Le réchauffement à la recherche de ses icônes
Réalisé par l’agence Mother pour le compte du réseau Plane Stupid, un clip diffusé au cinéma et en ligne met en scène une pluie d’ours blancs sur une cité occidentale au passage d’un avion. Cette association incongrue est expliquée à la fin de la séquence: un vol européen émet en moyenne une quantité de 400 [...]
Réalisé par l’agence Mother pour le compte du réseau Plane Stupid, un clip diffusé au cinéma et en ligne met en scène une pluie d’ours blancs sur une cité occidentale au passage d’un avion. Cette association incongrue est expliquée à la fin de la séquence: un vol européen émet en moyenne une quantité de 400 kg de gaz à effet de serre par passager, soit l’équivalent du poids d’un ours blanc. Plusieurs éléments méritent ici discussion. Je laisse de côté le point accessoire de la manipulation des images qui, en plein débat sur la retouche photographique, n’émeut évidemment personne en vidéo. Plus intéressante est la volonté, ici particulièrement apparente, de “faire image”, dans le contexte du combat contre le réchauffement planétaire – une cause qui est encore à la recherche de ses icônes. L’image de la Terre vue de l’espace, qui a joué un rôle important dans l’installation de la notion de globalité planétaire, reste un support abstrait, trop symbolique et pas suffisamment charnel, de même que le graphique en crosse de hockey, autre succès incontestable de l’imagerie du global warming (voir ci-dessous).
C’est pourquoi on a assisté à la constitution d’un troisième faisceau iconographique, plus récent, autour du réchauffement des zones arctiques, avec les images de la chute de pans de glaciers dans l’océan,ou celles de la souffrance des ours blancs, menacés par la hausse des températures (voir ci-dessous).
C’est cette dernière référence, particulièrement forte sur le plan visuel, qu’exploite le clip de Plane Stupid. Ce qui frappe ici est la violence de la proposition narrative, comme si la faiblesse de l’énoncé “400 kg de CO2 par passager” devait être rattrapée par une surenchère émotionnelle, selon un schéma familier du storytelling politico-médiatique de la période actuelle. Comme dans les clips des campagnes institutionnelles contre le tabac ou la conduite dangereuse, la violence des images est ici légitimée par la justesse et la noblesse de la cause. Pourtant, cette fois, quelque chose ne fonctionne pas dans l’association acrobatique de deux univers si éloignés. Une connotation secondaire, l’évocation des chutes de corps du 11 septembre, vient parasiter le message d’une manière assez malheureuse. L’impression produite est forte, mais sa violence gratuite tombe à plat. La convocation de l’émotion se retourne contre les auteurs, dans un soupçon de manipulation partisane. Pas si facile de produire une image forte. Pour que celle-ci atteigne son but, il doit aussi s’agir d’une image juste, d’une proposition de récit cohérente, non d’un simple jeu métaphorique. Billet initialement publié sur L’Atelier des icônes.
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