Chatroulette : du pain bénit pour justifier la LOPPSI ?

Le 26 février 2010

Nouveau venu sur la soucoupe, Le Panoptique, comme son nom le suggère, s'oppose à la société de surveillance. Mais ce blog est aussi un moyen pour l'auteur de briser "ses propres barrières", qu'elle

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Phénomène ou mode passagère, le site chatroulette voit son nombre d’utilisateurs augmenter et (surtout) commence à beaucoup faire parler de lui sur les médias traditionnels. Cette notoriété grandissante me fait craindre une instrumentalisation des dangers liés à ce site par les défenseurs du filtrage du net et du projet de loi LOPPSI.

Pour ceux qui n’ont pas encore entendu parler de chatroulette, il s’agit d’un site web très simple qui permet de discuter en direct via webcam avec des internautes du monde entier de façon “aléatoire” (d’où le nom “chat-roulette”). Comme le démontre cet article de Vincent Glad sur Slate.fr, chatroulette semble être vite devenu un endroit où se mèlent (rares) discussions intéressantes et exhibitionnisme, où l’on risque à tout moment de tomber sur des images plus qu’inappropriées pour des mineurs. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle chatroulette fait parler aussi vite de lui dans les médias traditionnels, d’habitude peu prompts à parler des “phénomènes” issus de la toile avant qu’ils ne prennent une énorme ampleur. De plus, le site est relativement dépourvu de réels contrôle, modération ou avertissement : un clic suffit pour se connecter et risquer de tomber sur des images qui risquent de choquer les plus jeunes. Quelques phrases sur le site sont censées mettre en garde l’internaute mais on sait à quel point les pré-ados et ados respectent les interdits (surtout quand ils sont écrits en anglais).

Alors que le débat sur la LOPPSI n’est pas encore terminé (voté par l’Assemblée Nationale, le projet est désormais entre les mains du Sénat), les apôtres du filtrage du net pouvaient-ils rêver mieux pour prouver que l’internet est sale, capable du pire et qui doit absolument être filtré ?! L’existence d’un tel site peut vite devenir la preuve idéale et “irréfutable” des dangers d’internet pour le grand public. La preuve qu’il faut absolument que nos élus fassent quelque chose pour défendre nos enfants contre le grand méchant internet.

Et en effet, il n’a pas fallu attendre longtemps : tout à l’heure la secrétaire d’Etat Nadine Morano, interrogée par Canal plus à propos de chatroulette, parlait de “filtrage” pour protéger les jeunes contre les dangers du site. Nul doute que les interventions de ce type se multipliront dans les prochains jours et qu’il faudra redoubler d’efforts pour lutter contre le filtrage du net et expliquer que la censure n’est pas la solution contre ce genre de dérives du net.

Car si ces dérives sont bien réelles, elles ne justifieront jamais que nous déléguions la vigilance et la prudence nécessaires sur le net à une autorité supposée supérieure. On me rétorquera que certains parents n’ont pas forcément les compétences pour protéger leurs enfants. C’est pour cette raison que la lutte contre la fracture numérique devient si vitale à notre société, qu’il faut “éduquer” les citoyens à l’usage d’internet comme il faudrait les former à lire les journaux ou à regarder la télévision de manière critique. C’est aussi en favorisant l’accès à des outils libres et gratuits de contrôle parental. C’est sur ces pistes que devraient se pencher nos élus. C’est ainsi que doit répondre une société moderne à un problème contemporain et non en imposant une censure qui ouvre la porte aux pires dérives.

Article initialement publié sur Le Panoptique

Photo sur c a r a m e l sur Flickr

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