Estonie: comment Internet est devenu un droit de l’homme

Le 8 juin 2010

Alors que l'Estonie s'apprête à rentrer dans la zone Euro, retour sur un des pays les plus connectés d'Europe.

L’Estonie est un des pays les plus connectés d’Europe et a rendu une large partie de son administration et de son économie dépendante des nouvelles technologies de communication. En découlent deux conséquences majeures : Internet devient un droit (de l’Homme) et la sécurité du réseau devient primordiale.

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En Estonie, on voit souvent Internet comme un droit de l’Homme. Cela peut paraître un peu étrange si on compare ce “droit” avec ceux énoncés dans la Déclaration des droits de l’Homme comme le droit à la vie, à la liberté, à la vie privée, à l’éducation, qui sont les exigences minimales de la justice, de la tolérance et de la dignité humaine.

Ce que l’on appelle la première génération des droits de l’Homme garantissent la vie et la participation politique. La seconde génération assure la subsistance des êtres humains, alors que la troisième génération est celle des droits de l’Homme collectifs, comme le droit à la paix ou à un environnement propre.

Un Etat connecté

En Estonie, Internet a été consciemment érigé en droit de l’Homme, le gouvernement voyant clairement comment créer une e-administration efficiente et rendre ces services disponibles pour tous, même dans les zones rurales.

Il a aussi reconnu le besoin du secteur privé d’être connecté au reste du monde. Des lois ont été promulguées pour appuyer cette idée. Par exemple, la loi sur les Communications Electroniques dispose que le réseau de téléphone public connecté à Internet doit être un service universel, disponible pour tous les usagers qui le souhaitent.

Il y a eu plusieurs programmes lancés pour équiper les écoles, les bibliothèques, les institutions gouvernementales et municipales d’une connexion internet et offrir leur services en ligne. Désormais plus de 150 systèmes d’information publiques existe, fournissant 1000 services différents.

La loi sur l’information publique dispose que toute personne doit se voir offrir la possibilité d’accéder à l’information publique via Internet dans les bibliothèques publiques. Virtuellement, toutes les transactions bancaires sont opérées via des canaux électroniques et l’administration publique se passe du papier.

Internet est devenu dispensable dans la vie quotidienne, et en Estonie, il garantit et facilite également la participation politique, l’éducation, la liberté d’expression, entre autres.

La question de la cyber-sécurité

Au moment de l’émergence d’Internet, les inquiétudes concernant la sécurité ont été simplement ignorées, et peu de gens pensaient à la protection contre d’éventuels abus. La question de la sécurité est venue plus tard, et les “cyber-incidents” ont attiré l’attention sur un nouveau problème: il faut sécuriser l’espace informatique d’une société dépendante du bon fonctionnement des technologies d’information.

Les attaques de 2007 menées contre les infrastructures d’information Estoniennes [NdT: cette année-là, le pays a été la cible de vastes attaques, pour en savoir plus], notamment contre des installations qui ont été qualifié plus tard d’essentielles, ont mis en évidence de nouveau scénarios, où la société d’information dans son ensemble pouvait être visée. La stratégie nationale de sécurité informatique reconnaît que l’économie toute entière pourrait pâtir des sérieuses conséquences en cas d’important dysfonctionnements, et Internet est considéré comme une infrastructure esssentielle.

Cette stratégie comporte cinq piliers destinés à renforcés la sécurité informatique : le développement et la large implémentation d’un système de mesures de sécurité, l’accroisement des compétences en sécurité infomatique, l’amélioration de son cadre légal, ainsi que le soutien et la coopération internationale. L’implémentation de ces mesures est visible, même si le détail des mesures n’est pas disponible au public.

Le secteur financier a des exigences de sécurité informatique plus strictes depuis cette année. ISKE (Système de protection informatique de base à trois niveaux [NdT : voir ici] est implémenté dans le secteur public, de nouveaux programmes universitaires en sécurité informatique ont débuté, des conférences sont tenues par la nouvelle institution de l’OTAN, le centre d’excellence coopératif de cyber-défense [NdT : Cooperative Cyber Defense Centre of Excellence, institution de l'OTAN installée à Tallinn qui planche sur les cyber-conflits, voir ici]. La promotion soutenue de la société d’information est désormais suivie par une action coordonnées destinée à sécuriser ce “cyber-espace” sur lequel la société repose.

L’omniprésence des technologies d’information fait d’Internet un droit essentiel

Est-ce possible alors de dire qu’en Estonie, l’accès à un cyber-espace sécurisé est un droit de l’Homme ? Probablement que cette nouvelle perception de la sécurité informatique va dans ce sens.

Certains e-services peuvent être considérés comme des droits de l’Homme de première et de deuxième génération, étant donné que le droit à l’information est prévu par la Constitution ou que la liberté d’expression et d’association sont fixées par la convention Européenne des droits de l’Homme. Considérant le poids de la banque électronique en Estonie, on pourrait en conclure qu‘Internet sous-tend l’économie toute entière et donc beaucoup d’aspects de la subsistance humaine en Estonie. Beaucoup de droits de l’Homme peuvent être exercés dans et grâce à Internet et la population a été incitée à le faire. Cependant, si un état promeut l’émergence d’une société de l’information, alors le cyber-espace doit être sécurisé, sans quoi de grands dommages pourraient s’ensuivre pour les citoyens.

De fait, l’état doit faire de grands efforts pour minimiser les risques et maximiser les bénéfices découlant de sa politique.

Certains, dont les comptes en banque ont été vidés par les cybercriminels savent qu’il est possible d’obtenir une compensation de leur banque. Par analogie, il serait intéressant de voir comment l’état pourrait assumer une quelconque forme de responsabilité, découlant d’un niveau de sécurité insuffisant ou d’un incident. La conclusion qui peut être tirée est que ce concept de droit à Internet évolue plutôt en Estonie vers un droit à un Internet sûr.
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Billet originellement publié sur Estonian Free Press, sous le titre “Internet As Human Right: This is Estonia!” -

Vous pouvez également aller lire cet état de lieu de l’avancement technologique de l’Estonie sur le site de la BBC, avoir un aperçu de l’ampleur de l’utilisation du WiFi dans le pays.

Traduction : Martin U.

Crédit Photo Flickr : CFarivar.

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