui ont permis à chacun de créer et échanger sans coder ? L’horizontalité promue par le web 2.0 ne découlait-elle pas aussi d’une transformation plus générale des structures de pouvoir (déclin de la figure du père, perte de recevabilité de la parole du prof ou policier) ?

Autrement dit, est-ce la technique qui détermine le social ? Ou est-ce le social qui détermine la technique ? C’est un puits de réflexion sans fin. Mais qui a des implications très concrètes pour tous les designers, entrepreneurs, et concepteurs de nouveaux produits. Car lorsqu’il s’agit de lancer un nouvel objet, un nouveau site, une nouvelle application ou un nouveau service, se pose forcément la question : « va-t-il être utilisé ? ».

Du mythe de l’offre créatrice du marché au consommateur tout puissant

La question « les consommateurs vont-ils se saisir de mon produit ? » est finalement assez récente. A la sortie de la Seconde Guerre Mondiale nous manquions de tout, il n’y avait pas profusion d’offres pour répondre à nos besoins, il suffisait à une entreprise de lancer un produit pour qu’il trouve son public, et la moindre percée technologique relançait le marché.

A l’ère du marketing de l’offre, la technologie détenait un certain aplomb sur les usages. Les usagers, plutôt dociles, étudiaient le guide d’emploi du nouveau magnétoscope ou du nouveau caméscope avant de les mettre en marche : la technologie valait le coup que nous apprenions à nous en servir.

Aujourd’hui, nos besoins matériels sont majoritairement satisfaits, l’innovation technologique est un processus continu et l’offre s’est tellement démultipliée qu’elle n’est plus assurée de rencontrer un public. D’ailleurs, nous ne lisons plus les manuels de nos ordinateurs et smartphones, la technologie se doit d’être intuitive pour avoir une chance de séduire, elle ne dicte plus les usages.

« Avant de penser technique, il faut penser social »

Dans un contexte où l’usager fuit si en deux clics il n’est pas satisfait d’un site, la question des usages et du social devient problématique. Il est désormais impossible de ne plus les prendre en compte au moment d’inventer de nouvelles technologies et de nouveaux produits.

Stephane Hugon nous propose alors de redéfinir l’innovation pour mieux prendre en compte ces nouveaux enjeux. L’innovation serait pour lui « la capacité d’un objet à se laisser approprier par un ensemble de personnes qui vont l’utiliser ».

Stephane Hugon admet bien sûr que les technologies disponibles structurent la manière dont le public se les approprie, que les mutations sociales et technologiques vont de pair et interagissent. Il souhaite cependant mettre l’accent sur les univers sociaux et les imaginaires psychologiques qui vont, à un moment donné, cristalliser avec les technologiques disponibles, pour permettre l’émergence de nouveaux marchés, de nouveaux produits ou de nouveaux usages. Son conseil : avant de mettre au point de nouvelles techniques, il faut commencer par regarder la société.

Une injonction d’autant plus pressante que, pour Stephane Hugon, notre imaginaire social est en pleine mutation, et que ces bouleversements ne sont pas sans effet sur la façon dont les nouvelles générations s’approprient les objets technologiques.

5 angles d’étude des mutations sociales et technologiques

Le sociologue nous a décrit une transformation radicale et profonde des représentations et des attitudes à travers 5 prismes : qui sont les usagers ? Quelles sont leurs voies d’expression identitaire ? Quelles sont leurs valeurs clés ? Quel est l’environnement technique pertinent et légitime pour leur société ? Quelle est l’esthétique sociale qui se déploie dans cette société, c’est à dire quels sont les codes qui font que les gens se comprennent et se sentent appartenir à une même communauté ?

Qui sont les usagers ?

Depuis les années 90, l’usager était considéré comme un individu rationnel, doté de valeur d’autonomie, d’indépendance, d’utilitarisme. Il répondait à la figure de l’adulte.

Aujourd’hui, l’individu rationnel n’est plus au premier plan. La figure de l’adulte s’estompe face à des références plus turbulentes ou plus féminines. « Dans le cinéma américain, on est passé de Rambo à Harry Potter » relève Stephane Hugon. Les utilisateurs se reconnaissent désormais dans des idéaux communautaires, ils s’organisent selon un mode relationnel, ils n’existent plus seuls.

La technologie d’aujourd’hui doit donc se faire vecteur d’imitation, de fusion, elle doit porter des espaces dans lesquels la subjectivité s’expérimente par et avec autrui. Quel que soit le modèle de votre téléphone portable, ce qui importe c’est qu’il vous permette de rester proche de ceux que vous aimer, par exemple. D’après Remy Bourganel, président du jury de la web-jam du Wif, il fallait voir là tout le sens du sujet sur lequel on planché les équipes de web-designer pendant 48 heures : “Je pense à toi”.

Quelles sont leurs voies d’expressions identitaires ?

Jusqu’à récemment, l’authenticité relevait de l’injonction morale: il fallait assumer son identité. Notre culture nous assignait à notre origine biologique et sociale.

Cette sédentarité identitaire est aujourd’hui remise en cause. Nous assistons à une fragmentation des formes subjectives, l’identité devient nomade. Les technologies jouent désormais un rôle de révélateur de notre multiplicité identitaire. Cela se traduit par l’usage de plus en plus courant de pseudos, d’avatars, sur Internet ; mais aussi par le passage du téléphone portable à l’internet mobile. Le portable fixe nos différentes identités dans un seul objet : nous y recevons des appels de notre famille, de nos amis, de nos collègues. Il produit des effets d’assignation identitaire, à la différence du web, qui permet de jouer avec différents masques simultanément, qui autorise le vagabondage identitaire.

Quelles sont les valeurs clé ?

L’idéal de maîtrise et de domination – de soi, des autres, du temps, de la nature – a alimenté nos valeurs occidentales depuis le 18e siècle et à déterminé nos postures de consommateur. Actuellement, de nouvelles valeurs percent cet imaginaire de domestication : le lâché-prise, la fluidité, l’animisme, la fusion.

Le rapport aux objets s’est transformé. Là où nous célébrerions les instruments dotés de qualités fonctionnalistes et utilitaristes, nous attendons désormais des objets agissant, se configurant eux-même, et parfois même, prenant des décisions à notre place.

Quel est l’environnement technologique pertinent et légitime ?

Nous sommes passés du culte de l’index à celui du pouce. L’index montre, il sert à dire le droit, à se distancer par rapport à l’autre, il s’assimile au bâton de pouvoir. Le pouce induit à rapport différent à l’objet, il va mettre fin à notre culture de la télécommande pour pousser des valeurs plus ludiques, des valeurs de fluidité et de proximité.

Les objets existent désormais dans la promesse d’un rapport à autrui, ils deviennent relationnels. Ils ne servent plus à rien sur le plan fonctionnel mais deviennent nécessaires sur le plan social et acquièrent des fonctions totémiques ou magiques, comme des parures. Les cadeaux virtuels échangés sur Facebook, les badges sur Foursquare en sont de bons exemples.

Quelle est l’esthétique sociale ?

Nous sortons progressivement du mythe du progrès, du culte de l’activisme pour aller vers des valeurs plus collaboratives et communautaires. La culture martiale de la réforme de soi-même perd de sa pertinence, les habitudes managériales des entreprises changent aussi avec l’apparition de concepts tels que le bottom-up ou le management par projets.

Quand hier la technique devait nous permettre d’augmenter notre distance par rapport au monde et par rapport aux autres, elle doit aujourd’hui véhiculer un esprit « wiki » et « mashup ».

Face à la démultiplication du savoir disponible et accessible sur Internet, nous ne connaitrons plus jamais la page blanche, nous ne partons plus de rien, nous ne serons plus jamais « le premier à ». La surcharge informationnelle nous oblige à travailler à plusieurs, à remixer ce qui a déjà été fait. La génération des digital natives, génération du spam, est en quête de pertinence et non d’exhaustivité, elle est habituée à rechercher la différence entre deux versions d’une même information, et non plus l’information en elle même.

Bien sûr Stephane Hugon n’a fait que dresser deux idéaux-type. Dans la réalité, les modèles cohabitent et glissent progressivement de l’un vers l’autre.

La brillante leçon de Stephan Hugon invite néanmoins tout entrepreneur à ne pas seulement étudier le marché, les besoins et les usages, mais aussi les valeurs ainsi que les imaginaires sociaux.

Illustration CC Flickr par m-c et Cristiano de Jesus

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