Bruit, rumeur et information
Ce 18 mars était une journée animée sur le front de l’info et du web à Rennes. A 11h39, une forte détonation a été entendue dans la ville et alentours. Le web local s’est enflammé. L’occasion de parler de bruit, de rumeur et d’information.
Ce 18 mars était une journée animée sur le front de l’info et du web à Rennes. A 11h39, une forte détonation a été entendue dans la ville et alentours. Le web local s’est enflammé. L’occasion de parler de bruit, de rumeur et d’information.
Il était donc 11h39 ce matin lorsque de nombreux Rennais ont entendu un gros boum, et pour certains, ressenti une vibration. Dès 11h41, un utilisateur de Twitter demandait si d’autres twitterers avaient entendu ce bruit. Il était retweeté à plusieurs reprises dans l’heure de midi.
J’étais à Chantepie, et moi je n’ai rien entendu. J’ai vu cette rumeur sur Twitter en début d’après-midi, qui m’a mis les sens en alerte… En effet, nous avons eu plusieurs cas similaires dans l’Ouest – avec au final des avions franchissant le mur du son – et à chaque fois, c’est une avalanche de réactions.
Rumeur ou information ?
Vu le tour que les choses prenaient sur Twitter, nous avons cherché à vérifier qu’il ne s’agissait pas d’un fake. Les nombreux tweets mentionnant l’explosion étaient pour l’essentiel des retweets provenant de deux sources. C’était un peu léger. Nous avons donc cherché à vérifier en appelant des connaissances résidant à l’est de Rennes. Dès le premier coup de fil, une personne de confiance nous a confirmé avoir entendu un boum suivi d’une vibration, en fin de matinée. Simultanément, d’autres personnes témoignaient sur Twitter.
Nous avons donc commencé par mettre en ligne un appel à témoin : « Avez-vous entendu un boum à 11h39 ? », avec les précautions du conditionnel (un bruit aurait été entendu…)… En dix minutes, nous recevons dix témoignages concordants, localisés à Rennes et ses environs. Il y a donc bien eu un bruit.
Nous avons donc augmenté la visibilité de l’appel à réaction, et sollicité les abonnés de notre base par un mail d’alerte, afin qu’ils témoignent. Ça c’est la moitié de notre travail de journaliste web. Dans le même temps, nous nous sommes efforcés d’accomplir l’autre moitié de notre travail : vérifier l’info et trouver l’explication.
Nous avons donc commencé par mettre en ligne un appel à témoin : « Avez-vous entendu un boum à 11h39 ? », avec les précautions du conditionnel (un bruit aurait été entendu…)… En dix minutes, nous avons reçu dix témoignages concordants, localisés à Rennes et ses environs. Il y a donc bien eu un bruit.
Nous avons ensuite augmenté la visibilité de l’appel à réaction, et sollicité les abonnés de notre base par un mail d’alerte, afin qu’ils témoignent. Ça c’est la moitié de notre travail de journaliste web. Dans le même temps, nous nous sommes efforcés d’accomplir l’autre moitié de notre travail : vérifier l’info et trouver l’explication.
Le réflexe traditionnel serait de chercher d’abord à identifier le pourquoi du bruit, pour ensuite rédiger un bel article et édifier les masses ignorantes en leur dévoilant l’origine du boum qu’elles ont entendu. Seulement, la réactivité du web rend aujourd’hui caduque la position des vieux médias (presse, radios, TV) quant à la gestion des rumeurs publiques. Auparavant, lorsque ces médias étaient les seules caisses de résonance, la rumeur restait cantonnée aux cafés du commerce. Maintenant, elle enfle publiquement à grande vitesse via les réseaux sociaux. J’estime que le journaliste ne peut plus prendre le temps de la vérification d’une rumeur dans le silence. Son existence même est une information.
Attention, je parle là d’une rumeur sur un fait survenu dans le domaine public (type « on a entendu un gros boum à Rennes »), pas d’un ragot. En l’occurrence, sans mauvais jeu de mot, il vaudrait mieux parler de « bruit » que de « rumeur », connoté péjorativement.
Nous avons donc naturellement invité nos internautes à parler de ce boum entendu et à livrer leurs témoignages, avant même d’avoir l’explication. Le rôle d’un site web d’info locale est d’être le lieu d’échange et de discussion, d’épanchement aussi pour tous ceux qui ont envie de dire « moi aussi je l’ai entendu ce bruit à 11h39 ! ». J’estime que le nombre de commentaires reçus légitime cette position (plus d’une centaine dans l’après-midi).
Le bruit reste un bruit
Une fois la machine à témoigner lancée, quasi en même temps en fait, nous nous sommes attelés à avoir l’explication de bruit. Les coups de fil au Réseau National de Surveillance Sismique et à l’armée n’ont pas permis de découvrir l’origine de ce boum, entendu de Bédée à Vitré, dans quasiment toute la partie centrale du département. Il faut avouer que nous n’avons pas le carnet d’adresse de certains, et peu de pratique des services de communication de l’armée de l’air. Et si nous sommes sûrs à 95 % qu’il s’agissait d’un avion franchissant le mur du son, nous n’avons pas de version officielle.
Nous avons reçu beaucoup de témoignages, il y a eu plein de tweets, mais comme le souligne très justement Alter1fo, c’était un peu « beaucoup de bruit pour rien » ! La plupart indiquent avoir entendu un bruit à tel ou tel endroit, mais rares sont ceux qui essaient d’ajouter une plus-value. Toute cette agitation 2.0 n’a pas permis d’avoir le pourquoi de la déflagration.
Ce n’était pas non plus complètement inutile. Certains internautes apportaient chez nous des éléments d’information intéressants (précédents de bangs supersoniques, couloirs aériens,…), et la variété des localisations géographiques permettait également de se faire une idée de l’étendue de la zone dans laquelle a été entendu le boum.
Mais le nombre des commentaires n’a pas permis d’avoir l’explication exacte. Et tous autant qu’on est, on attend de voir demain dans Ouest-France s’il y aura une version officielle… Pour l’instant, malgré nos efforts, le bruit est resté un bruit. Sur Alter1fo, du fait de l’absence d’explication, le bruit de ce matin est maintenu au grade de rumeur, dans le billet et dans certains commentaires. Comme s’il n’avait pas vraiment existé, malgré les témoignages.
Ça montre l’une des limites de l’info participative.
EDIT (19/03 – 11h00) : Dans Ouest-France ce matin, un entrefilet tout maigrichon, reprenant les infos ayant circulé en ligne sans mentionner leur origine. Et pas d’explication non plus. Ça montre bien les limites de la presse traditionnelle…
Billet initialement publié sur le blog d’Erwan Alix
Benoît Raphaël a rédigé récemment un billet sur Twitter et la rumeur à propos de “l’affaire Bruni-Biolay”
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