Dangers du Net : la curieuse leçon en uniforme de police
Au collège Béranger (Paris, 3°), les élèves ont eu droit à un discours caricatural sur les dangers de l'Internet de la part d'un policier en uniforme. Avec au passage, un rappel sur le piratage et le téléchargement illégal.
Au collège Béranger (Paris, 3°), les élèves ont eu droit à un discours caricatural sur les dangers de l’Internet de la part d’un policier en uniforme. Avec au passage, un rappel sur le piratage et le téléchargement illégal.
“Alors que le réseau a été envahi sans aucune entrave par une criminalité galopante et des marchands souvent peu scrupuleux, les enfants et les adolescents sont en permanence exposés à de graves dangers”.
Roger Gicquel est mort mais la France, que dis-je, le monde continue d’avoir peur. Ou plutôt, on l’incite à avoir peur par ce type de discours anxiogène et déformant, balancé sans le moindre chiffre susceptible de l’étayer. Lire une telle assertion est a fortiori dérangeant quand il émane d’un policier français en uniforme de la “mission de prévention et de communication” du 3° arrondissement de Paris, venu faire la leçon sur les dangers du web dans un établissement scolaire, en l’occurence le collège Béranger.
C’est la mère d’une enfant scolarisée dans cet établissement qui nous a signalé ces faits : “Ma fille m’a rapporté une notice de quatre pages intitulée “Les dangers de l’Internet” [le pdf est disponible ici > dangersinternet] ainsi qu’un marque-page “Internet en toute sécurité”. Les collégiens ont reçu ces documents dans le collège et en classe, des mains propres d’un policier (en uniforme) de la police nationale venu leur parler longuement sur ce sujet. C’est la deuxième fois qu’il viennent nous parler de cela en classe, me dit ma fille, une fois en uniforme et une fois sans uniforme.”
Le 25 mars, c’est au tour des parents d’assister, s’ils le souhaitent, à une rencontre au collège avec le policier, pour recevoir à leur tour un petit cours.
“Beaucoup de sites offrent des photographies et des vidéos qui peuvent choquer, troubler, blesser ou induire en erreur, un enfant ou un adolescent en quête d’informations.”
On pardonnerait la maladresse du propos si un chapitre “piratage et téléchargement illégal” n’était glissé au milieu de tout cela. Ah tiens, je risque un grave traumatisme psychologique ou physique si je télécharge illégalement ? Damned, je vais vite filer chez le médecin alors. Sous couvert de protection des artistes, on nous ressort l’antienne hadopio-loppsienne, dont on a largement expliqué ici les limites (euphémisme). Internet est dangereux, oui pour l’industrie du disque qui n’a pas su s’adapter.
Le meilleur arrive dans la conclusion :
“Cette notice [...] peut vous paraître alarmiste mais les dangers d’Internet sont réels, néanmoins il ne faut pas diaboliser le Web.”
Il y a un truc qui vous échappe ? Nous aussi.
Image Nad Renrel sur Flickr
Contactée, la mission prévention et communication du commissariat du 3° arrondissement nous a enjoint de passer par les voies légales classiques, en français intelligible le directeur de cabinet du préfet. Nous avons adressé nos questions ce mercredi le service presse par mail, la procédure habituelle.
Quant au proviseur du collège Béranger, Mme Civiale, elle explique, et on ne doute pas de sa bonne foi ni de ses intentions louables, avoir fait cela à la demande des parents, en concertation avec le CECS (comité d’éducation à la santé et à la citoyenneté), qui réunit parents, élèves. Ils auront été (mal) servis.
Pour vous remettre, (re)lisez l’analyse vivifiante de danah boyd sur Chatroulette, stigmatisant cette peur de l’inconnu véhiculée par les tenants de l’équation web = nid à dangers.
Laisser un commentaire