Arrêtez de taper sur le “diable” Facebook
En ce Quit Facebook Day, voici un billet dénonçant la curée qui s'abat sur le réseau social. Il n'est qu'un service, auquel nous ne sommes pas obligés de souscrire.
Il semble que la blogosphère se soit trouvé un nouveau méchant : Facebook. Cela aurait pu être Google, ou Twitter, mais il faut dire que Facebook avec ses intentions affichées de dévorer le web, la longue histoire qu’on lui connait vis-à-vis des manipulations des données utilisateurs [En], et l’origine trouble du service est un excellent client.
Les billets contre Facebook se multiplient. L’Electronic Frontier Foundation vient de publier une “Facebook Timeline” [Trad. fr Comment Facebook a bradé notre vie privée] . Ce n’est qu’est billet parmi d’autres car on a pu voir aussi passer des billets expliquant que “Facebook c’est mal” [En] appelant à détruire son compte Facebook tandis que d’autres donnaient les 10 raisons pour lesquelles il faut quitter Facebook. [En]
Le problème ? Facebook ne respecterait pas les règles les plus élémentaires en matière de “privacy” – entendez : vie privée. Facebook jouerait avec nos données et exploiterait sans vergogne nos vies sociales. Nos souvenirs de vacances, nos pensées, nos relations, nos coups de cœur et de gueule, tout cela, en définitive, ne servirait qu’à vendre du Coca-Cola.
Est-ce une si grande surprise ? Ne savons-nous pas que la gratuité de la plupart de ces services n’est qu’apparente et qu’il faut bien que quelqu’un paye la facture à la fin du mois ? Ne savons-nous pas que cette gratuité est la plupart du temps une étape préliminaire avant la mise en place d’un service “pro” c’est-à-dire payant ? Ne savons nous pas qu’il s’agit la plupart du temps d’obtenir la masse critique d’utilisateurs qui permettra au service de vivre ?
Mais l’Internet des réseaux sociaux n’est pas un espace que les digiborigènes possèdent en propre. Les serveurs appartiennent aux sociétés 2.0 et, effectivement, personne ne peut garantir les opérations qu’elles effectuent sur leurs machines. il faut rappeler ici l’adage pré-web : le problème est entre le clavier est la chaise. Personne n’est obligé de s’inscrire à un service. Chacun a le contrôle de ce qu’il met en ligne… Facebook n’est qu’un bac à sable, et nous n’en avons pas les clés.
Nous le savons, et nous avions comme tactique de passer d’une bêta à une autre à partir du moment où le service devenait payant. Il faut dire que l’environnement numérique offrait des services à foison et que beaucoup étaient redondants. La donne est aujourd’hui différente : les services sont devenus beaucoup moins nombreux, et notre mobilité est réduite d’autant. D’où le sentiment d’être piégés et l’affolement de quelques-uns. Mais nous avons toujours été dans la nasse.
L’ombre de l’Esclave 2.0 toujours plané sur le web depuis que les services sont devenus des enveloppes vides que les utilisateurs doivent remplir par leurs activités. Même du temps maintenant glorieux des forums, cette suspicion planait sur les groupes : sommes-nous ici pour que quelques-uns viennent profiter de notre travail ? Le web 2.0 a transformé en vertu ce qui était avant lui un usage problématique voire même anti-social. Nous verrons ce que ce fameux “contenu généré par les utilisateurs” deviendra à l’étape suivante.
La donne a changé et en grande partie grâce à nos usages de Facebook. Ce que nous considérions comme une information personnelle ou privée – aller à une réunion, préparer un anniversaire – est devenue une information à broadcaster. Nous nous sommes comportés comme des médias et nous avons ainsi contribué à faire de nos vies des informations marchandes. Tout, ou presque, est devenu partageable ; tout, ou presque, est devenu légendable. Ce faisant, nous avons redessiné les frontières du commun, du partagé, de l’intime et du privé.
Le web est à l’aube d’une nouvelle transformation. L’extraordinaire est qu’elle est initiée par une entité qui, il y a une poignée d’années, n’était qu’un trombinoscope pour étudiants. Avec l’Open Graph de Facebook, tout devient un objet social. Et, tout devient une donnée sur les serveurs de Facebook. Cela donne une emphase encore plus grande au fait que le cyberespace est un espace qui jamais tout à fait privé et jamais tout à fait public.
Je pense que nombreux sont ceux qui pensent que cette situation n’est qu’un pis-aller. D’évidence, Facebook rend des services, sinon il n’aurait pas autant d’utilisateurs. Y renoncer ne pas pas être facile car le service a sur se placer comme centre stratégique de la vie numérique. La question ne concerne pas seulement Facebook. Plus le temps passe, plus il devient impossible de ne pas avoir sur le réseau une image de ses actions dans le monde physique. Nous sommes en train de créer des doubles numériques avec lesquels nous devons apprendre à vivre. Beaucoup des questions que nous nous posons à propos de l’Internet reprennent l’imaginaire du double : Frankenstein, Dorian Gray ou Dr Jekyll et Mr Hyde en sont les figures.
Le point important est de redonner aux utilisateurs le contrôles sur leurs données. Pour beaucoup, l’hébergement de celles-ci sur des serveurs distants, qu’ils soient propriété de Facebook, Google ou Twitter est une aberration. Des solutions sont en cours de construction. Elles passent par la mise au point d’un format ouvert d’échange permettant à un utilisateur de passer sans difficultés d’un service de réseau social à un autre. L’avantage est de défusionner le service du réseau social : nous ne sommes pas attachés à Facebook comme marque, mais au réseau de relations que nous y avons créé. Movim est un des dispositifs qui explore cette voie.
Combien d’entre nous l’emprunteront ?
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Billet initialement publié sur Psy et geek ;-) sous le titre “Facebook n’est pas le mal” ; photo CC Flickr legofenris
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