To be or not to be a Tweet’ Journalist …
[...] Je suis sur Twitter, j'ai mon blog et je dirige tel un despote éclairé le service High-Tech et Médias d'un grand journal économique... mais en ces temps Darwiniens je me pose quand même quelques questions existentielles sur le futur de mon métier, voir son existence tout cours. Alors va pour la leçon de journalisme top connecté !
Chers confrères*, vous êtes devenus Twitter’addict ? Alors vous avez sûrement vu passer sur votre fil d’info préféré ce fameux billet de John Thompson intitulé “Ten things every journalist should know in 2010″… Le fondateur et animateur du site Journalism.co.uk a décidé de commencer l’année en nous donnant un cour magistral de journalisme 2.0. Une espèce de kit de survie pour plumitifs, à l’heure de la révolution digitale qui balaye une à une les rotatives sur son passage et envoie plus d’une carte de presse pointer au chômage et/ou chasser une pige de plus en plus rare. Avec 20 ans de carrière au compteur [amis djeun's j'ai commencé sur une machine à écrire (!), à une époque où le copier-coller se faisait à la colle et aux ciseaux (!!!) et où l'on commençait à peine à causer des "autoroutes de l'information" (sic !!!!)], je ne pouvais résister à la tentation d’un commentaire maison sur les 10 conseils de Thompson pour rester online. Bon OK, je suis sur Twitter, j’ai mon blog et je dirige tel un despote éclairé le service High-Tech et Médias d’un grand journal économique… mais en ces temps Darwiniens je me pose quand même quelques questions existentielles sur le futur de mon métier, voir son existence tout cours. Alors va pour la leçon de journalisme top connecté !
[*Pardon aux non-journalistes pour ce nouveau billet corpo mais en ce moment la profession est dans tous ses états numériques]
1) “Apprenons à nous servir de Twitter et des autres réseaux sociaux pour surveiller la breaking news ou suivre des échanges sur un sujet qui nous intéresse”, nous dit en substance Sir Thompson (il mérite sûrement d’être anobli)
Alors là je me dis j’ai tout bon ! Je ne dé-scotche plus de Twitter : le matin dans le métro en allant au boulot, la journée tout en écrivant ou réécrivant un papier, en conf de rédac sur mon iPhone, le soir en rentrant, et après devant la télé, jusque parfois dans le confort douillet de mon lit… Un vrai “NoLife” dirait ma fille aînée qui ne dit pas que des bêtises. Et de fait sur Twitter, je pêche de la hot news bien avant mes petits camarades qui – les ringards – scrutent le fil AFP comme on surveillait les boches en 40 sur la ligne Maginot. Je tweete aussi de l’info en temps réel comme Christophe Barbier en direct live de chez Sarko à l’Elysée. Je chope la source par le collet en “direct message” : “Allez avoue fais pas ton rat : info ou intox la faillite imminente de ton journal ?”. Et Hop au passage je fais la promo de mes papiers et de ceux de mes comiques troupiers de mon service ! Ca tweete et ça retweete. Rien que du bon trafic visiteurs uniques pour mon blog et notre site web. Le Hic c’est qu’au bout d’un moment on a les yeux carrés devant l’ordi ou l’écran de l’iPhone et que l’on perd un peu le sens de la réalité journalistique…et de la réalité tout court.
2) Cela tombe bien il faut “Garder le contrôle, ne pas devenir esclave de la technologie” nous enjoint notre professeur qui est apparemment passé par le stade Tweet’Zombie.
Comment ? En apprenant à trier, hierarchiser et filtrer l’information…leBa BA du journalisme quoi. Oui mais avec l’explosion des sources sur internet, les mails, les réseaux sociaux…on n’a jamais eu autant d’infos dans l’entonnoir qu’en ce début du XXIème siècle. Ce taquin de prof Thompson n’en dit pas beaucoup plus, si ce n’est : démerdez-vous ! Mais bon, il existe déjà pour Twitter plein d’applis genre Tweetdeck qui vous permettent de gérer l’info comme un trader speedé à la coke gérerait ses ordres d’achat et de vente.
3) “Devenez un documentaliste”... Pfff ! Toujours eu horreur de la paperasse. Ca tombe bien c’est de l’info dématérialisée… Mais bon il faut quand même penser à bookmarker la page Web bourrée de news, archiver le Tweet historique, classer sans l’enterrer au fin fond de son disque dur le scoop potentiel sur lequel il va falloir bosser… Conseils de Thomson : servez-vous de logiciels “collaboratifs” comme Publish2, Delicious et StumbleUpon… Vous les faites en français Monsieur Cadbury ?
4) “Rassembler une communauté et maintenir son attention”
Tu aimes ton métier de journaliste…mais tu as horreur de répondre au courrier des lecteurs ? Surtout quand tu te fais engueuler pour t’être trompé d’un zéro dans le chiffre d’affaires de Microsoft, qu’on raille ta naïveté pour t’être fait rouler dans la farine par une source manipulatrice – un certain Deep Throat - ou quand c’est ce vieil abonné obsessionnel qui te harcèle en tenant le compte de tous tes anglicismes… Et bien dommage coco : “Les journalistes ne pourront plus se reposer sur la marque de leur média pour s’attirer la fidélité des lecteurs” professe l’ami John. Traduction : au temps de la presse Web 2.0, on CO-MMU-NIQUE avec ses lecteurs internautes, on les drague, on les flatte, on les maintient en haleine, on leur donne de l’exclu personnalisée…sinon Pschiiiiiiit comme disait l’autre, ils vont voir ailleurs et ce n’est pas bon pour l’audience de ton .fr ! Donc pour ton matricule…
5) “Les compétences journalistiques de base restent essentielles“
“On peut acquérir autant de compétences en multimédia et en programmation qu’on veut, si l’on est incapable de raconter une histoire de façon exacte, personne ne voudra lire votre prose”, rappelle Doc Thompson plein de bon sens. Ouf me voilà rassuré ! Mais pour raconter de belles histoires à ses lecteurs encore faut-il décrocher de Twitter… pour décrocher son téléphone, sonder ses sources, sortir de son bureau open-space pour aller tâter du terrain et – au folie en ces temps de restrictions bugdétaires – s’offrir, pourquoi pas, un petit reportage pour à Hazebrouck où cette usine de roulement à billes va fermer direction la Roumanie. On bronze mieux devant les braseros des ouvriers passés en mode survie que devant l’écran de son ordi et le lecteur ne s’en porte pas plus mal quand il vous lit…
6) “Le journalisme a besoin d’un modèle économique”
En voilà une nouvelle ! Moi qui croyait que le temps des reportages à Vladivostok, des salaires royaux à signer quatre papiers par an pour 8 semaines de vacances, et des notes de frais “open bar” allait durer jusqu’à la fin des temps journalistiques… “Les journalistes doivent comprendre qu’ils ne travaillent pas dans un environnement clos, comme déconnecté du reste du monde économique” Pfff je croirais entendre mon patron. OK John on va y penser. Car de fait, en ce moment, la presse quotidienne a tout d’une Siderurgie 2.0 et je n’ai pas envie de finir aux Assedic ni d’humeur à tenter une reconversion en jeune forçat du Web. El problemo Juanito c’est que cela fait bien 10 ans que les journaux cherchent leur modèle économique sur le Web. Comment faire payer l’info à un internaute pour qui Internet est synonyme de conso gratuite et “happy hour” ? Et comment faire payer la pub en ligne a son juste prix quand l’annonceur sait les difficultés de la presse et vous tient par les xxxxxxxx ? Sans parler d’arriver à “taxer” Google…Pouf Pouf. Même “Citizen Murdoch” s’y est cassé les dents !
7) “Développer sa marque personnelle, se construire une réputation numérique”
Nous y voilà au fameux “personnal branding” qui transforme le journaliste en “marque” ou marchand (“Elle est pas fraîche ma nouvelle ?”) et fait grincer bien des dents dans les rédactions (Pour qui il se prend lui avec son blog ?). “Devenir omniprésent sur Twitter et Facebook, lancer son blog perso” comme le suggère l’ami Thompson…C’est souvent devenu le seul moyen pour les jeunes journalistes de se faire remarquer et de mettre un pied dans la porte d’une profession qui les voit de plus en plus en stagiaires éternels ou en “serial CDD”. Mais aussi une stratégie de survie pour les moins jeunes qui ne veulent pas finir comme les derniers dinosaures de la presse “old school” et aller pointer au chômage à 50 ans et moins. Le problème c’est que pour avoir une quelconque visibilité, il faut faire homologuer son blog par le média qui vous emploie et faire assaut de diplomatie et de manoeuvres byzantines pour qu’on vous l’héberge sur le site internet maison. Encore faut-il être dans les petits papiers si votre hiérarchie est, pour le coup, restée très PAPIER…Car à moins de squatter depuis des années les ondes et le petit écran dans le cadre du club très fermé des journalistes-chroniqueurs omniprésents, le journaliste n’est RIEN sans son média ! J’ai connu des grandes signatures de la presse quotidienne – qui ayant quitté leur journal à la faveur d’un plan social et penser pouvoir retrouver rapidement du travail sur leur seul nom – sont devenus invisibles et transparents du jour au lendemain pour toutes les lettres de l’Alphabet de leur carnet d’adresses…
8) “Collaborer d’avantage avec ses collègues”
Ouais je veux bien mais y a pas plus perso qu’un journaliste. Toujours vu les rubricards monter des sacs de sable et des barbelés autour de leurs sujets comme des GI’s qui garderaient un check-point Charlie à Bagdad…sans parler d’ouvrir leur précieux carnet plein de gorges profondes. Bon je fais exception à mes charmants collègues du service MediaTek des “Echos” sinon ils vont me lyncher en lisant ces lignes. Cela dit c’est vrai que sur Twitter on se parle plus entre journalistes et blogueurs, mais de là à s’échanger une bonne info…même pas en rêve coco !
9) “Un article n’est pas toujours terminé quand il est en ligne”
Oui bon c’est vrai il s’est passé deux trois trucs depuis que j’ai commis ce papier définitif sur la la Tablet d’Apple. Ah Steve Jobs l’a montré pendant que j’étais au fin fond de la cambrousse sans connexion internet…ils l’ont vraiment lancée aux US ? Alors actualisons, gommons au passage quelques erreurs et contre-vérités rédigées dans l’impatience et l’urgence de la mise en ligne…mais Attention à la cyber-patrouille : un bon journaliste online ne doit pas chercher “à enterrer ses erreurs” et doit même les “admettre honnêtement” pour gagner le respect de ses lecteurs. Mais où va-t-on s’il faut être honnête maintenant pour faire ce métier !
10) “La technologie est incontournable et il ne faut pas la craindre”
Et bien un grand MERCI au Professor Thompson pour qui “n’importe qui et à n’importe quel âge peut apprendre à maîtriser les bases” du journalisme 2.0. Je m’en vais Tweeter de ce pas ce billet pour faire profiter la profession déboussolée de vos conseils éclairés !
Jean-Christophe Féraud
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